SEANCE DU 16 DECEMBRE 2002


M. le président. L'amendement n° 16, présenté par M. Mercier et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :
« Après l'article 24, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le deuxième alinéa du d du 1° du 7 de l'article 261 du code général des impôts est complété par les dispositions suivantes : imposées aux dirigeants concernés. Le caractère désintéressé de la gestion n'est également pas remis en cause, pour les associations de jeunesse et d'éducation populaire disposant de l'agrément national, qui sont tenues, à raison de leurs statuts, de rémunérer un nombre de jeunes dirigeants ayant au plus trente-cinq ans supérieur à trois, si elles répondent aux conditions des alinéas 2, 6 et 9 précédents et si le montant de la rémunération totale versée à chaque dirigeant n'excède pas une fois et demie le montant du plafond visé à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale. »
La parole est à M. Denis Badré. M. Denis Badré. Il y a un an, mes chers collègues, vous vous en souvenez sans doute, nous avions eu un débat tout à fait intéressant sur le statut des dirigeants d'associations.
Les membres de mon groupe avaient alors insisté pour que ces dirigeants élus d'associations ne soient pas rémunérés. Nous considérons en effet que, si le bénévolat perd sa signification, les associations elles-mêmes ne seront plus ce qu'elles sont. Or nous savons combien elles sont précieuses au bon fonctionnement de notre démocratie.
Je maintiens aujourd'hui ce que nous avons dit il y a un an à ce sujet ; c'est la toile de fond sur laquelle se dessine cet amendement un peu particulier qui vise tout particulièrement certaines associations.
Dans certains cas, notamment dans le monde rural, dans des zones plutôt difficiles, faire le pari de la jeunesse ne relève même plus d'un pari car, s'il n'y a pas de jeunes dirigeants, il n'y a pas de dirigeants du tout.
Pour avoir de jeunes dirigeants, il faut leur apporter un minimum de soutien. Nous demandons donc qu'un statut particulier soit accordé aux associations qui font le pari de la jeunesse.
M'appuyant toujours sur le contexte général, je tiens à réaffirmer les principes de transparence, de démocratie et de promotion collective qui doivent régir ces associations.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous avons largement évoqué cette question l'an dernier. La commission des finances du Sénat avait réaffirmé à cette occasion son attachement au principe du bénévolat qui, dans les associations, doit être la règle, la rémunération étant l'exception.
M. Michel Charasse. Exactement !
M. Philippe Marini, rapporteur général. A cette considération de base s'ajoute la question du régime fiscal. Si une association s'écarte des règles qui ont été redéfinies, de façon sans doute un peu pointilliste, dans la loi de finances pour 2002, elle ne peut plus se prévaloir du statut fiscal d'organisme désintéressé et se trouve, dès lors, assujettie aux différents impôts dits commerciaux.
M. Michel Charasse. De droit commun !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pour autant, il lui est possible de s'assujettir à ces impôts si elle estime que la nature de son activité l'y conduit. La limite entre l'association sans but lucratif et la société commerciale doit être clairement posée. On peut, en effet, difficilement envisager que des associations développent leurs activités sous ce statut de manière à concurrencer des entités économiques et commerciales placées dans le cadre juridique approprié.
Mes chers collègues, il n'est pas possible de faire dériver les choses au-delà d'une certaine limite. Nous devons nous prononcer sur l'amendement n° 16 que vient de présenter M. Denis Badré, et, dans un instant, nous devrons également nous prononcer sur l'amendement n° 54 rectifié que va défendre M. Jean Chérioux.
Même si ces deux amendements ne sont pas techniquement en discussion commune, ils traitent du même sujet, et la commission des finances, pour sa part, est prête à aller aussi loin, mais pas plus loin, que le lui suggère M. Jean Chérioux. Notre collègue M. Denis Badré n'obtient donc que partiellement satisfaction, mais il obtient au moins partiellement satisfaction !
C'est donc pour affirmer notre attachement au principe de base du bénévolat que nous sommes amenés à solliciter le retrait de l'amendement n° 16. Très sincèrement, cher collègue, si l'on acceptait cet amendement, toutes les associations sportives pourraient s'en prévaloir et s'adresseraient qui à leur maire, qui à leur président de conseil général, qui à leur président d'intercommunalité pour solliciter des subventions majorées parce qu'il faudrait rémunérer leur président, leur vice-président, leur secrétaire ou leur trésorier.
Si nous nous laissions aller sur cette pente, chacun peut le comprendre, nos budgets n'y suffiraient pas et, surtout, la nature même des associations s'en trouverait, au sens propre du terme, véritablement corrompue.
M. Michel Charasse. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Comme M. le rapporteur général, le Gouvernement a apprécié l'amendement n° 16 que nous a présenté M. Denis Badré et celui que nous présentera M. Jean Chérioux. Je le dis pour atténuer le regret de M. Denis Badré puisqu'une partie de ses préoccupations sera satisfaite par l'amendement de M. Jean Chérioux.
S'agissant de la rémunération des dirigeants des associations, M. le rapporteur général vient de dire des choses que beaucoup d'entre nous ressentent.
En effet, tout en étant réalistes, il nous faut être très prudents en la matière et, surtout, ne pas faire perdre au bénévolat, qui est aujourd'hui mis à l'épreuve, le rôle précieux qu'il joue en matière d'harmonie au sein de notre société.
Un certain nombre de questions se posent. L'institution de règles particulières pour certaines catégories d'associations pourrait créer une forme de dérogation délicate, qui n'est sans doute pas indispensable pour le bon fonctionnement des associations, par exemple de jeunesse et d'éducation populaire.
Il en va différemment pour les organisations syndicales et professionnelles et les associations cultuelles, car l'indemnisation des dirigeants est intrinsèquement liée à leur fonctionnement, et certaines des conditions imposées par le dispositif actuel rendent cette indemnisation impossible.
C'est pourquoi le Gouvernement demande à Denis Badré de retirer son amendement. A défaut, il sera contraint d'émettre un avis défavorable.
Le Gouvernement écoutera tout à l'heure la présentation de l'amendement n° 54 rectifié de M. Chérioux d'une manière plus ouverte.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Badré ?
M. Denis Badré. Il ne vous aura pas échappé que, lorsque j'ai présenté mon amendement, j'ai insisté, en préambule, sur le fait que je le situais dans le contexte de notre débat de l'année dernière.
Je suis extraordinairement attaché à l'indépendance des associations. Par conséquent, je ne souhaite pas qu'elles soient davantage subventionnées par des collectivités locales pour pouvoir rémunérér leurs dirigeants.
Par ailleurs, sur le fond, d'un point de vue philosophique, je tiens à ce que le bénévolat dans notre pays soit sauvegardé ; je l'ai rappelé en préambule. J'ai simplement insisté sur le fait qu'il fallait, d'une manière ou d'une autre, prêter attention à des associations qui fonctionnent dans des conditions extrêmement difficiles et qui se trouvent à la limite de la survie, notamment dans le monde rural : je pense aux associations animées par des jeunes, pour des jeunes. Si nous ne prêtons pas attention aux efforts extraordinaires qu'elles développent, ces associations ne pourront pas continuer à vivre.
Incidemment, je réagis en ce qui concerne les propos qu'a tenus M. le rapporteur général : les associations auxquelles je pense ne risquent aucunement de faire concurrence à des sociétés commerciales. Elles n'ont rien de commercial ! Elles opèrent dans un domaine tout à fait spécifique, dans les zones difficiles de notre pays, où nous avons encore la chance d'avoir quelques jeunes qui sont prêts à se dévouer, mais qui ne peuvent agir autrement qu'en étant soutenus. Il n'a pas échappé au commissaire de la commission des finances que je suis que l'amendement n° 54 rectifié de M. Jean Chérioux va déjà un peu dans ce sens et montre que nous prenons en considération cette préoccupation. Bien évidemment, je soutiendrai le dit amendement qui sera présenté dans un instant. Il importe de s'engager dans cette voie d'une manière ou d'une autre et de prêter attention à la situation extrêmement difficile de ces associations.
Cela dit, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 16 est retiré.
L'amendement n° 54 rectifié, présenté par M. Chérioux et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
« Après l'article 24, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les troisième à dixième alinéas du d du 1° du 7 de l'article 261 du code général des impôts sont remplacés par onze alinéas rédigés comme suit :
« Toutefois, lorsqu'un organisme décide que l'exercice des fonctions dévolues à ses dirigeants justifie le versement d'une rémunération, le caractère désintéressé de sa gestion n'est pas remis en cause si ses statuts et ses modalités de fonctionnement assurent sa transparence financière, la désignation régulière et périodique de ses dirigeants, le contrôle effectif de sa gestion par ses membres et l'adéquation de la rémunération aux sujétions effectivement imposées aux dirigeants concernés.
« Le nombre de dirigeants de l'organisme pouvant être rémunérés est limité dans les conditions suivantes :
« - un dirigeant au plus peut être rémunéré si le montant annuel des ressources de l'organisme, majorées de celles des organismes qui lui sont affiliés et qui remplissent les conditions mentionnées au troisième alinéa, hors ressources issues des versements effectués par des personnes morales de droit public, est supérieur à 200 000 euros en moyenne sur les trois exercices clos précédant celui pendant lequel la rémunération est versée ;
« - deux dirigeants au plus peuvent être rémunérés si le montant annuel des ressources de l'organisme, majorées de celles des organismes qui lui sont affiliés et qui remplissent les conditions mentionnées au troisième alinéa, hors ressources issues des versements effectués par des personnes morales de droit public, est supérieur à 500 000 euros, en moyenne sur les trois exercices clos précédant celui pendant lequel la rémunération est versée ;
« - trois dirigeants au plus peuvent être rémunérés si le montant annuel des ressources de l'organisme, majorées de celles des organismes qui lui sont affiliés et qui remplissent les conditions mentionnées au troisième alinéa, hors ressources issues des versements effectués par des personnes morales de droit public, est supérieur à 1 000 000 euros en moyenne sur les trois exercices clos précédant celui pendant lesquel la rémunération est versée.
« Les ressources financières perçues par un organisme ne peuvent être prises en compte que pour l'appréciation de son propre montant de ressources et, le cas échéant, pour l'appréciation du montant des ressources d'un seul des organismes dont il est membre.
« Le montant des ressources autres que celles issues des versements effectués par des personnes morales de droit public est constaté par un commissaire aux comptes.
« Le montant de toutes les rémunérations versées à chaque dirigeant au titre de la présente disposition ne peut en aucun cas excéder trois fois le montant du plafond visé à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale.
« Un organisme peut verser des rémunérations dans le cadre de la présente disposition uniquement si ses statuts le prévoient explicitement et si une décision de son organe délibérant l'a expressément décidé à la majorité des deux tiers de ses membres présents ou représentés.
« Les dispositions des quatrième au neuvième alinéas ne s'appliquent pas aux syndicats professionnels, quelle que soit leur forme juridique, à leurs unions et, lorsqu'elles sont autorisées à recevoir des dons et legs, aux associations culturelles ainsi qu'à leurs unions.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application des dix alinéas précédents. »
« II. - Au troisième alinéa de l'article 80 du code général des impôts, le mot : "dixième" est remplacé par le mot : "treizième".
« III. - La perte de recettes pour l'Etat résultant des I et II ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Jean Chérioux.
M. Jean Chérioux. Vous me voyez un peu confus, monsieur le président, puisque je suis amené à défendre un amendement qui semble avoir déja reçu l'approbation de M. le rapporteur général et de M. le ministre.
Je partage les positions qui ont été exprimées par notre collègue Denis Badré. Effectivement, il n'est pas question de retirer aux associations leur caractéristique fondamentale, à savoir le bénévolat. D'ailleurs, cet amendement n'a pas pour objet d'aller au-delà des limites, qui doivent, certes, être très strictes, imposées par le législateur que nous sommes lors du débat sur le projet de budget pour 2002. Il ne s'agit donc nullement d'accorder de nouveaux avantages à certaines associations.
Il convient simplement de préciser davantage les critères qui ont été retenus lorsque nous avons élaboré les textes. En effet, ces critères sont tels qu'échappent aux possibilités qui sont données d'une façon générale aux associations certaines catégories bien déterminées, qui devraient en bénéficier normalement compte tenu de l'esprit même des textes que nous avons votés.
Deux catégories d'associations ont d'ailleurs été évoquées tout à l'heure par M. le ministre : ce sont, d'une part, les syndicats, notamment les fédérations de syndicats, qui, à l'évidence, échappent à des dispositions qui devraient s'appliquer, et, d'autre part, certaines associations cultuelles qui, compte tenu de leurs structures propres, ne répondent pas tout à fait aux conditions édictés par les textes tels qu'ils avaient été votés, d'où la nécessité de revoir certains critères. A cet égard, je puis vous dire que les statuts et les modalités de fonctionnement de l'organisme considéré doivent assurer la transparence financière, la désignation régulière et périodique de ses dirigeants, le contrôle effectif de sa gestion par ses membres et l'adéquation de la rémunération aux sujétions effectivement imposées aux dirigeants concernés.
Tel est, pour l'essentiel, mes chers collègues, le texte qui vous est proposé. Il correspond à un simple aménagement, de façon que ne soient pas exclus les dirigeants d'organismes qui, à l'évidence, devraient profiter de ces mesures.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission est favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Je souhaite apporter une précision. En effet, vous avez très bien compris que le Gouvernement était favorable à la proposition de M. Chérioux. J'indiquerai simplement que cet amendement maintient l'essentiel des conditions qui concernent la transparence des organismes pour éviter tout abus et la limitation de l'assouplissement aux associations cultuelles autorisées à recevoir des dons et legs, ce qui empêchera que des organismes sectaires ne puissent se prévaloir de ces mesures.
Voilà une raison supplémentaire qui justifie l'avis favorable du Gouvernement. Par conséquent, je lève le gage, monsieur le président.
M. Jean Arthuis, président de la commission. Très bien !
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 54 rectifié bis.
La parole est à M. Denis Badré, pour explication de vote.
M. Denis Badré. Je souhaite simplement confirmer que j'apporte mon soutien total à cet amendement.
M. Jean Arthuis, président de la commission, et M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission. Je me réjouis de ce débat, car il permettra d'éclairer les partenaires, ceux qui assurent le bon fonctionnement des associations, ceux qui militent pour le bénévolat et au nom du bénévolat et, en tant que de besoin, l'administration et le juge.
Je fais quand même observer que le plafond qui a été fixé pour la rémunération équivaut à trois fois celui qui est visé à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale. Si je calcule bien, avec les charges sociales, cela représente près de 50 000 euros par an. Quand on évoque un seuil de 200 000 euros, cela signifie que le quart du budget de l'association est consacré à la rémunération d'un dirigeant.
C'est peut-être la notion de dirigeant qu'il faudrait clarifier. En effet, les propos qui ont été tenus par M. le rapporteur général, M. le ministre, Denis Badré et Jean Chérioux accréditent l'idée que ceux qui sont mandatés par l'assemblée générale d'une association pour exercer des fonctions de président et de membre du bureau, l'équivalent du conseil d'administration, c'est-à-dire ceux qui sont élus ne devraient pas être rémunérés,...
M. Jean Chérioux. Absolument !
M. Jean Arthuis, président de la commission. ... sauf dans les cas visés par l'amendement de Jean Chérioux. Celui-ci ne fait d'ailleurs que reprendre la législation existante en écartant, comme l'a rappelé M. le ministre, les mouvements sectaires, ce qui est une heureuse contribution.
Nous devons cependant être extrêmement prudents, car, en aucune façon, nous ne devons être suspectés d'encourager un salariat aussi significatif au profit de dirigeants, c'est-à-dire d'élus de mouvements associatifs. La rémunération ne doit être accordée qu'aux collaborateurs qui ont un lien de subordination avec les dirigeants élus de l'association.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !
M. Jean Arthuis, président de la commission. Ainsi, chacun sera à l'abri des foudres fiscales. J'observe que, finalement, pour les cas particuliers, il n'y a que le droit fiscal qui assure le respect des principes.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 54 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi après l'article 24.

Art. 24 bis