SEANCE DU 10 OCTOBRE 2002


ACCORD AVEC LA RUSSIE RELATIF
À LA RESPONSABILITÉ CIVILE
AU TITRE DE DOMMAGES NUCLÉAIRES

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 323, 2001-2002) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie relatif à la responsabilité civile au titre de dommages nucléaires du fait de fournitures en provenance de la République française destinées à des installations nucléaires en Fédération de Russie. [Rapport n° 4 (2002-2003).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la France et la Russie ont toutes deux fait un choix énergétique en faveur de l'utilisation de l'énergie nucléaire pour satisfaire une partie importante de leurs besoins en électricité. La France dispose en la matière d'un pôle industriel d'excellence, et la Russie doit mettre son industrie aux normes de sûreté occidentales. C'est donc naturellement que la France et la Russie ont décidé de renforcer leur coopération dans ce domaine par le biais de l'accord du 20 juin 2000.
L'objectif principal de cet accord consiste à assurer la sûreté juridique des livraisons effectuées en Russie par la France et ses fournisseurs.
En effet, l'un des obstacles au développement des échanges entre la France et la Russie dans le domaine du nucléaire civil réside dans l'absence de règles permettant de dégager la responsabilité civile de la France et de ses fournisseurs en cas d'accident nucléaire survenant en Russie. A la suite des efforts consentis, à titre bilatéral et dans le cadre du G 8, pour inciter la Russie à adhérer à la convention de Vienne de 1963 sur la responsabilité civile nucléaire, ce pays a accepté de signer ce texte, mais ne l'a toujours pas ratifié.
Cette convention, ou celle de l'OCDE, à laquelle la France adhère, la convention de Paris de 1960, introduisent le principe, très protecteur pour les fournisseurs, de la canalisation de la responsabilité vers l'exploitant, et uniquement vers ce dernier. La signature d'un accord bilatéral était donc nécessaire pour combler ce vide juridique.
En outre, l'accord de Paris était indispensable pour mettre en place une coopération d'envergure entre les deux pays.
Les besoins de la Russie en matière de sûreté nucléaire sont grands, principalement en matière de modernisation des installations et de dépollution nucléaire. Dans ce domaine, la France possède un savoir-faire, et il est de notre responsabilité d'aider la Russie et de contribuer aux projets de la communauté internationale.
Notre action porte également sur l'aide au désarmement et à la non-prolifération nucléaires. En effet, dans le cadre du partenariat global contre la prolifération des armes de destruction massive, annoncé par le G 8 au sommet de Kananaskis, en juin dernier, la France est l'un des leaders de la transformation du plutonium des armes nucléaires russes démantelées en combustible destiné à être brûlé dans des réacteurs civils.
Enfin, il convenait que nos entreprises ne soient pas pénalisées par rapport à nos concurrents occidentaux.
Les Etats-Unis ont conclu un accord tout à fait similaire en 1993, l'Allemagne et la Norvège en 1998. Enfin, la Commission européenne, pour le programme Tacis, et la BERD, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, ont également conclu des accords de même nature. La conclusion de cet accord était nécessaire à notre action en Russie et à la participation aux programmes internationaux.
Je vous présenterai maintenant les deux dispositions qui constituent le coeur de cet accord.
Tout d'abord, la Russie renonce au recours contre la France et les fournisseurs français. Cette disposition est importante, car toutes les centrales nucléaires russes, sauf une, sont gérées par l'Etat.
Ensuite, une protection juridique appropriée est garantie à la France ou aux fournisseurs français si ceux-ci sont attaqués en justice par des tiers. Ils sont, en outre, déchargés de leur responsabilité civile en cas de condamnation.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales dispositions de l'accord entre la France et la Russie relatif à la responsabilité civile au titre des dommages nucléaires qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Xavier Pintat, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le développement de la coopération dans le domaine nucléaire, engagée à partir des années quatre-vingt-dix entre la Russie et les pays occidentaux justifie que soit résolue la question sensible du régime de responsabilité civile applicable aux interventions des opérateurs étrangers.
On se souvient qu'après l'accident de Tchernobyl, en 1986, l'Union soviétique avait décliné toute responsabilité pour les dommages nucléaires provoqués par cette catastrophe. Depuis lors, plusieurs pays issus de l'ex-URSS et la plupart des pays d'Europe centrale ont adhéré à la convention de l'Agence internationale de l'énergie atomique sur la responsabilité civile en matière de dommages nucléaires. On peut regretter que, bien qu'ayant signé cette convention en 1996, la Russie ne l'ait pas ratifiée et n'ait toujours pas adopté de législation interne conforme aux règles reconnues par la communauté nucléaire internationale.
L'accord signé le 20 juin 2000 entre la France et la Russie répond bien à ce souci de sécurité juridique pour les prestations fournies par des intervenants français et destinées à une installation nucléaire russe.
Comme les accords bilatéraux de même nature conclus par les Etats-Unis, la Commission européenne, l'Allemagne et la Norvège, il garantit l'application des principes fondamentaux du droit de la responsabilité nucléaire, en particulier la responsabilité objective et exclusive de l'exploitant de l'installation.
Si une part significative des interventions françaises transitent par le canal européen, dans le cadre des programmes communautaires d'amélioration de la sûreté des installations nucléaires russes, et sont donc déjà couvertes par l'accord conclu en 1995 entre les autorités européennes et la Russie, l'accord franco-russe de juin 2000, dont la ratification nous est proposée aujourd'hui, trouvera, quant à lui, à s'appliquer à d'autres projets où la France est, en tant que telle, engagée.
Nous pensons en particulier ici au domaine si important du recyclage du plutonium militaire excédentaire en vue de son utilisation à des fins civiles, ou encore des projets de dépollution nucléaire.
Par ailleurs, des coopérations pourraient être envisagées si les autorités russes concrétisaient leur ambition de développer leur secteur nucléaire civil.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donc pleinement approuvé cet accord et vous demande, mes chers collègues, d'adopter le présent projet de loi. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie relatif à la responsabilité civile au titre des dommages nucléaires du fait de fournitures en provenance de la République française destinées à des installations nucléaires en Fédération de Russie, signé à Paris le 20 juin 2000, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. Je constate que ce texte a été adopté à l'unanimité.

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