SEANCE DU 5 NOVEMBRE 2002


M. le président. « Art. 6. - Il est inséré au titre XII de la Constitution un article 72-2 ainsi rédigé :
« Art. 72-2 . - La libre administration des collectivités territoriales est garantie par des ressources dont celles-ci peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi.
« Elles peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toute nature. La loi peut les autoriser à en fixer le taux et l'assiette, dans les limites qu'elle détermine.
« Les recettes fiscales, les autres ressources propres des collectivités et les dotations qu'elles reçoivent d'autres collectivités territoriales représentent une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources. La loi organique fixe les conditions dans lesquelles cette règle est mise en oeuvre.
« Tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice.
« La loi met en oeuvre des dispositifs pouvant faire appel à la péréquation en vue de corriger les inégalités de ressources entre les collectivités territoriales. »
La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, sur l'article.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'article 6 aborde le problème essentiel de l'autonomie financière des collectivités territoriales, sujet dont le Sénat et le comité des finances locales ont très longuement débattu.
Fort de tout ce qui a été dit sur cette question, notamment par vous-même monsieur le président, j'évoquerai les trois questions qui dominent le débat sur l'article 6.
Première question : faut-il apporter une garantie constitutionnelle à l'autonomie financière des collectivités territoriales ?
L'histoire des cinq dernières années est démonstrative : la majorité d'alors a fortement réduit le domaine de responsabilité des élus locaux, comme l'établit parfaitement l'excellent rapport de M. Garrec, et la jurisprudence du Conseil constitutionnel a laissé faire, qu'il s'agisse du remplacement d'impôts locaux par des dotations budgétaires ou bien des prélèvements multiples sur les recettes fiscales de certaines collectivités.
Il faut donc élever une barrière : tel est l'objet de l'article 6, dont, pour l'essentiel, j'approuve les dispositions.
Cette barrière, mes chers collègues, doit être solide, car la pente naturelle des administrations centrales de l'Etat est de refuser le maintien du lien entre l'élu local et les citoyens qui paient l'impôt, comme elle les conduit à refuser de réformer la fiscalité locale et à remplacer les impôts locaux par des dotations budgétaires.
Cette pratique présente un inconvénient à l'égard des institutions européennes, car le volume impressionnant des compensations de l'Etat aux collectivités territoriales s'élève aujourd'hui à plus de 20 milliards d'euros, soit près de la moitié du déficit budgétaire de l'Etat, et suscite un grand intérêt de la part de nos partenaires européens.
Indépendamment de cet inconvénient, la disparition progressive de la part libre des ressources locales doit être stoppée. Tel est le sens des amendements que la commission a approuvés à l'article 6 et des propositions que fait le Gouvernement.
Pour ma part, j'attache du prix non pas au débat sémantique pour savoir si les ressources libres doivent être « prépondérantes » ou « prédominantes » - c'est intéressant pour les juristes, mais guère pour les gestionnaires locaux -, mais à deux points essentiels : d'abord, il faut mettre un terme à la transformation des ressources fiscales en dotations budgétaires ; ensuite, il faut garantir aux collectivités locales que les transferts de compétences ou les transferts de charges s'accompagneront concomitamment des ressources pérennes correspondantes. Rien ne serait pire que de remplacer une ressource par une dotation budgétaire - et je ne citerai que la dotation de compensation de la taxe professionnelle, qui, année après année, se réduit comme peau de chagrin -, car ce n'est qu'un trompe-l'oeil qui a toujours des conséquences néfastes pour les contribuables locaux.
Je constate que le Gouvernement a fait un pas dans cette direction en donnant un avis favorable à certains amendements de la commission, et je salue ce rapprochement. Mais l'amendement n° 248, que nous allons examiner, ne prévoit pas l'interdiction de remplacer une recette fiscale par une dotation budgétaire. Je comprends parfaitement, monsieur le garde des sceaux, que ce point puisse être réglé non pas dans la Constitution, mais par une loi organique. Cependant, j'attends avec impatience - et M. le président du Sénat avec moi - l'engagement du Gouvernement de prévoir cette disposition dans une prochaine loi organique.
Deuxième question : quelles conséquences devrons-nous tirer de cette garantie constitutionnelle sur la réforme des concours de l'Etat aux collectivités territoriales et sur la modernisation du système des impôts locaux ?
Les concours de l'Etat aux collectivités locales représentent aujourd'hui 30 milliards d'euros, et c'est la dotation globale de fonctionnement qui en est l'ossature. Or, ce dernier concours est à bout de souffle et, depuis trois ou quatre ans, le comité des finances locales a le plus grand mal à la répartir d'une manière équitable entre les départements, les groupements de communes et les communes : on a tant « bricolé » - excusez le terme, messieurs les ministres - que l'exercice devient difficile.
Il faut donc avoir le courage d'engager dès l'année prochaine la réforme de cette dotation et, pour cela, la diviser en trois masses destinées respectivement aux départements, à l'intercommunalité et aux communes, en introduisant de véritables dispositifs de solidarité à l'intérieur de chacun de ces ensembles.
Par ailleurs, il faut regrouper autour de la DGF d'autres dotations parcellaires - la DGD, ou dotation générale de décentralisation, la DGE, ou dotation globale d'équipement, la DSI, ou dotation spéciale pour le logement des instituteurs,... -, afin de doter l'Etat d'un véritable outil de solidarité nationale et non pas de maintenir à perpétuité des droits acquis.
La modernisation de la fiscalité locale - qui représente encore 50 milliards d'euros - doit s'inspirer de trois principes. Le premier est le principe de réalité, qui consiste à adopter des bases réelles et évolutives, comme dans les pays anglo-saxons, et non pas à cultiver le paradoxe de valeurs locatives qui ont trente ou vingt ans d'âge. Le deuxième est le principe de spécialisation, qui doit permettre de réserver le produit de la taxe professionnelle aux communautés et aux régions, d'attribuer aux communes des impôts sur les ménages le plus largement répartis et de doter les départements et les régions de taxes additionnelles à la CSG et à la taxe intérieure sur les produits pétroliers. Enfin, le principe d'innovation conduit à les associer aux progrès de la technologie et de l'environnement.
Il faudra du temps pour réaliser ces réformes essentielles, mais elles sont contenues dans la garantie constitutionnelle, et il ne peut pas y avoir de garantie constitutionnelle de l'autonomie des finances locales sans réforme de la fiscalité locale. On en parle depuis suffisamment longtemps : arrêtons de débattre et commençons à travailler sérieusement à cette réforme !
Troisième question, enfin : quelles pistes pouvons-nous ouvrir pour donner davantage de cohérence aux nécessaires péréquations des ressources entre les collectivités territoriales ?
Compte tenu de la situation budgétaire que connaît notre pays, il ne peut être question de réclamer un effort supplémentaire au budget de l'Etat, déjà fortement déficitaire. Je suggère tout d'abord, messieurs les ministres, de faire l'inventaire critique des dégrèvements décidés par le Parlement depuis un certain nombre d'années. Ces dégrèvements s'élèvent à 8 milliards d'euros - excusez du peu ! - sur la taxe professionnelle, la taxe foncière et la taxe d'habitation, et créent à l'heure actuelle des situations d'exonération ou de péréquation dont plus personne ne comprend le sens.
Une mission parlementaire chargée d'examiner le sort de ces 8 milliards d'euros de dégrèvements permettrait de dégager au moins 2 milliards d'euros qui pourraient abonder la masse à péréquer et, par conséquent, amélioreraient la solidarité entre l'ensemble des collectivités territoriales.
Nous avons le culte des droits acquis, le culte de la sédimentation de l'ensemble des éléments fiscaux. Il nous faut abandonner cette culture et essayer de déterminer à qui profitent les dégrèvements afin de voir comment nous pourrions moderniser notre fiscalité.
M. Gérard Longuet. Du passé faisons table rase !
M. Jean-Pierre Fourcade. Je suggère ensuite - c'est la seconde - de mieux distinguer les niveaux de la péréquation. Corriger les inégalités de ressources et de charges entre les vingt-six régions et les quelque cent départements est beaucoup plus facile que de procéder à un saupoudrage généralisé vis-à-vis des 36 000 communes. La loi votée en 1995, qui fixait des objectifs quantifiés à la péréquation des ressources entre les régions, doit être mise en application, alors que depuis sept ans personne ne veut s'occuper d'engager cette réforme essentielle qu'un certain nombre de pays voisins, je pense à l'Espagne et à l'Allemagne, ont déjà réalisée.
Je redoute l'inefficacité des péréquations croisées, qu'un rapport récent établi pour le Commissariat au Plan a permis de mesurer : elles découragent l'initiative des uns sans régler les problèmes sociaux des autres.
Telles sont, monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les réflexions que je souhaitais vous présenter en introduction à la discussion des amendements déposés à l'article 6. Pour sortir de la complexité, il faut de la lucidité et de la volonté. L'amendement n° 248 du Gouvernement marque un pas en direction des préoccupations du Sénat.
M. Jean-Pierre Sueur. Un pas ridicule !
M. Jean-Pierre Fourcade. Certes, c'est un petit pas, et l'on aurait pu s'attendre à un geste plus important mais il va dans la bonne direction. Il faut maintenant continuer et apporter la démonstration que le Gouvernement et le Sénat ne manquent ni de lucidité ni de volonté. (Applaudissements sur les travées du RDSE ainsi que sur celles de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Ces dernières années, 100 milliards de francs ont été prélevés sur les ressources fiscales des collectivités territoriales, ce qui est énorme. Il est donc urgent de prendre le problème à bras-le-corps et d'y apporter une solution satisfaisante.
M. Jean-Pierre Fourcade. Absolument !
M. le président. La parole est à M. Yves Fréville.
M. Yves Fréville. Je crains de faire entendre un point de vue quelque peu dissident.
Oh, ce ne sont pas les principes que le Gouvernement nous propose qui me posent problème ! Je suis parfaitement d'accord avec l'autonomie financière et avec l'autonomie fiscale. Il ne peut y avoir de décentralisation sans libre emploi des ressources si l'on veut que la décentralisation ne conduise pas à l'uniformité mais permette la diversité des solutions mises au point par les collectivités locales. Quant au principe d'autonomie fiscale, il est le corollaire nécessaire de la responsabilité des élus devant le contribuable électeur : plus de dépenses, plus d'impôts ; moins de dépenses, moins d'impôts.
Si je suis perplexe, c'est parce que je crains, au nom d'un certain réalisme, que nous n'ayons quelque mal à trouver la traduction économique et fiscale des principes juridiques que nous allons faire figurer dans la Constitution.
Je ne crois pas qu'une sorte de complot ait été ourdi pour démanteler la fiscalité locale. Bien sûr, certaines administrations peuvent être tentées de le faire. Bien sûr, nous avons manqué de courage en ne révisant pas les bases de la fiscalité directe locale. Mais il existe une tendance profonde, lourde, à la diminution des impôts locaux et cela parce qu'il n'y a plus de bons impôts locaux.
Voilà trente-cinq ans, mes chers collègues, l'autonomie fiscale des collectivités était totale. Or tous les maires des communes rurales, tous les maires des communes de banlieue - ainsi, certainement, que de très nombreux sénateurs - demandaient la suppression de la taxe locale sur le chiffre d'affaires et la création d'une dotation d'Etat, dont ils estimaient qu'elle serait plus juste et mieux répartie.
En vérité, cette tendance de fond tient tout simplement à ce qu'il est de plus en plus difficile, dans la société moderne, d'enserrer les assiettes des impôts -, le revenu, la valeur ajoutée... - dans les limites qui sont celles de nos communes ou de nos départements.
Si nous arrivons cependant à localiser certains impôts, ce seront des impôts généralement mal répartis. Pensez, mes chers collègues, à cet impôt qui fournissait pourtant de substantielles ressources aux départements : les droits de mutation à titre onéreux. Voilà bien un impôt dynamique ! Or il était extraordinairement mal réparti. Naturellement, lorsqu'un impôt est mal réparti, il faut utiliser toutes les ressources disponibles de l'Etat sur le plan budgétaire pour corriger les seules inégalités de ressources locales, alors que, dans tous les grands pays modernes, la péréquation des besoins est une priorité.
Voilà le doute qui est le mien.
Bien sûr, je n'ignore pas que le problème est politique.
Je ne voudrais pas que la grande idée de la décentralisation, à laquelle j'adhère, devienne impopulaire parce que fondée sur des impôts injustes et incompréhensibles et que l'absence de bons impôts freine le processus de décentralisation, faute de pouvoir en faire respecter le caractère prépondérant.
Je formulerai, à partir de ces éléments, deux conclusions.
D'abord, nous avons à construire un socle d'impôts locaux justes et bien répartis, même si le volume qu'ils représentent n'est pas très important. Sinon, on remettra en marche la mécanique infernale des dégrèvements. Quand l'impôt devient trop lourd, on le dégrève au détriment du principe de l'autonomie fiscale.
J'ai étudié les dégrèvements de taxe d'habitation qui ont été accordés dans la totalité des départements. Comment expliquer que dans un département comme les Hautes-Alpes, les dégrèvements de taxe d'habitation ne représentent que 7,9 % de la recette perçue à ce titre et que, à l'autre bout de l'échelle, dans le Vaucluse, cette part atteigne 28,9 % ? Voilà à quoi on aboutit lorsque l'impôt devient trop élevé et qu'on doit le corriger de façon contre-péréquatrice.
Seconde conclusion : il n'y a pas à choisir entre de bons impôts locaux, d'une part, et de mauvaises dotations d'Etat, d'autre part. Comme le disait excellement, hier, à Rennes, M. Delevoye, le problème essentiel pour nos collectivités locales, c'est d'avoir des ressources dynamiques, de trouver une bonne adéquation entre, d'un côté, le rythme de croissance des dépenses et, de l'autre côté, le rythme de croissance des ressources.
Dans certains cas, j'en suis absolument persuadé, mieux vaut avoir une dotation indexée sur les salaires ou sur la valeur ajoutée - non pas sur le tiers du PIB, bien entendu - qu'un impôt, localisé, certes, mais stagnant.
Je terminerai en émettant un souhait.
Il est faux de croire qu'il existe une opposition tranchée entre impôts locaux et dotations d'Etat. C'est en fait un continuum , depuis l'impôt national à taux fixe partagé par la loi entre les collectivités - la taxe sur les salaires de 1968 - ou localisé - la taxe locale sur le chiffre d'affaires - aux centimes additionnels à l'impôt d'Etat - la future TIPP régionale, peut-être - jusqu'à nos quatre vieilles.
Je souhaite simplement que les discussions que nous allons avoir permettront d'éclairer cette notion de ressources fiscales locales, afin que la justice naisse de ce débat. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. La discussion de ce projet de loi constitutionnelle portant organisation décentralisée de la République parvient à un point particulièrement délicat : celui du devenir des finances des collectivités territoriales.
La discussion générale a suffisamment montré la sensibilité de notre assemblée sur cette question. On ne peut d'ailleurs que regretter à nouveau que la commission des finances n'ait pas été saisie pour avis, ainsi que nous l'avions proposé, compte tenu de la nature de ce projet de loi constitutionnelle.
Nous avons également souligné que la question des transferts de compétences de l'Etat vers les collectivités territoriales, inclus dans les premières lois de décentralisation et étendus depuis au travers de multiples lois, devrait s'analyser en fonction de la satisfaction des besoins de la population, mais également au regard des conséquences financières qui en résultent pour les collectivités locales.
Ce n'est un secret pour personne, nos concitoyens sont globalement satisfaits de la décentralisation. Ils le sont parfois un peu moins de ses conséquences sur le montant des impositions locales. Et c'est bien l'un des points clés du débat qui est ouvert par cet article 6.
A lire l'article 6, il semble que le Gouvernement veuille définir les conditions financières dans lesquelles doit s'exercer la décentralisation. Mais, pour en savoir plus, nous devrons attendre la loi organique. J'ai bien entendu M. le Premier ministre insister, mardi dernier, sur la grande disparité des ressources propres des collectivités territoriales. Toutefois, si la disparité des situations entre les collectivités territoriales - c'est le moins que l'on puisse dire - est reconnue par tous, rien, dans le texte qui nous est proposé, ne nous permet de dire qu'il y est porté remède.
Que constate-t-on en effet, aujourd'hui dans la réalité ?
Les dotations budgétaires ne jouent qu'à la marge un rôle de péréquation, de plus en plus entamé par le poids croissant de l'intercommunalité. C'est au travers des flux financiers propres aux EPCI que l'on parvient actuellement à une forme de solidarité un peu plus accomplie.
Cependant, cette solidarité reste limitée du fait de l'étroitesse des dotations, l'évolution de celles-ci étant liée - et c'est là une donnée de fond - à la définition de l'enveloppe par la loi de finances, comme vient de le rappeler M. Fourcade.
S'agissant de la fiscalité locale, là encore, que de situations diverses ! Et, surtout, que d'évolutions fort différentes d'un produit fiscal à l'autre.
Dois-je rappeler que le produit de la taxe foncière et de la taxe d'habitation est aujourd'hui supérieur, dans plus de soixante départements, à celui de la taxe professionnelle ?
Dois-je rappeler que, parce qu'il s'agissait d'éviter tout accroissement du poids de la fiscalité supportée par les entreprises, la révision des valeurs locatives décidée en 1990 n'a jamais vu le jour ? On appelait en effet à l'effort de solidarité les seuls contribuables à la taxe d'habitation et à la taxe foncière.
Et quelles solutions préconise-t-on, ou du moins quelles solutions sont avancées par les uns et par les autres au travers des diverses déclarations ministérielles ? S'agit-il d'un partage du produit de la TVA, de la TIPP, voire d'une taxe additionnelle à cette TIPP ?
De telles dispositions reviendraient à transférer sur le consommateur, au travers d'impôts par nature injustes, le financement de l'action des collectivités locales.
Parce que les situations de ressources sont profondément inégales, parce que les situations sociales et économiques vécues par les habitants sont fort diverses, on ne peut se contenter de valider les inégalités, comme le propose le Gouvernement dans l'article 6, et laisser la porte ouverte à une concurrence fiscale entre les territoires qui ne fera qu'amplifier les disparités originelles.
Si la réforme des finances locales doit être audacieuse, elle doit aussi s'appuyer sur l'essentiel.
Il ne s'agit pas nécessairement de définir un nouveau partage des prélèvements obligatoires qui accusera encore plus les inégalités devant l'impôt. Il s'agit de donner aux collectivités territoriales les moyens d'une action prenant en compte les besoins réels de nos compatriotes, permettant de faire vivre les principes fondamentaux d'égalité des citoyens devant l'impôt.
C'est aussi pour cela que nous estimons que l'Etat doit assumer la péréquation, la solidarité. Une recette nationale peut parfaitement y être affectée. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste, républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. A ce stade du débat, on se demande quel article 6 nous discutons.
J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les interventions de MM. Fourcade et Fréville. Tous deux ont insisté sur la nécessité de réformes fiscales. Quand notre collègue Yves Fréville appelle à la mise en place d'un socle d'impôts locaux justes et bien répartis, je ne vois pas qui, dans cette assemblée, pourrait ne pas être d'accord.
Mais le sujet de l'article 6 - à moins que je l'aie mal lu ou qu'il n'ait encore changé ! -, ce n'est pas la réforme fiscale : c'est ce que l'on a appelé « l'autonomie financière des collectivités locales ».
Nous avons maintenant, avec l'amendement du Gouvernement, précédé de celui de la commission des lois, la démonstration de ce que le texte initial était mauvais. Nous avions d'ailleurs formulé un certain nombre de remarques dès l'audition de M. le garde des sceaux et de M. le ministre délégué aux libertés locales par la commission des lois, le mercredi 16 octobre.
C'est ainsi que tout ce qui concernait le double compte et les dotations provenant d'autres collectivités locales a été supprimé. Il est vrai que cela était sans rapport avec la volonté de définir la fameuse « part déterminante », sujet sur lequel nous aurons l'occasion de revenir.
Ce matin, la situation était différente de celle de jeudi dernier. L'amendement que nous avons vu arriver n'était pas « lucifuge », il a supporté l'éclat des lumières de cet hémicycle. Ainsi, la discussion de l'article 6 devient de facto un débat sur ce nouvel amendement.
Celui-ci comprend cinq alinéas. Dans le premier, je lis : « ... dans les conditions fixées par la loi » ; dans le deuxième : « La loi peut... » ; dans le troisième : « La loi organique fixe... » ; dans le quatrième : « ... déterminées par la loi » ; dans le cinquième : « La loi prévoit... ».
Autrement dit, chacun des cinq alinéas du texte proposé renvoie à la loi, ce qui constitue la démonstration la plus évidente de l'inutilité de la réforme constitutionnelle. En effet, cela revient à n'affirmer aucun principe.
Ainsi, le principe de solidarité n'est pas affirmé.
Pour ce qui est de la compensation, tout le monde comprend bien que la finalité est de ne pas compenser et d'essayer de faire une décentralisation qui sera supportée par d'autres, alors même que, comme l'a rappelé Yves Fréville, la fiscalité locale est déjà injuste. Eh bien, on va encore accroître les injustices !
Il n'y a même pas de réelle autonomie, alors que c'était, semble-t-il, la volonté du Gouvernement. On en reste à ce vieux cheval de bataille de la « part déterminante », que nous arriverons peut-être à préciser...
Alors, pourquoi ce texte inutile ? J'ai cherché, et j'ai trouvé, monsieur Devedjian, ce vers de Rostand : « C'est encore plus beau lorsque c'est inutile. » C'est sans doute ce qui vous a amené à nous présenter ce texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du communiste, républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 6 du projet de loi est l'un des plus importants de la présente discussion.
Après avoir posé les conditions générales de l'organisation décentralisée de la République et celles de l'application élargie du principe de subsidiarité, il s'agit maintenant de définir le cadre des relations financières futures entre l'Etat et les collectivités territoriales.
Sous des dehors plutôt avenants, l'article 6 tend à codifier ces relations en s'appuyant, d'une part, sur les expériences qui ont été menées ces dernières années et qui nous ont permis de constater à plusieurs reprises que l'Etat se délestait d'une partie de son déficit au détriment des collectivités, et, d'autre part, sur la future réforme des finances locales.
C'est à la lumière de ces éléments que je tiens à intervenir sur cet article 6.
Depuis plusieurs années, nous avons connu maintes dispositions remettant en question l'équilibre des relations entre l'Etat et les collectivités.
Nous avons ainsi connu deux réformes de la dotation globale de fonctionnement, conduisant à une perte sensible de pouvoir d'achat de ladite dotation et à sa réduction continuelle dans la part des recettes des collectivités locales.
Nous avons également connu une mise au régime sec de l'ensemble des dotations, consacrée d'abord lors de la discussion de la loi de finances pour 1994 puis dans le fameux pacte de stabilité imposé par la loi de finances de 1996.
Le pacte de croissance et de solidarité, mis en oeuvre par le gouvernement de la gauche plurielle élu en 1997, n'a pas permis de résoudre totalement le décalage constaté entre le montant des dotations versées et le montant qui aurait été nécessaire pour éviter, notamment, que les collectivités locales ne fassent encore plus appel à la fiscalité pour alimenter leurs recettes de fonctionnement.
Si l'on veut établir des relations stables entre l'Etat et les collectivités locales, nul doute qu'il conviendra, à un moment donné, de faire le bilan effectif des manques à gagner qui ont accompagné les dernières années et qui se chiffrent en milliards d'euros de dotations non distribués.
Quand on cumule baisse de la DGF, remise en question du fonds de compensation pour la TVA, persistance du prélèvement complémentaire sur les frais d'émission de rôles, réduction continuelle de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, ce sont au total, selon nos estimations, plus de huit milliards d'euros qui sont ainsi retirés chaque année aux collectivités locales, ce qui équivaut presque au montant de la taxe d'habitation appelée.
Quant au devenir des finances locales, nombreux sont ceux qui demandent aujourd'hui une remise en cause de l'assiette des différents impôts locaux et la mise en place concurrente d'un système de forte péréquation des ressources.
Une véritable réforme de la fiscalité locale reste effectivement à accomplir.
Elle nécessite, notamment, de repenser la taxe professionnelle, en faisant de la taxation des actifs financiers des entreprises un outil fort de péréquation nationale, compte tenu de la financiarisation de notre économie.
Elle nécessite également de mieux prendre en compte la réalité des ressources des contribuables dans l'application des dispositions corrigeant la taxe d'habitation et la taxe foncière.
Cette réforme ne semble pas prévue par les termes de l'article 6, qui organise, ainsi que nous le verrons, une ruineuse compétition fiscale entre territoires, mettant encore plus à mal qu'aujourd'hui l'égalité des citoyens devant l'impôt.
Les assises des libertés locales de la région Bretagne, qui se tenaient lundi dernier à Rennes, ont d'ailleurs mis en évidence, chez près de 80 % des personnes interrogées, l'aspect « archaïque », selon le terme retenu par le questionnaire distribué, des impôts d'Etat et des impôts locaux.
« Les Français en ont assez de l'augmentation des impôts locaux... », titrait le Télégramme ce matin. C'est pourtant ce qui les attend dans le cadre de cette loi de décentralisation libérale, et l'expérience nous le confirme. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste, républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, mon collègue BernardFrimat, a, il y a quelques instants, situé le véritable enjeu et la portée effective du texte qui nous est proposé en indiquant clairement que ce dernier ne changerait strictement rien. Je crois que tout le monde ici en est convaincu et je ne voudrais donc pas insister sur ce point de vue, qui est sans doute assez largement partagé, mais mettre plutôt l'accent sur les orientations sous-tendues par cet article 6 et sur les risques qu'il fait courir à notre pays, en particulier sur le terrain de la fiscalité et des finances locales.
Tout d'abord, l'autonomie que l'on cherche à mettre en oeuvre et à inscrire dans la Constitution est l'objet d'une réflexion quelque peu biaisée. En effet, le diagnostic qui peut être établi, aujourd'hui, par rapport à l'autonomie n'est nullement conforme à ce que l'on peut observer dans le reste de l'Europe : dans les pays nordiques, la part des dotations représente 60 à 80 % des budgets, et l'on ne peut pas dire que ces pays manquent d'autonomie dans leur gestion locale ; en Allemagne, les Lander disposent de dotations pour l'essentiel de leurs ressources, et l'on ne peut pas dire qu'ils manquent d'autonomie budgétaire ; en Italie, après les lois Bassanini, des transferts de ressources sur la fiscalité locale ont été mis en oeuvre de façon accélérée depuis dix ans.
Aujourd'hui, nous sommes dans le mur, à tel point qu'il a fallu instaurer des processus de péréquation et de compensation entre les dotations de l'Etat, pour corriger les différences énormes qui s'étaient creusées entre collectivités. il faut en finir avec le jusqu'au-boutisme fiscal !
S'agissant du diagnostic, je constate que les nombreuses auditions auxquelles la commission des lois et la commission des finances du Sénat ont procédé ont largement démontré que tous s'accordaient sur le préalable nécessaire de la réforme des finances locales. Comment pourrions-nous bâtir un dispositif d'autonomie comportant des transferts de fiscalité sans procéder au préalable à cette réforme ? Ce serait un véritable leurre, mais aussi un grand danger pour notre pays.
Le système actuel est très critiqué. Néanmoins, peu de propositions sont formulées à ce jour et notre collègue Jean-Pierre Fourcade m'a quelque peu inquiété concernant la réforme des finances locales qu'il appelait de ses voeux. Ne l'avons-nous pas entendu dire qu'il nous fallait peut-être réfléchir aujourd'hui à la remise en cause de tous les dégrèvements qui ont été mis en place ces dernières années ? A ce moment-là, il faut préciser, parmi tous les dégrèvements qui sont accordés aujourd'hui aux populations les plus fragiles, lesquels sont visés ! Or, pour l'instant, cette question n'a reçu aucune réponse.
S'agissant des péréquations, il est important de reconnaître que la péréquation verticale, c'est-à-dire la redistribution par l'Etat au profit des collectivités locales, a permis de résoudre bien des problèmes dans notre pays. Aller dans le sens d'une réduction de ces péréquations serait certainement très dangereux. En effet, aujourd'hui, le potentiel fiscal des communes connaît une variation théorique de 1 à 900 : certaines communes sont neuf cents fois plus riches que d'autres.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. Peut-on comparer une commune de vingt habitants et une grande agglomération ?
M. François Marc. De la même façon, pour les départements, le potentiel fiscal par habitant varie de 1 à 8.
Par conséquent, vouloir inscrire le principe de l'autonomie fiscale dans la Constitution avant d'avoir entrepris la réforme des finances locales, c'est faire courir un risque majeur à notre pays en réduisant les marges de manoeuvre susceptibles d'être utilisées pour réduire les injustices du systèmes financier de nos collectivités locales.
Au-delà de la mise en cause des politiques de péréquation nationale, on va encore creuser les inégalités à l'intérieur de chacune des catégories. En effet, deux idées sous-tendent le projet du Gouvernement, et elles ont été clairement annoncées par Président de la République dans son discours de Rouen. Il s'agit, d'abord, d'introduire de la compétition entre les territoires. Or cela, le parti socialiste n'en veut pas. Il s'agit, ensuite d'entreprendre une substitution fiscale en abaissant l'impôt sur le revenu, qui est un impôt assez juste, et en le transférant sur les impôts locaux, que tout le monde dénonce comme injustes. Or cette substitution fiscale, qui porte en germe une montée de l'injustice en France, nous n'en voulons pas non plus.
Pour ces raisons, il nous semble préférable de ne pas suivre le Gouvernement. Nous sommes donc opposés à la proposition qu'il nous soumet aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe communiste, républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Avec l'article 5, qui donne aux citoyens l'autorisation d'envoyer des pétitions, je pensais que nous avions atteint un certain niveau dans le creux législatif, le vide constitutionnel et la béance normative ! Mais nous progressons toujours (Sourires) et, avec cet article 6 et l'amendement n° 248 du Gouvernement, nous nous retrouvons devant un texte dont nous ne voyons absolument pas ce qu'il permettrait de faire que nous ne puissions pas faire aujourd'hui...
M. Hilaire Flandre. Que ne l'avez-vous fait !
M. Jean-Pierre Sueur. ... ni quels droits nouveaux il donnerait aux collectivités, puisqu'il ne comporte que des pétitions de principe et des éléments particulièrement vagues et peu opératoires.
J'ai écouté comme tout le monde avec infiniment d'intérêt M. Fourcade nous parler des dotations. Les 30 milliards d'euros de dotations de l'Etat aux collectivités - cela gonfle toujours, et M. Fourcade a parlé des cinq dernières années, mais l'on pourrait avantageusement parler des années qui ont précédé, puisque chacun y a contribué - représentent aujourd'hui une charge complètement disproportionnée.
Certes, nous devons aller vers une plus grande autonomie fiscale des collectivités locales, mais permettez-moi de vous faire remarquer que l'expression : « autonomie fiscale des collectivités locales » ne figure ni dans l'article qui nous était proposé au départ ni dans l'amendement que nous présente le Gouvernement.
Quoi qu'il en soit, nous devons avancer et il faudra nous décider un jour à diminuer le montant de ces dotations, d'autant que notre pays connaît le paradoxe d'avoir beaucoup de dotations et très peu de péréquations : après tout, la justification d'un tel montant de dotations, c'est que cela pourrait permettre à l'Etat de faire des péréquations, mais le taux de péréquation à l'intérieur des dotations n'est pas supérieur à 5 %. Il faut donc diminuer le montant des dotations et augmenter le montant de la péréquation.
Cela étant, pour aller dans ce sens, est-il utile d'inscrire dans la Constitution - comme vous le proposez - que la part des ressources fiscales et des ressources propres des collectivités locales sera déterminante ? Tout le monde sait bien que cela ne signifie absolument rien !
Une part de 30 % pour les régions, est-ce que ce sera déterminant ? Comme le mot « significatif », le mot « déterminant » ne veut strictement rien dire ! Pourquoi inscrire cette disposition dans la Constitution ?
M. Hilaire Flandre. Pourquoi ne pas l'inscrire ?
M. Jean-Pierre Sueur. De même, y inscrire le principe de la péréquation, c'est très bien, mais la vraie question est plutôt de mettre en oeuvre et de développer la péréquation existante. Or, lorsque l'on examine le projet de loi de finances qui nous est présenté aujourd'hui, on s'aperçoit que, s'il y a plus de dotations, il n'y a pas plus de péréquation. Nous sommes alors comme ces choeurs du Faust de Gounod, qui chantaient « Marchons ! marchons ! » mais qui n'avancent pas. Pourquoi vouloir insérer dans la Constitution un certain nombre de mots qui n'ont et qui n'auront aucun effet ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur certaines travées du groupe communiste, républicain et citoyen.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé aujourd'hui que, compte tenu du dépôt d'un amendement du Gouvernement visant à rédiger complètement l'article 6, l'ensemble des amendements déposés sur cet article feront l'objet d'une discussion commune.
Actuellement, nous sommes saisis de cinquante-trois amendements et sous-amendements.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole à est M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, il est près de zéro heure quarante-cinq et, en deux heures et quart, nous n'avons examiné qu'une vingtaine d'amendements. Même si l'amendement du Gouvernement propose une nouvelle rédaction de l'article 6, les cinquante-trois amendements et sous-amendements qui ont été déposés sur ledit article seront de toute façon appelés et défendus !
Dans ces conditions, je souhaiterais savoir quelles sont les intentions de la présidence en ce qui concerne l'heure à laquelle la présente séance sera levée. Vous nous avez indiqué qu'il était primitivement envisagé d'aller au terme de l'examen de l'article 6, soit, avec plus de cinquante amendements à examiner, jusqu'aux environs de quatre heures du matin. Or, monsieur le président, il y a une règle que vous connaissez bien - et mieux que d'autres ! - selon laquelle, entre deux séances consécutives, un délai de neuf heures doit être respecté.
Permettez-moi cependant de vous rappeler que la commission des finances doit examiner demain matin à neuf heures trente le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nous devons quand même disposer d'un minimum de temps pour nous reposer un peu, de façon à ne pas être dans un état complètement second pour des discussions aussi importantes !
Je souhaiterais donc que vous nous indiquiez à quelle heure vous envisagez de lever la séance.
Par ailleurs, ne pourrait-on envisager un jour d'appliquer aux commissions les règles qui sont actuellement appliquées à la séance ? Il est en effet trop facile de dire que le Sénat ne se réunira pas en séance publique alors que les commissions siégeront ! Comprenez que, pour nous, l'avantage est nul ! Or nous méritons d'être traités aussi bien que le personnel, qui bénéficie de mesures lui permettant d'épargner sa peine. Et ces mesures, je les approuve très largement, bien entendu !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien ! Et cela doit s'appliquer à toutes les commissions !
M. le président. Monsieur Charasse, la conférence des présidents qui s'est réunie ce matin a pris, après un très long débat, la décision de respecter le programme établi et donc de terminer cette nuit l'examen de l'article 6.
Si je prenais maintenant une décision contraire à titre personnel, vous me feriez le même reproche que celui que vous avez adressé à M. le président de la commission des lois, celui de prendre une décision sans consultation.
Etant un démocrate, je vais donc consulter le Sénat - c'est une procédure que vous avez déjà utilisée par le passé et que je peux par conséquent appliquer ce soir - pour savoir s'il souhaite, conformément à la décision prise par la conférence des présidents, poursuivre le débat jusqu'à la fin de l'examen de l'article 6.
M. Michel Charasse. C'est-à-dire jusqu'à quatre heures du matin !
M. le président. Je n'en sais rien pour l'instant ! Si vous allez vite, nous pouvons terminer plus tôt !
M. Josselin de Rohan. Cela dépend de vous !
Mme Hélène Luc. Cela ne veut rien dire ! Et si l'examen de l'article 6 durait sept heures ? Vous voulez limiter une discussion aussi importante ?
M. le président. Encore une fois, cela dépend de vous. Cela peut durer trois jours si vous prolongez le débat ! Vous n'avez pas fait de telle réflexion dans le passé !
Je consulte le Sénat sur la proposition tendant à poursuivre le débat jusqu'à la fin de l'examen de l'article 6.

(La proposition est adoptée.)
M. le président. La décision a été prise à une forte majorité.
Nous poursuivons l'examen de l'article 6.
Sur cet article, je suis saisi de vingt-neuf amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune ; mais, pour la clarté du débat, je les appellerai un par un.
L'amendement n° 194, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. C'est peu de dire que le texte de l'article 6 se présente, malgré des apparences séduisantes, comme un ensemble de dispositions qui sont plus que discutables et qui n'apportent pas de véritables réponses aux collectivités territoriales.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ils ont voté pour poursuivre le débat, mais maintenant ils s'en vont...
Mme Marie-France Beaufils. Dans les faits, la rédaction actuelle de l'article consacre les profondes inégalités de ressources existant entre collectivités territoriales, donne à la compétition fiscale entre territoires une vertu quasi constitutionnelle, et encourage, in fine, au développement des inégalités entre les citoyens devant l'impôt et vis-à-vis de la qualité du service public.
Ainsi, considérer que recettes fiscales, ressources d'exploitation et dotations nées des transferts entre collectivités territoriales constituent une part déterminante des ressources des collectivités dans leur ensemble revient, de facto, à donner une vertu à une forme d'austérité partagée et à consacrer la déshérence des dotations budgétaires de l'Etat.
Or de quelles ressources disposent aujourd'hui, d'abord et avant tout, nombre de nos collectivités locales, et singulièrement la très grande majorité de nos collectivités rurales ? De dotations budgétaires !
Consacrer la déshérence des dotations budgétaires, comme nous y invite l'article, est donc le plus sûr moyen de nous priver de l'outil de péréquation de ressources le plus pertinent aujourd'hui, malgré ses multiples imperfections - lesquelles, soit dit en passant, procèdent non pas de la nature même des dotations, mais bien plutôt de l'importance du prélèvement sur recettes dont nous débattons à l'occasion de la loi de finances.
Ce qui est en cause, ce n'est pas la qualité de la dotation de fonctionnement minimale des départements ni celle des dotations de solidarité urbaine ou rurale ; c'est plutôt l'asphyxie du dispositif de péréquation par insuffisance du montant consacré par l'Etat à leur abondement.
Dans le texte, on ne parle des dotations que pour faire allusion aux dotations que les collectivités recevaient - puisque l'article 6 a été modifié d'autres collectivités territoriales, laissant mal augurer des dotations nationales.
Quant à la fiscalité locale, son produit est aujourd'hui fort important en termes de montant : plus de 57,5 milliards d'euros. Mais ne nous voilons pas la face : la décision d'augmenter les taux d'imposition, ou simplement de les faire varier, a des effets fort différents selon la capacité des contribuables.
Quand il s'agit de la taxe foncière sur les propriétés bâties, pour laquelle les dispositifs de correction n'interviennent que de façon marginale, la hausse est ressentie dans toute son ampleur par le contribuable.
Et je ne parle pas ici des effets pervers sur le montant des rôles appelés en matière de taxe d'enlèvement des ordures ménagères ! Quand à la taxe professionnelle, largement allégée ces dernières années, l'importance des dégrèvements fait que son produit évolue moins et surtout ne prend pas suffisamment en compte les capacités contributives des entreprises.
Que l'on ne s'y trompe pas : laisser, dans certaines limites, aux collectivités locales le loisir de fixer le taux et l'assiette des impositions locales est pour le moins illusoire, sauf à considérer que vous voulez faire payer au prix coûtant par les habitants et sans tenir compte de leurs ressources les services mis en place dans les collectivités. A moins que vous n'envisagiez une orientation différente, à savoir la modification de la nature des recettes fiscales des collectivités locales.
Que prévoit l'article 6 ?
D'abord, une concurrence fiscale entre les territoires, donc une concurrence qui se fait à l'aveugle ou presque. La réalité de l'impact de la décision fiscale sur les contribuables n'est pas appréciée dans cette proposition.
Ensuite, un développement de l'inégalité devant l'impôt et de l'inégalité des moyens dont disposeront les collectivités territoriales.
Enfin, une taxation, une assiette fort inégales et déséquilibrées sur le territoire de la même matière fiscale, ce qui ne peut se résoudre que par des impositions votées au niveau national.
Parce que nous sommes attachés à une égalité de traitement des citoyens sur l'ensemble du territoire, on doit chercher, si l'on veut réformer, à prendre des dispositions qui visent à consacrer cette égalité et non à confirmer des inégalités entre les territoires, entre les citoyens.
C'est pour toutes ces raisons que le groupe communiste républicain et citoyen rejette sans ambiguïté l'article 6 et le texte qui tend à le remplacer, et que nous vous invitons à adopter l'amendement n° 194, ce qui, je le dis du passage, nous permettrait de terminer très rapidement la séance ! (Rires. - Applaudissements sur les travées du groupe communiste, républicain et citoyen et du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 149, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le texte proposé par cet article pour insérer un article 72-2 dans la Constitution :
« Art. 72-2. - Pour assurer leur libre administration, les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi.
« La loi fixe les règles concernant des dispositifs de solidarité nationale en vue de compenser les inégalités de ressources et de charges entre les collectivités territoriales.
« Toute suppression d'une recette fiscale propre perçue par les collectivités territoriales donne lieu à l'attribution de recettes fiscales d'un produit au moins équivalent.
« Tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution des ressources nécessaires à leur exercice. »
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Mme Marie-France Beaufils vient de vous proposer, pour gagner du temps, un amendement de suppression de l'article 6. J'utiliserai une méthode quelque peu différente avec cet amendement tendant à le rédiger autrement, puisque j'ai senti une volonté d'exprimer des principes.
Je plaide coupable, puisque deux des quatre alinéas ne font pas référence à la loi ; des principes y sont seulement affirmés, ce qui me semble être, si j'ai bien compris, le rôle de la Constitution.
Le premier alinéa dépasse la notion que vous évoquiez initialement, monsieur le garde des sceaux, et que vous avez abandonnée chemin faisant - mais on est très proche de votre texte - puisqu'il dispose que, « pour assurer leur libre administration » - et la Constitution reconnaît ce principe de libre administration -, « les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions prévues par la loi ». On précise donc que c'est ce pouvoir qui est la garantie essentielle de leur libre administration.
Dans le deuxième alinéa est abordé le problème de la solidarité nationale. Nous savons tous que les inégalités persistent - M. François Marc évoquait des amplitudes entre communes et entre départements -, inégalités de ressources - en général, celles dont on parle - mais aussi inégalités de besoins : toutes les collectivités ne sont pas confrontées aux mêmes besoins et il n'y a pas forcément de rapport entre leurs ressources et leurs besoins. Mieux vaut, donc, ériger en principe la solidarité nationale plutôt que s'en tenir à un simple mécanisme, comme vous le faites. Les mécanismes seront définis dans la loi.
Le texte du troisième alinéa pourrait difficilement être renié par un certain nombre de membres de cette assemblée : « Toute suppression d'une recette fiscale propre perçue par les collectivités territoriales donne lieu à l'attribution de recettes fiscales d'un produit au moins équivalent. » Pour éviter ce faux débat entre « prépondérant » et « déterminant », il faut considérer que le niveau actuel des ressources propres est acceptable, et nous le gelons afin qu'au hasard des lois cette situation puisse être améliorée, sans qu'il soit possible de procéder à des diminutions ou à des suppressions.
Enfin, « tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution des ressources nécessaires à leur exercice ». Le problème est bien là : les moyens dont disposent les collectivités doivent être en rapport avec les charges qu'elles subissent. Quand, dans un domaine précis - les exemples sont multiples - les efforts de l'Etat sont reconnus comme étant notoirement insuffisants, qui peut croire que la décentralisation, en transférant ce qui est notoirement insuffisant, apportera, par miracle, la solution aux problèmes qui ne sont pas encore réglés ?
J'aurai l'occasion, au fil de l'examen des différents sous-amendements, de détailler un peu plus longuement ces propos. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 248, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le texte proposé par cet article pour l'article 72-2 de la Constitution :
« Art. 72-2. - Les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi.
« Elles peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toute nature. La loi peut les autoriser à en fixer l'assiette et le taux dans les limites qu'elle détermine.
« Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources. La loi organique fixe les conditions dans lesquelles cette règle est mise en oeuvre.
« Tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalant à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création de nouvelle compétence est accompagnée de ressources déterminées par la loi.
« La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à compenser les inégalités entre collectivités territoriales. »
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Avant de présenter l'amendement du Gouvernement, je voudrais apporter quelques éléments de réponse aux orateurs qui sont intervenus sur l'article 6. Je voudrais en particulier répondre à M. Fourcade, qui a présenté d'une façon extrêmement argumentée les grands enjeux de cet article 6.
Je voudrais vous confirmer ce que vous avez exprimé vous-même, monsieur le sénateur, à savoir que cet article a pour objet d'apporter une garantie constitutionnelle à l'autonomie financière des collectivités territoriales. C'est effectivement en termes de principes qu'il est exprimé, car il s'agit d'un texte constitutionnel. On ne peut le constater et en même temps regretter un renvoi à la loi pour les modalités d'application de ces principes, comme d'autres orateurs l'ont dit après vous.
Vous avez également insisté - d'autres l'ont fait aussi -, c'est sur cette idée de responsabilité fiscale, qui est le corollaire de la responsabilité démocratique. C'est extrêmement important. La majorité sénatoriale et le Gouvernement partagent ce point de vue, contrairement à un certain nombre d'autres membres du Sénat, si j'ai bien compris. J'ai entendu une réflexion selon laquelle un système dans lequel les ressources des collectivités territoriales seraient composées à 60 % ou 70 % de dotations - on a évoqué le cas de pays scandinaves - était au fond quelque chose de parfaitement acceptable. Ce n'est effectivement pas notre conception des choses. Ce débat est donc intéressant pour clarifier la vision que les uns et les autres peuvent avoir de la décentralisation.
Vous avez aussi souhaité que l'on mette un coup d'arrêt à cette évolution progressive vers le développement des dotations budgétaires. Je vous confirme que c'est vraiment au coeur du projet du Gouvernement, comme le Premier ministre a eu l'occasion de le dire ces jours derniers, y compris à vous-même.
J'en viens aux raisons pour lesquelles le Gouvernement a choisi la présentation qui est la sienne. Faisons attention de ne pas, par un excès de rigueur dans la présentation du principe que je viens de rappeler, bloquer le processus de décentralisation. Chacun l'a bien compris, il s'agit d'affirmer un principe et, ensuite, de construire les modalités nécessaires à son application.
Le dernier point concerne la nécessité de faire une réforme fiscale. La volonté du Gouvernement d'affirmer dans la Constitution un certain nombre des éléments contenus dans cet article 6 implique d'engager rapidement cette réforme fiscale, si nous voulons effectivement construire de manière substantielle une nouvelle étape de la décentralisation. M. le ministre délégué aura sans doute l'occasion, au fil de la discussion des amendements sur cet article, d'apporter des éléments de réponse plus précis. Mais il est clair que les textes qui vous seront présentés par le Gouvernement au début de l'année 2003 contiendront des dispositions modifiant la fiscalité.
Monsieur Fréville, vous avez, à juste titre, exprimé l'idée qu'un excès dans l'expression de l'autonomie financière pouvait être rigoureusement contradictoire avec la volonté de décentraliser davantage, en tout cas à un instant donné. Il faut donc y prendre garde, et c'est ce qui explique la prudence du Gouvernement dans l'expression du principe.
Par ailleurs, monsieur Frimat, pourquoi regretter le fait que le Gouvernement ait pris en compte, dans l'amendement n° 248 que je présenterai dans un instant, un certain nombre d'observations exprimées par les sénateurs, en particulier lors de la discussion générale ? A quoi serviraient les débats parlementaires s'ils n'aboutissaient pas à modifier les textes qui sont proposés par le Gouvernement ?
Un orateur du groupe socialiste s'est élevé contre l'idée de concurrence entre les territoires. Nous sommes tous hostiles au mauvais temps et nous sommes tous favorables au beau temps ! La concurrence entre les territoires, ce n'est pas le projet de réforme constitutionnelle qui l'organise : c'est la réalité d'hier, d'aujourd'hui et de demain. Les territoires sont en concurrence ! Tous les élus locaux qui sont ici - je suis moi-même élu local - le savent bien. La question est de savoir comment ajouter une concurrence saine en termes de qualité de gestion à la concurrence de fait qui est constatée. Il faut vivre dans la réalité !
Avec cet amendement n° 248, le Gouvernement a souhaité prendre en compte un certain nombre d'apports issus, d'abord, des travaux de la commission, ensuite de la discussion générale. Comment se présente cet amendement ?
Au premier alinéa est affirmé le principe de libre disposition des ressources de façon claire et directe, selon une formule qui me semble sans ambiguïté.
Au deuxième alinéa relatif à la perception des impositions, il est tenu compte des amendements de votre commission mettant au pluriel l'expression : « impositions de toutes natures » et rétablissant l'ordre logique entre l'assiette et le taux, en cohérence avec les termes de l'article 34 de la Constitution.
Au troisième alinéa, le Gouvernement se rallie à l'idée de ne pas compter les dotations intercollectivités parmi le ratio des ressources propres des collectivités territoriales, sujet qui avait été longuement évoqué lors de la discussion générale. En revanche, je veux revenir sur le refus du Gouvernement de faire référence à la part prépondérante. En effet, je l'ai indiqué tout à l'heure, retenir cette idée de part prépondérante aurait eu pour effet de placer immédiatement le droit positif en rupture avec la norme constitutionnelle. A l'évidence, cela aurait été une erreur compte tenu de la volonté commune, me semble-t-il, du Gouvernement et de la majorité d'aller vers une nouvelle étape de décentralisation.
Au quatrième alinéa relatif à la compensation des transferts de charges, il est ajouté un principe selon lequel « toute création de nouvelle compétence est accompagnée de ressources déterminées par la loi ». J'espère que cette rédaction répondra aux demandes exprimées par de nombreux sénateurs, notamment à la suite de la loi sur l'allocation personnalisée d'autonomie. Je voudrais rappeler à l'opposition, qui, en ce domaine, doit faire preuve d'une certaine modestie, me semble-t-il, que cette affaire représente un traumatisme considérable pour l'ensemble des élus locaux, et pas seulement des élus départementaux, car c'est l'exemple même de ce qu'il ne faut pas faire.
C'est la raison pour laquelle le fait d'affirmer que la loi doit définir des ressources nouvelles en cas de création de nouvelle compétence me paraît une réponse à la fois raisonnable dans l'expression et adaptée, compte tenu de l'histoire récente que nous venons de connaître au travers de cette affaire de l'allocation personnalisée d'autonomie.
Enfin, au cinquième alinéa, le principe de péréquation destiné à compenser les inégalités entre collectivités territoriales, de quelque nature qu'elles soient, me paraît clairement posé.
En conclusion, il me semble que ce travail de synthèse, que nous avons souhaité compte tenu de l'importance des observations qui avaient été formulées tant par la commission que dans la discussion générale, répond, pour l'essentiel, aux préoccupations que vous avez bien voulu exprimer.
M. le président. L'amendement n° 248 est assorti de vingt-quatre sous-amendements.
Le sous-amendement n° 254, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le début du premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 248 pour l'article 72-2 de la Constitution :
« Pour assurer leur libre administration, les collectivités territoriales... »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Nos sous-amendements ont pour objet de redonner un peu de substance au texte du Gouvernement sur plusieurs points.
Messieurs les ministres, le projet de loi initial faisait référence à la libre administration des collectivités territoriales, mais cette mention ne figure plus dans l'amendement que vous avez déposé aujourd'hui. Il nous a paru utile de la rétablir.
La rédaction de l'article 6 n'était pas satisfaisante, car on pouvait en déduire que la libre administration des collectivités territoriales se résumait à la libre disposition des ressources. En effet, la libre administration serait garantie, c'est-à-dire effective, dès lors que les collectivités territoriales disposeraient de ressources dont elles useraient librement.
Si la capacité de voter le budget est assurément une condition indispensable de la libre administration d'une collectivité territoriale, nous devons constater qu'elle n'est pas la seule. Par ailleurs, il ne fait pas de doute que d'autres pouvoirs des collectivités territoriales participent à la mise en oeuvre du principe de libre administration.
Le sous-amendement n° 254 tend à éviter que la libre administration des collectivités territoriales ne puisse être confondue avec la libre disposition de ressources, la première notion étant plus large que la seconde.
Il nous paraît utile de faire figurer dans le présent projet de loi constitutionnelle cette notion de libre administration. Nous espérons être suivis par le Gouvernement et par la commission, puisque ladite notion a été introduite par le Gouvernement et qu'elle a été approuvée par la commission. Je ne vois pas ce qui pourrait s'opposer à l'adoption de ce sous-amendement.
M. le président. Le sous amendement n° 269, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le début du premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 248 pour l'article 72-2 de la Constitution :
« Dans le respect du principe de libre administration,... ».
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. La rédaction de l'amendement n° 248 pose une question assez surprenante, notamment au vu de l'exposé des motifs et des intentions affirmées par les auteurs du projet de loi.
En effet, alors même que l'article 72-2 de la Constitution est censé consacrer l'autonomie financière des collectivités territoriales, voilà que disparaît le principe de libre administration, pourtant inscrit en toutes lettres dans le code général des collectivités territoriales.
Les deux données sont pourtant a priori compatibles et l'on peut s'étonner que l'on affirme l'une en oubliant l'autre.
Mais, évidemment, se pose le problème de ce que sont les mots et des choses qu'ils recouvrent.
Nous estimons donc indispensable que cet oubli regrettable soit réparé, quand bien même l'on pourrait nous affirmer que la codification du principe de libre administration se suffit à elle-même.
Mais est-ce vraiment un oubli ? Car, au fond, ce projet de loi constitutionnelle de décentralisation est tout sauf un projet ouvrant la voie à l'exercice plein et entier des libertés locales. Cette omission du Gouvernement sur cette question sensible des financements est une illustration de la manière générale dont les choses sont conçues.
Il s'agit bel et bien de valider constitutionnellement les transferts de charges déjà opérés par le passé, fussent-ils fort imparfaitement compensés par l'attribution de ressources permettant aux collectivités locales de les assumer et d'ouvrir la voie à de nombreux transferts de charges qui mettront à mal les faibles marges de décision des élus locaux.
Quelques exemples suffisent à illustrer ce propos.
Je prendrai le cas de l'allocation personnalisée d'autonomie, qui a constitué pour les bénéficiaires une véritable avancée, mais qui devient aujourd'hui une charge importante pour de nombreux départements. Monsieur le ministre, je vous rappelle que, pour notre part, nous avions proposé que son financement soit assuré par la sécurité sociale, donc par une recette qui soit véritablement affectée.
De quelle liberté disposent alors les élus locaux ? De celle de réduire la quotité ou la qualité des prestations servies aux allocataires ou de celle d'augmenter sensiblement la pression fiscale pour faire face à la montée en puissance du dispositif ?
Le même exemple vaut, au demeurant, pour le financement des services d'incendie et de secours, ou encore pour la question de la gestion des déchets ménagers, qui contraignent bien souvent les collectivités locales à l'augmentation de la fiscalité directe et, singulièrement, de la taxe foncière sur les propriétés bâties ou de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères.
En fait, la libre administration des collectivités territoriales est encore à inventer.
Très nombreux sont les élus locaux qui n'ont pas les moyens financiers d'entreprendre la moindre démarche originale de gestion, d'opérer le moindre choix innovant et qui sont d'ailleurs amenés, sinon contraints, à recourir aux voies de la coopération intercommunale pour donner un sens à leur action de terrain, directement palpable par leurs administrés.
Que le Gouvernement ait oublié de prendre en compte cette dimension dans son amendement n'est pas une surprise, puisqu'il s'avère à l'examen - et ce n'est pas une pure spéculation ou un procès d'intention - que la décentralisation est instrumentalisée par ce projet de loi comme un moyen de simple décentralisation du déficit public.
Ce Gouvernement et la majorité qui le soutient n'en sont pas à leur coup d'essai : en 1993, lors de la réforme de la dotation globale de fonctionnement, ou en 1995, lors de la discussion du pacte de stabilité, il en était de même.
La seule finalité des mesures de l'époque était de réduire coûte que coûte le déficit de l'Etat et d'en partager la contrainte sur les contribuables locaux.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter ce sous-amendement à l'amendement 248.
M. le président. Les deux sous-amendements suivant sont identiques.
Le sous-amendement n° 195 rectifié est présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade.
Le sous-amendement n° 262 est présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 248 pour l'article 72-2 de la Constitution. »
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour défendre le sous-amendement n° 195 rectifié.
Mme Marie-France Beaufils. Nous avons besoin d'une réforme du financement des collectivités territoriales, mais laquelle ? C'est un peu la question que pose la rédaction actuelle du second alinéa du nouvel article 72-2 de la Constitution.
Force est aujourd'hui de constater que les impôts locaux nécessitent une réforme profonde permettant de lier plus nettement justice fiscale, efficacité économique et sociale et, in fine, pérennité des ressources des collectivités territoriales.
La qualité des dispositions relatives aux collectivités territoriales demeure en effet le plus sûr moyen de parvenir, par le biais d'une allocation judicieuse des ressources collectées, à répondre effectivement aux besoins des populations.
Nous avons indiqué que la fixation des taux d'imposition procédait quelque peu de cette vision, compte tenu du paysage fiscal actuel.
Offrir demain la possibilité de jouer, même à la marge, sur l'assiette des impositions locales est une question relativement importante.
Si l'on s'en tient à ce qui existe aujourd'hui - la faculté d'exonérations temporaires de la taxe professionnelle, par exemple - on pourrait presque se dire que la démarche mise en oeuvre par cet alinéa est finalement assez secondaire. En fait, nous croyons plutôt que cela offrira un cadre à une inégalité de traitement fiscal entre les contribuables, laquelle se fonderait notamment sur une assiette a priori différente de celle qui existe aujourd'hui.
Si l'on tient pour acquis l'abandon de la révision des valeurs locatives prévue par la loi de 1990, qui a montré la difficulté de l'exercice quand, dans une même masse, on ne touche pas à l'un des paramètres qui la composent - je veux parler de la taxe professionnelle - dans quelle direction va-t-on ?
Allons-nous substituer des assiettes nouvelles à celles qui existent pour la taxe d'habitation, la taxe professionnelle ou encore la taxe foncière ? Sur quelles bases ? N'est-ce pas consacrer totalement l'inégalité des territoires et l'inégalité des citoyens face à l'impôt ?
On parle également d'une prise en compte de l'excédent brut d'exploitation en lieu et place de la valeur des immobilisations pour la taxe professionnelle.
Certains évoquent aussi la création d'une sorte de contribution sociale généralisée locale venant remplacer l'actuelle assiette de la taxe d'habitation et faisant de celle-ci une sorte d'appendice de l'impôt sur le revenu.
Quant aux transferts de compétences, des suggestions sont faites sur la possibilité de reverser aux collectivités territoriales une partie du produit des droits indirects qui frappent la consommation ou, plus spécifiquement, ceux qui touchent les produits pétroliers.
Que verrait-on si de telles suggestions étaient retenues en même temps que la possibilité d'en fixer le taux et l'assiette ? Une TIPP différente selon que l'on habite en Poitou-Charentes, en Languedoc-Roussillon ou en Ile-de-France ? Une CSG plus ou moins lourde selon que l'on habite à Paris, à Marseille ou à Auch ? Une TVA auvergnate plus lourde que la TVA rhônalpine ?
C'est bel et bien ce qui sous-tend la rédaction du second alinéa de l'article 6.
En voulant donner l'impression d'accorder aux élus locaux la liberté de choisir l'assiette de leurs impôts, vous nous proposez, en fait, de mettre en cause les fondements mêmes de notre République : l'égalité devant la loi de tous les citoyens.
C'est au pays, à son Parlement, de décider quels impôts doivent participer au financement du budget de l'Etat et des collectivités territoriales. C'est le seul moyen de rendre vivant l'article 1er de notre Constitution.
La démarche que vous nous proposez constitue un vrai leurre puisque, sur le fond, elle consiste à faire en sorte que les élus territoriaux fassent couvrir de plus en plus par l'impôt local les charges qui leur sont imposées au fur et à mesure de la mise en place des nouvelles compétences et des nouvelles exigences.
Vous pourrez ainsi tranquillement mettre en oeuvre la réduction de l'impôt sur le revenu promise par le Président de la République au cours de la campagne pour l'élection présidentielle, réduire l'impôt sur les sociétés et répondre aux exigences du traité de Maastricht.
Vous réduirez le déficit de l'Etat en le faisant supporter au plus bas par l'ensemble des habitants, sans tenir compte de leurs capacités financières.
Telles sont les raisons qui motivent le dépôt de notre sous-amendement. (C'est tout ? sur les travées du RPR.)
M. le président. Je rappelle que chaque orateur dispose d'un temps de parole de cinq minutes pile, et pas davantage.
Mme Hélène Luc. Il faut nous laisser le temps de nous expliquer complètement sur un texte de nature constitutionnelle, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour défendre le sous-amendement n° 262.
M. Bernard Frimat. Le sous-amendement n° 262 vise à supprimer, dans le texte de l'amendement n° 248 du Gouvernement, les dispositions prévoyant d'une part que les collectivités territoriales peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toute nature et, d'autre part, que la loi peut les autoriser à en fixer le taux et l'assiette. Le deuxième alinéa de cet amendement nous semble, d'une certaine façon, inutile.
Les collectivités territoriales reçoivent déjà, de par la loi, tout ou partie des impositions de toute nature. Les lois mettant en place la décentralisation ont d'ailleurs organisé le transfert de certains impôts aux collectivités territoriales.
Le fait que la loi permette à une collectivité territoriale de recevoir tout ou partie des impositions de toute nature n'a donc jamais soulevé aucune difficulté d'ordre constitutionnel. Cette disposition paraît en conséquence inutile.
Par ailleurs, inscrire dans la Constitution le pouvoir des collectivités territoriales de fixer le taux et l'assiette des impôts locaux nous semble relever de la même veine. En effet, la loi le permet déjà dans le cadre constitutionnel actuel. Les collectivités territoriales votent les taux des quatre taxes locales. Contrairement à ce que certains voudraient nous faire croire, elles n'ont pas attendu la décentralisation pour le faire, en vertu de l'article 2 de la loi du 10 janvier 1980, déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans une décision du 9 janvier 1980.
Indiquer dans la Constitution que les collectivités territoriales fixent le taux et l'assiette des impôts locaux présente, mes chers collègues, une autre difficulté.
Cela reviendrait à placer cette disposition, dans la hiérarchie des normes juridiques, sur un même niveau que les dispositions indiquant, à l'article 20 de la Constitution, que « le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation » ou, encore, à l'article 34, que la « loi fixe les règles concernant l'assiette, et le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ». La portée des articles 20 et 34 serait dès lors atténuée.
Or, je crois - et telle sera ma conclusion, monsieur le président - que chacun souhaite ici que le Gouvernement, quel qu'il soit, continue à déterminer et à conduire la politique de la nation, surtout à une époque où le thème de l'impuissance du politique fait le jeu à la fois des extrémismes et de l'abstentionnisme.
Je crois, enfin, qu'il faut conserver au Parlement le pouvoir qu'il a reçu de consentir, au nom des citoyens, à l'impôt. Ce pouvoir est à l'origine de l'édification des régimes parlementaires de par le monde, il fonde la légitimité du Parlement. L'impôt est en retour légitimé par le Parlement. Impôt et Parlement vont de pair, car ils se légitiment mutuellement.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. le président. Le sous-amendement n° 255, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Après le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 248 pour l'article 72-2 de la Constitution, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Toute suppression d'une recette fiscale propre perçue par les collectivités territoriales donne lieu à l'attribution de recettes fiscales d'un produit au moins équivalent. »
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Ce sous-amendement prévoit que toute suppression d'une recette fiscale propre perçue par les collectivités territoriales donne lieu à l'attribution de recettes fiscales d'un produit au moins équivalent.
A la lecture détaillée de l'amendement n° 248 qui, soit dit en passant, monsieur le garde des sceaux, ne fait que reprendre les dispositions les plus anodines parmi celles qui avaient été prévues par la commission des lois, force est de constater que la suppression d'une recette fiscale n'est pas traitée en tant que telle. Or nous savons bien, et vos propos de tout à l'heure le confirment, que trop souvent les suppressions de recettes fiscales ont été transformées en dotations de la part de l'Etat dont, l'évolution est différente. Chacun sait les défauts du système.
Bien que l'avant-dernier paragraphe de l'amendement n° 248 indique que tout transfert doit s'accompagner de l'attribution de ressources équivalentes, dans la mesure où ce ne sont pas forcément des ressources fiscales, il nous apparaît important d'indiquer que chaque recette fiscale est remplacée par une autre. Il me semble d'ailleurs, monsieur le président, que c'était l'un des aspects majeurs que vous aviez soulignés dans votre proposition de loi. Je pense donc que la majorité se fera un plaisir de retenir ce sous-amendement.
M. le président. Vous avez de bonnes références, monsieur Peyronnet ! Continuez !
M. Jean-Pierre Fourcade. Je félicite les nouveaux convertis !
M. le président. Le sous-amendement n° 256, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Supprimer le troisième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 248 pour l'article 72-2 de la Constitution. »
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. M. Fourcade se réjouit à mi-voix des conversions. Même si ce n'est pas fondamentalement notre philosophie, faut-il déplorer que quelqu'un trouve son chemin de Damas ? Depuis le début de ce débat, nous attendons désespérément que le Gouvernement trouve le sien ! Il a encore quelques heures pour y parvenir. Nous lui indiquerons la route. Nous allons essayer de l'aider en espérant être entendus et en souhaitant, monsieur le président, que notre droit ne se limite pas au seul dépôt d'amendements et que, de temps en temps, par conviction ou par inadvertance, l'un de ces amendements puisse être repris !
M. le président. Plutôt par conviction !
M. Bernard Frimat. Cependant, monsieur le président, à cette heure tardive, on peut aussi miser sur l'inadvertance, même si la vigilance de notre président-rapporteur est grande.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Comptez plutôt sur la bienveillance que sur l'inadvertance !
M. Bernard Frimat. J'espère que vous me décompterez le temps si je suis interrompu, monsieur le président, car il serait dommage de traiter de ces questions de manière précipitée.
M. Jacques Peyrat. Ça, c'est vrai !
M. Bernard Frimat. Leur importance nécessite que nous les examinions avec toute la pondération nécessaire.
J'en viens, si vous me le permettez, mes chers collègues, au sous-amendement n° 256.
L'amendement n° 248 du Gouvernement, malgré le talent de M. le garde des sceaux, que personne ne peut nier dans cette assemblée, ne nous a pas convaincus.
M. René Garrec, rapporteur. Dommage !
M. Bernard Frimat. Il conserve ce chef-d'oeuvre, futur objet de l'attention des professeurs de droit constitutionnel, de la « part déterminante ». Or quelle est la signification d'une part déterminante ? (M. le rapporteur s'exclame.)
Nous restons sur notre faim, et nous nous interrogeons longuement.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. Oui, très longuement !
M. Bernard Frimat. Comment la contrainte que ferait peser l'Etat sur cette part déterminante est-elle déterminée puisque nous sommes en présence d'un concept flou ?
Aussi, de façon à éviter que, demain, vous n'ayez à subir la critique forcément désagréable d'avoir introduit un alinéa flou, nous essayons de vous aider et vous proposons la clarté en supprimant cet alinéa. C'est à notre avis une argumentation qui est déterminante par rapport à la part que vous avez essayé d'évoquer !
M. le président. Le sous-amendement n° 257, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« A la fin de la première phrase du troisième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 248 pour l'article 72-2 de la Constitution, remplacer les mots : "une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources" par les mots : "plus de la moitié de leurs ressources". »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Au moment de défendre ce sous-amendement, monsieur le président, je voudrais rendre hommage à la compétence juridique et à la sagesse de notre président-rapporteur, M. Garrec. (M. le rapporteur s'exclame.)
M. Gérard Braun. Méfiez-vous !
M. Jean-Pierre Sueur. Je tiens à lui rendre un hommage appuyé, car, lorsque M. Garrec a pris connaissance de la rédaction du projet de loi et de cette notion de « part déterminante », il a eu un réflexe que chacun peut comprendre et qui, avec toute la compétence juridique qui est la sienne, bien entendu, s'est transformé en un raisonnement en une proposition. M. Garrec nous a dit : « On ne peut quand même pas voter ça ! » - enfin, je résume - et il nous a proposé une autre formulation. Mes chers collègues, a-t-il indiqué, mettez « prépondérant », au moins cela voudra dire quelque chose ! On dira que l'ensemble des ressources propres et des recettes fiscales des collectivités locales - à présent que la question des ressources provenant d'autres collectivités est réglée - doit constituer la part « prépondérante » de leurs ressources.
M. Josselin de Rohan. Voilà, seulement ça pose un problème !
M. Jean-Pierre Sueur. Mon cher collègue, cela a été adopté par la majorité de la commission, dont vous faites partie.
M. Josselin de Rohan. On peut réfléchir !
M. Jean-Pierre Sueur. Donc, notre collègue était lui aussi d'accord sur l'adjectif « prépondérante ».
Nous avons posé une question très simple. Nous avons indiqué à M. le rapporteur que, dans le fond, s'il inscrivait « prépondérante », cela signifiait que c'était la part principale.
M. Josselin de Rohan. C'est exact !
M. Jean-Pierre Sueur. M. Gélard a répondu qu'il y avait peut-être une troisième part, provenant des ressources européennes. Cependant, toutes les collectivités ne reçoivent pas beaucoup de fonds de l'Europe, il faut bien le dire.
M. René Garrec, rapporteur. C'est dommage !
M. Jean-Pierre Sueur. Si l'on indique « prépondérante », il est logique d'en conclure que cela correspond à plus de la moitié des ressources. Alors, écrivons-le !
M. Josselin de Rohan. Vous êtes un champion de l'égalité.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous avions déposé ce sous-amendement pour voir si M. le rapporteur l'accepterait en séance publique. En effet, si nous comprenons bien le sens de l'adjectif « prépondérant », il n'y a aucune difficulté à l'adopter. Simplement, si on l'adopte, il est tout à fait clair qu'on ne pourra pas faire le budget de l'année prochaine ni celui de l'année suivante, parce que, vous le savez bien, la part des recettes fiscales et autres ressources des régions ne représente que 30 %. Aussi, pour arriver à la moitié, elles rencontreront quelques difficultés.
Notre rapporteur en aurait donc été réduit à expliquer douloureusement que c'était prépondérant, mais que ce n'était quand même pas supérieur à la moitié, qu'il s'agissait d'un nouveau concept, entre le « déterminant » et le « prépondérant » tel que nous le comprenons habituellement !
Pour faire face à cette difficulté, le Gouvernement s'est opportunément porté au secours de tout le monde et a proposé de réintroduire la qualification « déterminante ».
La question est de savoir ce qu'en pense M. le rapporteur-président. D'après ce qu'il nous a dit cet après-midi, cela semble lui convenir. J'en conclus que ce qui pose problème aujourd'hui, ce ne sont pas tellement les responsabilités et les prérogatives des collectivités locales. Il m'arrive de me demander si ce ne sont pas plutôt les rapports entre le Gouvernement et la majorité du Sénat, du moins telle qu'elle s'exprime au sein de la commission des lois !
M. Josselin de Rohan. Même pas !
M. Jean-Pierre Sueur. Il est en tout cas ainsi démontré que nous étions dans le flou et que nous y restons. Cette rédaction n'a aucun sens, chacun le sait, mais vous n'en prenez pas moins la responsabilité de l'inscrire dans la Constitution !
La démonstration étant faite, nous retirons le sous-amendement n° 257, ce qui permettra aussi de gagner un peu de temps.
M. le président. Le sous-amendement n° 257 est retiré.
Le sous-amendement n° 249 rectifié, présenté par M. Charasse et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Compléter la première phrase du troisième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 248 pour l'article 72-2 de la Constitution par les mots : "qui ne peut être inférieure à son montant effectif constaté au 1er janvier 2003 et qui évolue au moins comme l'inflation". »
Le sous-amendement n° 250 rectifié, présenté par M. Charasse et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Compléter la seconde phrase du troisième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 248 pour l'article 72-2 de la Constitution par les mots : "par la loi de finances de l'année". »
La parole est à M. Bernard Frimat, pour défendre ces deux sous-amendements.
M. Bernard Frimat. Nous traitons toujours du même sujet. Notre collègue Michel Charasse, auteur principal de ces sous-amendements, nous dit que, quelle que soit la formule retenue, part prépondérante, part déterminante, part essentielle - on pourrait essayer « part fondamentale » -, on ignore toujours ce que représentera ladite part.
La conséquence positive de ce sous-amendement n° 249 rectifié, qui prévoit que cette part ne pourra « être inférieure à son montant effectif constaté au 1er janvier 2003 », serait de « geler » l'importance actuelle de la fiscalité locale puisque sa diminution serait impossible à partir du 1er janvier 2003.
Pour les années suivantes, cette part évoluerait au moins comme l'inflation. Son montant serait fixé - c'est l'objet du sous-amendement n° 250 rectifié - dans la loi de finances, sous le contrôle du Conseil constitutionnel.
Si cette disposition impose, certes, une contrainte importante à l'Etat, elle constitue aussi une garantie forte pour les collectivités territoriales. En outre, n'en doutons pas, la mise en oeuvre de la réforme de la fiscalité locale devrait s'en trouver accélérée.
M. le président. Le sous-amendement n° 101 rectifié bis, présenté par M. Charasse et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Après le troisième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 248 pour l'article 72-2 de la Constitution, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Seule une recette fiscale dont le produit relève de la libre décision des collectivités territoriales peut remplacer une recette fiscale dont elles fixaient librement le taux ou le produit. »
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Toujours dans la même veine, le sous-amendement n° 101 rectifié bis prévoit que « seule une recette fiscale dont le produit relève de la libre décision des collectivités territoriales peut remplacer une recette fiscale dont elles fixaient librement le taux ou le produit ».
On voit bien le sens de ce sous-amendement : le principal problème rencontré par les collectivités territoriales, depuis plusieurs années, tient au remplacement progressif d'une fiscalité dont elles fixent librement le taux et le produit par des dotations de compensation dont elles n'ont pas la maîtrise. C'est un thème que j'ai déjà abordé tout à l'heure.
Il est proposé de mettre un terme à cette dérive fâcheuse pour les finances locales en prévoyant que désormais un impôt dont les collectivités fixent le taux et le produit ne puisse être remplacé que par un impôt sur lequel elles ont le même pouvoir.
M. Fourcade s'en félicite : je suis donc sûr qu'il votera ce sous-amendement.
Nous avons donc plusieurs cordes à notre arc et nous laissons, en quelque sorte, plusieurs chances à la majorité de voter une disposition majeure qui, une fois encore, monsieur le président, rejoint des dispositions contenues dans votre proposition de loi.
M. le président. Je crois savoir que, dans le texte de l'amendement n° 248, il y a une disposition qui s'apparente à celle-ci.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. En effet !
M. le président. M. le ministre précisera donc ce point tout à l'heure, monsieur Peyronnet ; mais je vois que vous avez de plus en plus de bonnes références, et je m'en félicite !
Le sous-amendement n° 271, présenté par MM. Charasse, Peyronnet, Bel et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit l'avant-dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 248 pour insérer un article 72-2 dans la Constitution :
« Tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales et toute charge imposée aux collectivités territoriales par des décisions de l'Etat sont accompagnés du transfert concomitant de ressources garantissant la compensation intégrale et permanente de ces charges. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Je tiens à saluer la grande précision de ce sous-amendement et à relever le fait qu'il dit quelque chose, contrairement à l'amendement du Gouvernement, qui, lui, ne dit pas grand-chose !
Ce sous-amendement prévoit en effet que « tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales et toute charge imposée aux collectivités territoriales par des décisions de l'Etat sont accompagnés du transfert concomitant de ressources garantissant la compensation intégrale et permanente de ces charges ».
C'est autre chose que de prévoir que la loi fixera les sommes qui seront versées aux collectivités locales. Là, il s'agit de la « compensation intégrale », et pas pour un moment, pour quelques mois ou pour quelques années, mais de manière « permanente ».
Mes chers collègues, vous aurez tous reconnu l'amendement que la majorité de la commission des lois, dans sa sagesse, avait adopté. La question est maintenant de savoir si la majorité ici présente se reconnaît dans la majorité de la commission des lois ou si, une fois encore, au prétexte que le Gouvernement a déposé ce matin un nouvel amendement, elle acceptera que le travail de la commission des lois se trouve réduit à néant, travail auquel nous n'avons d'ailleurs pas intégralement, vous le savez, souscrit. Bref, voyons si ceux qui avaient adopté cet amendement le déclareront aujourd'hui sans plus d'intérêt et se rallieront à la formule creuse imaginée par le Gouvernement !
M. Jean-Claude Peyronnet. Canada Dry !
M. le président. Le sous-amendement n° 196 rectifié, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :
« Après les mots : "et les collectivités territoriales" rédiger comme suit la fin de la première phrase du quatrième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 248 pour l'article 72-2 de la Constitution : "est compensé de manière intégrale et permanente". »
La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc. Les transferts de compétences entre l'Etat et les collectivités locales ont une histoire pour le moins mouvementée, notamment depuis l'adoption des lois de décentralisation, et sont encore aujourd'hui au coeur du débat.
Il n'est d'ailleurs pas étonnant que plusieurs amendements visent à réécrire le quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution en prenant en compte la question de la compensation intégrale et permanente des compétences transférées.
La décentralisation a trop souvent consisté à « décentraliser » le déficit de l'Etat sur les collectivités locales, celles-ci étant tenues par la loi de respecter une règle intangible d'équilibre budgétaire, et c'est ce que vous voulez continuer de faire, messieurs les ministres.
Je ne peux m'empêcher de vous lire une citation de M. Alain Lambert : « Nous sommes prêts à échanger de la liberté contre de l'argent. » Je vous cite aussi M. Puech : « L'Etat n'a plus les moyens d'assumer certaines missions : sport, culture, action sociale, investissement. »
Voilà qui a le mérite de la clarté ; j'aurais pu aussi vous lire une citation de M. Devedjian, mais je ne la retrouve plus !
M. Jean-Claude Peyronnet. Dommage !
Mme Hélène Luc. Nous avons pu constater les effets de l'application de cette règle, qu'il s'agisse des investissements scolaires, du financement de l'action sociale ou encore de la régionalisation des transports ferroviaires publics de voyageurs.
Il pourrait d'ailleurs être intéressant de calculer, sur la durée, les dépenses non compensées aux collectivités locales, le transfert de quelques droits d'enregistrement, à l'évolution au demeurant limitée par les aléas de la conjoncture économique, étant insuffisant pour y faire face. Le plus souvent, la nécessité d'une compensation s'est négociée sur la base de la reconduction du service existant au moment du transfert.
Je citerai un exemple, celui des collèges du Val-de-Marne. En 1986, la dotation départementale d'équipement des collèges, la DDEC, représentait 15 352 531 francs - il est trop tard pour convertir en euros ! -, alors qu'étaient investis 25 943 000 francs : la DDEC s'élevait donc à 59 % de la somme totale. En 2002, la DDEC représente 33 913 000 francs et les crédits investis s'élèvent à 348 801 780 francs, c'est-à-dire 9,7 % au lieu de 59 %.
Toujours est-il que l'adoption d'un principe de compensation intégrale et permanente des compétences transférées est la moindre des choses, eu égard à ces expériences diverses.
En effet, laisser dériver les dépenses liées au transfert de compétences par rapport aux dotations accordées par l'Etat pour y faire face induira dans la durée un certain nombre de conséquences plus que discutables.
Soit la fiscalité locale flambera - elle augmenterait pour certaines colllectivités de 20 % - et les impôts perçus par les régions ou toute autre collectivité vers laquelle se réalisait le transfert augmenteront tout particulièrement, soit la qualité globale du service rendu, qui sera liée aux capacités financières propres à chaque collectivité, sera remise en cause.
Finalement, c'est devant une inégalité de traitement des citoyens, hélas ! appuyée sur la réalité des inégalités actuelles, que l'on se trouvera.
M. Fourcade dit qu'il proposera une réforme des finances locales, mais le principe n'est pas encore adopté, et, à nos yeux, la compensation intégrale et permanente des compétences transférées est la meilleure solution.
C'est la réponse la mieux adaptée, car elle est fondée sur la mise en oeuvre de la solidarité nationale, en lieu et place d'une sollicitation plus importante encore du contribuable et de l'usager, comme le sous-tend la rédaction actuelle du quatrième alinéa du texte proposé pour l'article 72-2 de la Constitution.
Ajoutons que donner vertu constitutionnelle à un principe qui permettra ensuite à l'Etat de se défausser de ses propres responsabilités sur les collectivités territoriales est tout de même plus que discutable.
Adopter en l'état cet alinéa revient dans les faits à valider par avance les ajustements budgétaires opérés sur les comptes publics, nonobstant la réalité des besoins collectifs.
M. le président. Veuillez conclure, madame Luc.
Mme Hélène Luc. Je conclus, monsieur le président, par une question : doit-on voter une modification de la Constitution pour laisser à l'Etat des marges de manoeuvre financières utilisables à loisir ou pour favoriser la concrétisation des objectifs fondamentaux d'égalité républicaine ?
Permettez-moi, d'ailleurs, à l'occasion de cet amendement, de rappeler qu'au-delà des transferts de compétences les collectivités sont soumises régulièrement à la mise en place de nouvelles réglementations dont elle n'ont pas la maîtrise et qui se traduisent par des charges nouvelles, sans compensation.
C'est bien à un travail de fond sur les recettes des collectivités territoriales que l'on doit s'atteler si l'on veut qu'elles parviennent à répondre aux besoins des populations.
M. le président. Madame Luc, vous avez dépassé le temps de parole qui vous était imparti ; je vous le fais remarquer pour que vous soyez modérée la prochaine fois que vous me reprocherez de vous interrompre !
Le sous-amendement n° 258, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« A la fin de la première phrase de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 248 pour l'article 72-2 de la Constitution, remplacer les mots : "équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice" par les mots : "nécessaires à leur exercice". »
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Il s'agit ici d'un problème que j'avais abordé au cours de la discussion générale. Cela avait d'ailleurs permis à M. Devedjian de s'exprimer sur la qualité architecturale et de conservation qui est celle de la ville d'Antony aujourd'hui...
Je vous avais alors dit que vous n'aviez pas le droit d'ignorer vingt ans de décentralisation, quels que soient les froncements de sourcil de Bercy.
Que nous apprennent, avec le recul, ces vingt années de décentralisation ? Elles nous apprennent que, partout, s'agissant par exemple des collèges et des lycées, les collectivités territoriales ont fait leur travail et que les moyens financiers qu'elles ont consacrés à l'exercice de cette compétence sont sans commune mesure avec la dotation régionale d'équipement scolaire.
M. le président. Heureusement !
M. Bernard Frimat. En effet, monsieur le président !
Très souvent, on nous objecte que, si les collectivités territoriales veulent faire davantage avec leur argent, on ne les en empêche pas.
Mais le problème ne se pose pas du tout en ces termes. Quand vous vous trouvez devant un patrimoine qui est menacé de fermeture, en raison notamment de l'application de toutes les règles édictées par les commissions de sécurité, vous ne pouvez pas choisir de ne rien faire. Il s'agit donc véritablement d'une dépense obligatoire !
Je ne reviendrai pas sur l'exemple, que j'avais évoqué, du logement étudiant ; mais quand on rapporte les 150 000 lits disponibles en cités universitaires au nombre d'étudiants et que l'on prend la mesure de la situation, il apparaît de manière très claire qu'il sera impossible à une quelconque collectivité territoriale, à celle qui tirerait ce « lot » à la « tombola » des compétences, de faire face aux besoins avec les mêmes moyens que ceux que l'Etat y consacrait.
La situation devient encore plus grave dans la mesure où vous voulez verrouiller le dispositif au moyen de la rédaction que vous présentez pour l'article 72-2 nouveau de la Constitution, et empêcher ainsi définitivement que l'on puisse attribuer aux collectivités territoriales des ressources suffisantes pour exercer les compétences transférées.
Cependant, comme les élus, quelle que soit leur appartenance politique, sont responsables, ils voudront répondre aux besoins. Ils dépenseront davantage, et la seule solution qui s'offrira à eux sera de recourir à la fiscalité la plus injuste.
En quoi serait-il inacceptable d'affirmer, au niveau du principe constitutionnel, que l'on assurera aux collectivités territoriales les moyens nécessaires à l'exercice des compétences transférées ? Ou alors, messieurs les ministres, ne cherchez pas de faux-semblants, et dites-nous clairement que vous ne voulez pas transférer les moyens nécessaires à l'exercice des compétences nouvelles.
Les collectivités territoriales devront alors acquitter un solde, et ce solde, loin d'être résiduel, comme les compétences de l'Etat telles que les a analysées Jean-Pierre Sueur, sera majestueux, d'autant plus majestueux que les efforts auparavant consentis par l'Etat étaient insuffisants.
Sur ce point, je souhaiterais que vous nous apportiez une réponse claire, fût-elle négative, messieurs les ministres. Nous pourrons le supporter ! Dites-nous franchement, le cas échéant, que vous avez décidé de ne pas accorder aux collectivités territoriales les moyens d'assumer les compétences que vous leur transférez. Voilà un excellent message à porter dans toutes les assises de la décentralisation !
Sinon, faites-moi la démonstration que mes propos sur le logement étudiant sont erronés. Je ne doute pas de votre capacité de conviction et je vous assure de mon écoute attentive, à défaut d'être par avance convaincu par une argumentation que je ne peux pas deviner. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Le sous-amendement n° 268, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :
« Supprimer la seconde phrase de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 248 pour l'article 72-2 de la Constitution. »
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. La question des transferts de compétences est bien évidemment cruciale s'agissant de la décentralisation. On sait en effet d'expérience que les précédents transferts de compétences ont engendré des surcoûts sensibles pour les collectivités locales.
Je ne reviendrai pas sur les propos qu'a tenus Hélène Luc tout à l'heure. Elle a rappelé, en s'appuyant sur l'exemple des collèges, à quel point le transfert de cette compétence avait eu des conséquences importantes pour les départements, d'autant que l'Etat consacrait auparavant des moyens financiers insuffisants aux collèges eu égard à la réalité de la situation. Pour faire face à l'exercice de cette nouvelle compétence, les collectivités territoriales se sont vues contraintes d'accroître dans une mesure non négligeable la pression fiscale directe locale, compte tenu du très faible dynamisme des ressources fiscales transférées.
Je m'interroge d'ailleurs sur la pérennité de ces dernières. L'expérience nous a malheureusement appris qu'il n'était pas rare qu'un ministre, lors du vote des crédits de son ministère, fasse état de l'insuffisance de son budget pour justifier son refus de faire évoluer véritablement le montant des ressources destinées à financer l'exercice d'une compétence.
Par conséquent, quand on constate que la rédaction présentée par le Gouvernement fait en outre référence à la création de nouvelles compétences, on se demande quelles collectivités territoriales accepteront de les assumer. A quelles nouvelles compétences le Gouvernement peut-il d'ailleurs bien faire allusion ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. L'allocation personnalisée d'autonomie !
Mme Marie-France Beaufils. En effet, si l'on procède aux transferts de compétences qui sont d'ores et déjà envisagés, à en croire certains propos tenus ici ou là, que restera-t-il de l'intervention publique de l'Etat si ce projet de loi constitutionnelle est finalement adopté ?
M. le président. Le sous-amendement n° 263, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Dans la seconde phrase de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 248 pour l'article 72-2 de la Constitution, après le mot : "ressources", insérer le mot : "suffisantes". »
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Ce sous-amendement a d'abord l'avantage d'être concis, puisqu'il ne vise qu'à ajouter un mot au texte présenté par le Gouvernement pour l'article 72-2 de la Constitution.
M. Josselin de Rohan. C'est très bien !
M. Bernard Frimat. Je vous en prie, mon cher collègue, ne m'interrompez pas, cela va nous retarder ! (Sourires.)
M. le président. Ne vous laissez pas interrompre, monsieur Frimat !
M. Bernard Frimat. Toute création d'une nouvelle compétence devra être accompagnée de ressources déterminées par la loi. Le Gouvernement a repris, dans son amendement, l'une des idées exprimées par la commission des lois, qui avait recueilli notre accord. Vous avez tout à l'heure fait allusion à l'APA, monsieur le ministre délégué, en nous invitant ainsi à la modestie, or nous la pratiquons de manière constante (Rires sur les travées du RPR)...
M. Patrick Devedjian ministre délégué. ... et ostentoire !
M. Bernard Frimat. Certains événements doivent nous rendre modestes, monsieur le ministre délégué. A diverses époques, des leçons de modestie nous sont données à tous à tour de rôle...
Cela étant dit, nous sommes d'accord pour écrire que toute nouvelle compétence sera accompagnée de ressources déterminées par la loi. Cependant, afin de combler une lacune, je propose de préciser que ces ressources seront suffisantes. Il s'agit d'ajouter un seul adjectif, on ne peut être plus concis ! Nous demandons en fait la garantie constitutionnelle que les ressources déterminées par la loi seront suffisantes.
Vous pouvez certes repousser notre proposition, c'est votre droit, mais alors dites nettement que toute nouvelle compétence sera accompagnée de ressources insuffisantes déterminées par la loi ! Cela aura au moins le mérite de la clarté !
M. le président. Le sous-amendement n° 251 rectifié, présenté par M. Charasse et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Compléter l'avant-dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 248 pour l'article 72-2 de la Constitution par une phrase ainsi rédigée :
« Le montant des ressources visées au présent alinéa est fixé chaque année par la loi de finances compte tenu, en particulier, de l'évolution des besoins résultant des compétences concernées et des autres obligations de la nation. »
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Il s'agit toujours ici de la compensation des transferts de compétences.
Le problème serait réglé si le Sénat voulait bien adopter notre sous-amendement n° 271 reprenant un amendement de la commission, qui prévoit une compensation intégrale et permanente des charges. Cependant, puisque vous n'êtes apparemment pas convaincus par ce texte, mes chers collègues, nous vous proposons, à défaut, de mettre un terme à cette dérive qui fait que des compétences transférées se trouvent insuffisamment compensées.
L'amendement du Gouvernement vise à ce que « tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice » : c'est la constitutionnalisation des pratiques liées à la mise en oeuvre des lois de décentralisation de 1982 et de 1983. Le fait que l'on ajoute que « toute création de nouvelles compétences est accompagnée de ressources déterminées par la loi » n'apporte rien, parce que cela ne constitue nullement une garantie.
Nous proposons, pour notre part, que ces compensations soient rendues évolutives. A cet égard, l'allusion faite tout à l'heure au cas des collèges et à la distorsion très forte existant entre le montant initial du transfert de ressources et les dépenses réellement constatées est tout à fait pertinente.
En réalité, que s'est-il passé ? Très honnêtement, le gouvernement de l'époque a transféré les moyens financiers qu'il consacrait aux collèges.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Ce n'est pas vrai !
M. Jean-Claude Peyronnet. Si ! M. le président. Les trois années précédentes, on avait pris la précaution de ne faire aucun investissement. La somme transférée par l'Etat n'était donc pas en rapport avec les besoins ! Le problème est là !
M. Jean-Claude Peyronnet. Ce n'est pas entièrement exact, monsieur le président. Je faisais partie de la commission d'évaluation des charges, laquelle a été tout à fait claire sur ce point ! Le calcul a d'ailleurs été effectué en fonction des dix années précédentes, et non pas seulement des trois derniers exercices.
Quoi qu'il en soit, n'ergotons pas : les moyens financiers étaient insuffisants. En effet, transférer une compétence crée un besoin, rapprocher le décideur du citoyen crée une proximité qui amène l'expression de nouvelles demandes.
Prenant en considération cette réalité, nous proposons que la loi de finances tienne chaque année compte de l'évolution des besoins liée aux compétences transférées.
M. le président. Le sous-amendement n° 252 rectifié, présenté par M. Charasse et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 248 pour l'article 72-2 de la Constitution :
« La loi de finances de l'année assure le respect du principe d'égalité entre les collectivités territoriales appartenant à la même catégorie, notamment par la mise en oeuvre des dispositifs de péréquation de leurs ressources et de leurs charges. »
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Le sous-amendement n° 252 rectifié vise à apporter des précisions relatives à la notion de péréquation.
En effet, on relève sur ce sujet des incertitudes tenant aux différentes voies qu'a suivies le travail mené au Sénat, puisqu'il avait d'abord été envisagé de corriger les différences de richesse entre les collectivités territoriales. Or le verbe « corriger » a été jugé « inapproprié et excessif » par la commission des lois, qui a préféré recourir à la notion de « compensation ».
En outre, la commission a considéré qu'une correction intégrale des inégalités de ressources entre collectivités territoriales n'était pas souhaitable, parce qu'elle réduirait à néant l'autonomie financière de celles-ci.
La nouvelle rédaction qui nous est présentée par le Gouvernement répond mieux à l'exigence de précision s'agissant de la péréquation ; néanmoins, elle ne nous paraît pas donner toutes garanties pour l'avenir, et c'est la raison pour laquelle il nous a semblé utile de préciser, par le biais de ce sous-amendement, que la loi de finances de l'année assurera le respect du principe d'égalité entre les collectivités territoriales appartenant à la même catégorie, notamment par la mise en oeuvre des dispositifs de péréquation de leurs ressources et de leurs charges.
Selon nous, cela permettrait de faire progresser la part de la péréquation dans les dotations de l'Etat, qui, comme cela a déjà été dit, représente à l'heure actuelle seulement 5 % desdites dotations. Ainsi serait mieux respecté le principe d'égalité.
Tel est l'esprit de cet amendement.
M. le président. Le sous-amendement n° 259, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Dans le dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 248 pour l'article 72-2 de la Constitution, remplacer le mot : "prévoit" par les mots : "fixe les règles concernant". »
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Ce sous-amendement fait référence à l'article 34 de la Constitution, aux termes duquel la loi fixe les règles et détermine les principes fondamentaux dans un certain nombre de matières. Afin d'encadrer strictement l'autonomie du pouvoir réglementaire, nous proposons qu'il soit précisé que la loi fixe les règles concernant la réduction des inégalités financières entre collectivités territoriales. Ainsi, les choses seront beaucoup plus claires.
M. le président. Le sous-amendement n° 260, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Dans le dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 248 pour l'article 72-2 de la Constitution, remplacer les mots : "de péréquation destinés à compenser" par les mots : "de solidarité nationale en vue de compenser". »
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Le mot « péréquation » appartient au vocabulaire technique. Il désigne un simple mécanisme financier, qui a tout à fait logiquement sa place dans une loi. En revanche, ou peut se demander s'il a sa place dans la Constitution. En effet, j'ai cru comprendre, en écoutant votre présentation, que vous souhaitiez - et vos textes en témoignent - que la Constitution reste un texte simple et accessible à tous.
Si l'on veut que la Constitution forme le socle des règles régissant la vie au sein de notre société, il faut s'exprimer plus au niveau des principes. Dans un domaine aussi vaste et aussi complexe que la réduction des inégalités entre collectivités territoriales, la Constitution doit se contenter, me semble-t-il, de fixer des objectifs et laisser au législateur le choix des outils.
La réduction des inégalités financières entre collectivités territoriales est un bon objectif. La péréquation n'est qu'un des moyens de l'atteindre. Il n'y a pas lieu de le privilégier tel que cela est prévu. Employer la notion beaucoup plus générale de « solidarité nationale » me semble plus utile pour la suite. Nous aurons l'occasion d'y revenir.
M. le président. Le sous-amendement n° 265, présenté par Mme Blandin, est ainsi libellé :
« Dans le dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 248 pour l'article 72-2 de la Constitution, après les mots : "de péréquation", insérer les mots : "et de redistribution". »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Messieurs les ministres, mes chers collègues, j'ai remarqué que vous deveniez durs aux amendements très argumentés et sourds aux plaidoyers trop longs. Donc, je ferai simple et court,...
M. Josselin de Rohan. Bravo !
Mme Marie-Christine Blandin. ... et j'espère recevoir votre approbation.
La loi prévoit des dispositifs de péréquation. Ajoutons donc « et de redistribution », afin que la responsabilité du budget de l'Etat soit inscrite dans la Constitution.
M. le président. Le sous-amendement n° 261, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Dans le dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 248 pour l'article 72-2 de la Constitution, remplacer les mots : "destinés à compenser" par les mots : "dont l'objectif est de compenser, à due concurrence". »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, nous retirons ce sous-amendement.
M. le président. Le sous-amendement n° 261 est retiré. (Marques d'approbation sur plusieurs travées du RPR.)
M. Jean Bizet. Il y a des progrès !
M. le président. Le sous-amendement n° 197 rectifié, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :
« Dans le dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 248 du Gouvernement pour l'article 72-2 de la Constitution, après le mot : "inégalités", insérer les mots : "de ressources, la réalité des charges et la diversité des situations sociales et économiques". »
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Nous avons déjà souligné que la péréquation constitue un des éléments essentiels de la réforme des finances locales, et, si j'en crois mes collègues, elle nous soucie tous.
Il existe aujourd'hui peu de péréquation en matière de finances locales. Cela ne concerne, en fait, pour l'essentiel, que des dispositions, hélas ! marginales en termes de taxe professionnelle et, pour partie, les dotations budgétaires, notamment la dotation globale de fonctionnement, dans sa dimension d'aménagement du territoire.
Le point commun de ces outils de péréquation est, on peut le relever, de ne pas regarder de manière exclusive les difficultés financières des collectivités territoriales, sous le seul angle de l'insuffisance de leurs ressources.
Même les outils de péréquation de la taxe professionnelle prennent en compte les évolutions des situations sociales et économiques que connaît chaque territoire concerné.
Compte tenu de la fatigue de chacun, je vais écourter mon propos.
Aujourd'hui, une collectivité qui dispose d'un important potentiel fiscal peut aussi avoir une population pauvre et il peut arriver qu'une collectivité à faible potentiel fiscal échappe à quelques-unes des difficultés engendrées par la situation sociale générale.
De même, certains déséquilibres régionaux, que l'on peut observer en comparant des entités régionales bien déterminées, recouvrent bien souvent des inégalités locales d'une teneur au moins aussi importante, qui les rendent d'ailleurs d'autant plus inacceptables.
L'exemple de la région d'Ile-de-France est significatif à cet égard. On pourrait s'interroger longuement tant sur le faible potentiel fiscal global des collectivités des départements de la grande couronne que sur la profonde inégalité de revenus qui prévaut entre les habitants de la Seine-Saint-Denis et les résidents de lieux de villégiature plus agréables dans les Yvelines ou dans certains arrondissements de l'ouest de Paris.
On pourrait d'ailleurs multiplier les exemples, chaque région connaissant de telles différences. Je n'en dresserai pas la liste ici.
Mais l'essentiel demeure : la seule prise en compte des ressources ne suffit pas.
Une approche globale de la situation des collectivités locales doit guider toute démarche de renforcement de la péréquation. Je soutiens sans réserves l'expression « solidarité nationale », qui a été proposée tout à l'heure par nos collègues.
Un autre point doit cependant être souligné.
Dans la logique qui préside aujourd'hui à la définition des concours budgétaires de l'Etat, notamment, la péréquation demeure conçue comme une clé de répartition d'une enveloppe strictement délimitée par les contraintes budgétaires inhérentes à l'élaboration du budget de l'Etat.
En clair, la péréquation, objectif au demeurant louable, devient la source de sacrifices imposés d'en haut aux collectivités territoriales, au détriment d'une pleine efficacité des dispositifs.
Il importe donc de définir de nouveaux outils de péréquation, performants et efficaces.
Tel est le sens, notamment, de notre proposition, matérialisée dans le cadre d'une proposition de loi, visant à inclure les actifs financiers dans l'assiette de la taxe professionnelle, en vue de renforcer les moyens qui permettent de corriger pleinement les inégalités de ressources, au regard des besoins, entre collectivités locales.
C'est aussi ce que recouvre notre amendement n° 197 rectifié, qui, je l'espère, aura retenu votre attention.
M. le président. Le sous-amendement n° 266, présenté par Mme Blandin, est ainsi libellé :
« Dans le dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 248 pour l'article 72-2 de la Constitution, après les mots : "les inégalités", insérer les mots : "de ressources et de charges". »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Par son amendement n° 248, le Gouvernement présente une disposition aux termes de laquelle « la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à compenser les inégalités entre collectivités territoriales ». Je propose de préciser qu'il s'agit des inégalités de ressources - beaucoup en ont déjà parlé - et de charges. L'emploi du mot « charges » s'explique par le fait que certaines collectivités sont confrontées à des handicaps liés à l'histoire des populations ou des territoires - je pense à des inondations récurrentes, à de l'eau contaminée ou à des sols pollués. C'est toute la France qui profite des cochons bretons (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants), qui a profité hier du charbon du Nord - Pas-de-Calais ou profite encore aujourd'hui du fer de Lorraine. Néanmoins, les coûts ne sont supportés que par ces régions. La solidarité doit donc s'exprimer !
M. le président. Le sous-amendement n° 267, présenté par Mme Blandin, est ainsi libellé :
« Compléter in fine le texte proposé par l'amendement n° 248 du Gouvernement pour l'article 72-2 de la Constitution par un alinéa ainsi rédigé :
« L'Etat est le garant de la solidarité. »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Je crains que, comme à l'accoutumée, MM. les ministres n'acceptent pas que l'on touche ne serait-ce qu'à une virgule de leur proposition.
Par conséquent, cette fois-ci, je change de stratégie et je ne vous propose qu'une « cerise sur le gâteau » pour clôturer votre amendement en écrivant : « L'Etat est le garant de la solidarité. » On est non pas dans la cuisine fiscale, mais dans la déclaration constitutionnelle ! (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)
M. le président. Mes chers collègues, nous avons achevé la présentation des sous-amendements afférents à l'amendement n° 248.

(M. Daniel Hoeffel remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
vice-président

M. le président. L'amendement n° 53, présenté par M. Fréville, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72-2 de la Constitution :
« Les collectivités territoriales disposent pour leur libre administration et l'exercice de leurs compétences de ressources libres d'emploi ; elles les utilisent dans les conditions fixées par la loi. »
La parole est à M. Yves Fréville.
M. Yves Fréville. Par son amendement, le Gouvernement a donné satisfaction indirectement à mon amendement, puisque je souhaitais que n'apparaisse pas le mot « garantie » s'agissant de la libre administration des collectivités territoriales. Par conséquent, je retire l'amendement que j'avais présenté.
M. le président. L'amendement n° 53 est retiré.
L'amendement n° 150, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article 72-2 dans la Constitution, remplacer les mots : "La libre administration des collectivités territoriales est garantie par des ressources dont celles-ci peuvent" par les mots : "Pour assurer leur libre administration les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent". »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. En bonne logique, cet amendement a déjà été défendu sous la forme d'un sous-amendement. Il s'agit toujours de réintroduire les mots : « libre administration des collectivités territoriales ». Je rappelle que ces mots figuraient dans le projet de loi initial et qu'ils avaient reçu l'aval de la commission. Aussi, je ne vois pas sur quels arguments le Gouvernement et la commission pourraient se fonder pour demander au Sénat de rejeter cet amendement.
Un sénateur du RPR. La rédaction est meilleure !
M. Jean-Pierre Sueur. Il ne s'agit pas d'une meilleure rédaction !
M. le président. L'amendement n° 99 rectifié, présenté par M. Charasse et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72-2 de la Constitution, après les mots : "des collectivités territoriales est garantie", insérer le mot : ", notamment,". »
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Il s'agit d'insérer le mot « notamment », qui n'est certes pas très élégant et qui, juridiquement, est incertain.
Le premier alinéa proposé par l'article 6 pour l'article 72-2 de la Constitution dispose que « la libre administration des collectivités territoriales est garantie par des ressources dont celles-ci peuvent disposer librement... ». Il est proposé de préciser qu'elle est garantie, notamment, par des ressources, car la liberté locale est fondée sur d'autres garanties que les ressources. Cette précision semble nécessaire. Tout ne se ramène pas à une question d'argent !
M. le président. L'amendement n° 119, présenté par MM. Arthuis et Mercier, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article 72-2 dans la Constitution, remplacer les mots: "dont celles-ci peuvent disposer librement" par les mots : "qu'elles peuvent librement recevoir et employer". »
La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Pour faciliter le débat, je présenterai en même temps les trois autres amendements que M. Arthuis et moi-même avons déposés.
M. Bernard Frimat. Ça va être difficile à suivre !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. Très bonne idée !
M. Christian Poncelet. Excellente initiative, mon cher collègue !
M. Michel Mercier. De plus, cela m'évitera peut-être de reprendre la parole pour explication de vote. Ainsi, nous gagnerons du temps, même si, en l'occurrence, je vais m'exprimer pendant quelque six minutes ! (Exclamations sur quelques travées du RPR.) On ne peut pas toujours être excellent, monsieur le président Poncelet. Il faut accepter d'être parfois imparfait. Je prie dès à présent notre assemblée de bien vouloir m'en excuser.
L'intérêt de l'article 6 porte avant tout sur la façon dont le juge constitutionnel se prononcera lorsqu'il sera saisi. Je souhaite que le Gouvernement puisse préciser un certain nombre de points qui figurent dans son amendement.
Pourquoi faut-il éclairer le juge constitutionnel ? Ces dernières années, lorsque le Parlement, à l'instigation du Gouvernement, supprimait une ressource fiscale, on déférait la disposition au Conseil constitutionnel afin qu'il dise si la suppression de cette ressource fiscale portait atteinte au principe de libre administration des collectivités locales. Le juge constitutionnel apportait systématiquement la même réponse. Il avait d'ailleurs donné cette réponse pour la première fois en 1991, dans une décision concernant une disposition dont il avait été saisi par un certain nombre de sénateurs. Le juge se bornait à dire : il ne faut pas que la loi porte atteinte au principe de libre administration ; la présente loi ne porte pas atteinte au principe de libre administration. C'était une réponse quelque peu évanescente, qui avait d'ailleurs amené le professeur Auby à trouver à ces décisions du Conseil constitutionnel un caractère tautologique dont il faudrait sortir si l'on veut que l'article 6 soit d'une quelconque utilité !
Permettez-moi de poser au Gouvernement quelques questions, qui font chacune l'objet de l'un de nos amendements.
Le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 248 pour l'article 72-2 de la Constitution porte sur la libre disposition des ressources. Traite-t-il seulement du pouvoir de lever l'impôt dans le cadre fixé par la loi, notamment en votant le taux de l'impôt, ou bien est-il également relatif aux dépenses ? En d'autres termes, accorde-t-on aux collectivités territoriales, par cet alinéa, la liberté de dépenser, ou bien le Gouvernement fera-t-il, aujourd'hui, demain, comme celui d'hier ? Je pose la question pour une raison simple : aujourd'hui, la collectivité départementale que j'ai l'honneur de représenter dispose d'un budget de fonctionnement de 702 millions d'euros, dont 500 millions - soit environ 70 % - sont des dépenses obligées découlant de l'application de mesures prises par l'Etat.
La disposition contenue dans ce premier alinéa rendra-t-elle désormais une certaine liberté aux collectivités locales ? Est-ce là son sens ? C'était l'un des points essentiels sur lesquels je souhaitais que le Gouvernement nous apporte un certain nombre d'explications.
Si la réponse était positive, l'article 6, tel qu'il nous est proposé, rendrait possible un réel progrès sur la voie de l'autonomie financière des collectivités locales et donnerait au principe de libre administration un contenu qui lui permettrait de sortir de l'évanescence juridique.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 151, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article 72-2 dans la Constitution. »
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Cet amendement a déjà été défendu sous forme de sous-amendement.
M. le président. L'amendement n° 54, présenté par M. Fréville, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72-2 de la Constitution :
« Elles reçoivent tout ou partie du produit d'impositions de toutes natures. La loi peut les autoriser à en fixer l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement dans les limites qu'elle détermine. »
La parole est à M. Yves Fréville.
M. Yves Fréville. Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai également les amendements n°s 55 et 56.
En ce qui concerne l'amendement n° 54, j'avais été un peu choqué que l'on permette désormais aux collectivités locales de déterminer l'assiette de l'impôt, et j'en avais déduit qu'elles devaient dès lors pouvoir fixer également les modalités de recouvrement, suivant le raisonnement que, puisqu'elles créaient à l'échelon local une taxe un peu curieuse, elles devaient prendre la responsabilité des modalités de son recouvrement. Il s'agissait en somme d'une compensation de la liberté ainsi accordée.
Cependant, monsieur le ministre, mon amendement avait pour seul objet de soulever le problème.
Par ailleurs - j'en viens à l'amendement n° 55 -, je pense qu'il serait opportun de préciser la notion de « ressources fiscales ».
Dans le deuxième alinéa du texte présenté par l'article 6 pour l'article 72-2 de la Constitution figure, à juste titre, l'expression : « tout ou partie du produit des impositions de toute nature ». La phrase est parfaitement claire : on peut accorder aux collectivités locales tout ou partie d'impositions de toute nature, et donc des ressources partagées.
Dans l'alinéa suivant, le vocabulaire change et l'expression « ressources fiscales » apparaît. Personnellement, je pense qu'elle a le même sens que « tout ou partie du produit des impositions de toute nature », mais l'utilisation d'un terme différent me semble appeler une précision de la part du Gouvernement. Tel est l'objet de cet amendement.
Enfin, l'amendement n° 56 concerne les questions de péréquation. J'ai voulu faire un parallèle avec les dispositions de l'article 34 de la Constitution, qui n'ont pas été modifiées, suivant lesquelles c'est la loi qui « détermine les principes fondamentaux » de la libre administration des collectivités locales et qui « fixe les règles » concernant « l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ». Il me paraissait en effet logique que la loi « détermine les principes fondamentaux » de correction des inégalités, conformément à la disposition de l'article 34 que je rappelais, mais qu'elle « fixe » directement les mécanismes de péréquation.
Je me tourne vers vous, monsieur le ministre. L'amendement n° 248 du Gouvernement affirme qu'il faut corriger les inégalités. Or, le terme d'« inégalités » me paraît quelque peu impropre ou, du moins, mériterait d'être précisé, car certaines inégalités n'ont pas à être corrigées ! Il est dans la logique de la décentralisation que les taux diffèrent, que certaines collectivités imposent davantage, d'autres moins, et que des inégalités apparaissent. De telles inégalités ne sont pas inéquitables et n'ont donc pas à être corrigées. C'est là un élément que je voulais verser au débat.
Sous réserve des réponses que vous nous apporterez, monsieur le ministre, il est possible que je retire ces trois amendements.
M. René Garrec, rapporteur. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 152, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article 72-2 dans la Constitution :
« Toute suppression d'une recette fiscale propre perçue par les collectivités territoriales donne lieu à l'attribution de recettes fiscales d'un produit au moins équivalent. »
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Je l'ai déjà défendu sous la forme d'un sous-amendement.
M. le président. L'amendement n° 55, présenté par M. Fréville, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72-2 de la Constitution :
« Le produit des impositions de toutes natures représente une part déterminante des ressources des collectivités territoriales dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. »
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 120, présenté par MM. Arthuis et Mercier, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le début du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article 72-2 dans la Constitution :
« Les ressources propres des collectivités territoriales représentent une part... »
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 202, présenté par MM. Longuet, Etienne, Garrec, Humbert et de Rohan et Mme Michaux-Chevry, est ainsi libellé :
« Dans le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72-2 de la Constitution, après les mots : "recettes fiscales," insérer les mots : "les ressources provenant de tout ou partie d'un impôt national réparti en fonction de critères de solidarité,". »
La parole est à M. Josselin de Rohan.
M. Josselin de Rohan. Compte tenu des explications que le Gouvernement nous a données, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 202 est retiré.
L'amendement n° 100 rectifié, présenté par M. Charasse et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Compléter le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72-2 de la Constitution par la phrase suivante :
« Cette part déterminante, qui ne peut être inférieure à celle constatée au 1er janvier 2003, est fixée chaque année par la loi de finances et évolue comme l'inflation. »
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Il a déjà été défendu sous forme de sous-amendement.
M. le président. L'amendement n° 208, présenté par MM. Delfau, Fortassin, A. Boyer, Baylet et Collin, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit la fin de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article 72-2 dans la Constitution :
« ... s'accompagne du transfert des ressources nécessaires à la garantie de l'exercice de ces nouvelles compétences. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 153, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Dans le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article 72-2 dans la Constitution, remplacer les mots : " équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice " par les mots : " nécessaires à leur exercice ". »
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Il a déjà été défendu sous forme de sous-amendement.
M. le président. L'amendement n° 121, présenté par MM. Arthuis et Mercier, est ainsi libellé :
« Compléter le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article 72-2 dans la Constitution par une phrase ainsi rédigée :
« L'Etat assure, dans les conditions prévues par la loi, la compensation financière des mesures législatives affectant les ressources et les charges des collectivités territoriales. »
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 209, présenté par MM. Delfau, Fortassin, A. Boyer, Baylet et Collin, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article 72-2 dans la Constitution :
« La loi met en oeuvre tous les dispositifs permettant une péréquation nationale forte, afin de corriger les inégalités entre territoires. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 56, présenté par M. Fréville, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72-2 de la Constitution :
« La loi détermine les principes fondamentaux de correction des inégalités de ressources et de besoins entre collectivités territoriales et fixe les règles de péréquation des ressources qu'elles perçoivent. »
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 122, présenté par MM. Arthuis et Mercier, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article 72-2 dans la Constitution :
« La loi, au besoin par la mise en oeuvre de dispositifs de péréquation, limite les inégalités de ressources et de charges entre les collectivités territoriales. »
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 154, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Au début du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article 72-2 dans la Constitution, remplacer les mots : "La loi met en oeuvre" par les mots : "La loi fixe les règles". »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement a déjà été défendu sous forme de sous-amendement.
M. le président. L'amendement n° 155, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article 72-2 dans la Constitution, remplacer les mots : "pouvant faire appel à la péréquation en vue de corriger les inégalités de ressources" par les mots : "de solidarité nationale en vue de compenser les inégalités de ressources et de charges". »
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Cet amendement a déjà été défendu sous forme de sous-amendement.
M. le président. L'amendement n° 204, présenté par M. Pelletier, est ainsi libellé :
« Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72-2 de la Constitution, remplacer les mots : "pouvant faire appel à la péréquation" par les mots : "de péréquation". »
La parole est à M. Jacques Pelletier.
M. Jacques Pelletier. Dans le cadre d'une large décentralisation, la question de la péréquation revêt une grande importance, et je souhaitais que le texte proposé soit plus volontariste dans ce domaine. Cependant, le cinquième alinéa de l'amendement n° 248, si celui-ci est adopté, me donne satisfaction.
M. le président. L'amendement n° 156, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellée :
« Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article 72-2 dans la Constitution, remplacer les mots : "pouvant faire appel à la péréquation" par les mots : "faisant appel à la péréquation". »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Dans la rédaction initiale de l'article 6 du projet de loi, le Gouvernement écrivait : « pouvant faire appel à la péréquation ». Si l'amendement du Gouvernement n'était pas adopté - pure hypothèse ! - il nous paraîtrait préférable de supprimer ce verbe « pouvoir », qui ajoute de l'aléa à un texte déjà plein d'aléas et rend l'ensemble largement aléatoire.
M. le président. L'amendement n° 81, présenté par Mme Blandin, est ainsi libellé :
« Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72-2 de la Constitution, après les mots : "à la péréquation", insérer les mots : "ou à la redistribution". »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Il a déjà été défendu sous forme de sous-amendement.
M. le président. L'amendement n° 157, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article 72-2 dans la Constitution, remplacer les mots : "en vue de corriger les inégalités de ressources" par les mots : "en vue de compenser à due concurrence les inégalités de ressources". »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Je le retire.
M. le président. L'amendement n° 157 est retiré.
L'amendement n° 82, présenté par Mme Blandin, est ainsi libellé :
« Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72-2 de la Constitution, après les mots : "de ressources", insérer les mots : "et de besoins". »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Il a déjà été défendu sous forme de sous-amendement.
M. le président. L'amendement n° 83, présenté par Mme Blandin, est ainsi libellé :
« Compléter in fine le texte proposé par cet article pour l'article 72-2 de la Constitution par un alinéa ainsi rédigé :
« L'Etat est le garant de la solidarité. »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Il a déjà été défendu, mais je le relis parce qu'il est beau : « L'Etat est le garant de la solidarité. » (Sourires.)
M. le président. Nous en avons pris acte !
L'amendement n° 210, présenté par MM. Delfau, Fortassin, A. Boyer, Baylet et Collin, est ainsi libellé :
« Compléter in fine cet article par un alinéa rédigé comme suit :
« La politique d'aménagement et de développement durable du territoire concourt à l'unité et à la solidarité nationales. Elle constitue un objectif d'intérêt général qui s'appuie sur l'intervention des services publics. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l'avis - synthétique ! - de la commission sur l'ensemble de ces amendements et sous-amendements ?
M. René Garrec, rapporteur. Je ne prendrai pas autant de temps à moi tout seul que les auteurs de ces amendements n'en ont pris ensemble, monsieur le président, ne craignez rien !
La commission est défavorable à l'amendement n° 194, comme elle l'est à l'amendement n° 149.
L'amendement n° 248 du Gouvernement permet d'obtenir un équilibre entre les positions exprimées par la commission des lois et la plupart de nos collègues, d'une part, et les contraintes budgétaires, que nous ne pouvons ignorer, d'autre part.
Au premier alinéa, relatif à la liberté de dépenses des collectivités territoriales, la rédaction retenue est celle de la commission des lois, sous réserve de la suppression de l'expression « ressources garanties ». Je crois que nous pouvons renoncer à ce qualificatif, dont nos collègues du groupe socialiste ont eux-mêmes proposé la suppression.
Au deuxième alinéa, relatif à la possibilité pour les collectivités territoriales de recevoir le produit d'impositions de toutes natures et d'en fixer l'assiette et le taux, la rédaction proposée est celle de la commission des lois.
Au troisième alinéa, relatif à l'autonomie fiscale des collectivités territoriales, la rédaction proposée est également celle de la commission des lois, sous réserve du remplacement de l'expression « part prépondérante » par celle de « part déterminante » et du renvoi à une loi organique des conditions de mise en oeuvre de cette disposition.
D'après les indications fournies par le Gouvernement, la loi organique augmentera progressivement, à mesure de l'état d'avancement de la réforme des finances locales, le seuil en dessous duquel les ressources propres des collectivités territoriales ne pourront descendre. Il me semble que nous pouvons nous rallier à cette rédaction, qui ne mentionne plus les dotations versées entre collectivités territoriales.
La proposition de la commission des lois suivant laquelle toute suppression d'une recette fiscale perçue par les collectivités territoriales devrait donner lieu à l'attribution d'une recette fiscale d'un produit équivalent n'a pas été retenue. Le ministre du budget m'a indiqué qu'elle serait source de rigidités et risquerait d'entraver la réforme des finances locales. Il me semble que nous pouvons nous rallier à la rédaction du Gouvernement, dans la mesure où la loi organique précisera les conditions de l'autonomie fiscale des collectivités territoriales.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est le ralliement !
M. René Garrec, rapporteur. Ecoutez, mon cher collègue, car ce n'est pas inintéressant ! Et puis, il est des heures où il faut savoir se rallier.
Au quatrième alinéa, relatif à la compensation des charges induites par les transferts de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales, le Gouvernement a ajouté une seconde phrase prévoyant la compensation des charges induites par la création de compétences nouvelles pour les collectivités territoriales, telles que l'allocation personnalisée d'autonomie. Certes, le texte ne va pas aussi loin que nous l'espérions, mais nous devons être réalistes et tenir compte des contraintes budgétaires de l'Etat.
Au dernier alinéa, relatif à la péréquation, la rédaction proposée répond aux attentes de la commission des lois, qui avait souligné que l'on ne pouvait tenir compte des seules inégalités de ressources entre les collectivités territoriales.
La commission s'est ralliée à cet amendement du Gouvernement et, en conséquence, a retiré ses amendements avant la séance. Je devais donc - je devais ! - inviter les auteurs des amendements auxquels nous avions donné un avis favorable ou de sagesse à les retirer eux aussi.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est un festival de ralliements ! La commission s'aplatit !
M. René Garrec. Mais il reste tous les sous-amendements et amendements, sur lesquels je vais maintenant donner l'avis de la commission.
En conséquence de l'approbation donnée par la commission à l'amendement n° 248 du Gouvernement, mon cher monsieur Sueur, et le Sénat ayant été pleinement éclairé sur les sous-amendements et amendements en discussion commune grâce aux explications données par leurs auteurs, la commission donne un avis défavorable à l'ensemble des sous-amendements et amendements.
Le rapporteur a néanmoins apprécié l'hommage rendu à la rédaction initiale de la commission par le groupe socialiste. C'est l'effet du débat parlementaire que de permettre à chacun d'évoluer au fil des arguments échangés ! (Sourires. - Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable aux amendements n°s 194 de Mme Borvo et 149 de M. Peyronnet.
Il est également défavorable au sous-amendement n° 254 de M. Peyronnet, qui est satisfait par le principe inscrit dans l'amendement n° 248, c'est-à-dire par la garantie de la libre disposition des ressources.
Le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 269, qui est un texte de repli par rapport au sous-amendement n° 254. Les sous-amendements n°s 195 rectifié et 262, qui sont identiques, visent à supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 248 pour l'article 72-2 de la Constitution. En effet, selon les auteurs de ces sous-amendements, il n'y aurait pas lieu de prévoir que les collectivités territoriales peuvent recevoir les produits des impositions de toutes natures. Or cette faculté participe de la définition de la libre disposition des ressources. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux sous-amendements.
A propos du sous-amendent n° 262, M. Frimat a usé d'une curieuse dialectique en mariant les qualificatifs « dangereux » et « inutile ». Soit c'est dangereux, soit c'est inutile, mais il paraît difficile que ce soit les deux à la fois. Contrairement à ce qu'a dit M. Frimat, l'amendement n'est pas du tout superfétatoire parce qu'il permettra aux collectivités territoriales d'être associées en particulier à la révision des valeurs locatives.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur le sous-amendement n° 255, car il vise à geler la situation actuelle et rend dès lors impossible toute réforme fiscale. Ce n'est pas en remplaçant à l'identique, taxe par taxe, les recettes fiscales supprimées que l'on peut arriver à remettre d'aplomb l'ensemble du système fiscal.
En présentant le sous-amendement n° 256, M. Peyronnet s'est interrogé sur le sens du mot : « déterminant ». Est « déterminant », ce qui donne un sens. Par conséquent, la « part déterminante » est la part des ressources qui atteint un niveau tel que la liberté est assurée.
M. Michel Mercier. Ça, c'est très bien !
M. Claude Estier. Mais quel est ce niveau ?
M. Jean-Pierre Sueur. C'est complètement creux !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Dans ce domaine, monsieur Sueur, vous êtes orfèvre !
M. Jean-Pierre Sueur. Mais de quel pourcentage s'agit-il ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 249 rectifié.
S'agissant du sous-amendement n° 250 rectifié, j'ai déjà indiqué ce qu'il fallait entendre par « déterminant ». Avis défavorable.
Le Gouvernement est également défavorable aux sous-amendements n° 101 rectifié bis et 271, qui sont satisfaits par les dispositions prévues au quatrième alinéa de l'amendement n° 248.
Même avis sur le sous-amendement n° 196. L'idée d'une compensation intégrale et permanente est difficilement acceptable dans la mesure où elle crée une confusion entre les dépenses qui proviennent du transfert de compétence et celles qui sont finalement de la seule responsabilité de la collectivité bénéficiaire du transfert.
Le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 258. Je fais écho à l'observation qui a été formulée par M. le président du Sénat à propos des lycées et collèges. L'Etat avait auparavant réduit ses investissements dans les lycées et collèges, ce qui permettait de ne pas assurer l'intégralité de ce qu'il dépensait lui-même. Cela ne sera plus possible grâce aux dispositions prévues dans l'amendement n° 248.
Tout à l'heure, M. Frimat a cité l'Evangile, évoquant le chemin de Damas.
MM. Bernard Frimat et Jean-Pierre Sueur. Ce n'est pas dans l'Evangile : c'est une épître !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. C'est vrai !
En tout cas, moi, j'ai pensé aux pharisiens. Ceux qui donnent des leçons sur la compensation intégrale devraient quand même se souvenir de ce qu'ils ont fait il y a si peu de temps avec l'allocation personnalisée d'autonomie : 800 millions d'euros de coût estimé, 2 milliards d'euros de dépenses réelles cette année et 3,5 milliards d'euros l'année prochaine. Grâce aux dispositions contenues dans le projet du Gouvernement, cela ne sera plus possible.
Mme Nicole Borvo. Ah bon ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Quitte à être modeste, monsieur Frimat, autant ne pas l'être avec ostentation !
Le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 268. Il ne faut pas confondre la loyauté du financement qui est accordé par l'Etat lorsqu'il attribue aux collectivités qui exercent des compétences transférées des ressources équivalentes à celles qu'il consacrait à leur exercice et le choix, d'ailleurs souvent judicieux, des collectivités de dépenser davantage pour offrir un meilleur service.
Au fond, si l'on décentralise, c'est aussi pour avoir un service public de meilleure qualité et pour que les collectivités territoriales fassent l'effort que peut-être l'Etat ne faisait pas. (M. Philippe Nogrix applaudit.) Si la décentralisation ne permet pas de faire en sorte que soit offert un meilleur service public, alors, elle est inutile.
M. Jacques Peyrat. Absolument !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. On décentralise parce que l'on considère, à tort ou à raison - cela demande à être vérifié - que les collectivités font mieux pour moins cher,...
M. Jacques Peyrat. Elles apportent un plus.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... qu'elles offrent un meilleur rapport qualité-prix.
Mais les collectivités peuvent aussi dépenser davantage. C'est un choix démocratique : aux citoyens de décider s'ils acceptent de payer plus d'impôts pour avoir un service de proximité de meilleure qualité. C'est une liberté, mais ce n'est pas un droit de tirage à l'égard du Gouvernement.
Pendant trop longtemps l'Etat a obligé les collectivités territoriales à dépenser sans qu'elle l'aient choisi.
M. Michel Mercier. Cela pourrait continuer !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Tout à fait, monsieur Mercier.
M. Michel Mercier. Cela pourrait même être pire !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement, par cette réforme, souhaite précisément mettre un terme à cette pratique.
A l'inverse, il ne faudrait pas que, dorénavant, les collectivités territoriales exercent un droit de tirage sur le Gouvernement en obligeant celui-ci à compenser des dépenses qu'elles ont elles-mêmes décidées. C'est d'ailleurs ce qui se produit lorsque des collectivités territoriales augmentent leur impôt en sachant très bien que l'Etat devra supporter la charge des exonérations.
Il faut donc responsabiliser les acteurs des deux côtés.
Le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 263, qui vise à introduire la notion de ressources suffisantes. C'est une notion floue qui ne peut être retenue.
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n'est pas comme la « part déterminante » ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Non, est déterminant ce qui donne un sens. C'est donc le contraire !
M. Jean-Pierre Sueur. J'ai compris !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Quant à ce qui est « prépondérant », c'est ce qui a le plus grand poids. Nous n'avons pas retenu la notion de prépondérance parce que cela laissait en définitive à l'Etat la possibilité de baisser ses dotations et de rendre prépondérante la part des ressources propres par la seule baisse des dotations de l'Etat, ce qui n'était évidemment pas l'objectif.
Voilà pourquoi nous avons retenu le mot « déterminant ».
M. Jean-Pierre Sueur. Comme il ne signifie rien, il n'engage à rien !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Sur le sous-amendement n° 251 rectifié, le Gouvernement émet un avis défavorable parce qu'il aboutirait, lui aussi, à créer un droit de tirage sur l'Etat.
Même avis sur le sous-amendement n° 252 rectifié, qui relève du même esprit. Il s'agit de corriger intégralement les inégalités entre collectivités. C'est à égalité des chances que nous voulons arriver, et non pas à l'égalité absolue des situations, tant il est vrai que, comme l'a dit M. Fréville tout à l'heure, il existe des situations d'inégalité dont les gestionnaires sont eux-mêmes responsables de par leur mauvaise gestion. Il serait tout à fait immoral de demander à la solidarité nationale ou à l'Etat de compenser les graves erreurs de gestion qui ont été commises par certains. Ce serait les encourager à persévérer dans leur mauvaise gestion. La correction des inégalités ne peut évidemment pas aller jusque-là.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur le sous-amendement n° 259, qui présente une rédaction moins heureuse, selon moi, que celle qui figure dans l'amendement n° 248.
Sur le sous-amendement n° 260, j'émets un avis défavorable parce que la référence à la solidarité nationale en vue d'une compensation ne tient pas compte du fait que la péréquation est à la fois verticale et, éventuellement, horizontale. De plus, la notion de solidarité nationale est, en l'occurrence, relativement floue. La notion de péréquation est beaucoup plus précise.
Mme Blandin trouve que le mot « solidarité » est beau, et c'est vrai. Mais je lui rappelle que l'article 1er de la Constitution indique que la République est « sociale », mot également très beau, peut-être encore plus.
Même observation concernant le sous-amendement n° 265 : avis défavorable.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur le sous-amendement n° 197 rectifié, qui crée un risque de confusion entre l'appréciation objective des charges et le niveau des dépenses qui résultent de la seule responsabilité de la collectivité.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur le sous-amendement n° 266, qui confond, dans la même diposition, les ressources et les dépenses.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur le sous-amendement n° 267, qui est satisfait par l'article 1er de la Constitution.
Le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 150, qui est inutile car la faculté de disposer librement de ses ressources constitue le fondement même de la liberté d'emplois des ressources, et il n'est pas besoin de précisions supplémentaires.
J'indique d'ores et déjà à M. Mercier que, naturellement, lorsque le texte énonce très précisément que « les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement », cela signifie bien qu'elles peuvent dépenser librement, sous réserve, bien entendu, des dépenses obligatoires. Les salaires, par exemple : il n'est pas question de revenir sur leur caractère de dépenses obligatoires.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 99 rectifié de M. Charasse : le terme « notamment » banalise la disposition proposée et paraît donc inutile.
Monsieur Mercier, s'agissant de l'amendement n° 119, la liberté de dépenser est bien entendu contenue dans le verbe « disposer ».
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 151.
Monsieur Fréville, l'amendement n° 54, qui tend à insérer dans le dispositif les modalités de recouvrement, nous paraît générateur de complexité. Je souhaiterais donc que vous le retiriez.
M. le président. Répondez-vous au voeu de M. le ministre, monsieur Fréville ?
M. Yves Fréville. Je retire en effet l'amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 54 est retiré.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je vous remercie, monsieur Fréville.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. L'amendement n° 152 de M. Peyronnet et de M. Charasse aurait pour effet de geler la situation actuelle et, par conséquent, il ne facilite pas la réforme nécessaire.
M. Jean-Claude Peyronnet. Il ne gèle pas la situation actuelle !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je crois que si !
Monsieur Fréville, je souhaiterais que vous retiriez également l'amendement n° 55.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Fréville ?
M. Yves Fréville. J'aimerais simplement connaître la différence qu'il y a entre ressources fiscales et impositions de toutes natures.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je crois que les unes contiennent les autres !
M. Jean-Pierre Sueur. Tout est dans tout et réciproquement : il faut donc que M. Fréville retire son amendement. C'est un argument tellement puissant ! Cela devient ridicule !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Vous êtes un expert !
M. Jean-Pierre Sueur. Je dis ce que je pense !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Moi aussi !
M. Yves Fréville. Je retire en tout cas cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 55 est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. S'agissant de l'amendement n° 120, je souhaite que M. Mercier accepte lui aussi de le retirer.
M. le président. L'amendement est-il retiré, monsieur Mercier ?
M. Michel Mercier. Demandé si gentiment et à cette heure, monsieur le président, je peux le retirer. De toute façon, il serait devenu sans objet dans cinq minutes !
M. le président. L'amendement n° 120 est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 100 rectifié.
Concernant l'amendement n° 153, j'y suis aussi défavorable : j'ai déjà eu l'occassion de dire que la notion de « ressources nécessaires » est trop floue pour être opérante juridiquement.
M. Claude Estier. En matière de flou, vous êtes orfèvre !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Quant à l'amendement n° 121, monsieur Mercier, j'en souhaite le retrait.
M. Michel Mercier. Non, celui-là, je le maintiens !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Dans ces conditions, le Gouvernement y est défavorable, avec beaucoup de regrets.
Mme Nicole Borvo. Des regrets éternels !
M. Michel Mercier. Le maire d'Antony devrait avoir plus de regrets encore !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je demande à M. Fréville de bien vouloir retirer son amendement n° 56.
M. le président. Monsieur Fréville, accédez-vous à cette demande ?
M. Yves Fréville. Monsieur le ministre, vous m'avez donné exactement tout à l'heure l'explication que je souhaitais entendre en disant que les inégalités que nous appelons en économie « les inégalités de situation » devaient être corrigées, alors que les inégalités de gestion n'ont pas à l'être.
Sous le bénéfice de cette explication, je retire mon amendement.
M. Patrick Devedjian, ministe délégué. Merci, monsieur Fréville. Je confirme votre interprétation si pertinente.
M. le président. L'amendement n° 56 est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Monsieur Mercier, vous admettrez avec moi que votre amendement n° 122 entraîne des complications s'agissant des charges.
M. Michel Mercier. Tout est compliqué !
M. Claude Estier. Si la péréquation ne prend pas les charges en compte, cela n'a pas de sens !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. En tout cas, je pense que nous pourrons examiner cette question au moment de la discussion de la loi organique.
M. Michel Mercier. Dans ces conditions, je retire l'amendement.
Mme Nicole Borvo. Et voilà !
M. le président. L'amendement n° 122 est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. L'amendement n° 154 est purement rédactionnel et le Gouvernement y est défavorable par coordination.
L'amendement n° 155 tend à introduire le concept de solidarité nationale qui, j'ai eu l'occasion de le dire, est trop imprécis pour être facilement opérant juridiquement. J'y suis donc défavorable. (Mme Nicole Borvo rit.)
M. Claude Estier. La solidarité nationale, c'est imprécis ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le devoir de solidarité nationale est satisfait par l'article 1er de la Constitution, j'ai eu l'occasion de le dire. Quant à vouloir substituer ce concept à la péréquation...
M. Claude Estier. « La République est sociale », cela ne veut pas dire « la solidarité nationale » !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Cela veut dire quoi, alors ?
L'amendement n° 204 est incompatible avec l'amendement n° 248 du Gouvernement, et j'invite M. Pelletier à le retirer.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Pelletier ?
M. Jacques Pelletier. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 204 est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. L'amendement n° 156 étant également incompatible avec l'amendement du Gouvernement, j'y suis défavorable.
L'amendement n° 81, qui vise la redistribution, est inutile puisque le mot « péréquation » remplit cette fonction. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
Quant à l'amendement n° 82, le Gouvernement y est aussi défavorable : ajouter les mots « et de besoins » après les mots « de ressources », ce serait vraiment ouvrir la porte à toutes les imprécisions et à toutes les confusions.
Enfin, pour les raisons déjà énoncées, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 83, qui est satisfait par l'article 1er de la Constitution.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. Mais il est beau !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Oui : on pourrait le faire encadrer ! (Sourires.)
M. le président. Tous les amendements et sous-amendements ayant été exposés, la commission et le Gouvernement s'étant exprimés, nous allons maintenant procéder au vote sur chacun de ces amendements et sous-amendements.
Je mets aux voix l'amendement n° 194.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 149.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je voudrais vous faire part de ma grande insatisfaction - et le mot est faible, c'est un euphémisme ! - devant la façon dont se déroulent nos débats et devant le spectacle auquel nous venons d'assister.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. Quel spectacle ?
M. Josselin de Rohan. Vous y avez participé !
M. Jean-Pierre Sueur. Pour éviter d'expliquer mon vote - mais, après tout, je pourrais le faire ! - sur chacun des sous-amendements qui vont être appelés successivement, je vais dire en une seule fois ce que j'ai sur le coeur, mais je tiens à le dire.
Nous avons été saisis cet après-midi - je ne vais pas y revenir - d'un amendement n° 248 que nous considérons comme particulièrement plat et insipide, et nous avons amplement démontré qu'il n'y avait pas grand-chose dedans.
Le débat a eu lieu. Mais M. le rapporteur n'a fourni aucune explication quant à la position de la commission des lois sur aucun des amendements et des sous-amendements qui ont été présentés ; il a simplement dit que la commission n'était pas en accord avec l'ensemble de ces textes. Certes, cela a eu le mérite de la concision.
Quant au ministre délégué, M. Patrick Devedjian, il a, lui, présenté le point de vue du Gouvernement sur l'ensemble des amendements et des sous-amendements. De manière assez rapide, certes, mais au moins il a cité l'ensemble.
Et, alors que vous nous avez présenté un texte complèment plat et insipide, voilà que vous nous déclarez qu'aucun - je dis bien aucun - des sous-amendements, aucun des amendements, aucune des modifications présentées par aucun sénateur de l'opposition ou de la majorité n'est recevable.
Même la chose la plus petite, la plus...
M. Hilaire Flandre. La plus insignifiante, peut-être ?
M. Jean-Pierre Sueur. ... la plus faible n'a trouvé grâce à vos yeux. Nous devons adopter en l'état le texte insipide que vous nous avez présenté.
Cela a parfois atteint des proportions remarquables. Ainsi, ce qu'a dit M. Mercier de la péréquation était totalement évident : si l'on met en oeuvre une péréquation, il faut prendre en compte non seulement les ressources des collectivités, mais aussi les charges ! En effet, certaines collectivités ont beaucoup de revenus et de faibles charges tandis que d'autres ont peu de revenus et beaucoup de charges. C'est la réalité actuelle, puisqu'une partie de la DGF, la DSU, prend explicitement en compte les charges. Dans ces conditions, je ne vois pas pourquoi le fait d'accepter la précision présentée par M. Mercier - qui fait partie de la majorité - poserait le moindre problème par rapport à votre texte.
Mais vous avez décidé, et la commission, malheureusement, s'est inclinée et n'a fait que se rallier, je le regrette profondément, à une rédaction qui n'apporte rien, qui est même inférieure, à certains égards, à celle qui avait été présentée au début par le Gouvernement, et qui est en tout cas nettement moins précise et moins efficace que celle qu'avait retenue la commission.
Je trouve ce spectacle assez consternant.
Le travail parlementaire devrait nous permettre d'améliorer les textes et de tirer quelque parti de ce que disent les uns et les autres ! Or, sur plus de cinquante amendements et sous-amendements, aucun n'a trouvé grâce aux yeux du Gouvernement. Je trouve que c'est une mauvaise manière de travailler !
M. le président. La parole est à M. Jean-ClaudePeyronnet, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je pourrais reprendre mot à mot ce que vient de dire mon collègue Jean-Pierre Sueur, mais je m'en garderai bien.
Nous sommes ici complètement dans l'apparence. On nous dit, par exemple, que l'amendement n° 271, qui reprenait une proposition de la commission des lois, serait satisfait par des dispositions de l'alinéa 4 de l'amendement n° 248, aux termes duquel « toute création de nouvelle compétence est accompagnée de ressources déterminées par la loi ». Mais cela ne veut rien dire, cela ne nous donne pas la moindre petite miette de garantie ! Donc, comparé à ce que la commission des lois avait proposé, c'est incontestablement nul, et je suis tout à fait affligé que cette dernière se soit pliée ainsi aux souhaits du Gouvernement.
A part cette disposition majeure à laquelle la commission des lois a renoncé, il en est deux autres que l'on oublie et qui, d'une certaine façon, concernent, au-delà de la commission des lois, le Sénat tout entier. Sans les avoir approuvées, nous n'en considérons pas moins que le Sénat est humilié. Nous ne devons pas nous satisfaire de la sucette qu'on nous donne à l'article 3 en nous octroyant, de façon tout à fait formelle, le droit de bénéficier d'un examen prioritaire des textes de loi relatifs aux collectivités locales. Je rappelle que la commission des lois a repris et voté une disposition contenue dans la proposition de loi déposée par le président du Sénat lui-même et selon laquelle « Une loi organique votée dans les mêmes termes par les deux assemblées détermine les conditions d'application du présent article. »
Je n'étais pas d'accord avec cette disposition. Mais là n'est pas la question. Ce qui importe, c'est qu'on l'a subrepticement fait disparaître. Elle n'a même pas été évoquée en séance aujourd'hui ! C'est, là aussi, une mauvaise manière !
Enfin, on a renoncé à la part « prépondérante » au profit de la part « déterminante ».
Dans ces conditions, comment peut-on parler de concertation entre le Gouvernement et la commission des lois, et nous dire que cette dernière fait passer nombre de ces amendements ? Au nombre de lignes, oui, mais pas du tout sur le fond, bien au contraire ! On peut même dire qu'elle s'est couchée ! (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Fourcade. En dépit de l'heure tardive, permettez-moi de m'étonner des propos de mes éminents collègues du groupe socialiste.
J'ai participé aux travaux de la commission Mauroy, au cours de laquelle nous avons évoqué tous ces problèmes, d'autonomie et autres. Lorsque nous avons appris que M. Fabius, alors ministre de l'économie et des finances, avait supprimé d'un trait de plume la vignette automobile, privant les départements de ressources importantes sans avoir prévenu personne et sans aucune concertation, j'aurais aimé qu'à cette époque - puisque nous étions en séance - tous ces honorables collègues défendent avec autant de pertinence, de virulence et d'efficacité toutes les thèses qu'ils ont développées et qui vont au-delà de celles qu'avec le président du Sénat nous avions soutenues. C'est une conversion extraordinaire à laquelle je viens d'assister !
Pour ma part, je considère que l'amendement du Gouvernement - même si j'ai pu dire qu'il était un petit pas -, est un pas sérieux, car il constitutionnalise ce qu'on avait omis de prévoir dans les lois de décentralisation de 1982. On inscrit en effet dans la Constitution le principe de la compensation des transferts de charges qui n'était auparavant que du domaine de la loi et qu'un certain nombre de lois avait, notamment au cours de la dernière période que nous avons vécue, remis en cause. Par conséquent, ce texte est important.
Bien entendu, il reste à obtenir, par le biais de la loi organique, quelques éléments de plus car, monsieur le ministre, je ne suis pas du tout convaincu que l'obligation de remplacer une recette fiscale supprimée par une autre recette fiscale gêne les réformes éventuelles. C'est un faux argument développé par des administrations centrales opposées à la décentralisation. Mais, rassurez-vous, je suis d'accord pour voter le texte aujourd'hui.
Vous nous retrouverez, le président du Sénat et moi-même, au moment de la discussion des lois organiques, car nous ne pouvons pas continuer, comme on le fait depuis cinq ans, à transformer des recettes fiscales autonomes et libres en dotations budgétaires, et comme l'on va encore nous le proposer à deux reprises dans la loi de finances dont nous allons débattre dans quelques jours. Cela prouve que la tendance des administrations est irrépressible. Je demande au Gouvernement de la maîtriser ! Mais je crois avoir compris que vous aviez admis cette position. C'est la raison pour laquelle je voterai le texte qui vient d'être brillamment défendu par deux ministres et auquel s'est ralliée la commission.
Je crois, pour ma part, que la constitutionnalisation de tout ce qui est écrit ici est tout à fait important pour les 500 000 élus locaux que nous représentons, ce matin, au Sénat. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. A la fin du débat sur cet article 6, je suis frappé de constater le comportement frustré de ceux qui s'estiment volés dans leur domaine : la décentralisation.
Certes, vous l'avez créée en 1982, mais c'est nous qui la relançons maintenant et qui permettons à un processus resté en panne de redémarrer.
Un sénateur socialiste. Mais non !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. Vous nous avez dit tout à l'heure que l'amendement du Gouvernement avait été déposé cet après-midi. Non, il l'a été ce matin. Vous l'avez jugé plat et insipide, mais vous avez rejeté tous les amendements que nous avions présentés, et maintenant vous vous faites les défenseurs des amendements que notre rapporteur avait préalablement déposés !
Vous avez, pendant des heures, systématiquement émis sur nos propositions des critiques qui ne sont pas fondées. Les arguments répétitifs que vous avez avancés ne sont pas pertinents et ne font en réalité - je le dis franchement - que cacher votre embarras dû au fait que ce sont le Gouvernement et sa majorité actuelle qui relancent le grand débat sur la décentralisation. Il faut que vous en soyez conscients.
Au contraire, nous sommes convaincus que les dispositions qui seront inscrites dans la Constitution changeront profondément la nature de la décentralisation, qui était jusqu'à maintenant restée en panne. Nous redémarrons le processus, prenez-en acte ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Un sénateur socialiste. On jugera sur pièces !
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. En réponse à ce que vient de dire M. Gélard, je veux indiquer que la décentralisation est en marche depuis vingt ans. Pour la mettre en oeuvre, différentes approches politiques sont possibles. Celle qui nous est aujourd'hui proposée ne nous convient pas parce qu'elle est fondamentalement libérale, contrairement à la précédente, qui était républicaine et solidaire.
M. Hilaire Flandre. Des mots.
M. François Marc. Le fait que les amendements qui procèdent de ces principes aient tous été rejetés nous confirme dans l'idée que, comme l'a indiqué voilà quelques jours M. Perben, une rupture existe bien entre le processus de décentralisation qui était en oeuvre depuis vingt ans et celui d'aujourd'hui, qui s'inscrit dans une autre logique. J'en veux pour preuve les réponses qui ont été apportées sur quatre points.
Tout d'abord, s'agissant des dispositions relatives à la péréquation qui nous semblaient floues, nous souhaitions préciser davantage les principes d'égalité et de solidarité. Or les amendements que nous avons déposés en ce sens ont été rejetés.
Ensuite, nous avons souhaité indiquer que la fiscalité nationale était transférée. Certes, on nous annonce une baisse des impôts sur le revenu de 30 % sur cinq ans, mais elle va inévitablement être transférée sur l'impôt local, les quatre vieilles, profondément injustes. Les questions que nous avons posées à ce sujet n'ont pas reçu de réponse.
Par ailleurs, M. le garde des sceaux a indiqué tout à l'heure que l'on s'inscrivait effectivement dans une logique de compétition entre les territoires. Or, chacun le sait, dans une compétition, il y a un vainqueur et des vaincus. Nous avons du mal à accepter l'idée que certains de nos territoires français seront, demain, les territoires vaincus, ceux qui n'auront pas eu les mêmes chances que les autres, ceux qui n'auront pas eu les ressources pour faire ces expérimentations que les plus aisés sauront entreprendre à bon escient et surtout qu'ils auront auront les moyens de faire.
Enfin - dernier argument -, nous n'avons pas entendu d'engagement ferme sur la réforme de la fiscalité locale. C'est un thème récurrent qui a été évoqué dans les travaux des commissions depuis plusieurs semaines. Or, aujourd'hui encore, aucun engagement précis n'a été pris sur cette exigence fondamentale qui s'exprime partout dans notre pays, à savoir que cette étape supplémentaire de la décentralisation puisse s'appuyer sur un édifice solide en matière d'égalité de la fiscalité locale ; nous le regrettons vivement.
Tout cela explique qu'avec le rejet de tous ces sous-amendements nous ne pourrons bien sûr pas suivre le Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Elue dans cette assemblée depuis un peu plus d'un an, j'ai assisté à des débats sur d'autres textes, mais le gouvernement était autre et j'avais constaté que les membres de la majorité souhaitaient tout de même débattre sur leurs amendements, sollicitaient les différents ministres présents et réagissaient, relativement vivement d'ailleurs, lorsqu'il leur semblait que le débat n'allait pas suffisamment loin par rapport à leur demande.
Aujourd'hui, j'ai vraiment eu l'impression d'assister à une parodie de démocratie.
Mme Hélène Luc. C'est très bien ! Vous avez raison !
M. Josselin de Rohan. Allons, allons ! Pas vous et pas ça !
Mme Marie-France Beaufils. Vous m'excuserez, mais si je le dis, c'est parce que je le ressens ainsi, et je suis quand même élue depuis suffisamment longtemps, dans des assemblées communales ou départementales,...
M. Jacques Peyrat. Nous n'avons pas de leçon à recevoir de vous, gardez-les !
Mme Marie-France Beaufils. ... pour affirmer que nous avons vécu une parodie de démocratie : il n'y a pas eu de véritable débat sur les questions qui ont été soulevées. Je rejoins ce que vient de dire un de nos collègues : vous n'avez pas voulu répondre aux questions posées sur les finances des collectivités locales.
M. Perben, tout à l'heure, et M. Devedjian, maintenant, parlant de responsabilité fiscale, ont dit qu'il fallait que les élus se responsabilisent dans leur prise de décisions. Vous m'excuserez mais, en tant qu'élue locale - j'ai été conseillère générale et je suis maire, tout de même, depuis 1982 - je n'ai jamais eu l'impression d'avoir été déresponsabilisée dans ma tâche d'élue ! J'ai toujours pris mes responsabilités. Je ne vois donc pas pourquoi il faudrait aujourd'hui, dans un texte constitutionnel, faire appel à cette responsabilisation des élus locaux. Ils ont suffisamment démontré leur capacité de prendre leurs responsabilités dans ce domaine.
Par ailleurs, la modification complète d'un article de votre texte à laquelle vous avec procédé montre bien la précipitation dans laquelle vous agissez. C'est quand même un élément important ! Tout à l'heure, dans le débat, il a été fait état de l'absence de référence aux dotations reçues par d'autres collectivités territoriales. En fait, vous nous expliquez que vous êtes en train de la réintroduire par la forme de péréquation que vous nous proposez.
D'un côté, on éclaircit le texte en essayant de répondre à des questionnements sur les ressources mais, de l'autre côté, sur le fond, la prise en compte dans les ressources des collectivités locales des dotations qui sont reçues par des autres collectivités territoriales est toujours présente.
Ce texte montre bien que vous ne voulez pas affirmer ce que sont vos véritables intentions par rapport à la décentralisation. Vous ne voulez pas dire dans quelles conditions vous allez la réaliser. Vous ne voulez pas que tous les éléments soient partie intégrante du débat, parce que vous ne voulez pas véritablement un débat de fond sur les conditions dans lesquelles la décentralisation peut se mettre en oeuvre, sur les conditions dans lesquelles les collectivités territoriales pourront faire face aux nouvelles responsabilités qu'elles auront à assumer, et pas simplement pour assumer une compétence qui leur aura été transférée, mais bien pour faire face à l'évolution de cette compétence. Ce texte, même modifié, confirme l'avis négatif que nous avions dès le départ. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste, républicain et citoyen et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Messieurs les ministres, vous n'avez retenu aucun argument, aucune proposition. Ce blocage a au moins le mérite d'être plus courtois que celui de M. Gélard, qui vient, sans élégance, de traiter ses collègues de l'opposition de « frustrés ».
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. Eh oui ! Et c'est vrai !
M. Hilaire Flandre. Ce n'est pas une insulte ! C'est une déception !
Mme Marie-Christine Blandin. Certains amendements ont été jugés insignifiants. Tel ne fut pas le cas de la proposition : « L'Etat est le garant de la solidarité nationale. » Là, vous avez répondu que l'article 1er de la Constitution « La France est une république (...) sociale », y répond. Pas du tout : la France, ce peut être les régions, les collectivités. La preuve en est que vous avez voulu inscrire : « La République est décentralisée. ».
En conséquence, en précisant que c'est l'Etat qui est le garant de la solidarité nationale, nous lui rendions toute sa responsabilité centralisée dans l'équilibre des droits des citoyens dans les territoires administrés de façon décentralisée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Finalement, nous avons consacré un peu plus de trois heures à l'examen d'un article essentiel de ce projet de loi constitutionnelle (Murmures sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants), ce qui n'est pas exorbitant s'agissant de mécanismes financiers.
Je souhaite simplement formuler quelques remarques brèves eu égard à vos réponses, monsieur le ministre délégué. Vous avez souhaité répondre point par point à chaque amendement, et je vous en remercie. Le procès-verbal pourra acter la qualité des arguments que vous avez employés sur l'ensemble des amendements présentés et nous pourrons donc nous y référer pour trouver l'essentiel de votre pensée. Sur ce point-là, c'est très satisfaisant pour nous.
Messieurs les ministres, je veux vous dire mes craintes, et elles seront partagées, me semble-t-il, par de nombreux élus locaux. Chaque fois qu'il existait une possibilité d'ouverture, de trouver une solution qui n'était pas partisane, mais qui pouvait répondre aux préoccupations de chacun, qui pouvait rassurer devant une décentralisation qui, effectivement - nous l'avons tous reconnu à des moments divers, au cours des alternances qui se sont succédé depuis 1981 -, a conduit l'ensemble des collectivités territoriales à augmenter considérablement leurs impôts locaux, eh bien ! vous nous avez répondu, sur les points essentiels, que cela allait continuer et que vous n'étiez pas prêts à assurer les conditions d'un transfert qui permette aux collectivités locales d'exercer, demain, les compétences qui leur seront transférées à un niveau suffisant, qu'il s'agisse de nouvelles compétences ou de la reprise de tel ou tel élément.
Cela a le mérite de la clarté ! Vous mettez en place une décentralisation qui permettra aux collectivités les plus riches de développer leurs avantages et aux collectivités qui sont le plus en difficulté, parce que vraisemblablement confrontées à la réalité sociale la plus complexe, de continuer à en subir les conséquences. Vous êtes les tenants d'une politique d'inégalités ; votre décentralisation est à cette image. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo. Monsieur Gélard, comme vous l'avez montré tout à l'heure, tout ce qui est excessif est inefficace.
Plusieurs sénateurs sur diverses travées. Est insignifiant !
M. Christian Poncelet. Est insignifiant ! C'est Talleyrand qui l'a dit !
Mme Nicole Borvo. Tout ce qui est excessif est insignifiant et, j'ajoute, inefficace !
Ce qui est remarquable, c'est que de nombreuses préoccupations se sont exprimées sur les ressources des collectivités locales, c'est-à-dire sur la manière de faire face à votre décentralisation, qui vise à leur faire assumer des responsabilités - celles qu'elles veulent, comme elles le veulent, etc. -, et que ces préoccupations émanaient non seulement de l'opposition, mais également de la majorité. Au fond, c'est tout à fait normal, car ces préoccupations sont vraiment légitimes : quel maire, quel président de conseil général, quel élu local ne se pose pas la question de savoir quelles seront les conséquences, sur le plan électoral, de la hausse des impôts locaux, des services supprimés ou mal rendus par des collectivités locales qui, faute de pouvoir augmenter les impôts, sont en proie à de grandes difficultés sociales et se trouvent confrontées au mécontentement de leurs électeurs ?
L'article 6 nous renvoie à l'article 1er. Cette décentralisation va aboutir à la création d'un patchwork de possibilités selon les collectivités. Cela justifiait les préoccupations des uns et des autres et méritait de faire l'objet d'un débat approfondi. Malheureusement, aucune de ces préoccupations, d'où qu'elles viennent, n'a été prise en compte. M. Devedjian a même déclaré que les citoyens seraient contents de payer plus d'impôts locaux. Je ne sais pas ! En tout cas, ce dont je suis sûre, c'est que vous faites souvent référence aux Français, monsieur le ministre : les Français l'ont voulu ; vous vous référez, bien sûr, aux dernières élections.
Je doute que les Français, y compris les 10 % des inscrits qui ont voté pour le Président de la République au premier tour, aient voulu que l'Etat ne soit plus garant de l'égalité. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste, républicain et citoyen et du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 149.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 254.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 269.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix les sous-amendements identiques n°s 195 rectifié et 262.

(Les sous-amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 255.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 256.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 249 rectifié.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 250 rectifié.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 101 rectifié bis .

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 271.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 196 rectifié.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 258.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 268.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 263.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 251 rectifié.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 252 rectifié.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 259.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 260.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 265.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 197 rectifié.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 266.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 267.
Mme Marie-Christine Blandin. L'Etat est garant de la solidarité nationale : cette nécessité reste à l'ordre du jour.
Par ailleurs, le groupe socialiste demande que le Sénat se prononce par scrutin public sur ce sous-amendement.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 267.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu).
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 26:

Nombre de votants 320
Nombre de suffrages exprimés 313
Majorité absolue des suffrages 157
Pour l'adoption 105
Contre
208

Mme Hélène Luc. C'est bien dommage !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 248.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements n°s 150, 99 rectifié, 119, 151, 152, 100 rectifié, 153, 121, 154, 155, 156, 81, 82 et 83 n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 6, modifié.

(L'article 6 est adopté.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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