SEANCE DU 4 DECEMBRE 2002


M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant l'outre-mer.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous allons nous prononcer, au terme de ce débat, sur le projet de budget de l'outre-mer pour 2003, qui s'établit, comme l'année dernière, à environ 1 milliard d'euros. A structure constante, il progresse de 1,5 %.
Chaque année, lorsque je présente le projet de budget qui nous est soumis, j'attire votre attention, mes chers collègues, sur le fait que le budget que nous votons ne reflète pas la réalité des crédits que le ministre de l'outre-mer aura à gérer au cours de l'année à venir, et ce pour deux raisons.
D'abord, les crédits de l'outre-mer sont généralement mal consommés et environ 20 % des crédits disponibles au titre d'une année sont reportés sur l'année suivante ; j'en veux pour preuve qu'au cours des cinq dernières années, de 1997 à 2002, l'équivalent d'un budget de l'outre-mer n'a pas été utilisé, comme l'a d'ailleurs signalé Mme la ministre devant l'Assemblée nationale lors de la présentation de son budget.
Ensuite, les différentes procédures de régulation budgétaire, qu'elles s'appellent « contrat de gestion » ou « gel républicain », limitent la capacité du ministère à dépenser toutes les sommes dont il dispose.
L'année prochaine, les données du problème seront différentes.
D'une part, les reports de 2002 sur 2003 devraient être inférieurs à ceux qui ont été constatés les années précédentes en raison des annulations de crédits proposées par le collectif budgétaire que nous examinerons dans deux semaines.
D'autre part, compte tenu de la dégradation de la conjoncture, des économies devront sûrement être envisagées sur les crédits de 2003.
Mes chers collègues, il n'est pas possible d'examiner les différents fascicules ministériels sans tenir compte de l'équilibre général du budget de l'Etat tel qu'il résulte de l'article d'équilibre que nous avons adopté la semaine dernière.
A cette occasion, le Gouvernement a fait preuve d'une transparence sans précédent en indiquant qu'il convenait de revoir à la baisse les prévisions de recettes fiscales. La révision porte sur 700 millions d'euros.
L'incidence de cette révision a été contenue en dégageant des recettes supplémentaires. Toutefois, les gestionnaires locaux que nous sommes savent que les réductions de recettes doivent s'accompagner de réductions de dépenses, faute de quoi il faudrait augmenter les impôts, ce qui n'est pas envisageable.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Vous voyez que j'écoute mon président de commission ! (Sourires.)
En période de resserrement de la contrainte budgétaire, il est encore plus urgent de s'interroger sur l'utilité des dépenses et sur l'efficacité des procédures.
Je ne donnerai qu'un exemple, celui des crédits consacrés à la lutte contre l'habitat insalubre. Ce sont des crédits d'investissement qui ont vocation à améliorer une situation à bien des égards catastrophique. Or ces crédits ne sont pas bien consommés.
Ainsi, 30 millions à 40 millions d'euros sont reportés d'année en année. Nous ne pouvons plus nous permettre de laisser « dormir » de telles sommes, en particulier s'agissant de l'outre-mer, où les besoins sont si importants.
Sur les orientations d'ensemble de votre budget, madame la ministre, la commission des finances s'est félicitée que le projet que vous nous soumettez commence, précisément, à réorienter les dépenses de l'Etat vers la couverture des besoins les plus pressants outre-mer.
Les moyens nouveaux sont concentrés sur des actions prioritaires telles que l'aide à la pierre.
La suppression des crédits de l'ancienne créance de proratisation permet des redéploiements de crédits bienvenus, en particulier pour financer le « passeport mobilité » qui constitue un premier pas attendu en faveur de l'amélioration de la continuité territoriale.
S'agissant de la continuité territoriale, j'ai constaté, lors d'un déplacement auprès de la Commission européenne, que les autorités communautaires étaient réellement sensibles aux difficultés rencontrées par l'outre-mer et qu'elles étaient très demandeuses des propositions que pourraient formuler le Gouvernement et les élus dans ce domaine. Il y a là une perche qu'il ne faut pas hésiter à saisir.
Sans entrer dans le détail, je voudrais, si vous le permettez, formuler deux remarques complémentaires sur le projet de budget qui nous est soumis.
Ma première remarque concerne les crédits des aides à l'emploi du Fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, le FEDOM, qui constituent, comme les années précédentes, le « gros » du budget de l'outre-mer, même si leur part dans le total diminue.
Il est particulièrement regrettable de constater que les crédits des dispositifs d'aide à l'emploi non marchand sont intégralement consommés, ce qui n'est pas le cas des crédits des dispositifs d'aide à l'emploi marchand.
Vous avez annoncé, madame la ministre, votre intention de réhabiliter les CAE, les contrats d'accès à l'emploi. Nous approuvons cette orientation, qui est indispensable au développement de l'outre-mer. Dans les DOM, où le salaire moyen dans le secteur public est deux fois supérieur à celui du secteur privé et où l'emploi public représente près de la moitié de l'emploi total, il est urgent de soutenir l'emploi marchand et la compétivité des entreprises en général.
Je sais que vous avez prévu de le faire dans votre projet de loi de programme par de nouvelles exonérations de charges et par le rééquilibrage des mécanismes d'aide fiscale à l'investissement, auxquels j'ai récemment consacré un rapport d'information. Nous attendons ce texte avec impatience, et je crois savoir que l'outre-mer l'attend également.
Ma deuxième remarque porte sur les crédits du fonds d'investissement des départements d'outre-mer, le FIDOM, qui diminuent dans le projet de budget, alors qu'ils sont d'habitude les mieux consommés. L'Etat aura-t-il les moyens, en 2003, d'honorer ses engagements contractuels avec les collectivités locales ? La réduction des crédits du FIDOM, qui financent aussi les documents uniques de programmation, les DOCUP, n'expose-t-elle pas les fonds structurels accordés à l'outre-mer à l'application de la règle du « dégagement d'office » ?
Ce point est sensible, mes chers collègues, car la Guadeloupe pourrait perdre 35 millions d'euros de fonds structurels en 2003 du fait de l'application de cette règle.
Madame la ministre, je suis particulièrement sensible à la conception que vous avez de votre tâche. Depuis l'entrée en fonction du gouvernement auquel vous appartenez, j'ai le sentiment que l'outre-mer n'est plus un pan de l'action gouvernementale qu'on laisse fonctionner en circuit fermé. Au contraire, j'ai le sentiment que les spécificités de l'outre-mer sont désormais prises en compte par chacun de vos collègues, dans leurs domaines de compétence respectifs. La cohérence de l'action de l'Etat y gagnera et le ministère de l'outre-mer a vocation a y veiller, en jouant, en quelque sorte, le rôle de chef d'orchestre.
Vous êtes confrontée, madame la ministre, à de multiples chantiers et vous les abordez un par un, avec ordre et méthode.
Les dispositions que vous avez proposées dans le cadre du projet de loi constitutionnelle sont de nature à nous permettre de faire un grand pas vers le règlement des problèmes institutionnels, en mettant en place un cadre souple mais stable.
Ce dossier à peine refermé, vous présenterez un projet de loi de programme, madame la ministre. Ainsi, l'année 2003 sera plutôt consacrée aux débats économiques, dont l'actualité révèle malheureusement l'urgence.
Les dispositions du projet de loi de programme, telles que vous les avez annoncées, sont de nature à envoyer des signaux positifs aux entrepreneurs de l'outre-mer.
Parallèlement, vous devrez poursuivre les négociations avec la Commission européenne sur l'avenir de la principale protection dont bénéficie le tissu économique de l'outre-mer, l'octroi de mer, sans lequel les productions locales n'auraient aucune chance de concurrencer les produits importés.
Le Gouvernement doit négocier le régime qui suivra celui qui a été institué en 1992. Il s'agit d'un débat de première importance, compte tenu de l'incompréhension que suscite cet impôt auprès de certains de nos partenaires européens.
Il faut, madame la ministre, sauver l'octroi de mer. Mais, pour ce faire, il faut définir un octroi de mer plus transparent, selon des procédures plus claires et avec des objectifs mieux définis.
Pour résumer, mes chers collègues, que constatons-nous par rapport à l'année dernière ?
D'abord, la politique de l'Etat outre-mer est en train de prendre une véritable dimension interministérielle, le ministère veillant à ce que les spécificités ultramarines soient prises en compte dans tous les aspects de la politique du Gouvernement.
Ensuite, l'examen du projet de budget, contrairement aux années précédentes, ne conduit pas à constater de manière résignée que les dépenses en faveur de l'emploi non marchand progressent ; au contraire, les crédits sont redéployés vers le financement de dispositifs dynamiques et innovants, tels que le « passeport mobilité ».
Dans ces conditions, mes chers collègues, la commission des finances a décidé de vous proposer d'adopter les crédits de l'outre-mer inscrits dans le projet de loi de finances pour 2003. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)

(M. Guy Fischer remplace M. Daniel Hoeffel au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER
vice-président

M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, rapporteur pour avis.
M. Daniel Raoul, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le présent budget de l'outre-mer est un budget de transition dans l'attente de l'élaboration d'une loi de programmation sur quinze ans annoncée par le Président de la République. Ce texte a pour ambition de définir des mesures plus adaptées à la situation économique de l'outre-mer, afin notamment de stimuler l'emploi dans le secteur marchand. Il devrait proposer un système de défiscalisation profondément rénové et pérenne, afin de constituer un véritable outil de développement local auquel les entreprises domiennes puissent avoir accès.
Force est de constater que le dispositif actuel, maintes fois modifié et corrigé, y compris par la loi d'orientation du 12 décembre 2000 sur l'outre-mer, est devenu trop complexe pour être attractif, qu'il ne semble pas répondre aux besoins de financement des entreprises domiennes et qu'il a surtout constitué une aubaine fiscale pour des métropolitains, conduisant à des abus.
En outre, ce projet de budget s'inscrit dans le contexte plus général de la réforme de la décentralisation. La réforme institutionnelle constitue un enjeu majeur pour les départements d'outre-mer, la réforme de 1946 ayant montré ses limites en matière d'assimilation en ne permettant pas de prendre en compte leurs spécificités.
Les propositions de réforme consacrent, dans le repect de l'unité et des principes de la République, la possibilité pour les DOM d'une évolution institutionnelle et statutaire « sur mesure », si les collectivités le souhaitent et avec le consentement des populations concernées.
Madame la ministre, les craintes exprimées par certains élus domiens montrent la nécessité de réaffirmer solennellement le principe d'appartenance de nos collectivités d'outre-mer à la République. S'agissant du contexte économique des départements d'outre-mer, la crise profonde qui touche les Antilles nous rappelle, s'il en était besoin, leur très grande fragilité structurelle malgré les progrès qui ont été réalisés dans certains domaines, ainsi que la nécessité impérative de tenir compte de leur environnement régional pour les aider à y faire face. Je pense essentiellement au tourisme, au BTP et à la production de la banane, mais je suis sûr que mon collègue Claude Lise y fera allusion dans son intervention.
Dans le projet de loi de finances pour 2003, le projet de budget du ministère de l'outre-mer s'élève à 1 084 millions d'euros. Si les axes d'orientation majeurs restent l'emploi, l'insertion professionnelle et le logement, ils traduident également une accentuation du soutien aux collectivités d'outre-mer, notamment Mayotte et Wallis-et-Futuna, ainsi que les engagements de l'Etat en autorisations de programme dans la mise en oeuvre des contrats de plan. J'y reviendrai tout à l'heure.
Pour 2003, les crédits affectés aux aides à l'emploi s'établissent à 477 millions d'euros, en diminution de 8 % à structure constante, et la répartition actuelle des crédits montre la part prépondérante des dispositifs d'aide aux emplois du secteur non marchand, qui mobilisent 68 % des financements du FEDOM.
En outre, il faut souligner que le niveau de consommation de ces crédits n'est pas satisfaisant s'agissant des dispositifs d'aide à l'emploi dans le secteur marchand : il atteint 46 % pour la prime à la création d'emploi et 27 % pour les projets « initiatives jeunes ». Cela donne lieu à des reports d'une année sur l'autre qui sont utilisés, le plus souvent, pour financer les dispositifs d'emplois aidés dans le secteur non marchand, ce qui ne respecte pas l'intention du législateur. Ces dispositifs sont toutefois efficaces sur le terrain, même s'ils ne sont pas tous pérennes.
Pour 2003, l'ajustement opéré sur le financement des principales mesures instaurées par la loi d'orientation pour l'outre-mer de décembre 2000 pourrait être justifié par la mauvaise consommation des crédits constatée en 2001 et en 2002. Sur 23 000 mesures annoncées en 2002, un tiers devraient être réalisées, alors que les besoins sont énormes. Les causes de ce non-emploi de crédits doivent être recherchées.
S'agissant des crédits consacrés aux emplois-jeunes, qui sont en augmentation pour 2003, madame la ministre, vous avez pris l'engagement que tous les contrats iraient à leur terme. Qu'en sera-t-il l'an prochain ?
Il faut relever la légère réorientation des crédits du FEDOM à travers l'enveloppe des contrats d'accès à l'emploi, calculée pour financer 5 000 contrats alors que 4 500 étaient programmés en 2002.
Enfin, il faut se féliciter de la création du « passeport mobilité », concrétisant le principe de continuité territoriale pour les jeunes dans le cadre de leurs études, de leur formation ou de leur premier emploi. Mis en place au 1er septembre, il est destiné à 11 000 étudiants et à 5 000 jeunes en formation professionnelle les premières estimations qui nous sont parvenues semblent indiquer que le nombre de bénéficiaires affiché sera atteint dès 2002.
La formation professionnelle et l'insertion doivent être des priorités, particulièrement dans ces territoires. Tous les moyens qui y contribuent doivent être mobilisés et le passeport mobilité en est un. Je tiens à signaler que, en dépit de la crise du tourisme, aucun lycée hôtelier n'est établi en Guadeloupe ! Par conséquent, des moyens financiers doivent être affectés à la formation, même s'ils ne dépendent pas de votre budget, madame la ministre.
On peut rappeler que le projet « initiatives jeunes » est conçu pour aider les jeunes âgés de moins de trente ans à créer leur entreprise ou à suivre une formation professionnelle dans leur département d'origine ou à l'extérieur, encourageant ainsi leur mobilité géographique et professionnelle.
L'action du ministère en faveur du logement ne se dément pas compte tenu des besoins recensés. Votre objectif, madame la ministre, est de consommer l'ensemble des moyens disponibles afin de limiter l'importance des reports traditionnellement constatés sur ces lignes, en particulier pour la résorption de l'habitat insalubre. La simplification des procédures et, sans doute, l'extinction de la créance de proratisation devraient y concourir.
Les crédits pour 2003 doivent assurer le financement de 15 000 logements, dont 10 000 en construction neuve et 5 000 en amélioration.
S'agissant des interventions de l'Etat en faveur des collectivités d'outre-mer, le projet de budget pour 2003 accentue les mesures de soutien aux collectivités, en majorant la section fonctionnement de la dotation de rattrapage et de premier équipement des communes de Mayotte créée par la loi du 11 juillet 2001 relative à Mayotte, en finançant la desserte inter-îles à Wallis-et-Futuna et en abondant le fonds mahorais de développement créé par la même loi de juillet 2001.
En ce qui concerne le financement des contrats de plan Etat-région pour les départements d'outre-mer, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon, les engagements de l'Etat seront tenus s'agissant des autorisations de programme pour les années 2001, 2002 et 2003.
En revanche, la diminution de 14 % des crédits de paiement proposée pour 2003 ne permet pas d'assurer le respect minimum de ces engagements.
Je m'interroge, madame la ministre, sur les effets possibles de cette diminution de crédits. Si cela doit entraîner un ralentissement dans la mise en oeuvre des contrats de plan et si, par voie de conséquence, les fonds structurels ne sont pas consommés, les départements d'outre-mer ne risquent-ils pas de se voir appliquer la règle du « dégagement d'office », introduite en 1999, et de perdre ainsi définitivement des crédits européens ?
Compte tenu de l'importance des financements communautaires ouverts aux départements d'outre-mer, que comptez-vous faire pour remédier à cette situation ? Et qu'adviendra-t-il après 2006 de l'aide compensatoire pour le secteur de la banane ?
Sous réserve de ces observations, auxquelles j'attache personnellement une très forte importance, la commission des affaires économiques a donné un avis favorable à l'adoption des crédits concernant l'outre-mer pour 2003. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis.
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour les aspects sociaux. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au cours de ces dernières semaines, l'outre-mer a connu un regain de tension sociale. Il faut sans doute y voir le signe d'une inquiétude croissante face à l'évolution de l'activité touristique, soumise à la pression concurrentielle des pays voisins, mais cette tension est révélatrice d'une crise plus profonde des sociétés ultramarines. Nos collègues sénateurs de l'outre-mer n'ont pas manqué de s'en faire l'écho à plusieurs reprises, et ils nous le confirmeront certainement à l'occasion de l'examen du présent projet de budget.
L'actualité immédiate ne doit certes pas nous dicter nos analyses, mais elle confirme le diagnostic en deux points de la commission des affaires sociales.
En premier lieu, l'amélioration de la situation du marché du travail ces dernières années n'a pas suffi à mettre fin à l'instabilité des sociétés ultramarines.
En second lieu, la mise sous perfusion d'une économie et le traitement social du chômage ne peuvent ni tenir lieu de politique économique ni offrir de véritable perspective de développement durable.
Au-delà des premières solutions qui sont proposées dans le projet de budget, l'outre-mer exige sans nul doute une action d'une grande ampleur. Le Gouvernement en est d'ailleurs bien conscient puisqu'il prépare une loi de programme sur quinze ans.
De fait, en matière d'emploi, le taux de chômage moyen se réduit à un rythme moins rapide depuis le printemps 2001. Il se maintient à un niveau fort élevé, qui avoisine 26 %.
En matière de logement, les actions qui ont été engagées n'ont pas permis de remédier à la situation : le parc de logements est sinistré et le système de financement est en bout de course. Les bidonvilles sont, hélas ! encore une réalité en France. Trois années d'application de la loi d'orientation n'auront pas suffi à remédier à une crise endémique dont les gouvernements successifs n'avaient vraisemblablement pas pris toute la mesure.
Dans ce contexte préoccupant, le projet de loi de finances pour 2003 prévoit une augmentation réelle des crédits de l'outre-mer. Le Gouvernement a en outre manifesté avec force sa détermination à mettre fin à la sous-consommation des crédits à laquelle nous avons jusqu'à présent été habitués. Je ne peux que m'en féliciter.
C'est pourquoi, en matière d'emploi, premier volet du budget de l'outre-mer, le Gouvernement entend orienter son action vers deux priorités qui me semblent indispensables pour assurer le rattrapage économique des DOM.
La première consiste à encourager le développement de la mobilité et de l'insertion professionnelle des jeunes, politique qui comprendra la création d'un passeport mobilité et l'augmentation des moyens du service militaire adapté. Ces innovations ont été particulièrement appréciées par la commission des affaires sociales, laquelle est convaincue, d'une part, que l'insertion professionnelle des jeunes passe par la mobilité et, d'autre part, que le succès indiscutable du service militaire adapté mérite d'être conforté.
La seconde priorité vise à réorienter les moyens de la politique de l'emploi. Elle supposera un réajustement des mesures d'insertion vers davantage de réalisme. Cette réorientation servira de fondement à la future loi de programme, dont on sait déjà qu'elle comprendra des mesures en faveur du secteur productif et de l'investissement.
La commission des affaires sociales, qui n'a eu de cesse, dans ses précédents avis, que de dénoncer le traitement social du chômage, se réjouit aujourd'hui de cette stratégie en faveur de l'économie productive.
Pour le reste, deux défis majeurs doivent encore être relevés.
Le premier concerne la promotion du rôle du secteur productif. Cette revitalisation est devenue essentielle dans des départements où certains contrats aidés, comme les emplois-jeunes, sont promis à l'extinction.
Le second porte sur l'amélioration des dispositifs d'insertion. L'Etat a, sur ce point, un rôle à jouer par le biais des agences départementales d'insertion, dont les marges de manoeuvre financières pourraient être réorientées au service de la prévention et de l'animation en faveur des jeunes en difficulté, de la santé des plus démunis et de l'accompagnement des familles : autant de pistes qui ne doivent pas être négligées si l'on souhaite insérer durablement ces populations.
En matière de logement, second volet des crédits sociaux du budget de l'outre-mer, le projet de budget pour 2003 initie une dynamique nouvelle par une augmentation sensible des crédits et privilégie deux orientations.
Pour remédier aux carences du parc de logements, le Gouvernement prévoit la construction et la rénovation de 15 000 logements et la poursuite de la résorption de l'habitat insalubre.
Pour combler les lacunes du système de financemement, il préconise un dispositif novateur : d'une part, la maîtrise du foncier sera renforcée ; d'autre part, les aides de l'Etat seront diversifiées pour mieux tenir compte des besoins en logement des ménages.
La commission des affaires sociales a particulièrement apprécié l'effort du Gouvernement pour apporter des réponses concrètes et équilibrées aux difficultés tant des constructeurs que des locataires de logements sociaux outre-mer.
Reste que la mise en oeuvre de ce programme pourrait se heurter à des obstacles qui tiennent largement aux difficultés financières des collectivités. L'ampleur des besoins dans les DOM peut en effet rendre décevante toute action, fût-elle d'envergure. Aussi importe-t-il de mieux accompagner la maîtrise du foncier par l'amélioration des mécanismes d'aide à la pierre, la simplification des procédures administratives et l'instauration d'un soutien efficace aux acteurs locaux du logement social.
Les premières mesures que vous présentez aujourd'hui, madame la ministre, augurent de l'ambitieux dispositif que vous préparez dans votre future loi de programme. En ce sens, et même s'il reste un budget de transition, ce budget pose des bases, tout en concrétisant d'ores et déjà plusieurs priorités justifiées par l'urgence sociale dans les DOM.
Pour toutes ces raisons, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à l'adoption du projet de budget de l'outre-mer pour 2003. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. José Balarello, rapporteur pour avis.
M. José Balarello, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour les départements d'outre-mer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des lois, saisie pour avis, a adopté un rapport en quatre parties dont je vais essayer, dans le temps qui m'est imparti, de brosser les grandes lignes.
La première partie est consacrée à l'examen de l'évolution des crédits relevant de notre compétence consacrés aux DOM et aux deux collectivités de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Les crédits du ministère de l'outre-mer sont en légère augmentation et représentent 14 % du total.
Quant aux contributions provenant du ministère de l'intérieur, les crédits de paiement augmentent de 1 %, les autorisations de programmes de 2,23 %.
Pour le ministère de la justice, si les crédits de paiement progressent de 5 %, les autorisations de programme augmentent de 562 %, pour atteindre 40,9 millions d'euros contre 6,17 millions d'euros en 2002, cette très forte hausse devant permettre la modernisation du patrimoine immobilier - palais de justice et établissements pénitentiaires - dont l'urgence se fait sentir. Certaines prisons, telle celle de Saint-Denis-de-la-Réunion, devraient être prioritaires, madame la ministre, et nous nous en sommes déjà entretenus à différentes reprises.
La deuxième partie de notre rapport comporte l'analyse des grandes orientations gouvernementales qui transparaissent au travers des affectations budgétaires. Il s'agit non seulement de renforcer les missions régaliennes de l'Etat - sécurité, justice, maîtrise de l'immigration, fonction publique - mais également de mettre en place des initiatives nouvelles, par exemple le passeport mobilité, initiative dont nous vous félicitons, madame la ministre.
Nous évoquons les évolutions de l'immigration et de la délinquance. Moindre qu'en métropole, cette dernière n'en est pas moins inquiétante : la délinquance dite de « voie publique », notamment, augmente de 31,9 % en cinq ans.
Nous évoquons également le problème du trafic de drogue dans la Caraïbe et du contrôle de l'aéroport de Saint-Martin.
Quant à l'activité de la justice, elle est satisfaisante.
La troisième partie est consacrée aux apports de l'Europe et aux fonds structurels.
Les quatre départements d'outre-mer français font partie des régions ultrapériphériques de l'Europe, avec Madère, les Açores et les Canaries, et, à ce titre, ils bénéficient des fonds structurels, qui ont été portés, pour la période 2000-2006, à plus de 22 milliards d'euros pour les seuls DOM.
Quant à Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon, éligibles au Fonds européen de développement, ils recevront respectivement 15,2 millions d'euros et 12,4 millions d'euros pour la même période.
Reste à savoir si tous les DOM seront capables de consommer ces crédits.
Dans la loi d'orientation pour l'outre-mer, le Sénat avait adopté, sur ma proposition, une disposition tendant à la création d'une commission du suivi, car, madame la ministre, vous l'avez confirmé, et M. le rapporteur spécial s'est abondamment exprimé sur ce point, il y a d'importantes non-consommations.
Il faudra aider les DOM non seulement à monter les dossiers mais également à budgétiser les parts restantes, puisqu'il s'agit souvent de financements croisés.
La quatrième partie de notre rapport traite de l'évolution institutionnelle et statutaire des DOM et de Mayotte.
Les deux missions d'information menées sur place par la commission des lois ont fait apparaître la nécessité de prévoir pour les départements français d'Amérique un statut « cousu main », étant précisé qu'il n'y a pas de problèmes dans l'océan Indien, la Réunion voulant conserver son statut actuel de département et Mayotte aspirant à le devenir.
Pour la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane, les congrès prévus par la loi d'orientation sur l'outre-mer se sont réunis respectivement les 17 décembre 2001, 23 février 2002 et 29 juin 2001.
Vous trouverez dans notre rapport le détail de leurs propositions, qui vont toutes dans le sens d'une plus large autonomie, avec un pouvoir législatif et réglementaire limité, et de la création d'une nouvelle collectivité se substituant aux départements et à la région, qui disparaîtraient, avec, pour la Guyane, la création de districts.
Aucun des DOM ne veut sortir de la République française et de l'Europe, mais, comme le Président de la République l'a précisé, la consultation des populations est un préalable à toute modification, d'où l'obligation d'opérer une révision constitutionnelle modifiant notamment les articles 73 et 74 de notre loi fondamentale.
Le texte a été examiné par le Sénat en octobre et en novembre 2002 ; il devra être adopté en Congrés à Versailles.
C'est à notre avis urgent, madame la ministre, pour mettre fin à certaines incertitudes et aux manoeuvres d'un petit nombre qui, dans certains départements, perturbent la vie économique, dissuadent les investisseurs de venir, ternissent l'image de marque de ces admirables régions, qui sont françaises depuis plusieurs siècles.
Cela étant dit, la commission des lois a donné un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés aux départements d'outre-mer pour 2003.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour les territoires d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme chaque année, la commission des lois saisit l'occasion du débat budgétaire pour faire le point sur la situation de quatre de nos collectivités d'outre-mer dans les domaines relevant de sa compétence au fond, en particulier les réformes institutionnelles, la mise à niveau du droit applicable dans ces collectivités régies par le principe de la spécialité législative, l'évolution de la délinquance, l'activité et les moyens des juridictions, les liens d'association avec l'Union européenne.
La loi de finances pour 2003 devrait être la dernière à traiter des crédits consacrés aux territoires d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie, la catégorie juridique des territoires d'outre-mer étant en sursis : elle devrait s'éteindre avec l'adoption de la réforme constitutionnelle en cours relative à l'organisation décentralisée de la République.
Les Terres australes et antarctiques françaises, caractérisées par l'absence de population autochtone et, corrélativement, d'assemblée délibérante, devraient être la seule collectivité à conserver cette dénomination en vertu de leur loi statutaire. Peut-être faudra-t-il songer l'an prochain à modifier les domaines de compétence des rapporteurs pour avis, même si les Terres australes et antarctiques sont d'un grand intérêt ! (Sourires.)
Ce cadre constitutionnel rénové devrait permettre une meilleure adaptation statutaire à la diversité des situations en faisant, selon l'expression employée par M. José Balarello et désormais consacrée, du « cousu main ». Je m'en réjouis, à condition que les évolutions institutionnelles favorisent un développement harmonieux des collectivités concernées.
Je me félicite également, madame la ministre, du dispositif constitutionnel qui permettra d'accélérer l'actualisation du droit applicable outre-mer par une habilitation permanente du Gouvernement à procéder par ordonnances, l'exigence de ratification expresse de ces ordonnances dans un délai de dix-huit mois proposée par le Sénat et acceptée par vous, madame la ministre, devant garantir une meilleure sécurité juridique.
Je ne m'attarderai pas sur les aspects proprement financiers, brillamment exposés par le rapporteur de la commission des finances, M. Roland du Luart. Dans la mesure où les travaux de la commission des lois présentent la spécificité de distinguer les territoires d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie des autres collectivités situées outre-mer, je me contenterai d'ajouter, pour m'en réjouir, que la part des crédits consacrée à ces territoires dans le budget de l'outre-mer progresse pour 2003 de près de 4 % et que l'effort budgétaire global consenti en leur faveur, tous budgets contributeurs confondus, hors crédits non répartis et coût de gestion des services métropolitains, s'élève à plus de 1,8 milliard d'euros.
Si la diversité de l'outre-mer en fait la richesse et doit être préservée, elle ne facilite pas l'exercice d'un exposé en cinq minutes, monsieur le président, et me contraint à passer du « cousu main » ... au « décousu » ! (Sourires.)
Je n'évoquerai donc que quelques aspects d'actualité.
Tout d'abord, concernant le volet institutionnel, j'observe que la Nouvelle-Calédonie rencontre encore des difficultés dans le fonctionnement de son gouvernement régi par le principe de la collégialité, difficultés qui sont en grande partie dues aux dissensions au sein du mouvement indépendantiste. J'en veux pour preuve le tout récent renouvellement du gouvernement à la suite de la démission d'un de ses membres.
Je salue en revanche le succès des « lois du pays ». Sur vingt-deux, une seule a été soumise au Conseil constitutionnel, et le recours a d'ailleurs été rejeté. Ces actes sont essentiellement intervenus dans les domaines de la fiscalité, en particulier pour encourager les investissements dans le secteur minier, du droit du travail et de la protection sociale.
Madame la ministre, je sais que vous avez reçu plusieurs dirigeants du secteur minier. Le développement de celui-ci nous préoccupe, bien sûr, car c'est le gage d'un rééquilibrage économique de la Nouvelle-Calédonie. Les trois projets en cours sont donc indispensables pour contribuer au progrès économique de la Nouvelle-Calédonie.
Concernant la Polynésie française, dans l'attente de la prochaine révision statutaire consécutive à la réforme constitutionnelle en cours, j'observe que les institutions - qui étaient déjà en avance, monsieur Flosse - fonctionnent de façon satisfaisante et que certains mécanismes novateurs de 1996 sont fréquemment utilisés. Ainsi, les procédures de demande d'avis au Conseil d'Etat sur les questions de répartition des compétences entre l'Etat et le territoire ont-elles été mises en oeuvre à trente-trois reprises. Le Conseil d'Etat a d'ailleurs rendu des avis tantôt en faveur de la Polynésie tantôt en faveur de l'Etat, ce qui prouve que la formule est équilibrée !
Concernant le volet policier et judiciaire, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française ont connu l'une comme l'autre, en 2001, une hausse brutale de la délinquance, en particulier de la délinquance de voie publique et de la délinquance des mineurs, même si le niveau global est nettement inférieur au niveau métropolitain, et un taux d'élucidation en revanche particulièrement élevé.
Il m'est difficile, madame la ministre, d'entrer dans le détail de l'activité des juridictions, mais je tiens à souligner que, si les réponses aux questionnaires budgétaires sur la délinquance sont satisfaisantes, les informations relatives à l'activité des juridictions laissent, cette année encore, supposer, de par leur indigence, qu'aucun suivi sérieux n'existe.
Je ne peux, sur ce point, que remercier très vivement les chefs des juridictions de l'ordre judiciaire et de l'ordre administratrif calédoniennes et polynésiennes, car ils n'ont pas hésité à répondre directement à nos interrogations, à la différence de la chancellerie, qui s'est, quant à elle, mise aux « abonnés absents ».
Concernant la politique contractuelle d'aide au développement, je mentionnerai la pérennisation du fonds pour la reconversion économique de la Polynésie française par une nouvelle convention signée le 4 octobre 2002, et deux nouvelles mesures pour Wallis-et-Futuna : le passeport mobilité, d'une part, qui s'adresse aux jeunes, et une convention de développement, d'autre part, tendant à accélérer le rattrapage économique et social.
Enfin, je veux rappeler l'aboutissement du processus de révision du lien d'association entre les pays et territoires d'outre-mer et l'Union européenne, la nouvelle décision d'association, qui se substitue à celle du 25 juillet 1991, étant entrée en vigueur le 2 décembre 2001. Je rappelle que l'élargissement de la nouvelle convention profite essentiellement à Wallis-et-Futuna, ce dont je ne peux que me réjouir.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés aux territoires d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie dans le projet de budget du ministère de l'outre-mer pour 2003.
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 26 minutes ;
Groupe socialiste, 23 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 19 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 14 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 14 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Gaston Flosse.
M. Gaston Flosse. Madame la ministre, vos crédits, d'un montant de 1,084 milliard d'euros, sont en augmentation de 1,5 % à périmètre constant. Bien entendu, je me réjouis de voir que vous avez obtenu une amélioration de vos moyens d'action. Toutefois, celle-ci ne me paraît pas encore suffisante, surtout si nous nous rappelons que votre budget ne représente que 0,4 % du budget général de l'Etat. Il est vrai que d'autres ministères interviennent outre-mer et que les masses en cause, sur l'emploi desquelles vous avez bien évidemment votre mot à dire, sont beaucoup plus importantes.
C'est ainsi que, pour l'ensemble des territoires d'outre-mer, les dépenses ordinaires et crédits de paiement atteignent 227 millions d'euros, dont 47 millions d'euros pour la Polynésie, tandis que, pour l'ensemble des ministères, les dépenses s'élèvent à 1,852 milliard d'euros, dont 936 millions d'euros pour la Polynésie.
Vous savez, madame la ministre, que notre position au sujet de cet écart entre vos moyens et l'action globale de l'Etat en faveur de l'outre-mer n'a pas varié.
Le gouvernement précédent, qui n'avait pas de véritable politique de l'outre-mer, n'était représenté que par un secrétaire d'Etat. Le président Jacques Chirac a voulu montrer l'importance qu'il attache à l'outre-mer en transformant ce secrétariat d'Etat en un vrai ministère, comme nous le souhaitions. Cependant, vous devez avoir les moyens d'une grande politique de la France pour l'outre-mer : c'est ce que j'ai retenu du message de Jacques Chirac, c'est la volonté qui se manifeste au travers de votre action déterminée, c'est l'objectif qu'il faut vous aider à atteindre.
Il faut vous soutenir, tout d'abord, pour que votre administration devienne l'outil performant qui vous est nécessaire. Je ne verrais donc que des avantages à ce que vous puissiez ouvrir de nouveaux postes de haut niveau dans le cadre de votre budget. Vous ne devez pas être obligée de transformer des postes destinés à des services territoriaux en postes d'Etat, ce qui ne me paraît être ni adapté au problème posé ni satisfaisant pour nous.
Il faut vous soutenir, ensuite, pour que les premières mesures que vous avez prises afin de rapprocher l'outre-mer de la métropole soient renforcées et puissent être intégrées et développées dans le projet de loi de programme pour l'outre-mer que vous préparez. A ce sujet, j'applaudis à la mise en place remarquablement rapide du « passeport mobilité » en faveur des jeunes faisant leurs études universitaires ou professionnelles en métropole.
De même, je salue la volonté que vous avez de parvenir à assurer une desserte aérienne de l'outre-mer. Vous savez que nous avons dû, de notre côté, créer notre compagnie aérienne. Il nous fallait agir sans attendre devant l'abandon de notre destination par Air Lib et, dans quelques mois, par Corsair. Pour maintenir la desserte par Corsair au-delà de la date d'arrêt annoncée pratiquement sans préavis, nous avons dû aider son exploitation. Et je ne parle pas des tergiversations d'Air Lib ! J'avoue que j'ai été stupéfait d'apprendre que les représentants de ces compagnies avaient critiqué nos efforts pour compenser leur disparition ! Notre compagnie Air Tahiti Nui a donc élargi son champ d'action, non sans mal, à la desserte de Paris. J'espère qu'elle bénéficiera des mêmes aides que celles que vous accorderez à la future compagnie des DOM.
Il faut enfin vous soutenir, madame la ministre, dans votre dialogue avec certains ministères moins motivés par l'outre-mer que d'autres. Mais je sais que, dans ce domaine également, vous bénéficiez de l'appui sans réserve du Président de la République.
Dans ce contexte, permettez-moi de vous remercier à nouveau de votre combat et de l'aboutissement de la réforme constitutionnelle, qui, pour ce qui nous concerne, vient d'être approuvée, dans les mêmes termes que par le Sénat, par l'Assemblée nationale.
Je vous remercie également d'avoir pu pérenniser le fonds de reconversion de la Polynésie française tout en modifiant profondément son fonctionnement. Vous aviez pu constater, dans les fonctions que vous occupiez à l'Elysée, à quel point le précédent gouvernement avait paralysé l'utilisation des crédits qui nous étaient destinés, aux termes de la convention signée avec Alain Juppé, alors Premier ministre, en 1996.
Vous avez donc, dans l'esprit de la décentralisation, laissé les choix d'opportunité à la Polynésie française. Vous avez responsabilisé les élus polynésiens tout en contrôlant le bon usage des fonds publics. Désormais, le fonds de reconversion fonctionnera de façon satisfaisante.
Je souhaite par ailleurs que le ministère de Mme Alliot-Marie ne se désintéresse pas de la Polynésie. Il reste en effet à nous transférer les terrains et les constructions de Hao, devenus inutiles aux forces armées. Ils sont en revanche indispensables à la réalisation du projet d'élevage de thons que nous avons mis au point pour permettre la reconversion de l'atoll et le développement de la ressource marine en Polynésie française.
En ce qui concerne le ministère de la justice, je remercie le garde des sceaux de l'intégration des quatorze agents du centre pénitentiaire qui restaient sans statut. Mais je suis inquiet de constater qu'aucun crédit d'investissement n'est prévu pour la reconstruction du centre pénitentiaire de Nuutania. La vétusté, l'état de dégradation et l'inadaptation de ce dernier ont fait l'objet de rapports multiples ; je souhaite, madame la ministre, que vous puissiez le rappeler à votre collègue Dominique Perben, que nous estimons beaucoup.
J'en viens maintenant à un sujet qui préoccupe tous les investisseurs outre-mer, celui des pratiques restrictives de la direction générale des impôts. L'outre-mer, vous l'avez dit de la manière la plus claire, ne peut se développer sans mesures d'incitation fiscale. Celles-ci valent bien mieux que l'entretien permanent de chômeurs ou d'allocataires du RMI, car elles permettent la création de ressources propres, donc d'emplois permanents dans nos collectivités.
M. Bruno Sido. Tout à fait !
M. Gaston Flosse. Or je constate que les pratiques dommageables sont toujours en vigueur, au point que l'on pourrait se demander si la majorité a réellement changé. Plusieurs dossiers d'investissement sont toujours en souffrance à Bercy.
La première pratique condamnable consiste à plafonner la base défiscalisable. Cela n'a pas de sens, surtout dans l'hôtellerie, secteur essentiel pour le développement de la plupart de nos départements et territoires d'outre-mer.
La deuxième pratique est de décider de plus en plus systématiquement des abattements sur le niveau de défiscalisation.
La troisième pratique, toute récente, consiste à considérer que toute aide de notre part, quelle que soit sa forme, doit être déduite de la base défiscalisable.
Ces pratiques, qui se conjuguent avec la lenteur de l'instruction des dossiers, tendent de plus en plus à faire douter les investisseurs de la volonté de l'Etat d'appliquer les lois de défiscalisation. Nous attendons donc votre texte avec impatience, madame la ministre, puisqu'il devrait mettre fin à ces méthodes dignes de temps révolus. Il ne faudrait pas que ces dernières, si elles perduraient, aboutissent à remettre en cause les engagements solennels pris par le Président de la République.
J'aborderai enfin les problèmes de nos communes. Le rôle de ces dernières, encore très jeunes pour la plupart d'entre elles, se développe, et leurs moyens ne sont pas à la hauteur des attentes des administrés.
En matière de ressources financières, les communes polynésiennes dépendent, pour part, des dotations de l'Etat, et, pour l'essentiel, de l'affectation d'une part des recettes fiscales du territoire. Nous avions prévu, dans la loi d'orientation de 1994, une dotation supplémentaire de l'Etat, mais le montant de celle-ci n'évolue pas, alors que les dépenses croissent. Sans la participation complémentaire du territoire par convention particulière, les budgets d'équipement des communes seraient inexistants.
Outre les moyens financiers, il manque à nos communes des moyens humains. Les communes ont besoin de cadres ; il faudrait que l'Etat puisse mettre à leur disposition des cadres administratifs et techniques de haut niveau. Le personnel communal, de son côté, attend depuis plusieurs années d'être doté d'un statut qui devra tenir compte de nos spécificités.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Gaston Flosse. Monsieur le président, nous n'avons qu'une seule fois dans l'année l'occasion de nous exprimer !
M. Robert Bret. C'est vrai pour tout le monde !
M. Gaston Flosse. Vous pourriez faire une petite exception pour l'outre-mer !
M. le président. Monsieur Flosse, des décisions ont été prises en conférence des présidents, et mon devoir est de les appliquer. Je suis très indulgent, mais je ne veux pas créer de précédent. Le temps de parole n'est pas proportionnel à la distance !
Je vous invite donc encore une fois à conclure.
M. Gaston Flosse. J'en ai presque terminé, monsieur le président. L'amélioration du recrutement et de la formation ainsi que la mise en place du statut se traduiront évidemment par des surcoûts.
Si le gouvernement de Polynésie est disposé à élargir les possibilités de fiscalité propre des communes, il est certain qu'un apport supplémentaire de l'Etat sera nécessaire pour alimenter leur budget de fonctionnement. Je compte là encore sur votre ténacité, madame la ministre, pour atteindre cet objectif, avec l'appui du président du Sénat, qui a pu constater sur place la vitalité, mais aussi les besoins, de nos municipalités.
Madame la ministre, vous vous êtes engagée dans une oeuvre considérable, difficile, mais passionnante. Nous sommes certains que, grâce à la compétence, à l'expérience et à la ténacité que chacun vous reconnaît, vous réussirez. De notre côté, nous vous assurons de notre soutien.
Il me semble nécessaire que, dans l'esprit de votre action, l'outre-mer soit plus visible en métropole, dans sa diversité et dans sa richesse. Il faut pour cela créer un lieu à la fois symbolique et productif, un centre culturel et économique, un témoignage de l'apport que l'outre-mer représente pour la communauté nationale.
La France est une chance pour l'outre-mer, et l'outre-mer une chance pour la France. C'est ce que vous voulez montrer, et nous le voulons avec vous. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Claude Lise.
M. Claude Lise. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je n'ai pas l'habitude d'accorder plus d'importance qu'il ne faut au taux de progression d'un budget. J'aurais donc pu passer très vite sur le fait que le projet de budget de l'outre-mer pour 2003 marque une augmentation de 1,5 % seulement. C'est évidemment une progression très faible, inférieure même au taux de l'inflation, accompagnée de surcroît d'une réduction de 6,31 % des autorisations de programme !
Toutefois, si je m'attarde un court instant sur ces chiffres, ce n'est surtout pas pour céder à la tentation d'imiter le comportement de ceux qui n'hésitaient pas à affirmer ici, les années précédentes, que des augmentations de l'ordre de 3 % ou même de 7 %, à structure constante, caractérisaient des « budgets de régression » ; c'est, en fait, parce que je suis choqué d'entendre dire que les précédents budgets de l'outre-mer auraient connu un taux de consommation « scandaleusement insuffisant », et que celui qui nous est présenté aujourd'hui jouirait d'un étrange privilège, garantissant à l'avance une consommation des crédits à hauteur de 100 %. Il y aurait eu, auparavant, des budgets virtuels, et l'on ouvrirait l'ère des budgets réels !
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. C'est l'effet balance !
M. Claude Lise. Ce système de défense ne peut évidemment convaincre que ceux qui ignorent l'existence d'une pratique qui a, hélas ! cours sous tous les gouvernements : la mise en réserve de crédits en vue de limiter le déficit budgétaire.
Cette pratique explique, pour l'essentiel, la sous-consommation observée, qui n'est en rien une spécificité du budget de l'outre-mer. De 1999 à 2001, le taux de consommation globale de ce dernier a toujours été supérieur à 81 %.
Je souhaite bien sûr, et très sincèrement, que le budget pour 2003 puisse bénéficier du meilleur taux de consommation, mais l'on me permettra d'afficher un optimisme modéré à cet égard, quand le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie annonce que la France fera ce qu'il faut pour éviter que le déficit public n'atteigne le seuil des 3 % et quand le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire annonce clairement un gel de crédits pour le mois de janvier prochain.
Quoi qu'il en soit, madame la ministre, il aurait été plus simple et plus juste d'avouer que, dans le contexte budgétaire actuel, il ne vous a pas été possible de mobiliser un volume plus important de crédits pour l'outre-mer. Je suis d'ailleurs convaincu que vous avez essayé d'obtenir une enveloppe plus importante. En effet, contrairement à certains de mes collègues qui adressaient ce reproche à vos prédécesseurs, je ne vous ferai pas grief de ne pas porter un réel intérêt à l'outre-mer. Mon positionnement politique ne m'empêche nullement d'apprécier votre engagement dans l'accomplissement de la mission qui vous a été confiée, madame la ministre.
Cela dit, si l'on peut relativiser l'importance du taux de progression de votre budget, il ne peut en aller de même pour celle de l'effort global consenti en faveur de l'outre-mer par l'ensemble des ministères.
Or, s'agissant de cet effort global, qui représente près de dix fois le budget de l'outre-mer, c'est malheureusement de stagnation qu'il faut parler, et sur ce point je ne peux cacher mon inquiétude.
Cela signifie qu'aucune des mesures de la future loi de programmation n'est financée, et cela confirme que celle-ci n'aura aucun effet dans le courant de l'année 2003.
Dans quelle situation se trouvera donc l'outre-mer l'année prochaine, en particulier certains départements déjà en proie à toutes les difficultés que l'on sait, notamment aux conséquences des véritables crises que connaissent certains secteurs tels que le tourisme, la banane ou le BTP ?
Je m'interroge avec d'autant plus de gravité que je m'aperçois, revenant à votre projet de budget, madame la ministre, que certains choix que vous avez faits en matière d'aide à l'emploi et à l'activité vont poser problème.
Ainsi, vous réduisez les crédits du fonds pour l'emploi dans les DOM, qui diminuent de 2,8 % à périmètre constant.
En outre, sept dispositifs sur dix enregistrent une baisse des crédits qui leur sont affectés : c'est le cas notamment des primes à la création d'emploi, de l'allocation de retour à l'activité, du congé solidarité, des PIJ, les projets initiative jeunes, des contrats d'insertion par l'activité et des contrats de retour à l'emploi, pour lesquels les baisses sont respectivement de 48 %, de 47 %, de 7 %, de 45 %, de 4 % et de 25 %.
Vous avez choisi de réorienter les crédits du FEDOM vers le secteur marchand, par le biais, en particulier, des CAE, les contrats d'accès à l'emploi. Je comprend parfaitement ce partis pris. Qui, d'ailleurs, ne préfère pas, lorsque cela est possible, privilégier l'emploi en entreprise ?
Il faut toutefois tenir compte de la réalité du terrain. Cette réalité, actuellement, est que les taux de consommation des crédits relatifs aux mesures d'aide à l'emploi marchand ne sont pas satisfaisants et que les CAE, que vous voulez promouvoir, semblent devenir moins attrayants depuis la mise en place des exonérations de charges sociales prévues par la loi d'orientation.
Pourquoi se détourner de dispositifs qui donnent incontestablement des résultats positifs, ne serait-ce qu'en attendant la mise en oeuvre effective et, surtout, les effets tangibles de la future loi de programmation ?
Parmi ces dispositifs, certains permettent d'ailleurs de créer de vrais emplois durables. Je tiens à attirer votre attention, tout particulièrement, sur deux d'entre eux qui donnent des résultats très intéressants, en Martinique en tout cas : le congé solidarité et le projet initiative jeunes.
S'agissant du congé solidarité, qui n'est entré en application qu'en 2002, on comptait en Martinique, voilà environ un mois, 555 salariés ayant fait acte de candidature et 322 ayant effectivement donné suite auprès de l'ASSEDIC. Ces chiffres sont appelés à augmenter très vite, surtout si le dispositif est amélioré. Les candidats potentiels sont, de fait, très nombreux, et il importe donc d'en tenir compte et de consentir un effort supplémentaire dans l'immédiat, dans le cadre législatif et réglementaire actuel, puis de prévoir d'améliorer encore le dispositif dans le cadre de la future loi de programme.
Les premiers PIJ datent du mois d'avril 2001. Ils ont permis à ce jour, en Martinique, 466 créations d'entreprise. Il faut donc non pas réduire le montant des crédits destinés à financer cette mesure, mais simplifier les procédures actuellement en vigueur et mieux financer l'indispensable accompagnement des entreprises créées.
Mais, dans le contexte actuel des DOM, on ne peut se passer des dispositifs visant à procurer une activité à ceux qui ne peuvent bénéficier d'un emploi marchand. On ne devrait pas les sacrifier avant d'avoir obtenu une dynamisation suffisante du tissu économique.
S'agissant donc des mesures de soutien à l'emploi et à l'activité, il m'apparaît indispensable, madame la ministre, d'apporter certaines modifications aux choix budgétaires que vous avez arrêtés.
En ce qui concerne maintenant le logement, deuxième poste de dépenses du budget de l'outre-mer, je me félicite de la progression des crédits de paiement inscrits à la ligne budgétaire unique.
Les besoins en matière de logements sociaux sont, vous le savez, madame la ministre, considérables dans les DOM, mais il ne suffit pas, pour les satisfaire, d'abonder la ligne budgétaire unique ; il faut s'attaquer résolument aux causes de la sous-consommation des crédits, que l'on ne cesse de dénoncer. Cette année, il faut reconnaître que ce taux de consommation s'est amélioré, mais le problème est en fait structurel et impose une véritable réforme des procédures, ainsi que l'adaptation de certains textes législatifs et réglementaires.
Parmi les autres points de votre projet de budget qui ont retenu mon attention, je voudrais également signaler l'absence de crédits de paiement et l'importante baisse des autorisations de programme destinées aux agences pour la mise en valeur de la zone des cinquante pas géométriques. Cela va évidemment gêner la mise en oeuvre des politiques d'aménagement souhaitées par les communes et pénaliser des milliers de familles qui n'en peuvent plus d'attendre qu'on leur permette de sortir de situations vraiment insupportables.
Bien entendu, il conviendrait d'analyser d'autres points dans le détail, notamment l'inquiétante baisse des crédits du FIDOM, mais je préfère, avant de conclure, vous interroger, madame la ministre, sur les orientations qu'entend retenir le Gouvernement face à certains problèmes particulièrement préoccupants pour nos concitoyens des DOM.
Il y a bien sûr la question des emplois-jeunes, au nombre de plus de 15 000 dans nos départements : ce sont autant de jeunes que l'on a empêché de basculer dans le désespoir. Etant donné la situation très particulière des DOM, le Gouvernement acceptera-t-il de traiter de façon tout à fait spécifique, et pas uniquement à court terme, le problème que pose l'arrivée à échéance de la majorité des contrats ?
S'agissant du tourisme, qui, en dehors de difficultés structurelles connues, va devoir encore pâtir de l'invraisemblable campagne médiatique récemment orchestrée, j'ai bien compris que la réponse majeure apportée par le Gouvernement repose sur une politique de défiscalisation intensive et extensive.
J'aimerais savoir si les autres aspects du problème, et notamment ceux qui ont trait au transport aérien, vont faire l'objet d'une politique aussi volontariste. Par ailleurs, quels garde-fous sont prévus pour que l'on ne retombe pas dans les abus de la loi Pons et pour que les avantages fiscaux accordés se traduisent par des résultats effectifs et mesurables ?
Un autre secteur est en crise : la banane. Le Gouvernement parvient-il à infléchir la position des autorités de Bruxelles sur la question de la revalorisation et de la régionalisation de l'aide compensatoire ? Quelle est, par ailleurs, sa vision de la sortie de l'OCM en 2006 ?
J'aimerais également, madame la ministre, que vous nous donniez quelques précisions sur le dispositif que vous prévoyez en remplacement de l'ordonnance élaborée par le précédent gouvernement pour adapter la législation s'appliquant aux transports intérieurs et permettre d'avancer dans le nécessaire chantier de la modernisation de ce secteur. Je souhaiterais aussi savoir si, comme je vous l'ai déjà demandé, vous acceptez d'accompagner les collectivités locales dans la politique d'aide aux départs à la retraite des transporteurs.
J'évoquerai un tout autre domaine : l'insertion. Plutôt que de rompre l'engagement qu'avait pris le précédent gouvernement de verser aux agences départementales d'insertion une somme équivalente à ce que représentait la créance de proratisation avant l'alignement du RMI, ne pensez-vous pas qu'il faut se livrer à une concertation approfondie avec les acteurs locaux, en vue d'une indispensable réforme ? Celle-ci devrait permettre plus de souplesse dans l'utilisation des crédits, plus de prise en compte du terrain réel en vue de plus d'efficacité.
Je ne veux pas conclure sans faire allusion à la réforme en cours du titre XII de la Constitution.
Je ne reviens pas sur la façon dont les débats ont été menés, et qui, selon moi, est en totale contradiction avec ce qui a été avancé quant à l'esprit qui est censé sous-tendre la réforme.
Je préfère me féliciter de l'adoption par l'Assemblée nationale, et avec votre accord, d'un amendement corrigeant un aspect du texte que j'avais critiqué ici même. La modification qu'il apporte permet, en effet, de consulter les citoyens non pas sur un simple cadre institutionnel, une sorte de « coquille vide », comme je l'avais dit, mais sur un cadre institutionnel doté d'un contenu. Il s'agit, je le reconnais, d'une avancée démocratique appréciable et je m'enhardis à penser qu'il est peut-être encore possible d'améliorer le texte sur d'autres points fondamentaux.
Il faut, en particulier, que l'on parvienne à reconnaître un véritable droit à l'initiative locale en matière d'évolution institutionnelle. Au moment où l'on vante tant les mérites de la décentralisation, il est tout de même paradoxal de confier au seul pouvoir central l'initiative dans un domaine où ce qui est en jeu c'est l'avenir des peuples concernés.
Ce droit à l'initiative, les élus des départements français d'Amérique l'ont, en tout cas, déjà exercé en s'appuyant sur les dispositions prévues par la loi d'orientation. Vouloir l'ignorer ou se laisser aller à pratiquer en la matière une stratégie empreinte d'ambiguïté, ce serait, n'en doutez pas, une erreur lourde de conséquences.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Président de la République et le Gouvernement actuel ont, par leurs déclarations répétées, suscité de grandes, de très grandes attentes dans les départements d'outre-mer, en ce qui concerne tant les possibilités d'évolution institutionnelle que les perspectives de développement économique. Cela leur crée une ardente obligation : celle de mettre en oeuvre des mesures et des moyens se situant vraiment à la hauteur des engagements pris.
J'aurais aimé que l'on en eût déjà la traduction dans ce budget de l'outre-mer. Ce n'est évidemment pas le cas. Cependant, je veux bien attendre la suite, sans idée préconçue, mais, sachez-le, avec la grande vigilance qu'inspire une histoire parsemée, hélas ! de trop de rendez-vous manqués et de trop d'espoirs déçus. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures quinze.
La séance est suspendue.