SEANCE DU 22 NOVEMBRE 2002


M. le président. « Art. 2. - I. - Le I de l'article 197 du code général des impôts est ainsi modifié :
« 1. Le 1 est ainsi rédigé :
« 1. L'impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 4 191 EUR le taux de :
« - 7,05 % pour la fraction supérieure à 4 191 EUR et inférieure ou égale à 8 242 EUR ;
« - 19,74 % pour la fraction supérieure à 8 242 EUR et inférieure ou égale à 14 506 EUR ;
« - 29,14 % pour la fraction supérieure à 14 506 EUR ert inférieure ou égale à 23 489 EUR ;
« - 38,54 % pour la fraction supérieure à 23 489 EUR et inférieure ou égale à 38 218 EUR ;
« - 43,94 % pour la fraction supérieure à 38 218 EUR et inférieure ou égale à 47 131 EUR ;
« - 49,58 % pour la fraction supérieure à 47 131 EUR. » ;
« 2° Au 2, les sommes : "2 017 EUR", "3 490", "964 EUR" et "570 EUR" sont remplacés respectivement par les sommes : "2 051 EUR", "3 549 EUR", "980 EUR" et "580 EUR" ;
« 3° Au 4, la somme : "380 EUR", est remplacée par la somme : "386 EUR".
« II. - Au deuxième alinéa de l'article 196 B du même code, la somme : "3 824 EUR", est remplacée par la somme : "4 137 EUR." »
La parole est à M. Thierry Foucaud, sur l'article.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 2 du projet de loi de finances, comme c'est souvent le cas, porte sur le barème de l'impôt sur le revenu.
Le barème, tel qu'il se présente dans le cadre de cet article, intègre pleinement les effets de la ristourne sur facture accordée à l'issue de la promulgation du collectif de cet été, effets quelque peu majorés par un coup de pouce supplémentaire affectant les taux d'imposition.
Une certaine presse ne s'y est d'ailleurs pas trompée, en évoquant clairement le fait que le taux d'imposition de la tranche supérieure du barème passait sous la barre des 50 %.
Cela étant dit, l'autre barre des 50 % n'est pas, pour sa part, aussi souvent évoquée : la moitié des foyers fiscaux, c'est-à-dire des millions de contribuables, sont en effet, en raison d'une insuffisance manifeste de ressources, exonérés d'impôt.
De fait, l'orientation fixée par l'article 2 du présent projet de loi de finances présente plus d'un défaut.
Elle contribue à réduire à la portion congrue l'impôt progressif, laissant une place de plus en plus grande aux droits indirects.
Elle contribue également à faire de la contribution sociale généralisée, la CSG, le véritable impôt sur le revenu, proportionnel au demeurant, touchant plus largement chaque contribuable et pour un rendement autrement plus spectaculaire que celui qui résulte de l'impôt progressif, puisqu'il s'en faut désormais de 10 milliards d'euros pour que les cotisations perçues soient équivalentes.
A force de polariser l'attention sur le barème de l'impôt, on en oublie le véritable débat : celui qui porte sur l'assiette même de l'impôt et qui, de fait, en restreint dangereusement le rendement.
Quand à peu près 85 % de l'assiette de l'impôt sur le revenu sont constitués par les salaires ou revenus assimilés et les pensions et retraites, chacun mesure aisément que toute baisse des taux du barème n'est pas une avancée de la justice sociale et fiscale !
Aussi, agir sur les taux ne suffit pas.
Il convient de poser, encore une fois, la question de la prise en compte des revenus du capital et du patrimoine dans l'assiette de l'impôt, dans un véritable respect du principe constitutionnel d'égalité devant l'impôt.
Nous pourrions être ouverts à toute réduction des taux d'imposition, respectant, au demeurant, la progressivité et l'efficacité de l'impôt, si, dans le même temps, des efforts étaient accomplis pour une extension de son assiette, mettant notamment fin au principe des prélèvements libératoires qui sont autant de niches fiscales fort coûteuses, qui ne profitent d'ailleurs qu'à proportion de ce que chaque contribuable peut consacrer aux placements concernés.
C'est pourquoi nous sommes partisans d'une pause dans le mouvement de réduction des taux du barème et nous proposerons, autour de cet article 2, de substituer à la mesure préconisée un certain nombre de mesures ciblées, plus en prise avec les exigences de la justice fiscale et de l'efficacité économique.
Telles sont les quelques observations que nous souhaitions formuler à l'occasion de l'examen de cet article 2, qui porte sur l'impôt sur le revenu.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-57, présenté par MM. Miquel, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Haut, Lise, Marc, Massion, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« A. - Rédiger comme suit le texte proposé par le 1° du I de cet article pour le 1 du I de l'article 197 du code général des impôts :
« 1. L'impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 4 191 EUR le taux de :
« - 7,5 % pour la fraction supérieure à 4 191 EUR et inférieure à 8 242 EUR ;
« - 21 % pour la fraction supérieure à 8 242 EUR et inférieure à 14 506 EUR ;
« - 31 % pour la fraction supérieure à 14 506 EUR et inférieure à 23 489 EUR ;
« - 41 % pour la fraction supérieure à 23 489 EUR et inférieure à 38 218 EUR ;
« - 46,75 % pour la fraction supérieure à 38 218 EUR et inférieure à 47 131 EUR ;
« - 52,75 % pour la fraction supérieure à 47 131 EUR. »
« B. - Pour compenser la perte de recettes résultant du A ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes pour l'Etat résultant de la modification du barême de l'impôt sur le revenu prévu au 1 du I de l'article 197 du code général des impôts est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-93 rectifié, présenté par MM. Moreigne, Miquel, Massion, Sergent, Demerliat, Charasse, Lise, Haut, Marc, Angels, Auban, Courteau et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« I. - Remplacer les taux prévus au 1° du I de cet article respectivement par les taux suivants : "7,13 %, 19,95 %, 29,45 %, 38,95 %, 44,41 %, 50,11 %".
« II. - Après le II de cet article, ajouter un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - La dotation globale de fonctionnement des départements est majorée en 2003 de 500 millions d'euros. Ce montant évolue à compter de 2004 et les années suivantes comme la dotation globale de fonctionnement. Il est réparti entre les départements dans les conditions déterminées au II de l'article L. 232-21 du code de l'action sociale et des familles. »
« III. - Compléter in fine cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Les pertes de recettes éventuelles résultant de la majoration de la dotation globale de fonctionnement des départements, en dépit de la suppression de l'allègement de l'impôt sur le revenu, sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle au droit de consommation sur les tabacs visé à l'article 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-130, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit les deux derniers alinéas du 1° du paragraphe I de cet article :
« - 48 % pour la fraction supérieure à 38 218 EUR et inférieure à 47 131 EUR ;
« - 54 % pour la fraction supérieure à 47 131 EUR ; ».
La parole est à M. François Marc, pour présenter les amendements n° I-57 et I-93 rectifié.
M. François Marc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après la baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu votée dans le collectif budgétaire de 2002, le Gouvernement propose une nouvelle baisse de 1 % dans le projet de loi de finances pour 2003.
A nos yeux, ces baisses d'impôt sur le revenu proposées et mises en oeuvre par le Gouvernement sont socialement injustes et économiquement inefficaces. Alors qu'elles ont un coût budgétaire supérieur à 4,6 milliards d'euros, elles ne concernent que la moitié des ménages fiscaux redevables de cet impôt et les ménages les plus aisés.
En fait, l'objet principal, éminemment symbolique, de ces mesures gouvernementales est de faire passer le taux applicable à la dernière tranche de l'impôt sur le revenu en dessous de 50 %. Mais, si ce symbole est régulièrement mis en avant par la droite pour tenter de faire croire aux Français qu'ils sont soumis à des prélèvements supérieurs à la moitié de leurs revenus, rien n'est plus faux, puisque le taux de 50 % ne s'applique qu'à la tranche supérieure des revenus. Contrairement à ce qui est souvent affirmé, l'impôt sur le revenu est, en France, loin d'être le plus élevé par rapport aux autres pays.
De plus, comme ces baisses d'impôt s'adressent à la partie de la population qui a une tendance à épargner supérieure à la moyenne et qu'elles s'inscrivent dans un contexte budgétaire difficile - vous êtes bien placé pour le savoir, monsieur le ministre -, elles ne viendront soutenir la consommation des ménages que très marginalement, alors qu'il faudrait, au contraire, la stimuler franchement pour relancer la croissance économique.
La nécessité de la baisse d'impôt proposée par ce projet de loi de finances est d'autant moins grande qu'une baisse différenciée de l'ensemble des tranches de l'impôt sur le revenu est intervenue sur trois ans à compter de 2001 et qu'elle avait été intégrée dans le plan de réforme et d'allégement de la fiscalité qui comprenait également la baisse de nombreux prélèvements pesant sur les personnes non imposables et la mise en place de la prime pour l'emploi.
Et je ne parle pas du fait que, cette baisse étant uniforme, elle nuit à la progressivité de l'impôt, qui est, jusqu'à nouvel ordre, l'un des principes fondamentaux de la fiscalité républicaine.
En conséquence, nous vous proposons de mettre fin à ces nouveaux allégements fiscaux au profit de mesures visant plus spécifiquement à assurer le financement des dépenses de l'Etat en faveur des ménages modestes.
J'en viens à l'amendement n° I-93 rectifié, qui aborde la question du financement de l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA. Présenté sur l'initiative de Michel Moreigne, sénateur de la Creuse, cet amendement tend à supprimer la baisse de 1 % de l'impôt sur le revenu et, en contrepartie, à compenser aux départements la moitié du surcoût de l'APA par rapport aux prévisions.
Le principe du financement de l'APA repose sur une participation à parts égales - 50-50 - entre l'Etat et les départements. Les départements versent l'APA aux personnes âgées dépendantes et sont ensuite remboursés d'une partie de ces dépenses par l'Etat.
Sous le gouvernement de Lionel Jospin, particulièrement soucieux de l'équilibre des finances des départements, l'Etat s'était engagé à financer, à parité avec les départements, tout surcoût éventuel de l'APA par rapport aux prévisions initiales. Cet engagement doit être respecté aujourd'hui. Dans le cas contraire, l'APA devrait être remise en cause, au moins partiellement. Or chacun s'accorde à considérer qu'il s'agit d'une avancée sociale formidable, et singulièrement justifiée au regard du vieillissement de la population. En outre, les impôts des départements qui - je n'apprends rien à personne - sont injustes et archaïques devraient être considérablement augmentés.
Le Gouvernement et la droite veulent nous faire croire que le financement de l'APA n'était pas assuré. C'est absolument faux. C'est le Gouvernement qui, aujourd'hui, en allégeant l'impôt sur le revenu, supprime une partie de la participation de l'Etat au financement de l'APA.
La mesure de baisse de l'impôt sur le revenu aura un coût d'environ 500 millions d'euros en 2003, et je ne parle pas des 2,55 milliards d'euros de la baisse de 2002. Or, pour respecter son engagement envers les départements, l'Etat devrait y consacrer à peu près 500 millions d'euros. Le Gouvernement nous fait de grands discours sur la décentralisation et l'autonomie financière des collectivités, mais ses propos ne sont pas en cohérence avec ses actes. Afin de respecter les promesses « mirobolantes » - je cite M. François Bayrou - du candidat Chirac, le Gouvernement baisse l'impôt sur le revenu et fait directement porter le coût de cette baisse sur les départements en leur refusant les financements auxquels ils ont droit.
Si cet amendement n'était pas adopté, les départements devraient créer un « impôt Raffarin » pour financer la baisse de l'impôt sur le revenu décidée par le Président de la République.
En outre, la baisse de l'impôt sur le revenu, qui est un impôt juste, car principalement payé par les Français les plus aisés, serait compensée par une hausse des impôts locaux qui, eux, sont particulièrement injustes, car dégressifs par rapport aux revenus.
Tels sont les arguments qui justifient le dépôt de cet amendement, dont l'objet est d'apporter une aide au financement de l'APA par les départements. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour présenter l'amendement n° I-130.
M. Thierry Foucaud. Cet amendement répond à deux exigences : d'une part, la réduction du déficit de l'Etat et, d'autre part, la justice fiscale et sociale. En effet, en proposant, comme nous le faisons, de geler les taux d'imposition des deux tranches les plus élevées du barème progressif, nous permettons de dégager quelques marges de manoeuvres financières pour l'Etat, susceptibles d'être utilisées à bon escient et de favoriser, par exemple, la poursuite de telle ou telle politique de solidarité nationale. En effet, il ne faut pas le cacher, la mesure que nous préconisons est susceptible de réduire sensiblement le coût de la baisse de l'impôt pour les finances publiques et donc de dégager sans doute des marges de manoeuvre de l'ordre de 1,5 milliard d'euros.
Au-delà de l'examen de notre proposition, ce qui est en question, c'est bel et bien le fait que l'impôt sur le revenu est profondément marqué, dans notre pays, par une forte concentration des revenus imposables sur les plans tant sociologique que géographique, notamment. J'en veux pour preuve que plus de 50 % des contribuables sont aujourd'hui exonérés de toute imposition et que ce taux est même supérieur à 60 % dans nombre de départements, de villes ou de quartiers de notre pays. Ainsi, d'après mes renseignements, plus de quinze départements, y compris des départements fortement urbanisés, comptent aujourd'hui moins de 40 % de contribuables effectivement imposés.
Quand on y regarde de plus près, on constate que l'impôt sur le revenu est un impôt assez nettement parisien, comme peuvent l'être la taxe professionnelle, la taxe sur la valeur ajoutée ou l'impôt sur les sociétés. En effet, sept des huit départements de la région d'Ile-de-France sont en tête du classement pour l'importance du revenu moyen par foyer fiscal.
S'agissant maintenant de la baisse de l'impôt, elle est assez fortement concentrée sur le million de contribuables, ou peu s'en faut, qui acquittent un montant d'impôt supérieur à 7 500 euros et qui ont été et seront les principaux bénéficiaires de la mesure. Rassurez-vous, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne préconisons pas de peser de manière excessive sur le fruit du travail de chacun. Mais force est de constater que les efforts du Gouvernement ne visent qu'une infime partie des assujettis, ceux dont le revenu total comporte souvent bien d'autres éléments que le simple revenu d'activité.
Cependant, nous estimons que la réalité de l'impôt sur le revenu appelle clairement d'autres solutions que celle qui consiste à en écraser le caractère redistributif, comme le prévoit la rédaction actuelle de l'article 2. De surcroît, ainsi que nous l'avons déjà indiqué, nous croyons, en la matière, à des mesures plus ciblées, portant par exemple sur l'assiette - que ce soit sur son extension ou sur sa redéfinition -, plutôt qu'à une mesure générale qui ne profite, finalement, qu'à quelques centaines de milliers de contribuables.
Tel est donc le sens de l'amendement n° I-130.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. La commission émet évidemment un avis défavorable sur ces trois amendements.
Chers collègues du groupe socialiste et du groupe CRC, vraiment, vous nous semblez être de mauvais perdants ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) La politique qui avait vos faveurs a été expérimentée pendant cinq années. Alors, souffrez que l'on utilise d'autres voies, que l'on s'exprime différemment et que l'on affiche d'autres priorités !
Le débat sur l'impôt sur le revenu a eu lieu pendant la discussion du collectif budgétaire de l'été dernier. Pourquoi le recommencer ? Tous les arguments nécessaires d'ordre économique et social en faveur de la politique de baisse des prélèvements obligatoires, et plus particulièrement de l'impôt sur le revenu, vous ont déjà été donnés.
Selon la majorité de la commission, les mesures que prend le Gouvernement vont dans le bon sens, celui de la baisse des prélèvements obligatoires et de la motivation de ceux qui, dans l'économie, peuvent, par leur comportement et par la confiance qu'ils sont susceptibles d'avoir dans l'évolution de notre économie et dans le potentiel de notre pays, faire bouger les choses et être à l'origine de décisions positives pour l'emploi et pour l'investissement. Telle est la véritable justification, de nature psychologique, de cet ajustement en baisse pour 2003 de l'impôt sur le revenu.
La mesure dont il s'agit, vous le savez, pérennise la décision prise dans le collectif budgétaire de l'été dernier et l'améliore à la marge, c'est-à-dire seulement de 1 %.
En ce qui concerne l'amendement n° I-93 rectifié, qui mêle l'appréciation de la politique fiscale à la préoccupation justifiée des départements quant au financement de l'allocation personnalisée d'autonomie, la commission souhaite interroger le Gouvernement, mais rappelle qu'un groupe de travail réunissant les représentants de l'Etat et des conseils généraux vient d'être mis en place pour savoir quelles perspectives tracer.
Voilà quelques jours, dans cet hémicycle, lors du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, la question de l'évolution de l'allocation personnalisée d'autonomie a été posée. M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées, s'est exprimé. De nombreux sénateurs ont fait part de leurs inquiétudes au sujet tant des finances locales que de la situation sociale dans notre pays.
Vouloir mêler, par un amendement dans lequel figurent des éléments de nature extrêmement différente, votre appréciation politiquement défavorable - ce que je comprends, c'est votre droit ! - de la baisse de l'impôt sur le revenu et la prise en compte des difficultés réelles que rencontre chaque département pour le financement de l'APA, c'est, à mon avis, procéder à un amalgame assez douteux.
L'allocation personnalisée d'autonomie va certainement dans le sens d'une attente du corps social. Néanmoins, nous sommes fondés à considérer qu'elle a été mise en place sans véritable effort de prévision et sans qu'aient été correctement anticipées toutes ses conséquences.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Très juste !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Si les choses avaient été correctement faites par la précédente majorité, sans doute ne rencontrerions-nous pas les difficultés que nous connaissons aujourd'hui, notamment dans les départements les plus pauvres du point de vue du potentiel fiscal. Je pense en particulier au département de la Creuse, dont M. Moreigne est l'un des élus et que la commission a évoqué ce matin au cours de sa réunion.
Des élus de toutes tendances, en effet, mes chers collègues, observent aujourd'hui que l'allocation personnalisée d'autonomie perturbe considérablement les perspectives financières de leur collectivité. Mais sans doute ne le constateraient-ils pas si, à l'époque de la création de cette allocation, on avait eu une vue plus responsable de l'évolution de nos finances publiques. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Ma réponse portera dans un premier temps sur les deux amendements qui traitent de l'impôt sur le revenu et, dans un second temps, sur l'amendement qui vise l'APA. Ce faisant, je répondrai également à M. Thierry Foucaud, qui s'est exprimé sur un plan plus général.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l'honneur de la politique est de ne pas esquiver les différences. Or il y a à l'évidence une différence totale entre l'appréciation que peuvent porter les groupes socialiste et CRC sur l'impôt sur le revenu et la nôtre.
Après M. le rapporteur général - et moins bien que lui, ce dont je vous prie de m'excuser -, je voudrais vous dire que je suis intimement convaincu, et le Gouvernement avec moi, que le poids des prélèvements obligatoires dans notre pays est l'un des freins à son développement, l'un des freins à l'emploi. Il faut donc assumer cette conclusion dès lors qu'on l'a tirée et travailler à la baisse de l'impôt sur le revenu.
Cette baisse de l'impôt sur le revenu, dites-vous, serait injuste. Avez-vous conscience, mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition, que le gouvernement que vous avez soutenu a accru de manière excessive la progressivité de l'impôt sur le revenu ? La politique qu'il a menée en la matière était quasiment une invitation à l'expatriation adressée à ceux de nos compatriotes qui, parce qu'ils avaient acquis une formation, parce qu'ils avaient acquis une compétence, parce qu'ils avaient acquis une grande efficience, disposaient en effet d'un niveau de revenus que chacun ici peut envier.
La politique du Gouvernement est exactement contraire à celle que vous avez soutenue : elle invite tous ceux qui veulent entreprendre dans notre pays, tous ceux qui veulent réussir, tous ceux qui veulent créer des emplois, tous ceux qui sont porteurs de développement, à rejoindre bien vite notre territoire pour l'aider à se développer, pour l'aider à réussir, pour l'aider à créer de la richesse, seul gage du progrès social.
M. Denis Badré. Très bien !
M. Alain Lambert, ministre délégué. Dès lors, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement assume, et avec fierté, ses choix politiques, ce qui me conduit à émettre sans ambiguïté un avis défavorable sur ces deux amendements, puisque j'ai conscience que je ne peux décemment proposer à leurs auteurs de les retirer.
S'agissant de l'équité - valeur qui nous habite tous, et tous pareillement, j'en suis convaincu -, je vous ferai remarquer que cette baisse s'applique aux seuls revenus du travail et que, pour cette raison, ses modalités n'ont pas été prévues, par exemple, pour les plus-values ou pour les revenus de placements financiers - M. le rapporteur général le soulignait à l'instant. Je crois que tous les Français, quand bien même ils ne sont pas redevables de l'impôt sur le revenu, comprennent que cette baisse est souhaitable.
J'émets donc un avis défavorable sur les amendements n°s I-57 et I-130.
J'en viens à l'amendement n° I-93 rectifié. Je sais à quel point l'allocation personnalisée d'autonomie est un sujet sensible, et je ne peux, étant moi-même élu local, ignorer les conséquences de cette disposition.
Vous proposez, si je ne déforme pas votre amendement, mes chers collègues, de majorer de 500 millions d'euros la dotation globale de fonctionnement, ou DGF, des départements pour compenser partiellement le coût qui résulte, pour les collectivités, de la mise en place de l'APA, coût qui, soit dit en passant, fut assez mal estimé lorsque cette allocation fut instaurée. Je le précise à l'intention de François Marc, qui, avec la délicatesse et la courtoisie qui sont les siennes, semblait vouloir en faire reposer la responsabilité sur le présent gouvernement. Celui-ci, s'il assume toutes ses responsabilités, souhaite simplement que le précédent gouvernement veuille bien également reconnaître que, dans ses estimations du coût de l'APA, il n'a pas tout à fait « tapé dans le mille », comme l'on dit dans mon pays. Soit dit entre nous, il a plutôt tapé à côté et, malheureusement, dans le mauvais sens pour les collectivités locales !
Les départements sont confrontés à des difficultés financières considérables. Le Gouvernement en est tout à fait conscient, au point que le Premier ministre a souhaité que le ministre des affaires sociales engage une concertation avec les représentants des conseils généraux pour définir les modalités de financement du surcoût de l'APA, et il serait sans doute prématuré de préjuger les résultats de ces discussions. C'est en me fondant sur ce dernier aspect - puisque les deux premiers nous séparent de manière irrémédiable - que je vous demanderai de retirer votre amendement, monsieur le sénateur, d'autant que cette question pourra être de nouveau évoquée mardi, lors du débat sur les finances locales.
En tout état de cause, la répartition entre le département et l'Etat des charges résultant de l'APA ne peut pas être résolue, et vous le savez bien, par l'impôt sur le revenu. En revanche, je comprends que vous ayez exprimé votre préoccupation à ce sujet.
Je vous propose donc de retirer l'amendement n° I-93 rectifié ; à défaut, je serai obligé d'émettre un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Masseret, pour explication de vote sur l'amendement n° I-57.
M. Jean-Pierre Masseret. Je soutiendrai les deux amendements que vient de présenter François Marc, mais je répondrai également à Philippe Marini et au ministre.
Monsieur le rapporteur général, nous avons bien pris acte du résultat des élections des mois de mai et juin derniers, car nous sommes d'excellents démocrates. Pour autant, faut-il que nous fassions silence sur certains sujets qui nous préoccupent ? Nous avons bien le droit de dire au Gouvernement que nous sommes en désaccord avec sa proposition de réduire l'impôt sur le revenu !
Nous pensons, en effet, que ce choix n'est pas un bon choix. Nous ne sommes pas convaincus par les arguments que vous avancez pour le justifier, notamment par celui que vous développez avec le plus de force : le risque d'assister à une fuite des cerveaux, et donc le handicap que représenterait l'impôt sur le revenu pour la compétitivité de la France. Vous nous avez accusés d'avoir, au cours des dernières années, accru la pression fiscale, notamment sur le revenu. Nous observons cependant que le taux de croissance de la France a été, dans le même temps, supérieur à celui qu'ont enregistré nos voisins et compétiteurs les plus proches. Cet argument n'est donc pas probant.
Par ailleurs, nous considérons qu'il est plus urgent pour la société française que cet argent soit utilisé pour financer, par exemple, la formation professionnelle, l'insertion professionnelle, le développement du logement, la politique de la ville, la politique des sports, plutôt que pour réduire la participation d'une petite fraction de nos concitoyens aux dépenses d'intérêt général. Nous maintenons donc notre orientation et notre jugement.
S'agissant de l'APA, que voulons-nous dire à travers cet amendement ? Nous constatons que le coût réel de l'allocation est supérieur aux prévisions. Mais, monsieur le ministre, j'ai eu moi-même l'occasion, dans une vie antérieure encore assez récente, d'être confronté à ce genre de situation. Lorsque, secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants, je préconisais telle mesure présentant un intérêt financier pour ses bénéficiaires, on me répondait fréquemment qu'elle ne concernerait probablement que 2 000 ou 3 000 personnes. Mais, au moment de sa mise en oeuvre concrète, c'étaient 10 000 ou 12 000 personnes qui étaient concernées ! Il n'est donc pas anormal que l'estimation du coût de la dépense n'ait pas été précise ni parfaite. Il en va toujours ainsi, me semble-t-il !
Pour ce qui est de l'APA, le précédent gouvernement a repris le coût du dispositif antérieur et a voulu partager également le surcoût entre les collectivités et l'Etat. Notre amendement vise uniquement à mettre ce dispositif en oeuvre.
Jean-Marc Pastor, sénateur du Tarn, me faisait remarquer à l'instant que la mise en place de l'APA avait représenté dans son département une augmentation de la pression fiscale de 27 %. On peut donc comprendre que la charge soit importante pour les départements. Il est par conséquent légitime que ce surcoût soit équitablement partagé entre l'Etat et les départements. C'est ce qui nous conduit à soutenir que, sans la baisse de l'impôt sur le revenu, les finances locales auraient plus facilement pu prendre en compte cette juste répartition des charges.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles le groupe socialiste a défendu - et maintiendra - ces deux amendements.
M. le président. La parole est à M. Denis Badré, pour explication de vote.
M. Denis Badré. Mes chers collègues, il ne vous étonnera pas que je m'oppose aux amendements déposés par le groupe socialiste et défendus avec le talent qu'on leur connaît par MM. Marc et Masseret.
Je suis intervenu hier, dans la discussion générale, pour souligner que servir la compétitivité de la France était le meilleur service à rendre aux Français et à l'emploi des Français. Aujourd'hui, j'y insiste. Je rappelle que M. Michel Charzat, dans le rapport qu'il a déposé à la demande du gouvernement précédent, a abouti aux mêmes conclusions que le rapport sénatorial sur la mondialisation, et je pense qu'il avait raison.
Le gouvernement précédent, alors qu'il en aurait peut-être davantage eu les moyens, alors que les marges de manoeuvre existantes étaient un peu plus importantes il y a encore un an, n'a pas su s'engager dans la voie de la baisse de l'impôt sur le revenu. Aujourd'hui, bien que la situation soit plus difficile, le Gouvernement nous propose de faire un premier pas dans ce sens. C'est un signe qu'il adresse aux Français - aux Français de France, aux étrangers qui pourraient être tentés de travailler en France, aux Français de France qui auraient la tentation de quitter leur pays - pour montrer sa réelle volonté de servir la compétitivité du pays.
Je rappelle que les socio-démocrates allemands eux-mêmes ont modifié dans ce sens leur barème de l'impôt sur le revenu. Je rappelle également que l'on entend fréquemment que « trop d'impôt tue l'impôt ». Pour être pragmatique, je dirai que, lorsque le seuil de l'imposition devient intolérable au point de faire partir un contribuable, ce dernier ne paie plus rien. Il est donc préférable de ne pas lui demander cet effort supplémentaire plutôt que de l'inciter à ne rien payer du tout et, pis, à partir à l'étranger avec sa capacité à créer de l'activité et de l'emploi, donc à susciter d'autres emplois, de la consommation, de l'activité qui, elle-même, serait productrice de toute une série d'autres impôts...
C'est pourquoi, de façon évidente et sans état d'âme, je m'oppose aux amendements socialistes et me tourne de nouveau vers le Gouvernement pour réaffirmer que cet article va dans le bon sens. Je souhaiterais même qu'à l'avenir on puisse aller le plus loin possible dans cette voie.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. Je suis naturellement d'accord avec les arguments développés par mon groupe à l'appui de ces amendements.
Toutefois, je voudrais dire un mot de la baisse des impôts elle-même, sans aborder l'APA, qui a été traitée par mon ami Jean-Pierre Masseret.
Monsieur le ministre, je vous l'ai dit souvent en d'autres circonstances : ne vous faites pas d'illusions, la politique de baisse des impôts ne rapporte rien politiquement. C'est une illusion que de croire le contraire parce que, lorsqu'on baisse l'impôt, ce n'est jamais assez, c'est toujours trop tard, et ceux qui n'ont rien sont furieux parce qu'ils n'ont rien. On se souvient toujours plus des 100 francs supplémentaires qu'on a réclamés un jour que du franc supplémentaire qu'on a un jour remboursé ! (Sourires.)
Je crois que baisser l'impôt sur le revenu, baisser un impôt d'ailleurs, baisser les impôts en général, avec des déficits qui s'accroissent ou qui menacent - je ne vous fais pas grief de ne pas essayer de les contenir, monsieur le ministre -, cela laisse les Français dans l'illusion qu'on peut diminuer les prélèvements sans leur demander les sacrifices qu'impose la réduction des déficits et donc des dépenses publiques.
M. Badré a évoqué, voilà un instant, la perte de compétitivité, qui est un vrai problème.
Est-ce parce qu'il y a trop d'impôts ?
Non, c'est parce qu'il y a trop de dépenses pour une si faible croissance. Ce n'est pas la même chose.
M. Denis Badré. Ce sont les deux à la fois !
M. Michel Charasse. L'impôt et les prélèvements, mes chers collègues, ne sont que la conséquence et non la cause. Nous qui sommes quasiment tous élus locaux dans cette assemblée, nous savons bien que, lorsque nous établissons nos budgets locaux, nous terminons toujours par le vote de l'impôt pour équilibrer les dépenses et les recettes.
Dès lors, monsieur le ministre, cher ami Alain Lambert, je suis philosophiquement contre ce type de démarche quand elle se place dans le contexte difficile que nous connaissons actuellement et qu'elle ne s'accompagne pas par ailleurs des tours de vis qui sont nécessaires.
Pour autant, ne me faites pas dire ce que je ne dis pas ! Je sais très bien que, dans une période où les recettes fiscales s'effondrent, il est très difficile de tenir les équilibres et le déficit. Je dis d'ailleurs en passant que la seule obligation légale du Gouvernement est de tenir le déficit. En effet, lorsque nous votons la loi de finances, nous votons des plafonds de dépenses qui sont des autorisations de dépenses, mais pas des obligations de dépenses.
M. Henri de Raincourt. Le ministre l'a opportunément rappelé hier !
M. Michel Charasse. D'ailleurs, si nous étions dans un système d'obligation de dépenses, nous serions obligés les uns et les autres de saturer tous nos budgets locaux, c'est-à-dire de vider tous nos chapitres budgétaires.
En revanche, le Gouvernement a un devoir sacré, celui de contenir le déficit tel que nous le votons et même de le faire baisser. Je ne lui fais pas de procès ; je fais simplement remarquer que j'ai toujours été contre la baisse des impôts.
Pour conclure, je dirai que, lorsque j'étais moi-même en charge des responsabilités qui sont celles d'Alain Lambert aujourd'hui, sous le gouvernement de Pierre Bérégovoy, nous avons baissé de plus de 100 milliards de francs la TVA, en réajustant les taux notamment. Cela ne nous a pas empêchés d'être piteusement battus aux élections en 1993 ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il est heureux que notre discussion budgétaire commence sur des sujets aussi fondamentaux et que nous exposions ainsi nos convictions respectives.
M. Charasse nous dit que la baisse des impôts ne rapporte rien.
M. Michel Charasse. Politiquement !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mais, mon cher collègue, le Gouvernement n'a pas une démarche électoraliste ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Il n'y a pas d'élections demain matin. La politique de baisse des prélèvements obligatoires s'inscrit dans une politique structurelle.
M. Claude Estier. C'était bien une promesse électorale !
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est un processus de transformation qui est en train de se mettre en oeuvre, difficilement, certes, parce que les marges de manoeuvre sont réduites, mais c'est avant tout un processus de transformation des états d'esprit.
Vous nous dites, monsieur Charasse, que, tant qu'il y a un déficit, il faudrait laisser s'accroître la matière fiscale et augmenter les taux des impôts, si j'ai bien compris votre propos.
M. Michel Charasse. Pas s'accroître !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Disons qu'il ne faudrait envisager aucune baisse d'impôt tant qu'il y a un déficit.
M. Michel Charasse. Voilà !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ne croyez-vous pas, cher collègue, compte tenu de l'approche de rigueur qui est la vôtre en matière de dépenses publiques, qu'une bonne façon de contraindre les dépenses publiques consiste à réduire les recettes ? En effet, si l'on s'engage à réduire les recettes de façon méthodique, pas à pas, dans le cadre d'une politique de baisse des prélèvements obligatoires sur la durée et si, par ailleurs, on contient, comme nous le ferons, le déficit, tout naturellement on en vient à réduire, dans la durée mais substantiellement, la dépense publique.
Vous savez comme moi et comme tous ceux qui gèrent des budgets que l'on ne fait de gestion correcte que sous contrainte. Lorsque l'on peut faire des largesses, lorsque les conditions de l'équilibre sont relativement faciles ou lorsque l'on s'accorde des moyens en puisant dans la poche des différentes catégories de contribuables, on ne fait pas d'effort pour réformer ou pour réorganiser.
Je crois donc que c'est l'honneur du nouveau gouvernement que de se placer dans cette dynamique, assortie de cette discipline. Voici un gouvernement qui, oui, choisit la difficulté par la politique qu'il engage, mais ce choix me paraît être porteur de réformes, porteur d'améliorations et porteur de compétitivité pour notre pays.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Lambert, ministre délégué. L'intervention de Michel Charasse mérite que l'on y fasse écho. Lorsqu'on a l'expérience de la vie locale - nous sommes nombreux à la partager -, on sait très bien que la baisse des impôts n'a pas de valeur électorale garantie. La démarche du Gouvernement - je confirme sur ce point les propos de M. le rapporteur général - ne s'inscrit absolument pas dans cette voie.
Si j'ai souhaité reprendre la parole, c'est pour parler de la dépense. Vous avez eu raison de souligner que les prélèvements ne sont que le reflet - insuffisant, d'ailleurs, puisque nous sommes en déficit - de la dépense. Cela fait écho aux sujets qui ont été évoqués tout à l'heure à propos de l'APA, et je sais à quel point cette question préoccupe Henri de Raincourt.
Cela me conduit à vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Sénat doit se fixer comme but d'être le rempart contre la dépense. C'est le plus éminent service qu'il pourra rendre à la France.
Comme M. le rapporteur général vient de le dire, si nos méthodes visent en permanence à décider des dépenses nouvelles sans que nous nous préoccupions de savoir comment elles seront couvertes, le niveau des prélèvements obligatoires ne restera pas longtemps acceptable par ceux qui acquittent l'impôt.
Le Sénat se doit d'être, si j'ose dire, l'instituteur de la République. Il doit en permanence analyser la dépense, la passer au scanner afin de l'optimiser et faire en sorte qu'un véritable service soit rendu aux Français en contrepartie. A défaut, les prélèvements continueront à s'accroître et le pays perdra la place qui est la sienne dans le monde.
J'insiste sur ce point parce que, au cours des dernières années, nombre de droits nouveaux ont été ouverts à nos compatriotes. Il aurait fallu à ce moment-là dire aux Français que, chaque fois qu'on leur ouvre un droit supplémentaire, celui-ci doit être financé par le contribuable. Ce déficit d'information, à mon avis, a beaucoup contribué à la dégradation de nos finances publiques.
Je pense qu'à un moment donné il faut décider qu'on ne prélèvera pas davantage et même que l'on va s'engager progressivement vers une baisse des prélèvements.
Cela implique que toute la sphère publique s'adapte à cette réduction afin que l'argent prélevé soit mieux employé et que les Français en aient pour leur argent. Tel n'est pas le sentiment qu'ils ont pour l'instant.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Excellent !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-57.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Monsieur Marc, maintenez-vous l'amendement n° I-93 rectifié ?
M. François Marc. M. Michel Moreigne, qui n'a pu être parmi nous aujourd'hui, aurait certainement souhaité maintenir cet amendement en discussion dans la mesure où le département de la Creuse, qu'il représente, devrait connaître en 2003 une augmentation d'impôt de 60 %, faute d'ajustement de la part de l'Etat.
Cela justifie donc la mobilisation de notre groupe pour venir en aide aux départements les plus modestes de notre pays.
Vous avez dit, monsieur le ministre, qu'il n'était pas normal d'imputer à l'actuel gouvernement les prévisions plus ou moins justes réalisées l'an passé. Bien entendu !
En revanche, monsieur le ministre, le gouvernement en place a la responsabilité de gérer les problèmes du moment. Or le problème du moment est le succès tout à fait inattendu et qui était impossible à anticiper de l'APA. En une année, nous avons dû supporter des réalisations correspondant à cinq années de prévision. Il s'agit d'un phénomène tout à fait inattendu, qui est allé beaucoup plus vite qu'on ne pouvait le prévoir. C'est pour répondre à cet état de fait que le Gouvernement est sollicité.
Deux raisons justifient le maintien de cet amendement.
La première découle de ce que je viens d'expliquer : c'est l'urgence. Un problème important se pose ; il faut tenter de le résoudre. Or l'Etat, compte tenu de ses prérogatives, doit s'efforcer d'apporter une réponse à ce genre de question.
La deuxième raison tient à la justice fiscale.
Si c'est la fiscalité locale qui est mise à contribution, l'imposition est injuste. En revanche, si c'est la fiscalité nationale, à travers l'impôt sur le revenu, qui est mise à contribution, la charge répartie est nettement plus juste.
C'est pourquoi il nous paraît opportun que les 500 millions d'euros qui sont nécessaires soient prélevés par le biais d'un impôt national plutôt qu'à travers une fiscalité locale archaïque, obsolète, que chacun s'accorde à dénoncer comme totalement inadaptée. Or celle-ci va être mise à contribution dans des proportions tout à fait irrecevables ; j'ai cité le chiffre de 60 % pour la Creuse. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote sur l'amendement n° I-93 rectifié.
M. Thierry Foucaud. Je voudrais tout d'abord préciser, en écho aux propos qu'a tenus hier soir M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, que, lorsque nous parlons de l'APA, cela concerne tout de même des personnes qui ont créé des richesses ! Je n'insiste pas : celles et ceux qui ont participé à nos débats, hier, me comprendront.
Quant à l'amendement n° I-93 rectifié, il ne manque pas d'une certaine vertu pédagogique : en effet, si j'ai bien compris, il vise à remettre en cause la baisse de l'impôt sur le revenu aux fins de majorer la dotation globale de fonctionnement, ce qui permettrait une prise en charge de l'allocation personnalisée d'autonomie des personnes âgées.
Nous aurons l'occasion - pas seulement, d'ailleurs, lors de l'examen de l'article relatif aux collectivités territoriales - de débattre à nouveau de ce sujet.
Je voudrais dire par ailleurs que, si elle a un effet, la baisse des impôts ne profite qu'à certains, car, en la matière, le choix de la majorité sénatoriale et du Gouvernement est vite fait. Je rejoins sur ce point mon collègue socialiste : le Gouvernement préfère mille fois accroître la réduction d'impôt pour emploi à domicile, ce qui profitera de manière exclusive aux revenus les plus élevés, singulièrement aux personnes âgées les plus fortunées, plutôt qu'augmenter les moyens de financer l'APA en en transférant la charge là où elle devrait être, c'est-à-dire dans les comptes de la protection sociale.
En clair, la majoration de la réduction d'impôt couvrira, pour les retraités les plus aisés, la réduction de l'APA. Pendant ce temps, les retraités les plus modestes ne bénéficiant pas de la réduction d'impôt - ils sont non imposables pour 60 % d'entre eux, ne l'oublions pas - devront, eux, supporter les conséquences de l'augmentation du ticket modérateur.
Ces quelques raisons, mes chers collègues, justifient notre soutien à l'amendement n° I-93 rectifié, quand bien même nous sommes partisans d'un autre type de financement de cette allocation.
M. le président. La parole est à M. Henri de Raincourt, pour explication de vote.
M. Henri de Raincourt. Je crois que la situation que nous connaissons aujourd'hui correspond à ce qui avait été prédit en cette même enceinte, au moment de la mise en oeuvre de cette nouvelle allocation. Peut-être le calendrier est-il allé un peu plus vite que ce qui avait été imaginé, mais les dispostions présidant à l'attribution de l'APA, à elles seules, nous ont conduits inéluctablement à la situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement.
Il serait quand même gênant, pour ne pas dire plus, de remédier à une partie des effets pervers de la mise en place de l'APA par un alourdissement de la fiscalité sur le revenu. Ce serait assez paradoxal au moment où le Gouvernement s'est engagé à examiner et à proposer, d'ici au 15 décembre, un certain nombre de dispositions allant dans le sens de la maîtrise de la dépense. Nous sommes là en quelque sorte au coeur de la philosophie fiscale que nous entendons mettre en oeuvre.
Je suis en total désaccord sur ce point avec mon ami Michel Charasse, mais il me le pardonnera : en effet, je crois profondément à la vertu de la baisse de l'impôt. Cela ne rapporte peut-être rien d'un point de vue électoral, mais la mise en place de prestations ou d'avantages sociaux nouveaux non plus.
M. Michel Charasse. Effectivement !
M. Henri de Raincourt. Nous avons vu que la mise en place de la couverture maladie universelle, de l'allocation personnalisée d'autonomie, des 35 heures n'empêchaient pas de perdre une élection.
Au fond, tout s'équilibre. Nos compatriotes, dans leur sagesse, déterminent leurs choix et leurs convictions selon des critères beaucoup plus subtils que ce qui s'apparente à de l'arrangement électoral.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Henri de Raincourt. Sur cette question de l'APA, monsieur le ministre - je vous le dis avec toute l'amitié et le respect que je vous porte -, nous ne nous en sortirons à terme - je ne dis pas en 2003 ! -, comme vient de le dire notre collègue Thierry Foucaud, qu'en faisant figurer cette allocation dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale et en mettant en place, de façon concomitante, une cotisation dépendance. Sinon, nous continuerons, année après année, à « galérer » avec des bouts de ficelle, sans régler ce problème de société.
Dernière suggestion amicale que je me permets de faire à M. le ministre : à partir du moment où l'on a supprimé le recours sur succession pour l'APA, il serait, me semble-t-il, équitable que celui qui a gagné à la mise en oeuvre de cette disposition, c'est-à-dire l'Etat, rende aux départements l'argent qu'il encaisse à ce titre, puisque c'est lui qui perçoit les droits de succession, alors que les départements, eux, continuent à payer.
M. Michel Charasse. Il fallait voter mon amendement l'année dernière !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-93 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-130.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 2