SEANCE DU 17 OCTOBRE 2002


M. le président. La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Ma question s'adresse à M. Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
Monsieur le ministre, une fois de plus, les actionnaires des entreprises utilisent les salariés comme variable d'ajustement de leurs déboires boursiers.
Depuis plusieurs semaines, la liste des plans sociaux s'allonge dramatiquement. Ainsi, 36 000 emplois sont immédiatement menacés sur l'ensemble du territoire national.
Toutes les régions sont touchées, même celles qui sont déjà en grande difficulté, comme le Pas-de-Calais. Tous les secteurs sont concernés. En deux minutes et demie, je n'ai pas le temps d'énumérer toutes les entreprises concernées.
Je voudrais malgré tout vous en citer une, Hewlett Packard, qui a annoncé 1 209 suppressions de postes sur toute la France. Ces suppressions se déclinent comme suit : fermeture du site d'Annecy avec 145 transferts vers Grenoble et 32 suppressions de postes ; 370 suppressions de postes en Ile-de-France - je rencontrais ce matin, avec mon ami Paul Loridant, les salariés du site des Ulis -, 50 suppressions à Sophia-Antipolis, 108 dans les agences commerciales et, pour le seul département de l'Isère, dans lequel je suis sénatrice, 37 suppressions à L'Isle-d'Abeau et 609 à Grenoble.
M. Alain Gournac. Et combien à l'Humanité ?
Mme Annie David. Pourtant, Hewlett Packard, comme beaucoup d'autres entreprises, a bénéficié de fonds publics à hauteur de huit millions de francs en 1998. J'attends d'ailleurs une réponse de la Commission nationale de contrôle des aides publiques aux entreprises que je viens de saisir sur ce point.
M. Alain Gournac. Et les licenciements au parti communiste ?
Mme Annie David. Je connais bien cette entreprise, puisque j'y fus salariée sur le site de Grenoble, de 1981 jusqu'à la veille de mon mandat sénatorial voilà un an. Elle n'avait jamais licencié de salariés jusqu'à ce jour. Je mesure d'autant mieux le drame qui touche ces femmes et ces hommes ainsi que leurs familles. Je mesure également l'immensité du gâchis de compétences et de savoir-faire.
Comment ne pas regretter le repli sur les Etats-Unis des métiers qui non seulement produisent le plus de richesses, mais ont été forgés à Grenoble, pour ne laisser en France et en Europe que les équipes de marketing et de distribution ? C'est en réalité une politique de recentrage protectionniste sur les Etats-Unis.
Que fait le Gouvernement face à cette situation ?
D'une part, il annonce la nomination d'un « monsieur plans sociaux », mesure dont j'ai du mal à discerner l'efficacité. Elle apparaît relever de l'effet d'annonce, malgré la parution de sa lettre de mission.
M. Alain Gournac. Mesure efficace !
Mme Annie David. D'autre part, le Gouvernement a préparé un texte dont l'avant-projet circule déjà et qui vise à suspendre les mesures antilicenciements - pourtant bien limitées -, inscrites dans la loi de modernisation sociale votée il y a un an.
Le Medef, malgré sa surenchère, ne peut que se satisfaire de vos intentions !
Monsieur le ministre, face à la vague de licenciements, allez-vous continuer à remettre en cause des mesures antilicenciements ou, au contraire, les renforcer par la loi pour une application égale sur le territoire ?
Comptez-vous donner à la Commission nationale de contrôle des aides publiques aux entreprises les moyens d'exercer pleinement ses compétences ?
M. Dominique Braye. Trop long !
M. le président. Posez votre question !
Mme Annie David. Monsieur le ministre, saurez-vous prendre des mesures urgentes pour vous opposer à un patronat qui privilégie l'intérêt des actionnaires sur celui des salariés et de leurs familles, mais aussi de notre pays ?
M. Alain Gournac. Bien sûr !
Mme Annie David. Allez-vous enfin montrer que la politique peut infléchir l'économie ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Madame la sénatrice, vous avez raison de le souligner, depuis maintenant un peu plus d'un an, nous constatons une augmentation importante des licenciements et des plans sociaux dans notre pays.
M. Didier Boulaud. Grâce à vous !
M. René-Pierre Signé. Depuis qu'ils sont au pouvoir !
M. François Fillon, ministre. Ne dites pas de bêtises parce que vous allez être immédiatement contredits !
Pendant les cinq premiers mois de l'année 2001, les plans sociaux ont augmenté de 36 % (Sourires sur les travées du RPR) et, justement, j'allais vous répondre que, cet été, le rythme s'est plutôt ralenti. (Exclamations sur les travées du groupe communiste, républicain et citoyen. - Applaudissements sur les travées du RPR.) Mais je n'en tire aucune conséquence pour l'avenir parce qu'il faut s'intéresser aux raisons profondes du déclenchement de ces plans sociaux.
Si nous assistons aujourd'hui à une recrudescence de ces plans, c'est d'abord en raison de la situation internationale...
M. René-Pierre Signé. C'est la méthode Coué !
M. le président. Le sujet est sérieux ! Veuillez écouter M. le ministre !
M. François Fillon, ministre. ... et du retournement de la conjoncture. C'est aussi en raison de la perte d'attractivité de notre territoire.
M. René-Pierre Signé. C'est n'importe quoi !
M. François Fillon, ministre. D'une certaine manière, en posant la question très honnêtement, madame la sénatrice, vous avez vous-même mis le doigt sur un problème qui est très grave pour nous.
Il faut comprendre les raisons pour lesquelles une grande entreprise américaine choisit de fermer des sites en France pour les rapatrier aux Etats-Unis ou pour les déployer sur d'autres territoires.
Cette perte d'attractivité du territoire français est due selon nous, d'une part, à la loi sur les 35 heures (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste. - Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.) et, d'autre part, à la loi dite de modernisation sociale, dont les dispositions, en réalité, se retournent contre les salariés. (Protestations sur les travées socialistes)
Ce sont les raisons pour lesquelles notre pays enregistre de très mauvaises performances en matière de lutte contre le chômage. (Protestations sur les mêmes travées.) Il se place, en effet, au douzième rang européen !
M. Dominique Braye. Laissez parler le ministre ! On comprend que cela vous gêne !
M. François Fillon, ministre. Madame la sénatrice, le Gouvernement a décidé de réagir de multiples façons.
M. Dominique Braye. Ça leur fait mal !
M. François Fillon, ministre. Il soumet au Parlement un texte pour assouplir la loi sur les 35 heures ; (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes) il met en oeuvre une politique fiscale visant à relancer la consommation ; il allège encore les charges qui pèsent sur les entreprises ; (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées ;) ...
M. Dominique Braye. Très bien !
M. François Fillon, ministre. ... il développe une politique de formation professionnelle qui, grâce à l'assurance-emploi, va permettre, dans de meilleures conditions, la reconversion des salariés frappés par les plans sociaux ; ...
M. Dominique Braye. Très bien !
M. François Fillon, ministre. ... enfin, il met un terme aux dispositions de la loi dite de modernisation sociale qui, aujourd'hui, sont pour partie responsables des dépôts de bilan (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste. - Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
Enfin, nous avons instauré une mission interministérielle pour assurer une meilleure coordination des services de l'Etat, notamment dans les bassins d'emplois comme celui que vous avez évoqué, madame la sénatrice, et favoriser la reconversion, le reclassement des salariés et la mise en place des plans sociaux. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Didier Boulaud. On en reparlera dans six mois !
M. René-Pierre Signé. Voilà une belle leçon de libéralisme !
M. Dominique Braye. Les arroseurs arrosés !
M. le président. Mes chers collègues, vous est-il aussi difficile d'écouter l'orateur dans le silence ? Je vous rappelle qu'on nous écoute et qu'on nous regarde. Votre attitude ne permettra pas une meilleure appréciation de nos débats !
M. René-Pierre Signé. Ils nous provoquent !
M. le président. Ne répondez pas à la provocation, restez silencieux ! (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. René-Pierre Signé. Il ne faut pas laisser dire n'importe quoi !

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