COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le procès-verbal de la séance du jeudi 19 décembre 2002 a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté.

2

DÉCÈS D'ANCIENS SÉNATEURS

M. le président. Mes chers collègues, j'ai le regret de vous rappeler le décès de nos anciens collègues Paul Pillet, qui fut sénateur de la Loire de 1974 à 1983, et André Jouany, qui fut sénateur du Tarn-et-Garonne de 1978 à 1986.

3

DÉCISIONS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettre en date du 27 décembre 2002, le texte de la décision rendue par le Conseil constitutionnel sur la loi de finances pour 2003.

Acte est donné de cette communication.

Cette décision du Conseil constitutionnel a été publiée au Journal officiel, édition des lois et décrets.

M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettre en date du 13 janvier 2003, le texte de la décision rendue par le Conseil constitutionnel sur la loi relative aux salaires, aux temps de travail et au développement de l'emploi.

Acte est donné de cette communication.

Cette décision du Conseil constitutionnel sera publiée au Journal officiel, édition des lois et décrets.

4

DÉPÔT D'UN RAPPORT

EN APPLICATION D'UNE LOI

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président de la commission permanente de contrôle des sociétés de perception et de répartition des droits le premier rapport annuel établi par cette commission en application de l'article L. 321-13-III du code de la propriété intellectuelle.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

5

ANNULATION DE L'ÉLECTION

D'UN SÉNATEUR

M. le président. En application de l'article 40 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, le Conseil constitutionnel a communiqué à M. le président du Sénat le texte d'une décision rendue le 19 décembre 2002 par laquelle le Conseil constitutionnel a annulé l'élection de M. Christian Bergelin, le 29 septembre 2002, comme sénateur du département de la Haute-Saône.

Acte est donné de cette communication.

Cette décision du Conseil constitutionnel sera publiée au Journal officiel à la suite du compte rendu de la présente séance.

6

VACANCE D'UN SIÈGE DE SÉNATEUR

M. le président. M. le président du Sénat a été informé par lettre du 23 décembre 2002 de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales qu'à la suite de l'annulation, le 19 décembre 2002, de l'élection de M. Christian Bergelin, sénateur de la Haute-Saône, le siège devenu vacant sera pourvu, selon les termes de l'article L.O. 322 du code électoral, par une élection partielle organisée à cet effet dans les délais légaux.

7

DÉSIGNATION D'UN SÉNATEUR

EN MISSION

M. le président. M. le président a reçu de M. le Premier ministre une lettre en date du 13 janvier 2003 par laquelle il a fait part au Sénat de sa décision de placer en mission temporaire auprès du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité M. Alain Gournac, sénateur des Yvelines.

Acte est donné de cette communication.

8

QUESTIONS ORALES

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

DÉPENSES DE RECHERCHE

ET DE DÉVELOPPEMENT MILITAIRE

M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte, auteur de la question n° 91, adressée à Mme la ministre de la défense.

M. Pierre Laffitte. Madame la ministre, je me réjouis, comme la majorité de notre assemblée, de l'augmentation du budget de la défense pour l'année 2003. Ma question porte essentiellement sur la partie recherche et développement de celui-ci.

Depuis dix-sept ans, je rapporte pour avis le budget de la recherche au nom de la commission des affaires culturelles et je suis régulièrement amené à constater que, contrairement à ce qui se passe outre-Atlantique, la part du budget militaire consacrée à la recherche diminue. C'est assez curieux, car la sophistication croissante des fonctions de défense devrait normalement s'accompagner d'une sophistication croissante des armes, et donc d'un accroissement des dépenses de recherche et de développement.

J'ai demandé, à l'occasion de la préparation de mes rapports, leurs avis aux responsables de la direction générale de l'armement, la DGA, et à plusieurs hauts responsables militaires, qui m'ont déclaré préférer acheter « sur étagères » certains produits et services. Bien entendu, ils procèdent aussi à des développements internes et collaborent avec le Commissariat à l'énergie atomique et le Centre national d'études spatiales, mais, d'une façon générale, ils ne considèrent pas que la notion de recherche duale puisse être appliquée en France, faute surtout de crédits mais aussi parce que cette notion ne correspond pas à notre politique.

Madame la ministre, ma question est très simple : compte tenu de la nécessité de renforcer le développement et la recherche dans le domaine militaire, envisagez-vous d'opter pour une stratégie et pour une politique différentes ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur le président, puisqu'il s'agit de la première séance du Sénat cette année, permettez-moi, en mon nom personnel et au nom du Gouvernement, d'adresser mes voeux pour 2003 aux membres de la Haute Assemblée.

Monsieur Laffitte, la recherche et la préparation de l'avenir sont en effet essentielles, et elles le sont tout particulièrement en matière de défense. Vous avez donc parfaitement raison : alors que nous entrons dans une programmation de production - nous en reparlerons cet après-midi puisque le Sénat entamera l'examen du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008 -, il est plus que jamais nécessaire de faire un effort.

Nous devons toujours nous projeter dans l'avenir et, je tiens à vous rassurer, la recherche et la préparation de l'avenir sont bien une priorité de mon ministère, priorité qui se traduira très concrètement dans la loi de programmation militaire puisque j'ai décidé d'inscrire dans celle-ci un effort financier significatif sur les cinq ans à venir, soit 3,8 milliards d'euros, ce qui représente une augmentation de plus de 16 % par rapport à la précédente loi de programmation militaire.

Grâce à cet effort, le différentiel entre le budget de la France et celui de la Grande-Bretagne par exemple sera pratiquement ramené à zéro au cours de la programmation. Bien entendu, nous serons encore loin de l'effort financier qui est réalisé par les Etats-Unis en la matière, mais nos pays n'ont pas non plus la même taille !

Je veux cependant vous faire remarquer que le différentiel qui a toujours existé ne nous a pas empêché d'être très performants dans divers domaines. Il suffit à cet égard de citer Airbus et Ariane, exemples qui montrent que nous sommes capables d'être en tête, même si globalement nos crédits sont moins importants.

Cela signifie simplement que nous sommes obligés de mieux cibler notre effort de recherche.

Un travail prospectif à trente ans, réactualisé chaque année, nous permet d'identifier les technologies qui nous seront nécessaires et, ainsi, de les inscrire dans le développement des futurs programmes. L'une des caractéristiques des programmes du ministère de la défense est qu'ils s'étalent souvent sur quinze ou vingt ans, et que nous sommes obligés de nous projeter très loin dans l'avenir.

L'accent est mis sur les technologies qui concourent aux moyens de communication, d'observation et de renseignement. Il est en effet essentiel pour notre indépendance nationale en matière de défense de disposer des éléments d'information qui nous permettent d'établir notre jugement et de faire nos choix.

Un effort portera aussi sur les systèmes de commandement et de moyens, autres éléments qui nous permettent d'être maîtres de notre politique de défense.

D'autres systèmes de force font également l'objet d'une attention toute particulière : la préparation de l'amélioration à mi-vie du M 51, la capacité antimissiles balistiques ou encore la furtivité des avions et des drones, qui devient une exigence dans les conflits modernes.

Enfin, si nous avons moins de crédits, nous devons les affecter de manière optimale. De ce point de vue, j'ai demandé à la DGA d'étudier avec les industriels les moyens d'optimiser les crédits puis de me faire des propositions.

Bien entendu, nous ne travaillons pas seulement dans le cadre national. Il est important de mettre nos efforts en synergie avec ceux des autres pays européens.

Dans le cadre européen d'une stratégie globale et cohérente indispensable et du programme baptisé European Technology Acquisition Program, un large partenariat a été instauré avec les industriels en mesure de concevoir des systèmes et d'y contribuer en tant qu'équipementiers.

Cette démarche s'appuie sur une étude conjointe qui a été lancée pour clarifier les besoins capacitaires de l'Europe à l'horizon de 2020, puis pour nous permettre d'identifier et de mettre en oeuvre les systèmes qui répondront aux besoins d'une défense nationale et européenne.

M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte.

M. Pierre Laffitte. Madame la ministre, votre réponse me confirme que nous nous trouvons à un tournant.

Nous sommes à huit jours du quarantième anniversaire du traité de l'Elysée signé par le général de Gaulle et le chancelier Adenauer - je m'honore d'ailleurs d'avoir reçu le prix de Gaulle-Adenauer - et il serait particulièrement intéressant qu'à cette occasion puisse être relancé en faveur de la recherche militaire européenne - terme pour l'instant banni des discours bruxellois - le moteur franco-allemand, d'autant que, dans ce domaine, la Grande-Bretagne a, pour une fois, une ligne de pensée militaire assez proche de la nôtre. Nous pouvons donc envisager de réunir au moins quatre ou cinq grands pays européens.

Cela nous permettrait non seulement de renforcer la sécurité du programme Galileo, que notre gouvernement a eu le mérite d'appuyer fortement, mais aussi de développer ce qui a fait la force de l'Amérique. On ne sait pas assez en effet que, pour la Silicon Valley comme pour la région de Boston, tout est parti de contrats avec le Département de la défense : ce sont ces contrats militaires qui ont permis de relancer la machine économique et stratégique.

Après tout, l'Europe est aussi puissante que les Etats-Unis sur le plan économique, et nous devrions tirer parti de cet état de fait. Quoi qu'il en soit, je vous remercie, madame la ministre, de votre prise de position ferme et claire.

M. le président. Madame la ministre, je vous remercie des voeux que vous avez adressés au Sénat. Je vous souhaite, au nom de notre assemblée, un parfait succès dans l'accomplissement de votre mission, et je vous remercie de votre présence parmi nous ce matin.

ORGANISATION DES ÉLECTIONS

POUR LES COMMISSIONS CONSULTATIVES PARITAIRES

DE LA FONCTION PUBLIQUE

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, auteur de la question n° 109, adressée à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.

Mme Nicole Borvo. Je souhaite attirer l'attention du ministre chargé de la fonction publique et la vôtre, monsieur le secrétaire d'Etat, sur les mesures réglementaires qui devraient à mon sens permettre aux personnels non titulaires de la fonction publique de participer aux commissions consultatives paritaires mises en place par certaines collectivités territoriales.

Ainsi, par deux délibérations adoptées lors de ses séances des 18 et 19 novembre 2002, le Conseil de Paris a créé une commission consultative paritaire compétente s'agissant des personnels non titulaires de la commune et du département de Paris.

Sur proposition des élus de mon groupe, le Conseil de Paris a émis le voeu que les emplois-jeunes, les contrats emplois consolidés, les CEC, et les contrats emploi-solidarité, les CES, ainsi que l'ensemble des emplois aidés - dont relèvent les agents non titulaires des deux collectivités parisiennes - puissent bénéficier de la mise en place de cette commission consultative paritaire.

Or l'article 8 du décret du 30 mai 1985 relatif aux comités techniques paritaires des collectivités territoriales et de leurs établissements publics exclut du corps électoral les agents non titulaires n'occupant pas un emploi permanent, ainsi que les agents de droit privé.

Jusqu'à présent, le ministère chargé de la fonction publique n'a pas modifié ces dispositions. Pourtant, un arrêt du Conseil d'Etat du 10 juillet 2002 a annulé les décisions implicites par lesquelles le Premier ministre a refusé de les abroger ou de les revoir. Le Conseil d'Etat fonde son argumentation notamment sur une directive européenne du 12 juin 1989 relative à la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des salariés au travail, en particulier par le biais des comités d'hygiène et de sécurité, dont l'action concerne l'ensemble des agents, qu'ils soient ou non titulaires.

Le Conseil de Paris a donc souhaité que le Gouvernement modifie le décret régissant l'élection des instances paritaires compétentes pour les collectivités territoriales, de manière que l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat soit pleinement appliqué à Paris. Cela permettrait aux différents personnels non titulaires des administrations parisiennes de bénéficier de la mise en place de la commission consultative paritaire que j'ai évoquée.

Par conséquent, monsieur le secrétaire d'Etat, j'aimerais savoir si le Gouvernement envisage de modifier les dispositions en question. Dans le cas contraire, pour quelles raisons juge-t-il pertinente la réglementation actuelle ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Monsieur le président, je voudrais tout d'abord former à mon tour des voeux de bonne année à l'adresse de la Haute Assemblée.

Mme Borvo a soulevé une question délicate et importante relative à la possibilité, pour des agents contractuels de la fonction publique territoriale, de prendre part aux élections aux comités techniques paritaires. Cette question apparemment technique est en fait essentielle, puisqu'elle concerne la représentativité des comités techniques paritaires et, par voie de conséquence, l'association des salariés à la définition des mesures visant à améliorer leur sécurité et leur santé au travail.

Vous avez fait référence, madame Borvo, à un voeu émis, sur l'initiative du groupe auquel vous appartenez, par le Conseil de Paris. Permettez-moi de rappeler que les fonctionnaires des administrations parisiennes sont régis par des dispositions particulières et que, pour l'essentiel, les textes relatifs à la fonction publique territoriale ne leur sont pas applicables.

D'ailleurs, qu'il s'agisse des administrations parisiennes ou des administrations d'Etat, les représentants du personnel au sein des comités techniques paritaires sont désignés librement par les organisations syndicales compte tenu du nombre de voix obtenues lors de l'élection des représentants du personnel aux commissions administratives paritaires. Il en est de même, sous certaines conditions, pour la prise en compte des résultats obtenus par les organisations syndicales en ce qui concerne les commissions consultatives paritaires, dont les compétences sont identiques. Sachant votre groupe très attaché au dialogue avec les syndicats, je ne doute pas que vous soyez très vigilante sur ce sujet !

Cela étant, quels sont les éléments juridiques du débat s'agissant de la fonction publique territoriale ? Comme vous l'avez rappelé, par une décision du 10 juillet 2002 « Fédération CFDT INTERCO », le Conseil d'Etat a jugé que le Gouvernement avait imparfaitement transposé la directive européenne du 12 juin 1989 concernant les mesures à promouvoir pour améliorer la sécurité et la santé des salariés au travail. Il a donc écarté comme non conformes les dispositions réglementaires qui excluaient certains agents contractuels, à savoir les agents non titulaires n'occupant pas un emploi permanent et les agents de droit privé, du corps électoral pour les élections aux comités techniques paritaires dans la fonction publique territoriale. Nous ne pouvons bien évidemment qu'appliquer cette décision.

Ce sujet intéresse au premier chef les organisations syndicales et exige un dialogue et une concertation approfondis. C'est pourquoi Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, a inscrit ce point à l'ordre du jour des négociations sur l'évolution de la gestion des ressources humaines dans les trois fonctions publiques qu'il a engagées avec l'ensemble des syndicats de la fonction publique.

C'est dans ce cadre que le Gouvernement ouvrira le débat sur les enjeux relatifs au dialogue social dans les administrations et que sera évoquée de façon très précise la représentation des agents non titulaires au sein des comités techniques paritaires.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo.

Mme Nicole Borvo. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de me renvoyer aux organisations syndicales ! (Sourires.) Je suis évidemment tout à fait favorable à ce que la question que j'ai soulevée soit débattue avec ces dernières, mais la situation demeure bloquée dans l'attente de l'issue des négociations. Quoi qu'il en soit, le ministère devra prendre un décret si un accord intervient avec les organisations syndicales.

Cela étant, qu'il soit bien clair que notre objectif n'est pas d'institutionnaliser la précarité ! Nous souhaitons au contraire permettre à des personnels qui ne relèvent pas du statut de la fonction publique et dont les effectifs, aujourd'hui importants, sont certainement appelés à décroître, à défaut, hélas ! de titularisation et d'intégration, de participer tout de même à la prise de décisions concernant leur vie quotidienne au travail.

En l'occurrence, la directive européenne qui a été évoquée me paraît aller plutôt dans le bon sens. Je tiens à le souligner ici, car cette directive européenne, indépendamment des questions de statut, tend à considérer que tous les agents employés par une administration doivent pouvoir être associés, en particulier, au fonctionnement des organes consultatifs sur les conditions de travail.

Je souhaiterais donc que la situation évolue rapidement, afin que nous puissions déboucher sur une issue positive en ce qui concerne les administrations parisiennes. Certes, comme vous l'avez relevé, monsieur le secrétaire d'Etat, la situation parisienne est spécifique, mais, pour l'heure, les titulaires d'emplois-jeunes ou d'autres contrats non permanents ne peuvent prendre part aux élections aux commissions consultatives paritaires. Telle est du moins l'interprétation de la loi retenue par les administrations parisiennes, et il serait dommage que cette situation perdure.

POLITIQUE EN FAVEUR DES ENFANTS HANDICAPÉS

M. le président. La parole est à M. Georges Mouly, auteur de la question n° 102, adressée à Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.

M. Georges Mouly. Madame la secrétaire d'Etat, comme tout un chacun, je porte intérêt à la situation des personnes handicapées, plus précisément à leurs choix de vie.

En préalable à la modernisation de la loi de 1975 - j'espère d'ailleurs que celle-ci fera l'objet d'une loi de programmation accompagnée de moyens -, vous avez déclaré, madame la secrétaire d'Etat, que, « à court terme, la priorité des priorités concerne les enfants handicapés et l'intégration scolaire dans les meilleures conditions ».

Il est vrai que, lorsqu'elle est possible, la scolarisation en milieu ordinaire représente bien la meilleure voie vers l'intégration sociale. Cependant, la réussite de cette politique d'intégration est directement liée aux moyens mis en oeuvre.

A cet égard, les auxiliaires de vie sociale constituent désormais un élément incontournable du projet éducatif de l'enfant ou de l'adolescent : M. le sénateur-maire de Brive et moi-même vous avons adressé deux courriers sur ce sujet en septembre et en octobre derniers. Lors de la discussion budgétaire, vous avez annoncé le maintien des postes créés au titre des emplois-jeunes jusqu'en juin 2003 ainsi que la création de cinq cents nouveaux postes au sein des associations. Voilà qui est bien, mais cela éclaire peut-être insuffisamment l'avenir. En effet, la mise en oeuvre de ces mesures restera encore soumise au dynamisme et à la bonne volonté des associations - celles-ci n'en manquent certes pas, au demeurant - avec une répartition inégale liée au degré actuel de structuration ou d'équipement des territoires.

Par ailleurs, dès ce mois de janvier, s'élaborent les projets pédagogiques et thérapeutiques des enfants handicapés intégrés à la prochaine rentrée scolaire ; pour certains d'entre eux, l'incertitude relative aux moyens d'accompagnement rend les prévisions particulièrement délicates.

Il est donc important, me semble-t-il, de préciser la ventilation des postes d'auxiliaire de vie sociale et de les pérenniser avant juin 2003, tout en leur conférant un statut. A cet égard, madame la secrétaire d'Etat, peut-on espérer que le groupe de travail que vous avez constitué rende rapidement ses conclusions ? J'ai appris tout récemment que votre collègue le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche avait confié à un député une mission sur l'intégration des enfants handicapés en milieu scolaire : je suppose qu'il y aura parfaite articulation.

Au demeurant, cette politique d'intégration ne peut être développée au détriment des moyens accordés aux établissements spécialisés, qui conservent toute leur raison d'être. Ces établissements, dans la plupart des cas, se sont d'ailleurs résolument ouverts au monde extérieur, et je sais qu'un travail en réseau se met en place entre établissements scolaires ordinaires et établissements spécialisés.

Ce principe, que vous avez vous-même réaffirmé, madame la secrétaire d'Etat, lors de la discussion budgétaire, est parfois quelque peu mis à mal en raison de l'absence de dispositifs ou de structures ad hoc.

Ainsi, il arrive souvent qu'un parcours d'intégration s'achève brutalement, non pas à cause de la faiblesse du potentiel de l'individu, mais parce que la structure ou le dispositif susceptible de l'accueillir est complet ou ne dispose plus de moyens de fonctionnement suffisants : c'est un constat que l'on peut dresser sur le terrain.

Dans mon département, la plupart des projets d'intégration sont liés à la prise en charge de l'élève par un SESSAD, un service d'éducation spéciale ou de soins à domicile. L'absence d'une telle prise en charge, qui laisse l'instituteur confronté seul aux problèmes quotidiens, est préjudiciable à la mise en oeuvre du projet d'intégration. Or les services fonctionnent souvent en sureffectif, leur agrément étant insuffisant, ce qui affecte lourdement l'équilibre budgétaire. Est-il concevable de réduire l'aide apportée par le biais de ce dispositif à la scolarisation, voire de la réserver à des prises en charge moins « lourdes », comme nous pouvons parfois être contraints de le faire ?

Il convient donc de doter les projets d'intégration des moyens qui permettront la réalisation des objectifs assignés au projet pédagogique, éducatif et thérapeutique pour la prochaine rentrée scolaire. Il me semble que, là encore, quelques zones d'ombre subsistent.

Vous avez déclaré, madame la secrétaire d'Etat, qu' « une meilleure intégration scolaire contribue davantage à l'épanouissement des enfants, les prépare ainsi à une vie adulte se déroulant au maximum dans un milieu ordinaire ». Cela suppose que cette intégration ne soit pas menacée par le couperet des « orientations par défaut » à l'issue d'un cycle.

A cette époque de l'année où de nombreux projets sont élaborés en vue de la prochaine rentrée scolaire, il serait pour le moins opportun - mais tel est sans aucun doute votre sentiment, madame la secrétaire d'Etat - que l'on puisse savoir quels moyens seront mobilisés.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi, à mon tour, de vous présenter mes voeux les plus chaleureux pour cette nouvelle année et de souhaiter que vous puissiez accomplir un travail très fructueux dans tous les domaines, en particulier dans celui dont j'ai la responsabilité, la tâche étant immense.

L'intégration scolaire, monsieur le sénateur, est une de mes priorités, je crois l'avoir dit depuis le premier jour. Les enfants ont l'obligation d'aller à l'école et l'éducation nationale a le devoir d'accueillir tous les enfants. Ils ont le droit à la scolarité. Celle-ci résulte d'une politique définie et mise en oeuvre, conjointement, je vous rassure, par le ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche et par le secrétariat d'Etat aux personnes handicapées.

Les réponses apportées doivent être souples et diversifiées afin que puissent être mis en oeuvre des projets individualisés correspondant au mieux aux besoins de chaque enfant.

Ces besoins peuvent être décrits selon trois axes principaux : pédagogique, éducatif et thérapeutique, l'importance de chacun de ces domaines variant en fonction des besoins de l'enfant considéré. Ils doivent être organisés dans le temps car il ne peut y avoir, vous l'avez dit et je partage votre point de vue, de discontinuité depuis l'accueil en maternelle jusqu'à la formation professionnelle ou universitaire, voire jusqu'à l'insertion professionnelle.

Vous abordez, dans votre question, des éléments qui me paraissent déterminants : il faut définir un projet pour chaque enfant et permettre la scolarisation de la plupart des enfants et adolescents ; l'école est le milieu naturel de cette scolarisation ; les auxiliaires de vie scolaire et les services d'éducation spécialisée et de soins à domicile, les SESSAD, doivent y contribuer lorsque cela s'avère nécessaire.

C'est pourquoi les conclusions du groupe de travail qui a été mis en place pour étudier la pérennisation du service rendu par les auxiliaires de vie scolaire sont attendues très prochainement, d'ici à la fin du mois, monsieur le sénateur. Mais, d'ores et déjà, le Président de la République a souhaité que le nombre d'auxiliaires de vie scolaire soit porté à 6 000 à la rentrée prochaine, ce qui renforcera notablement les moyens actuels.

Le nombre de places en service d'éducation spécialisée et de soins à domicile reste, je vous l'accorde, notoirement insuffisant. Il a tout de même progressé depuis de nombreuses années, puisque l'on est passé de 6 500 places en 1988 à 17 600 places en 1998. Des chiffres plus récents seront disponibles d'ici à deux mois. Mais tout laisse à penser que cette dynamique sera maintenue, voire amplifiée, car c'est nécessaire.

S'agissant des établissements médico-éducatifs, ils se sont ouverts - ils doivent continuer à le faire - pour faciliter, en particulier, l'intégration scolaire, notamment en développant des services d'éducation spécialisée et de soins à domicile, je viens de le dire. Ils doivent également s'attacher à recevoir les enfants les plus lourdement handicapés : trop d'enfants ayant d'importants troubles du comportement ou polyhandicapés, pour ne citer que ceux-là, ne pourront, on le sait, bénéficier d'un accueil à temps complet à l'école. Inversement, ils doivent, là où ils se trouvent, pouvoir bénéficier, quelles que soient leurs difficultés, d'un apport pédagogique, celui-ci devant être le plus adapté possible.

Il est nécessaire, aujourd'hui, de trouver des réponses pour des dizaines de milliers d'enfants pour lesquels l'orientation par les CDES, les commissions départementales de l'éducation spéciale, n'a pu aboutir. Aucun enfant ne doit rester sans solution. Monsieur le sénateur, je reviens d'un voyage éclair en Suède, au cours duquel j'ai visité un certain nombre d'établissements et observé les réponses qui étaient apportées au problème. En matière d'intégration scolaire, notamment, l'exemple de la Suède est très probant, et je compte m'en inspirer dans le projet de loi qui vous sera soumis prochainement.

Les instructions qui seront bientôt données aux DDASS pour la mise en oeuvre de la loi de financement de la sécurité sociale confirmeront les orientations que je viens de vous présenter.

M. le président. La parole est à M. Georges Mouly.

M. Georges Mouly. Madame la secrétaire d'Etat, je vous remercie de cette réponse détaillée, qui mérite d'être examinée attentivement. Les chiffres dont vous avez fait état révèlent le caractère concret de vos engagements.

J'ai noté que le secrétariat d'Etat aux personnes handicapées et le ministère de la recherche, de l'éducation nationale et de la jeunesse travaillent en parfaite coordination, mais le contraire m'aurait surpris. Qui ne pourrait souscrire à l'idée essentielle que sont les projets individualisés, allant jusqu'à l'insertion professionnelle ? Vous avez mentionné le point de vue du Président de la République. Elu de son département, je puis attester de la réalité profonde de cet engagement.

En cette période de voeux, permettez-moi, madame la secrétaire d'Etat, de vous souhaiter un plein succès dans l'exercice de vos lourdes responsabilités. Il s'agit d'un immense chantier. Pour le mener à bon port, vous pouvez compter sur le soutien de chacun d'entre nous.

PRISE EN CHARGE DES FRAIS DE RENTRÉE SCOLAIRE

AU TITRE DE L'AIDE SOCIALE À L'ENFANCE

M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, auteur de la question n° 110, adressée à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

M. Bruno Sido. Ma question, qui concerne l'allocation de rentrée scolaire, l'ARS, destinée aux enfants confiés aux conseils généraux au titre de l'aide sociale à l'enfance, s'adresse à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je vous remercie, madame la secrétaire d'Etat, de me transmettre sa réponse.

A l'heure actuelle, de nombreux parents dont les enfants sont placés chez des assistantes maternelles à titre permanent, employées par les conseils généraux, perçoivent l'allocation de rentrée scolaire versée par la caisse d'allocations familiales alors même qu'ils n'assument pas les frais de scolarité de leurs enfants. Parallèlement, certains conseils généraux, dont celui de la Haute-Marne, versent aux assistantes maternelles en charge de ces enfants une indemnité d'un montant équivalent à celui qui est octroyé par la caisse d'allocations familiales. Il s'agit, à mes yeux, d'une mesure d'équité. Ce versement n'est pas obligatoire. Ainsi, la collectivité publique peut être amenée à verser deux fois une allocation pour un même mineur.

Dans l'état actuel du droit, seul le juge des enfants dispose du pouvoir d'attribuer au département l'allocation de rentrée scolaire en faveur de l'enfant qu'il confie au président du conseil général, ce qu'il n'a pratiquement jamais fait jusqu'à présent.

Je souhaiterais donc connaître la position du ministre sur cette question et savoir si la législation et la réglementation en vigueur ne pourraient pas être modifiées de façon à permettre le versement systématique de l'allocation de rentrée scolaire à la collectivité gardienne et responsable de l'enfant, ce qui aurait un double mérite : simplification et économie des deniers publics. Cette mesure permettrait, en outre, d'éviter le dévoiement de cette allocation, qui s'apparente plus à une allocation de rentrée qu'à une allocation de rentrée scolaire.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. En premier lieu, je tiens à excuser M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille, qui aurait souhaité répondre lui-même à votre question, monsieur le sénateur, mais qui est retenu en cet instant à l'Assemblée nationale. Je vais donc vous faire part des éléments qu'il m'a chargée de vous transmettre.

Les parents des enfants confiés aux services de l'aide sociale à l'enfance, l'ASE, et placés en famille d'accueil sont tenus envers eux à l'obligation alimentaire prévue par le code civil. La participation financière exigée d'eux en pareil cas ne peut pas être inférieure au montant des allocations familiales proprement dites. A ce titre, les allocations familiales étant destinées à l'entretien continu de l'enfant, l'article L. 521-2 du code de la sécurité sociale prévoit le versement, au profit des services de l'ASE, de la part des allocations familiales due pour l'enfant placé.

Ce versement ne s'applique toutefois qu'aux seules allocations familiales, l'allocation de rentrée scolaire, au même titre que les autres prestations, échappant à ce dispositif.

En effet, actuellement, afin de préserver l'équilibre souvent fragile des familles concernées et de favoriser le retour au foyer de l'enfant, le bénéfice des prestations autres que les allocations familiales est, en règle générale, maintenu aux parents lorsque ces derniers conservent avec l'enfant les liens affectifs et éducatifs, situation que seul le service d'action sociale à l'enfance est habilité à préciser lorsqu'il accueille l'enfant. J'ajoute que dans le cas où aucun de ces liens n'est préservé le versement de l'ARS est purement et simplement supprimé, même s'il est vrai que le juge des enfants dispose du pouvoir d'attribuer au département l'allocation de rentrée scolaire, en faveur de l'enfant qu'il a confié au conseil général.

Mais il est tout aussi vrai que, généralement, le service d'aide sociale à l'enfance éprouve quelques réticences à constater la rupture de liens, rendant ainsi ces cas rares.

Le ministre délégué à la famille voit dans cette situation à tout le moins un paradoxe, auquel certains conseils généraux, dont celui que vous présidez, monsieur le sénateur, ont essayé de trouver une réponse, en versant aux familles d'accueil une indemnité d'un montant équivalent à celui qui est versé par les caisses d'allocations familiales. De fait, comme vous le soulignez, la collectivité publique peut ainsi être amenée à verser deux fois une allocation pour un mineur alors même que ses parents ne participent pas aux frais de scolarité.

Par ailleurs, il n'est pas inutile de rappeler que la jurisprudence tend à reconnaître, désormais, au tiers digne de confiance, le TDC, la charge effective et permanente de l'enfant qui lui est confié, comme le précise la circulaire n° 2002-032 de la Caisse nationale des allocations familiales.

Fort de ce constat et de ces évolutions, M. Christian Jacob, qui est sensible aux difficultés engendrées par cette différence de traitement entre allocations familiales et allocation de rentrée scolaire, mais dont on peut penser qu'elle vaut aussi pour d'autres prestations familiales, ne serait pas hostile à l'approfondissement de deux solutions potentielles qui exigeront, de la part de ces services, qu'il vient de saisir, une analyse.

La première solution reviendrait à faire entrer l'ARS dans la participation financière minimale exigée de la part des parents dont les enfants sont placés, telle qu'elle ressort de la loi du 21 août 1946, et ce au regard des évolutions de notre société vis-à-vis de la scolarité.

La seconde consisterait à explorer les voies de droit permettant de classer au rang d'allocataires les services de l'aide à l'enfance, au titre du statut de tiers dignes de confiances, voire les familles d'accueil.

Les conclusions de cette réflexion pourraient conduire le ministre délégué à la famille à proposer une modification législative sur ce point.

M. le président. La parole est à M. Bruno Sido.

M. Bruno Sido. Madame la secrétaire d'Etat, je suis très satisfait de cette réponse dont vous voudrez bien remercier M. le ministre délégué à la famille.

Le conseil général est effectivement un tiers digne de confiance. Il pourrait donc faire l'objet du traitement réservé aux TDC classiques. Quant à l'assimilation de l'ARS à une allocation familiale, c'est une autre solution.

Pour des raisons tant d'équité que d'économie, je souhaite que cette question soit réglée le plus rapidement possible.

GESTION DES COURS D'EAU

M. le président. La parole est à M. Bernard Piras, auteur de la question n° 97, adressée à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.

M. Bernard Piras. Madame la ministre, je voudrais attirer votre attention sur certaines dispositions de la loi sur l'eau, qui, de portée très générale, ne sont pas forcément adaptées à certaines catégories de rivière.

Il en est ainsi de la mesure aux termes de laquelle les prélèvements dans les lits des rivières, notamment de gravier, sont très limités. Cette règle, qui se justifie sans aucun doute dans certaines hypothèses, est inadaptée à la problématique des rivières de type méditerranéen et torrentiel comme l'Eygue, la Durance, l'Ouvèze, pour citer les plus connues.

Les riverains, et ou les communes sont tenus de redynamiser les bancs, par le passage d'un scarificateur, par exemple. Mais, faute de moyens suffisants, aucun revenu ne pouvant être tiré de ce travail d'entretien, cette redynamisation est de moins en moins effectuée.

La mutualisation des moyens sur les rivières nécessitera, hélas ! encore de nombreuses années, sans négliger les problèmes inhérents aux rivières constituant les limites administratives des départements et des régions.

La conséquence directe en est que les îlots se forment et se végétalisent. Cette végétation, plus ou moins dense, située dans le lit de la rivière, constitue à terme des obstacles qui favorisent l'érosion des berges, la divagation de la rivière et donc les risques d'inondation.

Dans le passé, des entreprises prélevaient ces atterrissements et dévégétalisaient ces îlots. Commercialisant ces prélèvements, elles réalisaient l'entretien nécessaire sans que cela grève le budget des collectivités ou des syndicats - donc des contribuables - gérant ces rivières.

Si l'on pouvait, tout en soumettant à un contrôle rigoureux les prélèvements, autoriser de nouveau cette solution, cela permettrait de remédier à la situation que nous connaissons actuellement, qui est source de risques importants. Une telle évolution serait en outre conforme à l'esprit de la loi sur l'eau.

C'est pourquoi je me permets de vous saisir de cette question pour savoir s'il est envisageable d'amender la loi sur l'eau dans ce sens.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. A l'occasion de cette première séance de questions orales sans débat de l'année, j'adresse, à mon tour, mes voeux à vous-même, monsieur le président, et à Mmes et MM. les sénateurs, ainsi qu'aux fonctionnaires de la Haute Assemblée.

Monsieur Bernard Piras, j'ai pris connaissance, bien sûr avec intérêt, de votre question relative à l'entretien régulier des cours d'eau dans le souci de prévenir les inondations.

Instruite par mes mandats locaux, l'un de mes premiers chantiers en arrivant au ministère a été, et cela ne vous surprendra pas, la prévention des inondations. L'actualité des crues dramatiques du Gard et des départements limitrophes (M. Bernard Piras s'exclame) démontre l'urgence de légiférer. D'ailleurs, le 3 janvier dernier, le conseil des ministres a adopté un projet de loi relatif aux risques technologiques et naturels.

J'y ai intégré des dispositions, dont un certain nombre reprennent les conclusions de la mission d'enquête parlementaire mise en place en 2001 à la suite des crues de la Somme dont vous vous souvenez. (M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer opine). Je souhaite en particulier que les moyens donnés aux collectivités soient complétés, notamment, par des procédures simplifiées, lorsqu'elles interviennent sur des cours d'eau dont elles n'assurent pas la gestion habituelle, en cas d'urgence pour la sécurité publique.

En ce qui concerne les extractions commerciales dans le lit mineur des cours d'eau, celles-ci, vous en conviendrez, ont été menées de manière excessive dans le passé...

M. Bernard Piras. J'en conviens.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. ... et ont provoqué un approfondissement du lit de nombreux cours d'eau, parfois jusqu'à dix mètres.

Cet approfondissement a souvent entraîné la déstabilisation de ponts, de digues latérales et d'ouvrages en rivière, ainsi qu'une accélération des crues qui peut encore avoir aujourd'hui de graves conséquences à l'aval. Je n'oublie pas, bien sûr, les phénomènes d'érosion rétrograde bien connus chaque fois que l'on approfondit le lit d'une rivière.

En application de la législation sur les installations classées, les extractions commerciales dans le lit mineur des cours d'eau sont interdites depuis l'arrêté du 22 septembre 1994, si elles n'ont pas pour objet l'entretien du lit mineur ou son aménagement. Les curages et dragages d'entretien restent donc possibles en étant soumis, vous l'avez rappelé, à la loi sur l'eau ou à la législation sur les installations classées en fonction de la quantité de matériaux extraits et de leur utilisation.

Pour les cours d'eau de montagne, la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de la nature prévoit, dans son article 29, une disposition particulière : une évaluation des excédents de débit solide doit être effectuée, par bassin de rivière, par les services de l'Etat.

Au vu de cette évaluation, le préfet peut accorder, après avis de la commission des carrières, des autorisations d'extraction lorsque est constaté un encombrement du lit de nature à provoquer des inondations. Les modalités d'instruction de ces autorisations ont été précisées par une circulaire du 9 mai 1995 prise par le ministre de l'environnement de l'époque.

En cas d'urgence motivée par la sécurité publique, les responsables de l'entretien des cours d'eau peuvent faire effectuer des dragages d'urgence sans procédure préalable, et notamment sans enquête publique, sous réserve d'en rendre compte ultérieurement à l'autorité administrative.

De même, aucune procédure préalable n'est requise, au titre de la loi sur l'eau, pour les opérations courantes de curage et de dragage des cours d'eau réalisées selon la technique dite « vieux fonds, vieux bords », c'est-à-dire lorsque ces opérations ne modifient pas la géométrie du lit des cours d'eau.

Comme vous le constatez, les textes élaborés en 1994 et 1995 offrent déjà des possibilités d'intervention répondant à vos attentes. Je souhaite que ces possibilités soient simplement utilisées, sans application extensive des textes.

M. le président. La parole est à M. Bernard Piras.

Je vous remercie, madame la ministre, de cette réponse parfaitement claire.

M. Bernard Piras. Il faut porter les possibilités offertes par les textes à la connaissance des collectivités locales et des syndicats de façon qu'ils puissent, en relation avec l'administration centrale, y recourir sans que se reproduisent les excès que nous avons connus.

RÉGLEMENTATION RELATIVE À LA PROTECTION

INCENDIE DES COMMUNES

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé, auteur de la question n° 32, adressée à monsieur le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

M. René-Pierre Signé. Ma question porte sur le problème que pose aux communes rurales l'application de la circulaire de 1951 qui prévoit que tout terrain situé à plus de 200 mètres d'un poteau d'incendie ne pourra pas bénéficier d'un certificat d'urbanisme favorable, sauf, pour la commune, à prendre en charge la réalisation de ce poteau.

Dans les communes ne disposant pas d'un plan d'occupation des sols, les règles relatives à la construction ont toujours été appliquées avec bon sens et avec une certaine souplesse par rapport au règlement national d'urbanisme et à la loi sur le mitage.

En zone rurale, les réseaux d'eau potable ne sont pas adaptés à la connexion à un poteau d'incendie compte tenu du diamètre, considérable, des canalisations et de la pression nécessaire. L'application stricte du texte ne permettra plus de construire dans nos petites communes, sauf à exécuter d'amples travaux d'adduction d'eau dont l'utilité serait douteuse ou à créer des réserves d'eau très coûteuses, d'autant qu'elles doivent être espacées et nombreuses.

Serait-il envisageable, monsieur le ministre, dans les territoires à faible densité démographique, d'appliquer avec souplesse la circulaire de 1951, d'autant que les corps des sapeurs-pompiers disposant de camions-citernes à forte contenance et à haut débit n'ont que très rarement recours aux réserves d'eau et aux bornes à incendie ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux à mon tour vous présenter mes meilleurs voeux. Je souhaite que l'année 2003 soit pour vous une excellente année sur le plan personnel et aussi qu'elle soit marquée par de nombreux et fructueux échanges entre l'exécutif et le législatif.

Monsieur Signé, la circulaire intérministérielle du 10 décembre 1951 traite de l'extinction des incendies dans les communes rurales et urbaines en envisageant l'ensemble des dispositifs auquel il peut être recouru. Toutefois, cette circulaire ne prévoit nullement de subordonner l'octroi d'un certificat d'urbanisme favorable à la localisation d'un poteau d'incendie situé à moins de 200 mètres d'un terrain.

De plus, la portée juridique d'une telle circulaire ne saurait subroger les règles nationales d'urbanisme en vigueur, notamment celles qui sont relatives à la desserte des constructions (et qui sont visées à l'article R. 111-4 du code de l'urbanisme.

Même si les techniques et les moyens de lutte contre l'incendie ont évolué depuis 1951, la circulaire propose des solutions toujours adaptées pour la mise en place d'une défense incendie dans les communes rurales à très faible densité de population et d'urbanisation.

Dans un tel cas, la circulaire n'impose pas la mise en place systématique de poteaux ou de bouches d'incendie - c'est-à-dire d'hydrants - sur le réseau de canalisation d'eau, lorsqu'il existe. L'installation d'hydrants de ce type dans les communes à habitat dispersé représente un coût très élevé et hors de portée de communes disposant de faibles ressources financières. La priorié est alors donnée à l'utilisation de points d'eau naturels utilisables en permanence ou, à défaut, à l'aménagement de réserves artificielles en des endroits judicieusement choisis par rapport aux bâtiments à défendre. L'aménagement de tels points d'eau permet d'ailleurs d'assurer une défense suffisante contre un risque moyen situé dans un rayon de 400 mètres.

Dans chaque commune, la défense contre l'incendie, placée sous l'autorité du mairie de la commune au titre de ses pouvoirs de police administrative, doit être réglée au niveau local en partenariat avec les sapeurs-pompiers et le distributeur d'eau. Pourra ainsi être retenue la solution technique la plus adaptée au risque présent. De plus, une étude hydraulique peut être réalisée par le service départemental d'incendie et de secours. Elle permet aux élus de planifier l'équipement des infrastructures hydrauliques de leur commune en disposant d'un avis technique adapté.

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé.

M. René-Pierre Signé. Je vous remercie, monsieur le ministre, de cette réponse, qui ne me surprend d'ailleurs pas. Je me suis aperçu que cette circulaire n'était pas appliquée de la même façon dans tous les départements. Ainsi, dans la Nièvre, elle est appliquée par la direction départementale de l'équipement avec une rigueur qui me paraît un peu excessive.

Bref, même si les orientations du texte sont bonnes, l'application qui en est faite est parfois contestable.

Ainsi que vous l'avez souligné vous-même, monsieur le ministre, les dépenses sont trop lourdes : il ne peut être question de doubler les canalisations d'eau potable ni d'installer une réserve d'eau tous les 200 mètres.

Je vous remercie également d'avoir confirmé que les SDIS devaient systématiquement être consultés en cas de doute.

Ainsi, dans de nombreuses communes rurales ou semi-urbaines, bien des dossiers conflictuels pourraient trouver une issue conforme à l'avis des maires. Je crois que votre réponse, que je ne manquerai pas de leur communiquer, les satisfera.

AVENIR DES PHARES

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel, auteur de la question n° 55, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. M. Pierre-Yvon Trémel. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur un sujet que vous connaissez bien : l'avenir des phares.

Outre leur rôle en matière de navigation, et malgré l'existence, aujourd'hui, d'autres systèmes de signalisation, sonore ou lumineuse, les phares constituent un patrimoine bâti tout à fait remarquable et précieux. Certains sont même allés jusqu'à les appeler les « palais de notre littoral ».

La préservation et la mise en valeur des phares est une nécessité : vis-à-vis des générations futures, nous avons le devoir de préserver ces monuments irremplaçables.

En application du plan de modernisation des phares, le précédent gouvernement avait attribué des dotations spécifiques pour la remise à niveau d'un certain nombre d'établissements de signalisation maritime.

En 2000, il avait en outre lancé des études sur le patrimoine que constituent les phares et les instruments de signalisation maritime et confié à l'Ecole nationale des ponts et chaussées une mission qui devait déboucher, à la fin de 2001, sur un rapport d'étape.

Les résultats de ces différentes études devaient permettre de dresser un état des lieux ainsi que de définir une politique adaptée et ambitieuse de protection et de mise en valeur de ce patrimoine tout à fait remarquable.

Ces conclusions devaient également nous conduire à mener une réflexion sur le système de gestion à adopter, sans doute en collaboration avec les collectivités locales et les associations, afin de préserver nos phares et de les rendre accessibles à tous, au même titre que tout monument historique.

Je souhaite donc, monsieur le ministre, que vous fassiez le point sur les résultats des études conduites par le ministère et par l'Ecole nationale des ponts et chaussées. Je saisis également l'occasion que me donne cette question orale pour vous demander quelles orientations vous entendez suivre concernant l'ensemble du dossier des phares.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Je ne suis pas surpris que l'élu des Côtes-d'Armor qu'est M. Trémel se préoccupe des phares, car ils sont nombreux dans son département.

Je rappelle que l'on compte en France 159 phares dont 139 en métropole.

Vous avez raison, monsieur le sénateur, de souligner l'importance de ce patrimoine, et il ne me paraît pas excessif d'employer, au sujet des phares, l'expression de « palais du littoral ».

Il est tout à fait nécessaire de prendre en compte, outre les impératifs techniques de signalisation maritime, la conservation d'un bâti qui présente souvent des caractéristiques exceptionnelles, justifiant par là même l'intérêt que lui manifeste le public.

La priorité d'utilisation des crédits mis en place par mon ministère portant sur la création et la maintenance des aides à la navigation, des ressources complémentaires doivent être mobilisées pour assurer la visite des phares. Une réflexion est en cours à ce sujet mais plusieurs actions ont d'ores et déjà été lancées. L'objectif est de disposer, avant le milieu de l'année 2003, des éléments permettant de définir une véritable politique.

La première de ces actions s'inscrit dans le cadre d'une convention signée avec le ministère de la culture - ce qui souligne l'aspect patrimonial des phares - qui vise à réaliser un inventaire des 139 phares métropolitains.

Cet inventaire a pour objet d'établir, pour chaque phare, un triple état des lieux : sur le plan technique ; sur le plan historique et architectural ; au regard de l'ouverture au public.

L'inventaire des phares concerne aussi l'ensemble des objets qui se trouvent à l'intérieur de chacun et les éventuels bâtiments annexes. Ce recensement est réalisé à l'occasion du passage dans les subdivisions territoriales d'un consultant qui présente l'action, sensibilise les responsables à l'objectif recherché et, compte tenu de ses connaissances du domaine, peut repérer des objets intéressants.

L'utilité d'une action concernant les archives a en outre été reconnue.

D'autres actions seront également entreprises dans le cadre de cette coopération, qui concernent d'autres éléments du dispositif de signalisation maritime : les petits feux, les signaux sonores, les bouées, etc.

Pour les deux autres aspects, des fiches sont aussi établies selon un modèle standardisé.

L'inventaire est terminé : l'utilisation des informations recueillies est en cours. La deuxième action concerne les visites des phares. Une étude menée par l'Ecole nationale des ponts et chaussées, et qui consistait en un recensement et une analyse de conditions d'exploitation des visites dans les phares, dans le cadre d'un projet de fin d'études, a débouché sur un rapport définitif. Celui-ci comporte les propositions suivantes pour cette stratégie nationale de valorisation du patrimoine des phares : faire du Créac'h, à Ouessant, un lieu national dédié à la mémoire des phares ; impliquer un acteur central dans les initiatives locales de valorisation du patrimoine ; préparer - c'est le point le plus délicat - un plan national de sauvegarde des phares en mer ou isolés.

L'analyse de toutes ces propositions est en cours.

La troisième action sera probablement lancée au début de 2003 : elle concerne l'analyse des besoins à venir en matière de sécurité maritime, ainsi que les propositions éventuelles sur le caractère nautique ou sur les équipements eux-mêmes.

M. le président. La parole est à M. Pierre-YvonTrémel.

M. Pierre-Yvon Trémel. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, qui montre bien que le stade de l'inventaire est désormais dépassé et que des propositions ont été formulées. Comme vous, je souhaite bien entendu que nous passions vraiment à l'action.

Plusieurs phares se trouvent en très mauvais état : ce sont des chefs-d'oeuvre en péril ! Je pourrais en citer plusieurs, mais je me contenterai de rappeler qu'il faut rapidement intervenir sur les phares de l'archipel des Glénan, plus particulièrement le phare de la Vieille, qui se trouve dans le Raz de Sein ; au-delà de leur remise en état, il faudra tout mettre en oeuvre pour permettre leur ouverture au public. A cette fin, les collectivités locales comme les associations, qui sont très motivées, sont prêtes à coopérer avec l'Etat.

Nous aurons manifestement l'occasion de revenir sur ce dossier en 2003. Pour ma part, j'y resterai très attentif.

MISE EN OEUVRE DE L'ACCORD-CADRE

« PLAN BOIS CONSTRUCTION ENVIRONNEMENT »

M. le président. La parole est à M. Philippe Leroy, auteur de la question n° 108, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

M. Philippe Leroy. Monsieur le ministre, dans sa sagesse, le Parlement, en adoptant la loi sur l'air en 1996, a prévu d'encourager l'utilisation du bois comme matériau de construction.

Le bois présente en effet de nombreux avantages au regard de la protection de l'environnement. Outre que son exploitation est faiblement consommatrice d'énergie, il constitue un véritable « puits de carbone » puisqu'il stocke du gaz carbonique. Le bois contribue ainsi à l'amélioration de la qualité de l'air. Il faut savoir que, en moyenne, un mètre carré de surface de logement correspond à soixante kilos de gaz carbonique !

Si l'on augmentait ne serait-ce que de 25 % la consommation de bois dans la construction, la France pourrait satisfaire à environ 15 % des engagements qu'elle a pris à Kyoto quant à la diminution de la pollution atmosphérique.

Un recours plus intense au bois dans la construction est donc de nature à satisfaire les amoureux de l'air pur, mais aussi, bien sûr, les professionnels de la filière bois, dont le rôle est particulièrement important dans le monde rural. Le développement de l'utilisation du bois que j'appelle de mes voeux serait d'ailleurs susceptible de créer 20 000 à 30 000 emplois.

Or le décret d'application de la disposition en faveur du bois figurant dans la loi sur l'air n'est pas encore publié. Il est évident que l'élaboration de ce décret a nécessité de nombreuses recherches mais on peut raisonnablement penser que celles-ci ont maintenant été menées à bien et que le décret peut être pris. Tant qu'il ne l'est pas, malheureusement, l'accord-cadre « Plan bois construction environnement » passé entre différents ministères et les professionnels ne peut être mis en oeuvre. Monsieur le ministre, pouvez-vous me dire s'il pourra l'être prochainement ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur Leroy, comme vous le soulignez fort justement, la mise en oeuvre du « plan bois construction environnement » permettra à la France de respecter une part importante des engagements qu'elle a pris dans le cadre du protocole de Kyoto pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Le Gouvernement, soucieux que l'on passe de la parole aux actes, est donc particulièrement attaché à la mise en oeuvre opérationnelle de ce plan.

Ce plan repose, d'une part, sur un projet de décret d'application de l'article 21-5 - effectivement inspiré par la sagesse du Parlement - de la loi n° 96-1236 du 30 décembre 1996, dite « loi sur l'air », et, d'autre part, sur une charte signée le 28 mars 2001 par huit ministres, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, ainsi que l'ensemble des organisations professionnelles intéressées par la construction et le bois.

Le projet de décret relatif à la quantité minimale de bois à incorporer dans certaines constructions a été élaboré en concertation avec l'ensemble des partenaires. Une première version de ce décret a été soumise au Conseil d'Etat, qui a émis un avis défavorable. Je lui transmettrai prochainement une nouvelle version tenant compte des observations qu'il a précédemment formulées.

La charte est un document par lequel chacun des signataires s'engage à agir en fonction de ses compétences et de ses moyens pour faire passer la part du bois dans la construction de 10 à 12,5 % en dix ans.

Le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer a rempli l'essentiel de ses engagements et continuera à le faire, en particulier en ce qui concerne son implication dans la recherche et le soutien aux études. Il a ainsi consacré à la filière bois un budget de recherche de 1,25 million d'euros, soit une multiplication par trois de son effort dans ce domaine.

Il est vrai que la mise en oeuvre effective du plan à l'échelon local peine à trouver son rythme de croisière. Cela provient probablement d'un déficit d'explicitation des enjeux, qui empêche chacun de s'approprier véritablement ce plan.

Vous contribuez par votre question, monsieur le sénateur, à remédier à ce déficit, et je vous en remercie.

Afin de relancer la dynamique de l'accord-cadre, je compte réunir prochainement les signataires et examiner avec eux les évolutions à apporter au dispositif.

M. le président. La parole est à M. Philippe Leroy.

M. Philippe Leroy. Monsieur le ministre, je vous remercie vivement de l'engagement que vous venez de prendre de réunir les professionnels concernés pour faire avancer ce projet.

CONDITIONS DE RÉALISATION

DE LA LIAISON EST-OUEST À AVIGNON

M. le président. La parole est à M. Alain Dufaut, auteur de la question n° 113, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

M. Alain Dufaut. Monsieur le ministre, je ne vais pas à nouveau vous expliquer ce qu'est la liaison Est-Ouest, plus communément baptisé la LEO chez nous, ni combien elle est vitale pour l'agglomération du Grand Avignon. Au demeurant, lorsque j'ai déposé la présente question orale, il y a un peu plus d'un mois, je ne savais pas que vous me recevriez au ministère, le 17 décembre, avec trois autres parlementaires concernés par le sujet.

Il est vrai, monsieur le ministre, qu'à cette occasion vous nous avez apporté des garanties quant à l'inscription de 7,5 millions d'euros en autorisations de programme en 2003, en vue du démarrage à la fin de la présente année des travaux préparatoires puis, au début de 2004, du lancement des consultations pour deux ouvrages d'art sur la Durance.

Compte tenu de ces éléments, que vous avez confirmés par écrit, le 7 janvier, c'est donc une question complémentaire que je vais vous poser aujourd'hui.

Sachant que la mise globale de la LEO à deux fois deux voies entre le carrefour des Angles, dans le Gard, et l'échangeur de Bonpas, sur l'A 7, se chiffre à environ 2,5 milliards de francs -je m'exprime en francs car cela me paraît plus explicite-, considérant que le projet, dans sa première phase qui doit démarrer fin 2003, ne bénéficie que d'une inscription au contrat de plan d'environ 720 millions de francs, soit uniquement 30% du budget définitif, considérant par ailleurs que cette première phase ne prévoit pas le pont sur le Rhône, qui est évidemment l'ouvrage le plus cher et le plus important, considérant que les voies express de cette deuxième phase seront à deux fois une voie seulement, alors qu'elles devraient déjà être à deux fois deux voies, considérant qu'aucune date prévisionnelle n'a été annoncée aux élus pour la deuxième phase, considérant enfin que la seule première tranche durera vraisemblablement de 2003 à 2010, alors que, d'ores et déjà, l'évolution du trafic au sud de l'agglomération d'Avignon imposerait la réalisation définitive du projet, je crois, monsieur le ministre, que nous sommes en droit de nous interroger sur la pertinence d'une telle programmation, tout à fait incompatible avec l'urgence des besoins.

Une vraie desserte de la nouvelle gare TGV d'Avignon ainsi que le développement économique de l'agglomération et le désengorgement de son trafic ne pourront pas attendre raisonnablement encore quinze ou vingt ans, voire plus.

Aussi, sans remettre en cause le financement de la première phase, assuré par 720 millions de francs inscrits au contrat de plan, ne peut-on pas envisager, afin de financer l'énorme différentiel et d'accélérer le tout, une mise à péage de la LEO ? Seule une telle formule permettrait effectivement - comme l'avait confirmé une étude de 1995 - une mise en service définitive de cette infrastructure d'ici à cinq ou six ans.

Etant donné le caractère exceptionnel de cette voie, située sur deux régions et trois départements différents irriguant tout un bassin de vie, ne pourrait-on pas envisager une expérimentation dans le cadre des nouvelles lois, de décentralisation afin d'autoriser la communauté d'agglomération du Grand Avignon, la COGA, à emprunter sur la base des recettes d'une concession trentenaire et assurer ainsi la maîtrise d'ouvrage de la LEO dans un délai raisonnable ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur le sénateur, le principe de concession dont vous parlez avait déjà fait l'objet de différentes analyses lors des phases d'études préliminaires, et des concertations préalables. Plusieurs scénarii de concession avaient ainsi été portés à la connaissance des élus, qui ne s'étaient alors pas prononcés en faveur de ce mode de financement.

Les raisons principales ayant conduit à s'orienter vers un mode de financement non concédé, dans le cadre des contrats de plan, étaient les suivantes.

Sur le plan fonctionnel, la mise à péage de la LEO entraînerait, d'après les études, une baisse très importante de trafic sur cet itinéraire de rocade d'Avignon et, parallèlement, maintiendrait un trafic important sur les itinéraires gratuits traversant l'agglomération, ce qui n'est pas tout à fait le but recherché. L'étude réalisée en 1996 sur différents scénarii de concession montrait, que en fonction du taux de péage appliqué, cette perte de trafic, par rapport à une solution exempte de péage de la LEO, s'établissait, selon les sections, entre 17 % et 30 % à l'Ouest, entre 24 % et 44 % au Centre et entre 57 % et 64 % à l'Est.

Par ailleurs, en termes financiers, outre la remise en cause des dispositions du contrat Etat-région et de la convention spécifique de financement signée entre l'Etat, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et les départements des Bouches-du-Rhône et du Vaucluse le 24 juillet 2001, les trafics prévisionnels empruntant l'itinéraire à péage - et notamment la faible part du trafic de transit - conduiraient très vraisemblablement à une insuffisance des recettes engendrées par la concession, et donc à l'apport par l'Etat et les collectivités d'une subvention d'équilibre.

Seule une analyse plus fine nécessitant de reprendre les études de trafic permettrait de déterminer les conditions d'une éventuelle concédabilité. Cette analyse, qui porterait sur l'ensemble de la liaison entre A 7 et A 9, demanderait au moins six mois.

J'ajoute que l'implantation d'un péage en milieu péri-urbain peut présenter certaines difficultés lorsque - et c'est le cas pour la LEO - les points d'échanges sont relativement nombreux. Il serait alors nécessaire soit de supprimer des échangeurs, ce qui irait à l'encontre de la desserte urbaine, soit d'admettre la mise hors péage de certaines sections, ce qui conduirait à diminuer les recettes de péage et donc à augmenter le montant de la subvention.

Enfin, en termes de délai, une mise en concession de la LEO ne peut s'inscrire dans le cadre de l'enquête publique de la section centrale entre la RN 100 aux Angles et la RN 7 aux Amandiers qui s'est déroulée du 4 mars au 18 avril 2002 et qui a donné lieu à un avis favorable de la commission d'enquête le 17 juillet dernier.

Un projet concédé nécessiterait d'engager une nouvelle phase de concertation publique dans le cadre du programme global de l'itinéraire A7-A9 et pourrait même faire l'objet d'un débat public. Une nouvelle enquête publique serait ensuite nécessaire une fois réalisées les études techniques sur l'ensemble de la liaison.

En conséquence, indépendamment du problème de la concédabilité financière de la LEO, la reprise des études techniques et des procédures administratives - concertation, enquête publique, appel d'offres de concession - repousserait l'engagement des travaux de la section centrale de plusieurs années, sans garantie que la population du Grand Avignon accepte la remise en cause du principe de gratuité affiché jusqu'à présent et présenté à l'enquête publique.

Tous ces éléments militent, me semble-t-il - mais le débat reste ouvert et vous serez toujours le bienvenu au ministère -, pour poursuivre dans la voie actuellement tracée et permettre ainsi un démarrage des travaux avant la fin de l'année.

Dans le cadre du débat parlementaire que le Gouvernement organisera au printemps sur les infrastructures de transport, les deux questions centrales seront les suivantes : quel schéma national pour les vingt ans à venir, et quel financement pour le mettre en oeuvre ?

C'est, à mes yeux, un débat très important pour l'avenir, notamment dans la perspective de l'élargissement de l'Europe, pour pallier les difficultés présentes à investir dans la réalisation d'infrastructures selon un bon rythme.

M. le président. La parole est à M. Alain Dufaut.

M. Alain Dufaut. Monsieur le ministre, je vous ai écouté, bien évidemment, avec beaucoup d'intérêt. Lorsque les élus locaux, au début des années quatre-vingt-dix, avaient évoqué la possibilité d'une concession, personne n'imaginait que le projet s'étalerait sur quinze à vingt ans, tout le monde pensait que l'investissement serait inscrit en totalité au contrat de plan, c'est-à-dire sur une durée raisonnable de six à sept ans. Mais nous constatons aujourd'hui que l'on n'y arrivera pas.

Nous sommes tous d'accord pour que ne soient surtout pas remis en cause le financement actuel ni la réalisation à partir de l'enquête d'utilité publique de la partie centrale. C'est vital, il est hors de question que l'on y touche !

En revanche, lorsqu'il est question de relier les autoroutes A7 et A9 au niveau de la deuxième phase, on pourra peut-être imaginer un système de concession très simple pour ce tronçon : nous avons en effet intérêt à accélérer un peu les réalisations autoroutières dans notre pays.

RÉGLEMENTATION APPLICABLE AUX CONSTRUCTIONS

À PROXIMITÉ DE COURS D'EAU

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, auteur de la question n° 115, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le ministre, je vais citer dans ma question un exemple concret, mais celle-ci pourrait s'appliquer à d'autres cas. Vous l'avez bien compris, j'attends une réponse juridique au sujet des autorisations de construire.

La commune de Bagneaux-sur-Loing souhaite aménager un terrain à bâtir. Le maire de cette commune, qui est aussi le président de l'office local d'HLM, avait ainsi prévu la construction de trente et un pavillons et de dix logements.

A la suite de la révision du plan local d'urbanisme, PLU finalisé en 2001 et approuvé en janvier 2002, la commune s'était donné les moyens de favoriser la construction de ces nouveaux logements et avait fait l'acquisition foncière des terrains nécessaires, au prix du terrain à bâtir, bien sûr, compte tenu du certificat d'urbanisme délivré.

Or le plan d'occupation des sols valant PLU, approuvé par la commune avec l'avis favorable des services de l'Etat - dont celui de la navigation du Loing - se voit remis en cause aujourd'hui par le préfet, la DDE ayant émis un avis défavorable au permis de construire de l'OPHLM au prétexte que le « terrain est situé en zone d'aléas forts, telle qu'elle ressort de la carte des aléas établie en 2001 dans l'élaboration du plan de prévention des risques d'inondations du Loing ».

La carte des aléas servant de base pour l'établissement d'un PPRI, un plan de prévention des risques d'inondations, dont l'étude débutera peut-être en 2003, n'a aucune valeur réglementaire et n'a pas été mise à enquête publique - seul le PLU s'impose - mais elle a pour conséquence de maintenir la commune et les propriétaires de foncier dans une insécurité juridique totale, avec les conséquences que cela peut avoir, notamment pour ceux qui ont vendu, en particulier les notaires, puisque les certificats d'urbanisme n'ont plus aucune valeur.

Le maire de la commune ayant maintenu son projet d'aménagement, le préfet lui demande de retirer son arrêté de permis de construire, en vertu du « principe de précaution » - c'est extraordinaire ! -, alors que la commune de Bagneaux-sur-Loing n'a subi jusqu'à présent aucune inondation, car elle est protégée par le canal du Loing.

Monsieur le ministre, je passe devant le terrain concerné chaque jour depuis quarante ans : je n'ai jamais vu une goutte d'eau ! Même en 1910, ce terrain n'a pas été inondé. Il est vrai que des travaux énormes ont été réalisés sur le Loing pour éviter les inondations. Cela n'a pas empêché un jeune fonctionnaire du service de la navigation de m'expliquer qu'il s'agissait d'une rivière « torrentielle » ! Je ne le savais pas : depuis le XIIe siècle, il n'en a jamais été fait mention.

Dans ces conditions, ma première remarque portera sur le fait que, lors de l'acceptation du PLU qui a amené la commune à se porter acquéreur de certains terrains, le plan de prévention des risques d'inondations existait déjà, et que, à ce moment-là, aucune opposition n'avait été faite au plan d'aménagement.

Ma seconde remarque tient au fait que, à force de vouloir tout protéger et tout anticiper sur les risques éventuels, on assiste à une superposition de textes et réglementations divers qui, dans certains cas, sont contradictoires. Or la réglementation devrait être appliquée de façon objective et s'adapter au contexte local.

C'est pourquoi, monsieur le ministre, je souhaiterais savoir si une étude dont les éléments n'ont aucune valeur juridique peut être opposée à un document d'urbanisme approuvé et opposable aux tiers. Cette situation ne manquerait pas, si elle n'était pas réglée, de susciter de graves difficultés contentieuses et d'entraîner des conséquences économiques très graves. En effet, à côté de ce terrain, est située une immense usine de verrerie, Corning France. Interdira-t-on demain l'extension des ateliers de cette entreprise, extension qui serait pourtant nécessaire à sa modernisation ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur le sénateur, c'est certainement à votre jeunesse que vous devez de ne pas avoir connu la présence d'eau sur les terrains concernés...

M. Jean-Jacques Hyest. J'ai consulté les archives !

M. Gilles de Robien, ministre. En tout cas, dans la Somme, certains terrains n'ont jamais vu une goutte d'eau depuis des décennies. Or, selon les archives, au XVIe siècle, des crues terribles ont fait monter de dix ou douze pieds - soit environ trente centimètres par pied - le niveau de l'eau en une nuit. Depuis ce temps-là, aucune crue n'a été déplorée ; puis, en 2000, 2001 et 2002, les nappes phréatiques ont atteint un niveau tel qu'ont été rendus inconstructibles un certain nombre de terrains.

Le problème est cependant réel, et je comprends votre question.

Dans le cas de la commune de Bagneaux-sur-Loing, l'élaboration d'un plan de prévision des risques d'inondations a été prescrite le 3 août 2001, mais elle n'est pas aujourd'hui terminée. Cependant, une carte des secteurs inondables a été adressée à la commune le 6 décembre 2001. Or la mise en oeuvre du plan d'occupation des sols de cette commune était déjà très avancée, puisque le conseil municipal l'a approuvé le 17 janvier 2002. Dans ces conditions, il est compréhensible que le POS n'ait pas pu intégrer cette carte des aléas.

Nous nous trouvons donc dans la situation d'un risque connu et bien réel mais qui n'est, à ce jour, pas encore traduit dans les documents d'urbanisme. Dans un tel cas, il me semble que les pouvoirs publics ne peuvent ignorer ce risque. L'article R. 111-2 du code de l'urbanisme prévoit, en effet, qu'un permis peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de prescriptions spéciales si le projet présente un risque du point de vue de la sécurité publique.

Dans une telle situation, il convient d'examiner au cas par cas les projets et d'en tirer les conclusions. Dans cet esprit, j'ai demandé à mes services d'étudier attentivement le cas des deux opérations dont vous faites état.

Celle qui concerne la construction d'une dizaine de logements individuels semble pouvoir être autorisée, sous réserve de quelques modifications du projet que l'office d'HLM serait prêt à accepter, notamment en ce qui concerne le niveau des planchers habitables, pour échapper aux inondations.

L'autre opération, plus compliquée, est située dans une zone non urbanisée et dans le champ d'expansion des crues. Elles pose beaucoup plus de problèmes et a fait l'objet, dès l'origine, d'un avis défavorable des différents services de l'Etat. Une issue analogue à celle qui a été proposée pour la première opération paraît difficilement envisageable dans une telle zone située à l'extérieur de l'urbanisation existante.

J'ai demandé à mes services de se tenir tout particulièrement à la disposition de la commune et de lui apporter toute l'assistance nécessaire pour résoudre les difficultés auxquelles elle est aujourd'hui confrontée.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le ministre, dans la vallée du Loing, il est arrivé que des décisions contradictoires soient rendues à quinze jours d'intervalle. Ainsi, à Souppes-sur-Loing, un jour, on accorde un permis, puis, quinze jours plus tard, on le refuse sur un terrain pourtant contigu. N'y a-t-il pas là une source d'incertitude dans l'attribution des cotes ?

Monsieur le ministre, je vous rappelle aussi qu'un ouvrage extrêmement important sépare la commune de Bagneaux-sur-Loing du fleuve : il s'agit du canal du Loing, qui représente tout de même un obstacle considérable ! Or, depuis sa construction, sous Colbert, la commune de Bagneaux n'a jamais connu aucune inondation. Les archives en témoignent ! Je suis maire d'une commune voisine, qui est exactement dans le même cas : il n'y a jamais eu d'inondation.

Quoi qu'il en soit, un PPRI, ce n'est pas seulement le fruit d'un calcul fait par ordinateur ! Il faut étudier concrètement la situation sur le terrain. Au demeurant, si le canal du Loing n'était pas véritablement un obstacle, une digue, je serais alors très inquiet, monsieur le ministre, parce que toutes les habitations qui sont situées au-delà du canal, et qui sont extrêmement nombreuses dans cette vallée, seraient alors soumises au risque d'inondation.

Je souhaite en tout cas que le dialogue soit renforcé avec les communes, car les services imposent trop souvent aux collectivités, sans débat, des mesures qui ne sont pas comprises et qui peuvent avoir des conséquences économiques dramatiques, notamment pour les collectivités qui ont acheté des terrains au prix du terrain à bâtir.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Gilles de Robien, ministre. Je vais essayer de rassurer M. Hyest : je vais donner des consignes précises aux services afin qu'ils dialoguent avec les communes pour trouver des solutions techniques aux deux projets qu'il a cités. Le premier semble facile à réaliser, le second un peu plus compliqué, mais tout le monde doit travailler ensemble pour trouver une solution.

AVENIR DE L'OBSERVATOIRE DE SAINT-MICHEL

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, auteur de la question n° 100, adressée à Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies.

M. Claude Domeizel. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur l'activité de l'observatoire de Saint-Michel.

Je tiens à souligner la grande place tenue par cet établissement dans les Alpes-de-Haute-Provence, et la collaboration étroite qui s'est instaurée entre la commune de Saint-Michel-l'Observatoire et le conseil général des Alpes-de-Hautes-Provence, lesquels sont à l'origine de la création récente du centre d'astronomie chargé de développer la culture scientifique auprès du grand public.

Mais il est surtout utile, madame la ministre, de rappeler la contribution de cet observatoire au profit de la découverte et de la recherche scientifique. Pour mémoire, c'est à l'observatoire de Haute-Provence, l'OHP, qu'a été découverte en 1995 la première planète en orbite autour d'une étoile autre que le soleil.

L'installation programmée de moyens technologiques, tels que le spectrographe SOPHIE ou le télescope automatique ARAGO, sont des gages de la place occupée par l'observatoire au niveau international.

A contrario de ces perspectives scientifiques d'avenir se profilent toutefois des craintes d'ordre humain et matériel. La baisse constante des effectifs - ingénieurs, techniciens, administratifs, ainsi que l'histogramme des âges particulièrement pénalisant pour la structure, ne permettront plus à l'observatoire de répondre à la demande des chercheurs venus du monde entier si le renouvellement des effectifs n'est pas assuré.

Aussi souhaiterais-je connaître les programmations budgétaires réservées au Centre national de la recherche scientifique, le CNRS, en général, et à la recherche astronomique en particulier, afin que l'un des premiers observatoires du monde puisse disposer de moyens humains et matériels suffisants pour lui permettre d'affronter la compétition internationale et garder la place qu'il y occupe actuellement.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. Monsieur le sénateur, j'ai eu le grand plaisir, voilà quelques mois, de visiter l'observatoire de Haute-Provence en votre compagnie et celle de M. Sivan, qui m'en a présenté les différents éléments et qui m'a bien évidemment rappelé le rôle très important que ce laboratoire a joué, depuis sa création, dans le développement de l'astronomie française.

L'OHP compte quatre télescopes principaux, dont celui de 193 centimètres, qui a permis, vous l'avez rappelé, la découverte en 1995 de la première planète dite extrasolaire. Sur la centaine de découvertes qui ont été faites, dix-neuf sont liées à l'observation effectuée dans cet observatoire.

Outre cette activité, on connaît la performance de l'activité de recherche et de développement instrumental et son exceptionnelle qualité pour certaines installations de l'observatoire européen installé au Chili. Cette activité est une force importante de l'OHP.

L'OHP est aussi un grand site d'observation géophysique et un lieu de formation pour les jeunes étudiants en doctorat.

L'OHP permet donc une multiplicité de réalisations.

S'agissant des moyens liés à ces activités, permettez-moi tout d'abord de vous rappeler, monsieur le sénateur, qu'il n'y a pas de programmation pluriannuelle au CNRS. C'est votre assemblée qui, chaque année, vote les budgets correspondant aux programmations proposées. Il est particulièrement important d'attirer l'attention sur cet aspect si nous voulons réaliser des programmes ambitieux.

Mais, plus qu'à la croissance des budgets, c'est plutôt à une utilisation optimale des ressources que nous devons veiller pour que ces laboratoires, ces observatoires astronomiques soient en mesure de mener à bien des projets ambitieux et encore plus importants que par le passé.

Bien sûr, la question des ressources humaines et des personnels mis à disposition est tout à fait importante pour maintenir la compétence. Il y a actuellement à l'OHP cinq chercheurs et soixante ingénieurs, techniciens, administratifs, les ITA. Mais une vingtaine de départs en retraite sont prévus d'ici à la fin de l'année 2006.

Nous avons analysé très précisément la situation en tenant compte des projets scientifiques et techniques qui ont été présentés par le laboratoire, de l'évaluation faite conjointement par le CNRS et le ministère pour les prochaines années, ainsi que des évolutions instrumentales qu'il faut prendre en compte, enregistrées ou prévisibles dans le plan d'action.

Il ne sera pas nécessaire, nous semble-t-il, de remplacer nombre à nombre chacun des départs mais, en tout cas, nous veillerons à préserver tous les moyens nécessaires à la réalisation des objectifs.

En ce qui concerne la spécificité thématique de l'OHP, la recherche systématique des planètes autour d'étoiles solaires, une équipe franco-suisse travaille beaucoup, au sein de l'observatoire, à l'étude d'un nouveau spectrographe qui permettra de renforcer les actions dans ce domaine. Un financement est prévu en partie au niveau régional et en partie au niveau national par l'intermédiaire du CNRS. Nous soutenons, c'est vrai, le leadership d'une équipe française dans la conduite de ce projet particulier et nous veillerons à leur apporter les moyens nécessaires, en particulier grâce à l'automatisation améliorée des équipements.

Nous sommes donc attentifs à la fois à la budgétisation nécessaire et aux équipes, notamment à la présence d'équipes françaises de haut niveau pour les observations menées à l'OHP.

Vous avez précisé, cela me paraît très important, l'activité du site en liaison avec le centre d'astronomie de Saint-Michel-l'Observatoire. Cette création récente est tout à fait portée par les collectivités locales, qui ont compris l'attractivité que cela représenterait pour le lieu, notamment en termes de développement touristique. Cette dualité, qui est une très belle possibilité, est appropriée à l'évolution de cet observatoire. L'ensemble des missions de l'observatoire est d'une haute importance et je serai très vigilante en matière de diffusion des connaissances scientifiques au service de la culture et des citoyens.

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.

M. Claude Domeizel. Madame la ministre, votre réponse détaillée prouve votre attachement à l'observatoire de Haute-Provence. Nous vous recevrons volontiers de nouveau dans notre département pour venir voir d'en bas le chemin parcouru en haut voilà quelque temps. (Sourires.)

Votre réponse ne me satisfait qu'à demi, car vous avez déclaré que les remplacements ne seront peut-être pas effectués nombre à nombre. La masse critique pour que l'observatoire soit opérationnel étant vraisemblablement atteinte ou proche de l'être, c'est inquiétant.

INFORMATION

DES COLLECTIVITÉS LOCALES

SUR LA LOCALISATION DES INFRASTRUCTURES

DE TÉLÉCOMMUNICATIONS FILAIRES

M. le président. La parole est à M. André Lardeux, auteur de la question n° 106, adressée à Mme la ministre déléguée à l'industrie.

M. André Lardeux. Madame la ministre, ma question s'inscrit dans le cadre de l'information des collectivités territoriales sur la présence des infrastructures de télécommunications filaires. Le réseau téléphonique filaire est déployé en grande partie sur la voie publique. La connaissance de la géographie de ce réseau est aujourd'hui un élément déterminant de la politique locale de développement numérique. Elle est indispensable à toute politique cohérente d'aménagement numérique du territoire. Seule la connaissance des zones couvertes à partir d'un même point de concentration permet en effet de planifier correctement les futurs réseaux de desserte et de positionner efficacement les investissements publics d'infrastructure. Ce découpage ne correspond à aucun autre découpage territorial administratif ni aux bassins de population.

Le code des postes et télécommunications impose aux opérateurs de fournir des informations relatives à la localisation des infrastructures de leurs réseaux filaires aux autres opérateurs titulaires de l'autorisation prévue à l'article L. 33-1 du même code. A ce jour, les opérateurs tels que France Télécom ne peuvent donc fournir ces informations qu'à d'autres opérateurs, mais refusent de les fournir aux collectivités. La mention de raisons de sécurité ne paraît pas légitime dans la mesure où l'accès à ces informations a pour seul objet de permettre aux collectivités locales et à leurs partenaires d'optimiser la construction des équipements en cause dans le plus strict respect des consignes de sécurité en vigueur.

Face au refus des opérateurs de communiquer ces informations, les collectivités territoriales sont de ce fait aveugles sur les plans de desserte de leurs administrés par les réseaux à haut débit reposant sur ces infrastructures.

L'objectif étant d'informer les collectivités territoriales sur le positionnement de câbles physiques desservant leurs administrés, il est nécessaire de rendre obligatoire la communication des zones desservies par les répartiteurs téléphoniques aux collectivités territoriales d'autant que leur recensement physique est pratiquement impossible.

En effet, la fourniture de ces informations aux collectivités est indispensable au plein exercice par celles-ci des compétences qui leur sont reconnues à l'article L. 1511-6 du code général des collectivités territoriales en matière de création et de mise à disposition d'infrastructures de télécommunications.

Seule la connaissance des zones couvertes à partir d'un même point de concentration de lignes d'abonnés permet en effet de planifier correctement les futurs réseaux de desserte et de positionner efficacement les investissements publics d'infrastructures. La fourniture de telles informations paraît d'autant plus légitime que la réglementation des télécommunications et les décisions de l'Autorité de régulation des télécommunications, l'ART, favorisent systématiquement les solutions de partage d'insfrastructures. Par ailleurs, l'ART s'est déclarée favorable à une extension du champ d'intervention des collectivités locales.

En outre, la lettre même de l'article L. 1511-6 du code général des collectivités territoriales, qui prévoit qu'une consultation publique soit conduite par les collectivités afin de définir les besoins des opérateurs et des utilisateurs, semble inciter à la fourniture de telles informations, tant il est vrai qu'une juste appréciation des besoins en réseaux et services de télécommunications n'est pertinente que si l'offre existante peut être correctement appréhendée.

Les conséquences pourraient s'avérer coûteuses en études pour redécouvrir une information qui existe déjà, mais aussi en argent public dépensé à des endroits où il est peut-être inutile.

Afin d'assurer le développement rapide du haut débit en France dans les meilleures conditions techniques et financières sous l'action des collectivités locales, madame la ministre, je souhaite connaître la position qu'adoptera le Gouvernement afin de permettre aux collectivités locales de disposer des informations nécessaires et suffisantes pour s'assurer de la nature de la couverture par des moyens de télécommunications filaires de leurs territoires et les moyens que vous pensez pouvoir mettre en oeuvre pour inciter, voire obliger, les opérateurs de télécommunications à informer les collectivités sur les déploiements existants et prévus de leurs infrastructures, tant en termes de quantité que de nature et de disponibilité.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur le sénateur, la législation concernant les télécommunications n'impose pas, en effet, de façon générale aux opérateurs de communiquer des informations sur la localisation de leurs infrastructures. Au contraire, ces informations sont considérées, c'est vrai, comme commercialement sensibles et traitées de façon confidentielle. Ainsi, l'article R. 20-47 du code prévoit que : « L'autorité compétente [pour l'attribution des permissions de voirie] traite la demande dans le respect du secret des affaires. »

En outre, certaines infrastructures des opérateurs sont le support de réseaux utilisés à des fins de défense et de sécurité publique. La localisation de ces infrastructures est donc, par nature, très sensible.

Des dispositions particulières peuvent imposer à certains opérateurs, dans certaines circonstances, de fournir des informations sur la localisation de leurs infrastructures. France Télécom est ainsi tenue, en application de l'article D. 99-23 du code des postes et télécommunications, de fournir aux autres opérateurs les informations nécessaires à la mise en oeuvre du dégroupage de la boucle locale, ce qui peut inclure la localisation de certains équipements techniques.

Toutefois, les collectivités sont clairement fondées à connaître les infrastructures de télécommunications qui empruntent leur domaine public, par exemple les infrastructures établies le long des voies communales. J'ai le sentiment que cette précision répond, au moins pour une large part, à votre question. La fourniture des informations correspondantes s'effectue dans le cadre de l'attribution des permissions de voirie et est prévue par le code des postes et télécommunications. Il appartient bien entendu aux collectivités de tenir à jour la liste de l'ensemble des installations qui empruntent leur domaine, afin notamment de faciliter les travaux futurs.

M. le président. La parole est à M. André Lardeux.

M. André Lardeux. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse. Bien qu'elle soit précise, elle ne me satisfait pas complètement, car les collectivités locales, notamment les départements, sont fortement sollicitées pour développer les réseaux numériques sur leur territoire.

Nous sommes quelque peu embarrassés car, du fait du « monopole » dont il bénéficie, l'opérateur historique fait pression sur nous pour que nous passions par lui en excluant les autres, ce qui est contraire au code de bonne concurrence.

Je me permets donc d'insister pour que soit complétée ou améliorée l'information des collectivités, sans nuire au secret des affaires que vous avez rappelé.

AVENIR DES SERVICES PUBLICS ÉCONOMIQUES

ET FINANCIERS À DIEPPE

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, auteur de la question n° 114, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Thierry Foucaud. Je souhaite interroger Mme la ministre sur la situation de nos services économiques et financiers, situation particulièrement délicate sous l'effet conjugué de deux réformes : celle du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, et la restructuration de la Banque de France.

Alors qu'on nous promet plus de décentralisation, les projets dont nous avons écho concernant la Banque de France et les recettes des impôts vont au contraire dans le sens d'une recentralisation, d'une concentration de ces services, avec notamment la suppression des structures de proximité actuellement en place dans des villes de petite ou moyenne importance.

A titre d'illustration, je citerai le cas de la commune de Dieppe, dans le département de la Seine-Maritime. Des menaces de fermeture pèsent à la fois sur la succursale de la Banque de France et sur la recette des finances.

S'agissant de la succursale de la Banque de France, à Dieppe, il faut savoir que ses vingt-deux agents traitent chaque année près de 700 dossiers de surendettement. D'autres succursales de la région de Haute-Normandie, également menacées, en traitent un nombre tout aussi important : près de 1 500 au Havre, 400 à Bernay, près de 700 à Vernon. Pourtant, la proximité du service facilite, à n'en pas douter, la démarche de ces populations fragilisées. Il en va de même, bien sûr, de la mise en oeuvre du droit au compte, que la Banque de France doit garantir.

Les succursales participent également au développement en donnant la possibilité aux acteurs économiques locaux d'accéder aux nombreuses données qu'elles recensent concernant leur territoire et permettant d'évaluer la situation économique locale. La recette des finances participe également à cette collecte d'informations.

La recette de Dieppe assure aussi le suivi de 1 162 comptes de collectivités territoriales ; ses vingt-deux agents conseillent, le cas échéant, les élus locaux. Parmi ses nombreuses fonctions figure le contrôle des comptes des lycées de l'arrondissement ainsi que des casinos de Dieppe, du Tréport, de Forges-les-Eaux.

Le dernier point, et non des moindres, est que ce projet de restructuration des succursales aura pour effet, entre autres conséquences, de rallonger les distances, notamment pour les transports de fonds, ce qui est un facteur d'insécurité. Nul doute, en effet, que les risques d'agression des convoyeurs s'en trouveront multipliés : les systèmes actuels de sécurité, permettant de rendre inutilisable l'argent dérobé, ne protègent pas en effet ceux qui transportent les fonds !

Enfin, seule la Banque de France trie la monnaie avec un matériel suffisamment performant pour en garantir la qualité. Les vérifications par sondage ou pesage utilisées dans d'autres établissements ont leurs limites : j'en veux pour preuve les pièces thaïlandaises qui circulent actuellement - j'en ai une ici -, qui passent sans difficulté pour des pièces de 2 euros alors qu'elles valent 60 centimes.

Voilà pourquoi, madame la ministre, je souhaite avoir des précisions sur l'avenir de ces deux services publics du département de la Seine-Maritime en l'occurrence, Dieppe.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Le réseau des succursales de la Banque de France comprend 211 implantations, dont le maillage et l'organisation sont, vous le savez, hérités du xixe siècle et des deux premières décennies du xxe siècle. Cette situation fait que la Banque de France possède aujourd'hui le réseau le plus dense de toute l'Europe.

Cet organisme est engagé depuis plusieurs années dans un double mouvement de modernisation de ses activités et d'adaptation de ses structures et de ses méthodes, qui tient compte des importantes mutations que connaissent les activités exercées dans ses comptoirs et au siège.

La poursuite de ce mouvement de modernisation et de baisse des coûts constitue incontestablement une nécessité de gestion pour la Banque de France, alors que les taux d'intérêt sont très bas et que la circulation fiduciaire de l'euro est beaucoup moins importante que celle du franc.

Dans ce contexte, le gouverneur de la Banque de France a annoncé le 15 octobre 2002 le lancement d'une mission de réflexion sur l'évolution du réseau de succursales et sur l'avenir des opérations avec la clientèle particulière.

Confiée au secrétaire général de la Banque de France, cette mission va se traduire notamment par une concertation très approfondie avec les partenaires sociaux, de même qu'avec les élus locaux.

Comme tout organisme public, la Banque de France doit veiller à rendre à la collectivité nationale le meilleur service au meilleur coût, en prenant en compte l'ensemble des évolutions qui affectent ses métiers et les attentes légitimes du public en matière de qualité et d'efficacité du service rendu.

Vous savez que nos partenaires européens ont récemment tiré les conséquences de ces mutations en procédant à des réformes de leur banque centrale. La France ne peut demeurer, bien évidemment, en retrait de ces évolutions.

L'Etat entend conforter la Banque de France dans le rôle qu'il veut lui voir jouer dans la vie économique locale et qui doit être conçu dans le souci d'optimiser la gestion dont cet établissement est comptable devant la nation.

Monsieur le sénateur, vous avez évoqué la recette des finances de Dieppe.

Le projet « Bercy en mouvement » a pour objectif de renforcer l'efficacité des structures du ministère et plus particulièrement de ses services de proximité. Le ministère dispose en effet de réseaux garantissant un service public de proximité et qui constituent un véritable atout pour l'aménagement du territoire ; encore faut-il s'assurer que la taille de ces services leur permette d'exercer correctement leur mission. Il faut donc être pragmatique et rechercher une organisation garantissant cette proximité et cette qualité.

S'agissant du réseau des recettes des finances, la fermeture de la moitié environ des 55 postes existants a été annoncée en octobre dernier : l'idée est de ne maintenir que les postes se situant dans les arrondissements les plus importants.

La liste des recettes qui seront fermées n'est pas encore arrêtée ; elle le sera prochainement en fonction de critères qui sont, d'une part, la taille de l'arrondissement financier, d'autre part, les éléments économiques et géographiques propres au département.

Le département de la Seine-Maritime dispose actuellement de deux recettes des finances, l'une au Havre et l'autre à Dieppe. Seuls quarante-cinq départements sont dotés de recettes de finances, à raison d'une seule recette dans trente-huit départements ; sept départements seulement disposent de deux recettes des finances ou plus.

Je souligne, en outre, que les recettes des finances n'ont plus, depuis 1996, mission de recevoir le public. Elles sont centrées sur les fonctions de pilotage, de soutien et de suivi des trésoreries des arrondissements qui leur sont rattachées.

La fermeture d'une partie des recettes des finances constitue une réorganisation purement interne au Trésor public : elle ne change en rien les conditions dans lesquelles le service est rendu par les trésoreries au public et aux collectivités locales. Elle n'est donc pas de nature à modifier la présence du service public économique et financier.

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Madame la ministre, votre réponse comporte des éléments à la fois positifs et négatifs. Je suis un peu inquiet lorsque vous vantez le système européen, alors que le système français est beaucoup plus compétitif.

Comme vous l'avez indiqué, il faudrait que les partenaires sociaux, et les élus locaux puissent participer aux discussions tout en prenant en compte les soucis exprimés au préalable dans cette intervention. Il s'agit du service public, de la proximité, au moment où l'on parle de décentralisation et de sécurité. J'ai évoqué les transporteurs de fonds, mais j'ai aussi donné l'exemple de la pièce de deux euros de et de la pièce thaïlandaise d'une valeur de soixante centimes d'euros qui peuvent se confondre, ce qui risque poser un problème.

Se pose aussi La question de la satisfaction des besoins, qui sont toujours présents. Je vous ai cité les chiffres concernant les dossiers de surendettement en ce qui concerne Vernon, Le Havre, Rouen et Dieppe. Les personnels de la Banque de France doivent pouvoir continuer à travailler sur ces dossiers.

Je veux enfin souligner qu'il importe, dans la discussion avec les élus locaux et les partenaires sociaux, de ne pas s'inscrire dans un plan de diminution du nombre des salariés du service public. Bien au contraire, dans le département de Seine-Maritime comme dans les autres, il convient de maintenir un service public de proximité efficace et permanent, qui assure la satisfaction des besoins.

DEVENIR DE LA COMPAGNIE FINANCIE`RE EULIA

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, auteur de la question n° 105, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Madame la ministre, tout d'abord, je vous remercie de répondre ce matin à une question qui a été posée le 19 novembre dernier à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Voilà quelques jours, le 8 janvier, le nouveau directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, M. Francis Mayer, prêtait serment. Au moment où le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie finalise ce qui est appelé improprement « la feuille de route » du nouveau directeur général, ma question porte sur l'avenir de la compagnie financière Eulia.

Depuis 2001, Eulia regroupe les activités financières jugées « concurrentielles » de la Caisse des dépôts et consignations, et celles correspondantes de la Caisse nationale des caisses d'épargne. Avec 17 milliards d'euros de fonds propres, elle constitue l'équivalent de la troisième banque d'affaires française. Cette holding publique est détenue à 50,1 % par la Caisse des dépôts et consignations et à 49,9 % par les caisses d'épargne.

Depuis plusieurs mois, une intense et inquiétante campagne s'organise pour préconiser la privatisation d'Eulia et le désengagement de la Caisse des dépôts et consignations. La fondation Concorde recommande ainsi « un transfert rapide d'Eulia vers le privé », à l'instar de l'économiste Elie Cohen dans son article paru dans Libération le 5 décembre dernier et intitulé : « A quoi sert la Caisse des dépôts et consignations ? ». Plusieurs personnalités politiques de la majorité, notamment au Sénat, s'expriment dans le même sens : « On devrait recentrer la Caisse des dépôts et consignations sur ses missions d'intérêt général ».

Hier encore, dans Le Figaro, le président du directoire de la Caisse nationale des caisses d'épargne s'est affiché candidat à la prise de contrôle totale d'Eulia et multiplie les déclarations en ce sens.

Enfin, au coeur d'Eulia et de la Caisse des dépôts et consignations, c'est la filiale CDC-Ixis qui rassemble les activités financières « concurrentielles » de la Caisse des dépôts et consignations qui, bien entendu, est particulièrement en ligne de mire. Détenue à 53 % par Eulia et à 43,55 % directement par la Caisse des dépôts et consignations, sa privatisation rapporterait, selon certain experts, 3,5 milliards d'euros.

Or l'objectif du Gouvernement n'est-il pas de dégager des recettes nouvelles pour alimenter un budget à la dérive, à l'instar des annonces faites ces jours-ci par M. le ministre de l'équipement sur l'ouverture du capital des sociétés autoroutières ?

Madame la ministre, ces perspectives sont extrêmement préoccupantes. La privatisation et le démembrement au moins partiels de la Caisse des dépôts et consignations seraient lourds de conséquences. Vous savez bien que la loi assigne à l'ensemble de la Caisse des dépôts et consignations, donc à toutes ses filiales, des objectifs et missions de service public et d'intérêt général.

La séparation entre activités répondant à l'intérêt général et activités concurrentielles serait tout à fait arbitraire dans ce cadre. En effet, une éventuelle séparation d'Eulia et d'Ixis pénaliserait nécessairement les autres activités de la Caisse. Par ailleurs, elle ne manquerait pas, à terme, de créer les conditions pour une banalisation des produits d'épargne réglementés.

Enfin, n'oublions pas que le statut des personnels fonctionnaires d'Ixis de la Caisse nationale de prévoyance, - 1 700 salariés sont concernés - serait remis en cause, et ce de façon défavorable.

Face à ces conséquences prévisibles, je voudrais vous rappeler, madame la ministre, qu'Eulia et Ixis constituent toujours, malgré l'orientation vers la logique du privé qui leur est assignée en ce moment, un moyen d'intervention essentiel au service de l'Etat, la pièce maîtresse du pôle public financier au service de l'intérêt général.

Je suis persuadée que les bases de ce pôle existent encore et peuvent même se développer. N'oublions pas qu'Ixis gère l'épargne de La Poste, qu'Eulia développe des produits en direction des collectivités locales et que la Caisse des dépôts et consignations est toujours détentrice de 35 % du capital des caisses d'épargne.

Aussi, madame la ministre, je suis conduite à vous interroger sur les intentions du Gouvernement s'agisssant de l'avenir d'Eulia et de CDC-Ixis. Le Gouvernement s'engage-t-il à maintenir la Caisse des dépôts et consignations dans son intégralité et comment envisage-t-il d'articuler les rapports futurs entre la Caisse des dépôts et consignations et les autres institutions publiques financières ?

Enfin, madame la ministre, vous savez bien que la Caisse des dépôts et consignations est placée, depuis 1816, directement sous le contrôle, la « surveillance spéciale » du Parlement, notamment afin de protéger sa mission essentielle de sécurisation de l'épargne populaire.

Comptez-vous régler l'avenir de la Caisse des dépôts et consignations, en tout cas de deux de ses composantes essentielles, Eulia et Ixis, en passant outre ce mandat du Parlement ? Je ne saurais le penser.

Ne croyez-vous pas plutôt, comme le proposent les organisations syndicales - que nous soutenons - qu'un grand débat, parlementaire et national, s'impose à propos non seulement de la Caisse des dépôts et consignations, mais également de l'avenir de tout le secteur public et semi-public financier ?

Salariés, épargnants, donc presque tout le pays, sont concernés par votre réponse, madame la ministre.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Madame la sénatrice, un nouveau directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, M. Francis Mayer, a en effet été nommé le 18 décembre dernier en conseil des ministres. Il a prêté serment devant la commission de surveillance de l'institution le 8 janvier.

Le Gouvernement, en concertation avec le nouveau directeur général, définira les orientations de cette grande institution publique pour les prochaines années.

Notre objectif est avant tout de conforter le rôle de la Caisse des dépôts et consignations au service de la collectivité nationale. La Caisse des dépôts et consignations exerce en effet ses activités d'intérêt général dans des domaines prioritaires de l'action publique où ses moyens peuvent compléter utilement l'action de l'Etat. Je pense, notamment, à la gestion de fonds qui réclament une protection spécifique, les fonds d'épargne, sur lesquels le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a demandé une mission d'expertise dont les conclusions seront transmises dans le courant de ce mois. Je pense aussi à la gestion sous mandat de caisses de retraite publique, ou à des programmes d'intérêt général qui jouent un rôle majeur dans notre économie et dans notre société.

Ainsi, le rôle de cette institution en matière de renouvellement urbain ou de soutien aux petites et moyennes entreprises participe de cette mission publique que nous devons soutenir, tout en améliorant encore son efficacité.

Cette réflexion sur la clarification des priorités d'action de la Caisse et le renforcement de leur efficacité doit, bien sûr, également porter sur ses interventions dans le secteur concurrentiel. C'est ainsi que le Gouvernement va procéder à un examen au cas par cas de ces questions sans dogmatisme et dans le seul souci du développement des différentes entités concernées. Cette approche pragmatique et volontariste concerne naturellement la compagnie financière Eulia, comme elle concerne d'autres entités du groupe Caisse des dépôts et consignations.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, mais je la trouve assez décevante : elle ne corrige nullement l'impression ressentie d'une mise à l'écart du Parlement dans cette évolution qui va conduire, je le répète, à la destruction d'un système qui a pourtant apporté la preuve de son efficacité dans un certain nombre de domaines.

Vous avez parlé du renouvellement urbain, mais vous n'avez pas abordé, parmi les missions d'intérêt général de la Caisse des dépôts et consignations, la question du logement social, qui est pourtant l'une des grandes missions qui lui ont été confiées pour compléter l'action de l'Etat. Je pense également à l'équipement des villes et villages de notre pays.

Tout ce que je sais, madame la ministre, je l'apprends - et c'est certainement le cas de nombre de mes collègues - par la presse. Trouvez-vous cela normal ?

Par ailleurs, des besoins nouveaux se font jour pour moderniser nos administrations et nos équipements. Par conséquent, remettre en cause le pôle public existant reviendrait, finalement, à contester cette modernisation nécessaire pour notre pays. Ce n'est pas le secteur privé, vous le savez bien, qui investira pour les missions d'intérêt général.

De telles orientations constituent une antithèse des déclarations du Président de la République et du Premier ministre, surtout à l'heure promise de la décentralisation.

CONCURRENCE

SUR LE MARCHÉ DES PRODUITS

DE RADIODIFFUSION ET TÉLÉVISION

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Luypaert, auteur de la question n° 88, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Mme Brigitte Luypaert. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, une enquête assez stupéfiante publiée dans le numéro du mois de novembre 2002 de la revue 60 millions de consommateurs, qui est l'émanation de l'Institut national de la consommation, et intitulée « Comment le cartel du brun a tué la concurrence », semble mettre en lumière certaines pratiques anti-concurrentielles qui, si elles étaient avérées, pourraient causer un préjudice considérable aux consommateurs.

C'est ainsi qu'en prenant comme base de comparaison un lecteur de DVD les enquêteurs de cette revue se sont rendu compte qu'un seul modèle a été trouvé dans douze magasins sur quatorze, ce, à un prix rigoureusement identique et, au demeurant, 10 % plus cher que sur les sites internet allemands.

En outre, s'agissant toujours de DVD, pas moins de deux cents références ont été trouvées pour vingt-neuf marques existantes ; aucun modèle de lecteur n'est vendu dans les six principales enseignes à la fois ; seuls 2 % des modèles de lecteurs se retrouvent dans cinq enseignes à la fois, soit 4 modèles sur 200. De plus 78 % des références ne sont proposées que par un seul distributeur et le choix par marque est curieusement très faible : alors qu'une marque très connue propose une vingtaine d'appareils, dans les points de vente on en trouve seulement de un à quatre. Chaque distributeur semble avoir ses références quasi-exclusives, mais si les références sont bien différentes, les appareils semblent se ressembler étrangement.

Dans ces conditions, si, en effet, chaque enseigne ne distribue que ses propres références de grandes marques, les consommateurs peuvent difficilement effectuer un comparatif de prix et donc faire jouer la concurrence. Or les exclusivités de vente concertées sont prohibées par l'article L. 420-1 du code de commerce, qui interdit de « répartir les marchés ».

Il en va de même des ententes sur les prix : au demeurant, le Conseil de la concurrence a déjà condamné une grande enseigne et des groupements de commerçants pour harmonisation de leurs prix, des fournisseurs pour refus de livrer à des revendeurs pratiquant des prix bas, des marques d'électroménager pour avoir fait pression sur certains distributeurs, afin qu'ils remontent leurs prix à la demande, semble-t-il, d'un autre distributeur.

Que dire, enfin, des engagements pris par de nombreux distributeurs de « rembourser la différence » si le consommateur trouvait, par miracle, un produit similaire meilleur marché dans une certaine zone de chalandise. Outre que, comme je viens de l'évoquer, les comparaisons de prix sont très difficiles à réaliser, ce slogan ne servirait-il pas, en réalité, à transformer les consommateurs en vigies permettant de signaler un distributeur moins cher sur un produit, lequel se verrait « invité » par son malheureux concurrent à aligner son prix vers le haut ? Cette pratique serait, dès lors, tout autant répréhensible, dans la mesure où le code de commerce interdit de « faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ».

J'ajoute qu'il semble surprenant de voir, en France, une aussi faible concurrence des produits bruns sur Internet, alors que celle-ci est bien plus importante à l'étranger.

Toutes les pratiques évoquées par 60 millions de consommateurs ont déjà été, par le passé, condamnées par le Conseil de la concurrence ou par la justice. Mais l'enquête réalisée en 2002 semble démontrer qu'elles se poursuivent, voire s'amplifient : tout semble fait pour annihiler la concurrence et maintenir, dans la mesure du possible, des prix élevés.

Ma question est donc simple : que comptez-vous faire, madame la ministre, afin qu'une saine et libre concurrence puisse jouer dans ce secteur et qui soit véritablement profitable aux consommateurs ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Mme Luypaert a appelé mon attention sur des pratiques anticoncurrentielles qui ont été mises en oeuvre par certains fabricants et distributeurs d'appareils d'électronique grand public, communément appelés « produits bruns ». En effet, par une décision du 28 juin 2002, le Conseil de la concurrence a lourdement sanctionné pour entente anticoncurrentielle deux fabricants et cinq distributeurs de ce type d'appareils.

Cette décision est intervenue à la suite d'une enquête effectuée par la Direction nationale des enquêtes de concurrence, de consommation et de répression des fraudes de 1989 à 1992, qui avait permis de mettre en évidence le fait que les distributeurs pratiquaient des prix identiques ou très proches pour les références des marques des deux fabricants mis en cause. Le Conseil de la concurrence a constaté que cet alignement des prix procédait d'une série d'ententes verticales entre fabricants et distributeurs sur les prix de vente au détail lors des négociations commerciales.

Ces ententes de prix, qui pénalisent le consommateur en faussant le libre jeu de la concurrence par les prix, constituent des pratiques anticoncurrentielles systématiquement relevées et sanctionnées par les autorités de la concurrence. Elles sont d'autant plus graves que les entreprises en cause sont des acteurs importants du marché.

Parallèlement à l'action vigilante de surveillance du marché menée par les services de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, différentes mesures législatives ont été prises pour renforcer la transparence des relations entre distributeurs et fournisseurs : ainsi, la loi du 1er juillet 1996 sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales et la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques ont introduit de nouvelles dispositions en matière de droit de la concurrence qui ont été intégrées dans le livre IV du code de commerce.

Nous veillerons à ce que le consommateur puisse largement bénéficier de ces mesures, qui ont pour objetde favoriser un fonctionnement plus concurrentiel du marché.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Luypaert.

Mme Brigitte Luypaert. Je tenais simplement à vous remercier, madame la ministre, de votre réponse très détaillée.

TRANSFORMATION DE LA TAXE PARAFISCALE

HORLOGERIE, BIJOUTERIE, JOAILLERIE, ORFÈVRERIE

M. le président. La parole est à M. Louis Souvet, auteur de la question n° 103, adressée à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.

M. Louis Souvet. En ces temps de rigueur budgétaire, indispensable tant pour la remise en ordre de l'économie qu'au regard des impératifs communautaires, il n'est pas sain de proposer une solution budgétaire pour résoudre tous les problèmes, par exemple la transformation de la taxe parafiscale horlogerie, bijouterie, joaillerie, orfèvrerie.

En effet, d'une part, cela présente l'inconvénient majeur de faire supporter par l'ensemble des contribuables des actions que les professionnels sont eux-mêmes prêts à financer, et, d'autre part, la reconduction, d'une année sur l'autre, des budgets est aléatoire, comme le prouvent la dotation budgétaire des collectivités locales ou celle des centres techniques déjà en partie budgétisés.

L'incompatibilité avec des actions de politique industrielle nécessairement menées dans la durée est évidente. En outre, l'hypothèse de l'imposition de toute nature ne grève pas le budget de l'Etat, ce qui représente un avantage non négligeable, me semble-t-il. Enfin, cette solution permet d'assurer une proximité incontestable entre les objectifs et leur réalisation. Sont garantis tout à la fois le contrôle par le Parlement et le Gouvernement ainsi que l'implication tangible des professionnels.

Le comité professionnel de développement de l'horlogerie, de la bijouterie, de la joaillerie ainsi que le centre technique sont à l'origine - faut-il le rappeler ? - d'actions collectives synonymes d'une politique économique de proximité et de solidarité entre tous les acteurs de la production, de l'artisanat et de la distribution. Les sacro-saints dogmes budgétaires doivent savoir quelquefois laisser la place à des initiatives pragmatiques dictées par la seule efficacité professionnelle.

Or, précisément, ces professionnels sont parfaitement conscients de l'importance des problèmes auxquels ils sont confrontés, qu'il s'agisse de la contrefaçon - les douanes interviennent très souvent pour cette raison -, des vols à main armée - on en parle beaucoup -, du dumping social et de toutes les conséquences de la pratique, en Chine et dans tous les pays d'Asie, de salaires évidemment beaucoup plus faibles qu'en France. Ces professionnels sont donc prêts à mettre en oeuvre collectivement des moyens pour assurer le développement du secteur. Il faut les encourager en ce sens.

Le salut de nos fabricants - tout un chacun peut en convenir - passe nécessairement par le développement de la qualité, de la création et de l'exportation.

Madame le ministre, j'aimerais savoir, au terme de ce court plaidoyer, si votre collègue ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire acceptera que soit mise en place, comme le souhaitent les professionnels, l'imposition de toute nature.

Je vous remercie par avance de la réponse que vous voudrez bien m'apporter.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur Souvet, comme vous le savez, l'industrie horlogère française dispose incontestablement d'atouts : une tradition historique importante, mais également une capacité certaine en termes d'innovation et de créativité.

J'ai la conviction que, comme dans beaucoup d'autres secteurs industriels traditionnels, la chance de la France réside dans l'intelligence, c'est-à-dire dans la plus-value apportée aux produits. La promotion de l'innovation et de la créativité est donc la pierre angulaire de la politique industrielle que je souhaite mener.

En la matière, le tissu industriel français, en particulier les PME-PMI, dispose, avec les centres techniques de l'industrie et les comités professionnels de développement économique, d'un outil de mutualisation dont chacun a reconnu l'utilité.

La disparition des taxes parafiscales, programmée pour la fin de l'année 2003, ces taxes qui assurent aujourd'hui tout ou partie du financement de ces organismes, a préoccupé nombre d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, aussi bien, d'ailleurs, que les professionnels. J'ai été particulièrement attentive à ces préoccupations.

Il était grand temps, après plusieurs années d'incompréhension, de reposer, collectivement, les bases d'une vraie relation partenariale entre l'Etat et les industriels.

C'est la raison pour laquelle nous avons tout récemment décidé de mettre en place un système de financement qui maintienne, dès lors que cela est souhaité, l'implication directe des industriels.

Nous allons donc proposer à chacun des centres techniques industriels et des comités professionnels de développement économique concernés de choisir entre une budgétisation ou la mise en place d'une imposition affectée. En parallèle, nous allons leur demander de renforcer le caractère collectif de leurs actions et de nous aider à simplifier et à rationaliser les dispositifs de financement.

Des contrats d'objectifs pluriannuels permettront de clarifier les actions de service public ou d'intérêt collectif et de définir une véritable stratégie collective de développement industriel. Ils devront faire l'objet d'un suivi annuel afin de permettre, bien évidemment, aux assemblées d'en évaluer et d'en contrôler l'exécution.

M. le président. La parole est à M. Louis Souvet.

M. Louis Souvet. Madame le ministre, non sans vous avoir remerciée de votre réponse, je souhaite verser quelques arguments supplémentaires au débat.

L'industrie horlogère dispose, certes, d'atouts - l'innovation et la création -, mais cela ne suffit plus, madame le ministre. La Franche-Comté, dont je suis un élu, compte tout à la fois une importante industrie de construction automobile et, en montagne, une activité séculaire d'horlogerie. Or, en montagne, la température est descendue ces derniers jours jusqu'à trente degrés au-dessous de zéro ! Les entreprises y sont familiales ; les salariés vivent et travaillent sur place. Cela ressemble beaucoup à ce que connaît la Suisse, toute proche.

Donc, l'innovation, la création ne suffisent plus à protéger nos industriels. Vous savez, d'ailleurs, ce qu'il reste de l'industrie horlogère : les effectifs ont été divisés par dix ! Certes, pour ce qui est du bijou de luxe ou de la montre de luxe, l'innovation et la création jouent à plein, et la France est d'ailleurs très présente sur ces marchés. Hélas !, pour ce qui est des produits horlogers de consommation courante, nous avons d'ores et déjà perdu presque tous les marchés. Alors, j'espère, comme vous, que cette innovation sera la chance de la France.

A la suite de la disparition de la taxe parafiscale, les industriels et les centres techniques que vous avez cités ont manifesté leur préoccupation. Ils auront donc dorénavant la possibilité de choisir. Je souhaite que cette solution leur apporte le « plus » dont ils ont un grand besoin, car, si nous persistons sur la pente actuelle, dans quelques années, nous n'aurons plus d'horlogerie du tout !

DROIT LOCAL EN ALSACE-MOSELLE

EN MATIÈRE DE DÉCLARATION DOMICILIAIRE

M. le président. La parole est à M. Joseph Ostermann, auteur de la question n° 107, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. Joseph Ostermann. Je souhaitais attirer l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les dispositions applicables en droit local d'Alsace-Moselle en matière de déclaration domiciliaire.

En effet, trois ordonnances prises par les autorités allemandes en 1883 prévoient l'obligation, pour toute personne qui change de domicile, d'en faire la déclaration aux autorités locales. Depuis lors, les communes des trois départements concernés tiennent des fichiers domiciliaires.

Cette réglementation est toujours en vigueur. Elle a toutefois été modifiée par un décret de 1919 abrogeant les sanctions pénales prévues en cas de non-respect de cette obligation.

Cette modification a conduit de nombreuses communes à appliquer le droit général, en vertu duquel la déclaration domiciliaire est facultative.

Certains juristes évoquent une possible caducité du droit local du fait des modifications apportées au décret de 1789 sur lequel reposent les ordonnances de 1883. D'autres évoquent encore son caractère contraire à la liberté d'aller et venir, sans toutefois que le Conseil constitutionnel lui-même se soit jamais prononcé sur ce cas d'espèce.

Or, selon une loi du 17 octobre 1919 relative au régime transitoire de l'Alsace et de la Lorraine, le droit local doit être considéré comme maintenu s'il n'a pas été abrogé depuis 1918.

Il en résulte une situation de flou juridique que déplorent les élus de ces trois départements. Aujourd'hui, une majorité d'entre eux se déclarent très favorables au maintien de ce système, qui facilite la gestion de leurs communes. En outre, l'application de l'obligation de déclaration domiciliaire dans des pays comme l'Allemagne ou la Belgique témoigne de l'intérêt et de l'efficacité de ce système.

Ne conviendrait-il pas, par conséquent, d'entreprendre des démarches en vue de clarifier les dispositions applicables en Alsace-Moselle, et, éventuellement, de les étendre au reste du territoire national ?

M. Le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Monsieur le sénateur, je reconnais bien dans vos propos le tropisme d'une Alsace qui, souvent heureuse de son particularisme, souhaite immanquablement le voir étendu à l'ensemble du territoire ! (Sourires.)

D'une façon générale, les personnes récemment installées dans une commune ne sont pas assujetties à l'obligation de déclarer en mairie leur nouveau domicile, à l'exception, cependant, des ressortissants étrangers et ce en application d'un décret du 31 décembre 1947.

L'article 104 du code civil laisse aux administrés la faculté d'effectuer une déclaration de changement de domicile uniquement à des fins probatoires.

Les nouveaux administrés sont toutefois appelés à se rendre spontanément à la mairie, à l'occasion d'un changement de résidence, pour accomplir diverses formalités, notamment en vue de leur inscription sur les listes électorales, de l'obtention de certificats, fiches ou documents, ou de l'inscription des enfants à la cantine scolaire, par exemple.

Cependant, monsieur le sénateur, des dispositions particulières en matière de déclaration domiciliaire sont effectivement applicables en Alsace-Moselle. Trois ordonnances prises, sous l'Empire allemand, les 15, 16 et 18 juin 1883, par les présidents des trois districts alsaciens-lorrains rendent obligatoires les déclarations de domicile et de changement de domicile auprès de l'autorité de police communale.

Par ailleurs, en application des décrets du 25 novembre 1919 introduisant en Alsace-Lorraine la législation pénale française, les sanctions pénales propres au droit local pour la méconnaissance de ces dispositions ont été abrogées ; celles-ci relèvent désormais de l'article R. 610-5 du code pénal, qui dispose que la « violation des interdictions ou le manquement aux obligations édictées par les décrets et arrêtés de police sont punis de l'amende prévue pour les contraventions de la 1re classe ».

Toutefois, il n'est pas évident du tout, de mon point de vue, que les obligations administratives de déclaration domiciliaire soient aujourd'hui compatibles avec nos principes constitutionnels, notamment avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui consacre la liberté d'aller et de venir comme principe de valeur constitutionnelle. C'est notamment le cas d'une décision du Conseil constitutionnel du 12 juillet 1979.

Il me semble, monsieur Ostermann, que la liberté d'aller et de venir implique le droit de ne pas en rendre compte ou du moins de ne pas y être contraint. Et qu'est-ce qu'une obligation qui ne peut pas être sanctionnée ?

Si, effectivement, monsieur le sénateur, le fait de déclarer le changement de domicile constitue indiscutablement un acte de civisme utile, le rendre obligatoire et assortir le manquement d'une sanction destinée à rendre effective l'obligation serait, je le crois, incompatible avec notre dispositif constitutionnel.

M. le président. La parole est à M. Joseph Ostermann.

M. Joseph Ostermann. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Néanmoins, je crois qu'il est difficile, pour des départements qui ont pris l'habitude d'un certain ordre, d'admettre que l'on ait le droit de se déplacer d'une commune à une autre sans déclarer sa nouvelle domiciliation en mairie.

La question que je viens de poser est le fruit de la dernière réunion de l'association des maires de mon départements, qui, très attentifs à ce problème, souhaitent savoir s'ils peuvent ou non obliger leurs nouveaux concitoyens, qui sont, bien entendu, les bienvenus, à déclarer leur nouveau domicile.

Pour prendre l'exemple de ma commune, il est tout de même assez étrange qu'il faille attendre la rentrée scolaire pour savoir combien d'enfants sont arrivés au cours des deux mois précédents ! Cela pose des problèmes, raison pour laquelle nous souhaitons que cette question soit approfondie, monsieur le ministre délégué.

M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)