SEANCE DU 25 NOVEMBRE 2002


M. le président. L'amendement n° I-51 rectifié, présenté par M. Badré et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :
« Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le chapitre II bis du titre V de la deuxième partie du code général des impôts est complété par une section VI ainsi rédigée :

« Section VI : dégrèvement en faveur
des industries techniques du cinéma

« Art. 1647 C quater - I. - A compter des impositions établies au titre de 2003, la cotisation de taxe professionnelle et des taxes annexes des industries techniques du cinéma dont la nomenclature est fixée par décret fait l'objet d'un dégrèvement pour la part de la cotisation relative à la valeur locative des matériels servant spécifiquement et exclusivement à la production d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles et à la création d'images filmées réalisées sur le territoire national et dont la liste est fixée par décret.
« Pour les impositions établies au titre de 2003, ce dégrèvement est accordé sur réclamation. Pour les impositions établies au titre de 2004 et des années suivantes, il est accordé sur demande effectuée dans la déclaration prévue à l'article 1477. La réclamation ou la demande est déposée auprès du service des impôts dont relèvent le ou les établissements auxquels les matériels spécifiques sont rattachés.
« Ce dégrèvement est égal à la cotisation de taxe professionnelle multipliée par le rapport existant entre, d'une part, la valeur locative des matériels visés ci-dessus et, d'autre part, les bases brutes totales retenues pour l'imposition.
« II. - Pour l'application du troisième alinéa du I, la cotisation s'entend de l'ensemble des sommes mises à la charge de l'entreprise figurant sur l'avis d'imposition, diminuée le cas échéant de l'ensemble des réductions et autres dégrèvements dont cette cotisation peut faire l'objet, à l'exception du dégrèvement prévu au I de l'article 1647 C, qui sera opéré, le cas échéant, après celui prévu au présent article. »
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat du I et du II est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Denis Badré !
M. Denis Badré. La France possède un capital culturel et artistique attractif. On a beaucoup parlé d'attractivité depuis le début de ce débat : en voilà un exemple concret.
Cette attractivité est forte dans le domaine cinématographique, où la France continue d'exister solidement, malgré la concurrence de la production américaine, et il est bon que cela continue.
Les industries techniques du cinéma, de l'audiovisuel et des médias se trouvent au coeur de ce qui fait ainsi une exception française.
Ces industries doivent cependant lutter contre des concurrences à l'intérieur même de notre Union européenne, où existent des incitations financières. Celles-ci peuvent prendre la forme d'économies sur les coûts de production au Royaume-Uni, d'incitation fiscale au Luxembourg, ou encore d'avances remboursables en fonction des recettes en Allemagne.
Conserver des équipements techniques performants et concurrentiels est particulièrement lourd en France pour les petites entreprises et les indépendants.
De nombreuses petites entreprises du secteur sont actuellement en difficulté. Il est donc nécessaire de prendre des mesures urgentes en faveur de ce secteur, qui concerne, je le rappelle, 25 000 emplois.
A chiffre d'affaires égal, ces industries supportent, en moyenne, une taxe professionnelle trois fois plus importante que l'ensemble des industries françaises. Cet amendement a donc pour objet de leur offrir, à l'instar de ce qui est fait pour les entreprises de presse, soit une exonération de taxe professionnelle compensée par l'Etat, soit la création d'un crédit d'impôt.
Le coût de cette mesure serait de l'ordre de 20 millions d'euros à compter de 2003.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'amendement qui a été présenté par Denis Badré vise à faire bénéficier les industries techniques du cinéma et de l'audiovisuel d'avantages analogues, en matière de taxe professionnelle, à ceux dont bénéficient déjà les entreprises de presse.
Ces industries techniques du cinéma, nous le savons, connaissent une situation souvent difficile, en particulier du fait de la concurrence des producteurs et des centres spécialisés des pays de l'Est ainsi que d'autres pays, qui interviennent souvent par le biais de subventions afin d'améliorer la position compétitive de leurs acteurs locaux.
Le dégrèvement ici proposé est-il à la mesure des problèmes structurelles de la profession ? La commission n'en est pas certaine.
Elle s'interroge en outre sur l'opportunité de créer de nouveaux dégrèvements et, sur le plan du droit communautaire, sur le caractère explicitement national de ce dispositif, qui pourrait être de nature à nous créer quelques ennuis si des actions étaient entreprises par des professionnels d'autres Etats de l'Union européenne.
Pour l'ensemble de ces raisons, il ne nous semble pas que le dispositif soit pleinement satisfaisant, ce qui n'empêche pas la commission de souligner la réalité du problème posé et de souhaiter que des solutions y soient apportées.
Sous réserve de l'avis du Gouvernement, la commission souhaite le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Le Gouvernement n'est pas d'un avis très différent de celui du rapporteur général même s'il souhaite saluer la volonté de Denis Badré de soutenir les entreprises du secteur des industries culturelles.
Toutefois, j'assimilerai le dispositif proposé par Denis Badré à celui des armateurs, qui en son temps avait fait l'objet d'un accord de la Commission européenne et qui, aujourd'hui, semble être perçu comme une aide d'Etat, pour laquelle une autorisation préalable serait nécessaire.
De toute façon, il me semble dangereux pour l'équilibre des finances publiques de créer un dégrèvement supplémentaire de taxe professionnelle pris en charge par l'Etat pour tenir compte des difficultés conjoncturelles d'un secteur d'activité particulier.
Cela me conduit, monsieur Badré, à vous demander de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi je serai obligé d'émettre un avis défavorable.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Badré ?
M. Denis Badré. M. le rapporteur général a déclaré que la mesure ne serait pas à la hauteur du problème, ce qui signifie qu'il y a bien un problème ; or, quand il y a un problème, il vaut mieux avancer un peu que pas du tout ! Je ne suis donc pas tout à fait convaincu par cet argument.
Cela dit, je pense que, pour tout ce qui touche à la compétitivité, le côté psychologique est important et que, dans le domaine qui nous occupe, qui est un domaine culturel, les incitations ont valeur de symbole. Le fait d'apporter une aide témoignerait de la volonté du Gouvernement de soutenir ce secteur de notre activité nationale, qui est en butte non seulement à la concurrence américaine mais aussi à celle de certains de nos partenaires européens ou à celle de pays de l'Est, futurs membres de l'Union européenne.
A M. le ministre qui invoquait les difficultés que nous pourrions rencontrer avec Bruxelles, qui nous reprocherait d'accorder des aides d'Etat, je rappellerai que trois ou quatre pays de l'Union dispensent déjà de telles aides ; il s'agit notamment, comme je l'ai dit tout à l'heure, du Royaume-Uni et de l'Allemagne.
Il y a là un vrai problème. Aussi, je souhaiterais que, à défaut d'accepter le débat sur cet amendement, monsieur le ministre, vous preniez l'engagement d'y apporter une solution. La France doit continuer d'être présente sur le terrain.
Cela me paraît vital pour que l'exception culurelle française puisse s'appuyer sur une réalité, sur un secteur performant et original.
Cela dit, je retire mon amendement, la mort dans l'âme.
M. le président. L'amendement n° I-51 rectifié est retiré.

Article 11