SEANCE DU 1ER OCTOBRE 2002


SÉCURITÉ DES PISCINES

Adoption des conclusions modifiées
du rapport d'une commission

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport n° 407 (2001-2002) de M. Charles Revet, fait au nom de la commission des affaires économiques et du plan, sur la proposition de loi (n° 436, 2000-2001) de MM. Jean-Pierre Raffarin, Nicolas About, Philippe Adnot, Louis Althapé, Phlippe Arnaud, Denis Badré, José Balarello, Bernard Barraux, Jacques Baudot. Michel Bécot, Claude Belot, Georges Berchet, Daniel Bernardet, Roger Besse, Laurent Béteille, Paul Blanc, Christian Bonnet, Marcel Bony, James Bordas, André Boyer, Jean Boyer, Louis Boyer, Jean-Guy Branger, Gérard Braun, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès , Robert Calmejane, Jean-Claude Carle, Auguste Cazalet, Jean Clouet, Gérard Cornu, Charles-Henri de Cossé-Brissac, Philippe Darniche, Luc Dejoie, Robert Del Picchia, Jean Delaneau, Jean-Paul Delevoye, Jacques-Richard Delong, Christian Demuynck, Marcel Deneux, Charles Descours, André Diligent, Jacques Donnay, Michel Doublet, Alain Dufaut, André Dulait, Hubert Durand-Chastel, Daniel Eckenspieller, Jean-Paul Émin, Hubert Falco, André Ferrand, Hilaire Flandre, Jean-Pierre Fourcade, Bernard Fournier, Serge Franchis, Yann Gaillard, René Garrec, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Francis Giraud, Paul Girod, Alain Gournac, Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Pierre Guichard, Pierre Hérisson, Rémi Herment, Alain Hethener, Jean-Paul Hugot, Roger Karoutchi, Christian de La Malène, Lucien Lanier, Jacques Larché, Gérard Larcher, Dominique Leclerc, Jacques Legendre, Guy Lemaire, Marcel Lesbros, Jean-Louis Lorrain, Philippe Madrelle, André Maman, Paul Masson, Serge Mathieu, Michel Mercier, Louis Moinard, René Monory, Georges Mouly, Bernard Murat, Philippe Nachbar, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin, MM. Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Lilian Payet, Michel Pelchat, Jacques Pelletier, Jean Pépin, Jean-Marie Poirier, Ladislas Poniatowski, André Pourny, Jean Puech, Victor Reux, Charles Revet, Henri Revol, Henri de Richemont, Bernard Seillier, Louis Souvet, Martial Taugourdeau, André Vallet et Alain Vasselle, relative à la sécurité des piscines.
Avant de donner la parole à M. le rapporteur, permettez-moi, chers collègues, de me féliciter que le Gouvernement ait choisi d'inscrire à l'ordre du jour prioritaire de notre premier jour de session une proposition de loi d'origine sénatoriale, sur laquelle figure la signature de cent douze de nos collègues, déposée sur l'initiative du Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin, alors qu'il siégeait parmi nous.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Revet, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chaque été, entre vingt et trente enfants de moins de cinq ans meurent noyés dans les piscines privées. Pendant longtemps, cette réalité a été sous-estimée. Aujourd'hui, le parc de piscines privées croît de 5 % à 10 % par an, ce qui rend indispensable l'intervention du législateur.
Voilà plus d'un an, plus du tiers d'entre nous avait cosigné la proposition de loi inscrite aujourd'hui à l'ordre du jour du Sénat. C'est dire qu'existaient déjà les bases d'un traitement consensuel de ce dossier. Cette impression s'est confirmée lors du travail d'élaboration du rapport de la commission des affaires économiques.
Il fut frappant de remarquer, lors des auditions menées dans ce cadre, que les professionnels du secteur eux-mêmes avaient pris conscience des exigences nouvelles de la population dans le domaine de la protection des très jeunes enfants. En proposant d'inscrire dans la loi des obligations de sécurité nouvelles pour les piscines privées, le Sénat témoigne de sa réactivité et de son attention à l'émergence de nouveaux risques pesant sur nos concitoyens.
La commission des affaires économiques a estimé que la gravité et le caractère sensible de ce dossier exigeaient que le Parlement ne laisse aucune place aux raisonnements faciles. Elle a donc souhaité insister sur deux points.
En premier lieu, il faut bien savoir que le dispositif proposé ne permettra pas de faire en sorte que plus aucun enfant ne meure noyé dans une piscine privée. Il vise à diminuer le risque qui pèse sur les jeunes enfants. Il est de notre devoir de travailler à ce que les risques auxquels sont exposés les enfants soient réduits à leur minimum, mais il est de notre responsabilité de parlementaire de bien rappeler, dans ce débat comme dans d'autres, que le risque zéro n'existe pas.
Le second point sur lequel la commission souhaitait insister, et qui n'est pas sans lien avec le précédent, concerne la responsabilité.
Ceux qui croiraient qu'un dispositif de sécurité, quel qu'il soit, puisse dispenser les parents d'une surveillance constante de leurs enfants commettraient une lourde faute, je dirais presque, mes chers collègues, une faute criminelle.
La proposition de loi qui vous est présentée ne vise en aucun cas à déresponsabiliser les parents. Les dispositifs de sécurité envisagés ne sont qu'une aide à la surveillance. En effet, personne ne peut surveiller un jeune enfant vingt-quatre heures sur vingt-quatre ! Rappelons qu'il faut moins de trois minutes pour qu'un enfant de moins de cinq ans se noie.
Enfin, il convient de rappeler pourquoi la commission s'en est tenue aux piscines privées enterrées : les piscines publiques relèvent d'un cadre juridique très différent, qui soulève notamment des questions relatives à la responsabilité des collectivités locales, de leurs agents et des élus.
Les piscines hors sol ont également été écartées du champ du dispositif. Bien que la commission ait été sensible à l'intérêt qu'il y aurait à les y inclure, elle a estimé qu'une telle option conduirait vraisemblablement à soulever de lourdes difficultés de définition qui risquaient de retarder de façon non négligeable l'application des dispositions.
La commission des affaires économiques vous propose, mes chers collègues, de consolider le dispositif initial de la proposition de loi.
L'article 1er, tel qu'il résulte des amendements acceptés par la commission, ajoute quatre articles au code de la construction et de l'habitation.
Il s'agit, tout d'abord, d'imposer, à partir du 1er janvier 2004, la mise en place d'un dispositif de sécurité normalisé dans toutes les nouvelles piscines privées enterrées.
Il s'agit, ensuite, d'imposer, à partir du 1er janvier 2006, la mise en place d'un dispositif de sécurité normalisé dans les piscines privées enterrées existantes.
Il s'agit, en outre, d'imposer, à partir du 1er janvier 2004, la mise en place d'un dispositif de sécurité normalisée dans les piscines privées enterrées existantes si ces piscines sont rattachées à des habitations mises en location saisonnière. En effet, les locataires d'une maison avec piscine sont particulièrement exposés au risque de noyade des très jeunes enfants, ces personnes n'ayant pas nécessairement conscience du danger potentiel que peut représenter un tel équipement.
A ce sujet, la commission souhaite rendre hommage à tous ceux, professionnels, associations de parents et de consommateurs, organismes institutionnels, qui, par des campagnes d'information de plus en plus développées, s'efforcent de sensibiliser les parents et les proches de jeunes enfants à la nécessité d'une vigilance constante.
En dernier lieu, l'article 1er prévoit des sanctions.
Soyons clairs : il ne s'agit en aucun cas d'accabler ceux qui ont déjà été frappés par le malheur de l'accident grave ou du décès du jeune enfant tombé dans leur piscine. Il reste que, aujourd'hui, les dispositifs de sécurité permettent, pour peu qu'on soit responsable, de diminuer fortement un tel risque. Aussi ceux qui, par négligence ou par indifférence, manqueraient aux obligations élémentaires de sécurité méritent-ils d'être sanctionnés dès lors que leur faute est retombée sur autrui.
Mes chers collègues, la commission vous propose, je le précise, un dispositif reposant sur la responsabilité, celle des parents biens sûr, mais aussi celle des propriétaires ou des constructeurs, dès lors qu'une faute sera à l'origine de l'accident.
L'article 2 est un simple article de cohérence. Il adapte le titre du chapitre concerné dans le code de la construction et de l'habitation.
L'article 3 vise à permettre l'évaluation du dispositif par le Parlement.
J'y insiste, la proposition de loi qui vous est soumise ne tend aucunement à atténuer en quoi que ce soit la responsabilité de celles ou de ceux qui ont la charge des enfants, à commencer par leurs parents. Elle vise à faciliter la surveillance, grâce à un dispositif de sécurité adapté, afin de réduire le plus possible le nombre des accidents - parfois mortels - dont de jeunes enfants sont victimes dans des piscines privées.
Il ne nous a pas paru souhaitable de privilégier un système de sécurité particulier : nous avons préféré laisser ouvert le choix entre les différents systèmes qui sont aujourd'hui susceptibles d'être normalisés. De même, il nous a semblé important de laisser place à l'innovation.
Avant de conclure, monsieur le ministre, je tiens à souligner la qualité du travail que nous avons réalisé avec vos services.
Tels sont, mes chers collègues, les éléments essentiels que je souhaitais vous apporter en préalable à l'examen de ce texte, qui est volontairement limité dans sa portée, de façon à ne pas retarder davantage la mise en place d'une réglementation très attendue. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. Pastor applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme l'a souligné M. le rapporteur, le présent texte a pour objet de réduire le risque de noyade des jeunes enfants. C'est là un sujet qui n'a rien d'anodin et qui nous touche en tant que parents ou grands-parents, ou simplement en tant qu'adultes conscients de la protection que la société doit aux enfants.
Trop d'accidents se produisent encore autour des piscines : en 2001, ce sont vingt-trois enfants de moins de cinq ans qui se sont ainsi noyés !
Au-delà des chiffres, il s'agit de prendre collectivement des mesures de bon sens pour éviter que le malheur ne vienne frapper des familles en enlevant la vie à des enfants qui ignorent encore les dangers qui les entourent.
Il nous est proposé aujourd'hui de prendre des dispositions simples pour rendre les piscines d'agrément plus sûres. Cette proposition rencontre l'attente des Français et, croyez-le bien, correspond à une préoccupation du Gouvernement. Je peux même vous dire en confidence qu'elle est suivie avec beaucoup d'intérêt par le Premier ministre lui-même (sourires) , avec qui je m'en entretenais encore tout à l'heure, à l'occasion de la séance des questions d'actualité au Gouvernement de l'Assemblée nationale.
Il faut que les progrès techniques et économiques de notre société ainsi que l'évolution de nos modes de vie permettent d'assurer à tous tranquillité et sécurité. Il revient à l'Etat de fixer les grandes règles à suivre pour qu'il en soit ainsi.
Le Gouvernement estime très important de consacrer une part de notre énergie réformatrice aux problèmes de vie quotidienne, en particulier en prenant des mesures touchant à notre sécurité.
La sécurité des personnes dans les transports ou dans l'habitat, par exemple, est une dimension essentielle de mon action ministérielle. Comme vous le savez, je me suis saisi de la question de la sécurité dans les ascenseurs, qui n'a, elle non plus, rien d'anodin. Le Gouvernement présentera d'ailleurs prochainement au Parlement un projet de loi sur ce sujet.
Dans le cas des ascenseurs, la sécurité doit être assurée indépendamment de l'âge de l'utilisateur. Dans celui des piscines, il s'agit d'éviter qu'une bêtise commise par des enfants, qui, je le répète, ignorent encore tout de la vie et de ses dangers, ne se transforme en drame.
La prise en compte, dans la sécurité du cadre bâti, du comportement des personnes connaît des développements constants. Ainsi, les prises de courant à operculation sauvent - nous en sommes persuadés - la vie de nombreux enfants, en les empêchant simplement de mettre les doigts dans les prises. Beaucoup reste à faire dans le domaine de la sécurité quotidienne puisque, en plus des nombreux morts que nous avons à déplorer sur la route ou sur les lieux du travail, on compte 19 500 décès par an, hélas ! causés par des accidents survenant au domicile, à l'occasion d'activités de loisirs ou à l'école.
Je souhaiterais donc mettre en oeuvre un dispositif d'observation des accidents liés au logement afin de mieux identifier les causes principales de ces accidents, celles que l'on retrouve le plus souvent, de manière à apporter les réponses appropriées. C'est ce à quoi tend cette proposition de loi s'agissant des piscines.
En la matière, le premier gage de la sécurité du jeune enfant réside évidemment dans la surveillance sans faille exercée par ses parents ou par les adultes à qui les parents ont confié cette mission de la plus haute importance. Il est clair, en effet, que des dispositifs techniques doivent accroître le plus possible la sécurité des jeunes enfants autour des piscines, mais il serait dangereux de croire qu'ils résoudront, à eux seuls, tous les problèmes.
C'est pourquoi, loin d'aller dans le sens d'une déresponsabilisation, cette proposition de loi affirme au contraire que la protection passive ne remplace en aucun cas la surveillance humaine, plus particulièrement familiale.
Dans cet esprit de responsabilisation, il me semble effectivement judicieux, monsieur le rapporteur, de laisser aux propriétaires la possibilité de choisir les matériels en fonction des situations à risque qu'ils sont susceptibles de rencontrer le plus souvent. Cette liberté de choix est naturellement tributaire de la diversité et de la fiabilité des matériaux, équipements et produits aujourd'hui proposés par les fabricants et installateurs de piscine.
La proposition de loi prend en compte la dimension fortement évolutive du problème. De ce point de vue, les délais de mise en oeuvre que vous avez retenus - 2004 et 2006 - me semblent constituer un minimum pour permettre aux travaux de normalisation d'aboutir et aux industriels d'investir dans la mise au point et la commercialisation de matériels fiables et durables.
Chacun l'aura compris, le Gouvernement accueille favorablement cette proposition de loi et il est convaincu que, dans sa sagesse, le Sénat saura y conférer la forme la plus adéquate. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de me réjouir - même si le terme n'est guère approprié compte tenu de la gravité du sujet - que nous discutions - aujourd'hui de cette proposition de loi relative à la sécurité des piscines, et ce pour trois raisons.
La première raison tient à l'ouverture de notre session par une proposition de loi issue du Sénat. Cette décision conforte votre volonté, monsieur le président, et celle du Gouvernement, monsieur le ministre, de valoriser chaque fois que faire se peut notre assemblée, qui peut ainsi démontrer sa capacité de proposition et son souci de répondre aux préoccupations de nos concitoyens.
M. le président. Très bien, monsieur Carle !
M. Jean-Claude Carle. Deuxième raison : cette proposition de loi a pour premier signataire un de nos anciens collègues qui exerce aujourd'hui les plus hautes responsabilités au sein de l'Etat, puisqu'il s'agit du Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin.
Sa proposition témoignait déjà, à l'époque, de sa volonté d'apporter des réponses aux problèmes que rencontrent les Français et les Françaises dans leur vie quotidienne et, en particulier, d'améliorer leur sécurité, au sens le plus large du terme.
Je suis donc, comme plusieurs d'entre nous, fier d'avoir cosigné cette proposition de loi.
La troisième raison, enfin, est une raison de fond. Elle touche à l'objet même de ce texte, qui est de protéger ce qu'il y a de plus noble, de plus précieux pour l'homme : la vie et, qui plus est, celle des plus exposés, à savoir nos enfants.
Je me félicite que ce soit un libéral qui se trouve à l'origine de cette proposition de loi, car le fondement du libéralisme, c'est d'abord le respect de la personne, de son épanouissement et de sa vie. Ce n'est pas, contrairement à ce que certains veulent faire croire, le laisser-faire sans contrainte. C'est, au contraire, le souci constant de faire en sorte que chacun assume ses responsabilités, tant individuelles que collectives, quitte à faire peser une obligation lorsque c'est nécessaire. Tel est le sens de la proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui.
Certes, comme vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, la protection des jeunes enfants relève d'abord de la responsabiltié des parents, de la famille au sens le plus large. Quel père, quelle mère, quel grand-père, quelle grand-mère ne sont pas attentifs au devenir de ce qu'ils ont de plus cher, leurs enfants ou leurs petits-enfants ? Ce sont eux qui, jour après jour, guident leurs pas. Et l'on voit bien les problèmes qui se posent à notre société lorsqu'une telle attention en matière d'éducation et d'entretien fait défaut.
Mais, dans le domaine qui nous concerne aujourd'hui, il suffit de quelques secondes d'inattention pour que le drame se produise, pour que la vie s'arrête.
C'est le devoir de la société et le nôtre de prendre le relais pour faire en sorte que, sans dégager les parents de leur responsabilité, soit assurée la sécurité des jeunes enfants, qui n'ont pas encore de véritables capacités de discernement, même s'il en résulte des contraintes accrues pour l'utilisateur comme pour le fabricant.
Je suis libéral, mais je considère que le respect de la vie, ne serait-ce que d'un seul enfant, passe avant les exigences du marché. Certes, les mesures proposées auront un coût, mais la vie, elle, n'a pas de prix.
Les mesures contenues dans le texte qui nous est soumis sont contraignantes, mais elles ne remettent pas en cause la croissance d'un secteur de notre économie qui, je m'en réjouis, se démocratise chaque année davantage. Si nous nous devons d'alléger les contraintes qui pèsent aujourd'hui sur les entreprises de ce secteur comme sur l'ensemble des entreprises, nous devons le faire dans les domaines administratif, juridique et fiscal plutôt que dans celui de la sécurité. Tel est bien le sens de l'action que s'attachent à mener Jean-Pierre Raffarin et le Gouvernement.
Les propositions qui nous sont soumises seront d'autant plus faciles à mettre en oeuvre qu'elles relèvent d'une large concertation avec tous les acteurs concernés. A cet égard, je tiens à saluer le travail important effectué par notre rapporteur, Charles Revet. Sa volonté est de ne pas se fier à une seule technique, mais de faire appel à toutes les technologies - et celles-ci sont susceptibles d'évoluer, comme l'a souligné M. le ministre - avec le souci de laisser le temps nécessaire aux mises aux normes des équipements existants.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les quelques remarques que je voulais faire à l'occasion de la discussion de la présente proposition de loi, qui se veut au service de la vie de nos enfants, comme notre rapporteur l'a si bien dit.
Bien entendu, le groupe des Républicains et Indépendants, membre de l'UMP, votera ce texte tel qu'il résultera des travaux du Sénat. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte qui nous est présenté va de pair avec un récolement des données sur les noyades, lequel a fait des progrès importants depuis ces deux dernières années. L'enquête sur les noyades élaborée par l'institut de veille sanitaire et la direction de la sécurité civile délivre désormais des informations jusque-là inconnues et permettant de déterminer les causes des noyades.
Il était important de disposer de ces informations car la noyade est responsable de plus de 500 décès par an dans notre pays et parce que c'est la troisième cause de décès chez les enfants.
Le dispositif que nous examinons ne concerne qu'un pourcentage relatif des noyades, celles qui ont lieu dans les piscines privées. Il se fonde directement sur les avis de la commission de sécurité des consommateurs relatifs à la sécurité dans les piscines privées enterrées. Cette commission a été saisie à plusieurs reprises par des requérants qui lui ont signalé des accidents impliquant de jeunes enfants.
Chaque fois qu'un tel drame se produit, l'idée qui vient à l'esprit, bien sûr, est qu'il aurait pu être évité. Toutefois, les circonstances des noyades sont réunies tellement rapidement dans un environnement aquatique, même si celui-ci ne paraît pas hostile, et l'accident survient si vite que le pire est toujours possible, surtout en l'absence d'une sensibilisation aux risques.
Il était donc légitime que les pouvoirs publics prennent des dispositions en matière de sécurité dans les piscines, d'autant que le nombre des accidents est en augmentation constante dans bien des régions.
Les études réalisées ces dernières années ont permis de dégager trois axes essentiels : le développement d'une culture de sécurité en milieu aquatique, la mise en place de dispositifs de sécurité pour les piscines privées et, enfin, la mise en oeuvre d'une réanimation efficace le plus tôt possible après la noyade.
Les auteurs de la proposition de loi se sont concentrés sur le deuxième axe. Mais l'obligation d'installer des barrières ou d'autres systèmes de sécurité qui doit en résulter pour les propriétaires privés ne peut cependant pas être dissociée des efforts à accomplir en matière de motivation et d'éducation du public, d'incitation à la vigilance des parents, d'apprentissage de la natation le plus tôt possible et de la formation à l'alerte.
Le plus important est, bien sûr, de sensibiliser les propriétaires de piscines aux risques de noyade et de les responsabiliser. Pour prévenir les accidents, rien ne peut en effet remplacer la vigilance des parents et des proches. C'est d'ailleurs la constatation qui a été faite dans plusieurs pays, dont l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Canada, où, après une période de chute de la mortalité liée à la noyade du fait de la généralisation de l'installation des barrières, le nombre de noyades a, hélas ! de nouveau augmenté. La vigilance s'est en effet relâchée et les parents se sont, d'une certaine façon, déresponsabilisés.
Les campagnes de prévention conduites en France depuis plusieurs années par la commission de sécurité des consommateurs, la fédération des constructeurs de piscines et d'autres partenaires demeurent le centre du dispositif de lutte. Elles commencent à porter leurs fruits, comme en témoignent les statistiques.
Un autre élément primordial du dossier est la normalisation : pour que les barrières soient efficaces, il faut qu'elles respectent certaines caractéristiques, notamment de hauteur, d'écartement des barreaux, de disposition de ces derniers. S'ils sont à l'horizontale, par exemple, on peut craindre qu'un enfant n'y prenne appui.
Depuis longtemps, la parution d'une norme était sollicitée. L'AFNOR en a récemment publié une, mais sous la forme d'une norme expérimentale pour deux ans, période à l'issue de laquelle on refera le point.
Cette norme est déterminante pour la construction des kits qui sont fournis dans le commerce.
Reste toutefois à régler la question de la normalisation des portillons, points faibles des barrières lorsqu'ils sont défaillants ou lorsqu'ils sont ouverts, ils réduisent quasiment à néant la protection apportée par la barrière. Il est donc urgent de progresser sur cette question, que nous avons d'ailleurs évoquée, avec M. le rapporteur, en commission. C'est un préalable. Naturellement, la même remarque vaut pour les volets roulants, les systèmes d'alarme électroniques et les autres techniques auxquelles la commission a étendu le dispositif de la proposition de loi.
Ce n'est qu'à partir de là qu'on sera sûr de mettre à la disposition des consommateurs un matériel fiable, de nature à compléter la nécessaire surveillance des personnes qui entourent les enfants. Les démarches de communication ne pourront qu'en être renforcées.
Mais ces remarques valent aussi bien pour les piscines privées que pour les piscines « semi-privées », c'est-à-dire les piscines privées à usage collectif que l'on trouve dans les hôtels, les villages de vacances, les campings. Les équipements pourront être contrôlés par les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ou de la direction de la jeunesse et des sports.
Il importe de mettre en cohérence la norme réglementaire en cours de préparation et celle dont nous sommes aujourd'hui en train de discuter.
L'important, c'est aussi d'éviter, pour les maires, une charge supplémentaire, des contrôles et des responsabilités supplémentaires.
Il convient enfin de relever que les accidents n'ont pas seulement lieu dans les piscines enterrées. Il s'en produit également dans les piscines hors sol, « en kit », qui sont de plus en plus nombreuses et dont certaines sont soumises à déclaration de travaux et peuvent être enterrées ou semi-enterrées.
La commission de sécurité des consommateurs recommande aux propriétaires de ce type de piscines, qui sont vendues en plus grande nombre chaque année, d'installer un dispositif de sécurité autour du bassin ou sur ses parois pour prévenir le risque de noyade des enfants de moins de six ans. Là encore, le souci de la cohérence plaide en faveur d'une meilleure prise en compte de cet avis.
Comme on le voit, il est difficile de légiférer en la matière car des normes de prévention passive comme celles qui figurent à l'article 1er de la proposition de loi issu de la nouvelle version de notre commission ne peuvent qu'aller de pair avec une prévention active. Si tel n'était pas le cas, ce texte serait certainement vidé de sa substance.
La commission des affaires économiques et du Plan a travaillé sur la proposition de loi qui, à l'origine, était difficilement applicable. Un certain nombre de précisions manquaient. Je tiens donc à saluer le travail de M. le rapporteur.
Malgré le caractère parcellaire de ce texte et bien que certains points ne paraissent pas finalisés en dépit des éclaircissements de M. le rapporteur, par exemple en matière de contrôle de la réalité de l'installation des systèmes de sécurité, le groupe socialiste a opté pour une démarche pragmatique et constructive, il votera donc cette proposition de loi.
Comme la vie humaine n'a pas de prix et comme ce texte, associé à l'important processus mis en oeuvre depuis quelques années, permet d'éviter des noyades, il convient que nous lui accordions notre crédit.
Ce texte est-il libéral ou non ? Honnêtement, je ne sais pas ! Mais ce dont je suis sûr, c'est qu'il a été élaboré sur le coeur et qu'il est rempli d'humaniste ! (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Francis Grignon.
M. Francis Grignon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 11 juillet, une fillette de trois ans s'est noyée dans la piscine d'un camping ; le 15 juillet, un enfant de quatre ans est tombé accidentellement dans une piscine privée ; le 5 août, un enfant de deux ans s'est noyé dans une piscine lors d'une réunion de famille ... Ce macabre inventaire d'accidents de piscines de l'été 2002 n'est malheureusement pas exhaustif.
Comme vous le soulignez dans votre rapport, en moyenne, au cours des trois dernières années, sur 152 accidents de baignade, plus de la moitié des victimes sont des enfants âgés de moins de cinq ans.
Plusieurs enquêtes quantitatives réalisées récemment en France et à l'étranger mettent par ailleurs en évidence l'augmentation du nombre des noyades de jeunes enfants dans les piscines privées. La progression de ces chiffres est alarmante et elle est d'autant plus inquiétante que le nombre des piscines vendues augmente chaque année de 5 % à 10 %.
Le grand nombre et la gravité des accidents survenus en piscines privées sont confirmés par différentes études menées tant en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis, en Australie qu'en Nouvelle-Zélande. A la suite de ces études, plusieurs Etats ont imposé l'installation de barrières de sécurité et ont lancé des campagnes d'information et de prévention. Ces dernières risquent de faire défaut dans notre pays.
En France, les professionnels de la construction des piscines ne manquent pas de rappeler aux parents les règles élémentaires relatives à la protection et à la surveillance de leurs enfants. La coordination syndicale des industries de la piscine a par ailleurs diffusé une brochure dressant la liste des conseils en matière de surveillance.
Cependant, les recommandations sont rarement mises en oeuvre par le constructeur de la piscine lui-même, les propriétaires préférant installer, voire « bricoler » eux-mêmes un dispositif de sécurité.
Il est temps de tirer la sonnette d'alarme ! Ces accidents domestiques sont trop dramatiques.
La proposition de loi que nous examinons cet après-midi a donc pour objet de prévenir ce type d'accident pour des enfants âgés de moins de cinq ans en obligeant les propriétaires de piscines privées à mettre en place un dispositif de sécurité autour du bassin.
Comme vous le rappelez dans votre excellent rapport, monsieur Revet, la proposition de loi n'a pas pour objet de déresponsabiliser les parents. Bien au contraire, elle vise à leur faire prendre conscience des risques que court un enfant aux abords d'une piscine. Ce texte n'exempte en aucune manière les adultes de toute surveillance ; il tend à limiter au maximum le danger en obligeant les parents à mettre en place un système de sécurité adapté et susceptible de prévenir le plus efficacement possible tout risque de noyade.
La commission des affaires économiques et son rapporteur, M. Charles Revet, ont profondément modifié le texte de la proposition de loi d'origine. Ces modifications me paraissent tout à fait souhaitables.
Le texte, tel qu'il est désormais rédigé, ne modifiera en rien l'esprit initial de la proposition de loi voulue par notre actuel Premier ministre et ancien collègue M. Jean-Pierre Raffarin. Au contraire, il lui offre une plus grande chance d'être efficace.
La commission nous propose ainsi de substituer les termes « dispositif de sécurité normalisé » à ceux de « barrières de protection » et « de piscines non closes » à ceux « de piscines non couvertes ». Ces précisions permettent d'apporter une plus grande souplesse à la proposition de loi, les propriétaires pouvant choisir un système de sécurité adapté à leur cas, c'est-à-dire à la configuration du terrain, aux évolutions techniques des appareils de sécurité ou aux particularités de la piscine elle-même.
La création d'une sanction spécifique, d'un montant maximum de 45 000 EUR, est également justifiée dans la mesure où elle n'interviendra que si une procédure judiciaire est lancée.
La possibilité de déclarer responsables les constructeurs de piscine pour manquement aux obligations de sécurité me paraît enfin tout à fait justifiée.
Dans ces conditions, le groupe de l'Union centriste votera la proposition de loi telle qu'elle nous est présentée par son rapporteur, M. Charles Revet, dont je salue l'excellent travail, au nom de la commission des affaires économiques. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Pelletier.
M. Jacques Pelletier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chaque été, entre vingt et trente enfants âgés de moins de cinq ans meurent noyés dans les piscines privées. Ce drame, longtemps sous-estimé, pose évidemment la question de la sécurité de ces lieux, d'autant que la croissance rapide du parc de piscines privées augmente mécaniquement l'exposition au risque. Je me réjouis donc que cette proposition de loi, qui a été déposée par notre ancien collègue Jean-Pierre Raffarin, ait pu être inscrite à l'ordre du jour de notre assemblée. Bien évidemment, mon groupe la votera.
En rendant obligatoire la pose de barrières de protection autour des bassins privés, le texte qui nous est proposé apporte une certaine réponse à l'ampleur du problème. Je regrette néanmoins qu'il n'aborde pas la question de la sécurité dans les piscines publiques ou à usage collectif. Je sais que ces dernières relèvent d'un régime juridique et spécifique - notre excellent collègue y a fait allusion - mais les noyades dramatiques de cet été soulignent avec encore plus d'acuité le besoin d'engager une réflexion dans ce domaine.
Les estimations récentes sont d'ailleurs particulièrement préoccupantes. Une étude réalisée conjointement par l'INSEE et l'Association nationale pour la prévention des accidents en piscine estime le nombre de noyades mortelles survenues dans l'ensemble des piscines publiques françaises entre soixante-dix et quatre-vingts par an. C'est énorme !
Devant ces chiffres, il faut se demander si le secteur public ne devrait pas être également soumis à de plus grandes obligations de moyens.
Garantir une surveillance de tous les instants dans une piscine publique reste une mission très difficile en raison tant des caractéristiques physiques - variations de luminosité, visibilité réduite par l'eau, profondeur du bassin - que des limites naturelles de la vigilance humaine. Mais des solutions techniques existent.
Les progrès récents de la haute technologie dans le domaine de la vision par ordinateur, ainsi que la rapidité et la précision obtenues aujourd'hui dans le traitement des signaux numériques, ont permis le développement de systèmes d'aide à la prévention des noyades. De telles solutions de vidéosurveillance assistée par ordinateur sont actuellement mises en place en Grande-Bretagne, en Allemagne et en Suisse. Je crois même savoir qu'une piscine publique en région parisienne s'est déjà équipée de ce système. Ne pourrait-on pas l'étendre à l'ensemble du parc de piscines publiques, tout au moins pour les constructions nouvelles ou les projets lourds de rénovation ?
Monsieur le ministre, je serais heureux de connaître votre position sur ce sujet. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
(M. Daniel Hoeffel remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
vice-président

M. le président. Nous passons à la discussion des articles.

Article 1er