SEANCE DU 4 DECEMBRE 2002


M. le président. « Titre IV : 176 022 024 euros. »
La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, sur les crédits du titre IV.
Mme Marie-Claude Beaudeau. La représentation nationale ne peut que relever avec intérêt, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, votre volonté de renforcer l'influence de la France dans les institutions internationales, notamment par une augmentation de nos contributions obligatoires cette année et volontaires dans la loi de finances de 2004.
A ce titre, j'espère que les évaluations en cours concluront à l'intérêt de renforcer notre collaboration avec le fonds des Nations unies pour les activités en matière de population, le FNUAP, qui fait sur le terrain, depuis sa création en 1969, un travail magnifique, et avec lequel la France entretient d'ailleurs, me semble-t-il, d'excellentes relations.
Au surplus, ce renforcement aurait l'avantage de s'inscrire en faux contre l'attitude de l'administration Bush, laquelle n'a de cesse, depuis deux ans, de contrecarrer la mise en oeuvre, par le FNUAP au premier chef, du programme, adopté en 1994 au Caire, en faveur de la santé et donc de la condition des femmes du monde entier.
Je rappelle que ce programme d'action a pour objet de réduire, d'ici à 2015, la mortalité maternelle et l'incidence du sida, et d'étendre l'accès à l'éducation primaire à toutes les filles et à tous les garçons.
Je n'ignore pas que lorsque le président américain a décidé, en juillet dernier, de supprimer la contribution de Washington au FNUAP, le Quai d'Orsay a publiquement affiché son soutien à ce dernier et approuvé le renforcement, en retour, de la contribution de l'Union européenne. Mais aujourd'hui, il nous semble qu'il faut aller plus loin, car la situation est infiniment plus grave.
En effet, l'administration Bush en est arrivée, sous le prétexte fallacieux de faire la chasse aux avortements, à demander que l'on vide carrément de sa substance le programme du Caire, faute de quoi elle lui retirerait son soutien. Et l'on peut facilement imaginer qu'il ne lui serait pas difficile de faire des émules, tant sont nombreux, dans le monde, les pays qui n'ont pas encore compris qu'il n'y aurait pas de recul de la pauvreté tant que les droits des femmes ne seraient pas respectés.
Monsieur le ministre, la cinquième conférence Asie-Pacifique sur la population se réunira du 11 au 17 décembre prochains à Bangkok. Ce sera la première sur la route qui nous ramènera au Caire, dix ans après : elle donnera le ton. La France y participera et elle aura donc la possibilité de s'opposer, comme elle l'a fait avec succès à Johannesburg, aux prétentions des adversaires des droits des femmes. Si la France et l'Union européenne ne se dressaient pas contre l'attitude américaine, elles favoriseraient un véritable retour en arrière au regard de tous les progrès réalisés depuis 1994, quant aux droits et au statut des femmes dans les pays en voie de développement.
« Contrairement à ce qu'affirment les Etats-Unis, le FNUAP ne préconise pas l'avortement ; il agit pour éviter le recours à l'interruption volontaire de grossesse, qui est toujours traumatisante pour les femmes », déclare avec force Mme Fama Hane-Ba, responsable de la division africaine au FNUAP.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, ma question sera simple : donnerez-vous à la délégation française à la conférence de Bangkok les instructions nécessaires ? Manifesterez-vous, ne serait-ce qu'à titre symbolique, votre solidarité et celle de notre pays avec le FNUAP, en augmentant dès 2002, par le biais du collectif budgétaire, la contribution de la France à ce fonds ?
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. L'amendement n° II-64, présenté par MM. Arthuis, Marini, Charasse et Chaumont, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
« Réduire les crédits du titre IV de 2 000 000 euros. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les conditions économiques dans lesquelles s'inscrit le projet de loi de finances pour 2003 ont évolué depuis la détermination des principales masses budgétaires, l'été dernier. Comme vous le savez, nous avons été informés ici même, voilà une semaine, de quelques modifications significatives dans la détermination des recettes de l'Etat, avec une baisse prévisionnelle de 700 millions d'euros du produit de la fiscalité.
Dans ces conditions, la commission des finances du Sénat, qui a souhaité, par ailleurs, contribuer à l'équilibre de la loi de finances en apportant des idées de recettes fiscales supplémentaires qui ont été approuvées par notre assemblée, et dans le souci de ne pas laisser se creuser les déficits, avec toutes les conséquences que cela représente, attache beaucoup d'importance à ce que les différents départements ministériels prennent dès maintenant une part raisonnable à l'effort commun. Nous pensons que, au moment où les recettes se contractent, il n'est pas concevable que les différents départements ministériels ne réalisent pas quelques efforts sur leurs propres crédits, alors que la loi de finances s'élabore définitivement.
Chacun sait ici, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, que le déroulement budgétaire de l'année 2003 dépendra des conditions économiques. Au vu de ce qui est prévisible aujourd'hui, quelques techniques de régulation en cours d'année ou de modération dans les taux de consommation des crédits devront sans doute être utilisées. L'exercice auquel les deux rapporteurs spéciaux, MM. Michel Charasse et Jacques Chaumont, se sont livrés, comme tous les autres rapporteurs spéciaux, a consisté à rechercher dans ce budget, comme dans tous les autres, quelques points bien identifiés sur lesquels un effort peut être consenti.
Bien entendu, nous ne saurions négliger tout ce qui a déja été prévu dans ce projet de budget en vue d'une rationalisation, d'un meilleur emploi des crédits publics, de réformes de structures dont MM. Pierre-André Wiltzer et Renaud Muselier nous ont donné de nombreux exemples.
Par notre contribution, nous souhaitons en quelque sorte les aider dans cette démarche de réforme. A la suite de la Cour des comptes, nous avons considéré que deux lignes pouvaient faire l'objet d'une réduction dont le montant nous semble raisonnable.
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas sérieux de présenter des amendements comme celui-là !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je vous en prie, chère collègue, il ne faut point nier la réalité !
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas sérieux !
M. Guy Penne. M. le rapporteur général est assez sérieux pour savoir qu'il n'est pas sérieux ! (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous estimons, à cette heure avancée de la nuit, qu'il faut examiner les chapitres 42-14 et 42-15.
Sur le chapitre 42-14, qui concerne les missions d'expertise de courte durée menées par le ministère, nous avons observé que quelques efforts pouvaient être réalisés s'agissant du nombre d'experts et des missions ou de la durée moyenne de celles-ci. Vous trouverez dans l'objet de l'amendement un certain nombre d'exemples à cet égard. Il est clair que tout ce qui est nécessaire peut être fait en veillant au bon emploi des deniers publics, par le biais de missions d'expertise de courte durée et ne mobilisant que les personnels strictement indispensables.
Nous proposons donc une économie de l'ordre de 3,5 %, liée à une meilleure organisation de la programmation de ces missions. Lorsque l'on observe que, parfois, jusqu'à sept ou huit experts ont été mobilisés dans certains pays pour telle ou telle mission, on en vient à s'interroger sur sa préparation et son organisation. Il ne s'agit pas de constatations de portée générale, mais une économie de l'ordre de 3,5 % nous semble, d'après les éléments fournis par la Cour des comptes, tout à fait concevable. Elle ne remettrait nullement en question les objectifs fixés.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général . S'agissant maintenant de l'offre audiovisuelle française, c'est un sujet assez stratégique que je voudrais évoquer : celui de la chaîne CFI-TV. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. C'est trop long !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Laissez-moi m'expliquer plus longuement, puisque vous n'êtes pas convaincus, chers collègues de la minorité sénatoriale !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Nous avons lu l'exposé des motifs !
M. le président. Mes chers collègues, je souhaiterais que nous achevions nos travaux à une heure raisonnable, car le débat budgétaire se poursuivra demain avec un ordre du jour chargé.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le président, je ne crois pas que la commission soit en rien responsable de la longueur de nos débats de ce soir !
S'agissant donc de CFI-TV, créer une chaîne d'information diffusée au Moyen-Orient pose en définitive un problème de stratégie.
Nous n'avons pas l'intention, à ce stade, de contester les crédits de production, qui représentent d'ailleurs, avec 22,5 millions d'euros, la part essentielle. Nous aimerions, le moment venu, obtenir quelques précisions sur l'organisation de cette production et avoir l'assurance qu'il s'agira d'émissions spécifiques destinées à être diffusées à l'étranger, en particulier en milieu francophone, et non pas en direction d'autres publics.
La diffusion nous intéresse davantage. Les documents officiels indiquent que le projet même de chaîne CFI-TV peut être remis en cause, et il ne nous semble pas indispensable, en effet, que des pays qui baignent déjà dans un climat francophone et ont accès à de nombreux médias francophones disposent d'une chaîne francophone supplémentaire.
L'amendement de la commission des finances vise donc à poser toutes ces questions et à inciter à un redéploiement. Nous espérons que cette approche raisonnable pourra être partagée par la Haute Assemblée.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué. Monsieur le rapporteur général, je comprends très bien le souci d'économie qui inspire la commission des finances. Je rappellerai simplement que le budget dont il s'agit représente 1,5 % du budget total de l'Etat, voire beaucoup moins, puisque l'amendement ne porte que sur le volet de la coopération au développement, lequel a été assez lourdement sinistré jusqu'à présent.
Je pense que l'on ne peut se prononcer sur le principe énoncé par l'amendement sans examiner les conséquences qu'entraînerait son application.
M. Guy Penne. Très bien !
M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué. Je suis convaincu qu'il ne saurait s'agir, dans l'esprit de la commission ni dans le vôtre, monsieur le rapporteur général, d'une taxation d'office.
Canal France International, CFI comprend deux branches.
La première, CFI-Pro, élabore des programmes pour les télévisions africaines. Il est exact qu'elle est la plus coûteuse, puisque les crédits afférents atteignent quelque 20 millions d'euros.
La seconde branche, CFI-TV, diffuse des programmes, principalement en Afrique. Cette chaîne doublonne pour partie, avec TV5. Le Gouvernement envisage donc de supprimer CFI-TV, dont le coût est de l'ordre de 2 millions à 2,5 millions d'euros, ce qui est relativement modeste. On ne peut cependant en conclure que cette somme sera économisée ! Les choses sont un peu moins simples, car les activités qui vont subsister, c'est-à-dire la fabrication des programmes - il est d'ailleurs prévu de confier à CFI-Pro une mission plus large de formation des personnels des télévisions africaines et d'expertise -, sont actuellement en état de sous-financement structurel, la dotation n'ayant pas évolué depuis 1999.
Depuis deux ans, CFI-Pro n'a pu boucler son budget que grâce à des recettes non reconductibles, qui sont en voie d'épuisement. Par conséquent, l'idée du Gouvernement est de gérer, dans le courant de l'année 2003, l'extinction de la branche télévision, afin, grâce à cela, de compléter les sommes nécessaires au fonctionnement de CFI-Pro.
M. Guy Penne. Très bien !
M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué. Enfin, nous avons entrepris un effort pour essayer de restructurer l'ensemble des missions de la coopération française dans le secteur audiovisuel. Un plan « Images Afrique » est en cours d'élaboration, et une nouvelle direction de CFI doit prendre ses fonctions au début de l'exercice 2003, avec pour mission d'assurer cette mutation.
Si brusquement, sans prendre le temps de gérer le dossier et de bien en mesurer les conséquences, nous décidons d'interrompre purement et simplement le versement des crédits destinés à CFI-TV, il faudra bien entendu licencier du personnel, dénoncer des contrats satellitaires, et, au total, l'opération ne rapportera rien en 2003.
Au vu de toutes ces explications, dont vous excuserez la longueur mais qui étaient nécessaires pour que vous puissiez mesurer très précisément les enjeux,...
Mme Hélène Luc. C'était très intéressant !
M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué ... je souhaiterais, monsieur le rapporteur général, que, eu égard aux circonstances, vous acceptiez de renoncer à cet amendement. J'en comprends bien l'inspiration, mais il comporte de sérieux inconvénients.
Mme Hélène Luc. Ce serait plus sage !
M. Guy Penne. Le Gouvernement est plus intelligent que la commission !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Et bien plus éloquent !
M. le président. La parole est à Mme MoniqueCerisier-ben Guiga, contre l'amendement.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le président, j'assiste ce soir à la naissance d'une nouvelle variété de primeur. Je connaissais les fraises, les asperges, ... et voilà que je découvre une régulation budgétaire en primeur, une régulation qui, si j'ai bien compris, tombe en décembre au lieu de tomber en janvier. (Sourires.)
J'ai relu quelques textes intéressants, par exemple celui-ci : « Chacun s'entend à reconnaître les progrès récents accomplis par RFI, par TV5, par CFI, grâce aux efforts de leurs équipes et à la détermination des pouvoirs publics. [...] Cette ambition culturelle extérieure suppose, c'est l'évidence, des moyens accrus. C'est un problème constant. La France ne peut pas mener en première ligne le combat pour l'exception culturelle et la diversité des cultures sans faire de l'action audiovisuelle, culturelle et linguistique extérieure une priorité. » Ce texte n'est pas de moi, il est du président Jacques Chirac, et il a dix mois d'âge !
M. Hilaire Flandre. Action ne signifie pas forcément argent !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Cet amendement entre donc en contradiction avec tout ce qui a été annoncé depuis des mois et des mois.
Le plus grave, c'est que rien de tout cela n'est très sérieux. En effet, l'exécutif n'est pas tenu par l'exposé des motifs d'un amendement : il n'est tenu que par le contenu dudit amendement. Or le contenu de l'amendement n° II-64 vise à une suppression de crédits au titre IV.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous voulez les supprimer ailleurs ?
Mme Hélène Luc. Mais pourquoi voulez-vous les supprimer ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Parce que vous voulez toujours dépenser plus !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. En d'autres termes, on nous propose de décider, à deux heures du matin, par la voie d'un amendement qui « déboule » en séance sans avoir été discuté ni en commission des affaires étrangères ni en commission des finances, de fermer une société de télévision, CFI-TV, et, comme le soulignait fort justement M. le ministre, de résilier des contrats satellitaires - ce qui coûte cher - et de licencier subitement des personnels - ce qui coûte également cher. La démarche me paraît donc fort peu cohérente et fort peu réfléchie, à la fois du point de vue politique et du point de vue financier, et c'est la raison pour laquelle nous nous opposons à cet amendement.
Nous le rejetons aussi parce qu'il est parfaitement connu que le rapprochement sous une présidence unique de TV5, de CFI-TV et de CFI-PRO est en cours et que ce processus va s'achever assez rapidement. Il fait partie de la rationalisation de nos moyens audiovisuels extérieurs et se fera sans dégâts ni coût élevé.
La coupe brutale qui nous est demandée est démesurée et inappropriée. Elle ne pourra pas être réalisée, et, in fine , la suppression de 2 millions d'euros de crédits portera sur l'aide publique au développement et non pas sur les domaines qui sont spécifiés dans l'exposé des motifs de cet amendement. Je le répète, l'exécutif n'est pas tenu par l'exposé des motifs.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Mais si !
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, pour explication de vote.
Mme Hélène Luc. Monsieur le rapporteur général, ma réprobation ne diminue pas au fil de l'examen des amendements !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous arriverons au bout malgré tout !
Mme Hélène Luc. Lors de l'examen du budget de l'éducation nationale, vous nous avez proposé de prendre de l'argent sur les universités, ni plus ni moins,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Sur la réserve, parce qu'elle était surabondante !
Mme Hélène Luc. Oui : sur la réserve des conseils d'administration des universités ; aujourd'hui, vous nous demandez de prendre des crédits sur l'APP (aide publique au développement), que nous voulons développer.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Non ! sur une chaîne qui va être supprimée !
Mme Hélène Luc. J'ai déjà eu l'occasion de regretter que la part du budget allouée à l'action culturelle et à la francophonie soit en baisse ; et voilà que vous nous demandez de la réduire encore !
L'offre en matière audiovisuelle ne saurait être trop abondante, et il faut se féliciter que vingt-sept chaînes françaises soient disponibles en Afrique, par exemple. Le rayonnement de la France grâce à sa culture et à sa langue ne doit pas être négligé. Ainsi, nous devons plus encore encourager les initiatives qui assureraient leur diffusion de par le monde.
M. Hilaire Flandre. Combien sont-ils à regarder cette chaîne ?
Mme Hélène Luc. Vous estimez que certaines chaînes pourraient faire doublon. Au lieu de leur retirer des crédits, le ministère pourrait organiser des réunions et des concertations pour faire en sorte que l'offre audiovisuelle française soit de qualité et diversifiée, à l'image de ce qui se passe dans notre pays !
Je remercie M. le ministre des explications qu'il nous a données. Il peut compter sur nous pour défendre son projet de budget et développer cette activité.
Je reconnaissais, aujourd'hui même, à la tribune, la part accordée à la coopération et au développement, et voilà que vous proposez des coupes justement dans cette partie du budget !
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Cela ne fait pas un grain de riz de plus pour les pauvres !
Mme Hélène Luc. Le constat devient alors assez cocasse : le Président de la République et le Gouvernement ne cessent de clamer qu'il est nécessaire d'adopter une nouvelle politique pour l'APD et d'expliquer qu'il faut augmenter les budgets pour atteindre 0,7 % du PIB en temps voulu ; et la première mesure que vous prenez, mes chers collègues, vise à réduire ce budget de 2 millions d'euros. Je sais bien que l'argent n'est pas prélevé sur les 0,7 %, mais cette diminution a tout de même des conséquences. Quel bel exemple de cohésion !
Le groupe communiste républicain et citoyen est opposé à toute réduction de ce budget, car il considère qu'il est indispensable pour la France et qu'aucune composante des affaires étrangères et de la coopération ne peut souffrir une nouvelle coupe claire.
C'est pourquoi nous voterons contre cet amendement, qui vise à supprimer 2 millions d'euros de crédits.
M. le président. La parole est à M. Guy Penne, pour explication de vote.
M. Guy Penne. Je suis atterré par le dépôt de cet amendement. Parmi les signataires figurent des collègues que j'apprécie hautement, et j'ai eu l'année dernière l'occasion de voir M. Marini, notamment, critiquer sévèrement le budget de M. Védrine, qu'il trouvait insuffisant.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je n'ai jamais dit cela !
M. Guy Penne. Si !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je n'ai jamais critiqué un budget pour son insuffisance !
M. Guy Penne. Vous lui reprochiez de n'être pas assez important pour répondre à ce que la politique de la France devait être !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Votre mémoire est infidèle !
M. Guy Penne. J'ai participé ici à plusieurs débats budgétaires. Je me souviens avoir entendu tel ministre affirmer qu'il fallait faire un effort supplémentaire et accepter des réductions de crédits. Cela ne s'est pas très bien terminé pour lui, et son ministère même connut une certaine agitation !
Plus récemment, j'ai vu M. Juppé se battre pour que l'on ne touche pas à son budget, parce qu'il estimait que, 1 %, ce n'était pas beaucoup - alors que son prédécesseur trouvait qu'avec 0,90 %, après tout, on pouvait accepter encore des compensations.
M. Védrine trouvait son budget insatisfaisant, mais il avait dépassé 1 %.
Aujourd'hui, on nous annonce que c'est un peu mieux, mais chacun sait bien que le budget des affaires étrangères est totalement insuffisant.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Même les plus gros budgets sont insuffisants !
M. Guy Penne. Nous l'avons dit, le groupe socialiste s'abstiendra. Cela représente un effort de notre part, mais nous le faisons parce que nous pensons que ce budget s'inscrit dans une certaine continuité : ayant soutenu le précédent, je m'abstiens aujourd'hui, parce que je pense que c'est logique.
Mais quand la commission des finances propose de réduire les crédits de 2 millions d'euros, qu'est-ce que cela signifie ? Cela ne rime à rien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est tellement peu !
M. Guy Penne. En effet, les 2 millions d'euros ne sont pas aussi identifiés que vous le dites et, sur ce point, je partage l'analyse de Mme Cerisier-ben Guiga.
Mais je ne veux pas discuter avec un ancien ministre du budget, mon excellent ami Michel Charasse, qui semble dire que je me trompe.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Absolument !
M. Guy Penne. Je ne veux pas non plus polémiquer sur cette technique.
Si la suppression de ces 2 millions d'euros empêchait tout gel budgétaire, je la comprendais. Mais ce n'est que du fard, ce n'est rien du tout, parce que cela n'empêchera pas le gel budgétaire !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Ils s'ajouteront aux autres !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Alors, votez l'amendement !
M. Guy Penne. Quand il y aura un gel budgétaire, on dira simplement que, en effet, il s'ajoute à cette diminution de 2 millions d'euros.
Je ne peux pas l'accepter !
Ce budget n'est déjà pas suffisant, et nous ne parlons que de ces deux chapitres, alors qu'il y en a bien d'autres. Nous avons tous expliqué - même nos collègues de la majorité, qui soutiennent le Gouvernement - les difficultés que rencontrent les ministres pour remplir leurs tâches. Eh bien ! aujourd'hui, je ne vois pas comment on peut prendre les devants et diminuer les crédits pour faire mieux.
Aujourd'hui, mes chers collègues, vous voulez enlever le bas dans quelque temps, vous enlèverez le haut, ou ce sera peut-être l'inverse.
Je ne m'associerai pas à cela.
M. le président. La parole est à Mme Danielle Bidard-Reydet, pour explication de vote.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Je tiens également à m'expliquer sur cet amendement assez stupéfiant qui appelle, c'est le moins que l'on puisse dire, plusieurs remarques.
Il a été particulièrement étonnant de découvrir cet après-midi seulement, au début même de la discussion de ce budget que M. le rapporteur général du budget, et M. le président de la commission des finances avaient déposé avec d'autres collègues un amendement tendant à réduire les crédits du ministère des affaires étrangères pour 2003, dont chacun s'est accordé à souligner l'évolution positive. Néanmoins, ces crédits restent encore très insuffisants par rapport aux ambitions qu'affiche le ministre des affaires étrangères pour le rôle que la France doit jouer dans le monde.
De plus, il est particulièrement difficile d'imaginer que les signataires de cet amendement aient pris seuls cette initiative, et l'on peut raisonnablement penser que le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie et la commission des finances du Sénat se sont mis préalablement d'accord sur ce point.
Cette dernière se substitue ainsi au Gouvernement, en quelque sorte, évitant à celui-ci de porter la responsabilité publique d'une nouvelle régulation qui prend la forme d'un gel budgétaire. Les seuls parlementaires porteront alors la responsabilité de cette initiative, ce qui laissera au Gouvernement la possibilité de décider, pour l'année prochaine, un nouveau gel budgétaire.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Bien sûr que c'est cela !
Mme Danielle Bidard-Reydet. Cette démarche est tout à fait indécente !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Elle est malhonnête !
Mme Danielle Bidard-Reydet. Monsieur le rapporteur général, si vous êtes en désaccord avec le bien-fondé d'une activité, vous pouvez proposer des améliorations sur le fond, vous pouvez proposer des améliorations sur la forme. Mais ne proposez pas de réduire des crédits dont chacun s'accorde à penser qu'ils sont absolument nécessaires !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je n'ai le droit de proposer que des augmentations de recettes. L'article 40 de la Constitution m'empêche de faire autre chose !
Mme Danielle Bidard-Reydet. Pour toutes ces raisons, nous refusons de cautionner une telle démarche et nous ne voterons pas cet amendement, pour lequel nous demandons un scrutin public.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, rapporteur spécial.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Sans vouloir envenimer les choses, je dirai un mot sur le problème politique et sur le problème technique que pose cet amendement.
Sur le plan politique, la commission des finances, dans sa majorité, a proposé une démarche d'économies budgétaires à laquelle les groupes de l'opposition ne se sont pas associés. Il n'empêche que, dans sa majorité, elle a proposé une démarche. Nous sommes maintenant confrontés à une proposition en séance publique. Les représentants de l'opposition ont fait les observations qu'ils croyaient devoir faire et les rapporteurs spéciaux ont rapporté les travaux de leur commission ; ce n'est pas la peine d'épiloguer davantage.
Sur le plan technique, je voudrais dire amicalement à mes collègues et amis du groupe socialiste que l'ordonnance de 1959 impose le vote des crédits par titre et par ministère et que, contrairement à ce qui se passait sous la IVe République, contrairement au décret de 1956, on ne vote plus par chapitre. Depuis 1958, en matière d'abattement de crédits, l'abattement se fait sur le titre mais l'exposé des motifs, qui lie le Gouvernement, indique les chapitres concernés.
Par conséquent, l'amendement qui vient d'être défendu par M. le rapporteur général précise bien, dans son exposé des motifs, quels sont les chapitres concernés. Et n'ayez crainte, mes chers collègues et amis, si cet amendement est adopté, l'abattement de crédits portera bien sur ces deux chapitres et sur rien d'autre, conformément à l'ordonnance de 1959.
Mme Cerisier-ben Guiga et M. Penne disaient tout à l'heure au Gouvernement : mais vous pourrez faire ce que vous voudrez ! Eh bien non, sachez-le, il ne pourra pas faire ce qu'il veut.
Par ailleurs, nous avons entendu les explications du Gouvernement en ce qui concerne la deuxième partie de l'amendement, qui porte sur CFI.
Quant aux promenades inconsidérées qui font que le Quai d'Orsay, sous prétexte de missions d'experts, se transforme en vaste agence de voyages, elles ont été dénoncées, à juste titre, par la Cour des comptes. Il m'est arrivé, en faisant des contrôles sur place et sur pièces, de découvrir vingt ou trente missions présentes en même temps dans le même pays et qui se parlaient à peine ou même ne se connaissaient pas. Je parle là d'observations personnelles qui n'engagent pas mon groupe, naturellement, mais ces observations, je les ai faites.
Nous avons un tel nombre de missionnaires à travers le monde que les rapports ne trouvent plus place dans les placards et qu'il n'y a plus assez de crédits pour acheter des placards pour mettre les rapports ! (Sourires.) On est quand même conduit à s'interroger !
La Cour des comptes a été évoquée à plusieurs reprises ce soir, y compris par nos amis du groupe communiste républicain et citoyen. Ce qui est curieux c'est que, lorsque la Cour des comptes dit : là il y a du gaspillage, on pourrait supprimer, on n'aime pas. Mais quand la Cour des comptes dit : ça c'est très bien géré, là on aime bien !
Je n'irai pas plus avant, monsieur le président, parce qu'il est tard ; je voulais simplement faire ces observations.
S'agissant de CFI, et sans vouloir me prononcer sur le fond, j'observerai tout de même - et je ne parle pas de technique budgétaire dans cette affaire - que nous sommes dans une situation très paradoxale dans la mesure où le Gouvernement nous demande de ne pas supprimer un crédit destiné à CFI-TV pour se réserver la possibilité de l'utiliser en cours d'année à autre chose puisqu'il a quasiment décidé de supprimer CFI-TV.
Dans ces conditions, je pense qu'il ne faut pas poursuivre plus longtemps cette discussion, car il est tard, et l'on va finir par ne plus rien y comprendre ! (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-64.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public, émanant l'une du groupe communiste républicain et citoyen et l'autre du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 62:

Nombre de votants 318
Nombre de suffrages exprimés 309
Majorité absolue des suffrages 155145
Contre 164

Le Sénat n'a pas adopté. (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe communiste républicain et citoyen.)
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
M. Guy Penne. Le groupe socialiste s'abstient.
Mme Hélène Luc. Le groupe communiste républicain et citoyen également.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C