SEANCE DU 4 DECEMBRE 2002


SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Loi de finances pour 2003. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 1 ).

Outre-mer (p. 2 )

M. Roland du Luart, rapporteur spécial de la commission des finances.

PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER

M. Daniel Raoul, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour les aspects sociaux ; MM. José Balarello, rapporteur pour avis de la commission des lois pour les départements d'outre-mer ; Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis de la commission des lois pour les territoires d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie ; Gaston Flosse, Claude Lise.

Suspension et reprise de la séance (p. 3 )

PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON

3. Conférence des présidents (p. 4 ).

4. Loi de finances pour 2003. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 5 ).

Outre-mer (suite) (p. 6 )

MM. Paul Vergès, Jean-Paul Virapoullé, Rodolphe Désiré, Mme Anne-Marie Payet.

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

MM. Simon Loueckote, Georges Othily, Mme Jacqueline Gourault, MM. Robert Laufoaulu, Dominique Larifla, Victor Reux.
Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer.

PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON

Crédits du titre III (p. 7 )

M. le rapporteur spécial.
Adoption des crédits.

Crédits des titres IV à VI. - Adoption (p. 8 )

Affaires étrangères (p.)

MM. Jacques Chaumont, rapporteur spécial de la commission des finances pour les affaires étrangères ; Michel Charasse, rapporteur spécial de la commission des finances pour l'aide au développement ; Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour les affaires étrangères ; Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour les relations culturelles extérieures et la francophonie ; Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour l'aide au développement ; Danièle Pourtaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour les relations culturelles extérieures ; MM. Jacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour la francophonie ; André Dulait, président de la commission des affaires étrangères ; Hubert Durand-Chastel, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, M. Daniel Hoeffel, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jacques Legendre, Bernard Joly, Serge Mathieu.

Suspension et reprise de la séance (p. 9 )

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL

5. Communication relative à une commission mixte paritaire (p. 10 ).

6. Saisine du Conseil constitutionnel (p. 11 ).

7. Loi de finances pour 2003. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 12 ).

Affaires étrangères (suite) (p. 13 )

MM. Guy Penne, Jean-Pierre Cantegrit, Mme Hélène Luc, MM. Robert Del Picchia, Aymeri de Montesquiou, Yves Dauge, Daniel Goulet, André Vallet, Mme Josette Durrieu, MM. Michel Guerry, Jacques Pelletier, Louis Duvernois.
MM. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie ; Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères.

Crédits du titre III (p. 14 )

Mmes Marie-Claude Beaudeau, Annie David.
Adoption des crédits.

Crédits du titre IV (p. 15 )

Mme Marie-Claude Beaudeau.
Amendement n ° II-64 de la commission. - MM. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; le ministre délégué, Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Hélène Luc, M. Guy Penne, Mme Danielle Bidard-Reydet, M. Michel Charasse, rapporteur spécial de la commission des finances pour l'aide au développement. - Rejet par scrutin public.
Adoption des crédits.

Crédits des titres V et VI. - Adoption (p. 16 )

8. Dépôt d'un projet de loi constitutionnelle (p. 17 ).

9. Dépôt d'un projet de loi (p. 18 ).

10. Dépôt d'un rapport (p. 19 ).

11. Dépôt d'avis (p. 20 ).

12. Ordre du jour (p. 21 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à douze heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

LOI DE FINANCES POUR 2003

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2003 (n° 67, 2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 68 (2002-2003).]

Outre-mer



M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant l'outre-mer.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous allons nous prononcer, au terme de ce débat, sur le projet de budget de l'outre-mer pour 2003, qui s'établit, comme l'année dernière, à environ 1 milliard d'euros. A structure constante, il progresse de 1,5 %.
Chaque année, lorsque je présente le projet de budget qui nous est soumis, j'attire votre attention, mes chers collègues, sur le fait que le budget que nous votons ne reflète pas la réalité des crédits que le ministre de l'outre-mer aura à gérer au cours de l'année à venir, et ce pour deux raisons.
D'abord, les crédits de l'outre-mer sont généralement mal consommés et environ 20 % des crédits disponibles au titre d'une année sont reportés sur l'année suivante ; j'en veux pour preuve qu'au cours des cinq dernières années, de 1997 à 2002, l'équivalent d'un budget de l'outre-mer n'a pas été utilisé, comme l'a d'ailleurs signalé Mme la ministre devant l'Assemblée nationale lors de la présentation de son budget.
Ensuite, les différentes procédures de régulation budgétaire, qu'elles s'appellent « contrat de gestion » ou « gel républicain », limitent la capacité du ministère à dépenser toutes les sommes dont il dispose.
L'année prochaine, les données du problème seront différentes.
D'une part, les reports de 2002 sur 2003 devraient être inférieurs à ceux qui ont été constatés les années précédentes en raison des annulations de crédits proposées par le collectif budgétaire que nous examinerons dans deux semaines.
D'autre part, compte tenu de la dégradation de la conjoncture, des économies devront sûrement être envisagées sur les crédits de 2003.
Mes chers collègues, il n'est pas possible d'examiner les différents fascicules ministériels sans tenir compte de l'équilibre général du budget de l'Etat tel qu'il résulte de l'article d'équilibre que nous avons adopté la semaine dernière.
A cette occasion, le Gouvernement a fait preuve d'une transparence sans précédent en indiquant qu'il convenait de revoir à la baisse les prévisions de recettes fiscales. La révision porte sur 700 millions d'euros.
L'incidence de cette révision a été contenue en dégageant des recettes supplémentaires. Toutefois, les gestionnaires locaux que nous sommes savent que les réductions de recettes doivent s'accompagner de réductions de dépenses, faute de quoi il faudrait augmenter les impôts, ce qui n'est pas envisageable.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Vous voyez que j'écoute mon président de commission ! (Sourires.)
En période de resserrement de la contrainte budgétaire, il est encore plus urgent de s'interroger sur l'utilité des dépenses et sur l'efficacité des procédures.
Je ne donnerai qu'un exemple, celui des crédits consacrés à la lutte contre l'habitat insalubre. Ce sont des crédits d'investissement qui ont vocation à améliorer une situation à bien des égards catastrophique. Or ces crédits ne sont pas bien consommés.
Ainsi, 30 millions à 40 millions d'euros sont reportés d'année en année. Nous ne pouvons plus nous permettre de laisser « dormir » de telles sommes, en particulier s'agissant de l'outre-mer, où les besoins sont si importants.
Sur les orientations d'ensemble de votre budget, madame la ministre, la commission des finances s'est félicitée que le projet que vous nous soumettez commence, précisément, à réorienter les dépenses de l'Etat vers la couverture des besoins les plus pressants outre-mer.
Les moyens nouveaux sont concentrés sur des actions prioritaires telles que l'aide à la pierre.
La suppression des crédits de l'ancienne créance de proratisation permet des redéploiements de crédits bienvenus, en particulier pour financer le « passeport mobilité » qui constitue un premier pas attendu en faveur de l'amélioration de la continuité territoriale.
S'agissant de la continuité territoriale, j'ai constaté, lors d'un déplacement auprès de la Commission européenne, que les autorités communautaires étaient réellement sensibles aux difficultés rencontrées par l'outre-mer et qu'elles étaient très demandeuses des propositions que pourraient formuler le Gouvernement et les élus dans ce domaine. Il y a là une perche qu'il ne faut pas hésiter à saisir.
Sans entrer dans le détail, je voudrais, si vous le permettez, formuler deux remarques complémentaires sur le projet de budget qui nous est soumis.
Ma première remarque concerne les crédits des aides à l'emploi du Fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, le FEDOM, qui constituent, comme les années précédentes, le « gros » du budget de l'outre-mer, même si leur part dans le total diminue.
Il est particulièrement regrettable de constater que les crédits des dispositifs d'aide à l'emploi non marchand sont intégralement consommés, ce qui n'est pas le cas des crédits des dispositifs d'aide à l'emploi marchand.
Vous avez annoncé, madame la ministre, votre intention de réhabiliter les CAE, les contrats d'accès à l'emploi. Nous approuvons cette orientation, qui est indispensable au développement de l'outre-mer. Dans les DOM, où le salaire moyen dans le secteur public est deux fois supérieur à celui du secteur privé et où l'emploi public représente près de la moitié de l'emploi total, il est urgent de soutenir l'emploi marchand et la compétivité des entreprises en général.
Je sais que vous avez prévu de le faire dans votre projet de loi de programme par de nouvelles exonérations de charges et par le rééquilibrage des mécanismes d'aide fiscale à l'investissement, auxquels j'ai récemment consacré un rapport d'information. Nous attendons ce texte avec impatience, et je crois savoir que l'outre-mer l'attend également.
Ma deuxième remarque porte sur les crédits du fonds d'investissement des départements d'outre-mer, le FIDOM, qui diminuent dans le projet de budget, alors qu'ils sont d'habitude les mieux consommés. L'Etat aura-t-il les moyens, en 2003, d'honorer ses engagements contractuels avec les collectivités locales ? La réduction des crédits du FIDOM, qui financent aussi les documents uniques de programmation, les DOCUP, n'expose-t-elle pas les fonds structurels accordés à l'outre-mer à l'application de la règle du « dégagement d'office » ?
Ce point est sensible, mes chers collègues, car la Guadeloupe pourrait perdre 35 millions d'euros de fonds structurels en 2003 du fait de l'application de cette règle.
Madame la ministre, je suis particulièrement sensible à la conception que vous avez de votre tâche. Depuis l'entrée en fonction du gouvernement auquel vous appartenez, j'ai le sentiment que l'outre-mer n'est plus un pan de l'action gouvernementale qu'on laisse fonctionner en circuit fermé. Au contraire, j'ai le sentiment que les spécificités de l'outre-mer sont désormais prises en compte par chacun de vos collègues, dans leurs domaines de compétence respectifs. La cohérence de l'action de l'Etat y gagnera et le ministère de l'outre-mer a vocation a y veiller, en jouant, en quelque sorte, le rôle de chef d'orchestre.
Vous êtes confrontée, madame la ministre, à de multiples chantiers et vous les abordez un par un, avec ordre et méthode.
Les dispositions que vous avez proposées dans le cadre du projet de loi constitutionnelle sont de nature à nous permettre de faire un grand pas vers le règlement des problèmes institutionnels, en mettant en place un cadre souple mais stable.
Ce dossier à peine refermé, vous présenterez un projet de loi de programme, madame la ministre. Ainsi, l'année 2003 sera plutôt consacrée aux débats économiques, dont l'actualité révèle malheureusement l'urgence.
Les dispositions du projet de loi de programme, telles que vous les avez annoncées, sont de nature à envoyer des signaux positifs aux entrepreneurs de l'outre-mer.
Parallèlement, vous devrez poursuivre les négociations avec la Commission européenne sur l'avenir de la principale protection dont bénéficie le tissu économique de l'outre-mer, l'octroi de mer, sans lequel les productions locales n'auraient aucune chance de concurrencer les produits importés.
Le Gouvernement doit négocier le régime qui suivra celui qui a été institué en 1992. Il s'agit d'un débat de première importance, compte tenu de l'incompréhension que suscite cet impôt auprès de certains de nos partenaires européens.
Il faut, madame la ministre, sauver l'octroi de mer. Mais, pour ce faire, il faut définir un octroi de mer plus transparent, selon des procédures plus claires et avec des objectifs mieux définis.
Pour résumer, mes chers collègues, que constatons-nous par rapport à l'année dernière ?
D'abord, la politique de l'Etat outre-mer est en train de prendre une véritable dimension interministérielle, le ministère veillant à ce que les spécificités ultramarines soient prises en compte dans tous les aspects de la politique du Gouvernement.
Ensuite, l'examen du projet de budget, contrairement aux années précédentes, ne conduit pas à constater de manière résignée que les dépenses en faveur de l'emploi non marchand progressent ; au contraire, les crédits sont redéployés vers le financement de dispositifs dynamiques et innovants, tels que le « passeport mobilité ».
Dans ces conditions, mes chers collègues, la commission des finances a décidé de vous proposer d'adopter les crédits de l'outre-mer inscrits dans le projet de loi de finances pour 2003. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)

(M. Guy Fischer remplace M. Daniel Hoeffel au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER
vice-président

M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, rapporteur pour avis.
M. Daniel Raoul, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le présent budget de l'outre-mer est un budget de transition dans l'attente de l'élaboration d'une loi de programmation sur quinze ans annoncée par le Président de la République. Ce texte a pour ambition de définir des mesures plus adaptées à la situation économique de l'outre-mer, afin notamment de stimuler l'emploi dans le secteur marchand. Il devrait proposer un système de défiscalisation profondément rénové et pérenne, afin de constituer un véritable outil de développement local auquel les entreprises domiennes puissent avoir accès.
Force est de constater que le dispositif actuel, maintes fois modifié et corrigé, y compris par la loi d'orientation du 12 décembre 2000 sur l'outre-mer, est devenu trop complexe pour être attractif, qu'il ne semble pas répondre aux besoins de financement des entreprises domiennes et qu'il a surtout constitué une aubaine fiscale pour des métropolitains, conduisant à des abus.
En outre, ce projet de budget s'inscrit dans le contexte plus général de la réforme de la décentralisation. La réforme institutionnelle constitue un enjeu majeur pour les départements d'outre-mer, la réforme de 1946 ayant montré ses limites en matière d'assimilation en ne permettant pas de prendre en compte leurs spécificités.
Les propositions de réforme consacrent, dans le repect de l'unité et des principes de la République, la possibilité pour les DOM d'une évolution institutionnelle et statutaire « sur mesure », si les collectivités le souhaitent et avec le consentement des populations concernées.
Madame la ministre, les craintes exprimées par certains élus domiens montrent la nécessité de réaffirmer solennellement le principe d'appartenance de nos collectivités d'outre-mer à la République. S'agissant du contexte économique des départements d'outre-mer, la crise profonde qui touche les Antilles nous rappelle, s'il en était besoin, leur très grande fragilité structurelle malgré les progrès qui ont été réalisés dans certains domaines, ainsi que la nécessité impérative de tenir compte de leur environnement régional pour les aider à y faire face. Je pense essentiellement au tourisme, au BTP et à la production de la banane, mais je suis sûr que mon collègue Claude Lise y fera allusion dans son intervention.
Dans le projet de loi de finances pour 2003, le projet de budget du ministère de l'outre-mer s'élève à 1 084 millions d'euros. Si les axes d'orientation majeurs restent l'emploi, l'insertion professionnelle et le logement, ils traduident également une accentuation du soutien aux collectivités d'outre-mer, notamment Mayotte et Wallis-et-Futuna, ainsi que les engagements de l'Etat en autorisations de programme dans la mise en oeuvre des contrats de plan. J'y reviendrai tout à l'heure.
Pour 2003, les crédits affectés aux aides à l'emploi s'établissent à 477 millions d'euros, en diminution de 8 % à structure constante, et la répartition actuelle des crédits montre la part prépondérante des dispositifs d'aide aux emplois du secteur non marchand, qui mobilisent 68 % des financements du FEDOM.
En outre, il faut souligner que le niveau de consommation de ces crédits n'est pas satisfaisant s'agissant des dispositifs d'aide à l'emploi dans le secteur marchand : il atteint 46 % pour la prime à la création d'emploi et 27 % pour les projets « initiatives jeunes ». Cela donne lieu à des reports d'une année sur l'autre qui sont utilisés, le plus souvent, pour financer les dispositifs d'emplois aidés dans le secteur non marchand, ce qui ne respecte pas l'intention du législateur. Ces dispositifs sont toutefois efficaces sur le terrain, même s'ils ne sont pas tous pérennes.
Pour 2003, l'ajustement opéré sur le financement des principales mesures instaurées par la loi d'orientation pour l'outre-mer de décembre 2000 pourrait être justifié par la mauvaise consommation des crédits constatée en 2001 et en 2002. Sur 23 000 mesures annoncées en 2002, un tiers devraient être réalisées, alors que les besoins sont énormes. Les causes de ce non-emploi de crédits doivent être recherchées.
S'agissant des crédits consacrés aux emplois-jeunes, qui sont en augmentation pour 2003, madame la ministre, vous avez pris l'engagement que tous les contrats iraient à leur terme. Qu'en sera-t-il l'an prochain ?
Il faut relever la légère réorientation des crédits du FEDOM à travers l'enveloppe des contrats d'accès à l'emploi, calculée pour financer 5 000 contrats alors que 4 500 étaient programmés en 2002.
Enfin, il faut se féliciter de la création du « passeport mobilité », concrétisant le principe de continuité territoriale pour les jeunes dans le cadre de leurs études, de leur formation ou de leur premier emploi. Mis en place au 1er septembre, il est destiné à 11 000 étudiants et à 5 000 jeunes en formation professionnelle les premières estimations qui nous sont parvenues semblent indiquer que le nombre de bénéficiaires affiché sera atteint dès 2002.
La formation professionnelle et l'insertion doivent être des priorités, particulièrement dans ces territoires. Tous les moyens qui y contribuent doivent être mobilisés et le passeport mobilité en est un. Je tiens à signaler que, en dépit de la crise du tourisme, aucun lycée hôtelier n'est établi en Guadeloupe ! Par conséquent, des moyens financiers doivent être affectés à la formation, même s'ils ne dépendent pas de votre budget, madame la ministre.
On peut rappeler que le projet « initiatives jeunes » est conçu pour aider les jeunes âgés de moins de trente ans à créer leur entreprise ou à suivre une formation professionnelle dans leur département d'origine ou à l'extérieur, encourageant ainsi leur mobilité géographique et professionnelle.
L'action du ministère en faveur du logement ne se dément pas compte tenu des besoins recensés. Votre objectif, madame la ministre, est de consommer l'ensemble des moyens disponibles afin de limiter l'importance des reports traditionnellement constatés sur ces lignes, en particulier pour la résorption de l'habitat insalubre. La simplification des procédures et, sans doute, l'extinction de la créance de proratisation devraient y concourir.
Les crédits pour 2003 doivent assurer le financement de 15 000 logements, dont 10 000 en construction neuve et 5 000 en amélioration.
S'agissant des interventions de l'Etat en faveur des collectivités d'outre-mer, le projet de budget pour 2003 accentue les mesures de soutien aux collectivités, en majorant la section fonctionnement de la dotation de rattrapage et de premier équipement des communes de Mayotte créée par la loi du 11 juillet 2001 relative à Mayotte, en finançant la desserte inter-îles à Wallis-et-Futuna et en abondant le fonds mahorais de développement créé par la même loi de juillet 2001.
En ce qui concerne le financement des contrats de plan Etat-région pour les départements d'outre-mer, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon, les engagements de l'Etat seront tenus s'agissant des autorisations de programme pour les années 2001, 2002 et 2003.
En revanche, la diminution de 14 % des crédits de paiement proposée pour 2003 ne permet pas d'assurer le respect minimum de ces engagements.
Je m'interroge, madame la ministre, sur les effets possibles de cette diminution de crédits. Si cela doit entraîner un ralentissement dans la mise en oeuvre des contrats de plan et si, par voie de conséquence, les fonds structurels ne sont pas consommés, les départements d'outre-mer ne risquent-ils pas de se voir appliquer la règle du « dégagement d'office », introduite en 1999, et de perdre ainsi définitivement des crédits européens ?
Compte tenu de l'importance des financements communautaires ouverts aux départements d'outre-mer, que comptez-vous faire pour remédier à cette situation ? Et qu'adviendra-t-il après 2006 de l'aide compensatoire pour le secteur de la banane ?
Sous réserve de ces observations, auxquelles j'attache personnellement une très forte importance, la commission des affaires économiques a donné un avis favorable à l'adoption des crédits concernant l'outre-mer pour 2003. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis.
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour les aspects sociaux. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au cours de ces dernières semaines, l'outre-mer a connu un regain de tension sociale. Il faut sans doute y voir le signe d'une inquiétude croissante face à l'évolution de l'activité touristique, soumise à la pression concurrentielle des pays voisins, mais cette tension est révélatrice d'une crise plus profonde des sociétés ultramarines. Nos collègues sénateurs de l'outre-mer n'ont pas manqué de s'en faire l'écho à plusieurs reprises, et ils nous le confirmeront certainement à l'occasion de l'examen du présent projet de budget.
L'actualité immédiate ne doit certes pas nous dicter nos analyses, mais elle confirme le diagnostic en deux points de la commission des affaires sociales.
En premier lieu, l'amélioration de la situation du marché du travail ces dernières années n'a pas suffi à mettre fin à l'instabilité des sociétés ultramarines.
En second lieu, la mise sous perfusion d'une économie et le traitement social du chômage ne peuvent ni tenir lieu de politique économique ni offrir de véritable perspective de développement durable.
Au-delà des premières solutions qui sont proposées dans le projet de budget, l'outre-mer exige sans nul doute une action d'une grande ampleur. Le Gouvernement en est d'ailleurs bien conscient puisqu'il prépare une loi de programme sur quinze ans.
De fait, en matière d'emploi, le taux de chômage moyen se réduit à un rythme moins rapide depuis le printemps 2001. Il se maintient à un niveau fort élevé, qui avoisine 26 %.
En matière de logement, les actions qui ont été engagées n'ont pas permis de remédier à la situation : le parc de logements est sinistré et le système de financement est en bout de course. Les bidonvilles sont, hélas ! encore une réalité en France. Trois années d'application de la loi d'orientation n'auront pas suffi à remédier à une crise endémique dont les gouvernements successifs n'avaient vraisemblablement pas pris toute la mesure.
Dans ce contexte préoccupant, le projet de loi de finances pour 2003 prévoit une augmentation réelle des crédits de l'outre-mer. Le Gouvernement a en outre manifesté avec force sa détermination à mettre fin à la sous-consommation des crédits à laquelle nous avons jusqu'à présent été habitués. Je ne peux que m'en féliciter.
C'est pourquoi, en matière d'emploi, premier volet du budget de l'outre-mer, le Gouvernement entend orienter son action vers deux priorités qui me semblent indispensables pour assurer le rattrapage économique des DOM.
La première consiste à encourager le développement de la mobilité et de l'insertion professionnelle des jeunes, politique qui comprendra la création d'un passeport mobilité et l'augmentation des moyens du service militaire adapté. Ces innovations ont été particulièrement appréciées par la commission des affaires sociales, laquelle est convaincue, d'une part, que l'insertion professionnelle des jeunes passe par la mobilité et, d'autre part, que le succès indiscutable du service militaire adapté mérite d'être conforté.
La seconde priorité vise à réorienter les moyens de la politique de l'emploi. Elle supposera un réajustement des mesures d'insertion vers davantage de réalisme. Cette réorientation servira de fondement à la future loi de programme, dont on sait déjà qu'elle comprendra des mesures en faveur du secteur productif et de l'investissement.
La commission des affaires sociales, qui n'a eu de cesse, dans ses précédents avis, que de dénoncer le traitement social du chômage, se réjouit aujourd'hui de cette stratégie en faveur de l'économie productive.
Pour le reste, deux défis majeurs doivent encore être relevés.
Le premier concerne la promotion du rôle du secteur productif. Cette revitalisation est devenue essentielle dans des départements où certains contrats aidés, comme les emplois-jeunes, sont promis à l'extinction.
Le second porte sur l'amélioration des dispositifs d'insertion. L'Etat a, sur ce point, un rôle à jouer par le biais des agences départementales d'insertion, dont les marges de manoeuvre financières pourraient être réorientées au service de la prévention et de l'animation en faveur des jeunes en difficulté, de la santé des plus démunis et de l'accompagnement des familles : autant de pistes qui ne doivent pas être négligées si l'on souhaite insérer durablement ces populations.
En matière de logement, second volet des crédits sociaux du budget de l'outre-mer, le projet de budget pour 2003 initie une dynamique nouvelle par une augmentation sensible des crédits et privilégie deux orientations.
Pour remédier aux carences du parc de logements, le Gouvernement prévoit la construction et la rénovation de 15 000 logements et la poursuite de la résorption de l'habitat insalubre.
Pour combler les lacunes du système de financemement, il préconise un dispositif novateur : d'une part, la maîtrise du foncier sera renforcée ; d'autre part, les aides de l'Etat seront diversifiées pour mieux tenir compte des besoins en logement des ménages.
La commission des affaires sociales a particulièrement apprécié l'effort du Gouvernement pour apporter des réponses concrètes et équilibrées aux difficultés tant des constructeurs que des locataires de logements sociaux outre-mer.
Reste que la mise en oeuvre de ce programme pourrait se heurter à des obstacles qui tiennent largement aux difficultés financières des collectivités. L'ampleur des besoins dans les DOM peut en effet rendre décevante toute action, fût-elle d'envergure. Aussi importe-t-il de mieux accompagner la maîtrise du foncier par l'amélioration des mécanismes d'aide à la pierre, la simplification des procédures administratives et l'instauration d'un soutien efficace aux acteurs locaux du logement social.
Les premières mesures que vous présentez aujourd'hui, madame la ministre, augurent de l'ambitieux dispositif que vous préparez dans votre future loi de programme. En ce sens, et même s'il reste un budget de transition, ce budget pose des bases, tout en concrétisant d'ores et déjà plusieurs priorités justifiées par l'urgence sociale dans les DOM.
Pour toutes ces raisons, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à l'adoption du projet de budget de l'outre-mer pour 2003. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. José Balarello, rapporteur pour avis.
M. José Balarello, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour les départements d'outre-mer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des lois, saisie pour avis, a adopté un rapport en quatre parties dont je vais essayer, dans le temps qui m'est imparti, de brosser les grandes lignes.
La première partie est consacrée à l'examen de l'évolution des crédits relevant de notre compétence consacrés aux DOM et aux deux collectivités de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Les crédits du ministère de l'outre-mer sont en légère augmentation et représentent 14 % du total.
Quant aux contributions provenant du ministère de l'intérieur, les crédits de paiement augmentent de 1 %, les autorisations de programmes de 2,23 %.
Pour le ministère de la justice, si les crédits de paiement progressent de 5 %, les autorisations de programme augmentent de 562 %, pour atteindre 40,9 millions d'euros contre 6,17 millions d'euros en 2002, cette très forte hausse devant permettre la modernisation du patrimoine immobilier - palais de justice et établissements pénitentiaires - dont l'urgence se fait sentir. Certaines prisons, telle celle de Saint-Denis-de-la-Réunion, devraient être prioritaires, madame la ministre, et nous nous en sommes déjà entretenus à différentes reprises.
La deuxième partie de notre rapport comporte l'analyse des grandes orientations gouvernementales qui transparaissent au travers des affectations budgétaires. Il s'agit non seulement de renforcer les missions régaliennes de l'Etat - sécurité, justice, maîtrise de l'immigration, fonction publique - mais également de mettre en place des initiatives nouvelles, par exemple le passeport mobilité, initiative dont nous vous félicitons, madame la ministre.
Nous évoquons les évolutions de l'immigration et de la délinquance. Moindre qu'en métropole, cette dernière n'en est pas moins inquiétante : la délinquance dite de « voie publique », notamment, augmente de 31,9 % en cinq ans.
Nous évoquons également le problème du trafic de drogue dans la Caraïbe et du contrôle de l'aéroport de Saint-Martin.
Quant à l'activité de la justice, elle est satisfaisante.
La troisième partie est consacrée aux apports de l'Europe et aux fonds structurels.
Les quatre départements d'outre-mer français font partie des régions ultrapériphériques de l'Europe, avec Madère, les Açores et les Canaries, et, à ce titre, ils bénéficient des fonds structurels, qui ont été portés, pour la période 2000-2006, à plus de 22 milliards d'euros pour les seuls DOM.
Quant à Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon, éligibles au Fonds européen de développement, ils recevront respectivement 15,2 millions d'euros et 12,4 millions d'euros pour la même période.
Reste à savoir si tous les DOM seront capables de consommer ces crédits.
Dans la loi d'orientation pour l'outre-mer, le Sénat avait adopté, sur ma proposition, une disposition tendant à la création d'une commission du suivi, car, madame la ministre, vous l'avez confirmé, et M. le rapporteur spécial s'est abondamment exprimé sur ce point, il y a d'importantes non-consommations.
Il faudra aider les DOM non seulement à monter les dossiers mais également à budgétiser les parts restantes, puisqu'il s'agit souvent de financements croisés.
La quatrième partie de notre rapport traite de l'évolution institutionnelle et statutaire des DOM et de Mayotte.
Les deux missions d'information menées sur place par la commission des lois ont fait apparaître la nécessité de prévoir pour les départements français d'Amérique un statut « cousu main », étant précisé qu'il n'y a pas de problèmes dans l'océan Indien, la Réunion voulant conserver son statut actuel de département et Mayotte aspirant à le devenir.
Pour la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane, les congrès prévus par la loi d'orientation sur l'outre-mer se sont réunis respectivement les 17 décembre 2001, 23 février 2002 et 29 juin 2001.
Vous trouverez dans notre rapport le détail de leurs propositions, qui vont toutes dans le sens d'une plus large autonomie, avec un pouvoir législatif et réglementaire limité, et de la création d'une nouvelle collectivité se substituant aux départements et à la région, qui disparaîtraient, avec, pour la Guyane, la création de districts.
Aucun des DOM ne veut sortir de la République française et de l'Europe, mais, comme le Président de la République l'a précisé, la consultation des populations est un préalable à toute modification, d'où l'obligation d'opérer une révision constitutionnelle modifiant notamment les articles 73 et 74 de notre loi fondamentale.
Le texte a été examiné par le Sénat en octobre et en novembre 2002 ; il devra être adopté en Congrés à Versailles.
C'est à notre avis urgent, madame la ministre, pour mettre fin à certaines incertitudes et aux manoeuvres d'un petit nombre qui, dans certains départements, perturbent la vie économique, dissuadent les investisseurs de venir, ternissent l'image de marque de ces admirables régions, qui sont françaises depuis plusieurs siècles.
Cela étant dit, la commission des lois a donné un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés aux départements d'outre-mer pour 2003.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour les territoires d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme chaque année, la commission des lois saisit l'occasion du débat budgétaire pour faire le point sur la situation de quatre de nos collectivités d'outre-mer dans les domaines relevant de sa compétence au fond, en particulier les réformes institutionnelles, la mise à niveau du droit applicable dans ces collectivités régies par le principe de la spécialité législative, l'évolution de la délinquance, l'activité et les moyens des juridictions, les liens d'association avec l'Union européenne.
La loi de finances pour 2003 devrait être la dernière à traiter des crédits consacrés aux territoires d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie, la catégorie juridique des territoires d'outre-mer étant en sursis : elle devrait s'éteindre avec l'adoption de la réforme constitutionnelle en cours relative à l'organisation décentralisée de la République.
Les Terres australes et antarctiques françaises, caractérisées par l'absence de population autochtone et, corrélativement, d'assemblée délibérante, devraient être la seule collectivité à conserver cette dénomination en vertu de leur loi statutaire. Peut-être faudra-t-il songer l'an prochain à modifier les domaines de compétence des rapporteurs pour avis, même si les Terres australes et antarctiques sont d'un grand intérêt ! (Sourires.)
Ce cadre constitutionnel rénové devrait permettre une meilleure adaptation statutaire à la diversité des situations en faisant, selon l'expression employée par M. José Balarello et désormais consacrée, du « cousu main ». Je m'en réjouis, à condition que les évolutions institutionnelles favorisent un développement harmonieux des collectivités concernées.
Je me félicite également, madame la ministre, du dispositif constitutionnel qui permettra d'accélérer l'actualisation du droit applicable outre-mer par une habilitation permanente du Gouvernement à procéder par ordonnances, l'exigence de ratification expresse de ces ordonnances dans un délai de dix-huit mois proposée par le Sénat et acceptée par vous, madame la ministre, devant garantir une meilleure sécurité juridique.
Je ne m'attarderai pas sur les aspects proprement financiers, brillamment exposés par le rapporteur de la commission des finances, M. Roland du Luart. Dans la mesure où les travaux de la commission des lois présentent la spécificité de distinguer les territoires d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie des autres collectivités situées outre-mer, je me contenterai d'ajouter, pour m'en réjouir, que la part des crédits consacrée à ces territoires dans le budget de l'outre-mer progresse pour 2003 de près de 4 % et que l'effort budgétaire global consenti en leur faveur, tous budgets contributeurs confondus, hors crédits non répartis et coût de gestion des services métropolitains, s'élève à plus de 1,8 milliard d'euros.
Si la diversité de l'outre-mer en fait la richesse et doit être préservée, elle ne facilite pas l'exercice d'un exposé en cinq minutes, monsieur le président, et me contraint à passer du « cousu main » ... au « décousu » ! (Sourires.)
Je n'évoquerai donc que quelques aspects d'actualité.
Tout d'abord, concernant le volet institutionnel, j'observe que la Nouvelle-Calédonie rencontre encore des difficultés dans le fonctionnement de son gouvernement régi par le principe de la collégialité, difficultés qui sont en grande partie dues aux dissensions au sein du mouvement indépendantiste. J'en veux pour preuve le tout récent renouvellement du gouvernement à la suite de la démission d'un de ses membres.
Je salue en revanche le succès des « lois du pays ». Sur vingt-deux, une seule a été soumise au Conseil constitutionnel, et le recours a d'ailleurs été rejeté. Ces actes sont essentiellement intervenus dans les domaines de la fiscalité, en particulier pour encourager les investissements dans le secteur minier, du droit du travail et de la protection sociale.
Madame la ministre, je sais que vous avez reçu plusieurs dirigeants du secteur minier. Le développement de celui-ci nous préoccupe, bien sûr, car c'est le gage d'un rééquilibrage économique de la Nouvelle-Calédonie. Les trois projets en cours sont donc indispensables pour contribuer au progrès économique de la Nouvelle-Calédonie.
Concernant la Polynésie française, dans l'attente de la prochaine révision statutaire consécutive à la réforme constitutionnelle en cours, j'observe que les institutions - qui étaient déjà en avance, monsieur Flosse - fonctionnent de façon satisfaisante et que certains mécanismes novateurs de 1996 sont fréquemment utilisés. Ainsi, les procédures de demande d'avis au Conseil d'Etat sur les questions de répartition des compétences entre l'Etat et le territoire ont-elles été mises en oeuvre à trente-trois reprises. Le Conseil d'Etat a d'ailleurs rendu des avis tantôt en faveur de la Polynésie tantôt en faveur de l'Etat, ce qui prouve que la formule est équilibrée !
Concernant le volet policier et judiciaire, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française ont connu l'une comme l'autre, en 2001, une hausse brutale de la délinquance, en particulier de la délinquance de voie publique et de la délinquance des mineurs, même si le niveau global est nettement inférieur au niveau métropolitain, et un taux d'élucidation en revanche particulièrement élevé.
Il m'est difficile, madame la ministre, d'entrer dans le détail de l'activité des juridictions, mais je tiens à souligner que, si les réponses aux questionnaires budgétaires sur la délinquance sont satisfaisantes, les informations relatives à l'activité des juridictions laissent, cette année encore, supposer, de par leur indigence, qu'aucun suivi sérieux n'existe.
Je ne peux, sur ce point, que remercier très vivement les chefs des juridictions de l'ordre judiciaire et de l'ordre administratrif calédoniennes et polynésiennes, car ils n'ont pas hésité à répondre directement à nos interrogations, à la différence de la chancellerie, qui s'est, quant à elle, mise aux « abonnés absents ».
Concernant la politique contractuelle d'aide au développement, je mentionnerai la pérennisation du fonds pour la reconversion économique de la Polynésie française par une nouvelle convention signée le 4 octobre 2002, et deux nouvelles mesures pour Wallis-et-Futuna : le passeport mobilité, d'une part, qui s'adresse aux jeunes, et une convention de développement, d'autre part, tendant à accélérer le rattrapage économique et social.
Enfin, je veux rappeler l'aboutissement du processus de révision du lien d'association entre les pays et territoires d'outre-mer et l'Union européenne, la nouvelle décision d'association, qui se substitue à celle du 25 juillet 1991, étant entrée en vigueur le 2 décembre 2001. Je rappelle que l'élargissement de la nouvelle convention profite essentiellement à Wallis-et-Futuna, ce dont je ne peux que me réjouir.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés aux territoires d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie dans le projet de budget du ministère de l'outre-mer pour 2003.
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 26 minutes ;
Groupe socialiste, 23 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 19 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 14 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 14 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Gaston Flosse.
M. Gaston Flosse. Madame la ministre, vos crédits, d'un montant de 1,084 milliard d'euros, sont en augmentation de 1,5 % à périmètre constant. Bien entendu, je me réjouis de voir que vous avez obtenu une amélioration de vos moyens d'action. Toutefois, celle-ci ne me paraît pas encore suffisante, surtout si nous nous rappelons que votre budget ne représente que 0,4 % du budget général de l'Etat. Il est vrai que d'autres ministères interviennent outre-mer et que les masses en cause, sur l'emploi desquelles vous avez bien évidemment votre mot à dire, sont beaucoup plus importantes.
C'est ainsi que, pour l'ensemble des territoires d'outre-mer, les dépenses ordinaires et crédits de paiement atteignent 227 millions d'euros, dont 47 millions d'euros pour la Polynésie, tandis que, pour l'ensemble des ministères, les dépenses s'élèvent à 1,852 milliard d'euros, dont 936 millions d'euros pour la Polynésie.
Vous savez, madame la ministre, que notre position au sujet de cet écart entre vos moyens et l'action globale de l'Etat en faveur de l'outre-mer n'a pas varié.
Le gouvernement précédent, qui n'avait pas de véritable politique de l'outre-mer, n'était représenté que par un secrétaire d'Etat. Le président Jacques Chirac a voulu montrer l'importance qu'il attache à l'outre-mer en transformant ce secrétariat d'Etat en un vrai ministère, comme nous le souhaitions. Cependant, vous devez avoir les moyens d'une grande politique de la France pour l'outre-mer : c'est ce que j'ai retenu du message de Jacques Chirac, c'est la volonté qui se manifeste au travers de votre action déterminée, c'est l'objectif qu'il faut vous aider à atteindre.
Il faut vous soutenir, tout d'abord, pour que votre administration devienne l'outil performant qui vous est nécessaire. Je ne verrais donc que des avantages à ce que vous puissiez ouvrir de nouveaux postes de haut niveau dans le cadre de votre budget. Vous ne devez pas être obligée de transformer des postes destinés à des services territoriaux en postes d'Etat, ce qui ne me paraît être ni adapté au problème posé ni satisfaisant pour nous.
Il faut vous soutenir, ensuite, pour que les premières mesures que vous avez prises afin de rapprocher l'outre-mer de la métropole soient renforcées et puissent être intégrées et développées dans le projet de loi de programme pour l'outre-mer que vous préparez. A ce sujet, j'applaudis à la mise en place remarquablement rapide du « passeport mobilité » en faveur des jeunes faisant leurs études universitaires ou professionnelles en métropole.
De même, je salue la volonté que vous avez de parvenir à assurer une desserte aérienne de l'outre-mer. Vous savez que nous avons dû, de notre côté, créer notre compagnie aérienne. Il nous fallait agir sans attendre devant l'abandon de notre destination par Air Lib et, dans quelques mois, par Corsair. Pour maintenir la desserte par Corsair au-delà de la date d'arrêt annoncée pratiquement sans préavis, nous avons dû aider son exploitation. Et je ne parle pas des tergiversations d'Air Lib ! J'avoue que j'ai été stupéfait d'apprendre que les représentants de ces compagnies avaient critiqué nos efforts pour compenser leur disparition ! Notre compagnie Air Tahiti Nui a donc élargi son champ d'action, non sans mal, à la desserte de Paris. J'espère qu'elle bénéficiera des mêmes aides que celles que vous accorderez à la future compagnie des DOM.
Il faut enfin vous soutenir, madame la ministre, dans votre dialogue avec certains ministères moins motivés par l'outre-mer que d'autres. Mais je sais que, dans ce domaine également, vous bénéficiez de l'appui sans réserve du Président de la République.
Dans ce contexte, permettez-moi de vous remercier à nouveau de votre combat et de l'aboutissement de la réforme constitutionnelle, qui, pour ce qui nous concerne, vient d'être approuvée, dans les mêmes termes que par le Sénat, par l'Assemblée nationale.
Je vous remercie également d'avoir pu pérenniser le fonds de reconversion de la Polynésie française tout en modifiant profondément son fonctionnement. Vous aviez pu constater, dans les fonctions que vous occupiez à l'Elysée, à quel point le précédent gouvernement avait paralysé l'utilisation des crédits qui nous étaient destinés, aux termes de la convention signée avec Alain Juppé, alors Premier ministre, en 1996.
Vous avez donc, dans l'esprit de la décentralisation, laissé les choix d'opportunité à la Polynésie française. Vous avez responsabilisé les élus polynésiens tout en contrôlant le bon usage des fonds publics. Désormais, le fonds de reconversion fonctionnera de façon satisfaisante.
Je souhaite par ailleurs que le ministère de Mme Alliot-Marie ne se désintéresse pas de la Polynésie. Il reste en effet à nous transférer les terrains et les constructions de Hao, devenus inutiles aux forces armées. Ils sont en revanche indispensables à la réalisation du projet d'élevage de thons que nous avons mis au point pour permettre la reconversion de l'atoll et le développement de la ressource marine en Polynésie française.
En ce qui concerne le ministère de la justice, je remercie le garde des sceaux de l'intégration des quatorze agents du centre pénitentiaire qui restaient sans statut. Mais je suis inquiet de constater qu'aucun crédit d'investissement n'est prévu pour la reconstruction du centre pénitentiaire de Nuutania. La vétusté, l'état de dégradation et l'inadaptation de ce dernier ont fait l'objet de rapports multiples ; je souhaite, madame la ministre, que vous puissiez le rappeler à votre collègue Dominique Perben, que nous estimons beaucoup.
J'en viens maintenant à un sujet qui préoccupe tous les investisseurs outre-mer, celui des pratiques restrictives de la direction générale des impôts. L'outre-mer, vous l'avez dit de la manière la plus claire, ne peut se développer sans mesures d'incitation fiscale. Celles-ci valent bien mieux que l'entretien permanent de chômeurs ou d'allocataires du RMI, car elles permettent la création de ressources propres, donc d'emplois permanents dans nos collectivités.
M. Bruno Sido. Tout à fait !
M. Gaston Flosse. Or je constate que les pratiques dommageables sont toujours en vigueur, au point que l'on pourrait se demander si la majorité a réellement changé. Plusieurs dossiers d'investissement sont toujours en souffrance à Bercy.
La première pratique condamnable consiste à plafonner la base défiscalisable. Cela n'a pas de sens, surtout dans l'hôtellerie, secteur essentiel pour le développement de la plupart de nos départements et territoires d'outre-mer.
La deuxième pratique est de décider de plus en plus systématiquement des abattements sur le niveau de défiscalisation.
La troisième pratique, toute récente, consiste à considérer que toute aide de notre part, quelle que soit sa forme, doit être déduite de la base défiscalisable.
Ces pratiques, qui se conjuguent avec la lenteur de l'instruction des dossiers, tendent de plus en plus à faire douter les investisseurs de la volonté de l'Etat d'appliquer les lois de défiscalisation. Nous attendons donc votre texte avec impatience, madame la ministre, puisqu'il devrait mettre fin à ces méthodes dignes de temps révolus. Il ne faudrait pas que ces dernières, si elles perduraient, aboutissent à remettre en cause les engagements solennels pris par le Président de la République.
J'aborderai enfin les problèmes de nos communes. Le rôle de ces dernières, encore très jeunes pour la plupart d'entre elles, se développe, et leurs moyens ne sont pas à la hauteur des attentes des administrés.
En matière de ressources financières, les communes polynésiennes dépendent, pour part, des dotations de l'Etat, et, pour l'essentiel, de l'affectation d'une part des recettes fiscales du territoire. Nous avions prévu, dans la loi d'orientation de 1994, une dotation supplémentaire de l'Etat, mais le montant de celle-ci n'évolue pas, alors que les dépenses croissent. Sans la participation complémentaire du territoire par convention particulière, les budgets d'équipement des communes seraient inexistants.
Outre les moyens financiers, il manque à nos communes des moyens humains. Les communes ont besoin de cadres ; il faudrait que l'Etat puisse mettre à leur disposition des cadres administratifs et techniques de haut niveau. Le personnel communal, de son côté, attend depuis plusieurs années d'être doté d'un statut qui devra tenir compte de nos spécificités.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Gaston Flosse. Monsieur le président, nous n'avons qu'une seule fois dans l'année l'occasion de nous exprimer !
M. Robert Bret. C'est vrai pour tout le monde !
M. Gaston Flosse. Vous pourriez faire une petite exception pour l'outre-mer !
M. le président. Monsieur Flosse, des décisions ont été prises en conférence des présidents, et mon devoir est de les appliquer. Je suis très indulgent, mais je ne veux pas créer de précédent. Le temps de parole n'est pas proportionnel à la distance !
Je vous invite donc encore une fois à conclure.
M. Gaston Flosse. J'en ai presque terminé, monsieur le président. L'amélioration du recrutement et de la formation ainsi que la mise en place du statut se traduiront évidemment par des surcoûts.
Si le gouvernement de Polynésie est disposé à élargir les possibilités de fiscalité propre des communes, il est certain qu'un apport supplémentaire de l'Etat sera nécessaire pour alimenter leur budget de fonctionnement. Je compte là encore sur votre ténacité, madame la ministre, pour atteindre cet objectif, avec l'appui du président du Sénat, qui a pu constater sur place la vitalité, mais aussi les besoins, de nos municipalités.
Madame la ministre, vous vous êtes engagée dans une oeuvre considérable, difficile, mais passionnante. Nous sommes certains que, grâce à la compétence, à l'expérience et à la ténacité que chacun vous reconnaît, vous réussirez. De notre côté, nous vous assurons de notre soutien.
Il me semble nécessaire que, dans l'esprit de votre action, l'outre-mer soit plus visible en métropole, dans sa diversité et dans sa richesse. Il faut pour cela créer un lieu à la fois symbolique et productif, un centre culturel et économique, un témoignage de l'apport que l'outre-mer représente pour la communauté nationale.
La France est une chance pour l'outre-mer, et l'outre-mer une chance pour la France. C'est ce que vous voulez montrer, et nous le voulons avec vous. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Claude Lise.
M. Claude Lise. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je n'ai pas l'habitude d'accorder plus d'importance qu'il ne faut au taux de progression d'un budget. J'aurais donc pu passer très vite sur le fait que le projet de budget de l'outre-mer pour 2003 marque une augmentation de 1,5 % seulement. C'est évidemment une progression très faible, inférieure même au taux de l'inflation, accompagnée de surcroît d'une réduction de 6,31 % des autorisations de programme !
Toutefois, si je m'attarde un court instant sur ces chiffres, ce n'est surtout pas pour céder à la tentation d'imiter le comportement de ceux qui n'hésitaient pas à affirmer ici, les années précédentes, que des augmentations de l'ordre de 3 % ou même de 7 %, à structure constante, caractérisaient des « budgets de régression » ; c'est, en fait, parce que je suis choqué d'entendre dire que les précédents budgets de l'outre-mer auraient connu un taux de consommation « scandaleusement insuffisant », et que celui qui nous est présenté aujourd'hui jouirait d'un étrange privilège, garantissant à l'avance une consommation des crédits à hauteur de 100 %. Il y aurait eu, auparavant, des budgets virtuels, et l'on ouvrirait l'ère des budgets réels !
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. C'est l'effet balance !
M. Claude Lise. Ce système de défense ne peut évidemment convaincre que ceux qui ignorent l'existence d'une pratique qui a, hélas ! cours sous tous les gouvernements : la mise en réserve de crédits en vue de limiter le déficit budgétaire.
Cette pratique explique, pour l'essentiel, la sous-consommation observée, qui n'est en rien une spécificité du budget de l'outre-mer. De 1999 à 2001, le taux de consommation globale de ce dernier a toujours été supérieur à 81 %.
Je souhaite bien sûr, et très sincèrement, que le budget pour 2003 puisse bénéficier du meilleur taux de consommation, mais l'on me permettra d'afficher un optimisme modéré à cet égard, quand le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie annonce que la France fera ce qu'il faut pour éviter que le déficit public n'atteigne le seuil des 3 % et quand le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire annonce clairement un gel de crédits pour le mois de janvier prochain.
Quoi qu'il en soit, madame la ministre, il aurait été plus simple et plus juste d'avouer que, dans le contexte budgétaire actuel, il ne vous a pas été possible de mobiliser un volume plus important de crédits pour l'outre-mer. Je suis d'ailleurs convaincu que vous avez essayé d'obtenir une enveloppe plus importante. En effet, contrairement à certains de mes collègues qui adressaient ce reproche à vos prédécesseurs, je ne vous ferai pas grief de ne pas porter un réel intérêt à l'outre-mer. Mon positionnement politique ne m'empêche nullement d'apprécier votre engagement dans l'accomplissement de la mission qui vous a été confiée, madame la ministre.
Cela dit, si l'on peut relativiser l'importance du taux de progression de votre budget, il ne peut en aller de même pour celle de l'effort global consenti en faveur de l'outre-mer par l'ensemble des ministères.
Or, s'agissant de cet effort global, qui représente près de dix fois le budget de l'outre-mer, c'est malheureusement de stagnation qu'il faut parler, et sur ce point je ne peux cacher mon inquiétude.
Cela signifie qu'aucune des mesures de la future loi de programmation n'est financée, et cela confirme que celle-ci n'aura aucun effet dans le courant de l'année 2003.
Dans quelle situation se trouvera donc l'outre-mer l'année prochaine, en particulier certains départements déjà en proie à toutes les difficultés que l'on sait, notamment aux conséquences des véritables crises que connaissent certains secteurs tels que le tourisme, la banane ou le BTP ?
Je m'interroge avec d'autant plus de gravité que je m'aperçois, revenant à votre projet de budget, madame la ministre, que certains choix que vous avez faits en matière d'aide à l'emploi et à l'activité vont poser problème.
Ainsi, vous réduisez les crédits du fonds pour l'emploi dans les DOM, qui diminuent de 2,8 % à périmètre constant.
En outre, sept dispositifs sur dix enregistrent une baisse des crédits qui leur sont affectés : c'est le cas notamment des primes à la création d'emploi, de l'allocation de retour à l'activité, du congé solidarité, des PIJ, les projets initiative jeunes, des contrats d'insertion par l'activité et des contrats de retour à l'emploi, pour lesquels les baisses sont respectivement de 48 %, de 47 %, de 7 %, de 45 %, de 4 % et de 25 %.
Vous avez choisi de réorienter les crédits du FEDOM vers le secteur marchand, par le biais, en particulier, des CAE, les contrats d'accès à l'emploi. Je comprend parfaitement ce partis pris. Qui, d'ailleurs, ne préfère pas, lorsque cela est possible, privilégier l'emploi en entreprise ?
Il faut toutefois tenir compte de la réalité du terrain. Cette réalité, actuellement, est que les taux de consommation des crédits relatifs aux mesures d'aide à l'emploi marchand ne sont pas satisfaisants et que les CAE, que vous voulez promouvoir, semblent devenir moins attrayants depuis la mise en place des exonérations de charges sociales prévues par la loi d'orientation.
Pourquoi se détourner de dispositifs qui donnent incontestablement des résultats positifs, ne serait-ce qu'en attendant la mise en oeuvre effective et, surtout, les effets tangibles de la future loi de programmation ?
Parmi ces dispositifs, certains permettent d'ailleurs de créer de vrais emplois durables. Je tiens à attirer votre attention, tout particulièrement, sur deux d'entre eux qui donnent des résultats très intéressants, en Martinique en tout cas : le congé solidarité et le projet initiative jeunes.
S'agissant du congé solidarité, qui n'est entré en application qu'en 2002, on comptait en Martinique, voilà environ un mois, 555 salariés ayant fait acte de candidature et 322 ayant effectivement donné suite auprès de l'ASSEDIC. Ces chiffres sont appelés à augmenter très vite, surtout si le dispositif est amélioré. Les candidats potentiels sont, de fait, très nombreux, et il importe donc d'en tenir compte et de consentir un effort supplémentaire dans l'immédiat, dans le cadre législatif et réglementaire actuel, puis de prévoir d'améliorer encore le dispositif dans le cadre de la future loi de programme.
Les premiers PIJ datent du mois d'avril 2001. Ils ont permis à ce jour, en Martinique, 466 créations d'entreprise. Il faut donc non pas réduire le montant des crédits destinés à financer cette mesure, mais simplifier les procédures actuellement en vigueur et mieux financer l'indispensable accompagnement des entreprises créées.
Mais, dans le contexte actuel des DOM, on ne peut se passer des dispositifs visant à procurer une activité à ceux qui ne peuvent bénéficier d'un emploi marchand. On ne devrait pas les sacrifier avant d'avoir obtenu une dynamisation suffisante du tissu économique.
S'agissant donc des mesures de soutien à l'emploi et à l'activité, il m'apparaît indispensable, madame la ministre, d'apporter certaines modifications aux choix budgétaires que vous avez arrêtés.
En ce qui concerne maintenant le logement, deuxième poste de dépenses du budget de l'outre-mer, je me félicite de la progression des crédits de paiement inscrits à la ligne budgétaire unique.
Les besoins en matière de logements sociaux sont, vous le savez, madame la ministre, considérables dans les DOM, mais il ne suffit pas, pour les satisfaire, d'abonder la ligne budgétaire unique ; il faut s'attaquer résolument aux causes de la sous-consommation des crédits, que l'on ne cesse de dénoncer. Cette année, il faut reconnaître que ce taux de consommation s'est amélioré, mais le problème est en fait structurel et impose une véritable réforme des procédures, ainsi que l'adaptation de certains textes législatifs et réglementaires.
Parmi les autres points de votre projet de budget qui ont retenu mon attention, je voudrais également signaler l'absence de crédits de paiement et l'importante baisse des autorisations de programme destinées aux agences pour la mise en valeur de la zone des cinquante pas géométriques. Cela va évidemment gêner la mise en oeuvre des politiques d'aménagement souhaitées par les communes et pénaliser des milliers de familles qui n'en peuvent plus d'attendre qu'on leur permette de sortir de situations vraiment insupportables.
Bien entendu, il conviendrait d'analyser d'autres points dans le détail, notamment l'inquiétante baisse des crédits du FIDOM, mais je préfère, avant de conclure, vous interroger, madame la ministre, sur les orientations qu'entend retenir le Gouvernement face à certains problèmes particulièrement préoccupants pour nos concitoyens des DOM.
Il y a bien sûr la question des emplois-jeunes, au nombre de plus de 15 000 dans nos départements : ce sont autant de jeunes que l'on a empêché de basculer dans le désespoir. Etant donné la situation très particulière des DOM, le Gouvernement acceptera-t-il de traiter de façon tout à fait spécifique, et pas uniquement à court terme, le problème que pose l'arrivée à échéance de la majorité des contrats ?
S'agissant du tourisme, qui, en dehors de difficultés structurelles connues, va devoir encore pâtir de l'invraisemblable campagne médiatique récemment orchestrée, j'ai bien compris que la réponse majeure apportée par le Gouvernement repose sur une politique de défiscalisation intensive et extensive.
J'aimerais savoir si les autres aspects du problème, et notamment ceux qui ont trait au transport aérien, vont faire l'objet d'une politique aussi volontariste. Par ailleurs, quels garde-fous sont prévus pour que l'on ne retombe pas dans les abus de la loi Pons et pour que les avantages fiscaux accordés se traduisent par des résultats effectifs et mesurables ?
Un autre secteur est en crise : la banane. Le Gouvernement parvient-il à infléchir la position des autorités de Bruxelles sur la question de la revalorisation et de la régionalisation de l'aide compensatoire ? Quelle est, par ailleurs, sa vision de la sortie de l'OCM en 2006 ?
J'aimerais également, madame la ministre, que vous nous donniez quelques précisions sur le dispositif que vous prévoyez en remplacement de l'ordonnance élaborée par le précédent gouvernement pour adapter la législation s'appliquant aux transports intérieurs et permettre d'avancer dans le nécessaire chantier de la modernisation de ce secteur. Je souhaiterais aussi savoir si, comme je vous l'ai déjà demandé, vous acceptez d'accompagner les collectivités locales dans la politique d'aide aux départs à la retraite des transporteurs.
J'évoquerai un tout autre domaine : l'insertion. Plutôt que de rompre l'engagement qu'avait pris le précédent gouvernement de verser aux agences départementales d'insertion une somme équivalente à ce que représentait la créance de proratisation avant l'alignement du RMI, ne pensez-vous pas qu'il faut se livrer à une concertation approfondie avec les acteurs locaux, en vue d'une indispensable réforme ? Celle-ci devrait permettre plus de souplesse dans l'utilisation des crédits, plus de prise en compte du terrain réel en vue de plus d'efficacité.
Je ne veux pas conclure sans faire allusion à la réforme en cours du titre XII de la Constitution.
Je ne reviens pas sur la façon dont les débats ont été menés, et qui, selon moi, est en totale contradiction avec ce qui a été avancé quant à l'esprit qui est censé sous-tendre la réforme.
Je préfère me féliciter de l'adoption par l'Assemblée nationale, et avec votre accord, d'un amendement corrigeant un aspect du texte que j'avais critiqué ici même. La modification qu'il apporte permet, en effet, de consulter les citoyens non pas sur un simple cadre institutionnel, une sorte de « coquille vide », comme je l'avais dit, mais sur un cadre institutionnel doté d'un contenu. Il s'agit, je le reconnais, d'une avancée démocratique appréciable et je m'enhardis à penser qu'il est peut-être encore possible d'améliorer le texte sur d'autres points fondamentaux.
Il faut, en particulier, que l'on parvienne à reconnaître un véritable droit à l'initiative locale en matière d'évolution institutionnelle. Au moment où l'on vante tant les mérites de la décentralisation, il est tout de même paradoxal de confier au seul pouvoir central l'initiative dans un domaine où ce qui est en jeu c'est l'avenir des peuples concernés.
Ce droit à l'initiative, les élus des départements français d'Amérique l'ont, en tout cas, déjà exercé en s'appuyant sur les dispositions prévues par la loi d'orientation. Vouloir l'ignorer ou se laisser aller à pratiquer en la matière une stratégie empreinte d'ambiguïté, ce serait, n'en doutez pas, une erreur lourde de conséquences.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Président de la République et le Gouvernement actuel ont, par leurs déclarations répétées, suscité de grandes, de très grandes attentes dans les départements d'outre-mer, en ce qui concerne tant les possibilités d'évolution institutionnelle que les perspectives de développement économique. Cela leur crée une ardente obligation : celle de mettre en oeuvre des mesures et des moyens se situant vraiment à la hauteur des engagements pris.
J'aurais aimé que l'on en eût déjà la traduction dans ce budget de l'outre-mer. Ce n'est évidemment pas le cas. Cependant, je veux bien attendre la suite, sans idée préconçue, mais, sachez-le, avec la grande vigilance qu'inspire une histoire parsemée, hélas ! de trop de rendez-vous manqués et de trop d'espoirs déçus. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures quinze.
La séance est suspendue.


(La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quinze heures quinze, sous la présidence de M. Serge Vinçon.)

PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS

M. le président. La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat :

Du jeudi 5 décembre au mardi 10 décembre 2002 :

Ordre du jour prioritaire

Suite du projet de loi de finances pour 2003, adopté par l'Assemblée nationale (n° 67, 2002-2003) ;

(Conformément à l'article 60 bis du règlement du Sénat, le vote sur l'ensemble du projet de loi de finances donnera lieu à un scrutin public à la tribune.)

En outre, jeudi 5 décembre 2002 :


A 9 h 30 :
Nomination d'un secrétaire du bureau du Sénat, en remplacement de M. Jean-Patrick Courtois ;

A 15 heures :
Questions d'actualité au Gouvernement ;

(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures.)

Mercredi 11 décembre 2002 :

Ordre du jour prioritaire


A 15 heures et le soir :
Deuxième lecture du projet de loi constitutionnelle, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à l'organisation décentralisée de la République (n° 83, 2002-2003) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- au mardi 10 décembre 2002, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;

- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 10 décembre 2002.

En application de l'article 59 du règlement du Sénat, il sera procédé à un scrutin public ordinaire lors du vote sur l'ensemble du projet de loi constitutionnelle.)

Jeudi 12 décembre 2002 :

Ordre du jour réservé

A 9 h 30 :
1° Question orale avec débat (n° 4) de M. Gérard Larcher à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur la réorganisation des couloirs aériens en Ile-de-France ;

(En application des premier et deuxième alinéas de l'article 82 du règlement, la conférence des présidents a fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront dans le débat les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 11 décembre 2002) ;
2° Conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de résolution de M. Henri de Raincourt tendant à la création d'une commission d'enquête sur la maltraitance envers les personnes handicapées accueillies en institution et les moyens de la prévenir (n° 315, 2001-2002) ;

(La conférence des présidents a décidé de fixer au mercredi 11 décembre 2002, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte) ;
3° Conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de résolution de MM. Bernard Plasait et Henri de Raincourt et des membres du groupe des Républicains et Indépendants tendant à la création d'une commission d'enquête sur la politique nationale de lutte contre les drogues illicites (n° 348, 2001-2002) ;

(La conférence des présidents a décidé de fixer au mercredi 11 décembre 2002, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)

A 15 heures et, éventuellement, le soir :
4° Questions d'actualité au Gouvernement ;

(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures) ;
5° Eventuellement, suite de l'ordre du jour du matin ;
6° Question orale européenne avec débat (n° QE-1) de M. Simon Sutour à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes sur l'avenir de la politique régionale européenne ;

(La discussion de cette question orale européenne s'effectuera selon les modalités prévues à l'article 83 ter du règlement) ;
7° Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Daniel Hoeffel relative à la décentralisation de la gestion des fonds européens (n° 63, 2002-2003) ;

(La conférence des présidents a décidé de fixer au mercredi 11 décembre 2002, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte) ;
8° Conclusions de la commission des finances sur la proposition de loi de M. Philippe Adnot portant réforme des règles budgétaires et comptables applicables aux départements (n° 64, 2002-2003) ;

(La conférence des présidents a décidé de fixer au mercredi 11 décembre 2002, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)

Lundi 16 décembre 2002 :

Ordre du jour prioritaire


A 10 heures, à 15 heures et le soir :
Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances rectificative pour 2002 (AN, n° 382) ;

(La conférence des présidents a décidé de fixer au vendredi 13 décembre 2002, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)

Mardi 17 décembre 2002 :


A 10 h 30 (l'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement) :
1° Quinze questions orales :
- n° 11 de M. Claude Biwer à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales (Réglementation en matière d'hygiène et de sécurité du travail applicable à la fonction publique territoriale) ;
- n° 53 de M. Bernard Fournier à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche (Retards récurrents des rectorats dans les paiements des traitements des enseignants) ;
- n° 63 de Mme Hélène Luc à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées (Situation du service diabétologie du CHU Henri-Mondor de Créteil) ;
- n° 75 de M. Dominique Mortemousque à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire (Réorganisation des services publics en milieu rural) ;
- n° 84 de Mme Marie-France Beaufils à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées (Situation des personnes handicapées en situation de grande dépendance vivant à domicile) ;
- n° 85 de Mme Marie-Claude Beaudeau à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Menace de démantèlement du réseau de succursales de la Banque de France) ;
- n° 86 de M. Bernard Joly à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales (Maintien du deuxième versement de la dotation jeunes agriculteurs) ;
- n° 87 de M. Paul Blanc à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer (Problèmes de gestion des communes situées en aval d'un barrage) ;
- n° 89 de M. Alain Vasselle à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité (Dépenses de fonctionnement des services départementaux d'incendie et de secours) ;
- n° 90 de M. Fernand Demilly à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales (Réforme de la politique commune de la pêche) ;
- n° 91 de M. Pierre Laffitte à Mme la ministre de la défense (Dépenses de recherche et de développement militaire) ;
- n° 93 de M. Yann Gaillard à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité (Revalorisation du minimum contributif) ;
- n° 94 de M. Robert Calmejane à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche (Conditions d'inscription dans les établissements scolaires) ;
- n° 95 de M. Jean-François Picheral à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales (Réglementation communautaire sur l'étiquetage de vins) ;
- n° 101 de M. Gérard Longuet à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer (Saturation de l'autoroute A 4) ;

A 16 heures et le soir :

Ordre du jour prioritaire

2° Sous réserve de sa transmission, projet de loi relatif à la négociation collective sur les restructurations ayant des incidences sur l'emploi (urgence déclarée) (AN, n° 375) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- au lundi 16 décembre 2002, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;

- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 16 décembre 2002.)

Mercredi 18 décembre 2002 :

Ordre du jour prioritaire


A 15 heures :
1° Suite du projet de loi relatif à la négociation collective sur les restructurations ayant des incidences sur l'emploi ;

A 18 h 30 et le soir :
2° Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances pour 2003 ;
3° Suite du projet de loi relatif à la négociation collective sur les restructurations ayant des incidences sur l'emploi.

Jeudi 19 décembre 2002 :

Ordre du jour prioritaire


A 9 h 30 :
1° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la conduite sous l'influence de substances ou plantes classées comme stupéfiants (n° 11, 2002-2003) ;

(La conférence des présidents a décidé de fixer au mercredi 18 décembre 2002, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte) ;
2° Suite éventuelle du projet de loi relatif à la négociation collective sur les restructurations ayant des incidences sur l'emploi ;

A 15 heures :
3° Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi modifiant la loi n° 85-99 du 25 janvier 1985 relative aux administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises et experts en diagnostic d'entreprise ;

A 21 h 30 :
4° Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2002 ;
5° Deuxième lecture, sous réserve de sa transmission, de la proposition de loi relative à la responsabilité civile médicale (AN, n° 370) ;

(La conférence des présidents a décidé de fixer à l'ouverture de la discussion générale le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)

Eventuellement, vendredi 20 décembre 2002 :

Ordre du jour prioritaire


A 9 h 30 et à 15 heures :
Navettes diverses.
En application de l'article 28 de la Constitution et de l'article 32 bis, alinéa 1, du règlement, le Sénat a décidé de suspendre ses travaux en séance publique du dimanche 22 décembre 2002 au dimanche 12 janvier 2003.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents s'agissant de l'ordre du jour établi en application de l'article 48, troisième alinéa, de la Constitution ?...
Ces propositions sont adoptées.

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LOI DE FINANCES POUR 2003

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2003, adopté par l'Assemblée nationale.

Outre-mer (suite)

M. le président. Dans la suite de l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'outre-mer, la parole est à M. Paul Vergès.
M. Paul Vergès. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, donner tout son sens à un budget oblige à dépasser son caractère statique et à appréhender la réalité mouvante dans laquelle il s'inscrit. C'est aussi se dégager de la limite de l'annualité budgétaire et garder les yeux fixés sur un horizon qui, déjà, se dévoile.
Assurément, le nouveau paysage de l'outre-mer prendra forme au cours de l'année 2003, tant cette année verra la convergence des rendez-vous qui conditionneront notre avenir.
C'est tout d'abord l'année de la décentralisation et de l'entrée en vigueur de la réforme constitutionnelle. Je n'insisterai pas, madame la ministre, sur l'absence d'audace des uns et de fermeté des autres, qui a conduit à vider en partie la réforme de ses potentialités positives pour la Réunion. Toutefois, les assises de la décentralisation, qui seront organisées dans notre région au début de l'année prochaine, pourraient, tout en augmentant les responsabilités locales, permettre une clarification des compétences entre les différentes collectivités.
Ces assises de la décentralisation pourraient aussi permettre une contribution réunionnaise à l'élaboration des futures lois organiques : il est impérieux de corriger le caractère pénalisant pour l'outre-mer de la rédaction du projet de loi constitutionnelle en matière de transferts financiers.
Les collectivités d'outre-mer ne demandent pas de responsabilités nouvelles pour gérer - de plus en plus difficilement, d'ailleurs - la pénurie des moyens. Elles demandent, pour exercer efficacement ces responsabilités nouvelles, des moyens adéquats correspondant à une juste reconnaissance de leurs retards, qui sont amplifiées par la progression démographique.
Mais, au-delà de l'environnement juridique, l'acquisition de la responsabilité est aussi affaire d'audace, d'imagination et de volonté politique. J'en veux pour preuve l'importance de la rencontre organisée la semaine dernière, à la Réunion, par les acteurs associatifs, qui ont affirmé leur volonté de créer une véritable chambre consulaire de la vie associative. Cette initiative inédite et originale peut constituer l'un des premiers exemples d'expérimentation de la « République décentralisée ».
La façon dont l'épineux dossier du désenclavement et de la desserte aérienne a trouvé un début de solution dans notre île en est un autre. Dans un consensus exemplaire entre les deux collectivités, la Réunion a fait le pari de maîtriser son désenclavement et d'offrir aux Réunionnais, avec l'effort attendu de l'Etat en matière de continuité territoriale, des conditions pérennes et satisfaisantes de mobilité.
En juin 2003 débuteront les vols entre la Réunion et Paris assurés par la compagnie régionale Air Austral. Les récents développements en matière de desserte aérienne de l'outre-mer témoignent de la justesse de la position réunionnaise.
Dans ce domaine comme dans d'autres si essentiels, nous avons la conviction que le développement durable serait en permanence menacé si il était tributaire de contingences extérieures.
Cela est particulièrement vrai en matière d'énergie. La région Réunion a fait le choix stratégique de parvenir à l'autonomie énergétique d'ici à vingt ans. Dans notre île, par définition entourée d'eau, dans notre île tropicale, montagneuse, volcanique, ensoleillée et soumise aux alizés, l'indépendance énergétique est possible.
L'année 2003 est aussi la dernière année avant l'élargissement de l'Union européenne. Cela me conduit à faire deux remarques.
Premièrement, il nous faut saisir le mouvement de l'histoire et nous rendre à l'évidence, sans porter de jugement de valeur : les départements d'outre-mer seront de plus en plus des régions ultrapériphériques d'Europe.
Pour autant, l'élargissement de l'Union vers l'est ouvre également une période d'incertitudes. Cela signifie que nous devons consolider ce statut avec le plus grand soin, au cours de cette année, et lui donner un véritable contenu positif pour le développement de nos régions. J'ai eu l'occasion de le dire lors des rencontres de la délégation pour l'Union européenne, je le redis aujourd'hui : il est d'une haute importance que l'ultrapériphéricité demeure inscrite au plus haut niveau dans l'ordre juridique communautaire qui sera issu de la nouvelle architecture institutionnelle de l'Union. Souhaitons à ce propos que les incohérences de la révision constitutionnelle n'affaiblissent pas l'argumentation qui sera développée auprès de Bruxelles pour que soient prises en compte nos spécificités.
Ma deuxième remarque porte sur le dossier de l'octroi de mer. L'année 2003 sera celle de la prorogation d'un an du dispositif. C'est un sursis, certes important, mais rien de plus. Il ne doit pas occulter que l'enjeu essentiel réside dans la sauvegarde de l'économie générale du régime actuel pour une nouvelle période de dix ans. Nous devons donc, d'ores et déjà, veiller à ce que la chronique de cette réforme annoncée ne se transforme pas insidieusement, à terme, en chronique d'une extinction annoncée.
L'année 2003 doit surtout voir l'entrée en vigueur de la loi de programme pour l'outre-mer. Cette loi, qui régira les quinze prochaines années, s'appliquera dans une période où la population active n'aura jamais été aussi nombreuse à la Réunion, puisqu'elle coïncidera avec la dernière partie de notre transition démographique.
En effet, la population active réunionnaise pourrait augmenter de 34 % dans l'hypothèse basse et jusqu'à 48 % dans l'hypothèse moyenne durant cette période. Cette force profonde qui agit silencieusement est, je crois, la donnée fondamentale. Elle indique très clairement que la problématique de l'emploi est et restera au coeur des priorités pour de nombreuses années encore.
Le budget de l'outre-mer comme la loi de programme annoncée font du développement de l'économie marchande et de l'objectif d'égalité économique les axes essentiels de la politique gouvernementale pour relever ce défi.
Si l'objectif de développement est bien évidemment partagé, trois remarques s'imposent.
Premièrement, pour peu que le concept d'égalité économique recouvre un sens précis, les Réunionnais savent que l'égalité ne se divise pas et qu'elle n'en est pas moins politique et sociale.
Deuxièmement, la corrélation entre les exonérations de charges accordées aux entreprises et le nombre d'emplois créés doit pouvoir être rigoureusement établie.
Aussi, il me semble essentiel, avant toute amplification, qu'une évaluation des dispositifs de la loi d'orientation pour l'outre-mer soit conduite.
Il serait souhaitable, pour la clarté des débats, que la commission nationale prévue à cet effet soit réunie avant la discussion de la loi de programme au Parlement.
Troisièmement, cela relève presque du bon sens, la complémentarité entre le secteur marchand et celui de l'économie sociale doit être recherchée. En la matière, nous devons davantage faire confiance aux statistiques qu'à l'idéologie ! Les chiffres indiquent sans contestation possible que notre secteur productif, performant qu'il puisse être, ne pourra absorber, dans les quinze ans qui viennent, le nombre de jeunes qui arriveront en masse sur le marché du travail.
Dans ce contexte se pose avec gravité la question actuelle du devenir des emplois-jeunes dont les contrats arrivent à expiration.
Il ne s'agit pas de faire de procès d'intention aux uns ou autres autres, il s'agit simplement d'interroger l'Etat sur l'avenir réservé à des milliers de jeunes qui ne demandent qu'à continuer à travailler et à participer au développement du pays.
Une importante réunion s'est déroulée sur cette question dans le cadre de la région, le 4 novembre dernier. De nombreuses solutions ont été esquissées dans un dialogue avec les jeunes. Une unanimité s'est dégagée en faveur de la prorogation d'un an des contrats arrivant à expiration. Rien qu'en 2003, 2 400 contrats arriveront à expiration. Au total, plus de 7 000 jeunes sont concernés ; c'est autant que le nombre de planteurs installés dans notre île.
Ne pas trouver de solution à ce problème, c'est obérer, d'ores et déjà, toutes les conditions de mise en oeuvre et de réussite de la loi de programme.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour conclure, j'appellerai votre attention sur un fait majeur qui, dès le début de l'année 2003, dominera l'actualité dans l'océan Indien.
Dans un mois et demi, le président des Etats-Unis, M. George Bush, accompagné du secrétaire d'Etat aux affaires étrangères, M. Colin Powell, présideront, à l'île Maurice voisine, une rencontre de trente-huit pays africains. L'importance nouvelle accordée par les Etats-Unis à cette zone en pleine mutation nous interroge, comme elle devrait interroger la France et l'Union européenne.
Si l'avenir de la Réunion est lié à celui de l'océan Indien, n'oublions jamais que l'océan Indien, zone de paix, est aussi la condition de la stabilité mondiale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.
M. Jean-Paul Virapoullé. Monsieur le président, mes chers collègues, j'ai plaisir cette année à prendre la parole sur le premier budget que nous présente Mme la ministre de l'outre-mer.
Alors que l'année dernière j'avais voté contre un budget dont le montant était à peu près le même - à 1,5 % près - que celui que vous nous présentez, on ne manquera pas de me demander comment je pourrai voter le vôtre, madame la ministre.
A cette objection, je répondrai qu'un budget, ce n'est pas seulement un problème de volume, c'est aussi un problème de volonté politique. Or, comme vous l'avez dit, madame la ministre, avec la clarté et la passion qui vous caractérisent, nous allons passer cette année d'un budget déclaratif à un budget concret, réel, adapté aux réalités de nos départements et territoires d'outre-mer.
Je vais vous donner un exemple pour illustrer cette évolution. Le budget 2002 prévoyait 23 000 mesures nouvelles... mais il n'en est resté que 7 000 à l'arrivée.
Pour votre part, dès votre prise de fonctions, vous avez annoncé le passeport mobilité et vous l'avez mis en oeuvre, permettant à des milliers de jeunes de passer des concours, de venir travailler en métropole et de trouver ainsi une dignité par le travail.
C'est la raison pour laquelle nous tenons dès à présent à apporter, à travers ce budget, notre soutien à la volonté politique qui vous anime pour avancer avec courage, avec détermination, avec résolution.
La réélection du Président de la République et l'arrivée du nouveau gouvernement au pouvoir ont suscité un grand espoir, espoir justifié par l'annonce d'une loi devant porter sur quinze ans et ayant pour objectif l'égalité économique.
Au moment ou il est procédé aux arbitrages, je voudrais vous dire, madame la ministre - et à travers vous, à tout le Gouvernement, notamment à son chef, Jean-Pierre Raffarin - que cet espoir ne doit pas être déçu. Il va donc falloir tenir compte, dans ces arbitrages, de nos handicaps, de nos retards, de notre jeunesse, de notre isolement, de notre éloignement.
Mieux vaut investir dans le développement économique, qui rapporte à la collectivité nationale et à nos régions, que de continuer à jeter l'argent dans le panier percé de la solidarité nationale passive, qui annihile, qui inhibe et finit par mécontenter les populations d'outre-mer.
C'est la raison pour laquelle nous choisissons résolument la voie de l'éducation, du travail, de l'effort, de la responsabilité et de la dignité.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !
M. Jean-Paul Virapoullé. Sur ce chemin, nous avons besoin de vous. Faites-nous confiance et investissez dans l'homme, dans les outils de production, dans la réduction de nos handicaps. Vous récolterez alors le développement au lieu de renforcer le besoin d'assistance ! (Marques d'approbation sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. Paul Vergès vient d'aborder la question des emplois-jeunes. J'ajouterai à ce qu'il a dit que les emplois-jeunes sont pour nous un cadeau empoisonné.
En métropole, il y en avait 300 000, mais la métropole est riche, elle a un tissu industriel, un tissu commercial, un tissu productif. La Réunion, au contraire, est pauvre, le tissu commercial et industriel y est limité. Si l'on souhaite se rendre dans le département voisin, il faut franchir la mer ; au-delà se trouve l'Afrique, et bien plus loin encore la France métropolitaine et l'Europe.
Résorber 9 000 emplois-jeunes dans notre économie va nous être très difficile compte tenu des 12 000 jeunes qui arrivent chaque année sur le marché du travail.
Aussi, madame la ministre, nous serons à vos côtés pour demander au Gouvernement de réintégrer ces jeunes dans l'économie productive, si possible, mais aussi pour lui rappeler que ces emplois-jeunes sont utiles dans bien des domaines.
Ils ont, en effet, démontré leur utilité tant au sein des collectivités locales que dans les associations. Or, dans les pays pauvres, les associations jouent un rôle de cohésion sociale et de lien culturel extraordinaire. Le Gouvernement ne pourra pas échapper à la définition d'une politique d'intégration d'un certain nombre - à mon avis important - d'emplois-jeunes, politique à laquelle il faudra bien consacrer les moyens budgétaires nécessaires.
Quand vous plaiderez cette cause, madame la ministre, vous pourrez vous prévaloir de l'accord de tous les élus de la Réunion. On ne peut pas, comme vous l'avez si bien dit, laisser des jeunes qui ont fait la preuve de leur efficacité et de leur dévouement au travail sur le bord du chemin.
Je voudrais maintenant aborder le problème du logement des Réunionnais en liasion avec leur intégration en métropole. A ce propos, j'ai lu avec beaucoup de plaisir dans un quotidien national, madame la ministre, que vous entendiez faire des efforts pour trouver en métropole les moyens de loger nos compatriotes.
Aujourd'hui se tiennent à la Réunion des forums d'entreprises. Des entreprises nationales, parmi les plus célèbres, viennent y recruter de la main-d'oeuvre locale qualifiée grâce à nos lycées, nos collèges, nos lycées professionnels et nos centres de formation d'apprentis, les CFA. Nous avons passé convention avec la chambre permanente des métiers, qui a ouvert tous les CFA métropolitains aux jeunes Réunionnais. Nous ferons de même avec l'APCI, l'assemblée permanente des chambres de commerce et d'industrie, avec les écoles d'infirmières, etc.
Toutefois, nous nous heurtons au problème du logement. Vous avez remarqué, comme moi, qu'il ne fait pas chaud dehors : on ne peut pas laisser les enfants des Réunionnais loger sous les ponts ! Il faut donc trouver des logements. Si nous parvenons à résoudre ce problème du logement, si, en 2003, nous nous consacrons à l'humanisation de la mobilité des jeunes qui veulent suivre un cursus d'intégration par le travail en France métropolitaine ou en Europe, nous aurons fait un grand pas pour l'accès de ces jeunes à la qualification.
J'en viens à la loi de programme que vous préparez, pour vous assurer de notre soutien : nous sommes au coude à coude avec vous.
Selon nous, quatre grands chantiers doivent être ouverts.
Tout d'abord, l'égalité économique voulue par le chef de l'Etat suppose l'égalité d'accès au savoir. Quand les entreprises Bénéteau, Renault ou Peugeot viennent à la Réunion, ce qui les intéresse, c'est la main-d'oeuvre qualifiée.
La région et le département font de gros efforts, mais il faut aller encore plus loin et, si l'on ne peut pas avoir cette égalité d'accès au savoir à la Réunion, il faut qu'elle soit possible en Europe, en métropole. C'est le premier pilier, j'allais dire le pilier indispensable à l'épanouissement de notre jeunesse. Pour cette raison, nous sollicitons l'accès des jeunes Réunionnais à tous les lieux de savoir européens.
Le deuxième pilier, madame la ministre, c'est la réduction du handicap qu'est la distance. Après avoir quitté la France, un conteneur de matières premières devant être transformées à la Réunion passe par dix intervenants : ce n'est pas un parcours du combattant, c'est un parcours du résistant, avec les coûts y afférents, et pourtant, la Réunion se développe !
La continuité territoriale, c'est la baisse du coût des matières premières, c'est la baisse du coût de revient des touristes qui passent dans nos régions, de telle sorte que se dégagent pour les Antillais des marges d'investissement et des bénéfices.
La continuité territoriale, c'est aussi la baisse du coût des communications dans les NTIC, les nouvelles technologies de l'information et de la communication. Les centres de travail et de téléservices se développent dans mon département, le dessin animé ayant fait la preuve que nous pouvons devenir des lieux de production.
Le quatrième pilier, c'est la compétitivité. Madame la ministre, vous allez baisser le coût du travail. Vous allez mettre en place le chantier de la défiscalisation. Mais, si l'Etat n'a pas les moyens de faire tout, il faudra cibler. Comme la Réunion veut exporter dans la région et sur l'Europe, ciblez sur l'export, prenez des mesures décisives qui, dans les domaines que nous choisirons ensemble, avec tous les élus locaux, nous permettront de nous inscrire sur la carte du développement économique. Nous ne sommes pas plus bêtes que les autres et, grâce à la solidarité, nous possédons un savoir-faire.
Le dernier pilier - et cela rejoint la mission que vous avez eu l'amabilité de me confier - c'est l'intégration irréversible, automatique et proportionnée, compte tenu de nos handicaps, aux mécanismes européens. Dans la nouvelle Constitution européenne, nous devrons être inscrits en tant que région ultra-périphérique.
Mais la volonté du Gouvernement ne suffit pas. Il faut aussi celle des populations et des élus locaux. Nous aussi, nous devons changer de culture. Nous ne pouvons plus passer notre temps à nous plaindre alors même que nous n'utilisons pas tous les moyens mis à notre disposition, notamment les moyens européens. Nous devons passer de la culture de l'enfant gâté, renfermé sur lui-même, à l'envie de relever le défi de la compétition, de la conquête des marchés, de la mobilité, du bon usage de la solidarité nationale. Nous devons avoir le courage de passer de la solidarité passive à la solidarité active. Nous avons le devoir de dire que les populations de l'outre-mer veulent inscrire cette nouvelle mandature sous le signe de l'égalité économique, de la liberté par le travail et la dignité. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Rodolphe Désiré.
M. Rodolphe Désiré. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget pour 2003 du ministère de l'outre-mer, qui s'élève à 1 084 millions d'euros, est en faible augmentation - 0,60 % - par rapport au budget voté l'année dernière. Cependant, il faut signaler qu'il ne représente que 11 % de l'ensemble des sommes allouées par l'Etat à l'outre-mer.
J'ai toujours pensé, et je le déclare ici même à chaque débat budgétaire, que la politique du Gouvernement en direction des départements d'outre-mer devait être une politique de projet de développement plutôt qu'une politique de guichet. Il est évident que, si le budget de l'outre-mer n'a cessé d'augmenter ces dernières années - de 50 % en cinq ans -, nous n'avons malheureusement pas connu pour autant une baisse corrélative du chômage et que la situation économique s'est même globalement aggravée, notamment aux Antilles.
J'ai bien noté les mesures que vous comptez engager, madame la ministre, concernant le développement de l'emploi dans le secteur marchand et le logement. Cela constitue une première étape, en attendant la mise en place d'une loi de programme pour quinze ans, consacrée au rattrapage économique. Cette durée est nécessaire, me semble-t-il, pour obtenir des résultats durables. Mais cette loi de programme ne devra pas décevoir.
Je ne m'attarderai pas sur l'analyse des masses financières, et mon intervention portera surtout sur les conditions d'une véritable relance de l'économie, plus particulièrement à la Martinique.
Dans le secteur agricole, on ne peut que déplorer la mauvaise santé de la filière de la banane. C'est la survie de ce pilier de l'économie martiniquaise - il emploie 20 000 personnes -, qui est aujourd'hui menacée par la baisse des cours. S'il faut se réjouir du préfinancement, par la Banque de développement pour les petites et moyennes entreprises, des aides compensatoires, la récente revalorisation de ces dernières demeure insuffisante pour résorber l'inquiétude et les contestations légitimes des producteurs. Mais je pense que l'aide à l'exportation, si elle est mise en place rapidement, pourrait aider la filière à résister.
La filière ananas, malgré de gros efforts de restructuraion fournis par les professionnels, souffre d'un endettement chronique. Il convient d'apporter d'urgence à cette filière les moyens financiers et d'encadrement qui lui sont nécessaires si l'on ne veut pas qu'elle s'effondre définitivement.
Les fruits et légumes, notamment à la Martinique, n'ont pas de crédits de promotion inscrits au volet correspondant du FEOGA. Il faudrait y penser lors de la renégociation du DOCUP, le document unique de programmation, pour 2003-2004.
En manifestant son intention de faire voter une loi de programme, de mettre en place une défiscalisation plus efficace et d'installer un climat de confiance favorable à une relance des investissements vers les départements d'outre-mer, le Gouvernement donne un signe fort en faveur du rattrapage économique.
Mais il faudra probablement envisager aussi la mise en place de zones franches puisque ce système s'est révélé particulièrement efficace en Corse. C'est l'une des revendications des professionnels du tourisme.
Les PME de la Martinique, qui ont un poids déterminant dans le tissu économique local, sont actuellement très inquiètes devant la reprise de la Société de crédit pour le développement de la Martinique, la SODEMA, par la BRED, banque privée, alors même que l'Agence française de développement s'est engagée à renforcer ses interventions aux Antilles.
Concernant le tourisme, comme l'a dit M. le secrétaire d'Etat au tourisme, c'est d'un véritable « plan Marshall » que nous avons besoin. Il faut rappeler l'importance de ce secteur qui, malgré ses difficultés actuelles, est à l'origine, pour l'économie martiniquaise, de retombées financières deux fois plus importantes que celles qu'induit le secteur de la banane.
J'insisterai plus particulièrement aujourd'hui sur la nécessité d'intervenir rapidement dans le domaine de la plaisance. Ce secteur à forte valeur ajoutée, même s'il a résisté à la crise, connaît d'énormes difficultés, essentiellement dues à la réticence du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie à délivrer les agréments nécessairs à la reconstitution de la flotte de location. Signalons pour mémoire que la plaisance rapporte à la Martinique deux fois plus que la navigation de croisière.
Je n'insisterai pas sur le problème du transport aérien, que vous avez abordé concrètement, madame la ministre, en préconisant d'appliquer le principe de continuité territoriale. J'apprécie, en outre, les efforts entrepris pour consolider la position d'Air Lib : le maintien d'une concurrence sur ces destinations est en effet salutaire, et même indispensable.
La loi Perben du 25 juillet 1994, qui a institué une négociation annuelle sur le fret, devrait être étendue au transport de passagers de façon que soient mieux maîtrisés les capacités en sièges et les tarifs sur les lignes des Antilles et de la Guyane.
Il me reste, concernant la continuité territoriale, à vous dire que ce principe devrait aussi concerner les nouvelles technologies de l'information et de la communication.
Compte tenu du temps qui m'est imparti, j'évoquerai brièvement la nécessaire relance, dès 2003, de l'économie antillaise, notamment par la commande publique. La réactivation de celle-ci, qui connaît une baisse constante, permettrait de sortir le secteur du BTP de la crise à laquelle il est actuellement confronté. Cela nécessite la mobilisation des collectivités territoriales, en particulier des communes, et de l'Etat pour qu'un certain nombre de projets soient accélérés. Je compte sur vous, madame la ministre, en ce qui concerne la mobilisation des services de l'Etat.
Je voudrais enfin insister rapidement sur deux points.
D'une part, une intervention de l'Etat et de l'Europe s'avère indispensable pour aider à la rénovation et à la construction d'écoles primaires à la Martinique, chantier qui est très au-dessus des moyens financiers des communes. Par exemple, les besoins sont évalués à 35 millions d'euros pour Fort-de-France, ville de 100 000 habitants, et à 9 millions d'euros pour Le Marin, ville de 9 000 habitants.
D'autre part, je soulignerai une fois de plus la nécessité d'aborder de manière déterminée le problème de la sécurité et de la lutte contre les trafics de stupéfiants et l'immigration clandestine. A quand des accords de coopération avec nos voisins - la Dominique, Sainte-Lucie et Saint-Vincent - comme la France a su en passer avec la Roumanie ? Le développement économique n'a aucune chance de se réaliser dans un environnement instable et violent.
En conclusion, je me réjouis des perspectives qu'ouvre la réforme de la Constitution en cours pour l'accession à la responsabilité locale des populations des Antilles et de la Guyane dans le cadre de la République. Dès lors, le rattrapage économique doit être à l'ordre du jour.
Madame la ministre, comme le dit un proverbe chinois, « un chemin de mille lieues commence par un pas ». L'effort de rattrapage économique qu'entreprend le Gouvernement sera long. Et ce n'est pas une mince affaire ! Amener le PIB des départements d'outre-mer de 52 % à 80 % du PIB moyen métropolitain en vingt ans devrait être notre objectif. J'ai conscience qu'aujourd'hui vous faites le premier pas dans cette direction. C'est la raison pour laquelle je voterai votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens d'abord à saluer une nouvelle fois l'initiative qu'a prise le Président de la République en nous dotant d'un grand ministère de l'outre-mer, montrant par là même son attachement aux territoires ultra-marins et l'importance qu'il leur accorde.
Madame la ministre, ce projet de budget, même s'il ne répond pas dans l'immédiat à toutes les attentes, car il est « transitoire », nous donne une idée de l'ambition de votre future loi de programme.
Fixé à 1,084 milliard d'euros, il affiche une augmentation de 0,56 % par rapport à 2002, et je m'en réjouis. Certains critiquent cette hausse modérée du budget. C'est oublier trop vite la politique d'affichage du gouvernement précédent et les budgets virtuels que vous avez dénoncés lors de votre audition devant la commission des affaires sociales : le montant cumulé des reports de crédits des derniers budgets s'élève à 727 millions d'euros, l'équivalent d'un budget non consommé tous les quatre ans ! Face à l'ampleur des besoins de l'outre-mer, cela est inacceptable.
Il faut absolument procéder à la simplification de certains circuits administratifs et mettre fin à la sous-consommation des crédits. Cette demande est formulée depuis de nombreuses années par les élus de l'outre-mer. Je note que le Gouvernement s'y emploie par l'utilisation du levier fiscal et la création d'une cellule de contrôle mensuel de gestion au sein du ministère.
Les engagements pris par Jacques Chirac pendant la campagne pour l'élection présidentielle vont se concrétiser.
Vous avez axé vos actions autour de deux secteurs prioritaires l'emploi et le logement, en leur consacrant plus des deux tiers des crédits, et je m'en réjouis.
Le passeport mobilité destiné à aider les jeunes souhaitant poursuivre leurs études ou une formation en métropole, se met en place et près de 16 000 jeunes en bénéficieront. C'est une avancée majeure pour notre jeunesse, qui manque de perspectives. Leur offrir cette possibilité révèle une réelle considération pour les jeunes de l'outre-mer. C'est un moyen, parmi d'autres encore à venir, de concrétiser le principe de continuité territoriale.
Je tiens également à souligner les effort qui sont consentis en faveur de la formation professionnelle dispensée dans le cadre du service militaire adapté. En 2003, 3 000 jeunes seront concernés par des mesures d'insertion et par une formation dont la qualité est unanimement reconnue.
Madame la ministre, la création de véritables emplois durables est un enjeu pour l'outre-mer, et vous tentez d'y répondre par des mesures concrètes. La multiplication des emplois aidés ne participe pas d'une véritable politique pour l'emploi. Afin de répondre à la forte demande des jeunes sans formation, en 2003, 65 % des crédits du FEDOM seront consacrés aux emplois non marchands et seulement 35 % aux emplois marchands. Cependant, vu la détermination qui est la vôtre, madame la ministre, je suis sûre que vous saurez inverser cette tendance.
Vous montrez déjà que vous en avez la volonté en augmentant le nombre de contrats d'accès à l'emploi de plus de 11 %. Ce nombre avait en effet diminué de plus de moitié à la Réunion et des deux tiers dans l'ensemble de l'outre-mer depuis leur création, en 1997, par l'ancien gouvernement.
Le logement, qui constitue l'autre volet de ce projet de budget, attire toute mon attention parce qu'il est primordial.
Vous connaissez bien la Réunion, madame la ministre, et vous savez donc que nous avons besoin de 9 000 logements par an, dont 6 000 logements sociaux.
Je retiens deux points dans vos déclarations sur ce sujet.
Le premier est l'engagement du Gouvernement de consommer en totalité la ligne budgétaire unique pour 2003. La mise en place d'un contrôle mensuel de la consommation des aides publiques permettra de suivre au plus près la gestion de cette ligne budgétaire et de parvenir à cet objectif.
Le second concerne la résorption de l'habitat insalubre. Je constate, à cet égard, une volonté forte de la part du Gouvernement puisque je relève dans le projet de budget une augmentation de 10 % par rapport aux crédits de 2002, soit 30 millions d'euros.
Enfin, je tiens à saluer la volonté du Gouvernement d'aligner les allocations logement sur le niveau intermédiaire de la métropole.
L'ensemble de ces mesures répond aux demandes des élus, des professionnels et de la population. Ce budget pour l'outre-mer est réaliste et pragmatique.
Je terminerai mon propos, madame la ministre, en soulignant quelques attentes auxquelles ce budget « de transition » ne répond pas mais qui devront nécessairement être prises en compte dans la loi de programme pour l'outre-mer.
La mise en place du passeport mobilité est la mesure phare de ce budget et ouvre de véritables chances pour nos jeunes. Il me semble toutefois nécessaire d'encourager également la mobilité à l'intérieur de nos départements.
La création de foyers de jeunes travailleurs dans les principales agglomérations permettrait à notre jeunesse de lever le handicap de la distance entre le lieu de travail et le domicile. C'est une étape nécessaire dans l'appréhension du monde du travail, étape complémentaire du passeport mobilité.
Pour conclure, je voudrais vous rappeler la gravité du problème de l'effet de seuil de la CMU, qui prive plus de 20 000 Réunionnais d'une prise en charge totale de leurs frais médicaux. Il n'est pas acceptable qu'en France les populations les plus fragiles, à faibles revenus, retraités et handicapés, hésitent à se soigner parce qu'ils n'ont pas les moyens financiers qui leur permettraient de souscrire une assurance complémentaire.
Madame la ministre, vous avez récemment déclaré que, pour régler ce problème, il fallait une loi. Soyez assurée de mon soutien, car il est difficilement concevable d'attendre l'entrée en vigueur de la loi de programme pour répondre aux attentes des personnes intéressées. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

(M. Christian Poncelet remplace M. Serge Vinçon au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

M. le président. La parole est à M. Simon Loueckhote.
M. Simon Loueckhote. Monsieur le président, nous apprécions beaucoup que vous consacriez une part de votre emploi du temps, déjà très chargé, à la discussion des moyens consacrés à l'outre-mer. C'est un témoignage fort de votre soutien à son égard. Vous vous y êtes rendu à plusieurs reprises, vous venez cet après-midi de marquer une nouvelle fois cet attachement et nous vous en sommes très reconnaissants. (Applaudissements.)
Madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de finances pour 2003 ne saurait être évoqué, s'agissant des crédits réservés à l'outre-mer, sans rappeler le projet de révision constitutionnelle, dont nous avons débattu il y a quelques semaines au sein de la Haute Assemblée.
Affirmer l'intégration de l'outre-mer au sein de la nation française est un témoignage de reconnaissance et un signe de fraternité qu'attendent de la représentation nationale les populations d'outre-mer. Car notre souhait le plus élémentaire, faut-il le rappeler, est que l'on nous considère effectivement comme des citoyens français, ce dont nul ne saurait douter.
Permettez-moi d'ailleurs de dire qu'il est grand temps que l'outre-mer soit enfin reconnu au sein du texte fondateur de la Ve République dans sa volonté et sa fierté d'appartenir à la France et non pas uniquement dans son aptitude à en sortir.
En proposant ce projet de décentralisation en faveur de nos compatriotes d'outre-mer, réalisant ainsi une volonté du Président de la République, le Premier ministre et vous-même, madame le ministre, avez choisi de transformer ce regard porté sur eux en substituant à la notion de dépendance celle d'appartenance.
Il est bon que le Gouvernement, comme la représentation nationale, puisse contribuer à corriger cette image quelquefois peu flatteuse de l'outre-mer, que tend malheureusement à véhiculer la presse.
En effet, mes chers collègues, notre appartenance à la République française est bien une réalité.
Elle exprime le choix de toute une communauté et je veux, à cet égard, souligner l'importance de l'obligation de consultation des populations intéressées en matière d'évolution statutaire, qui est un principe clairement énoncé dans cette réforme de notre Constitution.
Ainsi, favoriser l'émancipation des populations d'outre-mer tout en réaffirmant leur place au sein de la République n'est pas un paradoxe, et leur donner plus d'autonomie n'est pas non plus la voie ouverte à l'indépendance.
Nos collègues de la Réunion nous ont exprimé, dans un vibrant témoignage, leur attachement à la nation.
A mon tour, je tiens une nouvelle fois à affirmer, s'agissant de la Nouvelle-Calédonie, que cette collectivité est bien ancrée dans la République française, contrairement à ce que certains pourraient penser.
En Nouvelle-Calédonie comme partout au sein de la République, nous sommes particulièrement attachés à un principe démocratique fondamental, qui est le fait majoritaire.
Sachez, mes chers collègues, que nous venons d'observer une nouvelle démonstration de la pression que veut exercer la minorité sur la majorité issue du suffrage universel.
Le nouveau statut issu de l'accord de Nouméa a introduit le principe d'un gouvernement collégial, élu par le Congrès de la Nouvelle-Calédonie à la représentation proportionnelle des groupes d'élus qui le constituent.
La récente démission de l'un de ses membres et de tous ses suivants de liste a eu pour effet d'emporter la démission du gouvernement dans son ensemble.
Nous avons découvert, à nos dépens, que la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie ne prévoyait aucun rempart face à de telles manoeuvres subversives ayant pour seul objectif la déstabilisation.
Nous avons donc été contraints de procéder à de nouvelles élections et je veux vous alerter, mes chers collègues, sur les conséquences d'une telle dérive.
En Nouvelle-Calédonie comme partout ailleurs au sein de la République française, il n'est pas acceptable qu'une minorité dicte sa loi et il nous appartient à tous de faire respecter le droit de la majorité, en ce qu'elle est l'indiscutable expression du suffrage universel, principe fondateur de notre démocratie ! (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Il résulte sans nul doute de l'intégration des populations d'outre-mer dans la nation française que l'Etat doit assumer ses obligations en tous points de son territoire : nous ne pourrions comprendre qu'il en soit autrement.
C'est pourquoi nous attendons beaucoup de la politique du Gouvernement pour l'outre-mer, car les besoins en matière de développement sont notoires, et les efforts des populations, qui donnent à ces archipels toute leur dimension économique et culturelle méritent d'être davantage soutenus par l'Etat.
C'est ainsi que je formule de nouveau, madame le ministre, une demande maintes fois réitérée concernant les conditions d'accueil de la population scolaire en Nouvelle-Calédonie, qui est en pleine croissance, notamment dans le Sud.
Vous n'ignorez pas, en effet, que la province Sud se trouve aujourd'hui dans une véritable impasse budgétaire, car elle assume la part de financement incombant à l'Etat en matière de construction des collèges, de dépenses relatives à l'enseignement privé et à la médecine scolaire.
Nous espérons, madame le ministre, que vous ne vous contenterez pas d'une réponse de principe à ce sujet.
L'outre-mer a toujours permis à la France de rayonner économiquement, socialement et culturellement partout dans le monde. Mais sa diversité, qui constitue son extraordinaire richesse, se traduit aussi par de fortes disparités en termes de développement.
S'il convient notamment de se féliciter de l'attribution aux départements d'outre-mer d'un statut de région ultrapériphérique au regard de la réglementation européenne, ce qui leur ouvrira la porte à de nouvelles aides, je tiens aussi à souligner le lourd handicap que continuent de subir certaines collectivités d'outre-mer en matière de financements européens.
Ainsi, l'effort particulier qui a été annoncé dans ce projet de budget pour favoriser le développement de Wallis-et-Futuna est un premier pas que nous saluons, tant sont importants les besoins de cet archipel, dont plus de la moitié de la population réside en Nouvelle-Calédonie.
Je voudrais, à cet égard, vous interroger, madame le ministre, sur l'épineuse question du non-recouvrement des créances du centre hospitalier territorial de Nouvelle-Calédonie, qui accueille régulièrement des malades de Wallis-et-Futuna.
Votre prédécesseur s'était empressé d'ignorer ce problème, qui ne fait qu'empirer au fil du temps et constitue une source sérieuse de déséquilibre pour le fonctionnement de l'hôpital.
Vous avez souvent insisté, madame le ministre, sur un élément marquant de la politique du Gouvernement pour l'outre-mer, qui est de responsabiliser les acteurs locaux, de faire en sorte que l'activité prenne le pas sur l'assistance.
C'est un langage que nous comprenons parfaitement - Jean-Paul Virapoullé s'est longuement exprimé tout à l'heure sur cette nouvelle volonté politique qui anime l'ensemble de l'outre-mer - puisqu'il correspond pleinement à notre conception du développement.
Il est en particulier essentiel que nous puissions continuer à bénéficier d'un dispositif de défiscalisation renforcé. Nous souhaiterions donc qu'à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2003 vous puissiez nous apporter quelques assurances à ce sujet.
Une autre de nos préoccupations majeures est la continuité territoriale avec la métropole. Nous nous réjouissons, à cet égard, de la mesure que vous avez prise et qui vise à accroître la mobilité des jeunes de l'outre-mer, tant il paraît essentiel que nos étudiants puissent compléter leur formation et acquérir une expérience en métropole, élargissant ainsi leur horizon.
Cependant, donner à l'outre-mer les moyens de son développement passe incontestablement par une baisse des coûts du transport aérien. Je vous saurais gré, madame le ministre, de nous apporter quelques précisions sur les engagements du Gouvernement dans ce domaine.
Depuis plusieurs années, la collectivité territoriale de Nouvelle-Calédonie et ses provinces sont tenues, pour soutenir les filières de production agricole tournées vers l'exportation, de subventionner massivement ces secteurs, afin de compenser la charge que représente le fret maritime et aérien.
Sur le plan interne même, l'activité économique est fortement pénalisée par la lourdeur des coûts de transport entre les différents pôles économiques de l'archipel : c'est particulièrement le cas en Polynésie française, comme en Nouvelle-Calédonie.
Le Gouvernement a-t-il l'intention, madame le ministre, de prendre en compte le problème de la continuité territoriale ? Et, si oui, dans quelle mesure ?
Pour conclure, je voudrais témoigner ma confiance au Gouvernement quant à sa capacité à donner aux populations d'outre-mer la place qui leur revient. Nous sommes sensibles, à cet égard, madame le ministre, à la façon dont vous appréhendez la situation et les enjeux de l'outre-mer. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Madame le ministre, le budget pour 2003 que vous présentez devant notre Haute Assemblée n'appelle de ma part aucune critique. Les critiques, vous les avez certainement entendues à l'Assemblée nationale et vous risquez de les entendre ici. Pour autant, je ne me livrerai pas au petit jeu qui consiste à brosser dans le sens du poil pour faire plaisir ou dans l'autre sens pour déplaire.
Vous l'avez dit, il s'agit d'un budget de vérité et de transition. Les priorités sont l'emploi et le logement.
La lecture du budget et l'analyse faite par notre excellent rapporteur, M. Roland du Luart, révèlent l'insuffisance, sinon la réduction des crédits pour ce qui concerne les infrastructures en Guyane.
Vous n'ignorez pas, madame la ministre, l'immense chantier que nous avons à réaliser dans ce pays de Guyane pour relier les régions entre elles - car la Guyane comprend plusieurs régions - et pour créer des espaces nouveaux pour développer l'activité des hommes et des femmes de ce pays.
Je suis persuadé que les explications que vous nous apporterez pourront peut-être nous faire comprendre les raisons de ce choix et, peut-être, nous convaincre de son bien-fondé.
Par ailleurs, je souhaiterais que vous puissiez nous indiquer l'état de la réforme du fonds d'investissement des départements d'outre-mer, le FIDOM, que vous allez nous proposer.
J'observe que le FIDOM régional et départemental avait permis pendant de très nombreuses années aux conseils régionaux et départementaux de l'outre-mer de concourir, en partenariat avec l'Etat, à l'aménagement du territoire et aux investissements d'ordre économique.
Pourrais-je vous suggérer, au stade où vous en êtes de votre réflexion sur l'élaboration de ce nouveau décret, de créer, tout en prenant en compte la nécessaire obligation de maintenir le FIDOM général de l'Etat, une section du FIDOM communal ? Ce dispositif pourrait permettre à chaque commune d'outre-mer d'obtenir une certaine somme et de se voir attribuer des subventions complémentaires, soit par le département, soit par la région, ou d'accéder à l'emprunt. En effet, vous n'ignorez pas que bon nombre de communes d'outre-mer ne disposent pas de recettes fiscales suffisantes pour entreprendre des actions dans ce domaine.
S'agissant des crédits alloués au logement social en outre-mer, qu'il me soit permis de vous indiquer que ce secteur mérite des réajustements significatifs et une réforme de fond. A défaut de telles mesures, la situation ne pourra que continuer à se dégrader.
La production de terrains viabilisés reste la priorité pour permettre la relance de la construction de logements sociaux. Pour répondre à ces besoins, il faut encore insister sur la mise en place des fonds régionaux d'aménagement foncier et urbain, les FRAFU, assortis des dotations financières adéquates.
Dans le secteur locatif, le logement social et le logement très social bénéficient de procédures efficaces.
Néanmoins, il nous faut adapter les plafonds, car les coûts de production divergent d'un département à un autre et le secteur du bâtiment et des travaux publics reste très fragile dans certains départements.
La situation est encore beaucoup plus grave dans le domaine de l'accession. Il faut envisager une refonte complète des produits destinés à l'accession très sociale, compte tenu du blocage du logement évolutif social et de l'inexistence d'autres produits destinés à la clientèle sociale et intermédiaire.
Votre ministère a en charge la gestion de la ligne budgétaire unique. Depuis 2002, cette ligne est ouverte au financement des résidences sociales pour personnes âgées et des foyers pour étudiants, de même qu'à la diversification des aides à l'amélioration des logements.
Cependant, aucune disposition réglementaire n'est prévue pour l'attribution de cette aide aux gestionnaires des établissements sociaux et médico-sociaux des départements d'outre-mer, qui doivent obligatoirement restructurer les locaux, en application de l'arrêté du 26 avril 1999 fixant le contenu du cahier des charges et de la convention pluriannuelle imposée par l'article 23 de la loi n° 97-60 du 24 janvier 1997.
En effet, jusqu'ici, cette aide n'était accordée qu'aux propriétaires occupant les lieux, aux opérateurs de logements sociaux dans le cadre d'une opération programmée d'amélioration de l'habitat ou d'un programme d'intérêt général et dans le cadre de travaux présentant un intérêt architectural. Madame le ministre, je vous demande de porter une attention particulière à ce sujet et d'envisager la réforme nécessaire.
Le gouvernement précédent avait annulé les dispositions de l'article 199 sexies C du code général des impôts, qui ouvrait droit à une réduction d'impôt sur le revenu pour dépenses de grosses réparations, d'amélioration ou de ravalement d'immeuble payées entre le 31 décembre 1999 et le 31 décembre 2002. Pour amorcer votre politique de l'habitat et du logement, je vous demande de renouveler le bénéfice de cette disposition en intervenant auprès de M. le ministre délégué au budget.
En effet, une telle mesure permettrait d'encourager l'activité et la création d'emploi dans les PME et les TPME de l'artisanat et du bâtiment des départements d'outre-mer. Il faut créer le travail avant de créer l'emploi.
Pour ce qui est de la Guyane, l'immensité du chantier à entreprendre est telle que la loi de programme n'y suffira pas.
La Guyane mérite mieux. Une loi de programmation d'investissements pour son aménagement et pour le rattrapage des équipements et infrastructures à réaliser serait mieux adaptée, et ce sur une période d'au moins quinze ans pour seulement permettre d'amorcer le développement économique.
L'une des grandes causes du sous-développement de la Guyane est l'immigration. Ce phénomène constitue une plaie en Guyane.
En France métropolitaine, le ministère de l'intérieur a engagé une lutte pour régler le problème de l'immigration avec la fermeture du camp de Sangatte. Hier, c'était l'opération à Choisy-le-Roi, avec l'expulsion des Roms.
La Guyane est depuis de très nombreuses années une terre d'accueil : accueil des Martiniquais après l'éruption de la montagne Pelée en 1802, des Polonais dans les années cinquante, avec la création du bureau pour l'immigration en Guyane, des Hmongs en 1977. Mais, aujourd'hui, il nous est insupportable de voir arriver dans notre pays des populations qui n'ont ni notre culture ni notre histoire.
Il ne peut plus être question de seuil de tolérance. Ces immigrés ne contribuent pas à nous aider à bâtir ce pays de Guyane. L'Etat est responsable de ce que nous appelons un génocide par substitution du peuple guyanais.
Force est de constater que le laxisme dont ont fait preuve les gouvernements successifs pour régler ce problème a contribué à faire perdurer le sous-développement.
Le temps est venu pour que des dispositions énergiques mais humaines soient prises. Nous sommes prêts à intégrer ceux qui sont présents aujourd'hui dans notre communauté guyanaise et s'engagent à participer avec nous à la construction et au développement de la Guyane.
Cette immigration me conduit à penser qu'il s'agit d'une subvention déguisée de l'Etat, de prestations sociales versées insolemment aux peuples des pays limitrophes ou venus d'ailleurs. Les Guyanais en ont assez !
Puisque vous prenez des dispositions en France métropolitaine, faites de même en Guyane !
J'aurais pu vous demander où en est le remboursement de la CMU dans le département de la Guyane, où en sont les 35 % de recettes d'octroi de mer perçus par le département de la Guyane au détriment des communes.
J'aurais pu vous interroger sur l'ODEADOM, l'Office de développement de l'économie agricole dans les départements d'outre-mer, sur la situation difficile de la trésorerie de l'UAG, l'université des Antilles-Guyane, ou sur la situation sanitaire catastrophique en Guyane... Madame la ministre, il nous faut « mieux d'Etat », mais non pas « plus d'Etat ».
Si, en France, au nom des droits de l'homme, certains esprits chagrins refusent le principe de la double peine, cette disposition me paraît extrêmement importante pour la Guyane. Il importe que vous puissiez, avec le ministère des affaires étrangères, engager rapidement - comme je l'avais demandé à votre prédécesseur, par courrier en date du 2 mai 2001 - la mise en place d'une représentation diplomatique du Guyana en Guyane française, puisque les autorités de cet Etat ne reconnaissent pas comme leurs citoyens ceux qui viennent exercer la violence dite sud-américaine sur le territoire français de Guyane.
Vous le devez, vous le pouvez, car, bientôt, un climat xénophobe et raciste s'installera dans ce pays.
Dans vos revendications, il y a le souhaitable, mais votre budget nous propose le possible. Ainsi donc, c'est dans la raison - et avec beaucoup de raison - que je voterai les crédits que le Gouvernement et vous-même apportez à l'outre-mer. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, conçu comme un budget de transition dans l'attente du vote d'une loi de programme sur quinze ans, le projet de budget de l'outre-mer pour 2003 « redéploie » les crédits de ce ministère vers deux priorités annoncées : l'emploi, l'insertion et la formation, d'une part, le logement, d'autre part.
Par ailleurs, ce projet de budget témoigne d'une réelle volonté d'apporter un soutien financier aux collectivités d'outre-mer, notamment aux moins avancées, les îles Wallis et Futuna et Mayotte.
Je voudrais ici, au nom du groupe de l'Union centriste - et comme le ferait mieux que moi mon collègue Marcel Henry -, souligner avec intérêt les principales mesures concrètes en faveur de Mayotte, sans toutefois taire nos préoccupations pour l'avenir.
L'évaluation de l'impact des orientations prioritaires fixées par le Gouvernement sur le développement économique et social de Mayotte est facilitée par la présentation individualisée des lignes budgétaires consacrées à la lutte pour l'emploi, la formation et l'insertion sociale.
Les crédits consacrés aux contrats emplois-solidarité et aux contrats emplois consolidés sont augmentés sensiblement alors que ceux qui financent les mesures en faveur de l'emploi sont maintenus à leur montant de l'année 2002.
La formation est également soutenue largement grâce au doublement de la dotation affectée au paiement des bourses en faveur des étudiants mahorais et à l'extension à Mayotte du passeport mobilité, la nouvelle mesure, ô combien justifiée ! du Gouvernement en faveur des jeunes d'outre-mer.
L'ouverture d'une ligne budgétaire réservée aux actions de santé à Mayotte laisse augurer non seulement d'une évaluation précise des dépenses sanitaires supplémentaires engendrées par l'immigration clandestine, qui est toujours en hausse dans l'île, mais aussi de leur prise en charge effective par l'Etat, conformément aux règles de droit commun.
Enfin, la notable majoration des crédits de la dotation de rattrapage et de premier équipement des communes de Mayotte ainsi que de ceux du fonds mahorais de développement traduit en actes l'ambition de votre ministère, madame la ministre, d'être à la fois pragmatique et ouvert aux adaptations nécessitées par la situation particulière de chaque composante territoriale de l'outre-mer.
L'idée de développer chaque territoire ultramarin non pas seulement en fonction de son statut institutionnel, mais surtout en raison de ses besoins réels en matière de progrès économique, social et culturel est comparable aux généreuses dispositions de l'article 299, paragraphe 2, du traité sur l'Union européenne qui permettent d'adapter la solidarité européenne aux handicaps structurels et aux retards économiques des régions ultrapériphériques. Et je vous remercie de mettre à l'étude, en liaison avec nos partenaires de l'Union, l'application de ces dispositions à Mayotte, puisque notre île demeure pénalisée par sa simple éligibilité au fonds européen de développement.
Nous saluons, en outre, le rétablissement, si souvent réclamé, en faveur de Mayotte du principe d'une « convention de développement », en complément des actions financées par le contrat de plan. Une telle procédure, initiée dans l'île en 1987 et appliquée jusqu'en 1999, a fait ses preuves en matière de rattrapage des retards de développement.
Ce contrat de progrès est d'autant plus le bienvenu que le contrat de plan Etat-Mayotte pour la période 2000 à 2004 n'a quasiment pas reçu de commencement d'exécution. Il importe, dans ces conditions, de veiller à concrétiser les engagements de l'Etat afin de renforcer la confiance, notamment des investisseurs.
A ce sujet, nous croyons devoir souligner combien les projets de réalisation d'une piste d'aviation de 3 000 mètres et d'un deuxième quai en eau profonde à Longoni, que l'ensemble des Mahorais attendent, demeurent déterminants pour le développement de l'île.
D'une manière générale, nous appelons votre attention sur la nécessité de compléter par des textes d'application un certain nombre de dispositions importantes applicables à Mayotte. Ces textes sont en effet sans portée, faute de mesures spécifiques d'application. On peut citer, à cet égard, les dispositions relatives au fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce, le FISAC, au fonds de compensation de la TVA, le FCTVA, et à la mise en place du décret relatif au fonds mahorais de développement.
Compte tenu du tarissement progressif des ressources du FIDOM et des difficultés constatées sur le contrat de plan, il semble plus que jamais indispensable d'élaborer un véritable plan de développement de Mayotte, qui pourrait, je le répète, être financé par les fonds structurels européens.
C'est pourquoi il est grand temps que le Gouvernement dépose officiellement auprès de l'Union européenne la candidature de Mayotte au statut de région ultrapériphérique. L'étude de faisabilité commandée par M. le Président de la République à M. Jean-Paul Virapoullé, sénateur en mission sur la réforme du statut des départements d'outre-mer français en Europe, offre l'occasion de faire le point sur ce sujet en recueillant l'avis des élus de Mayotte.
Pour terminer, nous voulons insister, madame la ministre, sur la non-consommation, cette année, des crédits du fonds de coopération régionale pour Mayotte. Nous sommes prêts pour cette coopération, comme nous demeurons ouverts au dialogue, dès lors que la volonté mahoraise d'ancrage dans la République française est respectée par tous.
Mais il ne peut y avoir d'effort de coopération en direction des Comores voisines sans un engagement précis et des actes concrets venus des autorités comoriennes pour juguler le fléau, nuisible à tous, d'une immigration clandestine qui pervertit aujourd'hui tous les équilibres sociaux mahorais. A cet égard, nous comptons sur la ferme détermination que vous avez affichée lors de votre visite à Mayotte au mois de septembre dernier.
Sous le bénéfice de ces observations, les élus du groupe de l'Union centriste, en particulier M. Marcel Henry, voteront, madame la ministre, en faveur de l'adoption du projet de budget de votre ministère pour 2003. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Robert Laufoaulu.
M. Robert Laufoaulu. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, étant donné le peu de temps imparti aux orateurs et parce que les rapporteurs - que je remercie de leur excellent travail - ont déjà dit l'essentiel sur l'ensemble du budget de l'outre-mer pour 2003, je me concentrerai sur les questions relatives à Wallis-et-Futuna.
Mais auparavant, je voudrais profiter de cette prise de parole pour rendre un hommage appuyé à Mme Girardin et à son équipe. En effet, depuis quelques mois, nous ressentons bel et bien un changement d'état d'esprit au ministère. Nous sommes passés d'une logique d'assistance à une politique volontariste de développement. Et c'est de cela que nous avons besoin, particulièrement à Wallis-et-Futuna, pour créer les conditions de notre propre développement économique et social.
Ce budget, avant même la prochaine loi de programme pour l'outre-mer voulue par le Président de la République, illustre déjà cette orientation.
Pour Wallis-et-Futuna, l'effort que vous consentez est important, puisqu'il correspond à une hausse de 11,5 %, et je tiens à vous en remercier, madame la ministre.
La desserte aérienne inter-îles reçoit une aide tout à fait bienvenue.
La convention de développement promise par le Président de la République prend forme. Des crédits liés à cette convention sont d'ores et déjà inscrits dans le budget ; cette convention sera, je le rappelle, discutée dans les prochains jours avec la mission du territoire. Cette dernière est arrivée ce matin et vous avez bien voulu accepter de la recevoir, madame la ministre, avant de nous rendre visite dans le Pacifique.
Cette visite sera pour vous, madame la ministre, l'occasion de vous rendre compte sur place que les mesures prises en faveur de notre territoire n'ont rien de superflu ! Elles se justifient pleinement par le retard de développement de Wallis-et-Futuna et la nécessité d'un rattrapage économique urgent.
Chez nous, certains chiffres parlent d'eux-mêmes : 2 500 salariés sur 15 000 habitants, dont près de la moitié dans le secteur public ou para-public et presque un quart dans les chantiers de développement. Reste donc seulement un peu plus d'un quart dans le secteur privé. Cela se passe de commentaires !
Mais cet effort financier consenti par l'Etat risque d'être sans impact si, parallèlement, des moyens humains ne sont pas mis en place pour la réalisation de ces projets. Je sais que la sous-consommation des crédits est un problème général et récurrent, mais, à Wallis-et-Futuna, cela devient critique.
L'expérience montre que les crédits ne sont pas consommés par manque de personnel compétent au sein du service des travaux publics, qui est chargé des études, de la réalisation et du suivi des projets et des grands travaux sur le territoire. Est-il normal qu'en quarante ans de statut de territoire d'outre-mer Wallis n'ait que quarante kilomètres de routes goudronnées ? Un kilomètre par an ! Pour un territoire faisant partie de la France, pays qui compte de très grandes entreprises pour la réalisation des routes, cela ne manque pas de surprendre.
Il faut que cela cesse. Nous avons besoin de personnels et je vous demande instamment, madame la ministre, de faire le nécessaire pour augmenter le nombre des ingénieurs qui doivent mettre en oeuvre les projets dont le territoire a tant besoin.
L'argument consistant à dire que la question du foncier serait la raison du retard des réalisations d'infrastructures est fallacieux. La vérité tient au nombre insuffisant d'ingénieurs et à la mauvaise gestion des crédits. Si ce problème n'est pas réglé, la convention sera un échec.
Après ce point essentiel, je voudrais aborder la question de notre agence de santé et, tout d'abord, de sa dette à l'égard de la compagnie Air Calédonie et du centre hospitalier universitaire de Nouméa. Cette dette est essentiellement due aux évacuations sanitaires vers la Nouvelle-Calédonie.
Mon collègue et ami Simon Loueckhote se soucie aussi de ce problème et vient de l'évoquer ; nous aimerions savoir quelles mesures sont envisagées pour y remédier, puisque l'agence de santé est un établissement public national.
Enfin, le recrutement des médecins pose également un problème. Je souhaiterais ainsi, pour la continuité et la qualité des soins dispensés, que le territoire puisse bénéficier d'un recrutement de médecins de la fonction publique.
Madame la ministre, nous avons toujours l'impression de mendier et de demander toujours trop pour la santé de nos populations isolées. Mais comparons les chiffres des dépenses de santé entre la métropole et le territoire de Wallis-et-Futuna : 2 300 euros environ par habitant et par an pour la métropole, et 590 euros pour Wallis-et-Futuna. Aussi, est-ce vraiment sans honte ni scrupule que je me permets de demander l'aumône : accordez-nous le droit à la santé !
Enfin, pour terminer, je souhaite attirer votre attention, comme M. Brial l'a déjà fait à l'Assemblée nationale, sur les graves difficultés que nous rencontrons du fait de la situation de monopole dans laquelle se trouve l'unique banque présente sur le territoire. Il faut absolument mettre fin à cette situation et, pour cela, nous avons besoin de l'aide de l'Etat.
D'une manière générale, madame la ministre, je voudrais vous redire toute notre confiance et aussi tout l'espoir que suscite pour nous la stratégie de développement durable qui se met en place et pour laquelle nous savons pouvoir compter sur votre soutien personnel et sur l'expertise de vos services. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Larifla.
M. Dominique Larifla. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, on dit du budget qu'il est l'âme d'une politique. Je m'efforcerai donc, à travers ce propos, de vous faire part avec franchise et concision de mon opinion dans les cinq minutes qui me sont imparties.
Il ressort de la lecture de ce projet de budget, en dépit des explications apportées, que son taux d'augmentation est inférieur à celui de l'inflation.
Or, dans le même temps, lorsque l'on parle de la situation de la Guadeloupe à la faveur de l'actualité de ces derniers jours, elle est dite « préoccupante », voire « catastrophique ».
Cette année, sous les feux médiatiques, jamais la situation n'est apparue aussi alarmante. Ce contexte justifie la mise en oeuvre sans tarder d'une politique active et volontariste.
Nos départements, qui ont à surmonter de nombreuses difficultés, sont maintenus dans l'attente de la loi de programme annoncée pour la fin de cette année et doivent se contenter d'une transition sans ambition et sans réelle nouveauté.
La politique et surtout la gestion des crédits de l'ancien gouvernement ont largement fait l'objet de vos critiques, madame la ministre. J'y reviendrai.
Vous avez annoncé maintenir le cap de la priorité accordée à la lutte contre le chômage et au rattrapage dans le domaine du logement.
Pourtant, s'agissant du chômage, les perspectives offertes par les mesures mises en place depuis 2000 sont réduites cette année. A travers l'offre, c'est, en effet, l'horizon de nombreux chômeurs qui est limité par la réduction des mesures potentielles.
Même si l'on peut en contester la philosophie, les emplois aidés ont constitué un véritable traitement social de l'inactivité avec, de surcroît, pour nombre d'entre eux, une véritable utilité collective.
Il faut souligner, madame la ministre, que vous avez eu la sagesse de poursuivre, en le renforçant, le dispositif de formation par le SMA, le service militaire adapté.
Indéniablement - je peux en témoigner au quotidien - le SMA joue un rôle essentiel dans la formation des jeunes et les résultats sont encourageants.
Dans la perspective de l'arrivée de nombreux jeunes sur le marché du travail, vous déclarez, madame la ministre, ne vouloir laisser « personne au bord de la route ». Nous partageons cette préoccupation.
Vous annoncez donc des cellules de reclassement. Le principe est lisible, certes. Je vous saurais gré, cependant, de m'en communiquer le contenu et de m'indiquer la direction de ce reclassement.
En matière de formation, j'attire votre attention sur la qualité de l'enseignement dispensé par l'université Antilles-Guyane, malheureusement handicapée par d'importants coûts de fonctionnement qui résultent de son éclatement sur trois pôles. Les étudiants y suivent leur cursus dans des conditions qui tendent à se dégrader.
La situation hospitalière de la Guadeloupe, singulièrement celle du CHU, appelle des mesures d'urgence pour faire face notamment au sous-encadrement en personnel et au déficit en moyens matériels.
En matière de logement, une augmentation de l'offre, traduction de la consommation effective des crédits, ne peut être possible sans une simplification administrative de l'accès à la ligne budgétaire unique par les bailleurs sociaux, entre autres.
La direction départementale de l'équipement doit les accompagner et jouer pleinement le jeu.
Ni nos jeunes, ni nos malades, ni nos chômeurs, ni nos familles ne peuvent attendre ! Bref, dans cette situation, les départements d'outre-mer ne peuvent patienter.
J'en reviens donc à la question de la gestion budgétaire qui a largement justifié la révision des crédits de l'outre-mer.
Le budget de l'outre-mer, les années précédentes, n'a pas échappé aux différents gels de crédits et autres contrats de gestion, qui expliquent la sous-consommation des crédits votés en loi de finances initiale.
Réduire les crédits, c'est fermer les perspectives sans même chercher à agir sur les moyens de réalisation, d'autant que vous avez eu la charge de l'exécution d'une part du budget de 2002.
Qualifier d'« affichage » le niveau des crédits votés en 2002 revient à anticiper l'exécution du présent budget pour 2003, établi sur des hypothèses de croissance et, partant, sur des recettes incertaines.
Votre politique pour l'outre-mer ne peut donc se lire, pour l'heure, qu'à l'aune de vos intentions.
Je reste donc dans l'attente de la loi de programme. (Applaudissements sur les travées du RDSE. - M. le rapporteur spécial applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Victor Reux.
M. Victor Reux. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget de l'outre-mer affiche une augmentation de 1,50 % par rapport au précédent, ce qui peut paraître peu mais, comme chacun le sait, il ne représente que le dixième environ des transferts des divers ministères vers la France ultramarine.
Vous avez raison, madame la ministre, de stigmatiser le laxisme de ceux qui vous ont précédée, laxisme entraînant ainsi un haut niveau des budgets non utilisés et reportés alors qu'il y a tant à faire outre-mer.
Focalisé sur des projets concrets, ce budget de terrain, mais également de transition, traduit bien la volonté de situer l'emploi et la formation au centre des priorités de votre gouvernement.
Pour autant, il ne néglige pas les autres volets essentiels ou innovants tels que la création du passeport mobilité, l'augmentation des crédits pour le logement - la ligne budgétaire unique augmente de 7,5 % -, dont la dotation a été doublée pour Saint-Pierre-et-Miquelon, ou encore la promotion de moyens particuliers destinés à permettre le rattrapage économique et social des collectivités qui en ont le plus besoin.
Enfin, tout comme en métropole, vous ne tirez pas un trait sur les emplois-jeunes, puisque vous prévoyez même un accompagnement individualisé en fin de contrat.
J'aborderai quelques sujets plus spécifiques à ma collectivité.
Le premier est le secteur de la pêche artisanale, notamment s'agissant la campagne 2002, laquelle, vous le savez, madame la ministre, s'est soldée par de mauvais résultats, tout simplement parce que, pour certaines espèces, la ressource n'était pas au rendez-vous.
Cette filière d'activité a vu, au cours de la décennie précédente, la naissance et le développement d'inititives pour que ne meure pas localement un métier de tradition. Leurs auteurs ont dû faire des investissements importants. S'ils n'étaient pas aidés et si l'année à venir et la suivante n'était pas meilleures, ce secteur de notre diversification économique se trouverait en péril.
Vous sachant sensible à cette question, je renouvelle donc la demande que j'avais faite ici-même à votre prédécesseur, qui, à l'évidence, ne l'a pas entendue, afin que puisse avoir lieu dans les eaux avoisinant l'archipel, et ce dès que possible, une mission française d'évaluation de la ressource halieutique qui pourrait être effectuée par l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer, l'IFREMER. Ainsi, les divers acteurs de la pêche locale, disposant de données scientifiques plus fiables, se trouveront aidés dans le choix de leurs orientations.
Par ailleurs, dans ce même secteur - vous pourrez le constater lors de votre prochaine visite -, le projet en cours de réalisation d'exploitation de coquilles Saint-Jacques lancé à Miquelon est porteur d'emplois. Il a nécessité aussi de lourdes mises de fonds de la part des actionnaires locaux : 860 000 euros en 2002 seulement.
Toutefois, les aides publiques normalement prévues ne semblent pas se concrétiser, alors que les deux années à venir seront cruciales pour la viabilité de l'entreprise. Pouvez-vous m'indiquer où est la participation de l'Etat dans cette entreprise prometteuse ?
Dans le secteur de la pêche et dans l'archipel, je veux également souligner, madame la ministre, l'émotion soulevée par l'annonce faite par le Canada, à l'instar de la Commission de Bruxelles récemment, d'une probable et forte réduction de quotas autorisés de cabillaud déjà bien maigres.
La situation économique de l'archipel ne s'est guère améliorée depuis le changement de majorité au conseil général en mars 2000. Elle n'a fait qu'empirer.
En parallèle, la dégradation de notre situation budgétaire constitue un facteur défavorable pour la commande publique, ainsi que pour l'investissement en général.
S'agissant de la commande publique, et compte tenu des troubles sociaux qui ont eu lieu récemment du fait des errements de l'exécutif local, je suis également demandeur de la venue sur place d'une commission d'enquête sur les marchés publics pour faire le point en ce domaine, où se posent de nombreuses questions.
S'agissant de la situation budgétaire, la collectivité est confrontée à un endettement semblable à celui qu'elle connaissait avant 1994, notamment en raison de la charge des emprunts qu'elle a dû contracter pour participer aux dépenses liées à la construction du nouveau complexe aéroportuaire. C'est pourquoi je demande, cette année encore, qu'une partie de la dette de la collectivité territoriale soit exceptionnellement prise en charge par l'Etat.
Pour ce qui est des investissements, j'espère que, dans la future loi de programme, Saint-Pierre-et-Miquelon, malgré son régime fiscal spécifique, pourra être mieux loti que par le passé en matière de défiscalisation, laquelle est indispensable pour les investissements.
Madame la ministre, nous venons tout récemment de voter le projet de loi relatif à la décentralisation. S'agissant du transfert de compétences relatif à notre zone économique exclusive, notre ZEE, au large de Saint-Pierre-et-Miquelon, au profit de la collectivité territoriale, votre prédécesseur n'a jamais répondu à la question suivante, que je tiens donc à poser à nouveau à cette tribune : où en est-on de l'élaboration du cahier des charges prévu et de son approbation par le Conseil d'Etat pour ce transfert de compétences ?
Cette interrogation se greffe sur l'important sujet de la prospection et de l'exploitation éventuelles des hydrocarbures dans les fonds sous-marins avoisinant l'archipel, et dans notre zone économique exclusive en particulier.
Dans cette zone, vous le savez, depuis le forage intervenu en avril 2001, tout semble au point mort, mais le contexte s'est modifié avec le règlement du contentieux existant entre les provinces canadiennes de Nouvelle-Ecosse et de Terre-Neuve, lequel avait entraîné un moratoire sur les forages en zone maritime canadienne.
Ce moratoire n'ayant plus de raison d'être, il est normal que l'on se pose la question de savoir si les compagnies étrangères qui se sont montrées intéressées par notre ZEE le seront autant que par le passé.
Quel que soit le cas de figure envisagé, il me semble indiqué que notre zone économique exclusive soit, pour le futur, concrètement prise en compte dans le « Plan hydrocarbures » français. Madame la ministre, me rejoignez-vous sur ce point ?
Autre sujet que je voudrais aborder touchant la santé, celui des évacuations sanitaires d'urgence par voie aérienne, majoritairement vers le Canada, et, dans une bien moindre mesure, en inter-îles vers Saint-Pierre à partir de Miquelon.
Il s'agit pour la compagnie Air Saint-Pierre d'une contrainte forte puisqu'en fait - et c'est le cas depuis quarante ans - l'Etat, la collectivité et les particuliers comptent sur elle pour ce type d'évacuation qui peut intervenir à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit, dans des conditions météorologiques souvent difficiles.
Cette astreinte effective de mise à disponibilité du matériel et des hommes vingt-quatre heures sur vingt-quatre engendre des coûts importants, qui vont augmenter avec le remplacement incontournable du petit bimoteur affecté à ce service depuis longtemps.
Compte tenu du fait que nous n'avons pas sur place de SAMU ou d'autre organisme public susceptible d'assurer les missions d'urgence, d'assistance et de protection sanitaire du citoyen, il me paraît indiqué que, dans la future loi de programme, des dispositions soient prévues afin que l'Etat prenne en charge une partie des coûts induits par ces missions permanentes qui ne relèvent pas d'un service commercial ordinaire.
J'ajouterai quelques remarques au sujet de la loi d'orientation, qui est appliquée dans l'archipel pour ce qui relève de l'exonération des charges sociales, des projets initiatives jeunes, les PIJ, de l'apurement des dettes sociales et le fonds d'échanges culturels.
Des difficultés inhérentes aux particularités locales freinent cependant la concrétisation des mesures prévues en matière de congé-solidarité et de parrainage, notamment.
L'application de la loi d'orientation pour l'outre-mer se poursuivra en attendant que la loi de programme prenne le relais.
Dans cette perspective, afin de faire le point, peut-on envisager la mise en action de la commission de suivi - c'est l'article 74 -, de manière à savoir si tous les acteurs économiques concernés jouent le jeu en matière de création d'emplois et de maîtrise des coûts du travail ? Compte tenu de la situation à ce sujet dans l'archipel, le rapport de cette commission permettrait d'y voir plus clair et de mieux encadrer les dispositions en gestation en vue de leur finalité.
Enfin, sur un plan culturel et économique, j'appelle votre attention sur l'avenir de la station locale RFO, et précisément sur la diffusion de son signal hertzien sur le Canada.
Avec une retransmission vers 300 000 abonnés, soit environ un million de téléspectateurs, ce média constitue à partir de l'archipel une véritable vitrine de la France et de la francophonie vers un public très attaché à notre culture.
Avec de 70 à 80 salariés, RFO tient une place importante dans notre fragile équilibre économique. Recrutant majoritairement sur place, cette station est un excellent vecteur de formations valorisantes dans les métiers d'avenir porteurs. Elle mérite donc d'être défendue contre les pressions destinées à restreindre sa diffusion chez nos voisins.
Madame la ministre, je pense que le pragmatisme et le réalisme qui caractérisent la démarche du Gouvernement dans son approche des problèmes de l'outre-mer marqueront vos réponses, aujourd'hui et par la suite, à mes interrogations en faveur de mes concitoyens. Aussi est-ce bien volontiers que j'apporterai mon total soutien à votre budget, tel que vous nous le présentez. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Monsieur le président, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est avec plaisir et conviction que j'ai l'honneur de défendre devant votre assemblée, pour la première fois, le budget du ministère de l'outre-mer. C'est pour moi l'occasion de vous présenter les grandes orientations de l'action du Gouvernement pour les dix collectivités dont j'ai la charge.
Ce projet de budget est d'abord une première concrétisation des engagements du Président de la République pour l'outre-mer.
Le premier engagement tenu est celui d'une attention particulière accordée à la création d'emplois dans le secteur marchand, qui est la base du développement économique outre-mer. Le projet de budget pour 2003 prévoit une réorientation des crédits du FEDOM vers la création de vrais emplois durables dans ce secteur productif. Je vous remercie, madame Létard, de l'avoir relevé avec satisfaction. On en revient à l'esprit de la loi Perben, qui avait créé le FEDOM ; il est ainsi prévu d'augmenter de plus de 11 % le nombre de contrats d'accès à l'emploi.
Je tiens à vous rassurer, monsieur Lise : je ferai en sorte que les CAE conservent leur attractivité pour les employeurs. Cela est possible, notamment par le relèvement du montant des exonérations de charges sociales qui y est associé. Je note qu'une telle amélioration aurait pu être apportée par la loi d'orientation de mon prédécesseur pour relancer l'emploi dans le secteur marchand. Nous veillerons à le faire dans la loi de programme.
La persistance, outre-mer, d'un taux de chômage trois fois supérieur à celui de la métropole justifie amplement cette réorientation du FEDOM.
Si le budget pour 2003 contient encore des financements importants pour les emplois aidés, qui sont par nature des emplois précaires, c'est qu'il s'agit d'un budget de transition - vous l'avez remarqué, monsieur Raoul - dans l'attente de la loi de programme qui vous sera présentée au début de l'année prochaine et dont l'objectif est de substituer une logique d'activité à une logique d'assistance. Nous devons offrir à la jeunesse d'outre-mer de véritables perspectives d'emploi.
Pour répondre à votre interrogation, monsieur Lise, je vous indique que si, comme je le souhaite, la loi de programme est votée au plus tard le 1er juillet prochain, elle sera financée en loi de finances rectificative en 2003 et en loi de finances initiale en 2004.
Les moyens financiers en faveur des emplois aidés augmentent encore en 2003 pour tenir compte des engagements pris et de cette période transitoire. Ce n'est qu'en 2004 que les effets de la loi de programme seront pris en compte. Il est inexact de dire que les moyens du FEDOM diminuent ; je le dis en réponse aux quelques critiques que j'ai entendues.
Je vous rappelle que les moyens du FEDOM représentent 44 % de mon budget. Les dotations pour les contrats emploi-solidarité, les contrats emploi consolidé et les emplois-jeunes augmentent en 2003 de 6 %. Je vous rappelle aussi que 15 % de mon budget est consacré aux emplois-jeunes !
Beaucoup d'entre vous, notamment MM. Lise, Vergès, Virapoullé, Larifla et bien d'autres, ont exprimé à juste titre sur le devenir des emplois-jeunes une inquiétude que je comprends parfaitement.
Ainsi que je l'ai maintes fois précisé, tous les contrats iront à leur terme et chaque jeune en fin de contrat bénéficiera d'un accompagnement individualisé afin qu'aucun d'eux, j'y insiste, ne soit laissé au bord du chemin.
Je vous rappelle, monsieur Larifla, monsieur Lise, que le précédent gouvernement n'avait pas pris de disposition pour assurer à ces jeunes une sortie positive du dispositif. Mon objectif est donc qu'une solution soit trouvée, au cas par cas, pour chaque jeune. A cet effet, j'ai donné instruction aux préfets de travailler avec les structures de reclassement mises en place dans chaque collectivité. Un dispositif transitoire est en cours de finalisation pour les jeunes qui n'auront pu sortir de ces emplois. Il s'appliquera jusqu'à ce que l'on aboutisse à une solution pérenne.
En outre, pour répondre aux besoins du monde associatif, nous étudions actuellement, avec le ministre des affaires sociales, un nouveau dispositif d'insertion des jeunes qui comportera un volet spécifique pour l'outre-mer.
Nous devons tous nous mobiliser - et j'ai bien entendu M. Jean-Paul Virapoullé sur ce sujet - et nous montrer créatifs afin de trouver de vraies solutions en matière d'emploi pour tous ces jeunes qui arrivent au terme du dispositif. C'est en tout cas la volonté que j'ai au plus profond de moi-même et que j'ai affichée. Mais je ne fais pas preuve de naïveté. Compte tenu du nombre de jeunes qui arrivent chaque année sur le marché de l'emploi, il serait illusoire de penser que le secteur marchand les absorbera dans leur totalité. Nous travaillons donc à des solutions intermédiaires.
Dans ce budget, nous avons fait un effort particulier en créant 500 postes supplémentaires pour le SMA, qui est un véritable instrument d'insertion et de formation. Son succès n'est plus à prouver, et je note d'ailleurs que vous vous en êtes tous félicité, ce dont je vous remercie. Je vous rappelle que pratiquement tous les jeunes qui passent par le SMA trouvent un emploi à la fin de cette formation et de cette insertion.
Le deuxième engagement tenu est celui d'un premier contenu donné au principe de continuité territoriale, avec la création du passeport mobilité au profit de 11 000 étudiants et de 5 000 jeunes en formation.
Ce passeport - dont vous avez tous salué la création - répond à une attente forte des jeunes d'outre-mer et permet de faciliter leur mobilité vers la métropole ou une autre collectivité d'outre-mer dans le cadre de leurs études, de leur formation ou de leur accès à un premier emploi. Il est en vigueur depuis le 1er septembre pour les jeunes en formation, et même depuis le 1er juillet pour les étudiants.
La continuité territoriale pour nos jeunes ne doit cependant pas se limiter à prendre en charge le coût de leur transport. Il faut aussi organiser leur accueil en métropole. A cet égard, je partage pleinement le souhait de M. Jean-Paul Virapoullé de répondre à cette attente et, notamment, de régler le problème du logement. Effectivement, il faut mettre en place une véritable politique du logement pour ces jeunes.
Dès que je suis arrivée à la tête de ce ministère, j'ai constaté que l'Agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer, qui devrait normalement jouer ce rôle, n'avait malheureusement plus de structures dirigeantes depuis plusieurs années, qu'il s'agisse de président ou de directeur général. Je me suis donc employée à remédier à cette situation. J'ai demandé à l'ANT, l'Agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer, de prendre des contacts avec les bailleurs sociaux de métropole pour que des logements soient réservés aux jeunes d'outre-mer dans leurs parcs immobiliers. Le CNARM, le comité national de l'action des Réunionnais en mobilité, pourrait appuyer cette démarche. On peut aussi envisager que l'Etat réserve un volume de logements pour ces jeunes d'outre-mer dans le parc HLM, selon des modalités financières à préciser.
Il faut faire vite pour concrétiser cette continuité territoriale au profit de la jeunesse, qui est la principale richesse de l'outre-mer. C'est pourquoi je souhaite que ces mesures soient mises en place dès le printemps prochain.
Après le passeport mobilité et le renforcement de l'ANT, nous engagerons une deuxième étape, dans le cadre de la future loi de programme, pour améliorer les transports terrestres, maritimes et aériens, et faire baisser leur coût, problèmes que vous avez été très nombreux à évoquer.
Je souhaite favoriser la concurrence dans le transport aérien et éviter les situations de monopole. Plusieurs mesures en faveur des compagnies existantes et d'une nouvelle compagnie dédiée à l'outre-mer sont actuellement soumises à l'arbitrage du Premier ministre. Elles permettraient aux compagnies aériennes de consolider leurs conditions d'exploitation sur la desserte de l'outre-mer et de mettre en place un dispositif d'allégements du coût du transport, en partenariat avec les collectivités locales concernées et avec le soutien des fonds européens.
MM. Virapoullé et Désiré ont évoqué la question des NTIC, qui est importante et étroitement liée à la continuité territoriale.
Les télécommunications entre la métropole et l'outre-mer posent en effet de sérieux problèmes, notamment en termes de coûts. Ceux-ci sont encore trop élevés, même s'ils ont, il faut le reconnaître, baissé depuis trois ans.
Cette baisse devrait se poursuivre dans les mois à venir grâce à la libération des canaux satellitaires par le ministère de la défense et à l'évolutions des techniques qui permettent précisément d'envisager des coûts plus réduits. Je veille avec mes deux collègues du Gouvernement - Mme la ministre déléguée à l'industrie et Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies - à ce que toutes les dispositions soient prises pour faciliter la concurrence entre les opérateurs et faire ainsi baisser les coûts d'accès et les abonnements.
Le troisième engagement tenu consiste à mettre en place des moyens financiers supplémentaires pour le développement économique et social des collectivités nécessitant un effort particulier de rattrapage. Il s'agit des deux conventions de développement pour Mayotte et pour Wallis-et-Futuna, pour un montant respectif de 20 millions d'euros et 2,5 millions d'euros sur cinq ans, qui s'ajoutent aux contrats de plan.
Je tiens à remercier tout particulièrement les élus de ces deux collectivités, avec lesquels nous avons travaillé de façon très constructive, pour que ces conventions puissent être signées avant la fin de l'année. J'espère, monsieur Laufoaulu, que nous construirons ainsi plus d'un kilomètre de route par an à Wallis-et-Futuna !
Ces moyens viennent renforcer de manière pragmatique ceux qui existent déjà et qui sont insuffisamment mobilisés, comme le fonds mahorais de développement, ou qui sont enlisés dans les arcanes de l'administration, tel que le fonds d'aide au développement de Wallis-et-Futuna. Ce n'est pas acceptable alors que les besoins sont patents. Nous allons donc faire aboutir ces projets d'ici à la fin de l'année, afin de les rendre opérationnels en 2003.
J'ajoute que les moyens des chapitres 68-01 et 68-90, qui regroupent notamment ceux du FIDOM et du FIDES, augmentent. Ils prennent en compte avec réalisme l'ensemble des besoins contractualisés au titre des contrats de plan ou de développement et financent certains besoins importants, tel le plan global de développement de l'agriculture en Guyane.
Monsieur Othily, je suis d'accord avec vous sur la nécessité de moderniser la gestion du FIDOM, mais je crois qu'il faut d'abord tirer tous les enseignements de l'expérience un peu controversée du FIDOM décentralisé ces dernières années avant d'envisager de créer de nouvelles sections territoriales. Je rappelle, en effet, qu'une dette de 5 millions d'euros a été réglée par le Gouvernement cet été, lors de l'élaboration du collectif budgétaire.
J'ai bien noté, monsieur Othily, les remarques que vous avez formulées sur les mécanismes à mettre en oeuvre pour faciliter l'accès au logement. Sachez que nous avons travaillé sur ces sujets dans le cadre de la préparation de la loi de programme.
Je partage également votre analyse sur les besoins d'infrastructures que connaît la Guyane. Je suis favorable au maintien d'un chapitre budgétaire destiné spécialement à financer ces besoins et je procèderai, en 2003, à une analyse de l'emploi des crédits qui doivent être recentrés sur les grandes infrastructures, notamment les infrastructures de communication.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la place privilégiée que le Gouvernement souhaite donner à l'outre-mer dans l'action gouvernementale se reflète dans ce projet de budget. Vous l'avez presque tous souligné : à périmètre constant, il augmente de 1,5 %, soit une progression supérieure à celle du budget de l'Etat, ce qui témoigne de l'effort accompli en faveur de l'outre-mer dans un contexte budgétaire difficile.
Cet effort se réalise au profit des préoccupations majeures de l'outre-mer, à savoir, d'une part, l'emploi, la formation et l'insertion et, d'autre part, le logement, toutes préoccupations qui sont au coeur de mes priorités.
L'effort du Gouvernement pour l'outre-mer est d'autant plus remarquable que, ces dernières années, les budgets ont enregistré un taux de consommation qui n'est pas convenable.
Monsieur du Luart, vous l'avez noté dans votre intervention, et je tiens à répondre aux critiques que j'ai entendues, notamment de la part de M. Lise : ce n'est pas l'existence même d'une sous-consommation des crédits que je critique, car c'est un constat que l'on peut faire dans d'autres secteurs ; c'est son ampleur, que je ne peux accepter au regard des besoins à financer. En effet, j'ai constaté, à mon arrivée au ministère, que plus de 727 millions d'euros avaient été reportés en cumul ces dernières années.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Eh oui ! malheureusement !
Mme Brigitte Girardin, ministre. Nous avons donc perdu, au cours de la précédente législature, l'équivalent d'un budget de l'outre-mer. C'est un véritable gâchis ! Je ne peux que déplorer que de telles occasions aient été manquées au profit de l'outre-mer.
Les crédits reportés représentent ainsi, l'équivalent de trois années de dotations de la ligne budgétaire unique pour le logement, ou près de deux années de crédits pour l'emploi du FEDOM.
Afficher, comme auparavant, des augmentations de budget pour ne pas consommer l'ensemble des crédits est, à mon avis, un non-sens et relève d'une logique avec laquelle je souhaite rompre résolument. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. La commission vous suivra !
Mme Brigitte Girardin, ministre. L'essentiel de notre travail ne se résume pas à la simple présentation d'un budget une fois l'an. Il faut agir au jour le jour pour consommer les crédits, utilement et efficacement.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Très bien !
Mme Brigitte Girardin, ministre. Quelle ne fut pas ma surprise en constatant que, dans le même temps où les reports de crédits progressaient au rythme de l'augmentation du budget, l'Etat était complètement défaillant dans la tenue de ses engagements à l'égard de plusieurs collectivités d'outre-mer !
Je vais vous en donner quelques exemples.
Dans les quatre DOM, les budgets des assemblées départementales ont subi des prélèvements indus au titre de la couverture maladie universelle pour un montant de 70 millions d'euros. (M. Georges Othilly fait un signe d'approbation.)
Dès 2003, nous mettrons un terme à ces erreurs inadmissibles. J'espère aussi traiter la situation particulière des communes de Guadeloupe qui ont été injustement pénalisées par une augmentation brutale de leurs contingents d'aide sociale, grevant ainsi leur budget.
Par ailleurs - c'est un deuxième exemple - le gouvernement précédent a instauré l'obligation légale pour l'Etat de financer le fonds intercommunal de péréquation des communes de Polynésie à hauteur de 7,9 millions d'euros par an. Mais il n'a pris aucune mesure budgétaire pour respecter son engagement sur les années 2001 et 2002. Nous sommes en train de régler cette question.
Monsieur Flosse, vous avez souligné également la situation financière des communes de Polynésie, dont les ressources propres doivent être réévaluées. C'est une demande que je comprends parfaitement. Elle est notamment liée à l'instauration d'une fiscalité propre des communes, que vous avez d'ailleurs évoquée à l'occasion de la présentation du budget à l'assemblée territoriale le 19 septembre dernier. Il conviendra alors de définir une base fiscale et de laisser la liberté aux communes de fixer le taux en fonction des recettes attendues. La part du territoire dans le financement des communes pourra, dans ces conditions, être réduite.
J'ajoute, monsieur le sénateur, que la dotation de rattrapage que vous évoquez pourrait prendre, pour l'Etat, la forme d'une défiscalisation. Vous savez que je propose, dans le cadre de la loi de programme, l'éligibilité à la défiscalisation de certains équipements structurants pour les communes, comme, par exemple, les stations d'épuration, les unités de dessalement de l'eau de mer ou de production d'électricité.
Un autre exemple de non-respect par l'Etat de ses engagements peut être relevé en Nouvelle-Calédonie. La dotation pour la construction et l'équipement des collèges a été insuffisamment abondée. Monsieur Loueckhote, vous avez raison de vous élever contre cette situation : l'Etat n'a pas respecté le critère des effectifs scolarisés fixé par la loi. Ce sont plusieurs millions d'euros qui manquent, alors que les besoins sont criants. Là aussi, nous sommes en train de mettre fin à ce manquement inacceptable de l'Etat.
Le projet de budget que je vous présente rompt résolument avec ces pratiques et s'inscrit dans une dynamique pragmatique, au plus près des réalités de terrain et des attentes de nos compatriotes d'outre-mer. Répondre aux attentes, faire ce que l'on annonce, c'est aussi respecter celles et ceux pour lesquels nous travaillons.
Le développement économique et social durable de l'outre-mer passe par un respect mutuel des engagements dans le cadre d'un partenariat financier clairement exprimé entre l'Etat et les collectivités. C'est pourquoi je veillerai à ce que les concours financiers de l'Etat aux collectivités d'outre-mer soient effectivement versés, conformément aux engagements pris, et soient adaptés aux besoins spécifiques de l'outre-mer.
Pour assurer, précisément, une bonne prise en compte des spécificités de nos dix collectivités d'outre-mer, il me paraît essentiel d'insister sur la nécessaire cohérence de l'action de l'Etat outre-mer.
Je le souligne avec d'autant plus de plaisir que, cette année, l'outre-mer a retrouvé toute sa place au coeur de l'organisation gouvernementale avec un ministère à part entière, dont la vocation interministérielle est enfin réaffirmée. C'est à la fois une marque de respect, de reconnaissance et d'estime à l'égard de ces Français d'outre-mer, qui sont une part irremplaçable de notre communauté nationale et qui apportent à l'épanouissement de notre pays une immense et généreuse contribution. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) C'est avant tout pour eux que le Gouvernement a la volonté de mener une action ambitieuse fondée sur la confiance, avec pour objectif l'égalité économique, définie par le Président de la République comme l'étape ultime de l'accès à la pleine citoyenneté de chacun par le travail et la dignité.
En effet, vous le savez, les moyens de mon ministère ne représentent pas l'ensemble de l'effort que l'Etat consacre à l'outre-mer : il s'agit seulement d'un dixième des crédits qui y sont affectés. Il est donc de ma responsabilité d'intervenir auprès de mes collègues du Gouvernement pour qu'ils mettent en place, dans les domaines qui relèvent de leur compétence, les financements et les moyens propres à satisfaire les besoins de l'outre-mer.
J'ai bien noté les demandes qui ont été formulées par M. Flosse. Bien entendu, je les transmettrai à mes collègues du Gouvernement.
Dans cet esprit, et à titre d'exemple, j'ai décidé de relancer l'action de la commission interministérielle de coordination des investissements de l'Etat outre-mer, afin de garantir, sous mon autorité, la cohérence des actions économiques et des investissements de l'Etat. Je constate d'ailleurs que cette commission ne s'est plus réunie depuis quatre ans, témoignant sans doute du faible intérêt porté à l'action concrète de l'Etat outre-mer.
Cette action est d'autant plus essentielle qu'il existe outre-mer une très forte imbrication entre les contrats de plan et les actions financées au titre des DOCUP. Il importe donc de dynamiser cette synergie, que l'on ne retrouve pas en métropole. Je rappelle que 85 % des actions des contrats de plan des quatre DOM bénéficient d'un financement européen. Mon ministère a donc participé activement à l'élaboration des mesures de simplification administrative permettant une meilleure consommation des crédits européens pour éviter des dégagements d'office qui seraient une catastrophe pour les collectivités concernées. Je réponds sur ce point à l'interrogation de M. Raoul.
Mon ambition est de faire simple et pratique, surtout quand on connaît le poids des investissements publics dans les économies d'outre-mer.
Mon souci de cohérence de l'action de l'Etat outre-mer s'illustre aussi dans la lutte contre l'insécurité - MM. Balarello, Hyest et Othily l'ont souligné -, qui est aggravée outre-mer, en particulier en Guyane et à Mayotte, par le poids de l'immigration clandestine.
Je veille à ce que les particularités de l'outre-mer soient pleinement prises en compte, et ma présence comme membre permanent du conseil de sécurité intérieure me permet de faire valoir certaines spécificités et d'obtenir un renforcement significatif des moyens de police et de gendarmerie, comme ce fut le cas en Guyane cet été.
En matière de sécurité, vous attendez tous légitimement des faits. Je peux vous dire que nous sommes en train de renverser la tendance, puisque la délinquance de voie publique a sensiblement fléchi grâce aux mesures prises par le Gouvernement avec, en particulier, la création, comme en métropole, des groupements d'intervention régionaux.
Nous avons, vous le savez, engagé en Guyane une action déterminée pour lutter intensivement contre l'orpaillage clandestin, et les premiers résultats sont encourageants. Je tiens à remercier à cet égard M. Othily de nous avoir aidés à modifier le code minier, afin de permettre la destruction sur place du matériel des orpailleurs clandestins.
Sur l'initiative du préfet de Guyane, les opérations ciblées se succèdent depuis le 30 septembre dernier. Plusieurs tonnes de matériels, des milliers de litres de carburant, des groupes électrogènes, du ravitaillement ont été saisis et détruits, et une centaine de personnes en situation irrégulière ont été interpellées.
Il faut que les orpailleurs clandestins, et surtout leurs commanditaires, comprennent que, désormais, ces activités ne seront plus rentables en Guyane pour ceux qui les exercent dans l'illégalité.
J'ai bien noté votre souci, monsieur Othily, de faire en sorte d'activer, sur le plan de la coopération régionale, la conclusion d'accords. C'est déjà le cas avec le Brésil, et nous travaillons actuellement pour en conclure avec le Surinam et le Guyana.
Cependant, toutes ces actions seraient vaines si elles n'étaient pas accompagnées par des mesures significatives pour moderniser la gestion des crédits du ministère.
Je sais que votre assemblée s'est montrée soucieuse de faire réaliser des économies à l'Etat. C'est un point sur lequel j'ai veillé lors de l'élaboration de mon budget, en ne reconduisant pas les 31 millions d'euros de la compensation de la créance de proratisation. Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, cette créance comportait deux volets : l'un consacré au logement, l'autre destiné à l'insertion.
Le volet du logement, qui était le plus important, a été inscrit durablement dans la base budgétaire de la ligne budgétaire unique, conformément aux engagements du Président de la République. L'autre volet a été supprimé, car le maintien de la part « insertion » de la créance de proratisation ne se justifiait plus du fait de la disparition, à compter du 1er janvier 2002, du différentiel entre le niveau du RMI dans les DOM et celui de la métropole.
Je précise que, compte tenu du mode de financement des agences départementales d'insertion, les ADI, cette économie de structure se réalisera sans bouleversement de la situation financière de celles-ci. En effet, le réalignement du montant du RMI outre-mer sur celui de la métropole augmente mécaniquement la dépense de RMI et donc d'autant la part que le conseil général doit lui consacrer.
En maintenant la compensation de cette créance, l'Etat organisait au profit des ADI un effet d'aubaine les conduisant à bénéficier à la fois d'une dotation du département augmentée et d'une créance qui n'avait plus lieu d'être.
J'ajoute que les quatre ADI disposent d'un confortable fonds de roulement, de 120 millions d'euros, correspondant à quatre années de créance.
J'estime, par ailleurs, nécessaire d'accomplir un effort pour mieux mobiliser les moyens financiers des ADI.
De même, les mesures de la loi d'orientation pour l'outre-mer de mon prédécesseur ont été financées, cette fois-ci, de manière plus réaliste. En effet, sur les 23 000 mesures affichées au titre du projet initiatives-jeunes, du congé solidarité et du retour à l'activité, seul un tiers au mieux aura été réalisé. Une réflexion au premier euro dépensé a permis de réajuster ces mesures à 9 300, ce qui représente, par rapport à ce qui sera effectivement réalisé en 2002, une augmentation de 23 %. Nous évitons ainsi d'immobiliser inutilement 30 millions d'euros que l'on sait ne pas pouvoir dépenser.
Plus généralement, j'entends, à compter de 2003, commencer à combler le retard de modernité dont souffre le ministère et faire en sorte que l'outre-mer participe activement aux efforts de modernisation de la gestion des crédits publics et s'inscrive pleinement dans les orientations de la réforme de l'Etat.
Mon objectif est simple : dynamiser la ressource budgétaire du ministère, avec cette conviction qu'un bon budget n'est pas un budget qui augmente systématiquement dans des proportions importantes. C'est d'abord un budget qui optimise les ressources pour faire plus et mieux.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Très bien !
Mme Brigitte Girardin, ministre. Parmi les mesures que j'ai retenues, figure une déconcentration plus importante de crédits, notamment ceux du FEDOM et ceux qui concernent la réhabilitation de l'habitat insalubre. Cela va donc dans le sens que vous souhaitez, monsieur le rapporteur spécial.
Une expérimentation sera conduite en Martinique pour déconcentrer des crédits du FEDOM. Il n'est pas davantage normal que ce soit à Paris que l'on décide, par exemple, des bourses pour les étudiants, des crédits pour la formation des cadres ou de certains crédits de rémunération pour du personnel embauché localement.
Enfin, la modernisation de la gestion des crédits du ministère se concrétise par la mise en place d'un contrôle de gestion, afin de me permettre de connaître régulièrement l'état des dépenses et la réalisation des objectifs, pour ne pas être en situation de justifier le besoin en constatant la dépense. Le contrôle de gestion est un outil aujourd'hui indispensable pour piloter correctement un budget.
Ces différents outils, mesdames, messieurs les sénateurs, me permettront d'améliorer de façon significative le taux de consommation de mes crédits au profit de l'outre-mer.
Je répondrai maintenant plus précisément aux questions que, les uns et les autres, vous m'avez posées.
Vous avez été nombreux à évoquer la « crise » du tourisme, relayée par la presse de façon sans doute un peu exagérée. Mme Létard, MM. Lise, Désiré et Larifla ont souligné, avec raison, l'importance de ce secteur clé du développement économique de l'outre-mer, notamment aux Antilles.
Compte tenu des difficultés actuelles, j'estime indispensable de bâtir rapidement un plan d'action pour la sauvegarde et la relance du tourisme outre-mer. Je précise que les choix en matière de développement touristique sont d'abord une affaire locale et qu'il appartient, en premier lieu, au corps social, aux élus, aux entrepreneurs et aux collectivités d'outre-mer de définir la place que cette activité doit occuper dans leur économie.
Face à cette situation préoccupante, le secrétaire d'Etat au tourisme, M. Léon Bertrand, et moi-même avons engagé, dès le mois de septembre dernier, au sein de nos ministères, une réflexion concertée avec les forces vives locales, afin de définir un plan d'action pour la relance du tourisme outre-mer. Nous détaillerons très prochainement ces mesures.
Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, le levier fiscal doit être plus largement utilisé pour remettre à niveau nos infrastructures touristiques. J'ai proposé des mesures spécifiques pour ce secteur dans le cadre de la future loi de programme et du nouveau système de défiscalisation qui sera mis en place.
Monsieur Lise, je vous remercie d'avoir évoqué le dossier important et sensible des agences des cinquante pas géométriques. Il est vrai que, créées en 1996, ces agences n'ont réellement été mises en place qu'à partir de 2000. Ce délai s'est traduit par un retard important dans l'accomplissement des missions qui leur sont imparties.
Aujourd'hui, ces agences rencontrent des difficultés de financement. Nous étudions plusieurs solutions. Je vous confirme, d'ailleurs, que les premiers reversements du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie au titre des occupations et des cessions interviendront dans les semaines qui viennent.
M. Vergès a bien voulu souligner, et de façon opportune, les potentialités extraordinaires de nos collectivités d'outre-mer en termes d'environnement ; elles ont, de surcroît, un véritable besoin d'indépendance énergétique.
J'ai, pour ma part, eu l'occasion d'évoquer la nécessité de développer le recours aux énergies renouvelables lors du séminaire gouvernemental consacré au développement durable qui s'est tenu voilà quelques jours. L'outre-mer a effectivement des potentialités extraordinaires : le soleil pour l'énergie solaire, le vent pour les éoliennes, les volcans pour la géothermie et, en Guyane, l'eau pour l'hydroélectricité.
Malheureusement, les potentialités ne sont pas suffisamment exploitées. Il faut que nous donnions un coup d'accélérateur afin que les collectivités territoriales aient accès à une électricité à moindre coût. Je pense à Mayotte, où le coût de l'électricité est près de sept fois supérieur à celui qui est pratiqué en métropole. Je compte, dans le cadre de la loi de programme, user notamment du levier fiscal pour donner une nouvelle impulsion au développement de tels investissements, qui, je le crois, sont de nature à améliorer la vie quotidienne de nos compatriotes d'outre-mer.
MM. Lise et Désiré, notamment, ont évoqué certains problèmes agricoles bien connus, ceux de la banane et de l'ananas.
Les producteurs de bananes antillais connaissent une grave situation financière.
Avec l'appui d'Hervé Gaymard, nous avons obtenu diverses mesures d'urgence pour aider les producteurs et leurs groupements à refaire surface. Il s'agit, tout d'abord, d'une revalorisation de 2,84 centimes d'euro par kilo de l'avance sur l'aide compensatoire au titre de l'année 2002. Je reconnais que ce résultat, qui n'a pas été facile à obtenir, est loin d'être satisfaisant, mais il devrait, je pense, permettre aux groupements de producteurs et aux planteurs de retrouver un peu d'oxygène.
Pour répondre au manque de trésorerie des groupements de producteurs, vous savez que deux autres mesures ont été obtenues : tout d'abord, une augmentation du préfinancement de l'avance sur l'aide compensatoire à 100 % par la BDPME, la banque du développement des PME, ensuite, l'élaboration, à l'échelon national, d'un dispositif d'urgence, par la transformation partielle en subventions des prêts de l'ODEADOM - l'office de développement de l'économie agricole dans les départements d'outre-mer - et, à l'échelon local, par l'appui à la mise en place de fonds de garantie permettant aux groupements de producteurs d'accéder à des emprunts destinés à préfinancer une plus grande partie de l'aide compensatoire.
J'en suis tout à fait consciente, ces mesures d'urgence ne suffisent pas. C'est pourquoi, avec M. le ministre de l'agriculture, nous allons lancer, dès le début de l'année 2003, une grande concertation des professionnels afin d'anticiper l'avenir de l'OCM banane dans l'Union élargie et dans la perspective de l'éventuelle révision de 2006.
Je peux vous assurer, monsieur Lise, que nous défendrons toujours aussi bien le volet interne que le volet externe de l'OCM banane, avec la même détermination et la même conviction, même si la tâche n'est pas facile car, hormis les Espagnols et les Portugais, nous n'avons guère de soutien au sein de l'Union.
S'agissant de l'ananas de Martinique, monsieur Désiré, j'ai envoyé, en accord avec M. le ministre de l'agriculture, une mission en Martinique, afin de faire le point sur la situation technique et financière de la SOCOMOR. Ce travail d'évaluation et de concertation mené à l'échelon local devrait nous permettre de répondre, d'ici à la fin du mois de janvier, à l'attente de la Commission européenne, qui souhaite que la France présente un programme 2003-2006 plus équilibré entre la commercialisation en frais et la transformation. Et je veillerai, avec M. Hervé Gaymard, à ce que le calendrier soit respecté et à ce qu'un programme quadriennal solide soit présenté à la Commission pour approbation.
Monsieur Désiré, vous avez également souhaité avoir des précisions sur les conditions de financement de l'économie outre-mer. Vous avez fait part de vos inquiétudes sur l'accès au crédit, au financement des entreprises et à la SODEMA, la société de crédit pour le développement de la Martinique.
La baisse du coût du crédit dans les départements d'outre-mer depuis 1995, même si elle n'a pas éliminé les écarts de taux d'intérêt avec la métropole, a tout de même favorisé le financement des activités des entreprises et des particuliers.
Par ailleurs, l'accès au crédit des entreprises est désormais facilité par des outils d'ingénierie financière mis en place dans les quatre régions d'outre-mer par l'Etat et par les collectivités régionales, avec le concours du FEDER, tel le fonds de garantie dénommé « Fonds Dom ».
Face aux difficultés des filiales financières de l'Agence française de développement, notamment de la SODEMA, dont les parts de marché se réduisent de plus de 10 % chaque année, la recherche d'une solution durable est en cours, après concertation avec les collectivités locales. Nous sommes donc très vigilants sur ce dossier, et nous allons essayer de trouver la solution la plus adaptée.
Vous avez également évoqué, monsieur Désiré, le problème des constructions scolaires. Je partage votre souci et votre constat sur la nécessité d'un plan de rattrapage pluriannuel en ce domaine. Les besoins sont effectivement très importants pour faire face à une forte poussée démographique et à un bâti existant qui présente, vous l'avez dit, de sérieuses lacunes en termes de sécurité.
Notre jeunesse d'outre-mer, bien évidemment, doit bénéficier sur place d'une formation de qualité, ainsi que de véritables perspectives d'emploi durable. Aussi, je partage votre avis sur la nécessité de mettre en oeuvre un véritable plan de rattrapage partout où le besoin est criant. C'est la raison pour laquelle je vais envoyer prochainement sur place, avec l'accord du ministre chargé de l'éducation nationale, une mission d'évaluation qui sera chargée de dresser un état des lieux et d'établir des priorités.
Madame Payet, vous avez évoqué la CMU, dossier qui requiert toute mon attention depuis mon entrée en fonctions. Vous avez traité avec beaucoup de pertinence du problème de seuils instaurés par la loi du 27 juillet 1999. Le dispositif mis en place n'est absolument pas adapté aux spécificités de l'outre-mer, et tout particulièrement celles de la Réunion, où, pour des raisons historiques, la culture mutualiste est peu étendue. Le système a conduit à une régression sociale d'autant plus injustement vécue que le coût des prestations de santé est plus élevé outre-mer qu'en métropole.
Je partage donc pleinement votre analyse et souhaite faire en sorte que les moins démunis outre-mer ne soient plus pénalisés par l'instauration de la CMU.
J'ai donc pris contact, depuis plusieurs mois déjà, avec le ministre chargé de la santé, M. Jean-François Mattei, qui partage complètement mon analyse, pour que nous essayions de régler ce dossier au plus vite.
Nous avons réfléchi à deux pistes possibles.
La première consisterait à majorer, dans les départements d'outre-mer, le montant de l'aide à la mutualisation et à faire en sorte que les personnes concernées soient couvertes par une bonne assurance complémentaire.
La seconde piste - je ne cache pas qu'elle a ma préférence - consisterait à relever, toujours dans les départements d'outre-mer, le plafond des ressources ouvrant droit à la CMU complémentaire. Cette proposition figure dans le projet de loi de programme actuellement soumis à l'arbitrage du Premier ministre.
Pour rester sur les problèmes de santé, je voudrais répondre à la fois à M. Loueckhote et à M. Laufoaulu sur la dette de l'agence de santé de Wallis-et-Futuna envers l'hôpital Gaston-Bourret de Nouméa du fait des évacuations sanitaires vers la Nouvelle-Calédonie. Cette dette est préoccupante, car elle grève le développement de l'agence de santé ; elle sera progressivement apurée dans le cadre d'un accord mutuel en cours de discussion entre l'agence de santé et l'hôpital Gaston-Bourret.
Je vous précise, à cette occasion, que le directeur de l'agence de santé doit prendre ses fonctions le 1er janvier prochain. J'espère donc que nous pourrons régler ce problème dans les meilleurs délais.
Vous avez également évoqué monsieur Laufoaulu, le problème des travaux publics à Wallis-et-Futuna. J'avais déjà été interrogée à l'Assemblée nationale sur cette question par M. Victor Brial, dans le cadre de la discussion budgétaire.
Depuis, la situation a progressé, et je suis intervenue de nouveau pour que le recrutement du chef du service des travaux publics à Wallis-et-Futuna avance. Je peux d'ailleurs vous annoncer que l'intéressé sera sur le territoire avant Noël. Il lui reviendra de prendre la mesure des moyens humains et budgétaires à la disposition de son service. S'il le juge nécessaire, il pourra proposer des ajustements en fonction des tâches et des chantiers à venir.
Je veillerai, avec mon collègue chargé de l'équipement, à ce que ses propositions soient étudiées avec l'attention qu'elles méritent.
J'en viens maintenant à Mayotte. Madame Gourault, vous avez bien voulu exprimer les préoccupations de votre collègue Marcel Henry, notamment sur certains fonds au profit de Mayotte.
Je précise que le décret ouvrant le droit au fonds de compensation pour la TVA aux communes de Mayotte est actuellement en cours de signature et devrait être publié d'ici à la fin de l'année. Il en est de même pour le décret fixant le fonctionnement du fonds de coopération régionale.
La mise en place du fonds mahorais de développement a pris du retard sous le gouvernement précédent, retard que nous nous sommes attachés à combler. Le décret organisant le fonctionnement de ce fonds a été signé par les ministres concernés et sera publié dans les tout prochains jours.
Quant au fonds d'intervention pour la sauvegarde, la transmission et la restructuration des activités commerciales et artisanales, le FISAC, outil majeur pour le développement local de l'artisanat, il fait actuellement l'objet d'une réforme. Un nouveau cadre juridique est prévu pour 2003. M. le Premier ministre a pris l'engagement de maintenir pour les trois années à venir la dotation de 71 millions d'euros, soit 3,9 millions d'euros de plus qu'en 2002. Je veillerai à ce que Mayotte puisse bénéficier de ces crédits dès 2003.
Enfin, vous avez insisté sur la nécessité pour Mayotte de bénéficier du statut de région ultrapériphérique. Je peux vous assurer que, sur ce sujet, le Gouvernement tout entier est mobilisé dans le cadre, notamment, des travaux de la Convention sur l'avenir de l'Europe pour que nous puissions obtenir de nos partenaires une modification de l'article 299-2 du traité d'Amsterdam. M. Jean-Paul Virapoullé, que j'ai chargé d'une mission sur l'application de cet article, nous y aide. Nous ferons tout pour que Mayotte puisse accéder au statut de région ultrapériphérique, et ainsi bénéficier des fonds structurels européens.
Monsieur Reux, j'aurai, dans quelques jours, l'occasion de me rendre dans votre bel archipel et je détaillerai, alors, mes réponses aux nombreuses questions que vous m'avez posées concernant Saint-Pierre-et-Miquelon.
La filière pêche est effectivement un sujet de préoccupation permanent. Vous savez, monsieur le sénateur, que j'ai déjà obtenu des résultats, dont une aide exceptionnelle à l'investissement au bénéfice des Nouvelles pêcheries. Nous travaillons actuellement à la mise en oeuvre d'une mesure d'urgence en faveur des petits pêcheurs artisans.
Pour l'avenir, afin de déterminer les potentialités en matière halieutique, je souhaite que soit réalisée le plus rapidement possible une étude exhaustive des ressources halieutiques de la zone économique de Saint-Pierre-et-Miquelon. Les discussions sont en cours entre mes services et les organismes compétents, dont l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer, l'IFREMER, afin d'élaborer un programme de travail.
Vous avez évoqué la situation financière des collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon : elle est effectivement préoccupante. Nous sommes en train d'analyser ces difficultés pour imaginer des solutions pérennes. J'estime, en effet, qu'une approche d'ensemble des finances locales est nécessaire et qu'il ne faut pas se limiter à des mesures ponctuelles.
S'agissant des perspectives d'exploitation d'hydrocarbures au large de Saint-Pierre-et-Miquelon, le Gouvernement a pleinement conscience de l'enjeu et c'est déterminés que nous menons, avec le Canada, des négociations, au demeurant difficiles, sur la répartition des retombées économiques à venir.
Je compte d'ailleurs, sur le chemin de Saint-Pierre-et-Miquelon, m'arrêter à Ottawa pour discuter avec le gouvernement canadien de ce dossier important pour l'économie et l'avenir de l'archipel.
Concernant Air Saint-Pierre et le coût des astreintes liées aux évacuations sanitaires, je voudrais préciser que le fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, le FIATA, qui est géré par le ministère chargé des transports, intervient pour compenser en totalité le déficit d'exploitation des liaisons internationales régulières vers le Canada.
Je terminerai avec un dossier un peu délicat : la diffusion de Radio France Outremer, RFO, au Canada. Il est vrai que cette diffusion est une bonne chose pour la francophonie, mais elle soulève un certain nombre de problèmes juridiques pour les ayants droit des programmes diffusés par Télé Saint-Pierre-et-Miquelon, problèmes que nous ne pouvons pas ignorer.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ces éléments de réponse ne constituent qu'une première étape de la politique ambitieuse que mènera le Gouvernement pour l'outre-mer, dans le strict respect des engagements pris par le Président de la République.
Je tiens à remercier vivement les rapporteurs de la qualité de leur analyse de projet de budget et à les assurer que je tiendrai le plus grand compte de leurs remarques.
Dans quelques jours, les assemblées locales d'outre-mer seront consultées sur le projet de loi de programme qui tracera pour quinze ans l'avenir économique et social de nos collectivités d'outre-mer. J'aurai le plaisir, avant l'été prochain, de défendre devant vous ce projet de loi de programme promis par le Président de la République. Je le ferai avec beaucoup de conviction, beaucoup de détermination et beaucoup d'enthousiasme aussi, car, au-delà de l'égalité économique, qui est un droit pour nos concitoyens d'outre-mer, il faut que, ensemble, nous puissions bâtir un vrai projet de société, où la participation etl'épanouissement de chacun sera la règle. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Serge Vinçon remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
vice-président

M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère de l'outre-mer et figurant aux états B et C.

ÉTAT B



M. le président. « Titre III : moins 462 726 euros. »
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il ne vous a pas échappé que la commission des finances n'a pas déposé d'amendement tendant à réduire les crédits de l'outre-mer. Il ne s'agit cependant pas d'un traitement de faveur : lorsque la commission se livre à un tel exercice, seuls les budgets régaliens sont sanctuarisés.
Cela ne signifie pas non plus qu'il ne soit pas possible de réaliser des économies sur le budget de l'outre-mer, qui, je le rappelle, augmente plus vite que le budget de l'Etat dans un contexte de rigueur budgétaire.
Pourquoi donc ne pas avoir présenté d'amendement de réduction ?
Il est apparu que, pour la préparation du budget de 2003, le ministère de l'outre-mer avait excellemment joué le jeu de la maîtrise des dépenses publiques en acceptant des réductions de certains crédits. Il nous a aussi semblé que les annulations de crédits prévues par le collectif budgétaire, à hauteur de 49 millions d'euros, constituaient déjà un signal important en faveur de la maîtrise des dépenses publiques.
La commission des finances considère que l'exemption dont bénéficie le ministère de l'outre-mer doit être interprétée comme une incitation à une gestion efficace en 2003, afin qu'il n'y ait plus de crédits non employés dans le budget de l'outre-mer, faute de quoi les dotations en lois de finances devraient être revues à la baisse. Je pense, madame la ministre, que vous partagez cette analyse.
La commission des finances a décidé, à la demande de son président, de procéder, à mi-année, à des auditions des ministres sur l'exécution de leur budget. C'est dans ce cadre que nous pourrons, madame la ministre, vérifier a posteriori l'utilisation des crédits inscrits au budget du ministère de l'outre-mer.
D'ici là, mes chers collègues, je vous appelle à nouveau à adopter les crédits qui vous sont présentés pour l'outre-mer. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. « Titre IV : 647 322 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C



M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 8 970 000 euros ;
« Crédits de paiement : 2 602 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 406 967 000 euros ;
« Crédits de paiement : 118 414 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernantl'outre-mer.

Affaires étrangères

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant les affaires étrangères.
Mes chers collègues, M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères, nous prie de bien vouloir excuser son absence : il est aujourd'hui à Berlin avec le Président de la République et le Chancelier Schröder.
Nous avons toutefois le plaisir d'accueillir au banc du Gouvernement M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, et M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères.
La parole est à M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour les affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, lors de l'examen du projet de budget du ministère des affaires étrangères pour 2002, j'avais dénoncé les impasses budgétaires, la diminution des crédits et le mauvais traitement réservé à un ministère régalien. Ces observations, partagées par mes éminents collègues de la commission des affaires étrangères, avaient conduit le Sénat à rejeter le budget, malgré la « tradition » républicaine qui consiste à voter ces crédits en période de cohabitation.
Mon analyse s'est malheureusement révélée exacte, puisque nous avons voté, dans le cadre de la loi de finances rectificative du 6 août 2002, des rallonges de crédits substantielles au profit du ministère des affaires étrangères.
Le budget du ministère des affaires étrangères pour 2002 a en revanche été une victime privilégiée de la régulation budgétaire. On ne peut évidemment pas se satisfaire d'un budget dans lequel l'autorisation du Parlement est bafouée parce que les prévisions de dépenses ne sont pas sincères et que les crédits votés ne peuvent pas être engagés.
La régulation budgétaire, dirait un bon auteur, est un mystère français destiné à répondre au vertige financier du présent.
Ses conséquences sont particulièrement néfastes pour les affaires étrangères. En effet, les projets de nos postes à l'étranger nécessitent un important travail de programmation. On ne peut pas, à la dernière minute, organiser une tournée du théâtre des Amandiers de Nanterre ou d'un corps de ballet aux Etats-Unis ou en Russie ! Des accords de coopération doivent être passés au préalable avec des partenaires locaux et, lorsque le gel « monarchique » intervient, ces projets sont bloqués alors que la France a donné sa parole, ce qui met les postes dans une situation particulièrement difficile. Fort heureusement, la parité entre l'euro et le dollar a évolué favorablement et le ministère des affaires étrangères a pu obtenir de Bercy une levée partielle du gel de ses crédits sans laquelle il eût été impossible à la plupart de nos postes à l'étranger de boucler la gestion de l'exercice.
En raison des missions qui sont les siennes, le ministère des affaires étrangères doit connaître précisément à l'avance les crédits dont il peut disposer pour l'ensemble de l'année. Il faut donc se féliciter de l'initiative du ministre délégué au budget, Alain Lambert, visant à annoncer très tôt dans l'année les crédits susceptibles d'être l'objet de mesures de régulation. C'est un pas dans la bonne direction, même s'il est insuffisant.
Il me fallait rappeler les principaux traits de l'exercice budgétaire en cours pour vous présenter le projet de budget qui nous est soumis. Celui-ci constitue, selon M. Dominique de Villepin, un budget de « sincérité » et de « transition » qui implique le choix du mouvement, et donc des trois exigences de la vérité, de la volonté et des résultats, exigences qu'il assigne à notre pays dans son dernier ouvrage.
C'est un budget de sincérité, car il vise à fixer les dotations en loi de finances initiale en fonction des prévisions de dépenses. Cet objectif se traduit par une hausse importante des crédits de paiement inscrits sur le fonds européen de développement et par une hausse, plus modérée cependant, des dotations consacrées aux contributions obligatoires et aux rémunérations des personnels.
Le projet de budget des affaires étrangères pour 2003 s'élève à 4,114 milliards d'euros, soit une hausse apparente de 13,3 %. Elle doit cependant être relativisée puisqu'elle n'est plus que de 5,6 % si on la compare à l'ensemble des crédits ouverts en 2002, y compris ceux de la loi de finances rectificative. Par ailleurs, si l'on considère l'évolution des moyens du ministère à périmètre constant sans prendre en compte la création des nouveaux contrats de désendettement-développement, qui sont dotés de 91 millions d'euros, la hausse réelle est inférieure à 3 %.
C'est un projet de budget de transistion qui vise à rétablir le cap par rapport aux années antérieures, mais cette opération ne peut s'effectuer d'un seul coup de barre - fût-il donné par Ellen Mac Arthur (Sourires) - dans le contexte budgétaire difficile que connaît notre pays.
Par conséquent, le ministère a dû établir deux priorités, qui ont été fixées par le Président de la République : la relance de notre aide publique au développement et l'amélioration des procédures d'instruction des demandes d'asile. Mon éminent collègue Michel Charasse, rapporteur spécial des crédits de l'aide publique au développement, vous en entretiendra avec infiniment de compétence.
La réforme des procédures d'asile implique, dès 2003, la création de soixante-six postes supplémentaires pour réduire les délais d'instruction des demandes et l'augmentation de près d'un quart de la subvention versée à l'Office français pour la protection des réfugiés et des apatrides, l'OFPRA.
L'accélération des procédures est indispensable, mais le problème de fond reste que notre système actuel fabrique des sans-papiers. Sur cent demandes d'asile, quatre-vingt-dix sont refusées, mais seules trois à quatre personnes sont expulsées. Les autres demandeurs ne répondent pas aux critères d'expulsion, se voient repoussés par leur pays d'origine ou, pour la plupart d'entre eux, disparaissent dans la nature. Par conséquent, la réforme annoncée par le Président de la République doit permettre d'enregistrer de réels progrès, mais l'accélération de l'examen des dossiers accroîtra, dans un premier temps, le nombre de sans-papiers si l'on ne rend pas plus efficace l'application des décisions de refus d'asile et si l'on n'améliore pas les contrôles aux frontières.
A titre d'exemple, l'aéroport de Roissy, qui constitue l'une des principales portes d'entrée des immigrants clandestins dans notre pays, a été aménagé dans une perspective commerciale et de confort des passagers. En revanche, il ne répond à aucune règle de sécurité. Lorsque l'on descend d'avion, il est très facile de disparaître quelques minutes dans les toilettes pour déchirer ses papiers et de se présenter au contrôle des frontières en prétendant ne pas connaître son nom. Ainsi, on est un demandeur d'asile supplémentaire.
Actuellement, l'aérogare de Roissy est comme le deuxième étage des Galeries Lafayette : on peut y faire tout ce qu'on veut, sauf être contrôlé ! Ce problème est grave. Si l'on veut régulariser les entrées et contrôler les flux migratoires, il faut mener une action coordonnée entre les ministères compétents.
Si l'OFPRA se voit doté de moyens supplémentaires, ce n'est pas le cas des services des visas, que le rapporteur de l'Assemblée nationale avait qualifiés, voilà deux ans, de « parents pauvres » du ministère des affaires étrangères. Des recrutements ont été effectués mais, compte tenu de la progression de la demande, le ministère évalue aujourd'hui à quatre-vingts personnes le déficit en emplois de ces services. Or le projet de budget prévoit cinquante-sept suppressions d'emplois. Par conséquent, les quatre-vingts emplois manquants devront être pourvus par redéploiement, et rien ne dit que ces personnes auront une qualification quelconque dans le domaine de l'instruction des demandes de visas. L'enjeu est de taille.
J'ai pu constater, à l'occasion de déplacements à l'étranger, combien les moyens en personnel de ces services étaient insuffisants. En effet, le nombre de dossiers qu'un agent peut traiter par an est évalué à 3 000, et à 2 500 dans les zones à fort risque migratoire. Or, entre 2000 et 2001, ce nombre est passé de 3 830 à 4 120, ce qui signifie que l'examen des demandes de visas est de plus en plus rapide et superficiel.
En outre, il est évident que les indispensables recrutés locaux travaillant dans ces services peuvent être soumis à de fortes, voire à de dangereuses pressions. Il est donc indispensable que les notifications de refus soient faites par des agents expatriés qui ne restent pas trop longtemps dans le pays.
Comme chaque année, je constate que les contributions volontaires aux organisations relevant des Nations unies servent de variable d'ajustement à notre budget et, comme chaque année, je déplore que la France occupe parmi les pays contributeurs un très médiocre douzième rang, ce qui n'est pas concevable de la part d'un membre permanent du Conseil de sécurité et réduit notre rôle dans de nombreux organismes de l'Organisation des Nations unies.
Dans d'autres domaines, le ministère des affaires étrangères est « au milieu du gué ». L'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE, extrêmement chère à tous mes collègues sénateurs des Français de l'étranger, présente une situation financière extrêmement inquiétante. Son fonds de réserve ne correspond plus qu'à six jours de fonctionnement et il lui faudra réaliser une économie de 6,4 millions d'euros au cours de l'exercice 2003. Le collectif de fin d'année prévoit une dotation de 4 millions d'euros, qui permettra d'augmenter quelque peu les ressources du fonds de roulement, mais qui ne règle pas le problème.
Les Français qui sont installés à l'étranger demandent pourtant instamment de pouvoir assurer à leurs enfants une scolarité dans un système éducatif français. C'est une priorité.
Nous envisageons, bien entendu, des économies. L'une d'elles consisterait à déconventionner les établissements à l'étranger où le nombre d'élèves francais est faible. En tout état de cause, il faut explorer de nouvelles pistes de financement, et des priorités très claires doivent être assignées à l'AEFE. La conclusion d'un contrat d'objectifs et de moyens permettrait peut-être de répondre à cette exigence, car, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, l'inquiétude sur l'avenir de l'AEFE est extrêmement forte.
Un autre volet de l'action du ministère est suspendu à des décisions qui doivent intervenir mais qui n'ont pas encore été définitivement arrêtées : il s'agit de l'audiovisuel extérieur. Les aides à la présence des chaînes françaises sur les bouquets satellitaires sont réduites en 2003 et seront supprimées en 2004, ce qui traduit l'échec de cette politique.
Quant aux autres acteurs de notre politique audiovisuelle extérieure, Radio France Internationale, Canal France International et TV5 ont été modernisés au cours des dernières années grâce, en particulier, aux investissements très importants qui ont été réalisés pour numériser leur production. Mais, dans l'immédiat, ces acteurs télévisuels ont pour public essentiel les communautés française et francophone.
Or, à travers l'avenir de l'audiovisuel extérieur, c'est la conception de la francophonie et du rayonnement culturel de notre pays qui est en jeu. Il s'agit de savoir si nous avons la volonté de toucher des publics non francophones, tels que ceux du Moyen-Orient ou d'Asie.
La création d'une chaîne internationale d'information en continu devrait faire l'objet d'une dotation de crédits en loi de finances rectificative. L'idée est excellente, mais il faudra prévoir des moyens importants. D'ailleurs, la situation décrite par le projet de budget qui nous est soumis est provisoire dans ce domaine, d'autant plus que la négociation engagée avec RFI pour conclure un contrat d'objectifs et de moyens a échoué.
Le recentrage des actions et du réseau du ministère des affaires étrangères est encouragé par la mise en oeuvre des dispositions de la loi organique relative aux lois de finances. Le ministère a d'ores et déjà engagé des réformes importantes, notamment en matière de comptabilité et de globalisation des crédits. Toutefois, je vous suggère, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, de mettre en oeuvre un véritable contrôle de gestion. Ce sera un progrès considérable, car les procédures actuelles ne sont ni efficaces ni efficientes. Les petites ambassades sont submergées par des paperasseries aussi incompréhensibles qu'inutiles et le montage des dossiers leur prend un temps considérable. Je pense, par exemple, au COCOP, le comité d'orientation, de coordination et de projets.
Il est par conséquent nécessaire d'adapter les contrôles et les exigences formelles aux enjeux financiers et aux moyens humains. C'est un gage d'efficacité de la dépense.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, je me permets également d'appeler votre attention, comme je l'ai fait dans mon rapport écrit, sur des domaines dans lesquels des progrès restent à faire ; c'est le cas en particulier de l'immobilier. L'insuffisante coordination des services et le formalisme des procédures sont la cause essentielle de très nombreux dysfonctionnements, notamment à Chypre. Je souligne également, mais mes collègues interviendront sur ce sujet, l'importance des bourses dans l'enseignement supérieur pour faire venir davantage d'étudiants étrangers dans les écoles et les universités de notre pays, ce qui implique l'amélioration de leur accueil.
Mes chers collègues, le ministre des affaires étrangères souhaite renforcer son rôle de synthèse et de coordination de l'action extérieure de la France. Je souscris pleinement à cet objectif pour avoir, hélas ! trop souvent constaté les effets désastreux de l'absence de cohérence et de cohésion des services dans nos postes à l'étranger. Cette révolution pacifique passe par un renforcement du rôle et de l'autorité de l'ambassadeur sur l'ensemble des services français présents à l'étranger.
A vouloir tout faire, on ne fait rien convenablement, surtout lorsque l'on ne dispose pas des moyens adéquats. Il faut fixer des priorités très claires à notre action extérieure.
Notre réseau à l'étranger est le plus important au monde après celui des Etats-Unis. Au cours des dernières années, il n'a subi que des évolutions « cosmétiques ». Or l'ampleur de ce réseau a un coût extraordinairement élevé, qui réduit d'autant les crédits d'intervention du ministère.
Monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, est-il réellement indispensable d'entretenir aujourd'hui six consulats en Allemagne, avec 315 expatriés dans l'ensemble des services administratifs français dans ce pays, alors que nous en avons trois fois moins en Chine et cinq fois moins en Pologne ? Est-il indispensable de conserver trois consulats en Belgique, avec un effectif de 45 personnes ? Je pourrais multiplier les exemples et citer encore notre consulat à Edimbourg...
Ne faudrait-il pas plutôt réduire notre réseau au sein de l'Union européenne pour renforcer notre présence dans les pays d'Europe centrale et orientale candidats à l'adhésion à l'Union européenne, en Chine et dans les pays émergents ?
En matière d'implantation de nos postes diplomatiques, le choix du mouvement doit être la règle, même si, selon mon auteur favori, « penser le destin français est une tâche redoutable ».
La volonté de rompre avec les mauvaises habitudes budgétaires du passé et l'espoir d'une plus grande cohérence de l'action extérieure de la France à l'avenir ont conduit la commission des finances, mes chers collègues, à proposer au Sénat l'adoption des crédits des affaires étrangères pour 2003. M. le ministre des affaires étrangères sait en effet que le temps est venu d'entendre le cri des mille gargouilles de Notre-Dame et il veut chasser sur ses terres d'élection : l'imagination, le courage, l'humilité, l'éthique, l'action. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, rapporteur spécial.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour l'aide au développement. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à la suite des attentats du 11 septembre 2001, le monde a commencé à porter une un peu plus grande attention aux pays en voie de développement et à la fracture économique Nord-Sud, perçue comme un des facteurs aggravants si ce n'est créateurs de la vague inédite de terrorisme à l'encontre de l'Occident.
Diverses crises, telles que la famine en Angola ou le conflit afghan, ainsi que d'importantes intiatives internationales - sommets de Monterrey et de Kananaskis, NEPAD africain, sommet de Johannesburg - ont alimenté la problématique du développement comme elles en ont souligné les cruelles défaillances.
Le contexte international est donc aujourd'hui plus favorable à l'aide au développement, mais la vigilance s'impose, car les intérêts sont encore divergents et les projets de partenariat Nord-Sud sont parfois plus conformes à la rhétorique qu'à une exigence de contenu réel.
La France a fait entendre sa voix et entend jouer un rôle moteur dans le soutien aux pays pauvres, mais tend surtout à passer aux actes - enfin ! dirions-nous à la commission des finances - en amorçant la reprise d'un effort important, ou en tout cas plus important, en faveur de l'aide publique au développement.
Au-delà des nouveaux moyens financiers, cependant, certaines orientations demeurent contestables et la stratégie de long terme mérite d'être affinée.
L'effort français d'aide publique au développement a connu une décennie de recul et a chuté de 0,42 % du PIB en 1996 à 0,31 % en 2000. Je voudrais d'ailleurs rappeler qu'à une époque où j'exerçais moi-même certaines responsabilités gouvernementales nous avions atteint 0,66 % ou 0,67 %.
Quant à l'aide agricole, qui inclut les apports nets de capitaux privés, sa diminution est encore plus marquée puisqu'elle est passée de 2 % du PIB en 1982 à moins de 0,6 % en 1999.
L'aide publique au développement, l'APD, tend ou commence à tendre aujourd'hui à se redresser et elle a fait cette année l'objet d'engagements présidentiels fermes. Elle devrait ainsi être relevée à 0,39 % du PIB en 2003, atteindre 0,5 % en 2005 et se conformer à l'objectif des Nations unies de 0,7 % d'ici à 2010. J'ajoute que les méthodes de calcul nous sont défavorables puisque un certain nombre d'aides spécifiques de coopération française n'entrent pas dans le calcul de l'APD, et je pense, en particulier, à la coopération militaire.
Il semble donc que la France prenne enfin la mesure de cette ardente obligation, mais l'ampleur de la tâche est immense et les inégalités tendent à s'accroître, particulièrement en Afrique, qui fait toujours figure de « continent oublié » de la croissance économique et est très affectée par la pandémie du sida.
Il faut également espérer que l'exécution bugétaire soit plus conforme aux prévisions qu'elle ne l'a été depuis deux ans, et plus particulièrement cette année. Si la régulation budgétaire demeure un mal nécessaire, particulièrement en ces temps de pénurie fiscale et d'atonie économique, il reste que la coopération et le développement font malheureusement trop souvent office de variable d'ajustement. Il faut dire que les affamés des pays que nous aidons ne défilent pas dans les cortèges à la Bastille, a fortiori en tête des cortèges...
Les perspectives budgétaires passablement dégradées pour 2003 imposent toutefois d'améliorer la gestion et d'accroître notablement par rapport à 2002 la consommation des crédits de certains chapitres. Il n'est en effet pas admissible que des gaspillages, chasses gardées et zones d'ombre perdurent, alors que les affaires étrangères et l'aide au développement bénéficient d'un traitement budgétaire favorable dans un contexte global très contraint.
J'attire donc votre attention, monsieur le ministre délégué, sur le fait qu'une gestion efficace de l'exécution des dépenses constitue une condition nécessaire pour que la régulation atteigne des proportions raisonnables et pour que la crédibilité budgétaire de l'action extérieure soit assurée.
La France, mes chers collègues, nous l'avions dit et répété en commission des finances, avait perdu sa position de leader de l'aide au développement au cours des années passées. Elle était ainsi en 2001 le cinquième donateur de l'OCDE en montant absolu - derrière le Royaume-Uni, qui a récemment entrepris un important effort en la matière - et le septième en part du PIB. Je rappelle que les Etats les plus généreux sont habituellement les pays scandinaves, qui sont les rares Etats à dépasser l'objectif des Nations unies de 0,7 %. La France n'a toutefois pas fait exception à la tendance globale à la diminution de l'aide au développement au sein du G7. Je ne le dis pas pour nous rassurer, mais nous n'étions donc pas, de ce point de vue, dans une situation isolée.
La baisse de l'aide française au cours de la décennie quatre-vingt-dix s'est portée essentiellement sur l'aide bilatérale, alors que les crédits alloués à l'aide multilatérale et en particulier européenne ont augmenté. Les crédits d'aide européens ont ainsi doublé entre 1996 et 2002.
Le projet de budget pour 2003 inverse heureusement cette tendance, avec une progression de 20,4 % de l'aide bilatérale et une diminution de 9 % de l'aide multilatérale, ce dont il faut se féliciter, car les crédits s'empilent à Bruxelles. C'est un drame permanent que Bruxelles ne fasse rien des moyens que lui donnent les Etats membres, en particulier la France, premier donateur !
L'aide au développement est une politique publique transversale par nature et les intervenants sont très nombreux ; l'aide est de ce fait dispersée. Outre les deux principaux chefs de file que sont les ministères des affaires étrangères et des finances, qui lui consacrent respectivement 1,9 milliard d'euros et 1 milliard d'euros de crédits budgétaires, une dizaine de ministères techniques apportent leur concours : l'éducation nationale, la recherche, qui subventionne abondamment certains organismes publics, l'agriculture, qui finance l'achat de l'aide alimentaire, et beaucoup d'autres ministères qui sont impliqués pour des montants en général réduits, à savoir l'intérieur, l'écologie, la culture, la santé, l'équipement, la justice et les sports.
Au total, ces ministères apportent une contribution de 295 millions d'euros, soit 9,3 % de l'ensemble des crédits budgétaires de l'APD.
Ces crédits budgétaires ne constituent pas l'effort global d'aide publique, puisque près de 46 % des crédits d'aide au développement ne transitent pas par le budget général mais par le prélèvement européen sur recettes, qui financent les affaires européennes, et des comptes spéciaux du Trésor, qui financent notamment les consolidations de dettes envers la France et une partie des ressources de l'Agence française de développement.
Il résulte de cette caractéristique et de la multiplicité des intervenants un manque réel de lisibilité et de cohérence, que la récente fusion des ministères des affaires étrangères et de la coopération n'a pas, bien au contraire, arrangé. En outre, les clés d'affectation des crédits d'aide au développement au sein de chaque chapitre budgétaire ne sont pas ou sont peu explicitées, ce qui permet finalement de faire en sorte que les chiffres correspondent aux priorités annoncées.
Principal opérateur en matière d'aide au développement, le Quai d'Orsay y consacre près de 46 % de ses crédits en 2003. Au sein des chapitres budgétaires, la répartition est cependant très variable.
La hausse des crédits du ministère des affaires étrangères affectés à la coopération et au développement est très importante puisqu'elle approche 25 %. Cette progression repose toutefois essentiellement sur des aides financières indirectes et sur l'impact bilatéral d'engagements multilatéraux plutôt que sur le soutien à la coopération technique et à l'aide-projet. Ainsi, les crédits de coopération militaire - ce qui, comme on dit en Auvergne, n'est peut-être pas très « finaud » dans la période actuelle - baissent de 10,3 %, étant précisé que la coopération militaire consiste à apporter une assistance technique aux armées étrangères, et non pas à fournir des troupes et des moyens à des pays étrangers.
Les crédits de coopération technique diminuent de 4 %, l'appui aux initiatives privées et décentralisées régresse de 2,3 % et la coopération audiovisuelle demeure stable.
Aussi, lorsque l'on considère l'aide publique dans son ensemble, on constate que les principaux facteurs de progression sont les suivants.
Les contrats de désendettement-développement, qui constituent une traduction française originale de l'initiative internationale pour les pays pauvres très endettés, sont dotés de 91 millions d'euros.
Une mesure de sincérité budgétaire - enfin ! monsieur le ministre délégué - en faveur du fonds européen de développement, dont la dotation avait été sous-estimée en loi de finances initiale pour 2002, est prise : le FED est ainsi d'emblée abondé à hauteur de 496 millions d'euros, contre 218 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2002.
La forte hausse des annulations et consolidations de dettes représente plus de 1,2 milliard d'euros de charge pour les comptes spéciaux du Trésor.
Bercy augmente ses versements aux fonds multilatéraux de développement, en particulier le fonds africain de développement et le fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose, auquel la France versera une première tranche de 50 millions d'euros, conformément aux engagements du précédent Premier ministre, après l'ouverture de 150 millions d'euros d'autorisations de programme cet été.
En outre, le fonds de solidarité prioritaire, le FSP, et l'Agence française de développement, l'AFD, qui sont les deux instruments majeurs de l'aide bilatérale, voient leurs autorisations de programme augmenter d'environ 25 % et leurs crédits de paiement reconduits.
Ces deux opérateurs manifestent toutefois des dysfonctionnements communs, tels que la lenteur extrême d'exécution de nombre de projets, l'impact sévère de gels massifs de crédits et une montée en puissance limitée des projets dans les nouveaux Etats de la zone de solidarité prioritaire.
Le processus décisionnel du FSP a été récemment rationnalisé et l'AFD s'est lancée - au printemps dernier, devrais-je préciser - dans une vaste réflexion sur sa stratégie et ses instruments financiers dans le but de promouvoir un positionnement plus sélectif et une maximisation de l'effet de levier, mais je tiens à dire que j'ai peu apprécié les orientations nouvelles quand elles m'ont été présentées - elles ne sont pas encore arrêtées - car l'Agence n'avait rien inventé de mieux que de se retirer progressivement des pays les plus pauvres, ce qui n'était pas vraiment très astucieux !
M. de Villepin et vous-même, monsieur le ministre délégué, avez récemment fait état de l'intention du Gouvernement d'orienter l'aide française prioritairement sur l'Afrique, contrairement donc à ce que voulait imposer l'AFD. Je me félicite de cette meilleure prise en compte des plus nécessiteux, tant il est vrai que la période récente avait été marquée par une certaine dispersion de l'aide. En 2001, les pays les moins avancés ne recevaient en effet que 28 % de l'aide française et l'Afrique subsaharienne 38 %. La programmation géographique de la direction générale de la coopération internationale et du développement, la DGCID, traduit cependant dès 2002 un redéploiement certain, que je tiens à souligner, sur le continent africain.
En revanche, la répartition sectorielle me paraît beaucoup plus critiquable, puisque 46 % des crédits de la DGCID sont consacrés à la coopération artistique et culturelle, et 17 % à la coopération audiovisuelle, secteurs qui, jusqu'à nouvel ordre, n'ont jamais contribué à apporter un grain de riz dans la gamelle de l'Africain ! Je sais bien que « qui dort dîne » et que l'on peut dormir devant la télévision, mais il y a des limites !
Mme Danièle Pourtaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour les relations culturelles extérieurs. Pas du tout !
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. A cet égard, je considère que le projet de création d'une chaîne d'informations dans les pays arabes doit être l'occasion de rationaliser notre offre audiovisuelle et de mettre fin à certains doublons avant qu'ils ne deviennent des « triplons ». Je veux parler de TV5 et Canal France International, dont nous aurons l'occasion de reparler un peu plus tard.
Mme Danièle Pourtaud, rapporteur pour avis. Oh là là !
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. C'est la Cour des comptes qui le dit !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour les relations culturelles extérieures et la francophonie. Le rapport de la Cour des comptes n'est pas la Bible !
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Quand la Cour des comptes dit quelque chose qui vous convient, vous dites que c'est bien, et, quand elle dit quelque chose qui ne vous convient pas, vous dites que c'est mal ! La Cour des comptes, c'est la Cour des comptes, et je n'ai rien inventé ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Je n'ai jamais été très convaincu, lors de mes voyages en Afrique, par les diffusions de ces chaînes de télévision, notamment CFI. (Mmes Danièle Pourtaud et Monique Cerisier-ben Guiga protestent.)
Au sein de l'aide multilatérale, à présent, il convient de prêter une attention particulière au canal communautaire, et plus particulièrement à l'activité du fonds européen de développement, le FED, ou plutôt à son absence d'activité.
J'ai par le passé souligné à maintes reprises l'inefficacité chronique de ce fonds, la rigueur excessive de ses procédures et la sous-consommation dramatique des crédits.
La situation s'est quelque peu améliorée en 2001 puisque le taux de décaissement pour le huitième FED est à présent de 36 % et qu'une réforme des procédures et structures de l'aide européenne dans son ensemble a été initiée. Néanmoins, le montant de la trésorerie du FED a encore augmenté de 40 % et le montant des restes à liquider, qui sont donc des crédits dormants, approche les 8,5 milliards d'euros.
Cette situation a deux inconvénients majeurs.
D'une part, l'ampleur des versements au FED, dont la France est, avec 25 %, le premier contributeur, réduit les marges de manoeuvre de l'action bilatérale française au profit d'une aide apatride, alors même que Bruxelles est déjà influencé par les positions des donneurs scandinaves et anglo-saxons.
D'autre part, cette contribution serait plus admissible si la preuve de l'impact sur le terrain de l'aide européenne avait été faite. Or nous sommes loin du compte et l'action européenne demeure invisible pour les pays les plus pauvres. Je l'ai moi-même constaté sur le terrain à de très nombreuses reprises.
Le FED fait donc aujourd'hui figure de vaste caisse d'épargne et de parodie de politique communautaire. Dans ces conditions, il paraît indispensable - Jacques Chaumont et moi-même l'avons dit maintes fois aux autorités françaises, notamment au Président de la République - que la France, premier contributeur, accentue la pression sur la Commission et réclame une obligation de résultat au FED.
A défaut, le Gouvernement devra hausser le ton et provoquer un vrai débat, fût-il douloureux, sur l'aide européenne au développement.
En attendant une vraie amélioration de l'utilisation du FED, je suggère que soit pérennisée la formule qui a été mise en place dans le collectif de cette année. Il s'agirait d'affecter à la coopération bilatérale la part des versements de la France au FED qui n'aura pas été consommée en fin d'exercice, plutôt que d'avoir des crédits dormants.
Je souhaiterais enfin évoquer les carences de la modernisation de nos structures d'aide au développement. Sur un plan budgétaire, la fusion des deux ministères des affaires étrangères et de la coopération a induit un réel manque de lisibilité qui ne facilite pas le contrôle parlementaire - c'est le moins que l'on puisse dire - et les indicateurs et objectifs du ministère des affaires étrangères se montrent encore très parcellaires et trop axés sur l'efficience plutôt que sur l'efficacité de l'utilisation des crédits.
Sur un plan organisationnel, la nouvelle direction générale mise en place en 2000, quelle que soit la qualité de ceux qui l'ont dirigée ou qui la dirigent, fait parfois figure de « monstre » administratif difficilement gérable et exerce un contrôle moins approfondi de son action sur le terrain. Au niveau local, l'ambassadeur ne dispose pas de l'autorité fonctionnelle et de la responsabilité budgétaire propres à assurer une bonne coordination entre les multiples intervenants des ministères.
Pour conclure, je reviens sur les principales caractéristiques de ce budget et sur mes propositions, qui sont celles, d'ailleurs, de la commission des finances.
Au chapitre des points positifs figurent le relèvement important de l'effort français d'aide au développement, les engagements pris sur le long terme et un effort de sincérité budgétaire.
De même, le recentrage au profit de l'Afrique et l'augmentation de l'aide bilatérale constituent des motifs de satisfaction.
En revanche, l'inefficacité persistante de l'aide communautaire, le soutien insuffisant à la coopération technique et militaire, les incertitudes entourant l'aide-projet et l'inachèvement de la modernisation des structures contribuent à nuancer fortement cette appréciation.
La commission des finances suggère de pérenniser l'aide-projet par une stratégie claire, car il s'agit de l'aide la plus visible pour les populations, et de rationaliser l'organisation de l'aide alimentaire par un regroupement, au sein du budget des affaires étrangères, des lignes afférentes au financement de l'achat et du transport des denrées. J'ajoute que l'on pourrait en outre s'assurer de temps en temps que lesdites denrées arrivent, qu'elles ne sont pas volées dans les ports au moment du débarquement ou qu'elles ne disparaissent pas - mais pas pour tout le monde ! - quelque part en mer ! Nous pourrions réaliser ainsi quelques économies budgétaires...
La commission des finances suggère encore de renforcer la coordination financière exercée par les ambassadeurs, qui doivent être les uniques ordonnateurs secondaires de l'action extérieure de la France, comme les préfets dans les départements, et de doter les ambassades d'un secrétaire général, comme dans les préfectures, pour assurer l'administration.
La commission des finances propose enfin qu'un véritable programme de « coopération et aide au développement » soit défini dans le cadre d'une mission, éventuellement interministérielle, sur l'action extérieure de la France, servie par des indicateurs synthétiques et cohérents. La loi organique du 1er août 2001 devrait à cet égard être un levier utile de modernisation du fonctionnement du Quai d'Orsay.
C'était bien, je le signale au passage, l'une des intentions des commissions des finances du Sénat et de l'Assemblée nationale, comme des deux coauteurs de la loi organique que sont Didier Migaud à l'Assemblée nationale et Alain Lambert dans cette assemblée.
Mes chers collègues, sous le bénéfice de ces observations, et comme M. Jacques Chaumont l'a fait voilà un instant, je vous propose, au nom de la commission des finances, de voter le projet de budget de l'aide au développement, ce qui recouvre non seulement les crédits consacrés à l'aide au développement du budget des affaires étrangères que nous examinons en cet instant, mais aussi l'ensemble des crédits d'aide au développement inscrits dans les autres budgets ministériels, dont j'ai donné la liste tout à l'heure et sur lesquels la commission des finances a aussi émis un avis favorable.
J'abuserai encore un instant de mon temps de parole, monsieur le président, pour féliciter notre collègue Jacques Pelletier, qui vient d'être nommé président du Haut Conseil de la coopération internationale. (Applaudissements.)
J'ai siégé dans cet organisme. Jusqu'à présent, il ne servait à rien et j'avais proposé sa suppression. (Rires.) Cette année, je me retiendrai, et j'espère que, l'année prochaine, je n'aurai qu'à me féliciter de cette retenue ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Monsieur Pelletier, nous nous associons aux compliments de M. le rapporteur spécial !
M. Jacques Pelletier. Je vous remercie !
M. le président. La parole est à M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis.
M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour les affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il est difficile, après que des orateurs aussi éminents que les rapporteurs spéciaux de la commission des finances sont intervenus, d'apporter des éléments nouveaux sur le projet de budget du ministère des affaires étrangères. Tout a été dit, et je limiterai donc mon propos à trois remarques.
Tout d'abord, le projet de budget qui nous est présenté se révèle meilleur que celui de l'an passé. Si, effectivement, l'augmentation de plus de 13 % des crédits est le résultat de changements de périmètre, la hausse, sans ces modifications, est supérieure à 3,5 %. Rappelons que, en 2001, la progression du budget était inférieure à l'inflation.
Ensuite, cette augmentation permet d'accroître la part des crédits du ministère des affaires étrangères dans l'action extérieure de la France et dans le budget de l'Etat. Le rôle du Quai d'Orsay en matière de pilotage interministériel des affaires étrangères en est conforté.
Mes chers collègues, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées soutient cette évolution et appuie la volonté du ministre des affaires étrangères d'engager une réflexion approfondie sur le rôle interministériel du Quai d'Orsay et sur les implantations françaises à l'étranger.
En effet, il n'est pas normal que chaque ministère développe, sans coordination ou presque, son implantation extérieure. L'ambassadeur, à l'instar du préfet dans le département, doit voir son autorité affirmée à l'étranger, sur les services consulaires comme sur la chancellerie, ainsi que sur les services des autres départements ministériels.
Monsieur le ministre, j'appelle votre attention sur ce dernier point, sur lequel la commission des affaires étrangères, unanime et fortement appuyée par l'ensemble des membres de la commission des finances, a insisté cette année de façon particulière. Je crois donc qu'il mérite d'être pris en compte, et nous serons attentifs, au cours de l'année à venir, aux progrès qui, nous l'espérons, seront enregistrés dans ce domaine.
Enfin, comme l'a souligné M. Jacques Chaumont, les implantations françaises à l'étranger doivent être réexaminées et repensées.
Trop souvent, nous avons déploré que le réseau n'évoluait pas suffisamment, et toujours selon une logique comptable : pour ouvrir quelque part, il fallait impérativement fermer ailleurs. Il faut aujourd'hui nous engager dans une réflexion approfondie et courageuse. Le travail diplomatique au sein de l'Europe a changé, tout le monde le constate : tirons-en les conséquences.
De même, l'harmonisation des conditions de vie doit conduire à une conception différente de la protection consulaire pour nos ressortissants. C'est là aussi un point qui a été fortement mis en exergue.
Plus largement, la coordination régionale ou thématique de l'action de nos postes bilatéraux est devenue un impératif. Pourrez-vous nous confirmer, messieurs les membres du Gouvernement, l'échéancier de ces réflexions ? Le Parlement en aura-t-il bien la primeur ?
Je terminerai mon propos par deux questions relatives à la gestion des personnels et à la préparation de la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF.
Selon le rapport de la Cour des comptes sur l'exécution budgétaire en 2001 - M. Michel Charasse y a fait référence tout à l'heure -,...
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Il faut le faire avec prudence ! (Sourires.)
M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis. ... le ministère des affaires étrangères emploierait de 20 000 à 25 000 personnes, ce qui représente plus du double des emplois budgétaires inscrits au « bleu ».
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Il y a des contractuels !
M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis. Je m'inquiète donc, et je ne suis pas le seul, de la manière dont cette situation sera clarifiée lorsque le ministère devra, conformément à la loi organique relative aux lois de finances, indiquer les effectifs nécessaires à la réalisation de tel ou tel programme ou mission.
Par ailleurs, le ministère a procédé à la fusion des crédits de rémunération des personnels recrutés localement avec les crédits de fonctionnement à l'étranger. Une fois la loi organique entrée en vigueur, recourir à une telle solution ne sera plus possible, et je voudrais donc savoir quelles mesures il est envisagé de prendre pour remédier à cette siuation.
En conclusion, parce que ce projet de budget constitue une évolution positive, permet une clarification, assure une mise à niveau des crédits et prépare des décisions importantes en ce qui concerne le réseau et le rôle interministériel des affaires étrangères, la commission vous propose, mes chers collègues, d'approuver les crédits du ministère des affaires étrangères pour 2003. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour les relations culturelles extérieures et la francophonie. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je comptais consacrer le temps de parole qui m'est imparti à la seule situation financière de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE, mais je ne peux laisser passer sans réagir ce que j'ai entendu dire à propos de notre audiovisuel extérieur, qui constitue tout de même une remarquable réussite. Il ne faut pas oublier que TV5 est reçue par 130 millions de foyers dans le monde, qu'elle est relayée par quarante et un satellites et 6 000 réseaux câblés. Actuellement, huit émissions différentes sont diffusées simultanément, les programmes étant adaptés aux fuseaux horaires et un sous-titrage étant possible en huit langues. Ce n'est pas rien ! On ne peut pas dire que notre audiovisuel extérieur ne vaut rien ! (Mme Hélène Luc approuve.)
M. Jean Chérioux. Le rapport !
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Ce n'est pas TV5 qui est en cause, c'est CFI !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis. On ne peut pas prendre en considération les avis d'une Cour des comptes qui a rédigé un rapport entièrement fondé sur une comparaison implicite et permanente avec la BBC. Nous n'avons pas la BBC, nous ne l'aurons jamais !
M. Jean Chérioux. Le rapport !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis. La BBC a quatre-vingts ans d'âge et dispose d'un budget de 5,1 milliards d'euros, une fois et demie supérieur à celui de l'ensemble de notre audiovisuel extérieur. Elle compte 24 000 salariés et, produisant elle-même ses programmes, elle a donc la maîtrise des droits, ce qui n'est pas notre cas. Par conséquent, cessons d'écouter une Cour des comptes peuplée de gens peut-être très intelligents mais qui établissent des rapports sur l'audiovisuel extérieur sans y connaître grand-chose ! (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants. - Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. C'est noté ! La prochaine fois que la Cour des comptes dira quelque chose qui vous arrangera, je penserai à vous le rappeler !
Mme Hélène Luc. Mme Cerisier-ben Guiga a raison !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis. J'en viens maintenant à la situation de l'AEFE, qui a été créée voilà douze ans.
Ses réussites, indéniables - il faut les garder présentes à l'esprit et ne pas sombrer dans le catastrophisme en cas de difficultés budgétaires, même si elles sont nombreuses -, tiennent, pour l'essentiel, à la cohérence acquise et maintenue d'un dispositif de près de 300 écoles réparties dans 125 pays, doté de plus de 6 000 fonctionnaires et d'autant de personnels enseignants, administratifs et de service recrutés localement.
Elles tiennent aussi à la progression régulière des effectifs scolarisés, passés de 144 000 en 1990 à 159 000 aujourd'hui, ainsi qu'à la coexistence, en leur sein, d'élèves français - 44 % du total aujourd'hui, contre un tiers en 1990 - et d'élèves étrangers, de nationalité, très diverses.
Elles tiennent enfin à des résultats excellents à tous les examens. De ce fait, le baccalauréat français obtenu à l'étranger ouvre les portes des meilleures universités françaises et étrangères. Il permet ainsi, dans bien des universités américaines, d'entrer directement en deuxième, voire en troisième année, ce qui n'est pas négligeable.
Ces succès sont obtenus dans le cadre d'une gestion du réseau marquée par une grande économie, puisque 0,7 % seulement du budget est affecté au fonctionnement du siège et que pas un seul poste de fonctionnaire n'a été créé en douze ans, alors que l'effectif accueilli s'est accru de 13 000 élèves.
Toutefois, cet ensemble est fragilisé, depuis l'origine, par un sous-financement constant, qui est aggravé par la structure du budget, composé à 82 % de salaires - un réseau d'écoles doit rémunérer ses enseignants ! -, sur lesquels se répercutent les mesures prises pour l'ensemble de la fonction publique.
Ainsi, l'augmentation de 0,7 % du point d'indice à compter du 1er décembre coûtera 1,5 million d'euros en année pleine à l'Agence, dont le budget s'élève à 420 millions d'euros.
Alors qu'une participation croissante est demandée aux familles pour financer les frais de scolarité de leurs enfants, le budget de l'Agence stagne, avec une hausse moyenne annuelle de 2,17 % depuis 1995, qui ne couvre pas l'inflation cumulée et des effets change-prix souvent défavorables.
La situation de l'Agence est aujourd'hui difficile, cette dernière ayant dû effectuer en 2002 une forte ponction sur son fonds de roulement pour équilibrer son budget, ce qui fait que ce fonds de roulement ne représente plus qu'environ une semaine d'activité. Rappelons que, avant les premières ponctions opérées par le ministère des finances en 1994, l'AEFE avait constitué un fonds de roulement représentant près de trois mois d'activité. Ce sont nous, parents d'élèves, qui avions contribué à la constitution de ce fonds de roulement, mais le ministère des finances l'a ponctionné à partir de 1994.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Il ne faut jamais laisser dormir des tas de noisettes ! (Sourires.)
Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis. Certes, mais c'est quand même nous qui avions constitué ce fonds !
Aujourd'hui, le point de rupture est atteint, avec l'inscription dans le projet de budget d'une économie de 6,4 millions d'euros, au titre d'une rationalisation du réseau dont le contenu reste indéterminé. Cet abattement budgétaire correspond à la suppression d'au moins cent postes d'enseignant titulaire ou au déconventionnement forcé de nombreux établissements.
C'est pourquoi, à la suite de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, la commission des affaires étrangères du Sénat a adopté un amendement relatif à cette question. Il ne sera pas présenté en séance, puisque nous savons très bien que le règlement nous interdit de le faire, mais il visait en fait à soutenir le ministère des affaires étrangères dans ses négociations avec le ministère chargé du budget.
La commission des affaires étrangères considère que, au regard du budget global de l'Etat, cette économie est dérisoire, mais qu'elle aura un effet disproportionné sur les capacités de l'AEFE à remplir sa mission.
Par conséquent, je vous demande instamment, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, au nom de l'ensemble des membres de la commission que je représente ici, de nous exposer, d'une part, les motifs de cette pseudo-économie de 6,4 millions d'euros, et, d'autre part, les dispositions que vous envisagez de prendre pour réduire ses effets néfastes.
Sous ces réserves, la commission des affaires étrangères a donné un avis favorable à l'adoption des crédits des relations culturelles pour 2003. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis.
Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour l'aide au développement. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la part dévolue à l'aide au développement au sein du budget des affaires étrangères semble connaître, cette année, un début de redressement, conforme aux engagements pris par le Président de la République de ramener le montant de cette aide financière à un niveau plus proche des besoins et des attentes de nos partenaires.
L'aide française au développement, passée, ces dernières années, au second plan des priorités, devait afficher des ambitions claires dans un climat international profondément changeant, dont l'instabilité se nourrit, ne l'oublions pas, des inégalités de développement. Défaitisme et indifférence ne sont donc plus de mise.
Dans ce contexte, les orientations dessinées par ce projet de budget me paraissent positives à plusieurs égards, même si, au vu des événements récents, des motifs d'inquiétude persistent.
Le volume de notre aide est certes en augmentation, sous l'effet notamment de l'effort consacré à la question difficile du traitement de la dette. Mais cet effort était indispensable, alors qu'un continent entier demeure à l'écart des flux de financement internationaux.
La part bilatérale de notre aide voit son érosion enfin enrayée, sur fond d'augmentation générale des crédits. Les autorisations de programme dévolues au fonds de solidarité prioritaire et à l'Agence française de développement progressent, et c'est heureux car la diminution des crédits enregistrée ces dernières années ne permettait plus à la France d'honorer ses engagements sur le terrain, au risque d'une réelle perte de crédibilité. Ce redressement, assorti d'une stabilisation des effectifs de notre assistance technique, qui n'avaient cessé de décroître depuis la mise en oeuvre de la réforme de notre outil de coopération, était indispensable. Il devra être confirmé.
Les priorités de notre action apparaissent plus clairement, même si l'évolution du périmètre de notre zone de solidarité prioritaire, ou ZSP, est modeste. La ZSP doit permettre une plus grande concentration de l'aide là où elle est le plus nécessaire, c'est-à-dire dans les pays les moins avancés d'Afrique subsaharienne, où l'aggravation de la pauvreté constitue un véritable défi, ainsi que dans les pays partenaires incontournables de la France - je pense particulièrement ici aux pays du Maghreb.
Aussi, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, mon intervention d'aujourd'hui est-elle, sur les points évoqués, à l'opposé de celle de l'année dernière. La commission des affaires étrangères s'en félicite, mais, sur certains points, ce projet de budget me paraît perfectible. J'évoquerai plus particulièrement, à cet égard, trois sujets.
Le premier concerne directement notre travail de parlementaires. Les crédits consacrés à l'aide au développement restent très peu lisibles, tout comme, d'ailleurs, ceux qui sont alloués aux relations culturelles, auxquels ils sont souvent mêlés. Pourtant, chacun s'accorde sur le fait qu'il s'agit de deux budgets tout à fait différents. Pourquoi, dès lors, ne pas identifier plus clairement chaque dotation ?
Mon deuxième sujet de préoccupation tient à la part croissante de notre aide dévolue au canal européen.
La réforme entamée sous présidence française commence à porter ses fruits, mais les décaissements sont encore beaucoup trop lents, les procédures d'instruction anormalement longues et l'efficacité globale nettement insuffisante. La pertinence d'une aide européenne au développement n'est pas en cause, mais notre pays ne peut accepter, devant des besoins immenses et urgents, que des crédits considérables restent dormants. L'absence d'évolution dans ce domaine ne pourrait qu'affecter la confiance de nos concitoyens quant à l'efficacité, et donc à la nécessité, d'une aide aux pays les plus pauvres.
Mon troisième sujet de préoccupation, qui est même un sujet de profonde inquiétude, concerne la baisse, poursuivie cette année, des crédits de coopération militaire, et ce pour tous les postes. Ces crédits diminuent depuis plus de six ans et, avec eux, le nombre de coopérants militaires, le nombre de stagiaires étrangers et notre assistance aux organisations régionales. La réduction constatée des crédits inscrits au budget des affaires étrangères n'est pas compensée par l'effort, pourtant remarquable en qualité, effectué sur le terrain par le ministère de la défense.
Cette diminution des crédits, dans le contexte d'instabilité que connaît l'Afrique, où les organisations régionales ne sont manifestement pas en mesure de prendre le relais, ne paraît absolument pas raisonnable. On peut d'ailleurs se demander si les événements de Centrafrique se seraient produits si nos deux bases militaires, remarquables et performantes, n'avaient pas été brutalement supprimées en 1998 et transférées aux troupes centrafricaines.
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la francophonie. Très juste !
Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis. A la lumière des événements récents, il est évident que tant la consolidation de l'Etat de droit que la professionnalisation des armées locales ne sont pas encore des acquis suffisants pour rendre possible un désengagement de notre pays en Afrique.
Tels sont, monsieur le président, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les bémols que je souhaitais apporter aux appréciations, par ailleurs tout à fait positives, de la commission des affaires étrangères sur ce projet de budget.
L'effort budgétaire n'illustre pas à lui seul la contribution française à l'aide au développement, mais il est essentiel pour que nos intervenants, sur le terrain, puissent retrouver l'enthousiasme et le souffle dont ils étaient porteurs. Notre pays s'est donné des objectifs ambitieux, à la mesure des attentes dont il est l'objet. Dans la logique de partenariat qui est la nôtre, l'utilisation des crédits alloués à l'aide au développement engage particulièrement notre responsabilité. Ces dépenses publiques ayant pour corollaire un impératif d'efficacité, nous avons la double obligation d'être les garants de cette exigence et, surtout, de ne pas décevoir. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Danièle Pourtaud, rapporteur pour avis.
Mme Danièle Pourtaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour les relations culturelles extérieures. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il est particulièrement difficile d'évaluer avec précision l'effort budgétaire de l'Etat en matière de relations culturelles extérieures.
En effet, la rationalisation des structures ministérielles, qui s'est concrétisée par la création de la direction générale de la coopération internationale et du développement, la DGCID, ne s'est malheureusement pas traduite par la clarification de la présentation des crédits alloués aux actions culturelles de la France à l'étranger.
En dépit de ces difficultés, il reste néanmoins possible de distinguer les principales actions destinées à favoriser le rayonnement culturel de notre pays à travers le monde.
S'agissant de l'enseignement français, je tiens d'abord à souligner les excellents résultats obtenus par le réseau de nos établissements scolaires à l'étranger.
Ce réseau a ainsi accueilli près de 160 000 élèves en 2002. En dix ans, ce sont plus de 8 000 élèves supplémentaires qui se sont ainsi inscrits dans nos établissements.
Cette progression des effectifs s'accompagne de la forte augmentation du nombre d'élèves français étudiant dans les établissements du réseau et bénéficiant d'une bourse. Entre 2000 et 2002, ce nombre a progressé de 13 %, pour atteindre aujourd'hui plus de 18 500.
A titre personnel, je crois qu'il conviendrait néanmoins, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'on se préoccupe non seulement du sort des élèves français, mais également de celui des élèves nationaux de ces établissements. Il serait en effet souhaitable de limiter la progression des droits d'inscription, ou que ces élèves bénéficient, eux aussi, de bourses. Car on ne peut pas faire subir à ces élèves et à leurs familles l'augmentation régulière et non négligeable des frais d'écolage des établissements du réseau tout en déplorant le départ des élèves vers des établissement anglophones.
La commission se félicite, par ailleurs, de la progression des crédits alloués à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE. Ceux-ci progressent de 6 %, pour atteindre 335 millions d'euros en 2003.
Il paraît néanmoins nécessaire de rappeler que cet effort financier reste insuffisant : l'AEFE sera confrontée l'année prochaine à un besoin de financement de 6 millions d'euros. Face à cette situation, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous nous dire comment sera assuré le financement de l'Agence pour l'année à venir ?
S'agissant de l'action audiovisuelle extérieure, on peut regretter que les subventions allouées aux opérateurs diminuent de 1,9 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2002. Et je crains que ce ne soit même pis à la fin de cette séance !
Certains d'entre eux bénéficieront cependant de mesures nouvelles.
C'est le cas à la fois de RFI, dont la subvention augmente de 1 %, et de TV5, qui bénéficie d'une mesure nouvelle de 2,15 millions d'euros. Votre rapporteur ne peut que se féliciter de cette progression, qui consacre le travail effectué par la chaîne au cours des dernières années. En effet, reçue dans cint vingt-cinq pays sur les cinq continents par 132 millions de foyers, soit plus que BBC World et que CNN International, TV5, qui a régionalisé ses programmes, recruté de grandes signatures et donné la priorité à l'information, est devenue une chaîne mondiale de référence, dont la France détient six neuvièmes du capital et fournit plus de 66 % des programmes.
J'ajouterai que les séquences d'information diffusées à heures fixes sont désormais réalisées à Paris et que la relance de TV5 Etats-Unis semble sur le point de réussir.
Je tiens néanmoins à rappeler que les 2,15 millions d'euros de crédits supplémentaires accordés à la chaîne seront insuffisants pour financer deux des priorités du plan stratégique 2002-2005. En effet, l'effort financier nécessaire pour permettre d'augmenter le volume de programmes sous-titrés et d'introduire de nouvelles langues telles que le russe et le chinois a été évalué à 10 millions d'euros par an. De même, l'objectif consistant à faire de l'information sur TV5 une référence mondiale nécessiterait 5 millions d'euros supplémentaires.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, alors que les modalités exactes du projet de chaîne d'informations internationale ne sont, semble-t-il, toujours pas arrêtées, pourquoi, au lieu de se lancer dans la création ex nihilo d'une chaîne qui nécessiterait au moins 100 millions d'euros d'investissements, ne pas miser sur l'existant et garantir à TV5 les moyens financiers indispensables à son développement ?
Pour ces raisons, j'émets personnellement quelques réserves à l'égard de ce budget. Néanmoins, la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits des relations culturelles extérieures pour 2003. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis.
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la francophonie. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en tant que rapporteur, j'ai pour mission de donner un avis sur les crédits du ministère chargé de la francophonie. Mais ces crédits sont loin de rendre compte de l'effort français en ce domaine.
Ainsi, depuis 1987, sur l'initiative de notre regretté collègue Maurice Schumann, le Gouvernement présente, en annexe de la loi de finances, un état des crédits concourant au développement de la langue française et à la défense de la francophonie.
Ces crédits s'élèvent, pour 2003, à 883,25 millions d'euros, contre 873,52 millions d'euros en 2002, soit une hausse d'un peu plus de 1 %.
Même si d'autres ministères - culture, éducation, recherche - apportent leur contribution à l'action internationale en faveur de la francophonie, celle-ci relève, pour plus de 90 %, du ministère des affaires étrangères, et plus particulièrement de deux services. Le premier, c'est la DGCID, et notamment sa sous-direction du français - notre collègue Mme Pourtaud vient d'en rendre compte. Le second, c'est le service des affaires francophones, qui est, lui, chargé de l'action multilatérale en faveur de la francophonie. C'est lui qui prépare et suit les instances politiques de la francophonie et ses « opérateurs ». Il est en particulier chargé de l'appui aux associations, pour lesquelles son enveloppe de crédits est identique à celle de l'an dernier.
Quant au financement des opérateurs - Agence internationale de la francophonie, Agence universitaire de la francophonie, Association internationale des maires francophones et Université Senghor -, il s'effectue par versements au Fonds multilatéral unique, qui regroupe les contributions des différents membres de la francophonie, par les chefs d'Etat.
Au sommet de Beyrouth, le chef de l'Etat s'est engagé à augmenter le concours de la France à l'occasion du projet de loi de finances rectificative pour 2002.
D'ores et déjà, la France, tous apports confondus, est de loin le premier bailleur de la francophonie, puisqu'elle finance 62 % de l'Agence internationale de la francophonie, 89 % de l'Agence universitaire de la francophonie, 98 % de l'Association internationale des maires francophones et 80 % de l'Université Senghor. Elle finance aussi, on vient de le rappeler, l'essentiel de TV5.
Cet effort financier important est-il justifié ?
Le sommet de Beyrouth nous permet de répondre oui. Il a été un succès. Il démontre que la francophonie est bien une dimension majeure de la politique étrangère de la France. Quoi de plus symbolique que de réunir un sommet en pays arabe, à Beyrouth, sur une ligne de fracture du monde ? Quoi de plus réconfortant que de voir que ce sommet a attiré cinquante-cinq pays et qu'il traitait de thèmes qui sont des thèmes de fond et des thèmes d'actualité : la défense du multilinguisme et de la diversité culturelle, le dialogue des cultures et le refus de la guerre des civilisations dont nous menace M. Huntington, ainsi que la volonté de faire adopter par l'Unesco une convention internationale garantissant le multilinguisme ?
Quant à la prise de position ferme de la France sur l'Irak, elle a été approuvée par l'essentiel des participants et relayée à l'ONU, où certains pays francophones ont apporté un appui précieux aux thèses françaises.
Il est donc bien clair que la francophonie est un élément de notre diplomatie d'influence au service de la paix.
Pour autant, tout va-t-il bien ?
La francophonie linguistique demeure menacée. Elle l'est d'abord en France, et nous avons constaté la remise en cause de la loi Toubon à travers un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes, l'arrêt Geffroy. Il a fallu une réaction énergique des autorités françaises pour qu'un décret en date du 1er août 2002 précise que, si les langues étrangères peuvent être utilisées en France pour l'information des consommateurs, elles doivent l'être outre information en français et elles ne sauraient se substituer - elles ou des pictogrammes - à l'information en français de nos consommateurs.
Cette aventure - la menace d'une condamnation par la Cour européenne de justice - montre combien il est nécessaire que les représentants français veillent scrupuleusement au volet linguistique des décisions qui sont prises à Bruxelles avant que ces décisions ne soient prises et non après, quand il nous faut chercher à en atténuer des effets que l'on n'avait pas prévus suffisamment.
Il faut une indispensable pugnacité pour enrayer une évolution défavorable. Je pense, par exemple, au comportement de la Commission européenne et, il faut bien le dire, à M. Prodi, qui a tendance à faire de l'anglais la langue de communication extérieure de l'Union. Je pense au programme européen Socrates-Comenius, qui est réservé, dans la pratique, aux enseignants européens ayant une parfaite maîtrise de l'anglais, même si l'on veut s'en défendre. Je pense à certains renoncements de décideurs politiques et à ce grand parti politique européen qui rassemble des partis politiques qui sont représentés ici et dont le président international signifie aux partis membres que la seule langue de ce parti est l'anglais. Pour nous, c'est inacceptable !
Il faut impérativement obtenir que la diversité linguistique soit inscrite dans le futur traité constitutionnel européen.
M. Jacques Pelletier. Très bien !
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Pas forcément les langues régionales ! (Sourires.)
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. En attendant, je voudrais saluer la très claire et salutaire prise de position du président de notre assemblée, M. Poncelet, qui, récemment, dans un discours à Brives, a déclaré : « J'affirme que c'est la Commission et même la Cour de justice de Luxembourg qui sont en situation d'infraction aux principes mêmes qui fondent la volonté des Européens de vivre ensemble », quand elles veulent nous contraindre aux aberrations linguistiques que je rappelais à l'instant.
Puissions-nous garder cette détermination à l'esprit quand il nous reviendra d'examiner le traité sur le brevet européen, que nous ne sommes pas très pressés de ratifier, monsieur le ministre !
Sous le bénéfice de ces remarques, et après avoir rappelé son souhait de voir la francophonie bénéficier d'un ministère qui lui soit propre, la commission des affaires culturelles a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la francophonie pour 2003. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. André Dulait, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les principales données chiffrées du budget du ministère des affaires étrangères pour 2003, que les rapporteurs viennent d'analyser avec une grande précision.
Je voudrais cependant relever certains éléments novateurs dans le documents qui nous est soumis cette année, en particulier l'innovation de vérité des crédits, qui explique la hausse apparente substantielle du budget, de plus de 13 %. La dotation au Fonds européen de développement et la dotation en faveur de notre participation aux organisations internationales, largement sous-évaluées dans le passé, retrouvent un niveau initial correspondant à nos ambitions dans ces secteurs.
Les actions permises et les priorités retenues par ce budget correspondent bien à des préoccupations que notre commission exprimait depuis longtemps : il en est ainsi de l'effort réalisé en matière d'aide au développement, qui redonne plus de place à notre action bilatérale.
Sur le plan de l'action audiovisuelle extérieure, le projet de chaîne d'information continue, dû à l'initiative de M. le Président de la République, répond à un besoin avéré pour tous ceux qui recherchent une continuité et une logique de programmation - que TV5, par définition, ne peut guère offrir aujourd'hui -...
Mme Danièle Pourtaud, rapporteur pour avis. Ce n'est pas vrai ! Regardez-la !
M. André Dulait, président de la commission des affaires étrangères. ... et privilégie une présentation spécifique de l'actualité internationale. La faisabilité d'un tel outil semble toutefois difficile compte tenu, d'une part, de son impact financier et, d'autre part, des engagements multilatéraux qui caractérisent aujourd'hui notre organisation télévisuelle extérieure. Je vous serais reconnaissant, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, de compléter notre information sur ce projet.
Au-delà des questions budgétaires, je voudrais saluer la volonté affichée du ministre de redonner de la cohérence à nos structures d'action extérieure, dont la dispersion est illustrée par un seul chiffre : la part minoritaire du Quai - 40 % - dans l'ensemble de nos moyens d'action à l'étranger.
C'est évidemment au ministère des affaires étrangères que doit revenir le rôle d'impulsion et de coordination de notre action internationale. De même, dans les postes diplomatiques, il doit clairement être donné à l'ambassadeur la possibilité de remplir sa mission de synthèse et de mise en cohérence des services de l'Etat à l'étranger. L'éparpillement des crédits, des centres de décision et des moyens d'application de notre action à l'étranger est source d'inefficacité, de surcoût et de confusion.
Pour remédier à cette situation, le ministère des affaires étrangères doit pouvoir s'appuyer sur une volonté gouvernementale collective : la mise en place d'une structure interministérielle s'impose donc pour symboliser l'engagement collectif des différents ministères engagés dans l'action extérieure de la France, structure dont il faut espérer qu'elle poursuivra et dépassera l'action engagée en 1996 par le Comité interministériel des moyens de l'Etat à l'étranger, le CIMEE.
On peut également attendre de la mise en oeuvre, à compter de 2006, de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, si celle-ci permet d'aller au-delà des informations fournies par l'actuel « jaune » budgétaire, une clarification des missions et des programmes y afférents. Nous espérons qu'elle sera l'occasion de supprimer les doublons, de rationaliser les dépenses et d'harmoniser les actions.
Il faut aussi - et c'est l'un des chantiers difficiles que le ministre a décidé d'ouvrir - travailler au redimensionnement de notre réseau diplomatique consulaire et culturel.
Nous connaissons les difficultés politiques considérables qui peuvent naître avec nos partenaires étrangers à l'occasion d'éventuelles fermetures d'implantations. Sachez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que la commission est consciente des difficultés que présente cet exercice, mais également de sa nécessité. Elle est prête à concourir à votre réflexion dans le cadre de l'information complète et précise du Parlement sur les données, sur les enjeux et sur les orientations du ministère sur ce dossier.
Si toute notre diplomatie repose sur des moyens humains, sur des structures cohérentes et sur des financements adaptés, ce n'est pas son seul ressort. Je voudrais ici saluer, après d'autres, le volontarisme de notre action internationale depuis plusieurs mois : il suffit de rappeler le dossier irakien, qui a été géré avec habileté et efficacité, ou la sollicitude active témoignée à l'occasion des crises africaines, de Madagascar à la Côte d'Ivoire, même si notre action sur le terrain est quelquefois mal perçue ou mal appréciée par une certaine presse locale, toujours orientée. La France a, sur ces différents thèmes, des messages, des responsabilités et des capacités d'action particuliers, qu'elle utilise au mieux des intérêts de la paix.
S'agissant de l'Irak, quelle lecture, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, notre pays fait-il, à ce stade, des premiers jours d'application de la résolution 1441 et des nouvelles modalités d'inspection qu'elle prévoit ? Pourriez-vous également nous indiquer sur quelles décisions reposent les opérations aériennes conduites, en ce moment même encore, par les forces britanniques et américaines dans les zones dites de non-survol, et nous préciser la position de la France sur le sujet, sachant les conséquences qui pourraient être tirées de ces opérations au regard de la résolution 1441 ?
Pour ce qui concerne la Côte d'Ivoire, je vous serais reconnaissant, monsieur ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, de nous faire part de la réaction de la France face aux préoccupants développements intervenus ces derniers jours dans ce pays, où notre diplomatie comme nos soldats se sont retrouvés de nouveau en première ligne.
Je voudrais aborder brièvement, pour terminer, un des aspects de la construction de l'Europe, qui figure désormais au premier rang de nos priorités diplomatiques. Je me limiterai à un des éléments qui relève au plus près des préoccupations de notre commission, celui de l'« Europe puissance » à travers l'Europe de la défense.
L'échec de la reprise par l'Union, le 15 décembre prochain, de la mission « Renard roux » en Macédoine, entraînant la prolongation de l'action de l'OTAN, n'a pas été une bonne nouvelle pour la crédibilité de l'ambition européenne en ce domaine. Nous en connaissons tous la cause immédiate : la difficulté de parvenir à un accord entre l'Union et l'OTAN sur l'utilisation des capacités de cette dernière. Peut-on raisonnablement espérer que, d'ici au mois de février prochain, date d'échéance de cette prolongation, les blocages seront levés ? Et, si c'est le cas, à quel prix et avec quelles conséquences sur la nature même de la mission ?
Il est peut-être une cause plus profonde aux obstacles rencontrés : la difficulté de construire à quinze - et demain à vingt-cinq - un véritable cadre d'action politique européen dans ce domaine. C'est pourtant sur ce pari que reposait le bel édifice dont les fondations furent jetées à Helsinki. Il n'est pas perdu, certes, mais force est de constater que son cheminement est laborieux.
Dans ce contexte difficile, monsieur le ministre, la récente initiative conjointe franco-allemande décidée à Prague, le 21 novembre dernier, en vue d'enrichir sur ce point le débat de la Convention européenne me semble constituer une démarche positive. Outre l'inscription de la notion de solidarité et de sécurité commune dans le futur traité, le texte conjoint prévoit comme condition à la flexibilité de la politique européenne de sécurité et de défense, la PESD, la mise en place de coopérations renforcées, jusqu'alors proscrites dans ce domaine, dont les conditions de déclenchement se trouveraient, parallèlement, allégées.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées avait en son temps déploré que le traité de Nice écarte la défense du domaine des coopérations renforcées. L'initiative est donc heureuse et doit être poursuivie. Néanmoins, des interrogations demeurent. Est-il possible d'imaginer un cadre de coopération militaire européen n'incluant pas la Grande-Bretagne ? Pourtant, celle-ci est résolument hostile, précisément, à tout mécanisme de coopération renforcée.
Ce sujet nous place au coeur d'une question essentielle : peut-on espérer une « Europe-puissance » à quinze, puis à vingt-cinq, voire plus, ou bien le réalisme ne commande-t-il pas plutôt de faciliter, dans le domaine redevenu central de la défense, la stratégie des « groupes pionniers », qui, seule, pourrait conjuguer ambition et efficacité ? Merci, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, de bien vouloir répondre à nos questions.
Mes chers collègues, c'est au regard de notre diplomatie active et ambitieuse que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous propose de voter les crédits du ministère des affaires étrangères pour 2003. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 44 minutes ;
Groupe socialiste, 40 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 29 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 25 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 18 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 18 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 7 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Hubert Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'examen du projet de budget des affaires étrangères pour 2003 survient à un moment crucial pour la diplomatie française, celui où elle retrouve toute sa force et sa capacité à influer sur les affaires du monde.
Je ne citerai que trois exemples : la résolution des Nations unies sur l'Irak, pour laquelle la France a permis d'aboutir à une décision équilibrée ralliant l'ensemble de la communauté internationale ; le retour du binôme franco-allemand, qui peut laisser espérer des initiatives nouvelles dans une Union européenne qui en a bien besoin ; enfin, tout récemment, l'implication de la France en Colombie pour contribuer à la libération des otages détenus par les Forces armées révolutionnaires colombiennes, au nombre de 800, dont la sénatrice franco-colombienne Ingrid Betancourt, figure rayonnante de la francophonie qui défend courageusement la démocratie dans ce pays rongé par quarante ans de guerre civile. (Mme Hélène Luc approuve.)
Une telle action à l'extérieur, claire et déterminée, a besoin du relais d'une administration efficace aux moyens renforcés.
Les moyens renforcés s'inscrivent dans le projet de budget des affaires étrangères pour 2003, qui s'élève à 4,1 milliards d'euros, traduisant en fait une augmentation de 5,6 % pour des mesures nouvelles. Félicitons-nous de cette amélioration pour le ministère des affaires étrangères, dont les crédits, non prioritaires, avaient été réduits régulièrement ces dix dernières années.
Une administration efficace requiert aussi une réforme des structures de l'aide extérieure de la France, le ministère des affaires étrangères devant être le centre de coordination et d'impulsion de toute l'action extérieure de l'Etat. En effet, douze ministères concourent actuellement au fonctionnement des réseaux à l'étranger. Sur les 8 629 agents de l'Etat ayant exercé à l'étranger en 2001, 5 522 relèvent du département, soit seulement les deux tiers ; quant aux crédits, ils sont répartis sur 28 sections budgétaires.
Certes, les ambassadeurs assurent la coordination et l'animation de toutes les actions françaises à l'étranger. Mais ne conviendrait-il pas, monsieur le ministre, que, comme les préfets en France, ils soient les ordonnateurs uniques des dépenses de l'Etat dans leur pays d'accréditation, même si la complexité de l'action extérieure rend cette unicité fort délicate ?
Afin de parvenir à une plus grande rationalisation des crédits, il me semble que la politique immobilière du ministère pourrait être améliorée s'il évitait de coûteuses opérations de location de résidences et de bureaux pour les ambassades et les consulats. La formule d'achat par crédit-bail, autorisée par la loi du 2 juillet 1966, permettrait de répartir les montants des achats sur des durées étalées jusqu'à quinze années et plus. Ainsi seraient évités le renouvellement de baux toujours plus onéreux ainsi que l'obligation, à la fin des baux, de remettre les lieux dans l'état où ils ont été reçus lors du premier bail. Le contrat de location-vente peut définir exactement le montant des annuités d'amortissement de l'achat, c'est-à-dire l'opération d'investissement, la différence avec le crédit budgétaire représentant les intérêts, soit le coût opérationnel. De nombreux pays ont régulièrement recours à cette formule et obtiennent de sociétés immobilières spécialisées ou de banques d'excellentes conditions de crédit, avec des taux d'intérêt très bas. Pourquoi pas la France ?
Deux secteurs de dépenses prioritaires retiendront mon attention.
L'aide publique au développement étant tombée de 0,57 % du PIB en 1994 à 0,32 % en 2000, le Président de la République s'est engagé, lors du sommet de Johannesburg, à la majorer de 50 % en cinq ans, puis à la doubler pour atteindre l'objectif « idéal » de 0,70 % du PIB d'ici à dix ans. Cet objectif généreux, qui vise à réduire la pauvreté dans le monde, est aussi un objectif responsable, susceptible de réduire les risques du terrorisme international. La France peut et doit montrer l'exemple dans sa volonté de coopération pour le développement et pour la paix.
Autre dépense prioritaire, les crédits en faveur des Français de l'étranger progressent dans trois domaines essentiels : la sécurité des communautés françaises à l'étranger, dont les crédits font l'objet d'un renforcement important - de 30 % - pour mieux répondre aux risques grandissants dans le monde, et l'intervention française en Côte d'Ivoire pour assurer la protection de nos ressortissants est un exemple de cette priorité du Gouvernement ; l'aide sociale aux Français défavorisés, dont le nombre s'accroît chaque jour à l'étranger, qui voit aussi ses crédits progresser de 4,3 %, enfin, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE, dont les dotations augmentent de 7,7 %.
Il faut dire un mot des établissements d'enseignement français à l'étranger, dont la situation financière est préoccupante. L'AEFE, qui a dû faire face à un afflux de 10 000 élèves supplémentaires en dix ans sans que ses crédits croissent en proportion, a puisé dans son fonds de roulement, qui n'est plus aujourd'hui que de trois jours. Cette quasi-inexistence de marge de manoeuvre est aggravée par le fait que les mesures d'amélioration du statut des enseignants résidents, arrêtées l'an dernier, sont financées sur ce fonds. L'Agence pourra-t-elle continuer longtemps ainsi, alors qu'il lui est demandé, dans le même temps, de rationaliser son réseau pour réaliser 6,4 millions d'euros d'économies ?
De même, l'augmentation inexorable des coûts de scolarité supportés par les familles, compensée pour les familles françaises à revenus modestes par l'attribution de bourses, pèse maintenant sur les familles à revenus moyens, qui éprouvent souvent des difficultés à maintenir leurs enfants dans l'enseignement français. Il faudrait donc encore abonder les crédits des bourses.
De fait, le réseau scolaire français à l'étranger - l'un des plus importants au monde, et qui jouit d'une réputation d'excellence - représente un coût certain pour le petit budget du ministère des affaires étrangères. Pour résorber cette crise de croissance, n'est-il pas temps de donner la cotutelle de l'AEFE à l'éducation nationale, dont le budget pourrait utilement renforcer notre réseau scolaire à l'étranger ? Le maintien de la francophonie dans le monde en dépend en grande partie.
Enfin, il serait juste de reconnaître le travail accompli par les associations gestionnaires de parents d'élèves en leur témoignant davantage de confiance. Demanderez-vous à l'Agence, monsieur le ministre, de s'abstenir des multiples contrôles, tatillons et répétés, qui font perdre du temps et ne présentent pas de réel intérêt pour la bonne marche des établissements ?
Monsieur le ministre, nous connaissons votre attachement à nos compatriotes expatriés. Nous soutenons votre effort budgétaire en leur faveur pour 2003. Pour l'avenir, et dans le cadre que tracent les lois de décentralisation, une réforme du Conseil supérieur des Français de l'étranger est indispensable pour parvenir à une meilleure représentation de nos ressortissants établis hors de France. Nous comptons sur vous pour l'appuyer le moment venu.
M. Robert Del Picchia. Très bien !
M. Hubert Durand-Chastel. Les tâches qui vous attendent pour renforcer la place de la France dans le monde sont donc considérables. Le présent budget, qui est un budget de transition, n'y suffira pas, mais il constitue un premier pas vers un redressement et vers une ambition nouvelle pour une France forte dans une Europe puissante. Tel est le message du projet de budget du ministre des affaires étrangères, que je voterai avec enthousiasme. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme MoniqueCerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous, Français établis à l'étranger, Français d'Argentine et de tous les pays en proie à des crises financières, Français d'Israël et de Palestine, tant de fois endeuillés, Français de Côte d'Ivoire et de toute une Afrique victime de la guerre, nous mesurons l'aggravation de la situation internationale. Nous en subissons de plein fouet les conséquences, sous la forme de la perte d'emploi et de ressources et, parfois, sous la forme de l'exode. Nous sommes fréquemment exposés à la menace terroriste et aux guerres.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, à l'occasion de ce débat budgétaire, j'évoquerai les deux sujets que sont les capacités du ministère à venir en aide aux Français de l'étranger en difficulté et les menaces de guerre et la lutte contre le terrorisme d'aujourd'hui.
En 2003, les consulats auront-ils les capacités de mener une action sociale efficace en faveur non seulement de ces Français que les crises économiques et politiques de leur pays d'accueil laissent démunis, mais aussi de ceux auxquels la chance n'a pas souri dans une expatriation toujours risquée ?
Ce sujet me tient à coeur : en 1999, je remettais au Premier ministre un rapport sur l'exclusion sociale dans les communautés françaises à l'étranger. J'y faisais des propositions qui ont été reconnues comme aussi pragmatiques et mesurées que possible. J'insistais alors sur la nécessité de franchir le fossé qui sépare l'assistanat du xixe siècle de l'insertion sociale d'aujourd'hui.
Les principales mesures que j'avais proposées ont été depuis lors testées et validées. Notons l'autonomie des comités consulaires pour l'action et la protection sociale, qui a facilité l'action du poste de Buenos Aires face à la crise financière et à ses conséquences pour les Français. Relevons aussi l'allocation locale d'insertion sociale, dont les résultats ont été positifs pour ses bénéficiaires, tant à Madagascar qu'au Sénégal, ainsi que l'instauration à Dakar, sur le modèle de ce qui avait été réalisé à Tananarive, de la formation professionnelle destinée aux jeunes adultes.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, étendrez-vous ces mesures de modernisation en 2003 ? L'augmentation de 2,7 % des crédits d'aide sociale consulaire stricto sensu permet-elle d'espérer une amélioration qualitative et quantitative de l'aide sociale pour les Français à l'étranger ?
L'espoir est faible, car trop de faits démentent la promesse des crédits. Notre inquiétude naît de trois facteurs.
Pour la première fois en vingt ans d'histoire de l'aide sociale française à l'étranger, le gel budgétaire a frappé, en août 2002, les crédits d'aide consulaire à hauteur de 15 %, ce qui représente une perte de 2,6 millions d'euros. Cette mesure aurait entraîné une diminution de 50 % à 60 % des allocations versées aux personnes âgées et aux handicapés si elle n'avait été levée le 23 octobre. Mais les aides à durée déterminée ont été supprimées jusqu'à la fin de l'année. Or c'est le seul instrument qui permette aux consulats de faire face aux situations de détresse accidentelles.
Notre inquiétude s'alimente aussi des consignes données à certains consultats de diminuer le taux de base local, prélude à une baisse des allocations pour 2003. Nous voudrions comprendre pourquoi de nombreux consuls déclaraient encore à la fin du mois de novembre, soit six semaines après ladite levée, ne pas être informés de la levée du gel budgétaire. Que signifie cette rétention de l'information ? Où a-t-elle eu lieu ?
Autre motif d'inquiétude : l'absence de toute création de poste d'assistants sociaux, alors que le ministère estime qu'il lui manque 80 postes dans les consulats et que la réforme du mode de paiement des visas exigera 30 postes supplémentaires en 2003. Qui gérera l'aide sociale quotidienne ? Qui gérera les bourses scolaires ? Leur nombre atteint maintenant plus de 18 000 par an : il faut les gérer, et bien les gérer, car ce sont les deniers de l'Etat.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Les ambassadeurs sont payés pour cela !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Qui gérera la mise en oeuvre de la troisième catégorie solidaire de la Caisse des Français de l'étranger, la CFE ? Là aussi, il faut du personnel compétent pour que les deniers de l'Etat soient bien attribués.
Quelles assurances donnerez-vous aux Français de l'étranger, monsieur le ministre ? Quels engagements fermes prendrez-vous en matière d'aide sociale qui soient de nature à apaiser leurs inquiétudes, qui sont multiples ?
Inquiétude sur le devenir des crédits d'aide sociale que nous votons aujourd'hui : gelés une première fois, pourquoi ne le seraient-ils pas une seconde fois ?
Inquiétude, car, en l'absence de personnel spécialisé, on continuera de distribuer des aides à la mode du xixe siècle, sans faire la nécessaire réinsertion sociale.
Inquiétude, car le ministère prend actuellement des dispositions qui laissent présager son désengagement de la formation professionnelle à l'étranger.
Le Conseil supérieur des Français à l'étranger, le CSFE, et sa commission spécialisée seront-ils mis devant le fait accompli après-demain, à l'occasion de la réunion de son bureau permanent ? A quoi sert notre conseil consultatif ? A écouter des discours ? Je vous ferai remarquer que ce que veut le CFSE, c'est avoir prise sur la réalité. Il attend de la considération et des pouvoirs, et non pas seulement des discours.
J'aborderai maintenant mon deuxième propos, qui concerne les menaces de guerre et la lutte contre le terrorisme d'aujourd'hui, et je le ferai au nom du groupe socialiste.
Tout d'abord, la France a fait du très bon travail à l'ONU. Nous avons fait triompher le droit international, nous avons fait triompher le multilatéralisme.
M. André Dulait, président de la commission des affaires étrangères. Très bien !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Nous devons rendre hommage à l'action du ministre des affaires étrangères et de notre représentation à l'ONU.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Du très bon travail !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Toutefois, nous sommes au bord d'une nouvelle crise internationale majeure. Les inspecteurs font leur travail en Irak et, pendant ce temps, les Etats-Unis poursuivent leurs préparatifs militaires. Cette situation nous fait sérieusement réfléchir.
Mme Hélène Luc. C'est une situation inacceptable !
M. Serge Mathieu. Tout à fait inacceptable !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le ministre, quelle sera l'attitude de la France si les Etats-Unis déclenchent une opération militaire contre Bagdad ? Si le Gouvernement envisage d'associer la France à cette guerre, nous vous demandons fermement un débat et un vote préalable au Parlement.
Mme Danièle Pourtaud. Absolument !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. En effet, la dictature irakienne menace beaucoup plus, de notre point de vue, son propre peuple que la paix du monde. Une intervention armée étrangère apportera-t-elle un soulagement à ce peuple ? Nous ne le croyons pas. Ceux qui parient sur les résultats incertains d'une guerre et sur un renouveau politique apporté dans les convois de l'armée américaine font très probablement un mauvais calcul.
Mme Danièle Pourtaud. Tout à fait !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. La situation actuelle en Afghanistan est là pour nous éclairer sur ce point.
Rien ne décrédibilise plus les notions de démocratie et de droits de l'homme aux yeux des peuples qui en ont toujours été privés par l'Occident - ou avec sa bienveillante approbation - que d'aller défendre des intérêts pétroliers en agitant cette bannière. Rien n'alimente mieux les discours fallacieux des propagateurs du terrorisme contemporain.
Ayant longtemps vécu en Afrique du Nord, et après dix ans de voyages dans le monde, je peux dire que, vue d'Afrique, d'Amérique latine, du monde arabe, d'Asie, l'histoire contemporaine fait apparaître une contradiction flagrante entre les progrès de la démocratie depuis le xixe siècle dans nos pays et une politique internationale qui en a souvent bafoué tous les principes. Nous croyons que c'est l'une des explications du succès actuel de la propagation des idéologies fondées sur la violence auprès de peuples qui n'ont jamais connu que l'oppression, la colonisation, puis les simulacres de démocratie et de politique de développement dont nous nous sommes bien accommodés depuis les années soixante, à cause de la guerre froide et tant que nos grandes entreprises en tiraient profit.
Depuis le 11 septembre 2001, les maux profonds et meurtriers qui secouent la planète ont-ils disparu ? Les famines, les conflits en Afrique, la répression en Corée du Nord, au Tibet et en Chine, l'oppression des paysans en Bolivie ou au Brésil, le conflit meurtrier entre Israël et les Palestiniens, tout cela a-t-il disparu ? Nous craignons que la hantise légitime du terrorisme internationalisé n'occulte ces problèmes de fond. Or ce sont ces problèmes qui constituent le terreau fertile où prospère la propagande terroriste anti-occidentale.
Sommes-nous en train d'apporter les bonnes réponses aux défis du terrorisme ?
L'incapacité de la communauté internationale à faire respecter une seule des résolutions du conseil de sécurité destinées à protéger le peuple palestinien est-elle la bonne réponse au terrorisme ?
Notre complaisance à l'égard des régimes qui prospèrent grâce à la captation de la rente pétrolière, de l'Arabie Saoudite à l'Algérie, est-elle la bonne réponse au terrorisme ?
Notre indifférence face à la poursuite de la guerre russe en Tchétchénie est-elle la bonne réponse au terrorisme ?
Notre laisser-faire face aux dégâts de la mondialisation libérale dans le tiers monde est-elle la bonne réponse au terrorisme ?
Les désordres du monde actuel trouvent leur origine dans la violence qui n'a jamais cessé de s'exercer tout au long du xxe siècle. Dans les pays arabes et en Iran dès les années cinquante, en Indonésie dans les années soixante, en Amérique latine dans les années soixante-dix, les groupes sociaux porteurs de modernité ont été persécutés, les dirigeants syndicaux assassinés, les élites décimées et contraintes à l'exil. Cette violence généralisée a créé des vastes zones de non-démocratie et de non-droit.
Le plus souvent, cette violence a été le fait de politiques délibérées menées par les grandes puissances. On peut citer le plan Condor en Amérique latine, orchestré par les Etats-Unis, et l'assassinat des opposants en Afrique, réalisé avec la collaboration de divers services secrets. Ce n'est pas un hasard si ces régions du monde connaissent aujourd'hui des situations de grande instabilité et une violence chronique. Faute de véritables élites, disparues dans la tourmente dans ces quarante dernières années, les faux prophètes et les seigneurs de guerre y ont le champ libre.
La lutte indispensable contre le terrorisme international ne suffira pas à calmer les tempêtes qui agitent les trois quarts de la planète, surtout si on l'envisage sous le seul angle militaire. La part du renseignement et de la coopération policière internationale est le volet immédiat et essentiel de cette lutte. Les changements fondamentaux de la politique internationale, sous l'égide des Nations unies, est le second volet de l'action à long terme.
En politique internationale, les pays démocratiques ont le devoir de mettre en accord - enfin ! - leurs actes avec leurs principes. A défaut, nous laisserons aux générations futures un monde où les fragiles conquêtes des droits de l'homme et des droits des peuples nées, au xviiie siècle, de la Révolution américaine et de la Révolution française, seront submergées par des violences qui s'alimentent de nos propres contradictions. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon intervention portera sur les relations franco-allemandes, d'une part, et sur le Conseil de l'Europe, d'autre part.
Nous savons tous que le moteur franco-allemand a été l'élément qui a permis, depuis la fin de la guerre, de faire progresser la construction européenne. En effet, aucune grande avancée dans la construction de l'Union européenne ne s'est réalisée sans un accord prélable entre la France et l'Allemagne. Chaque fois qu'un grain de sable s'est inséré dans ces relations, il s'en est suivi une période de stagnation pour l'Union européenne.
Nous allons, le mois prochain, célébrer le quarantième anniversaire du traité de l'Elysée, fondement de cette coopération qui a résisté à toutes les alternances politiques, d'un côté comme de l'autre. Ce fut la force du moteur franco-allemand ! Cette commémoration ne doit pas simplement nous inciter à porter un regard sur le passé, elle doit surtout marquer le point de départ d'une époque nouvelle, car je suis persuadé que si la coopération franco-allemande a été un moteur important dans une Europe qui est passée de six à quinze Etats, elle le sera également dans une Europe à vingt-cinq Etats.
M. Robert Del Picchia. C'est exact !
M. Daniel Hoeffel. Si les deux pays sont d'accord, de nouvelles avancées et une stabilisation de l'Union européenne se réaliseront. S'ils ne le sont pas, une menace pèsera sur l'unité de l'Europe.
Cette coopération ne s'est pas exercée seulement sur le plan politique. Elle s'est aussi appuyée sur le rapprochement des entreprises, des universités. Les collectivités locales y ont beaucoup contribué à leur manière. D'autres instruments ont été créés, notament l'Office franco-allemand pour la jeunesse, la chaîne de télévision Arte - laquelle devrait d'ailleurs se recentrer sur la coopération franco-allemande, qui fut sa vocation première -, mais aussi les centres d'études et de recherches franco-allemands.
Permettez-moi en cet instant de formuler quelques remarques à propos de l'intervention de Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Il a estimé qu'il était souhaitable - et, sur le principe, il a raison -, que les représentations consulaires françaises dans les pays d'Europe soient réduites au profit d'implantations consulaires sur d'autres continents.
Je suis d'accord sur le principe, mais en l'assortissant d'une exception sur le plan culturel : je regrette, pour ma part, que les délégations culturelles et les centres culturels français en Allemagne aient fait l'objet d'un véritable démantèlement, ...
M. Guy Penne. Bravo !
M. Daniel Hoeffel. ... à un moment où la coopération culturelle, scientifique, universitaire et linguistique me paraît fondamentale pour consolider les liens d'amitié entre la France et l'Allemagne.
M. Pierre Laffitte. C'est vrai !
M. Daniel Hoeffel. C'est à partir d'une coopération sur les plans linguistique et culturel que l'on pourra intéresser à nouveau la jeunesse et créer un support plus solide en matière de relations économiques entre les deux pays. Comment ne pas regretter qu'en vingt ans l'enseignement de la langue allemande en France ait régressé de 50 %...
M. Jacques Legendre. Très bien !
Mme Hélène Luc. C'est vrai !
M. Daniel Hoeffel. ... et que l'évolution de l'enseignement du français en Allemagne ait connu la même évolution ?
Et l'on s'étonne après de l'hégémonie progressive de l'anglais sur le continent européen ! Si nous n'apprenons pas à nouveau la langue du voisin, nous contribuerons à cette évolution que notre collègue Jacques Legendre regrettait, à juste titre, tout à l'heure.
Mme Hélène Luc. C'est vrai !
M. Daniel Hoeffel. Ma deuxième observation concernera le Conseil de l'Europe.
Si certains de nos collègues sont mieux placés que moi pour en parler, je pense que, venant d'une région où est implanté, depuis 1949, le Conseil de l'Europe, je puis l'évoquer rapidement.
Voilà une institution qui est implantée sur le sol français depuis plus de cinquante ans qui est pourtant mal connue, trop souvent sous-estimée, pas assez valorisée ni utilisée.
Or, faut-il le rappeler, le Conseil de l'Europe a un bilan positif à son actif. Bien des réalisations qui ont eu lieu dans le domaine des droits de l'homme sur notre continent européen sont à mettre à son crédit.
L'apprentissage de la démocratie dans les pays d'Europe centrale et d'Europe de l'Est est en partie l'oeuvre du Conseil de l'Europe où pouvait se dérouler le dialogue franc et loyal entre tous les pays, de l'Atlantique à l'Oural, sinon au Conseil de l'Europe ? Mais c'est aussi le seul endroit où a lieu un débat sur une politique d'aménagement du territoire européen : il ne se déroule plus nulle part ailleurs.
Voilà pourquoi, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, un soutien moral, un soutien budgétaire sans équivoque, un soutien politique clair au Conseil de l'Europe me paraît essentiel pour stabiliser cette institution, à laquelle la France doit porter un intérêt au moins équivalent à celui que lui portent les pays d'Europe de l'Est. Elle a besoin de considération ; je suis persuadé que le Gouvernement français fera tout pour qu'il en soit ainsi.
Je terminerai par une question : la charte européenne de l'autonomie locale a été élaborée il y a un certain nombre d'années au Conseil de l'Europe. Elle a été signée, mais quelles sont les perspectives de son éventuelle de sa ratification par la France ? (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Danielle Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous vivons dans un monde de violence, de conflits plus ou moins ouverts, d'Etats fragilisés, mais aussi de résistances appuyées sur les valeurs universelles de justice et de droit.
Les événements du 11 septembre 2001 ont permis aux Etats-Unis de légitimer leur rôle de victime ayant droit à réparation. Ils ont désigné leurs adversaires et veulent les punir eux-mêmes dans le lieu et au moment où ils le décideront. Si, durant les guerres du Golfe, du Kosovo et de l'Afghanistan, les Etats-Unis ont bénéficié d'un large appui international, la position du président Bush concernant l'Irak ne fait plus l'unanimité.
De nombreux pays, notamment ceux de l'Union européenne, inquiets de cette volonté impériale, ont choisi de soutenir le droit international comme rempart à cet interventionnisme unilatéral.
Après huit semaines de négociations difficiles, où la diplomatie française a joué un rôle particulièrement efficace, la résolution 1441 a été adoptée à l'unanimité du Conseil de sécurité et acceptée par les autorités irakiennes.
Cette résolution, malgré l'interprétation américaine, met l'accent sur la mission politique de contrôle des inspecteurs de l'ONU et ouvre la possibilité d'un règlement pacifique. Dans leur déclaration commune, la France, la Russie et la Chine insistent sur le fait qu'elle « exclut toute automaticité dans le recours à la force » et que « le Conseil de sécurité reste au coeur des décisions à venir ».
La guerre ne doit pas être inéluctable. Tout doit être mis en oeuvre pour que cette mission se déroule sans entrave ni provocation de part et d'autre. Il faut soutenir cette initiative.
La France et l'Union européenne ne pourraient-elles pas envoyer une mission parlementaire pluraliste et multinationale pour conforter l'action menée par les inspecteurs, sous la direction de Hans Blix ?
En effet, le gouvernement américain prend des initiatives contestables et provocatrices : opposition à la reconduction pour 180 jours de la résolution « pétrole contre nourriture », qui permettait d'importer des denrées nécessaires au peuple irakien, déjà affamé par l'embargo ; bombardements récents sur la ville de Bassora, qui ont fait quatre morts et une vingtaine de blessés. Ces actions, loin de gêner le régime dictatorial de Saddam Hussein, ne font qu'aggraver la vie quotidienne de la population. Elles ne visent qu'à créer un incident.
Au-delà de la volonté d'éliminer les armes de destruction massive, la stratégie américaine vise en fait d'autres objectifs : la mainmise sur les ressources pétrolières et la mise en place d'un gouvernement favorisant ses intérêts économiques et géostratégiques.
Les menaces de guerre sont donc particulièrement réelles. La France, l'Allemagne et l'Union européenne, qui ont déjà tenu un rôle positif et constructif, doivent tout faire pour sauvegarder la paix.
Déjà, le Forum social européen qui s'est tenu à Florence a mobilisé un million de personnes pour la paix. Les conséquences d'une guerre seraient en effet considérables. Elles le seraient pour le peuple irakien, qui vit depuis plus de dix ans un drame quotidien. Elles le seraient par la déstabilisation de la région qu'elles pourraient entraîner par l'éclatement des frontières qu'elles occasionneraient, par les pleins pouvoirs qu'elles laisseraient au gouvernement israélien ultranationaliste pour régler, à sa manière, le problème palestinien.
En renforçant l'emprise des Etats-Unis, une guerre conforterait un nouvel ordre mondial, fondé sur leur volonté hégémonique.
Enfin, elle pourrait avoir des répercussions à l'intérieur même des pays européens, où les populations musulmanes - notamment les jeunes - sont particulièrement sensibles aux injustices des politiques « deux poids, deux mesures ».
Comme le problème irakien, le dramatique conflit israélo-palestinien doit trouver le plus rapidement possible une solution politique. Depuis plus de cinquante ans, le peuple palestinien lutte pour la reconnaissance de sa dignité. Il aspire à la création d'un Etat, avec Jérusalem-Est comme capitale.
Après des avancées considérables, l'arrivée au pouvoir d'Ariel Sharon, qui est fondamentalement hostile à cette perspective, a fait échouer toute négociation sérieuse. L'extension continuelle des colonies et de leurs routes de contournement, la multiplication des check-points, le bouclage systématique des territoires, les couvre-feux imposés vingt-quatre heures sur vingt-quatre dans les villes autonomes et dans les camps palestiniens, enfin, la récente construction d'un mur de séparation entre les deux communautés ont créé les conditions d'une vie quotidienne totalement inhumaine.
Le chômage frappe désormais de 50 % à 80 % des Palestiniens, dont la majorité vit avec moins de 2 dollars par jour.
Malgré cela, si des formations extrémistes, comme le Hamas et le Djihad islamique, s'appuient sur le désespoir pour organiser des attentats terroristes contre les populations civiles israéliennes, le peuple palestinien, dans sa majorité, refuse de cautionner de tels actes, continue de soutenir la perspective d'une solution politique en espérant l'aide et l'engagement des pays démocratiques.
A la demande de la communauté internationale, Yasser Arafat a annoncé des élections législatives pour janvier 2003. Cette échéance doit être tenue. L'Union européenne, qui défend la sécurité, le respect des droits de l'homme et la démocratie, doit s'engager davantage. Elle pourrait proposer une présence internationale et demander l'évacuation des territoires occupés par l'armée israélienne pour garantir le bon déroulement de ces élections.
La France peut-elle prendre l'initiative, avec d'autres pays européens, d'envoyer sur place des observateurs internationaux ? Au-delà de leur mission de contrôle, ils pourraient être un facteur d'apaisement et préparer ainsi les conditions d'une reprise de négociations ultérieures.
Si nous apprécions le retour de la Russie sur la scène internationale et le rôle que sa diplomatie peut y jouer, la guerre en Tchétchénie reste, pour nous, une grande préoccupation. Là encore, la dramatique prise d'otages de Moscou a montré la nécessité pour l'Europe et la France d'aider à une reprise des négociations entre les autorités russes et tchétchènes pour un règlement politique de ce conflit.
Mais l'élément fondamental de la situation internationale demeure l'inégalité criante et croissante entre la pauvreté des pays du Sud et la richesse des pays du Nord. Près de trois milliards d'hommes survivent avec moins de 2 dollars par jour. La dette et le sida peuvent illustrer cette injustice à dimension planétaire.
La dette des pays pauvres, qui atteignait 534 milliards de dollars en 1980, est passée à 2 068 milliards de dollars en 2000. Le service annuel de cette dette est sept fois supérieur à l'aide au développement. Nous réclamons son annulation, qui serait un facteur de solidarité ouvrant d'autres perspectives.
Quant aux derniers chiffres publiés sur le sida, ils sont terrifiants : 42 millions de personnes contaminées ! Les pays riches possèdent les traitements, mais l'accès à la trithérapie est réservé à seulement 4 % de la population mondiale. Là encore, il y a une véritable faillite de la solidarité, et l'argent attribué au Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme, créé en juin 2001, n'a toujours pas commencé à être distribué.
L'aide au développement et le rôle de la coopération sont des thèmes essentiels sur lesquels ma collègue Hélène Luc interviendra.
C'est dans ce contexte que nous examinons aujourd'hui, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, votre projet de budget. Nous constatons avec satisfaction qu'il bénéficie d'une hausse sensible, en progression de 13,24 % par rapport à 2002, ce qui représente 4,11 milliards d'euros.
Si nous observons que les contributions obligatoires augmentent de plus de 10 %, nous regrettons la stagnation des contributions volontaires.
Le problème le plus préoccupant est celui des fonds accordés à l'UNWRA, l'agence des Nations unies pour l'aide aux réfugiés de Palestine. Après le gel de la subvention de 2002, le ministère a décidé le déblocage d'un engagement de 2 millions d'euros. Cette somme, identique à celle qui fut accordée en 2001, n'a toujours pas été versée. Ce qui est encore plus grave, c'est l'absence de réponse de la France à un appel d'urgence lancé par l'UNWRA pour faire face aux besoins accrus des Palestiniens en matière d'aide alimentaire.
Pouvez-vous nous indiquer quelles sont, dans ce domaine, les intentions du Gouvernement ? Cette question paraît d'autant plus d'actualité que nous venons d'apprendre la destruction, par l'armée israélienne, d'un entrepôt du programme alimentaire mondial installé à Gaza.
Enfin, si nous apprécions l'augmentation de 127 % de la somme accordée au Fonds européen de développement, nous souhaiterions plus de transparence quant au fonctionnement de cette institution et une complète utilisation de ces crédits.
Compte tenu de tous ces éléments, le groupe CRC a décidé de s'abstenir sur ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre.
M. Jacques Legendre. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il y a quelques temps paraissait à Paris le livre d'un ancien Premier ministre centrafricain, M. Jean-Paul Ngoupandé, intitulé L'Afrique sans la France . En quelques mots tout est dit de la rumeur qui court de Dakar à Brazzaville selon laquelle l'Afrique doit apprendre à se passer de la France, car la France ne s'intéresse plus à l'Afrique.
Or l'Afrique est en difficulté. La Côte d'Ivoire en offre une bien triste illustration. Abandonner un ami en difficulté est évidemment un comportement inacceptable. Je sais bien, monsieur le ministre, que telle n'est pas votre attitude - je vous connais trop pour en douter un seul instant - ni celle du Gouvernement, ni celle du Président de la République. Vous venez d'ailleurs de le montrer par des actes et vous le montrez encore par l'effort significatif que vous proposez d'accomplir en faveur du développement dans le présent projet de budget. C'est pourquoi nous vous soutenons et c'est pourquoi, en ce qui me concerne, je le voterai sans aucune réserve.
Mais il est temps d'accomplir d'autres actes forts, car la France et l'Afrique, la France et les Africains risquent de se méconnaître et de s'éloigner.
Nombreux ont été les jeunes Français qui ont servi jadis comme coopérants en Afrique. Ils ont appris à connaître et à aimer ce continent. Nous ne voyons plus guère de ces jeunes coopérants puisqu'il n'y a plus de service militaire.
Qu'allez-vous faire, monsieur le ministre, pour favoriser la présence en Afrique de nombreux jeunes Français apportant toute leur générosité ? Ne faudrait-il pas songer à créer une sorte d'office franco-africain de la jeunesse favorisant des rencontres, des séjours, une action partagée ?
Car les jeunes Africains sont eux aussi de moins en moins nombreux à connaître véritablement notre pays. Les étudiants africains des années soixante et soixante-dix - dont certains sont maintenant ministres ou chefs d'Etat - avaient une véritable connaissance de notre pays, pour avoir fréquenté, par exemple, les quartiers universitaires de Lille et de Montpellier ou le Quartier latin. Ils y avaient d'ailleurs parfois, et même souvent, dénoncé le colonialisme. Et ils sont maintenant nos meilleurs amis !
Si l'élite africaine des pays francophones parle encore le français, ses références, ses souvenirs sont de plus en plus à Montréal, à Atlanta, à Washington ou à New York.
Qu'allez-vous faire, qu'allons-nous faire, pour assouplir l'excessive sévérité des visas étudiants, rouvrir nos universités et nos grandes écoles à une jeunesse qui trouve encore naturel d'y être accueillie et qui ne se résigne à aller voir ailleurs que parce que, décidément, il est trop difficile de venir étudier en France ?
Au-delà de l'action urgente à mener pour concourir au rétablissement de la concorde dans de nombreux pays africains, il y a cette nécessaire action de fond à conduire pour que la France garde en Afrique son influence, sa place, et qu'elle puisse continuer à y oeuvrer avec efficacité.
Qu'allez-vous faire, monsieur le ministre, pour que notre diplomatie conserve en son sein les véritables connaisseurs et sincères amis de l'Afrique que furent longtemps nos ambassadeurs sortis de l'Ecole nationale de la France d'outre-mer ? (Très bien ! sur le banc des commissions.) Est-il prévu de corriger, chez nos jeunes diplomates, ce tropisme qui les porte trop souvent à préférer les postes en Europe ou dans les organisations internationales ?
Comment comptez-vous donner à la France cette nouvelle génération d'experts, mais aussi de passionnés de l'Afrique, dont notre diplomatie a besoin et dont, après tout, M. Dominique de Villepin est sans doute un bon exemple ?
Dans quelques semaines, se tiendra à Paris un sommet franco-africain. Puisse-t-il être l'occasion de réaffirmer avec éclat et de populariser cette sympathie profonde que beaucoup de Français et beaucoup d'Africains éprouvent les uns envers les autres !
Puisse-t-il aussi être l'occasion, pour la France, de manifester sa détermination à agir vite et fort dans deux domaines qui oblitèrent l'avenir de l'Afrique, à savoir la crise profonde de son système éducatif et l'extension galopante du sida !
Notre désengagement est allé trop loin. Cessons de redouter d'être suspectés de je ne sais quelle ingérence. Nous avons, à l'égard de nos partenaires africains, un devoir de respect. Ils sont indépendants, et nous les avons d'ailleurs souvent aidés à installer leur indépendance.
Des Etats déstructurés et pauvres - je pense, notamment, pour bien la connaître, à la malheureuse République centrafricaine - ont besoin, pour se reconstituer, d'une présence plus forte de Français, en particulier d'experts français.
Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, sur le Gouvernement et sur le Président de la République pour affirmer que, demain, à nouveau, la France sera aux côtés des Africains. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, dans le monde entier, la France symbolise la liberté, l'exercice de la démocratie et renvoie au siècle des Lumières.
La qualité des participants au premier sommet francophone à s'être tenu en terre arabe - c'était à Beyrouth, en octobre dernier - a montré que ce sommet était une tribune permettant de faire écho à l'ensemble des préoccupations du monde puisqu'y ont été abordés le terrorisme, la menace irakienne, le rôle des Nations unies, le conflit israélo-arabe et la politique des Etats-Unis.
Certes, la langue est un élément de reconnaissance identitaire mais elle est avant tout un moyen de communiquer.
Néanmoins, ce qui unit les membres de la famille francophone dépasse le strict cadre de la langue. Les événements ont montré que cette communauté a accompagné des processus de démocratisation et de défense des droits de l'homme.
Au-delà de l'expression d'une civilisation, une langue est donc un lien entre des civilisations différentes, pour lesquelles elle devient une référence de valeurs.
L'attirance pour l'organisation internationale de la francophonie a conduit certains à se gausser sur la démarche de pays dont le français n'était pas précisément la langue véhiculaire mais qui souhaitaient rejoindre les cinquante-cinq nations qui constituent cette structure. En fait, cette volonté prouve la confiance des pays pauvres dans la mission des quatre nations industrialisées que sont la France, le Canada, la Suisse et la Belgique : celles-ci constituent un rempart contre les conséquences de la mondialisation. Comment, sinon, faire face aux exigences, aux contraintes techniques et juridiques posées par l'Organisation mondiale du commerce ?
Aussi cocardiers que nous soyons, la préservation de l'usage du français dépasse donc l'orgueil hexagonal. Pourtant, le français n'arrive plus qu'au neuvième rang des langues les plus pratiquées. Au-delà des ambassades et des consulats, pourquoi ne pas profiter davantage du réseau des alliances, qu'il faudrait aider plus significativement, ainsi que des SOFTE, les services officiels français du tourisme à l'étranger, dans le domaine du tourisme ?
Afin d'optimiser l'utilisation des crédits consacrés à la francophonie, il conviendrait de les réunir dans un budget global. Aujourd'hui, ce sont une demi-douzaine de ministères qui interviennent à travers un nombre difficilement estimable d'associations subventionnées et une petite dizaine d'instances multilatérales qui mènent des actions de toutes sortes. L'opacité dans la répartition des tâches et des moyens est telle que l'on est bien en peine d'en déchiffrer l'organisation.
Or, selon un chiffrage fondé sur les informations qui ont pu être réunies et qui, évidemment, ne sont pas exhaustives, les sommes consacrées à la francophonie dépassent 2,4 milliards d'euros. La logique voudrait que ces crédits soient gérés par un seul ministère.
Deux points me semblent préoccupants par rapport au repli entamé : d'une part, on s'achemine, par simple voie administrative et sans aucun débat politique, vers un régime linguistique fondé sur une seule langue, l'anglais, au sein de la Commission européenne et du Conseil de l'Europe ; d'autre part, la traduction en français des brevets européens est abandonnée.
L'Angleterre ayant été à la pointe de l'industrialisation, beaucoup de nouvelles techniques ont été nommées dans son idiome. Aujourd'hui, l'anglais est devenu la langue d'échange dans les communautés scientifiques, et il s'impose sans pour autant avoir de réelle légitimité.
Il n'y a aucune fatalité à cela. Il convient de réagir.
Ce n'est ni de la paranoïa ni du nombrilisme ; c'est la mise en exergue d'une rédaction de plus en plus systématique dans la seule langue anglaise des documents de travail européens que stigmatise un syndicat de fonctionnaires de cette sphère.
Tout repose sur un distinguo subtil : langues officielles et langues de travail. Le règlement adopté en 1958 n'opère pas de distinction entre ces deux catégories. Il est convenu que ce choix unique conduit à une perte de créativité, de pensée, à un appauvrissement des institutions. Si l'on pousse à l'extrême ce diktat linguistique, on finira par choisir des intervenants pour leur seule capacité à s'exprimer en anglais et non pour leurs compétences.
Il me semble que, si l'on veut que l'Europe existe comme bloc culturel et économique face aux Etats-Unis d'Amérique, il est nécessaire qu'elle affirme sa spécificité au regard tant de l'expression que des règles. Il me serait agréable de connaître la position du Gouvernement à ce sujet.
Le « tout anglais », pour ce qui concerne les brevets, est encore évitable puisque le précédent gouvernement n'avait pas ratifié les dispositions incriminées dans le protocole de Londres, texte qui vise à mettre fin à l'obligation de traduction des brevets européens pour les rendre juridiquement opposables en France. En fait, 93 % des brevets européens sont rédigés en allemand ou en anglais.
L'entrée en vigueur de ce texte profiterait en premier lieu aux principaux déposants de brevets européens, qui sont majoritairement des entreprises américaines et japonaises. Cela achèverait de marginaliser les sociétés françaises, déjà distancées. Elles seraient alors soumises à un afflux supplémentaire de textes non traduits.
L'Espagne, l'Italie et le Portugal ont refusé de signer le protocole.
Si l'on occulte le fait que la France est en retard dans la « course aux premiers dépôts », c'est-à-dire ceux qui servent de base aux extensions de protection à l'échelle européenne, le protocole, s'il était validé, augmenterait l'incertitude juridique sur la portée de certains droits en favorisant les politiques de dépôts massifs des grands déposants. La filière française de la propriété industrielle ne traiterait plus que 7 % du total des brevets délivrés, les consultations et expertises des 93 % de brevets restants, dorénavant non traduits en français, revenant aux conseils allemands, pour 18 %, et surtout anglais, pour 75 %.
Notre Premier ministre s'étant élevé contre la signature du protocole de Londres par le précédent gouvernement, je souhaiterais connaître les intentions du Gouvernement sur un sujet qui engage une partie de la capacité innovante de la nation. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Serge Mathieu.
M. Serge Mathieu. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la discussion du projet de budget des affaires étrangères pour 2003 s'inscrit dans un contexte international principalement marqué par le Moyen-Orient, l'impasse persistante du conflit israélo-palestinien et la reprise des inspections en Irak.
La situation de la communauté internationale vis-à-vis de l'Irak a considérablement évolué depuis notre débat du 9 octobre dernier. La résolution 1441 du 8 novembre dernier a été adoptée par le Conseil de sécurité, et les inspections, dont nous demandions la reprise, ont commencé de manière opérationnelle voilà quelques jours.
Je voudrais tout d'abord réitérer mon appui à notre diplomatie. Dans un contexte extrêmement difficile, notre pays a joué un rôle moteur au sein du Conseil de sécurité pour la recherche d'une solution à la crise irakienne, dont nous espérons que l'issue sera pacifique.
Au moment où nous parlons, rien ne nous permet d'affirmer que cette longue crise - elle dure depuis plus de dix ans - va trouver son aboutissement. Tout, en effet, dépend aujourd'hui de l'Irak : d'ici à quelques jours, le 8 décembre, la déclaration de l'ensemble des armements prohibés que détiendrait l'Irak devra être faite au Conseil de sécurité.
La situation humanitaire en Irak demeure un sujet de très vive préoccupation. Il est évident qu'une intervention militaire serait une catastrophe pour la population, non seulement en termes de pertes civiles directement dues aux opérations à terre et aux bombardements, mais aussi parce que la distribution de vivres et de rations alimentaires serait alors purement et simplement interrompue.
Le représentant à Bagdad du programme alimentaire mondial rappelait récemment que 60 % de la population ne survivait que grâce à ces rations et que l'interruption du programme reviendrait à laisser 15 millions de personnes dans le dénuement.
Comme vous le savez, l'équilibre financier du programme « pétrole contre nourriture » n'existe plus depuis lontemps du fait de la baisse considérable des exportations irakiennes. Plus de 1 600 contrats, représentant 3 milliards de dollars, ne peuvent être exécutés faute de trésorerie. Parmi ceux-ci figurent évidemment de nombreux contrats portant sur l'approvisionnement en nourriture.
J'ai toujours indiqué que nous devions donner à l'Irak une perspective claire de sortie de l'embargo. La fermeté nécessaire de la communauté internationale ne doit pas exclure la générosité, bien au contraire. Nous ne pouvons qu'être extrêmement préoccupés par le développement du sentiment anti-occidental dans ce pays. La propagande anti-américaine du régime de Bagdad ne peut que s'étendre, à mon avis, à l'Occident tout entier. L'exacerbation du sentiment national et la résurgence d'un certain extrémisme islamique, dont témoignent les attentats contre les chrétiens, sont les produits directs du désespoir de la population.
Dans le rapport de notre groupe d'amitié, publié en février dernier, nous avions appelé à des « gestes réciproques ». Le premier de ces gestes devait être l'acceptation par l'Irak du retour des inspecteurs. Que ce retour ait été obtenu par la menace et la contrainte importe peu. Le résultat est celui que nous voulions, c'est-à-dire prouver que l'Irak n'est pas un danger dans la région et que ce pays se conforme aux dispositions des résolutions du Conseil de sécurité. La résolution 1441 a fixé des échéances claires et rapprochées pour atteindre cet objectif.
Il me semble que, parallèlement à cette action, nous devons envoyer un message d'espoir à la population irakienne en indiquant clairement, comme l'a du reste fait M. Hans Blix, que, si les conditions de désarmement sont respectées, l'embargo sera alors définitivement levé. Il s'agit, là aussi, du respect des dispositions des résolutions précédentes.
Mais nous devons aller plus loin, en permettant et en assurant l'approvisionnement alimentaire de la population dès maintenant. Comment pouvons-nous imaginer que l'état de sous-nutrition organiséee dans lequel est maintenu l'immense majorité du peuple irakien ne soit pas interprété comme une punition volontairement infligée par les puissances occidentales ?
J'avais soutenu comme un moindre mal les modifications du dispositif de sanction qui, avec la nouvelle Goods Review list, aurait dû permettre une amélioration très sensible du programme « pétrole contre nourriture ». Il n'en a rien été et l'administration américaine, en demandant une révision de cette liste pour y inclure de nouveaux produits, contribue encore à donner aux citoyens irakiens l'impression d'une volonté implacablement répressive.
J'ajoute - mais faut-il une nouvelle fois répéter cette évidence ? - que développement économique et démocratie vont toujours de pair. De ce point de vue, la reconduction pour neuf jours du programme humanitaire, en dépit de nos efforts, ne peut qu'apparaître comme un message très négatif aux citoyens irakiens.
Ainsi, notre fermeté nécessaire sur la question du désarmement ne doit pas exclure l'autre volet de notre politique qui est, à terme, la stabilisation de la région. Je sais que c'est le but évident de notre diplomatie. Pourtant, l'attitude de certains de nos alliés ne me paraît pas aller dans ce sens et pourrait être interprétée comme des tentatives de pousser l'Irak à la faute.
Je pense aux récentes déclarations du secrétaire d'Etat américain à la défense, qualifiant de « violation patente » de la résolution 1441 les incidents sur les zones de non-survol. La France s'est retirée ou a interrompu sa participation à ces opérations depuis longtemps. Nous avons, pour notre part, dénoncé clairement les bombardements réguliers, dont la fréquence semble s'être accélérée depuis quelques mois. Encore hier, des bombardements sur l'Irak se sont soldés par des morts civils. Si l'Irak, aux termes de la résolution 1441, doit s'abstenir de tout acte susceptible d'aggraver la tension, il me semble aussi que les puissances occidentales doivent s'appliquer la même règle.
A travers des déclarations de ce type, les occidentaux donnent l'impression au peuple irakien que la guerre est inéluctable et que l'autorité des Nations unies n'est qu'un habillage destiné à donner une légalité juridique internationale à une intervention militaire américaine.
Mme Marie-Claude Beaudeau. C'est tout à fait cela !
M. Serge Mathieu. Comme vous l'avez récemment rappelé, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, la résolution 1441 prévoit un dispositif en deux temps qui passe obligatoirement par un rapport de M. Blix ou de M. El Baradei sur les violations éventuelles de l'Irak. Ce n'est que dans un second temps, et sur la base de ce rapport, que le Conseil de sécurité déciderait des actions à entreprendre.
Il importe de montrer que la guerre n'est pas une fatalité et que nous travaillons avec un esprit de générosité à la sortie de la crise.
J'évoquerai à présent les relations que nous avons avec un autre pays qui me tient à coeur et qui vous est cher aussi, monsieur le secrétaire d'Etat : l'Albanie.
L'Albanie joue un rôle central pour la stabilité et la paix dans la région et je me félicite que notre pays soutienne fermement les efforts considérables faits par les gouvernements successifs pour construire un Etat démocratique. Les progrès politiques récents doivent être signalés.
La récente élection d'un président de consensus, M. Moisiu, qui a été élu, en juin dernier, à la majorité absolue au premier tour de scrutin par le Parlement, constitue un grand succès et marque la capacité des deux principaux partis à s'entendre. Depuis cette date, les rapports entre la majorité et l'opposition semblent apaisés et le boycott du Parlement a pris fin. Pour les prochaines échéances électorales, les deux partis travaillent ensemble à proposer des réformes du code électoral, des listes et peut-être, si cela s'avère nécessaire, de la Constitution.
De même, la constitution du gouvernement que dirige M. Fatos Nano a marqué la fin des tensions internes du parti au pouvoir dont les différends avaient conduit à une certaine instabilité politique. Le fait que la lutte contre la corruption et les trafics soit identifiée comme une priorité du gouvernement contribue à donner une image très positive de l'Albanie.
Il n'est donc pas étonnant que ces progrès se soient traduits par la décision de l'Union européenne d'ouvrir les négociations de l'accord de stabilisation et d'association que nous appelions de nos voeux voilà un an. Je sais le rôle que la France a joué dans cette décision. Il nous faut, à présent, accompagner l'Albanie dans ses efforts continus pour développer l'Etat de droit. L'étape de l'accord d'association est capitale puisque l'assimilation des normes européennes est un impératif qu'il faudra progressivement réaliser dans les années à venir. Je souhaite que notre coopération permette d'oeuvrer en ce sens dans tous les domaines, y compris le domaine parlementaire.
Autre fait marquant, au sommet de la francophonie à Beyrouth, l'Albanie est devenue membre à part entière. Cette décision, très attendue, est d'autant plus méritée que 30 % des élèves albanais apprennent le français dans le système scolaire obligatoire. (M. le secrétaire d'Etat acquiesce.) En dépit des offensives de l'anglais, notre langue demeure la deuxième langue apprise en Albanie.
Nous nous devons de poursuivre nos efforts et je sais que notre Alliance française est fort active. Je suis persuadé que nous pouvons encore accentuer notre présence, notamment en ayant enfin un centre culturel français digne de ce nom à Tirana.
La présence de notre langue est un atout culturel qui est également important pour développer nos investissements. De ce point de vue, la présence économique française est insuffisante. Certes, l'investissement ne se décrète pas et je sais que la législation sur la propriété et sur le droit des sociétés doit encore être améliorée. Il n'en demeure pas moins que, comparée à celle que prennent les entreprises italiennes, la place qu'y occupe notre pays n'est pas celle que son influence devrait lui valoir. Sans doute le fait de disposer à Tirana d'un poste d'expansion économique de plein exercice pourrait-il favoriser l'investissement français !
Je me félicite, monsieur le ministre, de la reprise des contacts au plus haut niveau entre nos deux pays. Lors d'un entretien entre M. Chirac et M. Nano, à l'occasion du sommet de Beyrouth, l'hypothèse d'une visite d'Etat du Président de la République française en Albanie a été évoquée. Une telle visite serait effectivement l'occasion de relancer nos relations bilatérales dans tous les domaines avec un pays auquel nous lient des relations d'amitié anciennes et solides.
Tels sont, mes chers collègues, les quelques mots que je voulais prononcer à l'occasion de l'examen du projet de budget des affaires étrangères. Derrière ces crédits, il y a des pays amis de la France et des hommes qui attendent de nous aide, assistance et amitié. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux : nous les reprendrons à vingt-deux heures quinze.
La séance est suspendue.


(La séance, suspendue à vingt heures dix, est reprise à vingt-deux heures quinze, sous la présidence de M. Daniel Hoeffel.)

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

5

COMMUNICATION RELATIVE À UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi modifiant la loi n° 85-99 du 25 janvier 1985 relative aux administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises et experts en diagnostic d'entreprise est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

6

SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le président. M. le président a été informé, par lettre en date du 4 décembre 2002, par le président du Conseil constitutionnel que celui-ci a été saisi d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution par plus de soixante députés de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003.
Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.

7

LOI DE FINANCES POUR 2003

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2003, adopté par l'Assemblée nationale.

Affaires étrangères (suite)

M. le président. Dans la suite de l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les affaires étrangères, la parole est à M. Guy Penne.
M. Guy Penne. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'interviendrai sur plusieurs points, et je commencerai par une question qui me semble fondamentale : ce débat budgétaire n'est-il pas surréaliste ?
Avant même de l'avoir fait voter par le Parlement, le Gouvernement informe que ce budget ne sera pas tenu ! On prépare à Matignon et à Bercy les coupes claires qui viendront alléger les crédits toujours trop minces du ministère des affaires étrangères. Et voilà que, devançant les ciseaux de Bercy, notre commission des finances fait du zèle et souhaite amputer, encore et encore, ce frêle budget !
Mme Danielle Bidard-Reydet. C'est honteux !
M. Guy Penne. Cette majorité sénatoriale qui critiquait hier les budgets de M. Védrine se prépare à voter aujourd'hui des crédits réduits en se prêtant elle-même au jeu de massacre !
Il s'agit d'un budget modeste, qui s'inscrit dans la continuité. Le budget des affaires étrangères ne représente pas, en effet, la totalité de l'action extérieure de la France. Celle-ci est caractérisée, depuis des années déjà, par la dispersion et la dilution au détriment de son efficacité. Je ferai donc les mêmes critiques que par le passé.
Les rapporteurs ont fait oeuvre utile en rappelant les points positifs du projet de budget, mais il faut aussi, pour être juste, rappeler les points négatifs.
Ainsi ont été évoquées les contributions obligatoires en augmentation. Il faut parler aussi des contributions volontaires qui restent au niveau de 2002 et qui sont donc insuffisantes pour assurer la présence et l'influence de la France dans les organisations internationales.
L'augmentation prévue des crédits destinés à la sécurité des Français de l'étranger reste très inférieure aux besoins et ne correspond pas aux annonces faites lors de la préparation du budget. Pensons à la situation actuelle de nos compatriotes dans certains pays africains où, ici et là, se multiplient des conflits dont ils sont directement les victimes.
Le budget de l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger ne permettra pas à cette dernière de terminer l'année scolaire. Rien n'est venu me rassurer depuis l'intervention que j'ai faite en commission. Le fond de roulement épuisé ne permet une survie que de quelques jours.
La part relative des crédits de rémunération et de fonctionnement diminue : 37,4 % contre 41,2 % l'année dernière. La perte sèche est de cinquante-sept emplois.
La coopération décentralisée n'est pas bien lotie dans ce budget. Pourtant, le Président de la République l'avait mentionnée dans son programme en dix points sur la politique de coopération. Or nous pouvons constater que les crédits d'appui à la coopération privée ou décentralisée vont baisser de 2 % ! Les initiatives locales et le travail des ONG constituent un apport fondamental au renouveau de la coopération. Diminuer leurs crédits est un mauvais signal adressé aux collectivités locales et aux centaines de bénévoles qui animent le réseau associatif solidaire.
En ce qui concerne les crédits pour le fonds de solidarité prioritaire et pour l'Agence française de développement, s'il faut se féliciter de l'augmentation des autorisations de programme, il faut aussi rester vigilant quant à leur transformation ultérieure en crédits de paiement, ce qui n'est pas automatique.
Nous ne pensons pas que le budget pour 2003 contribue à donner une chance de réussite au voeu de M. le Président de la République sur les crédits d'aide au développement : - 50 % d'augmentation en cinq ans ! Actuellement, un gel des crédits important affecte les crédits pour 2002 de la coopération et de l'APD. On donne d'une main et on efface de l'autre. Ces crédits semblent être la variable d'ajustement choisie par le Gouvernement pour donner l'illusion de contenir les dépenses !
Nous constatons, encore une fois, hélas ! que ce budget n'est pas prioritaire aux yeux du Gouvernement. Les gouvernements passent et les mauvaises habitudes restent...
En dehors des augmentations dues aux contributions obligatoires, aux crédits du FED et au complexe mécanisme des contrats de désendettement-développement, le budget des affaires étrangères augmente de 1,9 %. On peut dire qu'il stagne !
Quel avenir pour la coopération militaire ?
L'évolution de la coopération militaire n'est pas claire. Cette année encore, les crédits diminuent et atteignent leur limite basse. Quel est le sens des mesures d'économie affichées sur la coopération militaire ? Celle-ci passera-t-elle sous contrôle exclusif du ministère de la défense ?
Une clarification s'impose, d'abord à l'égard de la politique de défense et de sécurité de la France, qui considérait naguère cette coopération comme faisant partie d'une stratégie de rayonnement extérieur et d'influence à l'étranger. Elle s'impose ensuite à l'égard de nos partenaires étrangers, qui pâtissent du manque d'intérêt français et qui devront aller chercher ailleurs ce que la France leur refuse.
Or nous avons peut-être une certaine spécificité à défendre en la matière. Il est évident qu'il faut revoir l'ensemble de la coopération militaire, comme d'ailleurs nous devrions nous pencher sérieusement sur les accords de défense liant notre pays à des pays tiers. Toutefois, cette révision ne peut pas se faire au détour d'une ligne budgétaire effacée d'un trait de plume. Il faudrait nous présenter un bilan global de cet aspect de notre coopération.
J'en viens à l'aide au développement, au FMI et au désordre mondial.
En ce qui concerne l'APD, signalons que, s'il est bon d'augmenter les crédits, il faut aussi, et de toute urgence, réfléchir à l'utilisation de l'aide. Vaste sujet sans doute ! On peut toutefois d'ores et déjà avancer une piste de réflexion en ce qui concerne le rôle important, trop important, pris par certaines instances internationales comme le FMI et la Banque mondiale.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour les affaires étrangères. Très bien !
M. Guy Penne. En effet, ces organismes à la légitimité douteuse ont aujourd'hui un pouvoir de vie et de mort - le mot n'est pas trop fort - sur les économies des pays émergeants et les pays les plus pauvres. Ces organismes arrivent à imposer leurs conditions ; l'APD des Etats passe après pour limiter, dans le meilleur des cas, les dégâts.
L'exemple dramatique de l'Argentine nous interpelle et nous contraint à un examen attentif et approfondi de cette question, de la place et du rôle du FMI et de la Banque mondiale dans la recherche d'un modèle de développement équilibré et respectueux des peuples.
Nous savons que les politiques prônées par les grandes organisations financières internationales ont mené plusieurs pays vers des catastrophes sociales ou ont contribué à accroître leur dépendance à l'égard des « grands pays développés ». Ajustements structurels, ouverture de leurs marchés, libéralisation à outrance, réduction de l'Etat, démantèlement des services publics et de la sécurité sociale ont conduit ces pays à s'enfoncer dans la pauvreté et à hypothéquer leur avenir. Cela a souvent été fait, il est vrai, avec la collaboration d'élites locales incompétentes ou corrompues, parfois même l'un et l'autre !
Face à ces drames, lourds de conflits à venir, le montant de notre APD semble bien dérisoire. Surtout, il nous semble que reprendre la main face aux organisations telles que le FMI et la Banque mondiale est aussi important qu'augmenter notre aide.
Nous nous honorerions à montrer une plus grande vigilance à l'égard de l'action des organisations financières internationales et des conséquences sociales et politiques de leur action.
La doctrine américaine d'aide au développement consiste à mettre en compétition les pays pauvres pour obtenir l'aide de Washington et à opérer une sélection à partir de critères établis par la Heritage Fondation , fondation de la droite extrême américaine. L'APD n'est pas une priorité du gouvernement des Etats-Unis : elle représente à peine 0,11 % du PIB. Nous ne partageons pas la même conception.
C'est sur le terreau de la pauvreté - cela a déjà été dit par d'autres collègues - que prolifèrent les désordres et les guerres, les terrorismes et les intégrismes. Nous avons, nous Européens, tout intérêt à combattre aujourd'hui la pauvreté en nous attaquant à ses racines pour assurer à nos enfants un monde meilleur.
J'en viens au moteur franco-allemand, qui a déjà été évoqué, notamment par M. Daniel Hoeffel. Nous devons saluer le redémarrage de cette pièce essentielle de la construction européenne. Deux propositions conjointes sont venues illustrer cette relance attendue : la première sur la politique européenne de sécurité et de défense, la seconde sur la justice et les affaires intérieures.
Ces deux textes proposés à la Convention revêtent bien entendu une grande importance : ils contiennent des propositions concrètes que nos partenaires peuvent accepter. Il faut s'attarder aussi sur la symbolique de cette action commune franco-allemande. On peut dire que, lorsque l'entente entre l'Allemagne et la France fonctionne, l'Europe va mieux. Il convient donc d'encourager toutes les actions et propositions communes du couple franco-allemand - je rejoindrai encore M. Daniel Hoeffel sur ce point - et notamment de porter un coup d'arrêt au démantèlement des centres culturels français en Allemagne.
J'évoquerai maintenant la Tchétchénie : petit Etat, petit peuple... grand malheur. La guerre s'y poursuit. Il s'agit bien d'une guerre menée, aujourd'hui, au nom de la lutte contre le terrorisme. Est-ce à dire que le terrorisme se trouve à l'origine de cette guerre ?
La population civile souffre du durcissement de la politique de la Russie : des milliers de civils sont touchés par des actions militaires, de graves violations des droits de l'homme sont commises. D'importantes organisations internationales dénoncent l'existence de crimes de guerre.
La nouvelle guerre de Tchétchénie se déroule depuis 1999 dans une grande indifférence internationale.
L'OSCE devrait pouvoir jouer un rôle dans le conflit du Caucase, avant que la régionalisation du conflit entraîne de graves conséquences pour l'Europe : déplacements de population, terrorisme, mafias, etc.
Peut-on envisager une commission internationale pour aborder la question de la guerre de Tchétchénie ?
On ne peut pas parler aujourd'hui de relations internationales sans aborder la question du blanchiment d'argent, mais le temps qui m'est imparti ne me permet pas de développer davantage.
Je tiens à évoquer la dégradation de la situation sur le continent africain, qui se généralise. Peut-être pourriez-vous nous indiquer quelles sont les conséquences du voyage de M. de Villepin en Côte d'Ivoire. Le rappel de notre ambassadeur, monsieur Vignal, fait-il partie de la relance de nos efforts diplomatiques ? Les perspectives d'installation d'une force militaire interafricaine qui permettrait de mettre fin à la mission de protection de l'armée française sont-elles proches ?
Enfin, quel accueil le Gouvernement français fait-il au rapport de l'ONU sur le pillage organisé de l'ancien Zaïre ? Quelle est notre attitude et quelles initiatives pensez-vous prendre pour aider l'ONU dans cette tâche ? Pour terminer, je voudrais dire que M. le ministre a bien voulu proroger la commission temporaire de réforme, qui avait été mise en place par M. Hubert Védrine.
Le travail des délégués au Conseil supérieur des Français de l'étranger s'est acru. Nous voulons renforcer leur rôle, mais, évidemment, cela aura un coût.
La représentativité du Conseil supérieur des Français de l'étranger a été évoquée dans le cadre de la loi de décentralisation. Le renfort du ministre des affaires étrangères nous est indispensable, d'autant que ce dernier préside actuellement le Conseil. Qu'en serait-il si le nouveau statut transformait ce Conseil en établissement public ? Quel serait le souhait de M. le ministre et quel serait le statut personnel du directeur de cet établissement public ?
Enfin, on critique ici et là le caractère réduit du Conseil supérieur des Français de l'étranger pour élire les sénateurs représentant les Français expatriés. Quelle proposition pourriez-vous faire étudier pour élargir ce collège électoral, par exemple par la création d'une circonscription unique ? Ne peut-on mieux faire entendre encore la voix de nos compatriotes expatriés en leur accordant également la possibilité d'élire des députés ?
En conclusion, le groupe socialiste m'a chargé de vous dire que nous nous abstiendrons sur ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la discussion annuelle de ce projet de budget est l'occasion pour moi de faire le point sur l'action sociale qui est menée à l'égard des deux millions de Français qui vivent hors de France, dont un certain nombre - malheureusement, ce nombre est croissant - se trouvent dans des situations difficiles du fait de leur âge ou de leur handicap. Ce sont eux qui, prioritairement, sont les bénéficiaires du fonds d'assistance du ministère des affaires étrangères, créé en 1977 sous l'impulsion du Premier ministre de l'époque, M. Raymond Barre.
En 2002, ce fonds d'assistance a connu un certain nombre d'aléas ; souhaitons que le projet de budget pour 2003 qui nous est soumis, et qui amorce une progression, ne connaisse pas les mêmes !
Revenons quelques instants sur l'année en cours. Le budget que nous avait présenté votre prédécesseur, monsieur le ministre, notamment le chapitre relatif à l'assistance aux Français de l'étranger, n'avait progressé que très faiblement - 1,8 % - s'établissant à 17,339 millions d'euros, ce qui a conduit la commission permanente pour la protection sociale des Français de l'étranger, au sein de laquelle je siège et qui fixe le montant des allocations « solidarité et handicapé » pour l'ensemble de nos postes consulaires, à n'accorder que des augmentations limitées en nombre et en montant lors de sa réunion du 5 mars 2002.
J'ajoute que, dans une vingtaine de postes, les taux de base ont même été révisés à la baisse. Je ne peux que regretter une telle situation, car si, depuis 1998, la ligne budgétaire affectée au fonds d'assistance a été revalorisée de 18 %, dans le même temps, les dépenses ont augmenté de 27 %, ce qui se traduit par un déficit des aides à nos compatriotes.
Dans votre intervention du 2 septembre 2002 devant le Conseil supérieur des Français de l'étranger, le ministre des affaires étrangères, M. Dominique de Villepin, nous avait annoncé une hausse de 500 000 euros des crédits du fonds d'assistance dans le projet de loi de finances pour 2003. En examinant ce dernier, j'ai pu constater que cette promesse était respectée puisque le titre IV, chapitre 46-94, fait état d'une augmentation de 1 000 000 d'euros, dont 500 000 euros pour la ligne budgétaire consacré à « l'assistance à l'étranger ».
Je m'en réjouis, car dans le contexte budgétaire actuel, c'est la marque de l'intérêt qui est porté aux Français vivant à l'étranger.
J'exprime le voeu, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que cette augmentation - dont nous nous félicitons - ne constitue qu'une première étape et que cet effort soit poursuivi dans les années à venir, afin que les expatriés disposent enfin d'aides comparables à celles de leurs compatriotes de métropole et que l'écart existant puisse, un jour, disparaître totalement.
Dans cette perspective, je formule un souhait particulier : il concerne les enfants français handicapés en résidence à l'étranger. Certes, ils bénéficient d'une allocation « enfant handicapé », mais son montant reste minime lorsqu'il s'agit d'enfants qui souffrent d'un handicap lourd. Aussi ces derniers sont-ils encore très nettement désavantagés par rapport aux handicapés mineurs de métropole. Une augmentation circonstanciée, adaptée aux besoins, serait donc la bienvenue.
Une autre ligne budgétaire du chapitre 46-94 a retenu mon attention ; je veux parler de celle qui est consacrée à la contribution à la couverture santé des personnes à faible revenu dans le cadre de la caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger. Il s'agit donc de l'aide qui est apportée par l'Etat aux expatriés désireux d'adhérer à l'assurance maladie de la caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger, mais dont les revenus sont trop faibles. Cette aide est inscrite à l'article 19 de la loi de modernisation sociale.
Conformément aux engagements de l'Etat, cette ligne budgétaire demeure stable à 152 449 euros par an.
L'entrée en vigueur tardive, à la fin du mois d'avril 2002, des mesures contenues dans l'article 19 de la loi de modernisation sociale et, notamment, de celles qui sont relatives à la troisième catégorie aidée, ne nous permet pas encore de juger de l'impact réel de cette disposition.
Néanmoins, monsieur le ministre, afin qu'un plus grand nombre de nos compatriotes puissent en bénéficier, il est probable - comme je l'ai indiqué à votre collègue chargé de la santé - que le conseil d'administration de la caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger sera amené à proposer des aménagements. Je tenais à vous en informer, car nous devons, d'une part, poursuivre nos réflexions concernant les allocataires du fonds d'assistance - qui ne disposent ni des minima sociaux ni de la couverture maladie universelle qui leur est attachée - et, d'autre part, faire en sorte que tous puissent un jour bénéficier de la couverture maladie de la caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger, ce qui est l'une de mes demandes constantes depuis de nombreuses années.
Il est donc absolument nécessaire de poursuivre l'effort entrepris cette année en renforçant les crédits d'assistance aux Français de l'étranger. Il s'agit, bien sûr, de répondre aux demandes croissantes de nos compatriotes et de leur assurer des allocations qui leur permettent d'avoir des conditions de vie décentes, mais aussi d'apporter une aide plus importante à ceux des allocataires qui ne peuvent toujours pas adhérer à la caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger en raison de la faiblesse de leurs ressources, et ce malgré la création de la troisième catégorie aidée. Par exemple, la prise en charge de leur accès à l'assurance maladie des expatriés représente, en quelque sorte, un parallèle avec ce qui existe en métropole s'agissant de la couverture maladie universelle pour les bénéficiaires des minima sociaux.
Je veux dire un mot des retraites dues par les Etats africains aux expatriés retraités, retraites pour lesquelles ces derniers ont cotisé. De nombreux organismes africains de sécurité sociale sont défaillants, ce qui pénalise nos compatriotes. C'est un sujet récurrent, très longuement exposé à cette tribune par moi-même et par beaucoup de mes collègues. Nous attendons une action du Gouvernement en la matière.
Avant de conclure, je souhaite évoquer le sujet des sociétés françaises de bienfaisance, dont certaines reçoivent des subventions du ministère des affaires étrangères. Celles-ci leurs permettent d'apporter une aide matérielle aux Français expatriés les plus défavorisés et d'intervenir en complément des allocations versées par le ministère. Elles suppléent ainsi, de plus en plus fréquemment, l'action de nos postes consulaires, qui sont dans l'impossibilité, nous l'avons vu, de faire face, pour l'instant, à toutes les demandes.
Ces actions nécessitent donc des subventions ciblées plus importantes. Nous devons, là aussi, poursuivre nos efforts. Il s'agit d'apporter l'aide réelle que nos compatriotes français de l'étranger sont en droit d'attendre de l'Etat français, surtout pour les plus démunis qui, malheureusement, sont de plus en plus nombreux dans le monde.
Depuis une trentaine d'années, nous nous sommes mobilisés pour mettre en place une couverture sociale globale en faveur des Français de l'étranger : je pense aux assurances volontaires maladie, maternité, accidents du travail de la caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger ; je pense aux systèmes de retraite ; je pense, enfin, au fonds d'assistance du ministère. Certes, nous devons encore parfaire le système, mais le plus urgent me paraît être le fonds d'assistance, qui, aujourd'hui, ne joue pas pleinement le rôle qu'il devait avoir à l'origine auprès de nos compatriotes les plus démunis.
On peut comprendre que vous deviez prendre en compte certaines restrictions budgétaires. Mais, franchement, est-ce une raison pour que, dès qu'un problème de ce type se pose, on le fasse supporter aux plus désavantagés de nos expatriés, comme cela a failli être le cas cette année ?
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, nous ne pourrons aller de l'avant que si vous augmentez fortement le fonds d'assistance ; Alain Juppé et Hubert Védrine, deux de vos prédécesseurs, l'avaient compris. Ce doit être désormais notre objectif commun, comme M. de Villepin l'a indiqué devant l'Assemblée plénière du Conseil supérieur des Français de l'étranger. D'autant que vous aurez à coeur, j'imagine, de mettre en oeuvre l'engagement du Président de la République : « la solidarité nationale s'exprime aussi - à l'égard des Français de l'étranger - dans le domaine de la protection sociale en abondant fortement le fonds d'action sociale au cours des cinq prochaines années, afin de faire face à l'afflux des demandes, et en améliorant le système d'assurance maladie de façon que le plus grand nombre de nos compatriotes n'en soient plus exclus ». (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants, et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous abordons la discussion des crédits consacrés à la coopération dans un monde empreint de violence, d'inégalités et de frustration qui nous montre combien les politiques mondiales ont échoué.
Cependant, il ne s'agit pas d'une fatalité. Ce système, fondé sur une vision capitalistique des relations dans laquelle le facteur économique prime sur le facteur humain, n'est pas l'issue obligée. L'avenir et la solution sont dans une plus juste répartition des richesses si nous voulons faire évoluer notre planète.
Koffi Annan, secrétaire général de l'ONU, l'a lui même rappelé, lors du sommet sur le millénaire : « le plus important, c'est que l'être humain soit au centre de tout ce que nous faisons ».
Pourtant, le fossé entre pays riches et pays pauvres ne fait que s'agrandir : 600 millions d'enfants vivent dans le dénuement le plus total ; 1,4 milliard de personnes n'ont pas accès à l'eau potable et 2,6 milliards de personnes vivent sans installation d'assainissement.
La question de l'eau est un enjeu majeur de notre siècle. Pourtant, le sommet de Doha a entrepris de l'intégrer dans la sphère marchande et, à Johannesburg, en septembre dernier, les multinationales de l'eau étaient très présentes. Or nous travaillons pour que l'eau soit un bien commun de l'humanité. Ce thème, abordé lors du forum social de Florence, sera repris en novembre 2003 au forum social de Saint-Denis.
Les chiffres relatifs à la faim dans le monde sont, eux, aussi éloquents : 24 000 personnes meurent de faim chaque jour, soit une personne toutes les quatre secondes, alors que la planète produit suffisamment de céréales pour nourrir l'ensemble de la population mondiale. L'augmentation de 2 millions d'euros dans ce budget est appréciable, mais elle reste très insuffisante si la France veut respecter les engagements qu'elle a pris lors de la convention de Londres.
L'objectif de réduire de moitié le nombre de personnes qui souffrent de la faim sera atteint - comme l'a reconnu le directeur général de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, la FAO - avec quarante-cinq ans de retard ! Le sommet mondial de l'alimentation, qui s'est tenu récemment à Rome et dont l'objectif était de relancer la lutte contre la faim, nous laisse des plus perplexes sur les réelles intentions des pays industrialisés.
Une grande source d'inquiétude concerne le domaine de la santé. Le dernier rapport de l'ONUSIDA recense 42 millions de personnes porteuses du virus, 5 millions de nouvelles infections et 3,1 millions de décès, dont 610 000 enfants de moins de quinze ans. C'est une véritable pandémie dont les gouvernements du Nord et du Sud n'ont pas pris la pleine mesure.
La vie humaine ne doit pas être l'otage des grandes firmes pharmaceutiques qui réclament des sommes colossales. Des solutions sont envisageables, comme la prévention, la vaccination, la baisse des prix des médicaments, la diffusion sans restiction des génériques et, surtout, la mise en place d'une véritable politique mondiale de diffusion des thérapies. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, nous sommes comptables devant l'humanité. Il faut agir vite !
En ce qui concerne le domaine de la culture et de l'éducation, dans le monde, plus de 100 millions d'enfants ne vont pas à l'école, dont une grande majorité de filles. Pourtant, la culture et l'éducation sont les remparts essentiels contre l'ignorance et l'intolérance. Elles sont les portes du progrès et de la tolérance. Albert Camus disait fort justement : « Une nation qui éduque est une nation qui se civilise. » Nous devons permettre un accès libre aux écoles et leur gratuité.
Je suis très heureuse d'avoir participé, avec tous les groupes politiques du Sénat et son président, à la reconstruction des lycées franco-afghans de Kaboul l'an dernier, en coopération avec le ministère des affaires étrangères et France Culture.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Très bien !
Mme Hélène Luc. Mais il faut prolonger cette action en ouvrant des écoles primaires, des facultés et des hôpitaux. La France a été et doit rester un moteur essentiel en la matière. C'est pourquoi je déplore, dans ce projet de budget, la baisse des crédits octroyés à la francophonie et aux relations culturelles.
Qui plus est, il est inacceptable - j'y insiste - qu'un amendement vise à diminuer les crédits attribués à l'aide pour le développement et à la francophonie à hauteur de 2 millions d'euros. Bien évidemment, nous voterons contre cet amendement !
Par ailleurs, ces dernières années, les sommets pour le développement et la coopération ont été très fréquents. Qu'il s'agisse de Monterrey, de Rome ou de Johannesburg, un mouvement mondial s'est amorcé. Mais les participants ont avant tout adopté des résolutions, et il convient maintenant de les appliquer. Ils ont mis l'accent sur les désaccords existant entre les Etats-Unis, l'Europe et les pays du Sud.
La France s'est positionnée en faveur d'une politique de développement et de coopération plus humaniste. Nous devrons donc nous engager à l'échelle mondiale et européenne, car certains pays, comme la Roumanie, connaissent une véritable misère qui pousse des populations à s'expatrier massivement pour s'installer dans de véritables bidonvilles. Habitant à Choisy-le-Roi, j'en ai vu l'exemple douloureux.
Il convient donc au plus vite d'engager un travail approfondi de coopération et d'aide entre la France, l'Europe et ces pays afin d'apporter des réponses humaines et que ces hommes, ces femmes et ces enfants puissent vivre dans leur pays. Il faut défendre les droits de l'homme. Il faut le dire, la solution n'est pas de les expulser, mais au contraire d'aider à vivre en France ceux qui sont là.
Il est donc nécessaire de mettre en place un véritable plan mondial contre la pauvreté et pour le développement dans toutes ses dimensions.
Depuis plusieurs années, avec le groupe communiste républicain et citoyen, nous demandons l'instauration d'une taxe sur les mouvements financiers. Le Président de la République a repris cette idée récemment, il faut vite la concrétiser !
Il convient aussi d'être plus à l'écoute de la société civile et des collectivités locales. De nombreux conseils municipaux et généraux, à l'exemple de Paris, de Marseille, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, poursuivent une politique efficace en la matière. Bien que le Président de la République, lors du sommet de Johannesburg, ait souligné la nécessité d'appuyer de telles actions, ce projet de budget enregistre une baisse des crédits en faveur des initiatives privées et de la coopération décentralisée. La France, en accordant une part très faible de son aide publique au développement aux organisations non gouvernementales et aux collectivités locales, se trouve très mal placée par rapport aux autres pays européens.
La France, à elle seule, même si elle peut faire beaucoup, ne pourra renverser cette logique. Il est nécessaire que les Etats-Unis prennent enfin la part qui devrait être la leur. Malheureusement, ils viennent récemment d'annoncer la création d'une agence indépendante pour distribuer leur aide publique au développement suivant des critères hautement subjectifs fondés sur des concepts de « bonne gouvernance » et de « bonne gestion économique », accordant l'aide aux pays qui se soumettront aux injonctions du président Bush. C'est un autre défi qui est lancé, selon moi, à l'ONU.
Pour conclure, je souhaite l'adoption d'une loi de programmation en matière de coopération, comme en matière militaire, qui permettrait de définir le cadre nécessaire au seuil de 0,7 % du PIB et au financement des opérations de coopération, mais également de circonscrire des gels de crédits trop fréquents. Le Président de la République avait évoqué une telle loi ; maintenant, il faut s'y acheminer.
Le groupe communiste républicain et citoyen reconnaît, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, l'effort consenti en matière de coopération et de développement dans ce budget, mais, avec 0,4 % du PIB, nous sommes encore loin du compte et des 0,7 % prévus pour 2010. Il faudra y parvenir en temps voulu et pourquoi pas, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, en posant avec force cet objectif à l'ONU : y arriver avant 2010 ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Robert Del Picchia
M. Robert Del Picchia. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les problèmes mondiaux viennent d'être traités et je serai plus terre à terre.
Toutefois, avant d'aborder quelques points qui seront, vous vous en doutez, consacrés aux Français de l'étranger, je tiens à exprimer publiquement mes félicitations à votre ministère dans son ensemble, à vous-mêmes, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, et à Dominique de Villepin.
En effet, vous avez entendu et vous entendrez encore quelques remarques négatives, voire des plaintes, sur le fonctionnement de certains services du ministère, ambassades ou consulats, peut-être en partie justifiées, mais là n'est pas mon propos. En revanche, à titre personnel, j'ai envie de dire un grand « bravo » à la politique étrangère de la France, inspirée par le Président de la République, conduite par le ministre, suivie par vous-mêmes, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, et appliquée par les fonctionnaires.
Le consensus sur les succès diplomatiques des derniers mois n'est contesté ni à droite ni à gauche ni dans cette assemblée ni à l'Assemblée nationale. La liste des points les plus visibles est longue : l'affaire irako-américaine, les accords européens, la politique agricole commune, le financement de l'élargissment ; n'oublions pas, bien sûr, la coopération en matière de défense avec l'Allemagne, et même les progrès réalisés en Afrique.
Dominique de Villepin n'a pas ménagé son engagement, ses heures de sommeil ni ses kilomètres de voyages, tout comme Renaud Muselier aux quatre coins du monde, Pierre-André Wiltzer en Afrique et ailleurs, et Noëlle Lenoir dans les marathons européens.
L'image de la France et son retentissement à l'étranger en sont sortis grandis, ce dont nous vous remercions.
Permettez-moi de me féliciter particulièrement de la prise en compte de la sécurité des Français de l'étranger en tête des priorités, comme l'a rappelé Dominique de Villepin, dans ce monde incertain où plus rien n'est prévisible et où l'imprévisible est trop souvent catastrophique.
Je partage en outre les interrogations du président de la commission des affaires étrangères, André Dulait, en particulier sur l'Europe de la défense, la coopération renforcée avec l'Allemagne et les autres pays européens, et je m'associe aux propos de M. Hoeffel sur le couple franco-allemand et sur le Conseil de l'Europe.
Mais venons-en, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, à l'avenir des Français de l'étranger. J'exprimerai tout d'abord ma satisfaction sur l'avancée consacrée par le projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République : je veux parler de la reconnaissance dans la Constitution des « instances représentatives des Français de l'étranger ».
Jusqu'à présent, il ne figurait qu'une seule référence aux Français de l'étranger dans la Constitution, à l'article 24 : « Les Français établis hors de France sont représentés au Sénat. »
Grâce aux efforts conjoints de votre ministère et des ministères de la justice et des libertés locales, l'article 39 de la Constitution devrait, dès l'adoption définitive du projet de loi constitutionnelle, consacrer le principe de l'existence de « projets de loi relatifs aux instances représentatives des Français de l'étranger ».
Ce pas important en faveur des expatriés et de leurs représentants au Conseil supérieur des Français de l'étranger, le CSFE et au Sénat démontre l'ambition du Gouvernement en faveur d'une vraie réforme du CSFE.
La commission de la réforme, son président, Guy Penne, et l'ensemble des délégués souhaitent que le CSFE devienne l'« assemblée des Français de l'étranger », l'AFE.
Dans le cadre de l'examen du projet de loi de décentralisation, le garde des sceaux a annoncé au Sénat le dépôt d'un projet de loi organique qui devrait être soumis au Parlement au printemps 2003.
Serait-il raisonnable, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, d'envisager de faire de l'assemblée des Français de l'étranger un établissement public placé sous la tutelle du ministère des affaires étrangères et, bien entendu, aux prérogatives partagées ? et établissement public pourrait avoir des compétences qui seraient déterminées en accord avec le ministère.
Par ailleurs, il est de notoriété publique, comme nous l'avons entendu à cette tribune, que l'agence pour l'enseignement français à l'étranger rencontre des difficultés financières. On connaît l'augmentation du budget et on sait qu'il est demandé un plan d'économies de 6,4 millions d'euros qui ne pourraient être réalisées que sur le budget de fonctionnement. Des économies trop lourdes risquent d'induire de graves conséquences pour les établissements, telles que des déconventionnements, des taxations sur les fonds de roulement, des restrictions dans les subventions aux établissements, au prix, dans certains cas, de la sécurité des élèves et des personnels.
De surcroît, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, l'Agence et l'image de la France à l'étranger n'en sortiraient pas indemnes. Ces mesures seraient perçues comme un désengagement et bloqueraient la confiance alors même que l'on resterait loin de l'objectif d'économies fixé.
Le ministre des affaires étrangères, bien conscient de ce problème, a déjà indiqué que ce plan d'économies pourrait être étalé sur plusieurs années.
Pour remédier aux difficultés budgétaires de l'Agence, l'une des pistes pourrait être la prise en charge partielle ou totale des bourses scolaires par le ministère de l'éducation nationale. Il faut savoir que l'extension de notre réseau et le maintien à son niveau de qualité ont conduit la plupart des établissements à augmenter régulièrement les frais de scolarité. Il est peut-être bon de rappeler à cette tribune, pour ceux de nos collègues qui ne le savent pas ou qui l'ont oublié, que l'école publique française à l'étranger est privée, payante et parfois chère.
Dans le passé, la gestion des bourses scolaires à l'étranger était assurée par le ministère de l'éducation nationale. Elle a été transmise à l'AEFE en 1990, au moment de sa création. Pourquoi n'envisagerions-nous pas un transfert de charges pour payer une partie des bourses qui viendrait en déduction du budget ?
Si l'enseignement est un sujet de préoccupation majeur pour les Français de l'étranger, il en est un autre qu'il ne faut pas négliger afin de préserver le lien qui les unit à la France : la chaîne d'information. Nous savons que le projet de budget pour 2003 n'y pourvoira pas, mais nous pouvons y réfléchir pour l'avenir. L'une des solutions consisterait à reprendre la chaîne européenne d'information Euronews, en augmentant tout simplement la participation de la France qui est, à l'heure actuelle, de 38 %, afin d'obtenir la majorité et de faire de la chaîne européenne une chaîne d'information française.
Je voudrais conclure, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétariat d'Etat, en abordant, après Jean-Pierre Cantegrit, le problème des retraites. Je tiens à remercier particulièrement votre ministère, puisque l'on vient d'apprendre que l'OPS, l'organisme en charge du paiement des retraites à Djibouti, avait enfin repris le paiement des pensions de nos compatriotes qui, après avoir cotisé parfois toute une vie, ne percevaient plus leur retraite depuis des années.
C'est une très bonne nouvelle. Néanmoins, de nombreux pays africains ne le font pas encore, aussi espérons-nous que vous obtiendrez le même succès dans le déblocage de ces pensions impayées.
Telles sont, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, les quelques réflexions complémentaires que je souhaitais apporter à ce débat. C'est avec plaisir et enthousiasme, comme le disait Hubert Durand-Chastel, que je voterai ce budget, et c'est avec grand intérêt que j'écouterai vos réponses qui, j'en suis sûr, seront tout aussi pertinentes que les questions qui vous ont été posées par nos collègues. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, par tradition, la France a une diplomatie forte et originale, une indépendance politique et une force de proposition unique. Elle est un acteur essentiel dans le débat international, tant au sein des Nations unies que par son action propre, dont la qualité est reconnue ; son rôle dans la crise irakienne en est un exemple éloquent.
Pour avoir les moyens de son ambition, notre pays doit disposer d'un outil diplomatique performant. La hausse du budget des affaires étrangères est un élément déterminant. En effet, ce budget a des incidences majeures non seulement politiques mais aussi économiques. Nous devons lui donner toute son efficacité en améliorant le fonctionnement du ministère et en ciblant notre action.
Pour ce qui est des réformes au niveau interministériel, des efforts pour rationaliser les actions extérieures de la France sont à saluer, qu'il s'agisse de la réforme comptable de 1997, de la fusion, en 1998, des ministères des affaires étrangères et de la coopération, ou de l'expérimentation des sept postes mixtes à vocation consulaire et commerciale.
Notre pays peut sans doute s'enorgueillir de disposer du deuxième réseau diplomatique et consulaire au monde, grâce à ses cent soixante-neuf ambassades et représentations permanentes. Mais ce réseau n'est pas pleinement adapté aux changements stratégiques mondiaux. La France doit être plus présente là où s'inscrit l'avenir, et non là où sa présence n'est qu'un héritage de l'histoire.
Pour ce qui concerne l'Union européenne, la recherche d'efficacité d'un redéploiement de nos effectifs diplomatiques et consulaires nous conduit à considérer l'ampleur de notre présence. Les vingt-quatre consulats français dans les pays de l'Union européenne emploient près de cinq cents personnes, soit le quart des effectifs diplomatiques et consulaires totaux, et coûtent près de 21 millions d'euros, ce qui représente 5 % des dépenses. Si l'Union européenne est une réalité, la suppression des consultats dans les pays de l'Union et l'exercice de leurs fonctions par les autorités locales en seraient la conséquence logique. Cette solution serait économique, et symboliquement très forte ; elle ferait de nos ressortissants des citoyens européens à part entière.
Nos ambassades en Allemagne, en Espagne, en Italie au Royaume-Uni emploient aussi près de cinq cents personnes. Sont-elles, aujourd'hui encore, toutes indispensables ?
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Non !
M. Aymeri de Montesquiou. Je vous remercie de cette réponse, monsieur le rapporteur spécial.
Il existe un hiatus considérable entre la « demande de France » émanant des régions stratégiques pour les équilibres et économiques mondiaux et notre réactivité à celle-ci. Notre récente action en faveur de la paix a souligné combien cette demande était forte.
Pour illustrer cette affirmation, je choisirai la zone de la mer Caspienne, qui représente 20 % des réserves mondiales de pétrole et qui a été plus particulièrement sensible à l'action diplomatique de la France pour éviter la guerre en Irak.
Dans cette zone se trouve l'Iran, qui joue un rôle clé pour le Moyen-Orient et qui représente un marché de 65 millions d'habitants. Soyons-y plus présents, avant que les Américains n'y reprennent pied.
Cette zone comprend aussi l'Asie centrale, où nous ne sommes guère présents, et le Kazakhstan, en particulier, qui ne veut pas devenir un protectorat américain et qui produira 150 millions de tonnes de pétrole dans dix ans.
J'ajouterai à cette liste l'Afghanistan, petit marché, mais aussi lieu de confrontation entre diverses interprétations de l'Islam. Notre pays, reconnu comme respectueux de toutes les religions, peut y trouver l'occasion d'apparaître comme le pays occidental le plus à même d'être l'interlocuteur privilégié du monde musulman.
Dans un autre contexte, nous ne pouvons bien sûr abandonner l'Afrique, même si sa situation est parfois décourageante. Cependant, notre capacité financière ne nous permet pas d'agir sans partenaires : la Libye assagie ou le Canada francophone, monsieur le ministre délégué, pourrait être l'un de ceux-ci.
Notre action récente aux Nations unies a montré que nous refusions la loi du plus fort, acceptée sans doute au xixe siècle, mais qui ne doit plus avoir cours aujourd'hui. Dans le droit fil de cette politique, une action constante en faveur de l'application de toutes les résolutions des Nations unies accroîtrait notre capital de sympathie auprès des pays qui refusent tout hégémonisme.
Avant de conclure, je voudrais insister, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, sur la faiblesse de notre action en faveur des étudiants étrangers. Nous en accueillons, c'est un exemple parmi d'autres, 50 % de moins que la Grande-Bretagne. C'est un point très faible de notre organisation interministérielle, car ces étudiants constituent des relais politiques et économiques essentiels pour le futur.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, nous comptons sur votre énergie pour que notre diplomatie demeure l'un de nos atouts majeurs pour diffuser nos valeurs humanistes et universelles. Nous comptons sur vous pour mener une diplomatie audacieuse, courageuse et visionnaire, en développant nos relations avec des pays qui seront, dans un avenir proche, sur le devant de la scène internationale, et en donnant toute son importance à l'Organisation des Nations unies.
Les membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen voteront les crédits destinés à votre ministère. (Applaudissements sur les travées du RDSE, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Yves Dauge.
M. Yves Dauge. Je voudrais attirer d'emblée l'attention de M. le ministre et de M. le secrétaire d'Etat sur un point : en votant les crédits de l'Agence française de développement, que je connais bien puisque j'ai siégé plusieurs années au sein de son conseil de surveillance, avec certains de mes collègues ici présents, nous lui accorderons 137 millions d'euros de crédits de paiement. Or il faut savoir que quelque 160 millions d'euros ont déjà été engagés ; par conséquent, l'Agence française de développement va se trouver, à la suite de notre vote, en cessation de paiements. Nous avions déjà connu cette situation l'an dernier, car l'Agence avait alors subi un gel de 20 % de ses crédits, que M. Charasse a qualifié tout à l'heure de « mal nécessaire ».
Pour ma part, je pense, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'en ce qui concerne les interventions de la France à l'étranger, notamment dans le cadre des rapports étroits que nous entretenons avec des pays du tiers-monde en matière d'opérations de développement, il conviendrait de ne pas procéder à une régulation budgétaire. Sinon, nous nous plaçons dans une situation d'échec, ce qui est quand même grave. Je comprends que l'on pratique la régulation budgétaire, c'est parfois nécessaire, mais il est des domaines où il vaut mieux éviter de le faire : c'est une vieille histoire !
En tout cas, j'insiste sur le fait que, après le gel de 20 % des crédits en 2002, nous allons voter 137 millions d'euros de crédits de paiement, alors que les engagements atteignent d'ores et déjà 160 millions d'euros. Comment fera-t-on face à cette situation, techniquement et politiquement ? C'est un point qui m'inquiète beaucoup.
J'ajouterai, à propos de l'Agence française de développement, que celle-ci a consenti des prêts à des pays qui vont bénéficier de suspensions de dettes. L'Agence a donc besoin d'une garantie de l'Etat, laquelle s'élèverait, d'après mes informations, à 1,1 milliard d'euros, ce qui est nettement insuffisant. Là aussi, comment s'y prendra-t-on pour résoudre l'équation ? Soit on donne des chiffres, qui devront être exacts parce que l'on établit des budgets sincères, soit on se contente d'affirmer que la garantie sera apportée, sans autres précisions, mais on ne peut laisser l'Agence dans l'incertitude. Cela dit, l'annulation de la dette est évidemment une excellente chose.
Par ailleurs, M. Charasse a évoqué à juste titre le Fonds européen de développement, le FED. J'avais rédigé un rapport sur celui-ci voilà environ deux ans et il est vrai que la consommation des crédits n'est pas satisfaisante. Les raisons en sont multiples. Pour ma part, je crois qu'il faut revenir sur cette question de la non-consommation des crédits du FED et en débattre à l'échelon européen.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour l'aide au développement. C'est sûr !
M. Yves Dauge. M. Charasse propose de reprendre les crédits qui n'auront pas été consommés. Ce serait la solution idéale, évidemment, mais j'ignore si elle est applicable. L'année dernière, M. Charasse avait proposé une autre solution, consistant à ne pas attribuer les crédits et à attendre la suite des événements. En tout état de cause, il s'agit d'un vrai sujet, la France étant le premier contributeur au FED, à hauteur de 25 % des crédits. Comment peut-on aider l'Europe à dépenser cet argent ?
Mme Danielle Bidard-Reydet. C'est bien le problème !
M. Yves Dauge. On ne peut, à mon avis, se contenter de reprendre les crédits qui n'auront pas été utilisés. La France doit aider l'Europe à être efficace, et il n'est pas mauvais, en soi, que notre pays contribue à hauteur de 25 % au budget du Fonds européen de développement, à condition qu'il puisse, au travers de cette contribution, mener une vraie politique de développement. Cependant, la réflexion doit être conduite à l'échelon européen.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Bien sûr !
M. Yves Dauge. J'ai assisté à des réunions, en particulier à Londres, où l'on débattait des moyens de mieux dépenser, mais la discussion n'a pas abouti. Reprenons-la et faisons progresser l'Europe sur ce sujet, qui est quand même un beau sujet. En soi, il n'est pas mauvais, je le répète, que la France alimente le FED à hauteur de 25 %.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Nous ne disons pas le contraire !
M. Yves Dauge. Cela étant, la France doit obtenir, par le biais de cette contribution, que l'Europe conduise une politique de développement pour le tiers monde qui soit reconnue comme exemplaire. M. Charasse a soulevé une vraie question : le fonctionnement du FED n'est pas satisfaisant, il faut l'améliorer, mais quoi qu'il en soit on ne peut en rester là.
S'agissant toujours du développement, que le Gouvernement essaie de revaloriser, l'aide publique au développement est une bonne chose, je le reconnais. Cependant, que prendra-t-on en compte dans le calcul ? Quel sera l'effet de l'annulation de la dette ? Des prévisions ont été faites, nous verrons bien ce qu'il en sera, mais je souhaite pour ma part que le Gouvernement réussisse à accroître l'aide au développement. De ce point de vue, nous avons connu, dans le passé, des années vraiment mauvaises, et il faut rectifier le tir.
J'évoquerai maintenant le réseau des centres culturels français à l'étranger, sujet sur lequel j'ai eu l'occasion de travailler. Je suis toujours en relation étroite avec de nombreux directeurs de centre, et je puis vous dire, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que la régulation budgétaire a été très durement ressentie.
Ainsi, beaucoup de centres se sont vus privés, dans les derniers mois de l'année, de crédits d'intervention : on continue à rémunérer les fonctionnaires ou les salariés, mais on n'a plus les moyens de mener aucune action, d'organiser une exposition, de travailler en partenariat ou de monter un projet. On ne peut plus rien faire !
Je n'accuse pas le ministère des affaires étrangères d'être responsable de cette situation, car il est victime d'une politique budgétaire aveugle. Tout cela n'a aucun sens : on laisse subsister une structure privée de moyens d'action, donc de vie. Tous les directeurs de centre culturel que je connais se désespèrent de cet état de choses. Certains d'entre eux, qui sont des personnes remarquables, ont décidé de renoncer à leurs fonctions pour regagner leur ministère d'origine, parce qu'ils n'acceptaient plus de travailler dans de telles conditions.
En ce qui me concerne, j'avais tenté d'estimer les besoins, que j'avais évalués à 500 millions d'euros supplémentaires sur cinq ans. L'an dernier, les crédits avaient été augmentés de 20 millions d'euros - c'était un petit pas dans la bonne direction -, mais, cette année, ils sont stables. Cela pourrait être pis, mais les responsables de centres culturels s'inquiètent fortement de la régulation budgétaire à venir. En fait, si ce projet de budget s'inscrit plutôt dans une tendance au redressement et comporte des éléments positifs, tout le monde redoute un « matraquage » par le biais d'une régulation budgétaire analogue à celle qu'a subie le budget du ministère de la culture : voilà quelques jours, nous avions vraiment de la peine pour M. Aillagon ! On craint cette régulation sauvage qui vient détruire toutes les politiques, surtout dans des domaines fragiles comme celui de la culture. Personnellement, je plaide pour notre réseau de centres culturels, qui est magnifique et animé par des gens remarquables, présents de longue date sur le terrain.
Je me ferai en outre l'écho de propos tenus par certains collègues sur le nécessaire réaménagement géographique du réseau, mais il ne s'agit pas de donner au ministère chargé du budget des armes pour réduire celui-ci ! En effet, dès que l'on veut procéder à une réorganisation, l'administration du budget en profite pour diminuer les crédits...
Il faut revoir l'implantation géographique des centres. Je me suis rendu en Allemagne, pays important, souvent évoqué, où j'ai rencontré l'ambassadeur et le conseiller culturel et étudié les problèmes de très près. A quoi sert un réseau culturel français en Europe, alors que l'on construit l'Europe, dont la dimension culturelle est considérable ? Qui décide dans notre pays ? J'ai eu l'impression que, finalement, personne ne pouvait rien faire ! Des gens à Berlin, prenaient des décisions, mais aucune directive politique claire n'était donnée ! On a laissé des personnes qui se croient investies d'une mission supérieure réorganiser le réseau culturel français.
Il s'agit pourtant d'une affaire d'importance ! L'histoire des relations entre la France et l'Allemagne est riche, notamment sur le plan culturel. Mais qui s'occupe de quoi ? Qui décide de supprimer des postes ici, d'implanter un centre là et selon quels critères ? J'ai alerté les pouvoirs publics sur cette situation, mais on m'a répondu qu'il est difficile d'intervenir et que les ambassadeurs font ce qu'ils veulent... Je trouve cela vraiment choquant ! Les ambassadeurs ont de grandes qualités, mais ils sont tout de même au service d'une politique. Je demande à nouveau qui décide quoi en Allemagne. Il est possible que le réseau culturel français dans ce pays doive être amélioré ou recalibré, mais cela doit être défini en fonction d'une véritable politique. C'est essentiel, et je pourrais tenir le même discours à propos de tous les pays européens.
Cela m'amène d'ailleurs à souligner que ce travail doit être accompli en Amérique latine, en Asie du Sud-Est, en Afrique : chaque continent, chaque pays doit faire l'objet d'une politique spécifique. Il faut faire du « sur mesure », car le système actuel fonctionne à l'aveugle, sous la menace des suppressions de crédits. Les personnels présents sur le terrain font ce qu'ils peuvent, et l'administration subit des contraintes trop fortes et, peut-être, une organisation insuffisamment adaptée.
Pour ma part, j'ai plaidé pour la création d'agences, parce qu'une souplesse de gestion me semble nécessaire, mais, en tout état de cause, je vous alerte, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, sur la situation qui prévaut aujourd'hui. Il s'agit d'une question essentielle. Les personnels sont de qualité, certains moyens existent, mais la suppression, chaque année, de crédits de fonctionnement rend impossible toute action sérieuse. Nous nous trouvons, toutes tendances confondues, devant une contradiction fondamentale avec ce que nous voulons pour la France et pour le rayonnement de la France dans le monde. On ne peut continuer ainsi !
J'insiste enfin sur le fait que trop de salariés embauchés localement sont traités d'une manière inconcevable. Ils sont sous-payés, travaillent sous contrats précaires, alors que - pardonnez-moi de le dire, mes chers collègues, les expatriés sont sur payés !
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Ah ! Ah !
M. François Trucy. Ils vont être contents de l'apprendre !
M. Yves Dauge. C'est le constat que j'ai fait ! Trop, c'est trop !
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. M. Dauge est courageux !
M. Yves Dauge. D'ailleurs, certains fonctionnaires m'ont dit eux-mêmes qu'ils étaient trop payés (Sourires), qu'il était inadmissible de recevoir autant d'argent alors que les autochtones étaient aussi mal traités. Les écarts sont trop importants ! Je voulais insister sur cette question, même si je sais qu'elle n'est pas facile à aborder.
En conclusion, je nourris néanmoins beaucoup d'espoir pour le réseau culturel français à l'étranger, et je pense que le ministère des affaires étrangères partage ce grand espoir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur celles du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Goulet.
M. Daniel Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, depuis un certain temps déjà, je formais à plus d'un titre le projet de solliciter un bref entretien avec le nouveau ministre de la coopération et de la francophonie pour lui exposer un sujet qui me tient à coeur et qui concerne le vaste secteur de la francophonie - je prends en quelque sorte ici ce soir le relais de notre excellent collègue M. Dauge. Cependant, des événements récents ont transformé ce qui n'était qu'un souhait en un impératif.
J'ai la modeste ambition de vous faire partager le témoignage et les remarques d'un élu local et européen - puisque je suis membre du Conseil de l'Europe -, président d'une association qui vient de diffuser 1 600 tonnes de livres, ce qui représente huit millions de volumes, dans 114 pays dans le monde.
Certes, les vicissitudes de leurs missions procurent à toutes les associations des satisfactions en même temps qu'elles leur imposent des contraintes. Mais que d'attentes s'expriment de la part de nos amis étrangers, ne serait-ce que du simple fait que, pour eux, tout est gratuit ! C'est sur les associations que pèsent les frais considérables de stockage et d'acheminement des documents, même si ceux-ci leur sont fournis gracieusement.
Je vous citerai un exemple. Le ministre de l'économie et des finances a fait collecter l'année dernière 150 000 livres dans ses services. C'est moi qui les ai reçus, mais personne ne m'a donné d'argent pour les acheminer à l'autre bout du monde. On évoquait tout à l'heure les relations privilégiées de la France et la dimension culturelle de notre pays : je veux indiquer là un moyen simple d'action. Il ne faut pas partir de grandes considérations, il faut simplement vivre au quotidien, et c'est ce que je tente d'illustrer.
Ce sont, tout simplement, les ambassades dans le monde, les Alliances françaises, qui sont démunies de moyens, que mon association essaie d'aider, monsieur le ministre. Alors, quand on parle de régulation, quand on parle de diminution de crédits, soit ! Mais priver une association comme celle que je préside de 150 000 francs, c'est la contraindre à mettre la clé sous la porte, à licencier le personnel et à se dissoudre. Voilà un exemple précis de la coopération vue par la France !
Je n'ai aucun pouvoir, je ne suis qu'un bénévole. Le conseil d'administration de mon association est constitué d'anciens ambassadeurs qui ont gardé la fibre de la francophonie ; on compte parmi ses membres des universitaires, des éditeurs, des transporteurs... Tous ont décidé de dissoudre l'association le 1er janvier prochain. Cela ne relève ni de votre responsabilité, monsieur le ministre, ni de celle du contrôleur financier. Alors qui est responsable ?
La francophonie illustre si parfaitement ce que l'on appelait jadis le « mal français » qu'elle constitue un cas d'école de cette pathologie. Vous héritez, monsieur le ministre, d'une administration morcelée, d'une communication et d'une harmonisation difficiles à cerner, de l'incapacité à assurer le suivi des actions engagées. Des dizaines de colloques et de rencontres sont organisés, certes ; des rapports sont rédigés, qui plus est avec intelligence, sans doute ; mais le tout sombre le plus souvent dans un oubli profond.
Cette longue énumération, j'imagine, ne vous apprend rien, et nous sommes déjà convaincus que votre désir est très grand de remédier à de telles situations. Assurément, nous pouvons vous en féliciter et vous faire confiance. La balle, si je puis dire, est maintenant dans votre camp !
Le cadre administratif de la francophonie se caractérise par l'éclatement des services entre les ministères de la culture et de la communication, des affaires étrangères, de l'économie et des finances. Il aurait dû être unifié par la création d'une délégation générale à la langue française chargée de coordonner les différentes actions des ministères concernés. Or, de coordination, il y en a peu, je le sais ; en revanche, la réglementation - et ce n'est pas toujours le plus utile ! - prolifère, tout comme les budgets et certains coûts de fonctionnement.
Les actions se multiplient ; chaque institution, ignorant l'autre, organise son colloque, diffuse son rapport, apporte sa pierre - je devrais dire son grain ! - à l'édifice, bientôt chancelant, si l'on n'y prend garde, de la francophonie.
C'est dans ce contexte que l'on voit actuellement telle ou telle direction chargée de la francophonie animée du désir de réformer le secteur associatif sans avoir pris auparavant la précaution de se réformer elle-même.
Comment imaginer, comment proposer la réorganisation d'un secteur, véritable mosaïque, qui, étant associatif, est par définition totalement libre et protégé par la Constitution ? Comment rendre un secteur efficace alors que souvent il ne fait que renvoyer l'image de certains de ses organes de tutelle ? Comment aider la francophonie sans décourager les bonnes intentions et les bénévoles, qui, parce qu'ils ne coûtent rien, sont si actifs ? Comment rendre son efficacité à un secteur où la réglementation prend le pas sur la protection et sur le soutien effectif de la langue ?
Comme jadis Martin Luther King, je me suis pris à rêver d'une francophonie regroupée en un seul lieu, sous l'égide d'une direction unique, donc cohérente, couvrant des sous-directions spécialisées et coordonnant leurs efforts dans le respect de l'altérité.
Monsieur le ministre, ne croyez-vous pas qu'il est plus que temps de réagir, face au désastre annoncé qui se dessine sous nos yeux ? Une chose est de ne pas gagner d'influence, de ne pas gagner de populations à la francophonie ; une autre chose est de perdre du terrain par négligence et par autosatisfaction !
Un exemple, parmi tant d'autres, m'a été rapporté par l'ambassadeur de Géorgie en France. Je vous le relate, parce que j'aime bien le concret. En 1996, l'université de Tbilissi, en Géorgie, a mis en place deux chaires de langues étrangères : l'une pour la langue allemande, l'autre pour le français. Les étudiants apprennent l'allemand, mais le professeur de français, réclamé à tous les niveaux et par tous les services, n'a toujours pas été nommé, ce qui a provoqué successivement l'interrogation, la surprise et, enfin, quatre ans après la demande initiale, la défiance de nos interlocuteurs.
La France qui ne répond pas à ces demandes simples est une France qui perd et qui, à terme, se discrédite.
Sans vouloir pratiquer la politique du « y-a-qu'à », je m'interroge : ne pourrait-on faire oeuvre utile dans ce secteur en rationalisant quelque peu son organisation ? Il n'est pas question de bousculer les ordres établis, certes, ni de faire de révolution, qui plus est au sein de plusieurs administrations à la fois. Ne pourrait-on cependant regrouper certains services, notamment les services de documentation ? Chaque direction ou organe dispose d'un service de documentation, que ce soit la délégation générale de la langue française, le Haut Conseil de la francophonie ou d'autres encore !
Monsieur le ministre, pour retrouver la place qui était la nôtre dans le concert des nations, il nous faut une vraie politique de la francophonie. Nous ne doutons pas que vous allez vous employer à la rétablir. Les moyens nécessaires à cette tâche ne sont pas seulement financiers : il s'agit de faire montre de volonté et de cohérence, et de suivre nos actions.
Bref, il est urgent de réorganiser le grand secteur de la francophonie, qui certes porte l'image de la France et de sa culture, mais qui constitue aussi l'« avant-pont » de relations économiques privilégiées. Vous ferez ainsi, sans aucun doute, monsieur le ministre, des économies financières, mais surtout, vous mettrez un peu de bon sens et d'efficacité dans un secteur qui en manque mais qui, fort de ses bénévoles et de leur amour de la France, est à mon sens déterminant pour assurer le rayonnement de notre pays, conformément aux voeux exprimés par le Président de la République, notamment lors du dernier sommet de Beyrouth.
Dans cette perspective, je vous apporte mon soutien total et sans équivoque, monsieur le ministre, afin que vous puissiez remplir votre difficile, mais ô combien importante mission ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Guy Penne. La conclusion n'était pas cohérente avec les arguments exposés !
M. le président. La parole est à M. André Vallet.
M. André Vallet. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la politique étrangère la plus efficace - l'histoire le montre - est celle qui tend à assurer une ligne politique indépendante, claire et déterminée.
Comment renforcer notre sphère d'influence et notre capacité de nous faire entendre ? Comment faire respecter les décisions de l'ONU partout dans le monde ? Bref, comment donner à la France la place qui est la sienne parmi les nations les plus développées ? Tels sont les défis que le projet de budget pour 2003 tente de relever ; telle est, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, la volonté du Gouvernement. Je vous en donne volontiers acte.
Notre outil diplomatique, cela a été souligné à plusieurs reprises, a impérativement besoin d'être rénové après avoir connu plusieurs années de déclin. En augmentant de 13,4 % les moyens d'intervention internationale de la France, le Gouvernement remet à niveau le deuxième réseau diplomatique du monde. Il est important, puisqu'il comporte 152 ambassades, 105 postes consulaires et 21 représentations. Soyons clairs : la politique étrangère, c'est la voix de la France, et c'est à l'Etat et à lui seul qu'il revient de remplir cette mission fondamentale.
Cela étant, si ce projet de budget est en forte augmentation, certains postes ne méritent pas la rigueur qui leur est imposée.
Ainsi, monsieur le ministre, je suis perplexe lorsque je constate une nouvelle baisse des effectifs du personnel, mais surtout une baisse des crédits affectés à l'enseignement français à l'étranger, ...
Mme Hélène Luc. Eh oui !
M. André Vallet. ... aux établissements culturels, aux opérateurs de l'action audiovisuelle et à la coopération militaire.
La France a en Méditerranée, au Proche-Orient et en Afrique des intérêts d'ordre économique, culturel, politique et stratégique auxquels sa vision du monde est conforme. Cela dérange parfois les puissants, mais suscite souvent une attente forte de la part de très nombreux peuples.
Ainsi, le continent africain, plus particulièrement l'Afrique francophone, traverse l'une des crises politiques et militaires les plus graves de son histoire. Du Maghreb à l'Afrique centrale, où la guerre fait rage, les gouvernements et les élites ne cessent de faire appel à notre pays. Ne laissons pas les autres nations, surtout les nations anglo-saxonnes, s'attribuer un droit de regard exclusif là où se porte traditionnellement et historiquement notre attention.
Dans le domaine de la sécurité militaire ou privée, par exemple la France possède un savoir-faire et une éthique propres qui s'opposent la plupart du temps aux conceptions anglo-saxonnes,...
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Et scandinaves ! Ces mormons de l'Europe du Nord ! Ces moralisateurs !
M. André Vallet. ... aussi bien par leur déontologie que par leur efficacité.
Depuis la décolonisation, le pré carré africain s'est construit sur des accords et une confiance réciproques. Au vu des événements tragiques qui frappent nos pays, et plus encore depuis le 11 septembre 2001, il serait navrant de persévérer et de continuer à le disloquer. Le dernier attentat au Kenya et la situation en Côte d'Ivoire, où les rebelles pourraient avoir été formés et entraînés par l'Arabie saoudite via le Burkina Faso, montrent que, face à l'internationalisation de nouvelles formes de terrorisme, il est indispensable de resserrer nos liens avec l'ensemble des pays francophones : il y va de la sécurité de tous.
Enfin, j'aimerais m'attarder un instant sur la situation au Moyen-Orient, tout particulièrement en Irak. Lorsque la France est déterminée et cohérente dans ses positions et dans son langage, elle peut tenir son rang de grande puissance et faire échec à des pays dont les intérêts ne sont pas obligatoirement les siens.
La représentation nationale - unanime, je l'espère - ne peut qu'approuver, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, l'action diplomatique qu'a déployée la France au cours de ces derniers mois.
C'est dans cette partie du monde que va se jouer la paix de l'humanité dans les années à venir. Or les causes de déstabilisation sont nombreuses : croissance démographique explosive, montée de l'islamisme, crise du pétrole... Il faut donc soutenir les forces démocratiques de l'Irak, surtout quand elles demeurent fidèles à l'esprit de laïcité et de modernité.
Nul n'ignore que des problèmes plus difficiles encore devront être résolus pour assurer la paix du monde au cours des prochaines années et pour garantir aux générations montantes le développement des richesses matérielles et spirituelles auxquelles elles peuvent légitimement prétendre. La défense de la morale internationale demeure l'arme la plus efficace dans ce monde où l'information peut agir puissamment sur l'opinion des peuples.
C'est cette morale que votre budget, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, propose de soutenir. M. de Montesquiou le disait il y a un instant : la majorité du groupe du RDSE est tout à fait en accord avec vous et vous apporte son total soutien. (Applaudissements sur les travées du RDSE de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Josette Durrieu.
Mme Josette Durrieu. Monsieur le président, cher collègue Daniel Hoeffel, vous avez tout à l'heure consacré une grande partie de votre propos au Conseil de l'Europe, ce qui est assez nouveau. Comme vous, nous sommes assez nombreux ici à y siéger. J'ai également choisi de l'évoquer : il n'est pas connu, alors, autant en parler quand l'occasion nous en est offerte !
Il s'agit d'une institution qui nous donne la possibilité de bien connaître les nombreux pays qui en sont membres. En effet, il compte quarante-quatre pays membres, bientôt quarante-cinq avec la République fédérale de Yougoslavie.
Dans le monde d'aujourd'hui, dont vous avez tous parlé, j'identifie trois menaces.
La première, bien sûr, c'est le terrorisme et toutes les formes de criminalité.
La deuxième, c'est le risque américain, incarné à la fois par le président Bush (M. Jean-Marie Poirier fait un signe dubitatif) et par la puissance militaire des Américains, face à laquelle l'Europe divisée est faible ; étant faible militairement, elle est peu considérée, et elle est humiliée. Quand on va aux Etats-Unis, on en revient choqué. J'y étais encore la semaine dernière, et j'avoue que j'ai du mal à m'en remettre.
C'est vrai, la politique de la France, ces derniers mois, ces dernières semaines, a été bien menée. Il est également vrai, hélas ! que l'on ressent à l'ONU une forte résignation du conseil de sécurité. Nous n'échapperons pas à cette guerre, et je crains que, malgré tous nos efforts, nous n'y soyons entraînés. Je suppose que les engagements financiers suivront, que des prévisions sont déjà établies. Peut-être, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, nous ferez-vous part de votre sentiment.
La troisième menace est celle que nous percevons le plus nettement quand on vit en Europe : la montée des différentes formes de nationalisme, tous ces particularismes ethniques, identitaires, autonomistes, qui ont pour support l'espace qu'est la région.
Permettez-moi de dire que le débat que nous avons eu au Sénat sur la régionalisation, au cours duquel nous avons vu s'ouvrir dans un pays comme le nôtre, la France, ce type d'espace, suscite un certain nombre d'inquiétudes. En effet, dans toutes les régions de tous les pays de l'espace européen, que ce soit dans les Balkans, dans le Caucase, en Espagne, en Catalogne ou, tout près des Hautes-Pyrénées, dont je suis l'élue, au Pays basque, se développe ce que l'on craint, c'est-à-dire ces particularismes qui peuvent nous conduire très loin.
Oui, la Convention est une chance. J'espère que nous saurons aller au-delà : je crois que l'Europe de la défense et de la sécurité est vraiment indispensable. Dans l'immédiat, nous ébauchons et juxtaposons un certain nombre d'initiatives nationales, un certain nombre de budgets nationaux. A quand une initiative commune ? A quand un budget commun ? C'est une question !
Cette Europe politique, il faudra bien la faire. Nous avançons, tant mieux ! L'Europe sera sociale, et ce sera l'Europe des Etats, des nations et des peuples. En aucun cas elle ne sera l'Europe des régions.
M. Jacques Legendre. Très bien !
Mme Josette Durrieu. Au demeurant, les populations ne sont pas hostiles à l'Europe telle que nous la construisons. Le bon sens l'emporte, comme en a témoigné le passage à l'euro, qui s'est opéré, finalement, dans la facilité et même dans la joie. Quelle surprise ! Je suppose que nous l'avons tous ressenti ainsi.
L'Europe avance, disais-je, et, après la plupart de mes collègues, j'évoquerai brièvement l'élargissement. Je dois avouer, d'ailleurs, que je préfère le terme de « réunification ».
Oui, l'élargissement est un défi ! Oui, c'est sûrement une chance ! En tout cas, c'est une garantie pour la paix. La paix a un prix, mais s'il n'y a pas de paix, elle n'a plus de prix : cela revient au même.
Les Quinze symbolisent la réconciliation. Le bilan est-il positif ou non ? Pour nous, la France, et pour les autres pays - l'Espagne, le Portugal, la Grèce et l'Irlande -, à l'évidence, oui ! Si tel est le cas, pourquoi en irait-il autrement pour vingt-cinq pays, voire pour vingt-sept ? Ce serait aussi, pour eux, synonyme de paix et de stabilisation. Nous avons peur, parce qu'avec l'élargissement nous irons plus loin encore vers le coeur de l'Europe centrale. Mais la Hongrie serait-elle moins européenne que le Danemark ? Sûrement pas !
M. Bruno Sido. Et la Turquie ?
Mme Josette Durrieu. La Bulgarie, qui nous amène aux marges de l'Europe orientale, serait-elle moins européenne ? Je ne le crois pas !
L'Europe élargie comptera plus de 500 millions d'hommes ; elle verra sa superficie augmentée de plus de 30 %, sa population de plus de 30 %, et sa richesse d'à peine 5 %.
Tout cela suscite encore des peurs. Mais c'est l'Europe, c'est leur Europe, ils ne l'ont jamais quittée ! C'est leur espace autant que le nôtre, et nous qui, au Conseil de l'Europe, parlons tant du droit des peuples, du droit des hommes, devons le reconnaître : ils ont droit à l'Europe.
A l'évidence, la démocratie avance, et elle avance vite et bien dans ces pays. En quelque dix ans, treize ans, nous leur avons fait faire des progrès inespérés, des progrès immenses. Nous qui travaillons depuis un certain nombre d'années au sein de ce Conseil de l'Europe si mal connu, si injustement inconnu, y compris des parlementaires français, nous savons quel chemin nous faisons faire à ces pays, quel accompagnement nous offrons à ces peuples, à cette classe politique que nous côtoyons quotidiennement, à ces élus qui sont nos collègues, nos amis.
Le travail effectué au sein du Conseil de l'Europe à Strasbourg, à côté de la Cour européenne des droits de l'homme, dont les juges sont élus par les parlementaires du Conseil de l'Europe, est immense. Aussi, monsieur le ministre, je regrette que vous ayez choisi de diminuer de 5 % les crédits accordés à cette assemblée. J'en appelle à vous pour transformer votre vision de son travail, parce qu'il serait parfaitement injuste qu'il ne soit pas reconnu.
Il est absolument nécessaire qu'il soit poursuivi car il est essentiel, et notre démarche est extrêmement positive. Les crises politiques qui peuvent être évitées grâce à lui coûteraient bien plus cher que les 5 % que vous essayez d'économiser ! Je pense que vous reviendrez sur ce point, qui me paraît important.
L'élargissement aura un coût, c'est évident ; pensons à la solidarité, à la cohésion régionale dont les fonds structurels sont l'expression et qui sont l'un des principes de base du traité de Rome.
Ce coût a été estimé à 35 milliards d'euros ; je ne sais pas s'il sera revu à la hausse ou à la baisse. Je suppose que les budgets européens seront adaptés, de même que la progressivité et la pondération des aides.
Bref, s'il fallait satisfaire nos égoïsmes, nous pourrions dire qu'un nouveau marché s'ouvre avec un immense espace de croissance de 500 millions d'hommes.
J'ai envie de dire : les économies de ces pays sont dynamiques. En France, on vit sur un certain nombre de lieux communs et de clichés. Allons voir un peu ce qui se passe ailleurs !
Vous avez certainement lu comme moi, avec quelques regrets, que la compétitivité de la Hongrie - on le perçoit quand on s'y rend - est supérieure à celle de la France, qui, elle, est tombée au trentième rang. Quoi qu'il en soit, j'ai l'impression que la pauvreté de ces pays représente le plus grand risque d'instabilité.
Je vais aller un peu plus loin, et ce n'est pas de la provocation, au contraire, il me semble que c'est une évidence : l'Europe ne s'arrêtera pas là, si l'on veut la paix, si l'on ne veut pas la guerre.
On lit beaucoup de choses sur la Turquie, et j'en dirai deux mots. Mais il est évident qu'il faudrait que l'on parle davantage de l'intégration des Balkans ! En effet, l'intégration des Balkans sera l'une des conditions de la paix. Il faudra, de façon évidente, y parvenir, et peut-être plus vite qu'on ne le pense.
Les Balkans, c'est la Bosnie-Herzégovine, avec son noyau musulman, la Croatie, bien sûr, et la République fédérale de Yougoslavie, avec son Kosovo musulman, et ce sera, un jour aussi, l'Albanie musulmane et la Macédoine. Comment allons-nous sortir de cette affaire ? Dans l'Union européenne, il y a déjà dix millions de musulmans, mais ceux-là font partie intégrante de l'Europe. N'oublions pas que la guerre a souvent démarré dans cette partie du monde !
Il est un mot que nous répétons souvent ici, mais qui est parfaitement méconnu en Europe : c'est le mot « laïcité ». Dans cette grande Europe de quarante-cinq Etats que j'évoque, il n'y en a que quatre qui ont le mot « laïc » dans leur Constitution : la France, la Turquie, la Bulgarie et l'Azerbaïdjan. Ce mot, auquel nous devons donner toute sa force, n'a aucun sens pour tous les autres pays d'Europe.
Au sujet de la Turquie, je dirai que, géographiquement, elle ne fait pas partie de l'Europe. Cependant, derrière la géographie, qui n'a pas de sens, il y a l'histoire, il y a la stratégie, il y a la géopolitique, qu'elle soit européenne ou mondiale, il y a la mise en perspective du devenir géopolitique de l'Europe. La Turquie a toujours été un pays charnière. Elle est en effet située aux portes de la Russie, et la Russie restera toujours la Russie.
Je ne sais pas pourquoi nous imaginons toujours qu'elle puisse un jour intégrer l'Europe. En fait, elle voudra conserver sa force et la faire grandir chaque jour un peu plus. On oublie trop souvent les immenses richesses que contient la Sibérie !
Et puis, au sud, il y a la Méditerranée. Nous devrons préserver cet espace, comme nous l'avons toujours fait autrefois. Malte et Chypre en font également partie. Tout à l'heure, l'un de nos collègues a parlé de Malte, « si près de la Libye assagie ! ». Je ne sais pas si la Libye est assagie. En tout cas, Malte est très près de la Libye.
Un peu plus au sud-est, il y a le Moyen-Orient, avec la fameuse question d'Orient. Et l'on en revient à la Turquie, pays charnière qui a toujours maîtrisé le passage de la mer Noire par les détroits. Elle préservait l'espace méditerranéen de tout ce qui pouvait remonter du sud, de l'espace musulman, mais elle le protégeait aussi contre la puissance de la Russie.
En conclusion, je dirai que l'Europe doit faire de la politique pour créer son avenir. Elle doit avoir un projet : quel beau projet !
M. le président. La parole est à M. Michel Guerry.
M. Michel Guerry. Monsieur le ministre, mon propos s'articulera autour de deux thèmes : l'avenir de l'enseignement français à l'étranger et la sécurité de nos compatriotes hors de France.
Comme vous le savez, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger remplit une mission d'éducation des enfants français vivant à l'étranger qui est sans pareil : son réseau d'enseignement scolaire national est le premier dans le monde.
Sa mission, l'Agence la remplit dans des conditions financières qui, depuis trop longtemps, ont atteint leurs limites.
L'an dernier, le réajustement des rémunérations des enseignants titulaires de l'éducation nationale recrutés localement n'a pu être réalisé qu'en supprimant des postes d'expatriés et en asséchant les réserves financières de l'Agence.
Vous conviendrez, monsieur le ministre, qu'il est devenu aujourd'hui impératif, pour garantir un niveau pédagogique convenable dans nos établissements à l'étranger, que les postes d'enseignants expatriés soient non seulement maintenus mais renforcés.
M. Guy Penne. Très bien !
M. Michel Guerry. En effet, au-delà des finances de l'Agence, nous constatons que c'est la qualité même de l'enseignement dispensé qui est en péril.
En septembre dernier, M. Dominique de Villepin a évoqué, devant le Conseil supérieur des Français de l'étranger, la nécessité de « développer l'implication du ministère de l'éducation nationale » si l'on veut « stabiliser les ressources et la capacité à agir de l'Agence ».
Ces propos, nous les répétons depuis des années. En effet, pour sortir de l'impasse dans laquelle se trouve l'Agence, une implication réelle et concrète du ministère de l'éducation nationale nous semble indispensable !
Pourtant, rien ne se profile à l'horizon.
Est-il si difficile d'obtenir une collaboration interministérielle entre le ministère des affaires étrangères et le ministère de l'éducation nationale, dans un domaine qui est traditionnellement le sien ?
A cette question, il m'a été régulièrement répondu que le problème était à l'étude. Pourtant, rien de concret n'a encore vu le jour.
Attend-on que la situation dégradée devienne irréversible ?
Envisage-t-on concrètement - et je reprendrai encore une formule de M. de Villepin - ce « développement de l'implication du ministère de l'éducation nationale » dans la gestion de l'Agence ?
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous aujourd'hui vous engager devant la Haute Assemblée à en faire un axe effectif de votre action en faveur de nos compatriotes à l'étranger ?
Autre thème que je souhaite aborder : la sécurité.
La sécurité a été un thème central pour les Français lors des campagnes présidentielle et législative.
A cette préoccupation légitime, nos compatriotes de l'étranger ajoutent celle qui concerne leurs biens, et parfois leur propre vie.
De l'attentat de Karachi aux événements de Côte d'Ivoire et de Centrafrique, l'histoire récente nous a cruellement rappelé que nos compatriotes pouvaient être la cible de tous les désordres.
Les évacuations de Français dans un pays à risque se déroulent en général de façon satisfaisante, comme j'ai pu moi-même m'en rendre compte.
A cet égard, je tiens à saluer l'efficacité de nos militaires et de nos représentants, ainsi que le dévouement des élus du Conseil supérieur des Français de l'étranger.
Toutefois, si ces évacuations se passent bien, elles ne règlent que l'urgence.
En effet, à leur retour en France, combien de nos compatriotes, ayant tout laissé derrière eux, rencontrent pour se réinsérer de telles difficultés - tant sociales que psychologiques - qu'ils en deviennent des étrangers dans leur propre pays !
Nous le savons tous fort bien, ceux qui rentrent dans de telles conditions ne retourneront pratiquement jamais s'installer à l'étranger, ni dans leur ancien pays de résidence ni même dans un autre pays.
Combien d'entre eux, pourtant, malgré les difficultés, seraient prêts à rester sur place, à entreprendre à nouveau, à refaire leur vie !
C'est l'intérêt même de notre pays, de sa vitalité et de son rayonnement !
Alors, comment leur permettre de le faire ?
L'aide aux Français de l'étranger les plus démunis est l'une des priorités que vous avez fixées dans le cadre de la loi de finances pour 2003.
Au-delà de la « réponse à la lancinante et douloureuse question de l'indemnisation », comme le rappelait le Président de la République, cette priorité doit comporter un volet de mesures incitatives qui permettraient à nombre d'entre eux de reprendre une activité économique.
Ce serait émettre un signal fort si notre pays affirmait envers et contre tous sa volonté de maintenir une communauté française dynamique dans des pays réputés à risque.
Nos communautés à l'étranger attendent du Gouvernement un geste politique sans ambiguïté qui leur montre que la solidarité nationale s'exerce de façon positive aussi pour eux.
Au-delà, demeure une question beaucoup plus profonde et préoccupante, celle de la présence de la France à l'étranger.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie à l'avance des réponses que vous pourrez apporter aux légitimes préoccupations de nos compatriotes.
M. le président. La parole est à M. Jacques Pelletier.
M. Jacques Pelletier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il convient d'abord de se féliciter de la reprise de l'effort d'aide publique au développement.
Alors que l'effort d'aide au développement s'était singulièrement amenuisé pendant la dernière décennie, passant de 0,63 % à 0,32 % du PIB, je ne puis que me féliciter du fait que la reprise amorcée en 2001 ait été confirmée par le Président de la République, d'abord au G8, ensuite à Johannesburg, avec des objectifs clairs : atteindre 0,5 % du PIB d'ici à cinq ans et 0,7 % du PIB d'ici à dix ans, conformément aux engagements internationaux que nous avions pris voilà déjà bien longtemps.
En 2002, l'aide publique a augmenté de près de 900 millions d'euros, notamment en raison de la forte hausse de l'aide bilatérale - 25 % -, et de la forte progression des annulations et consolidations de dettes - 30 %.
En 2003, l'aide publique devrait augmenter de 600 millions d'euros, principalement en raison de l'accroissement du volume des annulations de dettes accordées dans le cadre des allégements consentis aux pays pauvres très endettés, ce qui représente 594 millions d'euros, dont 91 millions d'euros prévus au titre des contrats de désendettement-développement.
Il ne faudrait pas, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'augmentation de l'aide publique soit due seulement aux annulations de dettes. L'aide publique devrait être en augmentation par rapport à ces annulations et non pas s'y substituer.
Je pense que, dans ce domaine, il faut que nous retrouvions de réelles marges de manoeuvre.
Dans le dernier rapport du PNUD - le programme des Nations unies pour le développement - sur le développement humain en 2002 il est rappelé que les objectifs du Sommet du millénaire sont loin d'être atteints : 2,8 milliards de personnes dans le monde vivent toujours avec moins de 2 dollars par jour.
Quant au rapport Zedillo, qui préparait la récente conférence de l'ONU sur le financement du développement qui s'est tenu à Monterrey en mars 2002, il estimait les besoins de financement des pays en développement à 50 milliards de dollars. Nous en sommes loin !
Il conviendra évidemment de veiller à ce que ces engagements ne soient pas remis en cause par les exercices de régulation budgétaire, dont le budget de l'aide au développement est souvent - et j'en sais quelque chose - l'un des premiers à souffrir alors qu'il devrait a priori en être préservé.
Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour l'aide au développement. Absolument !
M. Jacques Pelletier. Ne pourrait-on envisager, pour rester dans la ligne des engagements du Président de la République, que les dépenses d'aide au développement soient, en quelque sorte, « sanctuarisées » ?
Le relèvement de notre effort d'aide au développement devra aussi se traduire par un renforcement de l'efficacité de cette aide et par une forte amélioration de notre capacité à influencer les choix de nos partenaires bilatéraux, européens et multilatéraux. Il faut que la France fasse entendre une voix forte dans ces enceintes internationales, où nous devons entraîner tous les pays amis.
Je pense que le renforcement de l'efficacité de notre aide au développement passera, d'abord, par une clarification des objectifs qui lui sont assignés.
Le développement devrait être une véritable priorité par rapport à la politique culturelle extérieure ou aux objectifs commerciaux : toute activité d'aide au développement comporte, bien évidemment, à des degrés divers, des dimensions culturelles ou commerciales liées à nos intérêts, mais celles-ci devraient être subordonnées à l'action de développement et non l'inverse.
Dans le cadre des objectifs de développement du sommet du millénaire auxquels la France a souscrit, l'action de soutien au développement devrait, selon moi, s'orienter dans trois directions.
La première est la promotion des droits de l'homme, de la démocratie et de l'Etat de droit. Il s'agit, en d'autres termes, de favoriser la bonne gouvernance dans les pays aidés et de renforcer le partenariat avec les organisations des sociétés civiles locales.
La deuxième est la lutte contre la pauvreté et les inégalités, ce qui implique, notamment, de favoriser l'accès aux services élémentaires : éducation, eau potable, énergie, et surtout santé à l'heure où des dizaines de millions de personnes sont atteintes du sida dans de nombreux pays en développement et vont mourir si rien n'est fait rapidement.
Enfin, la troisième est la promotion du développement durable dans ses quatre dimensions : le soutien à la création et au développement des entreprises et l'incitation aux investissements privés, l'équité sociale, la sauvegarde de l'environnement, la promotion de la diversité culturelle.
Cette action de développement doit être conduite en pleine association avec les organisations des sociétés civiles des pays partenaires, notamment dans la mise en oeuvre des contrats de désendettement-développement déjà évoqués.
Dans un souci de transparence, de cohérence et de sensibilisation, il serait enfin souhaitable que le Gouvernement présente chaque année un rapport au Parlement sur sa politique en matière de coopération au développement.
Un tel rapport est réclamé depuis longtemps. Il permettrait de faire une présentation cohérente de l'action de la France en matière d'aide au développement et de faire ressortir les synergies entre nos engagements européens et multilatéraux et nos activités bilatérales, elles-mêmes éclatées entre plusieurs opérateurs. M. Michel Charasse, notre excellent rapporteur spécial, a parfaitement décrit les difficultés et les imperfections du système.
A partir d'un tel rapport, le Parlement pourrait à la fois débattre des orientations de la politique d'aide au développement, ce qu'il ne fait guère qu'à l'occasion de l'examen du budget des affaires étrangères - souvent, de surcroît, à une heure avancée ! (Sourires) - et sensibiliser nos concitoyens à ces questions par une meilleure information.
Une présentation ainsi rénovée irait d'ailleurs dans le sens de la réforme de l'ordonnance organique relative aux lois de finances adoptée l'an dernier grâce, notamment, aux travaux du Sénat et de sa commission des finances.
Enfin, un tel rapport, qui ne manquerait pas de susciter des débats, ne pourrait que contribuer à une meilleure évaluation de notre politique d'aide au développement, évaluation aujourd'hui difficile en raison de l'éclatement institutionnel qui préside à la définition et à la mise en oeuvre de cette politique.
Enfin, je souhaite, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'augmentation substantielle de l'aide au développement en France, dont je vous félicite, ait un effet d'entraînement sur nos partenaires du Nord. C'est une nécessité morale : nous ne pouvons pas laisser des milliards d'hommes vivre, que dis-je vivre, survivre, et souvent mourir, dans un sous-développement intolérable, bien au-dessous du seuil de pauvreté.
L'écart, grandissant, de niveau de vie entre pays du Nord et certains pays du Sud est source d'immigration clandestine et de conflits. C'est, de plus, un excellent terreau pour le terrorisme.
La France a toujours porté une très grande attention aux pays du tiers monde. La France doit appeler à nouveau à une croisade contre ce sous-développement qui engendre tant de misère. Un tel appel trouverait, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, un large écho sur toutes les travées de notre assemblée. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Louis Duvernois.
M. Louis Duvernois. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, on l'a déjà dit mais il est utile de le répéter, le budget des affaires étrangères n'est pas un budget comme les autres, car il symbolise notamment l'effort substantiel que la France est prête à fournir pour occuper son rang dans ce qu'on appelle les « affaires du monde ».
Le renforcement de la présence de la France dans le monde devient donc à la fois une priorité et un enjeu pour réaliser des ambitions nouvelles et pour atteindre les objectifs assignés à notre diplomatie, sous l'impulsion du Président de la République.
Le projet de budget des affaires étrangères pour 2003 devient ainsi le baromètre des ambitions extérieures de la France. Il est en augmentation de plus de 13 %, et nous ne pouvons que nous en réjouir, même s'il y a lieu de relativiser cette progression en raison de chapitres sous-financés, car sous-évalués dans le budget 2002.
Ce projet de budget représente bien une rupture avec les budgets des toutes dernières années par sa volonté d'accompagner l'action extérieure de la France là où les besoins sont définis, là où notre action s'impose, là où la France doit prendre sa place et retrouver sa voix.
J'ose croire, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, vous ayant adressé ces compliments sincères, que vous continuerez sur cette lancée après l'adoption de ce budget que beaucoup d'entre nous, au Parlement, considérons comme un budget de transition, une transition qui porte aujourd'hui les signes tangibles de l'espérance que nous plaçons dans votre volonté de réajuster nos besoins extérieurs à nos moyens intérieurs.
Somme toute, à l'analyse des chiffres et des faits, je suis tout de même interrogatif sur un point particulier, et néanmoins essentiel, qui concerne le rayonnement de la France au moyen de l'audiovisuel extérieur.
C'est un vecteur de développement primordial, sur les plans tant culturel qu'économique, les deux aspects étant indissociables. Il suffit de voyager pour être conforté dans cette idée.
Or, sur ce point fondamental, on ne peut pas dire que votre projet de budget soit porteur. Les crédits de l'action audiovisuelle extérieure ne tiennent aucunement compte de la création, indispensable, d'une nouvelle télévision française d'information internationale.
Est-il, en effet, compréhensible qu'année après année, comme l'affirme le Président de la République, nous en soyons encore à déplorer les insuffisances persistantes de l'information et de l'audiovisuel francophones sur la scène mondiale ?
Il faut reconnaître que, en dépit des efforts des uns et des autres, notamment de TV5, nous sommes encore loin de disposer d'une grande chaîne d'information internationale en français, capable - soyons ambitieux ! - de rivaliser avec la BBC ou CNN.
M. André Dulait, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Très bien !
M. Louis Duvernois. Notre problème, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, est relativement simple, et je ne doute pas que vous en soyez déjà conscients : c'est l'éparpillement des moyens publics qui pourraient être consacrés à la mise en oeuvre d'un grand projet audiovisuel extérieur.
A l'heure de la rationalisation budgétaire, des contraintes diverses exercées par la situation économique mondiale, européenne et nationale, l'esprit ne doit plus être aux querelles d'indépendance entre partenaires potentiels.
L'esprit est au regroupement des forces publiques et des talents des créateurs professionnels, nombreux dans notre pays, pour concevoir et animer une télévision internationale à l'image de la France, de sa diversité, de sa culture, de sa vision singulière d'un monde de plus en plus dominé par le « politiquement correct » de la pensée unique et forcément réductrice, parce que précisément unique. Il est grand temps de réagir et d'envisager dès maintenant des efforts importants pour mener à bien ce grand chantier de l'audiovisuel extérieur sans lequel, dans les années à venir, la France ne serait plus la France, celle qu'on écoute, qui influence l'humanité par sa langue universelle, sa manière d'être, sa pensée, face à des contradicteurs multiples.
Dans un environnement mondial où règne la concurrence, cette chaîne de télévision continue que nous appelons de nos voeux devra s'adosser sur des partenaires choisis et bien cibler son public : les Français expatriés ou en déplacement, les étrangers francophones et francophiles, les leaders d'opinion étrangers, francophones ou non, d'ailleurs, car on sait bien que le sous-titrage est une excellente méthode pour l'apprentissage d'une langue étrangère.
Cette chaîne devra défendre une vision de l'actualité internationale à la fois objective et originale, sans pour autant être la « voix officielle de la France », de manière à conférer une crédibilité maximale à ce moyen d'expression et de diffusion mondiale.
Le président de CNN International Networks, dans un surprenant point de vue publié dans Le Figaro du 1er décembre dernier, a souhaité textuellement « bonne chance au projet de CNN à la française », reconnaissant de facto, et probablement non sans quelques arrière-pensées compétitives ou politiques, qu'une télévision française internationale, se caractérisant par sa différence de regard, d'analyse, de ton et par son objectivité éditoriale, allait arriver tôt ou tard.
Le moment est venu de conduire une réflexion accélérée sur notre système audiovisuel extérieur, beaucoup trop morcelé, beaucoup trop complexe, dans lequel le manque de synergie verrouille toute ambition nationale orientée, régulée et constructive.
La réflexion actuellement menée sur cette question « patine », tandis que nos amis et concurrents, eux, s'organisent rapidement. A l'heure du numérique, les savoir-faire éditoriaux et les réseaux d'information comptent plus que la technique. Or notre pays possède en la matière de grands savoir-faire.
La récente décision du Gouvernement britannique de détacher la chaîne de télévision d'information internationale BBC World du reste de la BBC - celle-ci étant recentrée sur sa vocation domestique -, en la regroupant avec la radio internationale BBC World Service, montre à l'évidence le bien-fondé de cette affirmation.
Il faut que cette nouvelle télévision française internationale en devenir, par la diffusion d'images originales non disponibles sur les chaînes concurrentes, puisse s'imposer progressivement dans le paysage audiovisuel mondial, ces images étant en outre susceptibles d'être reprises sur des télévisions étrangères, ce qui démultiplierait largement son impact direct dans les pays de diffusion.
Un projet audiovisuel de cette envergure exige des pouvoirs publics qu'ils repensent prochainement les engagements financiers de l'Etat dans l'audiovisuel extérieur, dont le budget actuel s'élève à 165 millions d'euros.
Ne nous cachons pas derrière l'arbre qui, lui-même, cache la forêt ! Dressons un inventaire de la situation des opérateurs susceptibles de mettre en place cette chaîne appelée à être ensuite déclinée prioritairement en anglais et en arabe.
Ainsi, cette nouvelle télévision française internationale bénéficierait nécessairement, sur le plan tant structurel qu'éditorial d'un adossement à Radio France Internationale, qui compte aujourd'hui parmi les médias internationaux de référence. Il faut que cette nouvelle télévision devienne aussi une chaîne de référence concurrençant CNN, BBC World ou Al-Jazira, qui sont constamment citées par les médias. Une coopération réelle entre France Télévision, qui appartient au service public, et la nouvelle chaîne « tout info » est, en outre, l'un des fondements du projet.
Dans ce nouveau paysage audiovisuel extérieur, il est par ailleurs nécessaire de recentrer TV5 sur sa mission originale : celle d'une grande chaîne francophone - et non pas française - généraliste, prioritairement destinée aux publics des pays où la francophonie est réelle.
Là encore, méditons sur la coexistence outre-Manche entre BBC Prime, chaîne généraliste destinée aux expatriés et aux étrangers ayant conservé des liens étroits avec la Grande-Bretagne, et BBC World, chaîne d'information destinée aux décideurs, aux relais d'opinion et aux rédactions du monde entier.
Le recadrage de TV5 Monde, dont la France est le premier bailleur de fonds, s'imposerait d'autant plus que le caractère « tout info » de la télévision française internationale suivrait vraiment la ligne éditoriale ainsi définie, la promotion de la culture et les distractions de qualité convenant davantage à TV5 Monde, d'essence multilatérale, comme le montre Arte dans le domaine culturel.
D'autres partenaires doivent aussi être envisagés : l'Agence France-Presse, qui se trouve dans le peloton de tête des agences mondiales d'information généraliste et multimédia ; Canal France International, dont il faudra bien un jour définir l'avenir, mais dont le réseau satellitaire mondial peut en tout cas être utilisé immédiatement ; Euronews, enfin, pour ses réseaux satellitaires et à la condition que la société devienne à majorité française. En outre, il ne faut pas exclure des participations de divers partenaires du secteur privé.
Tel est, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, le grand chantier qui doit s'ouvrir au sein même de votre ministère, ainsi qu'à l'échelle interministérielle, afin que l'audiovisuel extérieur soit un outil de rayonnement et d'influence pour notre pays, appuyant votre action diplomatique et notre action culturelle extérieure.
Ce chantier n'est pas aujourd'hui inscrit dans le présent projet de budget, mais nous savons que vous n'y êtes pas indifférent et que, dès 2003, vous vous engagerez à le prendre financièrement en compte, tout comme vous soutenez déjà, en raison de la situation internationale, la création d'une chaîne de télévision régionale à destination du monde arabe.
Quoi qu'il en soit, pour la hausse qu'enregistre ce budget par rapport au précédent, pour son caractère de budget de transition par ses ambitions, pour votre volonté anticipée d'accompagner la création d'une chaîne de télévision française internationale au sein d'un pôle de communication extérieur regroupé et davantage performant, je voterai le projet de budget que vous proposez. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Pierre-André Wiltzer ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est un honneur pour moi de présenter devant la Haute Assemblée, avec mon collègue Renaud Muselier, le projet de budget du ministère des affaires étrangères pour 2003.
A travers ce projet de budget, c'est toute l'action extérieure de la France qu'il vous est proposé d'examiner.
Je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de M. le ministre des affaires étrangères, Dominique de Villepin, qui a dû quitter Paris, comme vous le savez, pour accompagner le Président de la République en Allemagne, et qui regrette de ne pas pouvoir, ce soir, vous présenter lui-même le projet de budget de son ministère.
Selon le souhait du président de la commission des finances, j'éviterai de me livrer à une présentation globale de ce projet de budget. Je consacrerai l'essentiel de mon intervention aux réflexions de vos rapporteurs et des orateurs qui viennent de s'exprimer. Elles ont été extrêmement riches, et le temps me manquera donc pour les évoquer toutes autant qu'elles le mériteraient. Je demande d'ailleurs l'indulgence de celles et ceux qui se sont exprimés si je n'ai pas, dans ce cadre, la possiblité de répondre à toutes leurs interrogations. Je reste, bien sûr, à leur disposition pour poursuivre notre dialogue en marge de ce débat.
J'aimerais rappeler brièvement le contexte de cet exercice budgétaire.
La France est confrontée à des défis redoutables, dans un monde qui est devenu très incertain. Elle doit être à la hauteur de la responsabilité particulière qui est la sienne et répondre à son devoir de solidarité.
Nous sommes confrontés à deux évolutions globales.
Tout d'abord, la fin de la guerre froide suppose que soient mis en place de nouveaux modes de régulation stratégique. Nous devons contribuer à bâtir un nouvel ordre international fondé sur les trois principes complémentaires de responsabilité collective, de légitimé et d'efficacité, et s'appuyant sur le rôle central que doit jouer le Conseil de sécurité de l'ONU.
Nous devons parallèlement assurer le développement d'une mondialisation maîtrisée, qui évite les exclusions, les déséquilibres et les violences. Si cette maîtrise n'était pas assurée, nous savons où cela risquerait de nous mener !
Pour cela, six priorités ont été fixées, qui doivent guider notre action à l'extérieur : premièrement, l'ambition européenne, sous ses deux aspects, qui sont la Convention sur l'avenir de l'Europe, présidée par M. Giscard d'Estaing, et la réussite de l'élargissement ; deuxièmement, notre capacité à répondre aux menaces, en particulier au terrorisme et aux armes de destruction massive ; troisièmement, la maîtrise de la mondialisation ; quatrièmement, notre capacité d'influence dans le règlement des crises régionales ; cinquièmement, la rénovation de nos partenariats avec les grands pôles mondiaux que sont, notamment, les Etats-Unis, le monde arabe, la Russie ; sixièmement, enfin, la fidélité à nos partenaires traditionnels, en particulier en Afrique, mais aussi dans le monde francophone, et cette action doit s'inscrire dans la perspective de notre combat en faveur de la diversité culturelle et du développement durable.
La fidélité à nos partenaires traditionnels concerne plus particulièrement notre politique de coopération et les nouvelles orientations qui découlent des engagements du Président de la République lui-même et du programme de Gouvernement présenté par le Premier ministre.
Je déclinerai l'ensemble de cette démarche dans les dix objectifs suivants : l'augmentation du volume de notre aide publique au développement ; le rééquilibrage de nos efforts en faveur de l'aide bilatérale ; l'accroissement de notre coopération avec l'Afrique ; la substitution du partenariat à l'assistance telle qu'elle était conçue traditionnellement ; le développement de la coopération décentralisée ; l'accentuation du partenariat avec la société civile, qu'il s'agisse des organisations non gouvernementales, des entreprises ou des fondations et associations ; la promotion du volontariat associatif ; le renforcement de l'expertise française en matière de coopération ; le renforcement des moyens administratifs, techniques et financiers, moyens qui doivent surtout devenir plus opérationnels ; enfin, l'accentuation de notre présence politique et diplomatique dans les pays avec lesquels nous coopérons.
Pour respecter les six grandes priorités de notre politique à l'extérieur, les modalités de notre action doivent répondre à une triple exigence : de cohérence, d'efficacité et de résultat.
S'agissant de l'exigence de cohérence, le ministère des affaires étrangères doit être un véritable centre de coordination, d'impulsion et de synthèse de l'action extérieure de l'Etat.
En ce qui concerne l'exigence d'efficacité, le ministère doit prendre part à l'effort général de l'Etat en termes de rationalisation de l'usage des moyens, en l'espèce des moyens consacrés à l'action extérieure, notamment par la réforme et la coordination des réseaux extérieurs de l'Etat.
Pour ce qui est de l'exigence de résultat, la loi organique relative aux lois de finances est un contrat d'objectifs et de moyens passé entre l'exécutif et le Parlement. Nous devons donc nous mettre en mesure de vous rendre compte des résultats obtenus, par l'évaluation des politiques conduites et le contrôle de gestion.
Le projet de loi de finances pour 2003 s'efforce d'apporter une première réponse à ces exigences. Il a été conçu dans un esprit de sincérité budgétaire. Il répond à quatre préoccupations : redynamiser notre action diplomatique, réaffirmer notre devoir de solidarité internationale, répondre aux attentes des Français de l'étranger et contribuer efficacement à la maîtrise des flux migratoires.
Après ce rappel du contexte, dont je n'ai gardé que l'architecture, j'en viens à l'essentiel, c'est-à-dire aux réflexions très nombreuses formulées par Mmes et MM. les rapporteurs ainsi que par les orateurs, que Renaud Muselier et moi-même avons écoutés très attentivement.
Je tiens à saluer la qualité et la pertinence des analyses et des observations présentées. Je souhaite, en particulier, remercier très sincèrement Mmes et MM. les rapporteurs pour le travail remarquable qu'ils ont produit.
Renaud Muselier et moi-même regrouperons nos réponses autour d'un certain nombre de thèmes. M. le sénataire d'Etat aux affaires étrangères évoquera le fonctionnement du ministère et les crédits y afférents, les contributions aux organisations internationales, notamment à l'ONU et à celles qui en dépendent, les affaires consulaires, l'immigration, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger et quelques autres sujets qui ont été évoqués dans les différentes interventions.
Pour ma part, je centrerai mes réponses sur les moyens de nos interventions, leurs modalités et, enfin, l'organisation du ministère.
Je commencerai par les moyens financiers.
Ce projet de budget traduit la priorité accordée par le Président de la République et le Gouvernement à l'action extérieure de la France, puisqu'il est en hausse de 13,4 %, cela a été dit par plusieurs d'entre vous et par vos rapporteurs.
C'est un chiffre qui apparaît satisfaisant, mais je rappellerai que ce projet de budget des affaires étrangères a été élaboré, comme tous les autres, dans un contexte très contraignant, en raison de la conjoncture économique, et qu'il ne représente au total que 1,5 % du budget de l'Etat. C'est dire l'étroitesse des marges de manoeuvre.
A vrai dire et en vous écoutant, j'en étais d'autant plus convaincu tous les secteurs de ce budget ou presque auraient mérité une remise à niveau et nous avons dû être extrêmement sélectifs. C'est ainsi, par exemple, que les contributions volontaires à des organisations internationales sont restées à leur niveau, faible, alors qu'elles auraient dû être augmentées : Renaud Muselier y reviendra. Et l'on aurait pu, en écoutant les propos qui ont été tenus cet après-midi et ce soir, allonger la liste des besoins, des initiatives nouvelles à prendre, des réformes à entreprendre.
En outre, comme je l'ai indiqué, l'augmentation du volume de ce budget s'explique pour une part importante par la volonté du Gouvernement de vous présenter un budget sincère dès la loi de finances initiale, en rompant avec une pratique consistant à renvoyer à des lois de finances rectificatives certaines charges obligatoires et connues d'avance en réalité. MM. Jacques Chaumont, Michel Charasse et André Dulait ont évoqué cet aspect des choses dans leurs interventions.
Cela dit, ainsi que l'ont souligné Mmes Brisepierre et Cerisier-ben Guiga, MM. Charasse et Pelletier, notre aide publique au développement progresse de façon significative, conformément aux directives du Président de la République et du Premier ministre. Selon les estimations du ministère des finances, elle devrait atteindre 0,39 % de notre produit intérieur brut l'an prochain, inversant ainsi la tendance à la réduction continue qui avait été constatée au cours des dernières années.
Cette reprise de notre aide publique au développement était indispensable pour tenir les engagements internationaux de la France, pour permettre à notre pays d'assumer son devoir de solidarité, et aussi, comme l'a souhaité Mme Luc notamment, pour nous permettre de mobiliser la communauté internationale dans la lutte contre la pauvreté, contre la faim et contre la maladie dans le monde.
Comme je l'ai déjà dit, ce projet a été préparé dans un esprit de sincérité, et je remercie MM. Chaumont et Del Picchia de nous en avoir donné acte. La lisibilité pourrait en être améliorée, ainsi que l'ont relevé Mme Brisepierre et M. Charasse, notamment.
La perspective de la loi organique relative aux lois de finances et le rôle de synthèse que doit jouer le ministère des affaires étrangères doivent nous pousser à une présentation plus unifiée, plus claire de l'ensemble des crédits concourant à l'action extérieure de l'Etat. Tout ce qui a été dit à ce sujet est parfaitement exact.
Même sincère, même lisible, un budget ne vaut toutefois que s'il est effectivement mis en oeuvre. Je partage bien sûr les analyses présentées par M. Chaumont et plusieurs autres orateurs sur la difficulté que représentent les régulations budgétaires sur des actions qui bien souvent engagent la parole de la France.
Certes, une libération partielle des crédits gelés au cours de cette année 2002 a pu être obtenue.
Il faut espérer que le contexte économique permettra, en 2003, d'éviter le recours à cette procédure. Il faut de même assurer la disponibilité, en temps utile, des crédits de paiement nécessaires à la mise en oeuvre des autorisations de programme. C'est le sens des remarques de M. Charasse au sujet du fonds de solidarité prioritaire et de l'Agence française de développement. Nous espérons pouvoir compter sur le soutien du Parlement, notamment du Sénat, à cet égard.
Après les moyens financiers, j'en viens aux modalités de notre action et aux grands secteurs dans lesquels cette action se déploie.
Le premier de ces secteurs est la coopération pour le développement.
L'une des priorités fixées par le ministre des affaires étrangères, je l'ai indiqué au début de mon intervention, est celle de la fidélité à nos partenaires les plus anciens et les plus traditionnels, notamment en Afrique. A ce sujet, je veux rassurer M. Legendre sur la ferme volonté du Gouvernement de renforcer nos liens avec l'Afrique. J'y reviendrai plus tard mais, d'ores et déjà, je voudrais, puisqu'il a cité le titre du livre L'Afrique sans la France, lui dire que, que de mon côté, j'ai pu lire - et j'espère que cela compense - certains titres de journaux tels que « La France est de retour en Afrique ».
La traduction concrète et opérationnelle de cette démarche à l'égard du développement, notamment en Afrique, est l'inversion de la tendance qui nous a conduits, ces dernières années, à privilégier les canaux multilatéraux pour mettre en oeuvre notre aide. Je suis en plein accord, à ce sujet, avec les remarques formulées tant par Mme Brisepierre que par M. Charasse.
Le budget que nous vous soumettons permettra d'affecter l'augmentation de nos moyens en priorité à l'aide bilatérale et, à l'intérieur de celle-ci, à l'Afrique sub-saharienne.
S'agissant de la programmation, j'ai bien noté les critiques de M. Charasse, qui souhaite qu'une plus grande place soit faite à la lutte contre la pauvreté, même au détriment des actions culturelles et audiovisuelles. Je ne veux pas caricaturer son propos, mais je le résume de cette manière.
Notre devoir de solidarité est une priorité essentielle. Le combat pour la diversité culturelle ne doit pas être abandonné pour autant. Nos actions de coopération culturelle ou audiovisuelle en sont de plus en plus la base et l'instrument. Elles ne doivent donc pas être sacrifiées. Je suis en cela d'accord avec Mmes Cerisier-ben Guiga et Pourtaud.
Pris dans son ensemble, le projet de budget pour 2003 permet d'augmenter l'aide publique au développement, ce qui répond à l'appel lancé par M. Charasse, sans diminuer pour autant nos actions culturelles.
Les interrogations de M. Charasse au sujet de l'aide-projet sont intéressantes. Des projets bien circonscrits permettent des actions plus visibles. Cette formule ne doit donc pas être abandonnée. Ce n'est d'ailleurs pas notre intention. Inversement, l'aide sectorielle, lorsque les conditions de son emploi sont réunies, présente de réels avantages en termes d'efficacité. Nous ne devons pas l'exclure, mais nous devons au contraire rechercher, en fonction de la nature des programmes à réaliser, le meilleur équilibre entre les deux formes d'assistance.
Mme Brisepierre a craint que la baisse des crédits du chapitre 42-15 n'ait pour conséquence une réduction de nos actions d'assistance technique et la disparition d'un savoir-faire précieux. Ella a raison de s'intéresser à cet aspect de notre coopération. Je veux la rassurer : renforcer l'expertise française en matière de coopération est l'un des dix objectifs que j'ai cités tout à l'heure et qui constituent la feuille de route qui est la mienne. Notre tradition d'expertise dans de nombreux domaines - en Afrique, mais aussi en Asie, dans la Caraïbe et ailleurs - est ancienne et riche, et ce capital intellectuel scientifique doit être préservé et renouvelé.
Au sein du chapitre 42-15, la programmation des opérations de la direction générale de la coopération internationale et du développement a préservé les actions d'assistance technique, qui pourront également être financées par le fonds de solidarité prioritaire en accompagnement de projets, ainsi que dans le cadre des contrats de désendettement et de développement lorsqu'il s'agit de renforcer les capacités d'administration locale dans les pays partenaires pour la bonne mise en oeuvre des aides budgétaires.
Telles sont les précisions que je voulais brièvement vous apporter sur la coopération.
J'en viens maintenant au sida et à l'accès aux médicaments.
Mmes Luc et Bidard-Reydet ont exprimé leurs préoccupations au sujet du traitement de cette pandémie du sida dans les pays en développement, et plus particulièrement de l'accès aux médicaments. Comme vous le savez, et alors que les trithérapies n'étaient disponibles en France que depuis 1996, le Président de la République, M. Chirac, a prôné, dès 1997, un accès à ces médicaments pour les populations des pays en développement.
Dimanche dernier, il a une nouvelle fois marqué l'importance qu'il accorde à cette maladie et à la mobilisation pour la vaincre en se rendant au siège de l'association AIDES. Il y a annoncé sa décision d'inscrire l'accès aux médicaments à des prix accessibles pour les pays pauvres, spécialement en Afrique, à l'ordre du jour du prochain sommet du G8 à Evian, qui sera, vous le savez, présidé par la France. Je rappelle aussi que notre pays a soutenu la déclaration de Doha sur la propriété intellectuelle et la santé publique, dont les modalités précises de mise en oeuvre doivent être définies avant le 31 décembre 2002.
Je vous rappelle enfin, même s'ils ne figurent pas dans le budget que nous examinons ce soir, que le Gouvernement a inscrit les moyens financiers nécessaires à sa contribution au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.
J'évoquerai maintenant la question de l'aide alimentaire, qui a été soulevée par M. Charasse notamment.
Je partage à cet égard le souci de rationaliser l'organisation de l'aide alimentaire exprimé par M. Charasse. La gestion de cette aide est actuellement répartie, comme il l'a indiqué, entre l'agriculture et les affaires étrangères, selon des modalités qui ne sont pas satisfaisantes. Ce point devra être débattu lors de la session du comité interministériel de la coopération internationale et du développement - le CICID - prévue pour le 11 décembre.
Il est nécessaire de simplifier la gestion de l'aide, de diminuer les coûts globaux et de trouver une meilleure articulation entre la sécurité alimentaire comme objectif de réduction de la pauvreté et l'aide alimentaire comme instrument de l'aide humanitaire et, dans certains cas, de l'aide au développement.
J'en viens à la coopération militaire et de défense.
S'agissant de la coopération militaire, évoquée par Mme Brisepierre, MM. Chaumont, Charasse et Penne, nous demeurons dans la logique de la réforme de 1998 et de la fusion des ministères de la coopération et des affaires étrangères. L'Afrique subsaharienne, malgré le redéploiement d'une partie des crédits vers d'autres zones, reste une priorité puisqu'elle bénéficie à elle seule de 73 % du budget géré par la direction de la coopération militaire et de défense, la DCMD.
Mais, au vu de l'évolution des crédits attribués à la coopération militaire au cours des dernières années - et cette année encore - il convient effectivement d'être vigilant et de ne pas descendre en dessous d'un seuil de sécurité et d'efficacité.
Afin de renforcer la gestion des crises - l'une des six priorités que j'évoquais en commençant -, nos efforts portent en parallèle, d'une part, sur la formation des militaires dans d'autres pays et, d'autre part, sur le renforcement de la capacité des armées africaines à conduire elles-mêmes les opérations sous-régionales, comme on dit en Afrique, de maintien de la paix.
En matière de formation, les seize écoles militaires qui sont soutenues au titre de la coopération militaire forment environ mille stagiaires chaque année.
Quant au programme de renforcement des capacités africaines de maintien de la paix - le RECAMP -, chacun de ses cycles rencontre un grand succès.
La coopération de défense demeure donc, à nos yeux, par sa contribution à la sécurité et au maintien de la paix, un instrument privilégié de l'aide au développement et un volet essentiel de notre coopération. Aider nos partenaires à se doter d'armées républicaines bien formées sur le plan professionnel et sur le plan civique est une démarche qui contribue à l'établissement d'un Etat de droit.
Le moment est certainement venu de dresser un bilan de la réforme et de donner une nouvelle impulsion qui est, à l'évidence, nécessaire. Ce sera l'objet du conseil de défense qui se tiendra au mois de février prochain.
La francophonie, qui a été évoquée à plusieurs reprises au cours de nos débats, est inscrite au coeur de la politique étrangère française. Le discours du Président de la République au sommet de Beyrouth l'a montré, comme chacun a pu s'en rendre compte.
Ainsi que l'a rappelé M. Jacques Legendre, le Président de la République a annoncé un plan de relance qui sera bientôt présenté au Parlement, dans le cadre de la loi de finances rectificatives pour 2002. Ses modalités pratiques sont en phase d'arbitrage et vous seront présentées incessamment.
J'ai bien écouté les propos qui ont été tenus, notamment par M. Goulet, sur le thème de la francophonie. J'ai pris connaissance du problème qu'il a évoqué concernant l'association qu'il anime et dont je vais me préoccuper. S'agissant de l'action menée en faveur de la francophonie, même si nous sommes tous conscients des lacunes, des difficultés, des lourdeurs existantes et de l'insuffisance des moyens en volume qui lui sont consacrés, je ne pense pas que nous ayons de véritables raisons d'être pessimistes. Il y a beaucoup à faire, la situation de certaines organisations doit être clarifiée, mais une dynamique existe, qui s'est manifestée de manière éclatante à Beyrouth.
La francophonie était souvent perçue jusque-là - à tort d'ailleurs - par nos concitoyens, par les médias ou par les pays non francophones comme la démarche d'une ancienne puissance, un peu repliée sur elle-même, qui pouvait s'enorgueillir au xviiie siècle de la prééminence du français dans les classes dirigeantes et cultivées, dans la diplomatie, dont c'était la langue exclusive. Cette francophonie-là, que nous avions au fond tendance à regretter, dans un réflexe défensif et dans une sorte de compétition quasi obsessionnelle avec l'anglais, appartient au passé.
Aujourd'hui, la francophonie a changé d'image. Elle est devenue la pionnière de la diversité des langues et des cultures, du droit de chaque langue et de chaque culture à être respectée, à exister. Elle est porteuse d'un message positif d'ouverture sur les autres. Au lieu d'être repliés sur nous-mêmes, nous sommes ouverts vers les autres et nous pouvons trouver des alliés dans cette démarche.
M. Jacques Legendre. Très bien !
M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué. J'ai la conviction profonde - je le dis à M. Goulet et à tous ceux qui se sont exprimés sur ce sujet qui m'est cher, beaucoup d'entre vous le savent, et pour lequel j'ai milité pendant longtemps - qu'un virage extrêmement positif à mes yeux a été pris. Il nous faut maintenant accompagner et organiser cette relance avec un esprit offensif.
J'en viens à ce qui fâche.
M. Legendre s'est inquiété, à juste titre, des conséquences d'un certain nombre de décisions européennes sur l'usage du français, notamment en matière d'étiquetage de produits vendus dans le commerce et de brevets. Ces décisions se sont inscrites dans le cadre des règles qui régissent les échanges commerciaux et le droit de la consommation.
Au-delà de ces questions, on observe d'ailleurs bien d'autres dérives inacceptables, au détriment de l'usage du français, dans le fonctionnement quotidien des institutions européennes. Il faut, bien entendu, dénoncer ces dérives, ces entorses aux règles - car il existe des règles qu'il faut respecter.
Cela a été dit par l'un d'entre vous dans la journée, sur le plan de l'Europe, terrain le plus difficile dans la pratique pour nous, je pense qu'une véritable protection de la langue française et des autres grandes langues européennes pourrait être assurée si l'Union européenne, dans les principes généraux qui la fondent - par exemple le préambule de la Constitution, le jour où elle en aura une, puisqu'on parle de lui en donner une -, garantissait la diversité des langues et des cultures des Etats membres. La garantie de cette diversité deviendrait un principe de base qui devrait être respecté par tout le monde. On éviterait alors ce qu'on a bien connu à plusieurs reprises, à savoir les directives techniques qui sortent des directions de la Commission ou les décisions de la Cour de justice européenne auxquelles il n'est pas aussi facile de s'opposer. Je soumets cette idée à votre réflexion.
J'ajoute qu'un effort important doit être poursuivi à l'intention des futurs membres de l'Union européenne. Des coopérations linguistiques, éducatives et administratives sont mises en oeuvre avec ces pays pour maintenir et développer leur pratique du français.
J'en viens à l'action culturelle extérieure.
M. Dauge s'est interrogé sur les suites données au rapport qu'il a rédigé au sujet des centres culturels. Les crédits qu'il jugeait indispensables à leur remise à flot sont malheureusement difficiles à dégager dans la conjoncture budgétaire que vous connaissez. Un effort sensible a cependant été fait, puisqu'une augmentation sur deux ans de 8,3 % des crédits de fonctionnement a été consentie au profit des centres dotés de l'autonomie financière.
J'ajouterai à l'attention de M. Dauge que le Gouvernement est tout à fait décidé à faire preuve de vigilance à l'égard du réseau des centres culturels. Nous connaissons tous, pour avoir circulé dans certains pays, la vétusté des locaux, la très grande modestie des moyens qui ne permet même pas d'utiliser intelligemment les sommes disponibles ni de rentabiliser l'investissement fait. Tout cela mérite donc un effort, qui sera poursuivi au cours des années qui viennent.
M. Hoeffel s'est inquiété de la fermeture de centres culturels en Allemagne. Effectivement, sept centres ou antennes ont été fermés en 2001 et en 2002. Il s'agit non pas d'une remise en cause de notre présence en Allemagne, mais d'une restructuration de notre dispositif. Les établissements fermés ont été remplacés, m'a-t-on assuré, par de nouvelles structures plus souples, implantées directement chez nos partenaires allemands. Huit postes de chargés de mission pour la culture et d'attachés de coopération universitaire ont été créés. Ils disposent d'un budget géré par le centre culturel le plus proche. Les économies engendrées par ce redéploiement ont été allouées à d'autres établissements. Au total, l'enveloppe de fonctionnement global de notre réseau en Allemagne, qui s'élève à 2,9 millions d'euros, demeure constante. Il n'y a donc aucun désengagement. Il s'agit d'un redéploiement. Je suis à la disposition de M. Hoeffel pour en faire le bilan.
J'en viens à l'action audiovisuelle extérieure.
L'importance du renforcement de la présence de la France en matière d'audiovisuel extérieur est évidente. Il s'agit d'un instrument stratégique de la diplomatie et, plus encore, de rayonnement de la France dans le monde. Je partage tout à fait l'analyse présentée par M. Duvernois. J'ai également écouté attentivement les propos de M. le président Dulait et de M. Chaumont sur ce sujet.
Les crédits qui vous sont présentés sont effectivement en légère baisse, mais, comme le souligne d'ailleurs M. Duvernois, il s'agit d'un budget de transition dans lequel il n'a pas été possible de prendre en compte le résultat de réflexions encore en cours.
Comme vous le savez, le Président de la République souhaite la création d'une chaîne de télévision mondiale en français. Il s'agit là d'un sujet très important, mais complexe, et dont les implications, notamment financières, sont considérables. Cela a été dit par beaucoup d'entre vous. Différentes options sont encore à l'étude. A ce jour, il ne m'est malheureusement pas possible d'anticiper sur les réflexions en cours.
Certaines prévoient de s'appuyer sur les opérateurs de l'audiovisuel public extérieur existants, y compris TV5, chaîne francophone qui dispose d'un réseau mondial, et de valoriser la capacité du service public de télévision à présenter l'information et la vision française des événements sur le plan international. D'autres options reposent sur la création d'un opérateur nouveau ou la reprise de l'opérateur existant. Dans chaque cas, les coûts et les montages juridiques et financiers sont très différents. En tout état de cause, le Gouvernement a choisi de se laisser le temps de la réflexion en raison des enjeux financiers en cause, mais il prend bien en compte la préoccupation exprimée par Mmes Cerisier-ben Guiga et Pourtaud et par M. del Picchia de tirer profit au maximum de l'existant.
S'agissant de TV5, Mme Pourtaud a très justement relevé les progrès importants qui ont été accomplis par cette chaîne francophone. Elle a eu raison de relever aussi que les crédits alloués ne permettent pas la réalisation de l'intégralité du plan stratégique 2002-2005. Il est effectivement regrettable que les autres partenaires n'aient pas souhaité aller plus loin dans leur soutien financier. La France accorde une subvention dont la hausse est plus forte que celles des autres bailleurs de fonds, mais elle ne peut pas supporter seule le poids financier du développement de TV5. Nous poursuivrons donc nos efforts pour mobiliser nos partenaires en faveur de la réalisation complète du plan stratégique au cours des prochaines années.
Je partage également la préoccupation de Mmes Pourtaud et Cerisier-ben Guiga au sujet de la situation de Radio France Internationale. Il est exact que les perspectives financières ne sont pas très faciles, notamment en ce qui concerne le financement de l'accord de réduction du temps de travail et l'évolution de la masse salariale en général. La conclusion d'un contrat d'objectifs et de moyens est indispensable pour donner un cadre à l'évolution de l'entreprise. La négociation de ce contrat sera relancée dans les prochains mois.
J'en viens, maintenant, à l'organisation de notre action.
Je l'aborderai en évoquant les principes sur lesquels doit reposer l'organisation du ministère.
Le premier d'entre eux est la cohérence.
Le ministère des affaires étrangères est responsable de la cohérence de l'action extérieure de l'Etat. Comme le relève M. Chaumont, l'organisation des implantations à l'étranger de l'ensemble des services de l'Etat doit faire l'objet d'une réflexion stratégique. Le Comité interministériel sur les moyens de l'Etat à l'étranger, le CIMEE, examinera cette question.
Quelle que soit la solution finalement retenue, le rôle de l'ambassadeur doit refléter, sur le terrain, la fonction de coordination du ministère des affaires étrangères ; je suis en plein accord avec MM. Branger et Charasse sur ce point. Cette fonction de synthèse est d'autant plus indispensable que, comme l'ont souligné Mme Brisepierre et MM. Chaumont et Charasse, les crédits concourant à l'aide publique au développement et à l'action extérieure de la France sont dispersés au sein de nombreux ministères, faisant peser le risque d'incohérence et de mauvais emploi des deniers publics.
Dans cette perspective, Mme Brisepierre s'est interrogée sur la coexistence de deux groupements d'intérêt public : France coopération internationale, au ministère des affaires étrangères, et Assistance au développement des échanges en technologies économiques et financières, l'ADETEF, au ministère des finances.
Bien entendu, nous sommes alertés sur ce problème. La coordination entre ces deux entités doit pouvoir se faire - nous semble-t-il - sans trop de difficultés grâce à un dialogue permanent qui s'est d'ores et déjà établi entre les deux cosecrétaires du comité interministériel de l'aide au développement.
J'en viens au second principe sur lequel doit reposer l'organisation du ministère, à savoir l'efficacité.
M. Charasse a porté sur le fonctionnement du Fonds de solidarité prioritaire, le FSP, un jugement quelque peu sévère. Il est exact que la durée moyenne de vie d'un projet du FSP est actuellement trop longue. Des éléments conjoncturels apportent toutefois une partie de l'explication : le passage à l'euro, la réforme comptable et les gels budgétaires ont retardé les décaissements. Il reste - c'est exact - qu'un effort doit être consenti en la matière. Et, comme M. Charasse l'a noté, un comité de suivi des projets a été institué à cet effet.
Le faible nombre de projets dans les nouveaux pays de la zone de solidarité prioritaire a été également regretté. Nous en sommes conscients. Des actions de formation sont organisées au profit des agents qui sont en poste dans ces pays et qui n'ont pas l'expérience de cette procédure. La situation est donc en train de s'améliorer.
M. Charasse a dressé le même constat de lenteur à l'égard de l'Agence française de développement, l'AFD. Outre les retards inévitables dus aux conditions de mise en oeuvre de projets parfois difficiles, je rappelle que l'AFD, en tant qu'établissement financier, a dû prévoir un régime de sanctions automatiques en cas d'impayé. Toute crise politique entraîne des difficultés financières, et le régime de sanction est alors appliqué, ce qui retarde évidemment les projets.
Toutefois, des améliorations sont possibles et nécessaires. Comme M. Charasse l'a lui-même indiqué, l'AFD a récemment engagé une réflexion stratégique de grande qualité, débouchant sur un plan d'orientation stratégique dont la mise en oeuvre est en cours. Cette réforme permettra à l'AFD de procéder à une plus grande sélectivité des projets qu'elle conduit et de recentrer son activité sur ses domaines d'excellence. On peut par conséquent espérer des retombées positives sur l'ensemble du fonctionnement de l'agence. Comme de nombreux orateurs l'ont indiqué, une part importante de notre aide publique au développement passe par le canal du Fonds européen de développement, le FED. Comme l'ont souligné Mme Brisepierre, MM. Charasse et Daugé, le FED est critiquable : lourdeur des procédures, ampleur des sommes non décaissées en fin d'année, manque de coordination avec les actions bilatérales, etc. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous souhaitons accorder une plus grande priorité à l'aide bilatérale.
Il n'est pas question de revenir sur les engagements de la France à l'égard du FED. En revanche, nous ne pouvons pas nous désintéresser de sommes aussi importantes, qui devraient être mises au service de la lutte contre la pauvreté. La réforme en cours à Bruxelles nous permet d'espérer une certaine amélioration du fonctionnement du FED, car la Commission a pris conscience de ses dysfonctionnements.
De premiers signes encourageants sont apparus, mais il faut rester attentifs à la mise en oeuvre de la réforme et à ses résultats.
Dernier des principes sur lequel repose l'organisation du ministère : l'obligation de résultat. Il est naturellement indispensable d'être en mesure d'évaluer notre action.
MM. Chaumont et Charasse ont noté à juste titre que les indicateurs de gestion seraient perfectibles. C'est un euphémisme ! Effectivement, ils le sont. Une réflexion va être engagée à ce sujet, des audits seront demandés à l'inspection générale des affaires étrangères et à l'inspection générale des finances. Là où c'est possible, une démarche de qualité et de certification sera engagée. Le processus d'évaluation de chacun sera également revu. Un groupe de travail a été créé au sein du ministère, sous la présidence du secrétaire général du ministère, et vos commissions compétentes seront associées à ces travaux.
J'en viens à la DGCID. Le jugement qui a été émis sur cette direction et sur la lourdeur de son fonctionnement est peut-être un peu sévère. La fusion des services des ministères s'est faite voilà maintenant quelques années, mais cela ne fait pas si longtemps. Le temps est venu d'en tirer un bilan et d'examiner si des ajustements sont nécessaires. C'est ce que nous allons faire dans le cadre de la réflexion engagée par M. Dominique de Villepin sur l'organisation du ministère.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les indications que je souhaitais vous présenter en réponse aux observations et aux questions des rapporteurs et des orateurs.
J'ajouterai brièvement, avant de terminer, quelques indications liées à l'actualité politique en réponse aux questions de plusieurs des orateurs, en particulier MM. André Dulait, Guy Penne et André Vallet, sur la situation en Côte d'Ivoire, dont je comprends qu'elle préoccupe la Haute Assemblée.
Afin d'appuyer le processus de sortie de crise en Côte d'Ivoire, M. Dominique de Villepin s'est rendu successivement à Lomé, Abidjan, Ouagadougou, Bamako, Libreville et Dakar, entre le 26 et le 28 novembre.
Face aux risques d'enlisement des négociations en cours à Lomé dans le cadre de la médiation pilotée par le Président du Togo et aux risques de reprise des affrontements sur le terrain, ce déplacement rapide avait pour objet de « faire bouger les lignes » et de souligner l'urgence d'une solution politique, pacifique et négociée.
Il s'est inscrit dans la droite ligne de la position adoptée par la France depuis le début de la crise, à savoir le soutien aux autorités et aux institutions légitimes, la préservation de la souveraineté de l'Etat et de l'intégrité du territoire, le maintien de la stabilité régionale et l'appui aux médiations africaines.
En l'état actuel des choses, nous pouvons établir un premier bilan de ce déplacement.
M. Alassane Ouattara, qui était à l'ambassade de France à Abidjan depuis plusieurs semaines, a pu la quitter.
Cela a d'ailleurs contribué à diminuer sensiblement les tensions antifrançaises qui s'étaient manifestées à Abidjan depuis plusieurs semaines.
Le 27 novembre dernier, à Lomé, la délégation représentant le gouvernement ivoirien et la délégation des rebelles du Nord ont rédigé une déclaration commune appelant à un règlement pacifique et énonçant les points pouvant faire désormais l'objet d'un dialogue politique élargi.
Ensuite, sous l'égide du président malien Touré, une rencontre a été organisée à Bamako hier, mardi, entre le président du Burkina Faso, Blaise Campaoré, et le président de la Côte d'Ivoire, Laurent Gbagbo. Cette rencontre, qui a duré cinq heures, a débouché sur un communiqué.
A ce propos, puisque M. Vallet a fait allusion à un certain nombre de rumeurs, de montages, sur des complots qui pourraient, ici ou là, être à l'origine de la crise très grave de la Côte d'Ivoire, j'en profite pour dire la nécessité d'être extrêmement méfiant à l'égard de toutes les rumeurs et de toutes les désinformations qui circulent. Il a notamment fait état de rumeurs mettant en cause un pays de la péninsule arabique et le Burkina Faso qui ne me paraissent pas être fondées sur des faits objectifs.
Les principaux points du communiqué dont je parlais sont les suivants : privilégier le dialogue pour parvenir à une paix durable, rechercher une solution pacifique, s'abstenir de tout acte d'agression contre l'intégrité territoriale de chacun des pays, accélérer le déploiement de la force de la CEDEAO, la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest, et, enfin, engager une réflexion approfondie pour des réformes politiques et institutionnelles en Côte d'Ivoire.
De son côté, le président Abdoulaye Wade, qui préside la force de la CEDEAO, a désigné l'officier général qui va prendre le commandement de cette force.
Une nouvelle réunion, prévue à Accra, de l'ensemble des chefs d'Etat de la CEDEAO devrait préciser les modalités d'envoi et la mission de la force de la CEDEAO, qui est attendue sur le terrain.
Je vous rappelle que les troupes françaises présentes en Côte d'Ivoire, dont les effectifs ont été plus que doublés pour atteindre près de 1 400 hommes, assurent depuis le début de la crise la sécurisation et, le cas échéant, l'évacuation de ressortissants français et étrangers qui seraient en danger. En outre, depuis le 19 octobre dernier, et à la demande des autorités ivoiriennes, elles assurent la sécurisation du cessez-le-feu qui est intervenu à cette date.
Ainsi, le mouvement d'accélération donné au processus politique de sortie de crise avait de bonnes raisons d'être jugé très positif. Toutefois, est apparue, de manière simultanée, une nouvelle zone de combats à l'ouest de la Côte d'Ivoire. Des rebelles, apparemment indépendants de ceux du Nord et appartenant au clan des partisans de feu le général Gueï, ont pris le contrôle de plusieurs localités à la frontière du Liberia.
C'est dans ces conditions que les troupes françaises ont procédé, entre samedi et lundi, à la sécurisation et à l'évacuation des ressortissants français et étrangers de Man et de Touba.
S'agissant de la défense européenne, je serai plus bref, bien que le sujet soit considérable. M. Dulait, président de la commission des affaires étrangères, a eu raison d'insister sur cette question essentielle pour l'avenir de l'Europe et d'indiquer que ce dossier connaissait des hauts et des bas.
Parmi les succès, citons la contribution commune de la France et de l'Allemagne à la Convention européenne, ainsi que notre loi de programmation militaire, qui nous permet d'accroître notre capacité d'intervention.
En dehors des succès, il existe également des limites, c'est vrai, qui résident surtout dans les difficultés à trouver un accord avec la Turquie pour permettre, demain, la coopération entre l'OTAN et la future force d'intervention européenne.
Mais il ne faut pas désespérer. Nous connaissons tous le processus européen, avec ses allers et retours. Une solution pourrait intervenir assez rapidement, peut-être au sommet de Copenhague.
En ce qui concerne le terrorisme, Mme Cerisier-ben Guiga et d'autres orateurs se sont exprimés. Je partage complètement leur point de vue et, par conséquent, je serai bref.
Je dirai simplement que, sur ce dossier, la France est active à l'égard de ses partenaires européens. Ainsi, au niveau européen, nous avons adopté le mandat d'arrêt unique. Nous avons renforcé Europol. Nous avons mis au point un système beaucoup plus performant d'échange de renseignements et nous avons établi une liste commune des organisations territoristes interdites.
Je ne reviens pas sur ce que j'ai dit tout à l'heure en ce qui concerne l'Afrique ; d'autres occasions se présenteront peut-être.
M. Dauge a évoqué un problème ponctuel, à savoir l'écart entre deux chiffres : celui des prévisions de décaissement qui seraient nécessaires pour l'Agence française de développement en 2003 - 160 millions d'euros - et celui des crédits inscrits au projet de budget, qui ne s'éléveraient qu'à 137 millions d'euros. En réalité, les 160 millions d'euros ne sont qu'une prévision, laquelle dépend évidemment du rythme de mise en oeuvre effective des projets et de la situation générale des pays bénéficiaires. L'expérience nous montre qu'il est peu probable que l'intégralité des projets se réalisera selon le calendrier prévu. Par conséquent, les 137 millions d'euros de crédits de paiement devraient suffire. Si, par bonheur, ils ne suffisaient pas, des mesures seraient prises en cours d'année.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai été plus long que je ne l'aurais voulu, mais le sujet est immense. Je vous demande de m'en excuser et je laisse la parole à mon collègue Renaud Muselier. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux d'être aujourd'hui parmi vous avec Pierre-André Wiltzer pour proposer à votre approbation le budget des affaires étrangères.
Je tiens à vous remercier, mesdames, messieurs les sénateurs, de la très grande qualité et de la pertinence de vos interventions, auxquelles je vais m'employer à répondre avec le plus de précision possible.
Le projet de budget pour 2003 du ministère des affaires étrangères s'élève à 4 113,9 millions d'euros, soit une augmentation de 13,4 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2002.
Nous affichons, en toute sincérité, une forte augmentation de 484 millions d'euros de nos crédits. Plusieurs dotations, dont les insuffisances ont donné lieu, les années précédentes, à d'importantes ouvertures de crédits en loi de finances rectificative ont été remises à niveau. C'est le cas des crédits du fonds européen de développement - vous l'avez souligné, monsieur Charasse -, ou des contributions obligatoires.
De ce fait, par rapport à la loi de finances initiale pour 2002, augmentée des crédits ouverts en loi de finances rectificative, l'accroissement du budget ne s'élève qu'à 5,6 %.
Ainsi que l'ont souligné MM. Branger et Chaumont, ce budget ne répond pas totalement à nos attentes, mais il porte nos ambitions et s'efforce de répondre à quatre préoccupations : premièrement, redynamiser notre action diplomatique ; deuxièmement, réaffirmer notre devoir de solidarité internationale, ce dont Pierre-André Wiltzer vient de vous entretenir ; troisièmement, répondre aux attentes des Français de l'étranger ; enfin, quatrièmement, contribuer efficacement à la maîtrise des flux migratoires.
Je vous propose d'examiner d'abord les points que je viens d'indiquer, avant de répondre aux questions spécifiques sur notre action diplomatique qui m'ont été posées au cours de ce débat.
La première de nos préoccupations est de redynamiser notre action diplomatique.
J'évoquerai tout d'abord les moyens de fonctionnement.
Les crédits destinés aux rémunérations, aux missions et au fonctionnement des services et des postes augmentent de 3,2 %. Ces crédits conditionnent, notamment, la sécurité de nos postes, que je veux en priorité renforcer. Ainsi, quinze emplois nouveaux de gendarmes ont été ouverts.
Les crédits de fonctionnement font l'objet, habituellement, d'une régulation budgétaire importante. A l'avenir, ainsi que le suggèrent la Cour des comptes et M. Jacques Chaumont, un contrat d'objectifs et de moyens pourrait être envisagé avec le ministère du budget, comme l'a fait la direction des relations économiques extérieures, la DREE. Je suis convaincu que l'effort de réflexion sur nos missions, notre organisation et nos moyens exposé par Pierre-André Wiltzer débouchera sur une approche contractuelle de ce type.
Nous veillerons également à nos investissements immobiliers. J'ai demandé une meilleure maîtrise des coûts, la mise à niveau des installations techniques et de sécurité et l'insertion optimale dans le site. Ces objectifs sont dictés par trois priorités essentielles : la standardisation, l'unification et la sécurisation de nos emprises.
Nos crédits en autorisations de programme et en crédits de paiement reculent en apparence, mais cette baisse sera compensée par d'importants reports de crédits liés aux rythmes différents d'avancement des programmes de travaux.
J'en viens au réseau diplomatique et consulaire. Ces moyens sont dédiés à un réseau en constante adaptation. J'ai bien pris note des remarques formulées notamment MM. Chaumont, Branger, Charasse et de Montesquiou.
Vous le savez - vous l'avez dit, je le répète, mais on ne le dira jamais assez -, la France dispose du second réseau diplomatique et consulaire après celui des Etats-Unis. Membre permanent du Conseil de sécurité, elle est présente dans le monde avec cent cinquante-deux ambassades, vingt et une représentations permanentes et cent cinq postes consulaires.
La France est puissante et forte de son réseau. Ce réseau est régulièrement adapté aux évolutions et aux réalités internationales. Des postes sont créés ou transformés cette année à Kaboul, Gaborone ou Douchanbé.
Pierre-André Wiltzer, évoquant la réforme du ministère et de l'action extérieure de l'Etat, vous a indiqué qu'une réflexion d'ensemble sur la cohérence de notre réseau va être engagée, notamment en Europe, toutes administrations confondues.
Je veillerai tout particulièrement, à cette occasion, comme l'ont fort bien souligné le président Dulait et M. Branger, à ce que l'ambassadeur voie son autorité affirmée sur l'ensemble des services de l'Etat à l'étranger, comme le préfet dans son département. (Très bien ! sur les travées de l'Union centriste.)
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Enfin !
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. Notons que 5 716 agents, contre 3 993 à l'administration centrale, travaillent au sein du réseau à l'étranger, soit 4 201 dans le réseau diplomatique et consulaire et 1 515 dans le réseau culturel et de coopération. Par ailleurs, 5 874 agents de recrutement local sont également employés dans le réseau diplomatique et consulaire et 6 173 dans le réseau culturel. Le ministère des affaires étrangères s'attache, dans le cadre d'un plan d'action volontariste, à améliorer la situation sociale du personnel local.
Pour répondre plus précisément à M. de Montesquiou, comment envisageons-nous l'évolution du réseau consulaire ?
La France dispose de quatre-vingt-neuf consulats généraux, dont quelques postes mixtes avec la DREE ou l'action culturelle et de coopération, de dix consulats et de dix chancelleries détachées et antennes consulaires.
La coopération au sein de l'Union européenne modifie déjà la fonction consulaire, notamment dans son volet relatif à la protection des personnes. Il y a évidemment lieu de s'interroger sur le maintien de divers consulats en Europe, d'autant que des structures d'accueil sont créées - dans les centres culturels, les alliances françaises ou sous forme d'agences consulaires - et qu'un consul honoraire est nommé partout où le ministère des affaires étrangères ferme un poste. Il reste, nous le savons tous, que toute fermeture de poste consulaire est ressentie défavorablement par la communauté française.
Plus généralement, la réflexion sur le réseau consulaire portera sur plusieurs domaines : la fermeture des consulats dans certaines capitales, avec l'ouverture d'une section consulaire à l'ambassade ; le regroupement d'activités, telles que les visas - au Maroc, par exemple, les visas étudiants sont centralisés au consulat général à Casablanca - ; la spécialisation de certains consulats - ainsi, le consulat général à Bruxelles regroupera, en 2003, l'essentiel de l'activité consulaire, les autres postes consulaires en Belgique conservant une fonction de relations publiques, travail politique et presse, et des services de proximité - ; enfin, l'allégement des procédures, telle que l'harmonisation des frais de visas et la généralisation du réseau mondial des visas.
Toutes ces mesures sont examinées par le comité de pilotage de la réforme qui a été installé, voilà quelques semaines, par Dominique de Villepin.
J'en viens maintenant aux contributions obligatoires et volontaires, autre élément substantiel de notre présence internationale.
La France doit tenir son rang, notamment à l'égard du système des Nations unies. Cette ambition se traduit par une progression de 11 % des contributions obligatoires de la France pour le fonctionnement des organisations internationales et pour le financement des opérations de maintien de la paix. Ces contributions atteignent désormais 679 millions d'euros, soit 16,5 % des crédits du ministère.
En revanche, nos contributions volontaires ne représentent plus que la moitié de ce qu'elles étaient en 1992, alors qu'elles sont à 96 % comptabilisées dans l'aide publique au développement. Alors qu'elle est le quatrième contributeur obligatoire au système des Nations unies, la France, toutes administrations confondues, n'est plus que le douzième contributeur volontaire. La faiblesse de ces contributions remet désormais gravement en cause notre influence et notre présence dans ces organisations, Mme Cerisier-ben Guiga, MM. Branger et Chaumont l'ont dit avec force et justesse.
Je souligne que nous avons fait le choix, cette année, d'honorer sans à-coup nos engagements à l'égard du système des Nations unies. Mais il faut que la France rejoigne rapidement les dix principaux contributeurs aux grandes agences humanitaires et de développement des Nations unies. Nous avons l'ambition de vous présenter un budget dans ce sens l'an prochain.
J'en viens aux conférences internationales en 2003. Autre signe de notre dynamisme international, la France accueillera, en 2003, deux grandes conférences internationales : le sommet des chefs d'Etat de France et d'Afrique, à Paris, du 19 au 21 février, et le sommet du G8, à Evian, du 1er au 3 juin. Les crédits destinés aux conférences internationales progressent donc de 7 millions d'euros, soit 37 % d'augmentation. Des moyens supplémentaires devront néanmoins être dégagés dès l'an prochain.
Ce budget tend également à répondre aux attentes des Français de l'étranger, notamment en ce qui concerne la représentation des Français à l'étranger.
M. Robert Del Picchia. Très bien !
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. Je dirai un mot, d'abord, sur ce qu'on appelle désormais la réforme du CSFE, que MM. Durand-Chastel et Del Picchia ont évoquée. Le Conseil supérieur des Français de l'étranger a lui-même lancé une réflexion sur son organisation et son fonctionnement, tant la nécessité d'une évolution se faisait sentir. Vous le savez, le ministère des affaires étrangères est prêt à participer à cette réflexion. Cette évolution peut contribuer, en effet, à l'esprit de réforme et de rénovation de nos méthodes que Dominique de Villepin veut insuffler à ce ministère.
Je souhaite que le mouvement en faveur d'une plus grande participation des élus à la gestion des affaires de la cité soit étendu, sous des formes appropriées, aux Français de l'étranger et à leurs élus.
M. Robert Del Picchia. Très bien!
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. En tout état de cause, la présence du Premier ministre, après-demain, à la réunion du CSFE est bien la preuve, mesdames, messieurs les sénateurs, de l'attention que le Gouvernement porte à cette institution.
J'en arrive à la sécurité des Français.
La sécurité de nos compatriotes est l'une des priorités du Gouvernement, à l'étranger comme en France. Je partage à ce sujet l'analyse de MM. Guerry et Durand-Chastel.
Depuis mai dernier, nous avons dû faire face à plusieurs crises : l'attentat de Karachi, la rébellion en Côte d'Ivoire, l'attentat contre le pétrolier Limbourg , le naufrage du Joola , l'attentat de Bali, la tentative de coup d'Etat en République centrafricaine. Presque toujours, des Français se trouvaient parmi les victimes. Nous avons réagi rapidement pour assurer la sécurité du plus grand nombre, entourer les familles des victimes et évacuer les personnes désemparées.
J'ai salué pour son efficacité la cellule de crise du Quai d'Orsay, qui a su, en toutes circonstances, apporter des réponses appropriées aux familles inquiètes. Je rends également hommage à l'action discrète, mais efficace, du comité d'entraide aux Français rapatriés, qui accueille et réinsère chaque année un millier de nos concitoyens revenant de l'étranger dans la précarité.
Face aux nouvelles menaces, il nous faut anticiper davantage et agir vite. Nos ambassades doivent disposer de moyens plus efficaces, notamment en matière de communication et d'équipements de protection individuels. Les crédits destinés à la sécurité de nos compatriotes à l'étranger bénéficient donc d'une augmentation de l'ordre de 9,3 %. C'est une première étape.
Dans le même temps, nous renforçons notre capacité d'analyse des risques et de la coopération entre services. Dominique de Villepin a confié cette tâche à un comité de sécurité interministériel, qui s'est réuni pour la première fois le 23 octobre 2002.
J'aborde maintenant l'action sociale.
Dans un esprit d'équité, il faut réduire l'écart entre la protection sociale apportée à nos compatriotes en France et à l'étranger. Nous avons obtenu le dégel intégral des crédits bloqués - soit 2,6 millions d'euros - du chapitre 46-94 qui soutient ces dépenses indispensables.
Par ailleurs, je prends pleinement en compte toutes les préoccupations exprimées par M. Cantegrit, et je salue à cette occasion l'action qu'il mène à la tête de la caisse des Français de l'étranger.
L'augmentation de 4,5 % des crédits du fonds d'action sociale inscrits au budget pour 2003 répond à la croissance continue des besoins sociaux et médicaux de nos ressortissants les plus démunis. En 2002, 5 750 Français ont perçu une aide sociale consulaire permanente, dont 3 500 personnes âgées et près de 1 500 personnes handicapées, soit, au total, une augmentation de la population assistée de 3 % par rapport à 2001. Le nombre de personnes rapatriées aux frais de l'Etat a fait un bond de 112 % en cinq ans !
Le montant des allocations a été revalorisé de façon significative, afin de pallier les conséquences d'un effet change/prix défavorable dans de nombreux postes.
Dans le même temps, à la suite du rapport de Mme Cerisier-ben Guiga, notre dispositif d'aide sociale a été adapté aux besoins : développement des aides à l'enfance, création de fonds de roulement pour l'avance des frais médicaux, amélioration des aides aux enfants handicapés, création à titre expérimental d'aides à l'insertion sociale et professionnelle. Des aides financières pour la formation professionnelle ou la création de micro-entreprises ont été expérimentées dans quelques consulats. Elles vont être étendues.
Enfin, l'enveloppe des subventions en faveur des sociétés françaises de bienfaisance a été revalorisée de 13 %. En 2002, près d'une centaine d'associations ont bénéficié d'une aide du département.
Parallèlement, nous menons une politique sociale plus active suivant trois axes : d'abord, l'évaluation équitable du montant des allocations servies aux personnes âgées et handicapées, avec la prise en compte plus juste du coût de la vie dans chaque pays ; ensuite, le développement des aides à la réinsertion de nos compatriotes en difficulté ; enfin, plus d'autonomie des postes consulaires dans la gestion de leurs aides sociales.
En ce qui concerne les retraités français des caisses africaines de sécurité sociale, MM. Del Picchia et Cantegrit l'ont dit, les intéressés rencontrent souvent des difficultés pour percevoir les pensions de retraite qui leurs sont dues par les caisses locales.
Nous intervenons, souvent en relais de vos propres démarches, messieurs les sénateurs, auprès des caisses africaines en négociant le transfert en France des cotisations versées localement. C'est ce qu'on appelle le droit d'option, il existe avec le Mali et la Côte d'Ivoire et il vient d'être négocié avec le Gabon ; il améliore sensiblement la situation des Français titulaires d'une pension africaine.
La question a été en partie réglée à Djibouti par l'utilisation de subventions d'ajustement structurelles de 1994 et 1997 pour payer les arriérés dus par l'Office de protection sociale.
La situation reste préoccupante au Cameroun, au Niger et au Congo et, dans une moindre mesure, au Tchad et en Centrafrique. Nous négocierons le droit d'option dès que possible.
Il reste que la meilleure garantie de nos compatriotes contre des défaillances de régimes étrangers de sécurité sociale est proposée par le système français de protection sociale sous la forme d'une adhésion à l'assurance volontaire vieillesse de la caisse des Français de l'étranger.
En dernier recours, nos compatriotes titulaires de pensions étrangères peuvent bénéficier, sous conditions de ressources, du minimum vieillesse s'ils résident en France et d'une allocation de solidarité différentielle s'ils vivent à l'étranger.
Mmes Pourtaud et Brisepierre, MM. Chaumont, Del Picchia, Durand-Chastel et Guerry, notamment, ont exprimé les préoccupations de la représentation nationale, des Français de l'étranger et des enseignants quant à l'avenir de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.
Madame Cerisier-ben Guiga, vous avez relayé avec force ces inquiétudes et vous vous êtes fait le porte-parole de l'ensemble de la commission des affaires étrangères. Le Gouvernement est particulièrement sensible à cette question et il s'emploie à apporter à ce problème une solution de fond.
Le réseau de l'enseignement français à l'étranger, qui scolarise chaque année près de mille enfants français supplémentaires, doit être préservé, et il convient de mener une réflexion sereine sur ses missions.
L'AEFE doit assumer pleinement sa mission de service public éducatif rendu à nos enfants à l'étranger et sa vocation de formation des élites tournées vers la France. Or nous avons trouvé, en prenant nos fonctions, une agence au bord de l'asphyxie financière, alors même que les enseignements dispensés sont de grande qualité.
Que proposons-nous ?
La réforme engagée du statut du personnel enseignant expatrié doit être menée à son terme. Le lien avec l'éducation nationale doit être raffermi, car cet ancrage est le garant de la qualité des enseignements. Il n'est pas exclu, même si je ne puis à ce stade l'affirmer, que l'éducation nationale soit appelée, en 2003, à contribuer au financement des bourses attribuées aux enfants des familles françaises nécessiteuses. Voilà l'amorce d'une réponse à M. Jacques Chaumont et ceux qui suggèrentl'élargissement du périmètre de financement de l'agence.
M. Guy Penne. On peut toujours rêver !
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. De même, le maillage du réseau doit être examiné en prenant en compte les deux missions que je viens de rappeler. Nous n'avons pas vocation à nous substituer aux systèmes éducatifs nationaux ; nous ne devons pas nous maintenir là où nos établissements sont le legs de situations révolues.
Là où c'est justifié, nous ménagerons des financements transitoires et recourrons à des opérateurs reconnus, tels que la mission laïque, qui scolarise déjà vingt mille élèves dans soixante-huit établissements. Nous nous appuierons, bien sûr, sur les associations de parents d'élèves - je salue, à ce titre, l'engagement personnel, bénévole et précieux des membres de leurs bureaux - pour adapter sans heurts le réseau.
Il est évident qu'un tel plan - que nous sommes déterminés à mettre en oeuvre - ne peut être lancé dans la précipitation et sans concertation. Nous avons obtenu un aménagement de la mesure d'économie de 6,4 millions d'euros que prévoit le projet de loi de finances. Les 4 millions d'euros obtenus en loi de finances rectificative vont permettre de limiter la portée effective des économie à 2,4 millions d'euros seulement. Nous savons que l'Agence est bien gérée : un très récent rapport de la Cour des comptes vient de le confirmer.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Alors là, c'est bien ! (Sourires)
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. Nous savons que l'Agence a fait des gains de productivité substantiels puisque, avec des effectifs en légère déminution depuis quelques années, elle accueille plus d'élèves, des enfants français notamment.
A la demande du ministre des affaires étrangères, la direction de l'Agence et sa tutelle vont proposer un plan stratégique d'adaptation du réseau qui se traduira non pas par des suppressions d'emplois, mais pas leur redéploiement là où notre présence éducative se justifie le plus. De même, lorsque nos établissements assument prioritairement une mission d'aide au développement, nous proposerons que les crédits de l'aide publique au développement prennent en tout ou partie le relais des financements de l'Agence. Ce pourrait être la préfiguration du contrat d'objectifs et de moyens que M. Jacques Chaumont propose pour tirer l'Agence du mauvais pas où elle se trouve.
Je voudrais à cet égard rassurer Mme Danièle Pourtaud : nous limiterons le recours à l'augmentation des droits d'écolage aux seules zones où le revenu moyen de nos concitoyens le permet effectivement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'aimerais que vous soyez convaincus qu'avec l'appui de M. le Premier ministre nous avons transformé une mesure aveugle d'économie en une démarche concertée d'adaptation du réseau de l'Agence. Il n'est pas question - je l'affirme avec la plus grande conviction - de sacrifier l'un des outils les plus pertinents et les plus efficaces de l'influence et du rayonnement de la culture française dans le monde.
Je voudrais enfin évoquer la contribution du ministère des affaires étrangères à la maîtrise des flux migratoires.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Ah !
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. S'agissant des visas, nos consulats sont les premiers acteurs de la maîtrise des flux migratoires. L'examen des demandes de visas ne se limite toutefois pas à la seule mission de contrôle d'accès au territoire : soyez convaincus que cet examen a également pour but de faciliter la venue en France de ceux qui contribuent à la vitalité de nos échanges et de nos relations bilatérales. Les visas font pleinement partie de notre politique étrangère.
Les interrogations de MM. Chaumont et Branger sur l'insuffisance des moyens alloués à la fonction consulaire montrent combien vos rapporteurs sont conscients de son importance au sein de notre politique extérieure. Je voudrais souligner, à cet égard, que l'un des six chantiers ouverts par le comité de pilotage de la réforme du ministère est la revalorisation des métiers consulaires.
Les visas de moins de trois mois représentent 80 % du total des visas délivrés. Ils sont harmonisés dans le cadre des accords de Schengen. Dans ce domaine, la compétence nationale appartient au passé. Nos efforts communs, engagés lors du Conseil européen de Séville, sont également tournés vers le renforcement des mesures de sécurité liées aux menaces terroristes. A cet égard, nous comptons organiser rapidement avec le ministère de l'intérieur un partage de l'information sur les visas délivrés afin que ces derniers ne deviennent pas un moyen détourné d'immigration définitive.
Ce partage de l'information va permettre également de renforcer la lutte contre la falsification des documents d'identité. Nous travaillons sur ce point, en liaison avec la Commission européenne, à l'établissement de documents de voyage comportant des informations biométriques d'identification des personnes.
Notre réseau consulaire, c'est-à-dire 216 postes dans le monde, a enregistré près de 3 millions de demandes en 2001 et quelque 2,1 millions de visas ont été délivrés. La France est le pays de l'Union européenne qui reçoit, de loin, le plus de demandes.
Une douzaine de pays représentent à eux seuls près de la moitié des visas délivrés, au premier rang desquels on trouve l'Algérie, la Russie et le Maroc.
Cette activité mobilise des moyens humains et matériels importants. L'effectif total affecté à l'étranger représente 650 personnes, parmi lesquelles 236 expatriés et 316 recrutés locaux. Ce personnel est régulièrement formé. J'évalue le déficit actuel des effectifs dans ces services à quelque 80 agents : c'est une urgence à laquelle il faudra faire face sans tarder.
L'adaptation des locaux aux volumes d'activité et aux contraintes de sécurité, notamment en Afrique et en Chine, est également une nécessité. Le déploiement des moyens informatiques se poursuit ; l'ensemble du système sera équipé de la nouvelle version du « réseau mondial des visas » d'ici à juillet 2003.
La solution aux difficultés que rencontre le ministère dans le financement de cette activité stratégique réside sans doute dans l'extension du principe du paiement des services rendus. Au 1er janvier 2003, toutes les demandes de visas seront payantes, conformément aux règles communautaires. J'ai demandé que l'on étudie également les modalités du paiement des actes délivrés par le service central de l'état civil à Nantes et vous présenterai sans doute un projet en ce sens.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Très bien !
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. Je terminerai cet exposé par la réforme du droit d'asile, dont Dominique de Villepin a annoncé les grandes lignes le 25 septembre dernier.
Jacques Chaumont a réclamé plus de cohérence dans le dispositif de l'asile ; nous nous y employons.
La demande d'asile a triplé en trois ans en France. Notre pays est l'un des premiers pays d'accueil en Europe. Or l'allongement des délais de traitement des dossiers et le cumul des procédures ont détourné l'asile de son objet initial de protection, le transformant en vecteur d'immigration irrégulière. Il faut mettre un terme à ces dysfonctionnements.
La réforme doit permettre de raccourcir les délais d'instruction à deux mois maximum pour mettre fin aux maintiens injustifiés sur notre territoire. Elle repose sur un guichet unique, l'OFPRA, une procédure unique et un recours unique. La condition sociale des réfugiés va s'en trouver améliorée.
Le corollaire indispensable de cette réforme est la reconduite effective dans leur pays d'origine des étrangers déboutés du droit d'asile. Le ministère des affaires étrangères, dans le respect des conventions internationales et, le cas échéant, des accords passés avec les Etats d'origine, coopérera avec le ministère de l'intérieur afin que l'asile ne devienne pas un moyen détourné d'immigration irrégulière.
M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour les affaires étrangères. Très bien !
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement soumettra ce projet de loi au Parlement au début du printemps 2003.
D'ici au 1er janvier 2004, le stock considérable de dossiers en attente va être résorbé et la gestion de l'OFPRA dynamisée pour améliorer sa productivité. Un contrat d'objectifs et de moyens avec sa tutelle concrétisera ces efforts de modernisation.
Les crédits ouverts pour l'OFPRA et la commission de recours des réfugiés augmentent donc de 24,6 % dans le projet de loi de finances pour 2003. A ces moyens supplémentaires s'ajoutent 6 millions d'euros obtenus dans le collectif budgétaire de la fin de l'année 2002. Ces moyens permettront de recruter quelque 180 agents supplémentaires et d'installer l'Office dans des locaux mieux adaptés à sa mission.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales orientations de ce premier budget, qui traduit déjà clairement nos ambitions de rayonnement, de solidarité et d'influence pour la France dans le monde.
J'en viens maintenant aux réponses que je souhaite apporter aux questions qui m'ont été posées sur certains aspects de notre activité diplomatique.
Permettez-moi de dire à M. Penne que le sourire, l'humour et la détermination sont des atouts qui renforcent mon travail.
En ce qui concerne la coopération franco-allemande, je peux vous assurer, monsieur Hoeffel, que le moteur franco-allemand tourne aujourd'hui « à plein régime ».
J'en veux pour preuve l'accord trouvé entre le Président de la République et le Chancelier, le 24 octobre dernier, en marge du Conseil européen de Bruxelles, sur le financement de la politique agricole commune. La France et l'Allemagne ont ainsi ouvert la voie de la conclusion, lors du Conseil européen de Copenhague, de l'élargissement de l'Union européenne.
Les ministres français et allemand des affaires étrangères, aujourd'hui membres de la Convention, ont déjà transmis à cette dernière deux contributions communes, l'une sur la défense, l'autre sur la justice et les affaires intérieures. Ces réalisations augurent bien du nouvel élan que nous entendons donner à la coopération franco-allemande dans le cadre du quarantième anniversaire du traité de l'Elysée.
A cette occasion se réunira une session commune de l'Assemblée nationale et du Bundestag à Versailles, devant laquelle le Président de la République et le Chancelier devraient exprimer leur vision commune de nos deux pays avançant ensemble pour l'Europe.
En tant qu'élu du Sud, je suis très attentif, pour ma part, à la politique euroméditerranéenne. Si je suis convaincu que l'Europe réussit et réussira, je sais aussi qu'elle doit se doter d'une véritable politique euroméditerranéenne. Nous devons tendre la main aux peuples du bassin méditerranéen, autour de cette mer Méditerranée appelée mare nostrum. (Applaudissements.)
M. Robert Del Picchia. Très bien !
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. S'agissant de votre question sur la charte européenne de l'autonomie locale, élaborée sous l'égide du Conseil de l'Europe pour renforcer le principe de la démocratie locale, je vous confirme que, ouverte à la signature en 1985 et entrée en vigueur en 1988, cette convention n'a pas pu être ratifiée par notre pays. Le Conseil d'Etat a en effet émis, le 5 décembre 1991, un avis négatif sur le projet de loi autorisant sa ratification. Il reste que la France applique déjà la plupart des dispositions prévues dans ce texte dans le cadre des lois de décentralisation et qu'un réexamen de cette question pourrait être envisagé à l'avenir.
S'agissant de la situation au Proche-Orient, évoquée en particulier par Mme Bidard-Reydet, permettez-moi de vous indiquer que la crise qui secoue aujourd'hui cette région doit être au coeur des préoccupations de la communauté internationale et mobiliser toutes nos énergies.
Sur le plan politique, tout paraît bloqué et nous sommes revenus à une situation bien pire qu'avant le processus d'Oslo. L'angoisse d'un côté, le sentiment d'injustice de l'autre, rendent les deux gouvernements incapables de se projeter dans l'avenir.
La communauté internationale doit donc se mobiliser davantage : les propositions de règlement discutées au sein du Quartet - Union européenne, Etats-Unis, ONU, Russie - sont bonnes. Il faut que la feuille de route vers le règlement du conflit discutée par le Quartet soit adoptée vers le 20 décembre.
Il faut cependant faire preuve de plus d'audace, parce que la crise irakienne rend plus que jamais indispensable le règlement du conflit israélo-arabe. Il ne doit pas y avoir deux poids, deux mesures au Moyen-Orient. En effet, seule une intervention extérieure forte peut amener Israéliens et Palestiniens à se diriger vers la coexistence dans la paix et la sécurité. La crise israélo-palestinienne est en outre emblématique des frustrations et des injustices du monde. En apportant une solution durable à cette crise, nous supprimerons un foyer essentiel d'instabilité dans le monde.
Mme Danielle Bidard-Reydet. C'est vrai !
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. S'agissant précisément de la situation en Irak, sur laquelle MM. Dulait, Mathieu et Vallet ont attiré mon attention, la diplomatie française joue un rôle central depuis plus de deux mois : les objectifs de légitimité, d'efficacité et d'unité de la communauté internationale que la France s'était fixés ont prévalu. La résolution 1441, adoptée le 8 novembre 2002, respecte les prérogatives du Conseil de sécurité et entérine notre démarche en deux temps : l'automaticité du recours à la force ne figure pas dans la résolution et ce texte affirme clairement la détermination de la communauté internationale d'obtenir le respect par l'Irak de ses obligations en matière de désarmement. Il a été voté à l'unanimité des membres du Conseil.
L'Irak a accepté la résolution 1441 et coopère : les inspections ont repris le 27 novembre dernier et se passent bien jusqu'à présent.
Je précise qu'une intense mobilisation a permis ce résultat. Nous avons mobilisé notre réseau diplomatique auprès de nos partenaires du P5, des membres non permanents du Conseil et des pays arabes.
Pour l'avenir, la France entend continuer à jouer tout son rôle pour que la résolution soit mise en oeuvre. Elle doit pouvoir, notamment, affirmer pleinement sa présence dans les missions d'inspection. En termes de personnel, nous sommes le second contributeur à la mission d'inspection des Nations unies, après les Américains.
Enfin, s'agissant des zones de non-survol en Irak, que vous avez évoquées, monsieur Dulait, notre position n'a pas changé. Notre priorité aujourd'hui est la mise en oeuvre de la résolution 1441, qui prévoit qu'il appartient aux seuls inspecteurs de faire rapport au Conseil de sécurité en cas de manquement par l'Irak à ses obligations en matière de désarmement.
La France a par ailleurs fait valoir dernièrement que, dans la période actuelle, tout acte de la part de l'Irak susceptible d'aggraver la tension devrait être évité. Nous appelons l'Irak à assumer pleinement le choix de la coopération.
Permettez-moi de vous dire que la lutte contre le terrorisme ne souffre aucune faiblesse ni aucune complaisance. Nous devons continuer à faire preuve de la même détermination dans le combat que nous menons contre les organisations terroristes.
Monsieur Dulait, vous m'avez enfin interrogé sur la mission Amber Fox . L'OTAN a décidé de mettre fin à cette mission en Macédoine le 15 décembre prochain. Une présence militaire intérimaire sera néanmoins maintenue. L'OTAN procédera à l'examen de cette présence en février 2003, à la lumière des décisions prises par l'Union européenne. Par conséquent, l'option d'une relève par l'Union reste ouverte, conformément aux conclusions du Conseil européen de Bruxelles.
Il reste à finaliser les engagements entre l'Union européenne et l'OTAN sur la mise à disposition des moyens de l'Alliance pour une opération de l'Union. Les négociations à ce sujet se poursuivent sous l'égide du haut représentant, M. Javier Solana. Elles doivent respecter des lignes claires : le respect de l'autonomie de décision de l'Union européenne et la non-discrimination entre les membres de l'Union. C'est à l'aune de ces principes que nous examinerons les propositions qui nous seront faites, notamment dans la perspective du sommet de Copenhague.
Madame Bidard-Reydet, s'agissant de la Tchétchénie, la position française prend en compte la condamnation du terrorisme sous toutes ses formes, le respect de l'intégrité des frontières, y compris celles de la Russie, la vigilance sur les droits de l'homme - je rappelle la dernière démarche de l'Union européenne en la matière le 26 novembre, à Moscou - ainsi que la conviction qu'il n'y a pas d'autres solutions à ce conflit que politiques.
Cette position a été rappelée à nos interlocuteurs russes à tous les niveaux, dans le cadre tant des relations bilatérales lors du conseil franco-russe de coopération sur les questions de sécurité que du dialogue entre l'Union européenne et la Russie.
Monsieur Mathieu, vous m'avez interrogé sur l'Albanie, territoire que j'affectionne tout particulièrement.
J'ai pu constater, au cours d'un très récent déplacement, les efforts que les autorités albanaises ont accomplis pour contribuer à la stabilité et au développement de la région. Vous pouvez être assuré de l'attention que je porterai au suivi des projets de coopération entre la France et l'Albanie. Je tiens à cet égard à souligner à quel point ce pays a pu changer en moins de cinq ans.
Mesdames, messieurs les sénataeurs, je veux vous dire combien je suis honoré de contribuer, depuis six mois, auprès de M. le Président de la République, de M. Dominique de Villepin, de Mme Brigitte Girardin ainsi que de M. Pierre-André Wiltzer, à démultiplier la voix et l'action de la France à travers le monde. Que ce soit en Amérique latine, dans le sud du Caucase, en Asie centrale ou bien encore en Asie du Sud-Est, la France est sollicitée plus que jamais et nous devons être à la hauteur de ce défi.
Porteur d'une ambition pour l'Europe comme pour le monde, M. le Président de la République, par son autorité et par sa vision des grands enjeux de notre temps, a défini une politique étrangère d'action et de mouvement. Cette politique exige de nous un engagement plein et entier auquel je suis fier de participer, et je sais pouvoir compter sur votre soutien, notamment ce soir, mesdames, messieurs les sénateurs. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant les affaires étrangères.

ÉTAT B



M. le président. « Titre III : 38 847 933 euros. »
La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, sur les crédits du titre III.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je voudrais vous interroger, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, sur la situation de certains personnels travaillant sous la responsabilité du ministère des affaires étrangères.
Mon intervention s'inscrit dans le débat budgétaire, puisque nous examinons, avec le titre III, les crédits de personnels.
Ma remarque porte sur deux catégories de personnels : les premiers travaillent à la maison-mère, les seconds en tant que personnels locaux de nos ambassades et de nos consulats.
Je vous interrogerai tout d'abord sur la situation des conducteurs du ministère des affaires étrangères.
Dans ce projet de budget, la suppression de dix emplois de conducteur a été inscrite, sur un total de quatre-vingt-un.
Après la suppression de neuf cent cinquante-sept emplois au ministère entre 1991 et 2002, puis après une période de relative stabilité avec une diminution de neuf emplois en trois ans, une nouvelle diminution de cinquante-sept emplois est inscrite au budget que vous présentez. Or ces réductions ne semblent pas justifiées, bien au contraire, puisque des recrutements paraissent nécessaires.
La création d'un secrétariat d'Etat supplémentaire et la réorganisation du service induisant le recrutement immédiat de cinq agents conducteurs, je souhaiterais que vous m'expliquiez les raisons pour lesquelles ces cinq créations de postes n'interviennent pas.
Des difficultés surviennent concernant les primes, dans le cadre de la réforme indemnitaire. Pour les nominations à l'étranger, les personnels demandent le maintien des possibilités de travailler comme agent polyvalent. Des problèmes se posent d'ailleurs dans l'élaboration du règlement intérieur.
Comment envisagez-vous de régler les questions du nombre, de la qualité et de la nature des emplois des personnels dont le ministère a besoin ? Pouvez-vous prendre l'engagement d'entamer des négociations entre le ministère et les organisations syndicales ? Je rappelle qu'hier près de 70 % des conducteurs du ministère étaient en grève.
Cette situation, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, ne sert pas le prestige d'un ministère aussi digne et représentatif que celui des affaires étrangères, qui, pour rayonner, a également besoin de régler ses affaires intérieures.
Je veux évoquer la situation, mieux connue, des personnels locaux recrutés à l'étranger, et ce pour deux raisons.
D'une part, pour 2003, le nombre de ces agents nommés sur des contrats de droit privé par les services de l'Etat à l'étranger s'élève à 9 500.
La base légale d'un tel recrutement existe ; c'est, je vous le rappelle, l'article 34 de la loi du 12 avril 2000, qui précise que les services de l'Etat peuvent, dans le respect des conventions internationales du travail, faire appel à des personnels contractuels recrutés sur place sur la base de contrats de travail soumis au droit local, pour exercer des fonctions concourant au fonctionnement desdits services. Je ne conteste donc nullement la légalité d'un tel recrutement.
Mais, d'autre part, vous l'avez évoqué tout à l'heure, ce même article précise que « dans le délai d'un an suivant la publication de la loi, et après consultation des organisations syndicales, le Gouvernement présentera au Parlement un rapport portant sur l'évaluation globale du statut social de l'ensemble des personnels sous contrat travaillant à l'étranger ».
En effet, si l'embauche est légale, le statut social est loin d'être satisfaisant. La protection sociale n'est pas garantie : des contrats de droit public sont déqualifiés ; les rémunérations chutent et un agent, après vingt ans de service, émarge à 1 200 euros par mois ; des contrats ne sont pas renouvelés sans motif véritable ; il subsiste des contrats discriminatoires dits « maisons » ; les indemnités de fin d'activité sont loin d'être versées ; enfin, les recrutés locaux sont exclus de la loi de résorption de la précarité.
Le rapport de la Cour des comptes de 1999 dénonçait « un flou dans le recrutement des personnels de statut précaire...
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Il y a les bons et les mauvais rapports de la Cour des comptes !
Mme Marie-Claude Beaudeau. ... occupant indûment des emplois permanents au Gabon et au Mali ».
Pourquoi le rapport prévu par la loi est-il publié avec retard, avec des études sommaires ne permettant pas d'apprécier le véritable statut social, parfois de misère, de certains personnels ?
Quelles mesures envisagez-vous de prendre afin de redéfinir et d'améliorer ce statut social et pour que le rapport annuel soit publié dans les temps, avec des études plus réalistes ?
Telles sont les questions sur lesquelles j'aimerais que vous nous répondiez, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, dans l'intérêt du ministère des affaires étrangères.
M. le président. La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Mon intervention portera sur la francophonie et sur les quelques points qui me semblent être en contradiction avec votre volonté, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, de la promouvoir.
Le premier point concerne la situation budgétaire précaire de l'AEFE. Pour 2003, les subventions enregistrent, il est vrai, une augmentation de 7,7 %. Cependant, le nombre des élèves ne cesse d'augmenter - ils étaient 158 055 en 2000, contre 158 250 aujourd'hui -, de même que celui des boursiers et que la rémunération des personnels enseignants.
Pour compenser l'augmentation de la rémunération des résidents, le Gouvernement propose de diminuer le nombre d'enseignants expatriés, mais cela n'est pas cohérent avec la nécessité de promouvoir notre langue.
Par ailleurs, le Gouvernement prévoit de réduire, dans le même temps, les crédits à hauteur de 6,4 millions d'euros, au titre d'une « rationalisation du réseau de l'AEFE », rationalisation qui concerne les effectifs et les moyens. Le risque est la fermeture de plusieurs établissements à la rentrée prochaine, ce qui va à l'encontre, encore une fois, de l'objectif affiché du Gouvernement de promouvoir la francophonie.
En outre, l'augmentation des frais de scolarité, qui sont déjà excessifs, peut exclure de nombreuses familles françaises résidant à l'étranger. C'est alors le principe même de l'égalité d'accès pour tous les Français à l'école gratuite qui est mis à mal. Cela pénalise également les enfants nationaux.
Enfin, bien qu'en augmentation, le budget reste insuffisant et révèle une diminution du fonds de roulement, comme Mme Cerisier-ben Guiga l'a bien expliqué tout à l'heure.
Le deuxième point concerne la place de la langue française dans la communauté internationale. Les non-anglophones se voient aujourd'hui contraints de choisir entre des publications dans leur langue destinées à un public restreint ou en anglais visant la communauté mondiale. Il en résulte que, à valeur scientifique égale, un anglophone a plus de chances d'être publié qu'un non-anglophone. La plupart des chercheurs finissent donc par publier en anglais, ne serait-ce que pour favoriser l'avancement de leur carrière.
Pour maintenir la place de la langue française, le Gouvernement se doit de soutenir, d'une part, la presse écrite francophone, afin de permettre aux scientifiques et aux universitaires de publier en dehors des circuits anglophones et, d'autre part, d'exiger des pays anglophones, qu'ils forment des scientifiques capables de maîtriser au moins une langue étrangère. A cet égard, monsieur le ministre, j'ai pris bonne note de votre proposition d'une charte pour la diversité des langues, qui est effectivement intéressante.
La domination linguistique de l'anglais s'étend aujourd'hui au domaine industriel et aux brevets. J'attire d'ailleurs l'attention du Gouvernement sur les conséquences de la ratification du protocole de Londres. Ce dispositif vise à supprimer la traduction des brevets d'invention, alors que, auparavant, le système des brevets européens permettait que le brevet délivré soit intégralement traduit dans une langue nationale.
Le protocole supprime cette exigence : il permet que le brevet européen produise ses effets à partir du seul texte de délivrance - actuellement, 75 % des brevets sont rédigés en anglais, 18 % en allemand et 7 % en français - afin, officiellement, d'abaisser les coûts des brevets et de combler le retard français. Or ce retard français ne tient pas à un problème de coût, le brevet français étant déjà deux fois moins cher que ceux des autres grands pays et le coût du brevet européen étant le même pour tous. Ce protocole stimulera les dépôts de brevets américains et japonais, déjà très nombreux. En outre, les PME et PMI, peu dynamiques en matière de brevets, seront handicapées par les problèmes que pose la traduction. Ce protocole ne servira qu'à asseoir et à étendre la domination de l'anglais comme langue commune, notamment dans le domaine industriel.
Le troisième et dernier point concerne la culture, notamment le théâtre, le cinéma et l'audiovisuel.
J'aimerais rappeler à M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie qu'il a exprimé le souhait que soient noués des « partenariats durables avec des artistes ou des organismes culturels étrangers ». Là aussi, je constate une incohérence entre les souhaits et la réalité des financements : le théâtre-action, qui a pour objet d'accueillir plusieurs artistes de tous les continents, ne bénéficie d'aucune aide ou presque du ministère, et les cinématographies française et européenne sont insuffisamment soutenues à l'étranger.
Certes, l'écart entre les cinémas français et américain, en termes d'audience, s'est réduit, mais cela est principalement dû au succès ponctuel de quelques films français. Le problème de fond existe toujours : le cinéma français s'exporte beaucoup moins que le cinéma américain et que certaines cinématographies étrangères. En effet, le cinéma de l'ensemble de la francophonie est condamné à rester dans ses frontières, faute de moyens. Cela est vrai pour le cinéma, mais aussi pour les programmes de télévision.
La France possède un patrimoine culturel solide, encore bien diffusé, et la voici dominée sur son propre marché.
M. le président. Veuillez conclure, madame David.
Mme Annie David. Je conclus, monsieur le président.
J'aurais aimé voir apparaître dans le projet de budget, monsieur le ministre, les décisions concrètes que le Gouvernement compte prendre pour faciliter l'insertion internationale du cinéma et de l'audiovisuel français, vecteurs de la culture et de la langue françaises, et contribuer ainsi à promouvoir la francophonie et les valeurs de notre République.
M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
M. Guy Penne. Le groupe socialiste s'abstient.
Mme Hélène Luc. Le groupe communiste républicain et citoyen également.
(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. « Titre IV : 176 022 024 euros. »
La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, sur les crédits du titre IV.
Mme Marie-Claude Beaudeau. La représentation nationale ne peut que relever avec intérêt, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, votre volonté de renforcer l'influence de la France dans les institutions internationales, notamment par une augmentation de nos contributions obligatoires cette année et volontaires dans la loi de finances de 2004.
A ce titre, j'espère que les évaluations en cours concluront à l'intérêt de renforcer notre collaboration avec le fonds des Nations unies pour les activités en matière de population, le FNUAP, qui fait sur le terrain, depuis sa création en 1969, un travail magnifique, et avec lequel la France entretient d'ailleurs, me semble-t-il, d'excellentes relations.
Au surplus, ce renforcement aurait l'avantage de s'inscrire en faux contre l'attitude de l'administration Bush, laquelle n'a de cesse, depuis deux ans, de contrecarrer la mise en oeuvre, par le FNUAP au premier chef, du programme, adopté en 1994 au Caire, en faveur de la santé et donc de la condition des femmes du monde entier.
Je rappelle que ce programme d'action a pour objet de réduire, d'ici à 2015, la mortalité maternelle et l'incidence du sida, et d'étendre l'accès à l'éducation primaire à toutes les filles et à tous les garçons.
Je n'ignore pas que lorsque le président américain a décidé, en juillet dernier, de supprimer la contribution de Washington au FNUAP, le Quai d'Orsay a publiquement affiché son soutien à ce dernier et approuvé le renforcement, en retour, de la contribution de l'Union européenne. Mais aujourd'hui, il nous semble qu'il faut aller plus loin, car la situation est infiniment plus grave.
En effet, l'administration Bush en est arrivée, sous le prétexte fallacieux de faire la chasse aux avortements, à demander que l'on vide carrément de sa substance le programme du Caire, faute de quoi elle lui retirerait son soutien. Et l'on peut facilement imaginer qu'il ne lui serait pas difficile de faire des émules, tant sont nombreux, dans le monde, les pays qui n'ont pas encore compris qu'il n'y aurait pas de recul de la pauvreté tant que les droits des femmes ne seraient pas respectés.
Monsieur le ministre, la cinquième conférence Asie-Pacifique sur la population se réunira du 11 au 17 décembre prochains à Bangkok. Ce sera la première sur la route qui nous ramènera au Caire, dix ans après : elle donnera le ton. La France y participera et elle aura donc la possibilité de s'opposer, comme elle l'a fait avec succès à Johannesburg, aux prétentions des adversaires des droits des femmes. Si la France et l'Union européenne ne se dressaient pas contre l'attitude américaine, elles favoriseraient un véritable retour en arrière au regard de tous les progrès réalisés depuis 1994, quant aux droits et au statut des femmes dans les pays en voie de développement.
« Contrairement à ce qu'affirment les Etats-Unis, le FNUAP ne préconise pas l'avortement ; il agit pour éviter le recours à l'interruption volontaire de grossesse, qui est toujours traumatisante pour les femmes », déclare avec force Mme Fama Hane-Ba, responsable de la division africaine au FNUAP.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, ma question sera simple : donnerez-vous à la délégation française à la conférence de Bangkok les instructions nécessaires ? Manifesterez-vous, ne serait-ce qu'à titre symbolique, votre solidarité et celle de notre pays avec le FNUAP, en augmentant dès 2002, par le biais du collectif budgétaire, la contribution de la France à ce fonds ?
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. L'amendement n° II-64, présenté par MM. Arthuis, Marini, Charasse et Chaumont, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
« Réduire les crédits du titre IV de 2 000 000 euros. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les conditions économiques dans lesquelles s'inscrit le projet de loi de finances pour 2003 ont évolué depuis la détermination des principales masses budgétaires, l'été dernier. Comme vous le savez, nous avons été informés ici même, voilà une semaine, de quelques modifications significatives dans la détermination des recettes de l'Etat, avec une baisse prévisionnelle de 700 millions d'euros du produit de la fiscalité.
Dans ces conditions, la commission des finances du Sénat, qui a souhaité, par ailleurs, contribuer à l'équilibre de la loi de finances en apportant des idées de recettes fiscales supplémentaires qui ont été approuvées par notre assemblée, et dans le souci de ne pas laisser se creuser les déficits, avec toutes les conséquences que cela représente, attache beaucoup d'importance à ce que les différents départements ministériels prennent dès maintenant une part raisonnable à l'effort commun. Nous pensons que, au moment où les recettes se contractent, il n'est pas concevable que les différents départements ministériels ne réalisent pas quelques efforts sur leurs propres crédits, alors que la loi de finances s'élabore définitivement.
Chacun sait ici, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, que le déroulement budgétaire de l'année 2003 dépendra des conditions économiques. Au vu de ce qui est prévisible aujourd'hui, quelques techniques de régulation en cours d'année ou de modération dans les taux de consommation des crédits devront sans doute être utilisées. L'exercice auquel les deux rapporteurs spéciaux, MM. Michel Charasse et Jacques Chaumont, se sont livrés, comme tous les autres rapporteurs spéciaux, a consisté à rechercher dans ce budget, comme dans tous les autres, quelques points bien identifiés sur lesquels un effort peut être consenti.
Bien entendu, nous ne saurions négliger tout ce qui a déja été prévu dans ce projet de budget en vue d'une rationalisation, d'un meilleur emploi des crédits publics, de réformes de structures dont MM. Pierre-André Wiltzer et Renaud Muselier nous ont donné de nombreux exemples.
Par notre contribution, nous souhaitons en quelque sorte les aider dans cette démarche de réforme. A la suite de la Cour des comptes, nous avons considéré que deux lignes pouvaient faire l'objet d'une réduction dont le montant nous semble raisonnable.
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas sérieux de présenter des amendements comme celui-là !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je vous en prie, chère collègue, il ne faut point nier la réalité !
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas sérieux !
M. Guy Penne. M. le rapporteur général est assez sérieux pour savoir qu'il n'est pas sérieux ! (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous estimons, à cette heure avancée de la nuit, qu'il faut examiner les chapitres 42-14 et 42-15.
Sur le chapitre 42-14, qui concerne les missions d'expertise de courte durée menées par le ministère, nous avons observé que quelques efforts pouvaient être réalisés s'agissant du nombre d'experts et des missions ou de la durée moyenne de celles-ci. Vous trouverez dans l'objet de l'amendement un certain nombre d'exemples à cet égard. Il est clair que tout ce qui est nécessaire peut être fait en veillant au bon emploi des deniers publics, par le biais de missions d'expertise de courte durée et ne mobilisant que les personnels strictement indispensables.
Nous proposons donc une économie de l'ordre de 3,5 %, liée à une meilleure organisation de la programmation de ces missions. Lorsque l'on observe que, parfois, jusqu'à sept ou huit experts ont été mobilisés dans certains pays pour telle ou telle mission, on en vient à s'interroger sur sa préparation et son organisation. Il ne s'agit pas de constatations de portée générale, mais une économie de l'ordre de 3,5 % nous semble, d'après les éléments fournis par la Cour des comptes, tout à fait concevable. Elle ne remettrait nullement en question les objectifs fixés.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général . S'agissant maintenant de l'offre audiovisuelle française, c'est un sujet assez stratégique que je voudrais évoquer : celui de la chaîne CFI-TV. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. C'est trop long !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Laissez-moi m'expliquer plus longuement, puisque vous n'êtes pas convaincus, chers collègues de la minorité sénatoriale !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Nous avons lu l'exposé des motifs !
M. le président. Mes chers collègues, je souhaiterais que nous achevions nos travaux à une heure raisonnable, car le débat budgétaire se poursuivra demain avec un ordre du jour chargé.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le président, je ne crois pas que la commission soit en rien responsable de la longueur de nos débats de ce soir !
S'agissant donc de CFI-TV, créer une chaîne d'information diffusée au Moyen-Orient pose en définitive un problème de stratégie.
Nous n'avons pas l'intention, à ce stade, de contester les crédits de production, qui représentent d'ailleurs, avec 22,5 millions d'euros, la part essentielle. Nous aimerions, le moment venu, obtenir quelques précisions sur l'organisation de cette production et avoir l'assurance qu'il s'agira d'émissions spécifiques destinées à être diffusées à l'étranger, en particulier en milieu francophone, et non pas en direction d'autres publics.
La diffusion nous intéresse davantage. Les documents officiels indiquent que le projet même de chaîne CFI-TV peut être remis en cause, et il ne nous semble pas indispensable, en effet, que des pays qui baignent déjà dans un climat francophone et ont accès à de nombreux médias francophones disposent d'une chaîne francophone supplémentaire.
L'amendement de la commission des finances vise donc à poser toutes ces questions et à inciter à un redéploiement. Nous espérons que cette approche raisonnable pourra être partagée par la Haute Assemblée.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué. Monsieur le rapporteur général, je comprends très bien le souci d'économie qui inspire la commission des finances. Je rappellerai simplement que le budget dont il s'agit représente 1,5 % du budget total de l'Etat, voire beaucoup moins, puisque l'amendement ne porte que sur le volet de la coopération au développement, lequel a été assez lourdement sinistré jusqu'à présent.
Je pense que l'on ne peut se prononcer sur le principe énoncé par l'amendement sans examiner les conséquences qu'entraînerait son application.
M. Guy Penne. Très bien !
M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué. Je suis convaincu qu'il ne saurait s'agir, dans l'esprit de la commission ni dans le vôtre, monsieur le rapporteur général, d'une taxation d'office.
Canal France International, CFI comprend deux branches.
La première, CFI-Pro, élabore des programmes pour les télévisions africaines. Il est exact qu'elle est la plus coûteuse, puisque les crédits afférents atteignent quelque 20 millions d'euros.
La seconde branche, CFI-TV, diffuse des programmes, principalement en Afrique. Cette chaîne doublonne pour partie, avec TV5. Le Gouvernement envisage donc de supprimer CFI-TV, dont le coût est de l'ordre de 2 millions à 2,5 millions d'euros, ce qui est relativement modeste. On ne peut cependant en conclure que cette somme sera économisée ! Les choses sont un peu moins simples, car les activités qui vont subsister, c'est-à-dire la fabrication des programmes - il est d'ailleurs prévu de confier à CFI-Pro une mission plus large de formation des personnels des télévisions africaines et d'expertise -, sont actuellement en état de sous-financement structurel, la dotation n'ayant pas évolué depuis 1999.
Depuis deux ans, CFI-Pro n'a pu boucler son budget que grâce à des recettes non reconductibles, qui sont en voie d'épuisement. Par conséquent, l'idée du Gouvernement est de gérer, dans le courant de l'année 2003, l'extinction de la branche télévision, afin, grâce à cela, de compléter les sommes nécessaires au fonctionnement de CFI-Pro.
M. Guy Penne. Très bien !
M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué. Enfin, nous avons entrepris un effort pour essayer de restructurer l'ensemble des missions de la coopération française dans le secteur audiovisuel. Un plan « Images Afrique » est en cours d'élaboration, et une nouvelle direction de CFI doit prendre ses fonctions au début de l'exercice 2003, avec pour mission d'assurer cette mutation.
Si brusquement, sans prendre le temps de gérer le dossier et de bien en mesurer les conséquences, nous décidons d'interrompre purement et simplement le versement des crédits destinés à CFI-TV, il faudra bien entendu licencier du personnel, dénoncer des contrats satellitaires, et, au total, l'opération ne rapportera rien en 2003.
Au vu de toutes ces explications, dont vous excuserez la longueur mais qui étaient nécessaires pour que vous puissiez mesurer très précisément les enjeux,...
Mme Hélène Luc. C'était très intéressant !
M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué ... je souhaiterais, monsieur le rapporteur général, que, eu égard aux circonstances, vous acceptiez de renoncer à cet amendement. J'en comprends bien l'inspiration, mais il comporte de sérieux inconvénients.
Mme Hélène Luc. Ce serait plus sage !
M. Guy Penne. Le Gouvernement est plus intelligent que la commission !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Et bien plus éloquent !
M. le président. La parole est à Mme MoniqueCerisier-ben Guiga, contre l'amendement.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le président, j'assiste ce soir à la naissance d'une nouvelle variété de primeur. Je connaissais les fraises, les asperges, ... et voilà que je découvre une régulation budgétaire en primeur, une régulation qui, si j'ai bien compris, tombe en décembre au lieu de tomber en janvier. (Sourires.)
J'ai relu quelques textes intéressants, par exemple celui-ci : « Chacun s'entend à reconnaître les progrès récents accomplis par RFI, par TV5, par CFI, grâce aux efforts de leurs équipes et à la détermination des pouvoirs publics. [...] Cette ambition culturelle extérieure suppose, c'est l'évidence, des moyens accrus. C'est un problème constant. La France ne peut pas mener en première ligne le combat pour l'exception culturelle et la diversité des cultures sans faire de l'action audiovisuelle, culturelle et linguistique extérieure une priorité. » Ce texte n'est pas de moi, il est du président Jacques Chirac, et il a dix mois d'âge !
M. Hilaire Flandre. Action ne signifie pas forcément argent !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Cet amendement entre donc en contradiction avec tout ce qui a été annoncé depuis des mois et des mois.
Le plus grave, c'est que rien de tout cela n'est très sérieux. En effet, l'exécutif n'est pas tenu par l'exposé des motifs d'un amendement : il n'est tenu que par le contenu dudit amendement. Or le contenu de l'amendement n° II-64 vise à une suppression de crédits au titre IV.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous voulez les supprimer ailleurs ?
Mme Hélène Luc. Mais pourquoi voulez-vous les supprimer ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Parce que vous voulez toujours dépenser plus !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. En d'autres termes, on nous propose de décider, à deux heures du matin, par la voie d'un amendement qui « déboule » en séance sans avoir été discuté ni en commission des affaires étrangères ni en commission des finances, de fermer une société de télévision, CFI-TV, et, comme le soulignait fort justement M. le ministre, de résilier des contrats satellitaires - ce qui coûte cher - et de licencier subitement des personnels - ce qui coûte également cher. La démarche me paraît donc fort peu cohérente et fort peu réfléchie, à la fois du point de vue politique et du point de vue financier, et c'est la raison pour laquelle nous nous opposons à cet amendement.
Nous le rejetons aussi parce qu'il est parfaitement connu que le rapprochement sous une présidence unique de TV5, de CFI-TV et de CFI-PRO est en cours et que ce processus va s'achever assez rapidement. Il fait partie de la rationalisation de nos moyens audiovisuels extérieurs et se fera sans dégâts ni coût élevé.
La coupe brutale qui nous est demandée est démesurée et inappropriée. Elle ne pourra pas être réalisée, et, in fine , la suppression de 2 millions d'euros de crédits portera sur l'aide publique au développement et non pas sur les domaines qui sont spécifiés dans l'exposé des motifs de cet amendement. Je le répète, l'exécutif n'est pas tenu par l'exposé des motifs.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Mais si !
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, pour explication de vote.
Mme Hélène Luc. Monsieur le rapporteur général, ma réprobation ne diminue pas au fil de l'examen des amendements !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous arriverons au bout malgré tout !
Mme Hélène Luc. Lors de l'examen du budget de l'éducation nationale, vous nous avez proposé de prendre de l'argent sur les universités, ni plus ni moins,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Sur la réserve, parce qu'elle était surabondante !
Mme Hélène Luc. Oui : sur la réserve des conseils d'administration des universités ; aujourd'hui, vous nous demandez de prendre des crédits sur l'APP (aide publique au développement), que nous voulons développer.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Non ! sur une chaîne qui va être supprimée !
Mme Hélène Luc. J'ai déjà eu l'occasion de regretter que la part du budget allouée à l'action culturelle et à la francophonie soit en baisse ; et voilà que vous nous demandez de la réduire encore !
L'offre en matière audiovisuelle ne saurait être trop abondante, et il faut se féliciter que vingt-sept chaînes françaises soient disponibles en Afrique, par exemple. Le rayonnement de la France grâce à sa culture et à sa langue ne doit pas être négligé. Ainsi, nous devons plus encore encourager les initiatives qui assureraient leur diffusion de par le monde.
M. Hilaire Flandre. Combien sont-ils à regarder cette chaîne ?
Mme Hélène Luc. Vous estimez que certaines chaînes pourraient faire doublon. Au lieu de leur retirer des crédits, le ministère pourrait organiser des réunions et des concertations pour faire en sorte que l'offre audiovisuelle française soit de qualité et diversifiée, à l'image de ce qui se passe dans notre pays !
Je remercie M. le ministre des explications qu'il nous a données. Il peut compter sur nous pour défendre son projet de budget et développer cette activité.
Je reconnaissais, aujourd'hui même, à la tribune, la part accordée à la coopération et au développement, et voilà que vous proposez des coupes justement dans cette partie du budget !
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Cela ne fait pas un grain de riz de plus pour les pauvres !
Mme Hélène Luc. Le constat devient alors assez cocasse : le Président de la République et le Gouvernement ne cessent de clamer qu'il est nécessaire d'adopter une nouvelle politique pour l'APD et d'expliquer qu'il faut augmenter les budgets pour atteindre 0,7 % du PIB en temps voulu ; et la première mesure que vous prenez, mes chers collègues, vise à réduire ce budget de 2 millions d'euros. Je sais bien que l'argent n'est pas prélevé sur les 0,7 %, mais cette diminution a tout de même des conséquences. Quel bel exemple de cohésion !
Le groupe communiste républicain et citoyen est opposé à toute réduction de ce budget, car il considère qu'il est indispensable pour la France et qu'aucune composante des affaires étrangères et de la coopération ne peut souffrir une nouvelle coupe claire.
C'est pourquoi nous voterons contre cet amendement, qui vise à supprimer 2 millions d'euros de crédits.
M. le président. La parole est à M. Guy Penne, pour explication de vote.
M. Guy Penne. Je suis atterré par le dépôt de cet amendement. Parmi les signataires figurent des collègues que j'apprécie hautement, et j'ai eu l'année dernière l'occasion de voir M. Marini, notamment, critiquer sévèrement le budget de M. Védrine, qu'il trouvait insuffisant.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je n'ai jamais dit cela !
M. Guy Penne. Si !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je n'ai jamais critiqué un budget pour son insuffisance !
M. Guy Penne. Vous lui reprochiez de n'être pas assez important pour répondre à ce que la politique de la France devait être !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Votre mémoire est infidèle !
M. Guy Penne. J'ai participé ici à plusieurs débats budgétaires. Je me souviens avoir entendu tel ministre affirmer qu'il fallait faire un effort supplémentaire et accepter des réductions de crédits. Cela ne s'est pas très bien terminé pour lui, et son ministère même connut une certaine agitation !
Plus récemment, j'ai vu M. Juppé se battre pour que l'on ne touche pas à son budget, parce qu'il estimait que, 1 %, ce n'était pas beaucoup - alors que son prédécesseur trouvait qu'avec 0,90 %, après tout, on pouvait accepter encore des compensations.
M. Védrine trouvait son budget insatisfaisant, mais il avait dépassé 1 %.
Aujourd'hui, on nous annonce que c'est un peu mieux, mais chacun sait bien que le budget des affaires étrangères est totalement insuffisant.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Même les plus gros budgets sont insuffisants !
M. Guy Penne. Nous l'avons dit, le groupe socialiste s'abstiendra. Cela représente un effort de notre part, mais nous le faisons parce que nous pensons que ce budget s'inscrit dans une certaine continuité : ayant soutenu le précédent, je m'abstiens aujourd'hui, parce que je pense que c'est logique.
Mais quand la commission des finances propose de réduire les crédits de 2 millions d'euros, qu'est-ce que cela signifie ? Cela ne rime à rien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est tellement peu !
M. Guy Penne. En effet, les 2 millions d'euros ne sont pas aussi identifiés que vous le dites et, sur ce point, je partage l'analyse de Mme Cerisier-ben Guiga.
Mais je ne veux pas discuter avec un ancien ministre du budget, mon excellent ami Michel Charasse, qui semble dire que je me trompe.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Absolument !
M. Guy Penne. Je ne veux pas non plus polémiquer sur cette technique.
Si la suppression de ces 2 millions d'euros empêchait tout gel budgétaire, je la comprendais. Mais ce n'est que du fard, ce n'est rien du tout, parce que cela n'empêchera pas le gel budgétaire !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Ils s'ajouteront aux autres !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Alors, votez l'amendement !
M. Guy Penne. Quand il y aura un gel budgétaire, on dira simplement que, en effet, il s'ajoute à cette diminution de 2 millions d'euros.
Je ne peux pas l'accepter !
Ce budget n'est déjà pas suffisant, et nous ne parlons que de ces deux chapitres, alors qu'il y en a bien d'autres. Nous avons tous expliqué - même nos collègues de la majorité, qui soutiennent le Gouvernement - les difficultés que rencontrent les ministres pour remplir leurs tâches. Eh bien ! aujourd'hui, je ne vois pas comment on peut prendre les devants et diminuer les crédits pour faire mieux.
Aujourd'hui, mes chers collègues, vous voulez enlever le bas dans quelque temps, vous enlèverez le haut, ou ce sera peut-être l'inverse.
Je ne m'associerai pas à cela.
M. le président. La parole est à Mme Danielle Bidard-Reydet, pour explication de vote.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Je tiens également à m'expliquer sur cet amendement assez stupéfiant qui appelle, c'est le moins que l'on puisse dire, plusieurs remarques.
Il a été particulièrement étonnant de découvrir cet après-midi seulement, au début même de la discussion de ce budget que M. le rapporteur général du budget, et M. le président de la commission des finances avaient déposé avec d'autres collègues un amendement tendant à réduire les crédits du ministère des affaires étrangères pour 2003, dont chacun s'est accordé à souligner l'évolution positive. Néanmoins, ces crédits restent encore très insuffisants par rapport aux ambitions qu'affiche le ministre des affaires étrangères pour le rôle que la France doit jouer dans le monde.
De plus, il est particulièrement difficile d'imaginer que les signataires de cet amendement aient pris seuls cette initiative, et l'on peut raisonnablement penser que le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie et la commission des finances du Sénat se sont mis préalablement d'accord sur ce point.
Cette dernière se substitue ainsi au Gouvernement, en quelque sorte, évitant à celui-ci de porter la responsabilité publique d'une nouvelle régulation qui prend la forme d'un gel budgétaire. Les seuls parlementaires porteront alors la responsabilité de cette initiative, ce qui laissera au Gouvernement la possibilité de décider, pour l'année prochaine, un nouveau gel budgétaire.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Bien sûr que c'est cela !
Mme Danielle Bidard-Reydet. Cette démarche est tout à fait indécente !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Elle est malhonnête !
Mme Danielle Bidard-Reydet. Monsieur le rapporteur général, si vous êtes en désaccord avec le bien-fondé d'une activité, vous pouvez proposer des améliorations sur le fond, vous pouvez proposer des améliorations sur la forme. Mais ne proposez pas de réduire des crédits dont chacun s'accorde à penser qu'ils sont absolument nécessaires !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je n'ai le droit de proposer que des augmentations de recettes. L'article 40 de la Constitution m'empêche de faire autre chose !
Mme Danielle Bidard-Reydet. Pour toutes ces raisons, nous refusons de cautionner une telle démarche et nous ne voterons pas cet amendement, pour lequel nous demandons un scrutin public.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, rapporteur spécial.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Sans vouloir envenimer les choses, je dirai un mot sur le problème politique et sur le problème technique que pose cet amendement.
Sur le plan politique, la commission des finances, dans sa majorité, a proposé une démarche d'économies budgétaires à laquelle les groupes de l'opposition ne se sont pas associés. Il n'empêche que, dans sa majorité, elle a proposé une démarche. Nous sommes maintenant confrontés à une proposition en séance publique. Les représentants de l'opposition ont fait les observations qu'ils croyaient devoir faire et les rapporteurs spéciaux ont rapporté les travaux de leur commission ; ce n'est pas la peine d'épiloguer davantage.
Sur le plan technique, je voudrais dire amicalement à mes collègues et amis du groupe socialiste que l'ordonnance de 1959 impose le vote des crédits par titre et par ministère et que, contrairement à ce qui se passait sous la IVe République, contrairement au décret de 1956, on ne vote plus par chapitre. Depuis 1958, en matière d'abattement de crédits, l'abattement se fait sur le titre mais l'exposé des motifs, qui lie le Gouvernement, indique les chapitres concernés.
Par conséquent, l'amendement qui vient d'être défendu par M. le rapporteur général précise bien, dans son exposé des motifs, quels sont les chapitres concernés. Et n'ayez crainte, mes chers collègues et amis, si cet amendement est adopté, l'abattement de crédits portera bien sur ces deux chapitres et sur rien d'autre, conformément à l'ordonnance de 1959.
Mme Cerisier-ben Guiga et M. Penne disaient tout à l'heure au Gouvernement : mais vous pourrez faire ce que vous voudrez ! Eh bien non, sachez-le, il ne pourra pas faire ce qu'il veut.
Par ailleurs, nous avons entendu les explications du Gouvernement en ce qui concerne la deuxième partie de l'amendement, qui porte sur CFI.
Quant aux promenades inconsidérées qui font que le Quai d'Orsay, sous prétexte de missions d'experts, se transforme en vaste agence de voyages, elles ont été dénoncées, à juste titre, par la Cour des comptes. Il m'est arrivé, en faisant des contrôles sur place et sur pièces, de découvrir vingt ou trente missions présentes en même temps dans le même pays et qui se parlaient à peine ou même ne se connaissaient pas. Je parle là d'observations personnelles qui n'engagent pas mon groupe, naturellement, mais ces observations, je les ai faites.
Nous avons un tel nombre de missionnaires à travers le monde que les rapports ne trouvent plus place dans les placards et qu'il n'y a plus assez de crédits pour acheter des placards pour mettre les rapports ! (Sourires.) On est quand même conduit à s'interroger !
La Cour des comptes a été évoquée à plusieurs reprises ce soir, y compris par nos amis du groupe communiste républicain et citoyen. Ce qui est curieux c'est que, lorsque la Cour des comptes dit : là il y a du gaspillage, on pourrait supprimer, on n'aime pas. Mais quand la Cour des comptes dit : ça c'est très bien géré, là on aime bien !
Je n'irai pas plus avant, monsieur le président, parce qu'il est tard ; je voulais simplement faire ces observations.
S'agissant de CFI, et sans vouloir me prononcer sur le fond, j'observerai tout de même - et je ne parle pas de technique budgétaire dans cette affaire - que nous sommes dans une situation très paradoxale dans la mesure où le Gouvernement nous demande de ne pas supprimer un crédit destiné à CFI-TV pour se réserver la possibilité de l'utiliser en cours d'année à autre chose puisqu'il a quasiment décidé de supprimer CFI-TV.
Dans ces conditions, je pense qu'il ne faut pas poursuivre plus longtemps cette discussion, car il est tard, et l'on va finir par ne plus rien y comprendre ! (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-64.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public, émanant l'une du groupe communiste républicain et citoyen et l'autre du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 62:

Nombre de votants 318
Nombre de suffrages exprimés 309
Majorité absolue des suffrages 155145
Contre 164

Le Sénat n'a pas adopté. (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe communiste républicain et citoyen.)
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
M. Guy Penne. Le groupe socialiste s'abstient.
Mme Hélène Luc. Le groupe communiste républicain et citoyen également.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C



M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 58 811 000 euros ;
« Crédits de paiement : 19 344 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
M. Guy Penne. Le groupe socialiste s'abstient.
Mme Hélène Luc. Le groupe communiste républicain et citoyen également.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 384 493 000 euros ;
« Crédits de paiement : 22 449 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
M. Guy Penne. Le groupe socialiste s'abstient.
Mme Hélène Luc. Le groupe communiste républicain et citoyen également.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les affaires étrangères.

8

DÉPÔT
D'UN PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi constitutionnelle, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à l'organisation décentralisée de la République.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 83, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

9

DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 84, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

10

DÉPÔT D'UN RAPPORT

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi modifiant la loi n° 85-99 du 25 janvier 1985 relative aux administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises et experts en diagnostic d'entreprise.
Le rapport sera imprimé sous le n° 85 et distribué.

11

DÉPÔT D'AVIS

M. le président. J'ai reçu de M. Laurent Béteille un avis, présenté au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, en application de l'article 11, alinéa 1, du règlement, sur la proposition de résolution de M. Henri de Raincourt tendant à la création d'une commission d'enquête sur la maltraitance envers les personnes handicapées accueillies en institution et les moyens de la prévenir (n° 315, 2001-2002).
L'avis sera imprimé sous le n° 81 et distribué.
J'ai reçu de M. Laurent Béteille un avis présenté au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, en application de l'article 11, alinéa 1, du règlement, sur la proposition de résolution de MM. Bernard Plasait, Henri de Raincourt et les membres du groupe des Républicains et Indépendants tendant à la création d'une commission d'enquête sur la politique nationale de lutte contre les drogues illicites (n° 348, 2001-2002).
L'avis sera imprimé sous le n° 82 et distribué.

12

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, jeudi 5 décembre 2002 :
A onze heures trente :
1. Nomination d'un secrétaire du bureau du Sénat, en remplacement de M. Jean-Patrick Courtois.
2. Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2003, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 67 et 68, 2002-2003) (M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation).
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Fonction publique et réforme de l'Etat (et article 75) :
M. Gérard Braun, rapporteur spécial (rapport n° 68, annexe n° 21).
Services du Premier ministre :
V. - Aménagement du territoire :
M. Roger Besse, rapporteur spécial (rapport n° 68, annexe n° 33) ;
M. Jean Pépin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 70, tome XI).
A quinze heures :
3. Questions d'actualité au Gouvernement.
A seize heures et le soir :
4. Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2003, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 67 et 68, 2002-2003) (M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation).
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Eventuellement, suite de l'ordre du jour du matin.
DéfenseProcédure de questions et de réponses avec un droit de réplique des sénateurs.

(articles 38 et 39 et articles 63 ter et 63 quater) :
1. Rapporteurs spéciaux :
Exposé d'ensemble, dépenses en capital : M. Maurice Blin (rapport n° 68, annexe n° 41) ; dépenses ordinaires : M. François Trucy (rapport n° 68, annexe n° 42).
2. Rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées :
Nucléaire, espace et services communs : M. Jean Faure (avis n° 71, tome IV) ; section gendarmerie : M. Philippe François (avis n° 71, tome V) ; section forces terrestres : M. Serge Vinçon (avis n° 71, tome VI) ; section air : M. Xavier Pintat (avis n° 71, tome VII) ; section marine : M. André Boyer (avis n° 71, tome VIII).
Ecologie et développement durableProcédure de questions et de réponses avec un droit de réplique des sénateurs.

:
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial (rapport n° 68, annexe n° 9) ;
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 70, tome XVII) ;
M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (avis n° 69, tome III).

Délai limite pour les inscriptions de parole
dans les discussions précédant
l'examen des crédits de chaque ministère

Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements
aux crédits budgétaires
pour le projet de loi de finances pour 2003

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2003 est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles
de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits
du projet de loi de finances pour 2003

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 2003, est fixé au vendredi 6 décembre 2002, à seize heures.

Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Deuxième lecture du projet de loi constitutionnelle, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à l'organisation décentralisée de la République (n° 83, 2002-2003) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 10 décembre 2002, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 10 décembre 2002, à dix-sept heures.
Question orale avec débat (n° 4) de M. Gérard Larcher à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur la réorganisation des couloirs aériens en Ile-de-France.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 11 décembre 2002, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de résolution de M. Henri de Raincourt tendant à la création d'une commission d'enquête sur la maltraitance envers les personnes handicapées accueillies en institution et les moyens de la prévenir (n° 315, 2001-2002).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 11 décembre 2002, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de résolution de MM. Bernard Plasait et Henri de Raincourt et des membres du groupe des Républicains et Indépendants tendant à la création d'une commission d'enquête sur la politique nationale de lutte contre les drogues illicites (n° 348, 2001-2002).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 11 décembre 2002, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Daniel Hoeffel relative à la décentralisation de la gestion des fonds européens (n° 63, 2002-2003).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 11 décembre 2002, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des finances sur la proposition de loi de M. Philippe Adnot portant réforme des règles budgétaires et comptables applicables aux départements (n° 64, 2002-2003).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 11 décembre 2002, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 5 décembre 2002, à deux heures vingt-cinq.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD






Ordre du jour des prochaines séances du Sénat établi par le Sénat dans sa séance du mercredi 4 décembre 2002 à la suite des conclusions de la conférence des présidents

Du jeudi 5 décembre au mardi 10 décembre 2002
Ordre du jour prioritaire

Suite du projet de loi de finances pour 2003, adopté par l'Assemblée nationale (n° 67, 2002-2003).
(Conformément à l'article 60 bis du règlement du Sénat, le vote sur l'ensemble du projet de loi de finances donnera lieu à un scrutin public à la tribune.)

En outre, jeudi 5 décembre 2002

A 9 h 30 :
Nomination d'un secrétaire du bureau du Sénat, en remplacement de M. Jean-Patrick Courtois ;
A 15 heures :
Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures.)

Mercredi 11 décembre 2002
Ordre du jour prioritaire

A 15 heures et le soir :
Deuxième lecture du projet de loi constitutionnelle, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à l'organisation décentralisée de la République (n° 83, 2002-2003).
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 10 décembre 2002, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;

- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 10 décembre 2002.
En application de l'article 59 du règlement du Sénat, il sera procédé à un scrutin public ordinaire lors du vote sur l'ensemble du projet de loi constitutionnelle.)

Jeudi 12 décembre 2002
Ordre du jour réservé

A 9 h 30 :
1° Question orale avec débat (n° 4) de M. Gérard Larcher à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur la réorganisation des couloirs aériens en Ile-de-France.
(En application des premier et deuxième alinéas de l'article 82 du règlement, la conférence des présidents a fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront dans le débat les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 11 décembre 2002) ;

2° Conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de résolution de M. Henri de Raincourt tendant à la création d'une commission d'enquête sur la maltraitance envers les personnes handicapées accueillies en institution et les moyens de la prévenir (n° 315, 2001-2002).
(La conférence des présidents a décidé de fixer au mercredi 11 décembre 2002, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte) ;
3° Conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de résolution de MM. Bernard Plasait et Henri de Raincourt et des membres du groupe des Républicains et Indépendants tendant à la création d'une commission d'enquête sur la politique nationale de lutte contre les drogues illicites (n° 348, 2001-2002).
(La conférence des présidents a décidé de fixer au mercredi 11 décembre 2002, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte) ;
A 15 heures et, éventuellement, le soir :
4° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures) ;
5° Eventuellement, suite de l'ordre du jour du matin ;
6° Question orale européenne avec débat (n° QE-1) de M. Simon Sutour à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes sur l'avenir de la politique régionale européenne.
(La discussion de cette question orale européenne s'effectuera selon les modalités prévues à l'article 83 ter du règlement) ;
7° Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Daniel Hoeffel relative à la décentralisation de la gestion des fonds européens (n° 63, 2002-2003).
(La conférence des présidents a décidé de fixer au mercredi 11 décembre 2002, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte) ;
8° Conclusions de la commission des finances sur la proposition de loi de M. Philippe Adnot portant réforme des règles budgétaires et comptables applicables aux départements (n° 64, 2002-2003) ;
(La conférence des présidents a décidé de fixer au mercredi 11 décembre 2002, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)

Lundi 16 décembre 2002
Ordre du jour prioritaire

A 10 heures, 15 heures et le soir :
Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances rectificative pour 2002 (AN, n° 382).
(La conférence des présidents a décidé de fixer au vendredi 13 décembre 2002, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)

Mardi 17 décembre 2002

A 10 h 30 :
L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement.
1° Quinze questions orales :
- n° 11 de M. Claude Biwer à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales (Réglementation en matière d'hygiène et de sécurité du travail applicable à la fonction publique territoriale) ;

- n° 53 de M. Bernard Fournier à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche (Retards récurrents des rectorats dans les paiements des traitements des enseignants) ;

- n° 63 de Mme Hélène Luc à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées (Situation du service diabétologie du CHU Henri-Mondor de Créteil) ;

- n° 75 de M. Dominique Mortemousque à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire (Réorganisation des services publics en milieu rural) ;

- n° 84 de Mme Marie-France Beaufils à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées (Situation des personnes handicapées en situation de grande dépendance vivant à domicile) ;

- n° 85 de Mme Marie-Claude Beaudeau à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Menace de démantèlement du réseau de succursales de la Banque de France) ;

- n° 86 de M. Bernard Joly à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales (Maintien du deuxième versement de la dotation jeunes agriculteurs) ;

- n° 87 de M. Paul Blanc à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer (Problèmes de gestion des communes situées en aval d'un barrage) ;

- n° 89 de M. Alain Vasselle à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité (Dépenses de fonctionnement des services départementaux d'incendie et de secours) ;

- n° 90 de M. Fernand Demilly à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales (Réforme de la politique commune de la pêche) ;

- n° 91 de M. Pierre Laffitte à Mme la ministre de la défense (Dépenses de recherche et de développement militaire) ;

- n° 93 de M. Yann Gaillard à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité (Revalorisation du minimum contributif) ;

- n° 94 de M. Robert Calmejane à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche (Conditions d'inscription dans les établissements scolaires) ;

- n° 95 de M. Jean-François Picheral à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales (Réglementation communautaire sur l'étiquetage de vins) ;

- n° 101 de M. Gérard Longuet à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer (Saturation de l'autoroute A 4) ;

A 16 heures et le soir :

Ordre du jour prioritaire

2° Sous réserve de sa transmission, projet de loi relatif à la négociation collective sur les restructurations ayant des incidences sur l'emploi (urgence déclarée) (AN, n° 375).
(La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 16 décembre 2002, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;

- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 16 décembre 2002.)

Mercredi 18 décembre 2002
Ordre du jour prioritaire

A 15 heures :
1° Suite du projet de loi relatif à la négociation collective sur les restructurations ayant des incidences sur l'emploi ;
A 18 h 30 et le soir :
2° Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances pour 2003 ;
3° Suite du projet de loi relatif à la négociation collective sur les restructurations ayant des incidences sur l'emploi.

Jeudi 19 décembre 2002
Ordre du jour prioritaire

A 9 h 30 :
1° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la conduite sous l'influence de substances ou plantes classées comme stupéfiants (n° 11, 2002-2003).
(La conférence des présidents a décidé de fixer au mercredi 18 décembre 2002, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte) ;
2° Suite éventuelle du projet de loi relatif à la négociation collective sur les restructurations ayant des incidences sur l'emploi ;
A 15 heures :
3° Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi modifiant la loi n° 85-99 du 25 janvier 1985 relative aux administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises et experts en diagnostic d'entreprise ;
A 21 h 30 :
4° Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2002 ;
5° Deuxième lecture, sous réserve de sa transmission, de la proposition de loi relative à la responsabilité civile médicale (AN, n° 370).
(La conférence des présidents a décidé de fixer à l'ouverture de la discussion générale le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)

Eventuellement, vendredi 20 décembre 2002
Ordre du jour prioritaire

A 9 h 30 et à 15 heures :
Navettes diverses.
En application de l'article 28 de la Constitution et de l'article 32 bis, alinéa 1, du règlement, le Sénat a décidé de suspendre ses travaux en séance publique du dimanche 22 décembre 2002 au dimanche 12 janvier 2003.

A N N E X E 1
Question orale avec débat inscrite à l'ordre du jour
de la séance du jeudi 12 décembre 2002

M. Gérard Larcher demande à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer de lui indiquer quel est le bilan pouvant être actuellement dressé de la réorganisation des couloirs aériens en Ile-de-France. La période probatoire de ces modifications arrivant à échéance, il souhaiterait savoir quelle évaluation en est faite. Dans l'hypothèse d'un renoncement au projet de troisième aéroport, la redéfinition des couloirs aériens d'une part, et le développement des plates-formes régionales d'autre part, pourraient-ils constituer une réponse aux attentes des populations survolées ? Il souhaiterait enfin savoir quelles sont aujourd'hui les perspectives de retrait de l'exploitation des avions produisant les nuisances sonores les plus importantes (n° 4).

A N N E X E 2
Question orale européenne avec débat inscrite à l'ordre
du jour de la séance du jeudi 12 décembre 2002

M. Simon Sutour attire l'attention de Mme la ministre déléguée aux affaires européennes sur l'importance des enjeux du débat actuellement en cours concernant l'avenir de la politique régionale européenne. L'Agenda 2000 adopté lors du Conseil européen de Berlin avait fixé les principes de fonctionnement de celle-ci jusqu'en 2006, en prévision des premières adhésions de pays candidats à l'Union. Il convient désormais d'arrêter la phase suivante, pour la période 2007-2011, et notamment de définir la place qui sera réservée, par la suite, aux actuels Etats membres éligibles aux fonds structurels européens. Il lui apparaît, en effet, dangereux pour l'avenir de l'Union de remettre en cause le principe de cohésion économique et sociale qui en constitue l'un des fondements essentiels. Il souhaite donc savoir quelle sera la position défendue par le gouvernement français dans ce débat (n° QE 1).

A N N E X E 3
Questions orales inscrites à l'ordre du jour
de la séance du mardi 17 décembre 2002

N° 11. - M. Claude Biwer attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur les difficultés d'application du décret n° 2000-542 du 16 juin 2000 modifiant le décret n° 85-603 du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale. Celui-ci prévoit, notamment, la désignation d'un ou de plusieurs agents chargés d'assurer la mise en oeuvre des règles d'hygiène et de sécurité ainsi que d'agents chargés de la fonction d'inspection, ce qui paraît totalement inadapté à la situation des petites communes ne disposant, souvent, que d'un ou une secrétaire de mairie et quelquefois d'un agent d'entretien à temps partiel, leur temps de travail étant, dans un très grand nombre de cas, réparti entre plusieurs communes. Il le prie de bien vouloir indiquer les mesures qu'il envisage de proposer visant à adapter cette réglementation aux communes rurales en autorisant, par exemple, la désignation de ces agents dans un cadre intercommunal.
N° 53. - M. Bernard Fournier appelle l'attention de M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche sur un problème récurrent de l'administration des rectorats en matière de paiement des traitements des enseignants. Les modalités de règlement des émoluments des maîtres auxiliaires et des professeurs sont loin d'être satisfaisantes et génèrent des problèmes de trésorerie extrêmement graves pour les jeunes qui ont choisi ce métier. Tous l'ont adopté par vocation, certains doivent le quitter par nécessité, conséquence d'une administration « mauvaise payeuse ». La lenteur dans le règlement des sommes dues atteint des délais que le secteur privé ne saurait admettre : ainsi, lors de chaque changement de poste, il faut plus de trois mois pour un maître auxiliaire pour percevoir son traitement, mais ce retard atteint parfois six ou huit mois. Pour un changement indiciaire, certains professeurs ont dû attendre quatorze mois afin que le nouvel échelon soit appliqué. Pour les enseignants non titulaires qui doivent attendre les indemnités chômage, la moyenne est de huit mois avant que celles-ci ne soient versées. De tels délais sont incompatibles avec la bonne administration du service public. La jurisprudence du Conseil d'Etat signale que la responsabilité de l'Etat est clairement engagée. Aussi il le remercie de bien vouloir lui indiquer s'il entend rompre avec ces pratiques et quelles sont les mesures qui pourraient être prises afin que les traitements des fonctionnaires de l'éducation nationale et de l'éducation privée sous contrat avec l'Etat soient versés effectivement et normalement à la fin du mois, après service fait.
N° 63. - Mme Hélène Luc souhaite attirer l'attention de M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées sur les conséquences dramatiques créées par la suppression du service de diabétologie au CHU Henri-Mondor de Créteil, qui était le centre de référence du Sud-Est francilien. Réorganisé en unité de diabétologie rattaché au service de médecine interne, ce service a perdu sa vocation universitaire de recherche. Par ailleurs, cette suppression a entraîné une forte réduction de la capacité de soins pour les malades diabétiques de la région Ile-de-France qui voient leurs conditions de prise en charge se dégrader. Alors que le diabète touche en France près de 2 millions de personnes et qu'il est en constante progression, il s'avère absolument nécessaire d'améliorer la prise en charge et le suivi des diabétiques pour limiter les souffrances et endiguer l'augmentation des hospitalisations qui dénote souvent une prise en charge trop tardive. C'est pourquoi elle lui demande quelles mesures il compte prendre pour que soit recréé en urgence un pôle hospitalo-universitaire de référence au CHU Henri-Mondor.
N° 75. - M. Dominique Mortemousque attire l'attention de M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire sur la réorganisation des services publics en milieu rural, dont le démantèlement lancinant risque de se traduire par un véritable abandon de nos communes et cantons ruraux. Depuis une dizaine d'années, les élus de cantons ruraux sont régulièrement informés de la fermeture d'une perception, d'une école, d'un bureau de poste, et, le plus souvent, sont mis devant le fait accompli sans aucune concertation préalable malgré les engagements ministériels qui avaient été pris par le gouvernement précédent et qui n'ont pas été tenus. Or, ces élus ruraux dans leur immense majorité considèrent à juste titre que le déclin économique n'est pas inéluctable et qu'il dépend d'une volonté politique de bâtir un développement basé sur les réalités locales et les forces vives du territoire. A l'échelle du pays, puisque c'est le niveau reconnu pour équiper l'espace rural et améliorer le cadre de vie, doit être recherchée une démarche participative pour l'organisation des services publics. Cette démarche suppose une véritable concertation portant sur la répartition et l'organisation sur le territoire de tous les services publics (trésoreries, gendarmeries, subdivisions de l'équipement...), des nouveaux équipements (déchetteries, relais d'assistances maternelles, maisons de repos, casernes de pompiers, salles omnisports...), des infrastructures (contournements des bourgs, lignes ferroviaires, dessertes routières...), des aménagements (dessertes numériques, assainissement, enfouissement des lignes...), des services à la population (points emploi, portage de repas à domicile, soins infirmiers...), de la politique éducative (réseaux d'écoles, collèges...). Concrètement, les élus demandent la mise en place d'un contrat territorial s'inscrivant dans un véritable partenariat définissant les enjeux d'une nouvelle ruralité et devant précéder toute modification des services publics actuels. Il souhaite donc connaître quelles sont ses intentions sur ces propositions concrètes dont l'objet est d'apporter de meilleurs services, de faire émerger des initiatives et de redonner envie d'entreprendre en milieu rural.
N° 84. - Mme Marie-France Beaufils attire l'attention de M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées sur la situation faite aux personnes handicapées en situation de grande dépendance vivant à domicile. Elle l'alerte sur les menaces de grève de la faim envisagées par certaines personnes handicapées pour obtenir satisfaction, comme cela a déjà été le cas. Elle lui demande quelles seraient les mesures prises pour apporter une aide humaine à hauteur des besoins des personnes handicapées. Elle propose d'adapter notre dispositif législatif et réglementaire pour répondre aux besoins des personnes handicapées et à leur aspiration à vivre en citoyen à part entière. Elle souhaite que ces mesures urgentes soient prises et qu'une réflexion s'engage sur une refondation et simplification en créant une cinquième branche de la sécurité sociale « handicap et dépendance », comme le propose la Fédération nationale des accidents du travail et des handicapés (FNATH).
N° 85. - Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les conséquences du projet éventuel de suppression d'un grand nombre des 211 succursales de la Banque de France que laissent présager plusieurs déclarations récentes de son gouverneur. Elle lui fait part des inquiétudes, qu'elle partage, des salariés et de l'ensemble de leurs organisations syndicales, très mobilisés, pour l'avenir des 17 000 emplois et des missions de service public que l'Etat a confiées à sa banque centrale. Elle souligne que le démantèlement du réseau de succursales ne manquerait pas de conduire à une dégradation des conditions de leur accomplissement, qu'il s'agisse du traitement du surendettement, de la gestion des comptes individuels, du conseil aux banques et entreprises au plan local. A ce titre, elle lui fait remarquer qu'un tel projet se situerait en totale contradiction avec l'objectif affiché de décentralisation des services de l'Etat. La fermeture de nombreuses caisses institutionnelles signifierait également la privatisation de fait et la grave mise en cause des conditions de sécurité de l'entretien de la monnaie fiduciaire et, notamment, du recyclage des billets. En conséquence, elle lui demande quelles mesures il compte prendre pour assurer le maintien de l'ensemble du réseau de succursales et des emplois statutaires de la Banque de France afin de maintenir l'intégrité et la qualité de l'exécution des missions relevant de la puissance publique qui lui ont été attribuées. Lui rappelant par ailleurs que les recettes financières de la Banque de France, issues de la rente monétaire, sont indépendantes du fonctionnement de ses services et ne sauraient servir de prétexte à une réduction du champ d'activité de l'institution, elle lui demande également de préciser les relations financières entre l'Etat et la Banque de France. Enfin, refusant toute stratégie de déclin, à l'instar des organisations syndicales qui ont publié un document contenant cent propositions pour l'avenir de ses métiers, elle lui demande quelle ambition il conçoit pour l'avenir du rôle de la Banque de France, en complémentarité avec la Banque centrale européenne et, en particulier, dans un objectif d'égalité d'accès aux services bancaires et de soutien à la croissance et à l'emploi.
N° 86. - M. Bernard Joly appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales sur les inquiétudes des jeunes agriculteurs qui se sont vu refuser le paiement du deuxième versement de la prime liée à l'installation pour des questions de délais. Jusqu'alors, la dotation jeunes agriculteurs était versée en deux fractions : les deux tiers lors de l'installation et le dernier tiers à la troisième année d'exploitation. Or la circulaire n° 7025 du 5 juin 2002 revoit les principes de gestion du second volet. Elle modifie les délais d'instruction qui présentaient une certaine souplesse et élimine la possibilité d'étudier la quatrième année de résultats. En conclusion, le solde n'est versé qu'à condition que la demande ait été faite dans l'année qui suit le troisième exercice. Dans son département, dix-neuf candidats ont vu leur dossier achopper sur cette nouvelle rigidité. Il lui demande de bien vouloir lui indiquer s'il compte revenir aux dispositions antérieures afin, d'une part, de ne pas changer les règles de la procédure en cours d'application et, d'autre part, de prendre en considération les impondérables inhérents à l'activité agricole qui ne permettent pas de répondre aux exigences d'un texte sans la flexibilité voulue.
N° 87. - M. Paul Blanc attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur les difficultés rencontrées par les élus locaux dans la gestion et l'aménagement des communes des zones situées en aval de barrages et susceptibles d'être submergées.
N° 89. - M. Alain Vasselle rappelle à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité que la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, dans son article 124, permet d'indemniser les services départementaux d'incendie et de secours pour les interventions effectuées en dehors de leurs missions, à la demande de la régulation médicale du centre 15, lorsque celle-ci constate le défaut de disponibilité des transporteurs sanitaires privés. Toutefois, la mise en oeuvre de cette disposition est subordonnée à des modalités qui doivent être fixées par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de la sécurité sociale. Il attire son attention sur l'urgence de la parution de cet arrêté qui conditionne le maintien de prestations en grand nombre (15 000 sorties par an dans l'Oise) dont le coût devient insupportable sur les budgets des SDIS, faute de recettes à due proportion. Il lui demande quelle est la date prévue de publication de cette mesure réglementaire qui déterminera les conditions de prise en charge et leur effectivité.
N° 90. - M. Fernand Demilly attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales sur les dispositions du projet de réforme de la politique commune de la pêche qui sont particulièrement inquiétantes, en particulier pour la flotte de pêche picarde. Une cinquantaine de navires de pêche artisanale sont exploités à partir des trois ports de la baie de Somme : Le Crotoy, Saint-Valery et Le Hourdel. La flottille est majoritairement composée de chalutiers de moins de 12 mètres et génère une activité économique importante de pêche côtière ciblée sur quelques espèces à forte valeur marchande et à caractère saisonnier. Elle concerne plus de cent vingt marins. La Commission européenne propose de réduire l'effort de pêche et incite les pêcheurs à se reconvertir ; les dispositions du projet de réforme de la politique commune de la pêche pourraient conduire à la désertification de nos côtes animées par la pêche artisanale. Le groupe d'étude sénatorial sur la mer dont il fait partie a déploré que les autorités européennes n'aient pas retenu les suggestions formulées par le Parlement français. Il sait que M. le ministre préconise une synthèse équilibrée entre la gestion durable de la ressource et la prise en compte de la dimension sociale économique et territoriale de la pêche artisanale sur le littoral national. Il lui demande de faire le point sur la position française et sur les négociations en cours à Bruxelles.
N° 91. - M. Pierre Laffitte attire l'attention de Mme la ministre de la défense sur les dépenses de recherche et de développement militaire. Les dépenses de recherche et de développement du département de la défense des Etats-Unis croissent régulièrement même lorsque le budget militaire de ce pays était en décroissance. En France, les dépenses de recherche et de développement au contraire décroissent fortement depuis de nombreuses années. Cette récession est d'autant plus grave que la sophistication croissante des méthodes et moyens militaires implique une logistique et des méthodes élaborées qui nécessitent sur terre, dans l'espace et sur mer beaucoup de recherche et de développement. Le ministre peut-il donner une indication sur le sursaut nécessaire massif rendu désormais possible par la croissance du budget et la volonté d'engager des programmes dans ce domaine tant au niveau français que bilatéral ou multilatéral européen. C'est indispensable pour la crédibilité de la stratégie de la France et de l'Europe. C'est tout aussi nécessaire pour éviter que les entreprises de haute technologie européennes soient défavorisées. Elles ne bénéficient pas des retombées de la recherche militaire « duale » qui est pratiquée largement outre-Atlantique et qui profite tout particulièrement aux industries spatiales, aéronautiques, informatiques et microélectroniques, qui conditionnent pour une large part la puissance des économies contemporaines.
N° 93. - M. Yann Gaillard attire l'attention de M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité sur la situation du minimum contributif, à propos de laquelle il avait, en novembre 2001, posé une question écrite à laquelle il n'a pas été répondu et qui est devenue caduque. En effet, la différence qui existe entre le minimum vieillesse (minimum social accordé sous conditions de ressources permettant de garantir à une personne qui a peu ou pas cotisé à un régime vieillesse) et le minimum contributif (accordé à tout salarié du secteur privé ou agricole permettant de garantir un minimum de retraite décente en fin de vie professionnelle) est substantielle. Ainsi, au 1er janvier 2002, le montant du minimum contributif est de 525,63 euros par mois pour une personne seule, alors que le minimum vieillesse est de 569,38 euros. A sa création, en 1983, le minimum contributif visait à garantir aux assurés du régime général à bas salaire une pension égale à 95 % du SMIC net avec une retraite complémentaire. Le minimum contributif est revalorisé chaque année par la loi de financement de la sécurité sociale, comme les pensions. De fait, la revalorisation de ce minimum, depuis le 1er janvier 1984, est strictement identique à celle des pensions contributives. En revanche, et contrairement au SMIC, le minimum contributif n'a profité d'aucune revalorisation et a décroché par rapport à celui-ci. Cela n'est absolument pas conforme à la logique et ne tient pas compte des efforts contributifs des intéressés. Les retraités indiquent qu'un tel montant ne leur assure pas une pension convenable pour une qualité de vie décente. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir envisager une revalorisation du minimum contributif d'au moins 152 euros par mois ainsi qu'une indexation de celui-ci sur le SMIC afin que, pour une carrière complète, aucune pension du régime général et complémentaire ne soit inférieure au SMIC. Il le remercie de bien vouloir lui indiquer ses intentions en la matière.
N° 94. - M. Robert Calmejane rappelle à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche qu'à compter du 1er janvier prochain l'application du décret n° 2000-1277 du 26 décembre 2000 portant simplification des formalités administratives consacrera l'abandon de tout contrôle du domicile des parents lors des inscriptions scolaires, de même qu'il ne sera plus nécessaire de présenter des pièces d'identité authentiques (art. 2 et 6). Plus de trente ans d'expérience municipale le conduisent à faire preuve de réalisme et, en matière d'inscription scolaire en particulier, le système D est fréquemment utilisé par les parents pour assurer l'affectation de leur enfant dans l'école, le collège ou le lycée de leur choix. Par commodité matérielle, en raison du trajet à effectuer par la nourrice ou les grands-parents qui gardent ledit enfant, par attractivité pédagogique réelle de tel ou tel établissement ou en fonction de son implantation géographique en centre-ville, quand ce ne sont pas de simples mais inavouables mobiles d'environnement social et culturel, les demandes de dérogation de secteur, voire de commune, se multiplient. Le seul aspect déclaratif sans présentation de justificatif de domicile ouvre ainsi le champ à des fraudes nombreuses. Les risques engendrés tout à la fois pour la prévision et la gestion des moyens en personnel du ministère et en équipement pour les collectivités locales avaient conduit la Conférence nationale des recteurs à demander à votre prédécesseur de surseoir jusqu'au 1er janvier 2003 à l'application du décret pour l'inscription dans les établissements scolaires (art. 8). Par ailleurs, une circulaire de M. le procureur de la République enjoint aux communes de contrôler de manière rigoureuse l'état civil et la filiation des enfants s'inscrivant pour la première fois à l'école. En Seine-Saint-Denis, où le taux d'immigration clandestine et le nombre d'enfants mineurs arrivant en France sans leurs parents est particulièrement important, l'exigibilité de pièces d'identité authentiques est fondamentale. Il lui demande de bien vouloir indiquer les dispositions concrètes qu'il compte prendre afin de préserver, à travers la sectorisation, la maîtrise des flux et la mixité sociale dans les établissements d'enseignement.
N° 95. - M. Jean-François Picheral souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales sur le règlement communautaire récent portant diverses modifications relatif à l'étiquetage des vins et sur son entrée en vigueur prochainement en droit français. En vue de répondre au principe d'applicabilité directe du droit communautaire dérivé, le ministère de l'agriculture va être amené à envisager son application concrète au niveau national, et ainsi à mettre en oeuvre ce règlement communautaire, dont le but est d'assurer une information claire et loyale des consommateurs par un étiquetage précis et suffisamment complet des vins. Ainsi, à l'écoute des professionnels du secteur, il est apparu que ce décret devait permettre non seulement de redonner tout leur sens aux mentions trop souvent fourvoyées (tels les noms de « domaine », de « château » ou de mention « mise en bouteille à la propriété »), mais aussi de mettre en oeuvre efficacement l'interdiction des noms patronymiques fictifs. Par ailleurs, il semble qu'en matière de millésime et de nom de cépage le règlement communautaire ait mis en place la règle des 85 % permettant aux viticulteurs de faire figurer dans l'étiquetage d'un vin l'année de récolte, alors même que 15 % du raisin a été récolté une autre année. Le décret qu'il s'apprête à signer ne peut se permettre de reprendre ce mécanisme. En maintenant la règle des 100 %, il doit tendre à éviter ces dérives commerciales et empêcher ainsi que soit abusivement mentionné le nom de millésime ou de cépage. C'est pour ces diverses raisons qu'il souhaiterait que lui soient précisés les critères retenus en vue d'appliquer en droit français ce règlement communautaire tout en maintenant et en améliorant les critères de qualité propre au secteur viticole français.
N° 101. - M. Gérard Longuet, en tant qu'élu de l'une des régions du grand est de la France, souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur la saturation exponentielle de l'autoroute A 4 dans sa partie pénétrante de l'agglomération parisienne. Désormais, chaque jour, des bouchons de plusieurs dizaines de kilomètres se forment naturellement sans qu'il soit besoin qu'un accident en soit la cause et cela durant de longues parties de la journée, du matin très tôt au soir très tard. Il semble évident que la cause de cet engorgement est imputable à l'utilisation d'une partie de l'A 4 par les autoroutes périphériques que sont les axes A 86 et A 104. Cette fonction de jonction périphérique qu'assure aujourd'hui l'A 4 n'était à l'évidence pas prévue dans le cahier des charges initial du concessionnaire qu'est la SANEF. Il souhaiterait savoir quelles sont les mesures que l'Etat et ses partenaires régionaux entendent adopter pour remédier à cette situation, qui va en empirant et cause de réels désagréments aux usagers de toute la façade est de la région parisienne.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Avenir des services publics,
économiques et financiers à dieppe

114. - 4 décembre 2002. - M. Thierry Foucaud souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la situation des services publics économiques et financiers dans le département de la Seine-Maritime, plus particulièrement à Dieppe, où des menaces de fermeture pèsent à la fois sur la succursale de la Banque de France, et sur la recette des finances. Concernant la succursale de la Banque de France, plus de 700 dossiers de surendettement par an y sont traités. Les particuliers peuvent aussi y recourir pour faire valoir leur droit au compte. Elle permet également, comme toutes les succursales de la Banque de France, aux entreprises alentour d'être informées sur les cotations. Quant à la recette des finances, ses vingt-deux agents assurent le suivi de 1 162 comptes des collectivités territoriales et conseillent, le cas échéant, les élus locaux. Ils contrôlent les comptes des lycées de l'arrondissement, des casinos de Dieppe, du Tréport et de Forges Les Eaux. Par ailleurs, ces services publics recensent des informations permettant d'évaluer la situation économique locale. Pour toutes ces raisons, il lui demande ce qu'il envisage de faire pour garantir la présence des services publics économiques et financiers dans l'arrondissement de Dieppe.

Réglementation applicable aux constructions
à proximité de cours d'eau

115. - . - M. Jean-Jacques Hyest appelle l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur les difficultés rencontrées par la commune de Bagneaux-sur-Loing dans le cadre de l'aménagement d'un terrain communal à bâtir. En effet, le maire de cette commune envisage de construire un certain nombre de pavillons (31) et de logements (10) à l'initiative de l'OPIHLM. Dans le cadre de la révision du PLU finalisé en 2001 et approuvé en janvier 2002, la commune s'était donné les moyens de favoriser la construction de ces nouveaux logements et avait fait l'acquisition foncière des terrains nécessaires. Or, le plan d'occupation des sols valant PLU approuvé par la commune avec l'avis favorable des services de l'Etat, dont celui de la navigation du Loing, se voit remis en cause aujourd'hui par le préfet. La DDE ayant émis un avis défavorable au permis de construire de l'OPIHLM indiquant que le « terrain est situé en zone d'aléas forts, telle qu'elle ressort de la carte des aléas établis en 2001 dans l'élaboration du plan de prévention des risques d'inondations du Loing ». La carte des aléas servant de base pour l'établissement du plan de prévention des risques d'inondations dont l'étude débutera peut-être en 2003 n'a aucune valeur réglementaire et n'a pas été mise à enquête publique, seul le PLU s'impose, mais elle a pour conséquence de maintenir la commune et les propriétaires de foncier dans une insécurité juridique totale. Le maire de cette commune ayant maintenu son projet d'aménagement, le préfet lui demande de retirer son arrêté de permis de construire, en vertu du« principe de précaution », alors que la commune de Bagneaux-sur-Loing n'a subi jusqu'à présent aucune inondation, étant protégée par le canal du Loing. La première remarque portera sur le fait que lors de l'acceptation du PLU qui a amené la commune à se porter acquéreur de certains terrains, le plan de prévention des risques d'inondations existait déjà et à ce moment-là aucune opposition n'avait été faite au plan d'aménagement. La seconde remarque tient au fait que, à force de vouloir tout protéger et tout anticiper sur les risques éventuels, on assiste à une superposition de textes et réglementations divers qui, dans certains cas, sont contradictoires. On oublie souvent en calquant un schéma sur un autre que, par exemple, la vallée du Loing ne sera jamais celle de l'Ouvèze et nos forêts n'ont rien de commun avec les maquis de Haute-Corse. La réglementation devrait être appliquée de façon objective et s'adapter au contexte local. Il souhaiterait donc savoir si une étude, dont les éléments n'ont aucune valeur juridique, peut être opposée à un document d'urbanisme approuvé et opposable aux tiers. Cette situation ne manquerait pas, sans solution, de susciter de graves difficultés contentieuses.



ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mercredi 4 décembre 2002


SCRUTIN (n° 62)



sur l'amendement n° II-64, présenté par MM. Jean Arthuis, Philippe Marini, Michel Charasse et Jacques Chaumont au nom de la commission des finances, tendant à réduire les crédits du titre IV de l'état B inscrits à l'article 36 du projet de loi de finances pour 2003, adopté par l'Assemblée nationale (Budget des affaires étrangères).


Nombre de votants : 317
Nombre de suffrages exprimés : 308
Pour : 145
Contre : 163

Le Sénat n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Contre : 23.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (21) :

Pour : 12.
Abstentions : 9. _ MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, François Fortassin, Dominique Larifla et Jacques Pelletier.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :
Pour : 91.
N'ont pas pris part au vote : 3. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Del Picchia.

GROUPE SOCIALISTE (82) :

Contre : 82.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (54) :

Pour : 1. _ M. Jean Arthuis.
Contre : 52.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Daniel Hoeffel, qui présidait la séance.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (41) :

Pour : 41.

SÉNATEURS NE FIGURANT SUR LA LISTE D'AUCUN GROUPE (6) :

Contre : 6.

Ont voté pour


Nicolas About
Pierre André
Jean Arthuis
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Christian Bergelin
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Joël Bourdin
Brigitte Bout
Gérard Braun
Dominique Braye
Louis de Broissia
Robert Calmejane
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Françoise Henneron
Jean-François Humbert
Bernard Joly
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Gérard Longuet
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean Louis Masson
Serge Mathieu
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Michel Pelchat
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Roger Romani
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Henri Torre


René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Serge Vinçon

Ont voté contre


Philippe Adnot
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Michèle André
Bernard Angels
Philippe Arnaud
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Denis Badré
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Michel Bécot
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Claude Belot
Maryse Bergé-Lavigne
Daniel Bernardet
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Claude Biwer
Marie-Christine Blandin
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Nicole Borvo
Didier Boulaud
Jean Boyer
Yolande Boyer
Jean-Guy Branger
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Philippe Darniche
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Sylvie Desmarescaux
Yves Detraigne
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
André Dulait
Hubert Durand-Chastel
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Serge Franchis
Jean-Claude Frécon
Yves Fréville
Bernard Frimat
Christian Gaudin
Charles Gautier
Gisèle Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jacqueline Gourault
Francis Grignon
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Odette Herviaux
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Alain Journet
Joseph Kergueris
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Claude Lise
Paul Loridant
Jean-Louis Lorrain
Hélène Luc
Brigitte Luypaert
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Michel Mercier
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Louis Moinard
René Monory
Michel Moreigne
Dominique Mortemousque
Roland Muzeau
Philippe Nogrix
Monique Papon
Jean-Marc Pastor
Anne-Marie Payet
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Jean-Marie Poirier
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Philippe Richert
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Bernard Seillier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Michel Thiollière
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
Alex Türk


Jean-Marie Vanlerenberghe
André Vantomme
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Xavier de Villepin
Jean-Paul Virapoullé
Henri Weber
François Zocchetto

Abstentions


MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, François Fortassin, Dominique Larifla et Jacques Pelletier.

N'ont pas pris part au vote


Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Del Picchia.

N'ont pas pris part au vote


MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Daniel Hoeffel, qui présidait la séance.



Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 318
Nombre des suffrages exprimés 309
Majorité absolue des suffrages exprimés 155
Pour : 145
Contre : 164

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.