SEANCE DU 29 JUILLET 2002


SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Loi de finances rectificative pour 2002. - Discussion d'un projet de loi (p. 1 ).
Discussion générale : MM. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; Jean Arthuis, président de la commission des finances ; Aymeri de Montesquiou, Jacques Oudin, Denis Badré, Thierry Foucaud.

Suspension et reprise de la séance (p. 2 )

3. Candidatures à des organismes extraparlementaires (p. 3 ).

4. Loi de finances rectificative pour 2002. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 4 ).
Discussion générale (suite) : MM. Gérard Miquel, Gérard Delfau, Charles Guené, Bernard Angels, Alain Vasselle, Serge Vinçon.
MM. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire ; Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Clôture de la discussion générale.

5. Nomination de membres d'organismes extraparlementaires (p. 5 ).

6. Candidatures à une commission mixte paritaire (p. 6 ).

7. Loi de finances rectificative pour 2002. - Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi (p. 7 ).

Article 1er (p. 8 )

Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Paul Loridant.
Amendements n°s 15, 16 de M. Thierry Foucaud et 6 de M. Gérard Miquel. - Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Marc Massion, Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; Gérard Delfau, Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire ; Paul Loridant, Jean Arthuis, président de la commission des finances ; Yann Gaillard, Jean Chérioux, Yves Fréville, Jean-Pierre Demerliat, Philippe de Gaulle. - Rejet des trois amendements.
Adoption de l'article.

Articles additionnels après l'article 1er (p. 9 )

Amendement n° 17 de M. Thierry Foucaud. - MM. Thierry Foucaud, le rapporteur général, le ministre délégué, Jean Chérioux. - Rejet.
Amendement n° 19 de M. Thierry Foucaud. - MM. Thierry Foucaud, le rapporteur général, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement n° 18 de M. Thierry Foucaud. - MM. Thierry Foucaud, le rapporteur général, le ministre délégué. - Rejet.

Article 2 (p. 10 )

MM. le rapporteur général, le ministre délégué, Marcel Deneux, Philippe Arnaud, Joël Bourdin.
Amendements n°s 20 de M. Thierry Foucaud, 23 rectifié bis , 24 rectifié, 25 rectifié bis de M. Marcel Deneux, 1 de M. Paul Girod et 7 rectifié de M. Gérard Miquel. - MM. Thierry Foucaud, Marcel Deneux, Jacques Pelletier, François Marc, le rapporteur général, le ministre délégué, Alain Vasselle, Jean-Pierre Frécon, Yves Fréville, Hilaire Flandre, Michel Mercier, Gérard Delfau. - Rejet des amendements n°s 20 et 7 rectifié ; retrait des amendements n°s 23 rectifié bis , 1, 24 rectifié et 25 rectifié bis.
Adoption de l'article.

Suspension et reprise de la séance (p. 11 )

MM. le président de la commission, le président.

Suspension et reprise de la séance (p. 12 )

Articles additionnels après l'article 2 (p. 13 )

Amendement n° 4 rectifié bis de M. Michel Charasse. - MM. Jean-Pierre Frécon, le rapporteur général, le ministre délégué. - Retrait.
Amendements n°s 9 et 8 de M. Gérard Miquel. - MM. Michel Moreigne, Gérard Miquel, le rapporteur général, le ministre délégué. - Retrait des deux amendements.

Article 3 (et état A annexé) (p. 14 )

MM. le rapporteur général, Paul Loridant.
Amendements n°s 26 rectifié bis et 27 rectifié bis de M. Marcel Deneux. - Devenus sans objet.
Adoption de l'article et de l'état annexé.
Adoption, par scrutin public, de l'ensemble de la première partie du projet de loi.

Articles 4 (et état B annexé), 5 (et état C annexé) et 6 à 9. - Adoption (p. 15 )

Article additionnel après l'article 9 (p. 16 )

Amendement n° 21 de M. Alain Vasselle. - MM. Alain Vasselle, le rapporteur général, le ministre délégué. - Retrait.

Article 10 (p. 17 )

Amendement n° 2 de la commission. - MM. le rapporteur général, le ministre délégué. - Adoption.
Amendement n° 10 rectifié de M. Gérard Miquel. - MM. Gérard Miquel, le rapporteur général, le ministre délégué. - Rejet.
Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 10 (p. 18 )

Amendement n° 12 de M. Nicolas Alfonsi. - M. Nicolas Alfonsi. - Retrait.
Amendement n° 22 de M. Aymeri de Montesquiou. - MM. Aymeri de Montesquiou, le rapporteur général, le ministre délégué. - Retrait.

Article 11. - Adoption (p. 19 )

Articles additionnels après l'article 11 (p. 20 )

Amendement n° 3 de M. Jacques Oudin. - MM. Jacques Oudin, le rapporteur général, le ministre délégué. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 11 rectifié de M. Ladislas Poniatowski. - MM. Ladislas Poniatowski, le rapporteur général, le ministre délégué, le président de la commission. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 14 de M. Eric Doligé. - MM. Eric Doligé, le rapporteur général, le ministre délégué. - Retrait.
Amendement n° 29 de la commission. - MM. le président de la commission, le rapporteur général, le ministre délégué, Gérard Miquel. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Vote sur l'ensemble (p. 21 )

M. Emmanuel Hamel.
Adoption, par scrutin public, du projet de loi.

8. Nomination de membres d'une commission mixte paritaire (p. 22 ).

9. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 23 ).

10. Ordre du jour (p. 24 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2002

Discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 367, 2001-2002) de finances rectificative pour 2002, adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 372 (2001-2002).]
Je tiens à saluer la présence au banc du Gouvernement de M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous adresser, en notre nom à tous, nos souhaits de cordiale bienvenue, en formant le voeu qu'avec votre première intervention débute une fructueuse collaboration avec le Sénat.
Vous comprendrez que j'ai tout particulièrement à coeur de saluer également notre ancien collègue M. Alain Lambert, dans ses nouvelles fonctions de ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
Monsieur le ministre, vous étiez jusqu'à voilà peu de temps sénateur et président de notre prestigieuse commission des finances.
En cette qualité, vous avez donné beaucoup de vous-même pour rénover la discussion budgétaire en la rendant plus interactive, plus dynamique et plus moderne.
M. Gérard Braun. Tout à fait !
M. le président. Comme vous le savez, la rénovation budgétaire est une oeuvre de chaque instant ; c'est une oeuvre collective qui nécessite le plus large consensus entre les groupes, les commissions et le Gouvernement.
Vous avez été investi de la responsabilité de la réforme budgétaire ; je suis assuré que vous poursuivrez la tâche entreprise en menant à bien, en étroite concertation avec le Sénat, la mise en application de la nouvelle « Constitution financière de la France » qu'est la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.
Votre entrée au Gouvernement, monsieur le ministre, a été à l'origine de l'élection d'un nouveau président de la commission des finances.
Je tiens à renouveler mes chaleureuses félicitations à M. Jean Arthuis pour son élection. Je ne doute pas que le nouveau président de la commission des finances, ancien ministre de l'économie et des finances, ancien rapporteur général, continuera et amplifiera l'oeuvre entreprise par ses prédécesseurs pour améliorer encore la procédure budgétaire, avec le concours actif de M. le rapporteur général, dont chacun connaît la compétence. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. Xavier de Villepin. Très bien !
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est un honneur pour moi de pouvoir m'adresser aujourd'hui à la Haute Assemblée. Je sais le rôle éminent que vous jouez dans l'élaboration de la loi, en y apportant votre sens de l'équilibre et votre volonté de rendre la norme proche des citoyens et des réalités concrètes. C'est dans le même esprit que M. Alain Lambert et moi-même entendons travailler.
Nous vous soumettons aujourd'hui le projet de loi de finances rectificative pour 2002 qui a été adopté par l'Assemblée nationale le 18 juillet dernier. Je suis à votre disposition et je crois pouvoir dire, sans risque de me tromper, qu'il en est de même pour M. Alain Lambert, qui s'adressera à vous tout à l'heure pour répondre à vos questions.
Le texte que nous vous présentons n'a pas pour ambition de réformer de fond en comble le budget 2002. Notre but, je l'ai dit à l'Assemblée nationale, est de lui restituer sa sincérité.
L'équilibre défini par la loi de finances initiale se trouve, en cours d'année, bouleversé. Laisser perdurer une telle situation n'aurait été conforme ni aux principes rappelés par le Conseil constitutionnel, ni au respect nécessaire que doit le Gouvernement au Parlement.
La sincérité, nous la devons aussi aux électeurs ; une baisse de l'impôt sur le revenu leur avait été annoncée : nous la mettons aujourd'hui en oeuvre.
C'est donc un texte à double objet que nous vous présentons.
Il restitue en premier lieu l'état réel des finances de l'Etat, tel que l'audit de MM. Bonnet et Nasse l'a révélé. A cet égard, il s'agit plus d'un exercice de constatation que d'un acte de création politique : ce collectif ne traduit pas, en dépenses, nos priorités. A ceux qui le regretteraient, je demande un peu de patience : nous sommes actuellement en train de construire le budget de 2003, qui réorientera la dépense de l'Etat en faveur des quatre priorités arrêtées par le Premier ministre : la sécurité des Français, la rénovation de leur justice, la remise à niveau des crédits d'équipement de leur défense et l'aide au développement.
Mais le présent texte n'est pas dépourvu de sens politique puisqu'il met en oeuvre l'un de nos engagements politiques les plus forts : baisser les impôts des Français.
Je souhaiterais d'abord évoquer l'évolution de la situation économique et budgétaire qui, pour la première fois et en vertu de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances, fait l'objet d'un rapport joint au projet de collectif budgétaire.
Comme vous le savez, le précédent gouvernement a bâti le projet de loi de finances sur une prévision de croissance de l'économie française de 2,5 % en 2002, après 2,3 % en 2001.
Les événements du 11 septembre l'ont amené à admettre le risque d'une croissance un peu plus faible : 2,1 % en 2001 et un peu plus de 2,2 % en 2002.
D'emblée, ces prévisions ont suscité des interrogations. Les organisations internationales et les principaux instituts de conjoncture tablaient, dès l'automne dernier, sur une croissance nettement plus faible pour 2002, et les développements ultérieurs leur ont, hélas ! donné raison. La crise du secteur des nouvelles technologies et les difficultés spécifiques du Japon et de l'Allemagne ont conduit à un ralentissement mondial de grande ampleur, que les attentats du 11 septembre ont accentué.
La conjoncture a cependant commencé à se redresser en Europe au premier semestre 2002 grâce à la résorption des chocs qui nous avaient handicapés en 2001. Les Etats-Unis sont sortis de la récession un peu plus rapidement que prévu. Les prix du pétrole se sont stabilisés à un niveau plus favorable. Le climat de confiance des entreprises et des ménages s'est amélioré et notre croissance paraît à même de renouer avec un rythme de 2,5 % au second semestre. Toutefois, sur l'ensemble de l'année en cours, en raison des faibles niveaux de démarrage, notre croissance devrait se limiter à un peu moins de 1,5 % en moyenne annuelle.
Naturellement, l'appréciation sur cette situation et sur les tendances de l'économie est rendue plus compliquée aujourd'hui par les turbulences des marchés financiers et par leurs conséquences sur les marchés boursiers qui, partout dans le monde, ont subi de forts reculs au cours des dernières semaines.
Ces tensions trouvent leur origine principale dans les fragilités financières de l'économie américaine : les failles qui sont apparues dans la gestion et le contrôle de certaines entreprises ont altéré la confiance des investisseurs ; le déficit courant américain reste élevé et l'épargne des ménages faible. Le repli des valeurs européennes reflète le contrecoup des difficultés américaines et les comportements notoirement « moutonniers » des marchés expliquent les bas niveaux récemment atteints, qui ne reflètent pas la réalité économique de l'Europe. Notre système de contrôle comptable et financier des entreprises est en effet plus strict. Les bourses européennes, et en particulier françaises, apparaissent en outre sous-évaluées par rapport aux perspectives de profit et aux taux d'intérêt.
Aux Etats-Unis, même si un certain repli des valeurs boursières était peut-être justifiable, la correction opérée traduit clairement une surréaction. Je crois donc à un redressement à venir des marchés boursiers, particulièrement en Europe. Faire une prévision sur le calendrier d'un tel redressement serait bien sûr un exercice hasardeux et nous devons garder à l'esprit le risque d'un contexte financier qui restera volatil. Ce risque existe, mais je suis convaincu que sa traduction en termes d'activité économique devrait être limitée dans notre pays.
Les ménages français sont en effet moins sensibles aux variations du cours des actions que les ménages américains, car leur patrimoine repose moins sur les actions. Ils ont d'ailleurs maintenu leur effort d'épargne durant la phase d'euphorie boursière, contrairement à ce qui s'est passé aux Etats-Unis. Dans ces conditions, le besoin d'une épargne de précaution accrue au détriment de la consommation est aujourd'hui très faible et le recul de la bourse ne devrait pas avoir d'effet majeur sur la consommation. De surcroît, la progression des revenus salariaux est bonne ; son estimation a même été revue à la hausse à l'occasion de l'audit. La baisse de l'impôt sur le revenu contribuera également à alimenter le revenu des familles dans la deuxième partie de l'année, tout comme la baisse de l'inflation, revenue de plus de 2 % en début d'année à 1,4 % en juin. les ménages français devraient donc garder confiance dans l'économie de notre pays et dans leurs propres perspectives de revenus.
De fait, vous le savez, ils ont continué à consommer. L'INSEE vient de publier les chiffres d'achats de produits manufacturés au mois de juin. Ils sont bons, avec une progression de 1 % par rapport au mois de mai. Sur l'ensemble du deuxième trimestre, la consommation a ainsi progressé de 0,9 % par rapport au premier trimestre, soit un rythme annuel supérieur à 3,5 %.
Cette confiance dans notre économie doit être partagée par nos entreprises, qui, je le sais, sont inquiètes en raison de l'évolution récente des marchés financiers et de la dégradation antérieure de certaines marges bénéficiaires.
Mais aujourd'hui la robustesse de la demande des ménages est confirmée ; le niveau de la parité entre l'euro et le dollar ne grève pas la compétitivité de nos produits. Les taux d'intérêt restent favorables à l'investissement.
M. François Marc. Merci Jospin !
M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Pour peu que les marchés retrouvent un peu de sérénité, j'ai donc bon espoir dans une reprise prochaine de l'investissement.
Dans ce contexte, l'audit sur la situation des finances publiques a révélé une situation des comptes publics très dégradée par rapport aux prévisions. En retenant le point bas de la fourchette des auditeurs, soit un déficit, toutes administrations confondues, de 2,6 % du PIB, nous avons un écart de 1,2 point de PIB par rapport à la prévision initiale qui ne s'établissait qu'à 1,4 % du PIB. J'expliquerai tout à l'heure quels éléments techniques nous conduisent à retenir ce point bas.
Par ailleurs, cette dégradation ne s'explique pas principalement par le retournement de la conjoncture. Elle tient en majorité à des facteurs structurels. Je rappelle que l'écart est lié pour les deux tiers au dérapage des dépenses publiques et pour un tiers seulement à la révision des recettes.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le collectif vous soumet, en premier lieu, un allégement de 5 % de l'impôt sur le revenu pour un coût évalué à 2,55 milliards d'euros. Cette baisse est la première concrétisation du plan d'allégement des prélèvements obligatoires qui se trouve au coeur de la nouvelle politique économique du Gouvernement.
Nous avons voulu envoyer un signal psychologique fort aux Français...
MM. Gérard Delfau et Gérard Miquel. Aux riches !
M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... pour leur redonner confiance, leur confirmer notre détermination à inverser durablement la spirale des hausses de prélèvements obligatoires. C'est pourquoi cette réduction de 5 % intervient dès le collectif, sans attendre le projet de loi de finances pour 2003. Nous voulons ainsi encourager ceux qui travaillent et redonner aux Français le goût de l'initiative, le sens de l'effort et de la responsabilité.
Baisser l'impôt, c'est aussi engager une dynamique favorable à notre économie. Accompagné d'une réduction des déficits, l'allégement des prélèvements est durable et devient le meilleur garant d'une croissance plus forte.
La baisse de l'impôt sur le revenu inscrite dans ce collectif conforte le pouvoir d'achat et la confiance des ménages ; les enchaînements usuels laissent à penser qu'elle stimulera la croissance d'un dixième de point, au bas mot, à l'horizon 2003. Mais, au-delà de cet effet de stimulation de la demande, cette première étape dans la baisse des impôts et des charges contribuera surtout à redynamiser notre potentiel d'offre à moyen terme : en réduisant l'écart entre le coût du travail payé par les entreprises et le salaire net des prélèvements perçu par les ménages, la baisse d'impôts favorisera à la fois l'offre et la demande et sera donc créatrice d'emplois ; en réduisant les taux marginaux d'imposition, elle contribuera aussi à améliorer l'attractivité de notre territoire et à contenir la délocalisation de nos travailleurs les plus qualifiés.
La méthode choisie est celle que j'ai appelée le « rabais sur facture ». Compte tenu des délais qui sont les nôtres, c'était la technique la plus simple à mettre en oeuvre et ses effets sont strictement équivalents à ceux d'une réduction de 5 % de l'ensemble des taux du barème.
Deuxième point à noter, cette réduction s'applique exclusivement aux revenus soumis au barème de l'impôt. Ne sont donc pas concernés les revenus soumis à prélèvement libératoire, comme les intérêts sur placements, ou les revenus soumis à un taux d'imposition forfaitaire, comme les plus-values de cession de titres. Par ce choix, le Gouvernement a voulu favoriser les revenus du travail et de l'initiative, tels que les salaires ou les revenus des professions indépendantes, qui sont intégralement soumis au barème.
Troisième fait notable, cette réduction s'applique à l'impôt dû avant réductions ou crédits d'impôt et donc avant paiement par l'Etat de la prime pour l'emploi. S'il avait été procédé différemment, le gain aurait été le plus souvent moins élevé, voire nul dans certains cas. De nombreux foyers, notamment parmi les plus modestes, n'auraient pas pu profiter pleinement de la mesure.
M. Gérard Delfau. Quel cynisme !
M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Telles sont les grandes lignes de la mesure d'allégement de 5 % de l'impôt sur le revenu, qui profitera à 16 millions de foyers et dont l'incidence sur les recettes de l'Etat est chiffrée à 2,55 milliards d'euros.
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas cela qui va aider les familles en difficulté !
M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Outre la diminution de l'impôt sur le revenu, ce collectif reconstitue ce qui nous semble être la réalité de la loi de finances pour 2002, et cette reconstitution nous fournit des résultats conformes à ceux de l'audit, en recettes comme en dépenses. L'examen ligne à ligne auquel nous avons procédé nous conduit, en effet, à un chiffre de pertes de recettes fiscales très proche des 5,4 milliards d'euros envisagés par l'audit ; il en va de même pour les recettes non fiscales.
Du côté des dépenses, ce projet ouvre des crédits pour un montant proche de 5 milliards d'euros. A défaut, l'Etat n'aurait pas été en mesure d'honorer ses engagements au titre de l'année 2002, en raison des sous-budgétisations de la loi de finances initiale, ni de solder ses dettes antérieures à 2002.
M. Serge Vinçon. C'est bien de le noter !
M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cela concerne particulièrement le domaine social.
Certes, ces phénomènes sont classiques. Ce qui n'est pas classique, cette fois-ci, c'est l'ampleur du phénomène. Le collectif se devait donc de le traiter.
Notons que ce volet « dépenses » ne traduit que 6,3 milliards d'euros de dépenses supplémentaires, là où l'audit prévoyait un dérapage compris entre 6,9 milliards et 7,4 milliards d'euros.
Cela s'explique par le fait que l'audit raisonne en prévision d'exécution budgétaire alors que le collectif raisonne en ouvertures de crédits autorisées par le Parlement. Ainsi, par construction, ne peuvent faire l'objet d'ouvertures dans ce collectif les dérapages relevés par l'audit qui résultent d'une consommation de crédits reportés des exercices précédents. Par définition, ces crédits ont en effet déjà été votés ; je pense, notamment, au 1,2 milliard d'euros de dépenses prévues par la loi de finances rectificative de fin 2001, dont la mise en oeuvre a été reportée à la gestion 2002.
Sous bénéfice de ces observations liminaires, nous pouvons brièvement évoquer les principaux facteurs d'écart par rapport à la loi de finances initiale.
Sur le budget général, le collectif propose d'ouvrir près de 5 milliards d'euros de crédits supplémentaires, qui correspondent, pour 3,1 milliards d'euros, à la couverture de besoins avérés en 2002 mais non financés en loi de finances initiale, et pour 1,8 milliard d'euros au remboursement de dettes antérieures à 2002. Le Gouvernement a fait le choix de solder l'ensemble de ces dettes, qui concernent pour une large part la sécurité sociale et sont neutres sur le besoin de financement global des administrations publiques.
Les ouvertures de crédits concernent au premier chef le secteur social : environ 2,5 milliards d'euros, dont plus de 900 millions pour les minima sociaux, 220 millions pour la couverture maladie universelle, 445 millions pour l'aide médicale de l'Etat.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Ce qui n'était pas financé dans le budget.
M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Elles concernent également le secteur de la défense, pour environ 900 millions d'euros, et les charges de la dette de l'Etat, qui progressent de 650 millions d'euros environ, essentiellement en raison d'un déficit de fin d'année plus important que prévu. Je souligne à cet égard que nous n'avons pas l'intention de modifier le programme d'émission de titres longs. Nous allons profiter au maximum du niveau relativement bas des taux courts et financer les besoins par des bons à court terme.
Enfin, deux autres postes sont à mentionner, pour 250 millions d'euros chacun : nos obligations internationales et le secteur de l'agriculture.
Sur le budget de l'agriculture, ce sont près de 10 % des crédits qui manquaient pour faire fonctionner les différents dispositifs d'intervention jusqu'à la fin de l'année.
Cela m'amène à évoquer la protection sociale agricole et son budget annexe, le BAPSA, dont l'équilibre emplois-ressources a été considérablement affecté par rapport à la loi de finances initiale. Le besoin de financement est évalué à près de 750 millions d'euros, pour une prévision de dépenses et de ressources de 14,6 milliards d'euros en loi de finances initiale, soit un déficit représentant 5 % du BAPSA.
Pour éviter une crise de la protection sociale agricole, nous proposons, d'une part, de doubler la subvention du budget général, que nous majorons de 290 millions d'euros, ce chiffre étant inclus dans les 2,5 milliards d'ouvertures sociales que j'évoquais antérieurement ; d'autre part, de mobiliser les réserves excédentaires de trois organismes, la mutualité sociale agricole, le fonds national de garantie des calamités agricoles et la société Unigrains. Ces prélèvements ont été calibrés de manière à ne pas obérer l'action de ces organismes : ils portent sur des réserves qui avaient vocation à revenir au budget de l'Etat, mais que nous mobilisons au profit de la protection sociale agricole.
Ces mesures sont indispensables. Une autre solution aurait été de majorer davantage la subvention d'équilibre, c'est-à-dire de demander au contribuable encore plus que l'effort que nous lui imposons en doublant la subvention d'équilibre. Ce n'était pas envisageable dans le contexte de déficit qui est le nôtre alors que l'effort de solidarité en faveur de la protection sociale agricole atteint déjà 80 %. Je le répète, mesdames, messieurs les sénateurs, les prélèvements proposés portent sur des sommes qui, pour l'essentiel, devaient revenir au budget général. Ces prélèvements ne peuvent donc pas être considérés comme défavorables au monde agricole. ( Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Venons-en maintenant à la traduction de l'audit en recettes, avec tout d'abord les recettes fiscales.
L'aléa pesant sur les recettes fiscales étant encore important à ce stade de l'année, l'audit avait ajusté la prévision de recettes fiscales de l'Etat par rapport à la loi de finances initiale dans une fourchette comprise entre moins 3,7 et moins 5,4 milliards d'euros.
L'observation des recouvrements du mois de juin sur les grands impôts tels que l'impôt sur les sociétés et la TVA conforte le Gouvernement dans le choix qu'il a fait de retenir l'évaluation prudente de l'audit. Avant l'intégration de l'incidence de la baisse d'impôt sur le revenu, le collectif révise donc les recettes fiscales nettes à la baisse de 5,37 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale.
S'agissant de l'impôt sur les sociétés, je peux apporter des précisions fondées sur les données comptables les plus récentes.
Je rappelle que ce sont les incertitudes sur les montants de l'impôt sur les sociétés qui justifiaient la fourchette de l'audit. Elles sont en grande partie levées depuis l'encaissement du deuxième acompte, qui est le premier à être assis sur le bénéfice fiscal de l'année précédente.
Il apparaît, au vu de ces encaissements, que le montant des acomptes perçus au titre de 2002 est en quasi-stabilité par rapport au montant perçu l'année précédente à la même date, c'est-à-dire aux alentours de 11,9 milliards d'euros.
Ces résultats suggèrent que les bénéfices fiscaux n'auraient que très faiblement progressé en 2001 par rapport à 2000. Sur la base de cette information, il est possible de reconstituer les acomptes restant à percevoir d'ici à la fin de l'année et d'y ajouter les autres facteurs d'évolution de l'impôt sur les sociétés. Ce calcul conduit exactement au résultat inscrit dans le collectif, soit 37,3 milliards d'euros.
S'agissant de la TVA, je rappelle que le taux d'évolution des encaissements n'est, sur les six premiers mois de l'année, que de plus 1 % par rapport aux six premiers mois de 2001. L'évolution retenue par le présent collectif, soit plus 3 % sur l'ensemble de l'année, est donc loin d'être pessimiste ; elle reflète, au contraire, nos anticipations positives sur le second semestre de cette année.
S'agissant des recettes non fiscales, le collectif prévoit une diminution voisine de 3,3 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale, sur laquelle je ne m'étends pas : M. le rapporteur général a, en effet, décrit l'ensemble des évolutions prévues par ce collectif de manière exhaustive dans son rapport écrit, dont je voudrais, à cette occasion, saluer la qualité.
Les pertes de recettes fiscales et non fiscales sont donc, au total, d'un peu plus de 8,6 milliards d'euros. Toutefois, grâce à l'amélioration de 1,9 milliard d'euros du prélèvement au profit du budget européen, la réduction nette de recettes liée à la traduction de l'audit se limite à 6,7 milliards d'euros.
Après l'intégration de la diminution des recettes liée à l'allégement d'impôt sur le revenu, soit 2,55 milliards d'euros, le collectif se traduit par une réduction des recettes de l'Etat de 9,3 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2002.
Au total, le déficit budgétaire de l'année 2002, prévu à 30,4 milliards d'euros dans la loi de finances initiale, s'établit à 43,5 milliards d'euros avant la baisse de l'impôt sur le revenu, et donc à 46 milliards d'euros après l'intégration de l'incidence de cette baisse.
Au-delà de ce collectif, les ambitions du Gouvernement sont de deux ordres.
Il entend tout d'abord maîtriser l'exécution de l'exercice 2002.
Comme je l'ai indiqué, le collectif n'a pas pu, par construction, prendre en compte tous les facteurs de dérapage de la dépense. Pour éviter toute dégradation du déficit par rapport aux résultats de l'audit, nous allons prendre des mesures de mise en réserve de crédits et stabiliser le niveau des crédits de report. Conformément à la loi organique du 1er août 2001, nous communiquerons à votre commission des finances la totalité de ces mesures, qui seront arrêtées très prochainement.
La seconde ambition du Gouvernement est, bien sûr, de construire un budget 2003 conforme à ses priorités. Prendre la loi de finances initiale pour 2002 comme référence n'aurait eu de sens que si elle avait été représentative de la dépense de l'Etat en 2002. Aussi, ce budget prendra pour référence la loi de finances initiale rebasée sur les dépenses pérennes du présent collectif, soit environ 2,6 milliards d'euros. A cette base, nous appliquerons un taux de progression de seulement 0,2 % en volume. Compte tenu des mesures de redéploiement auxquelles nous procéderons, cela nous permettra de financer nos priorités, notamment la sécurité des Français, la justice, l'aide au développement et un début de remise à niveau des crédits d'équipement militaire.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je conclurai en évoquant le rapport de votre commission, qui propose la réalisation d'économies raisonnées tout au long de la législature afin de pouvoir poursuivre notre programme de diminution des charges fiscales et sociales tout en conduisant l'assainissement des finances publiques. Nous souscrivons totalement à ces objectifs, qui sont la traduction des engagements du Président de la République envers les Français et que le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin met en oeuvre.
Aussi, nous vous demandons, Alain Lambert et moi-même, d'adopter le projet de loi que nous soumettons aujourd'hui à votre approbation. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous sommes conviés aujourd'hui à un double exercice : d'une part, tenir le débat d'orientation budgétaire qui, en raison du calendrier électoral, n'a pas pu avoir lieu au mois de juin, d'autre part, discuter le premier texte budgétaire de cette nouvelle législature.
J'articulerai mes remarques en trois temps : j'évoquerai d'abord le cadre macro-économique dans lequel nous nous situons ; je commenterai ensuite le contenu du présent texte ; je vous soumettrai enfin quelques réflexions en vue des réformes qui vont devoir être conduites tout au long de la législature.
Bien entendu, mes chers collègues, un élément domine tout le reste, c'est la croissance, ou plutôt l'estimation du taux de croissance sur lequel nous pouvons compter, tant pour achever l'exercice 2002 que pour aborder l'exercice 2003.
Nous le savons, et M. le ministre y a fait allusion dans son propos, l'environnement international s'est fortement dégradé depuis la fin de l'année 2000. La hausse du pétrole, le ralentissement de l'économie réelle aux Etats-Unis pendant toute une période et la décélération concomitante qu'a connue la zone euro nous ont amenés à une situation où les budgets ont été difficiles à tenir parce que élaborés sur des hypothèses de croissance trop optimistes.
Néanmoins, des données demeurent favorables, en particulier la bonne tenue de la consommation.
Il reste que, comme l'a également suggéré M. Francis Mer voilà quelques instants, les incertitudes ont continué de peser et pèsent peut-être davantage encore aujourd'hui sur le niveau et le rythme de l'investissement.
Nous assistons, depuis quelques semaines, à une montée des aléas, et M. le ministre nous a conviés, dans un grand souci de transparence, à une réflexion sur la situation que connaissent les marchés financiers et ses conséquences.
Indiscutablement, vu le niveau actuel des cours, nombre de projets d'investissement sont bloqués, nombre d'opérations d'introduction en Bourse ou de restructuration ne peuvent se faire et attendent.
Nous pouvons aussi considérer que bien des institutions financières importantes, dans le secteur des assurances comme dans celui de la banque, sont fragilisées par les phénomènes qui affectent actuellement les marchés.
M. Paul Loridant. C'est un euphémisme !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il va de soi, mes chers collègues, que ces éléments sont présents dans l'environnement de nos décisions budgétaires et que nous devons les aborder sans complaisance, comme l'a fait M. le ministre tout à l'heure. Pour ma part, j'ai apprécié le caractère très équilibré de son propos lorsqu'il a dit : « Pour peu que les marchés retrouvent un peu de sérénité, j'ai bon espoir dans la reprise des investissements. »
La montée des aléas, les conditions nouvelles de la parité monétaire, qui peut avoir un impact sur notre commerce extérieur, la perte de confiance de beaucoup d'investisseurs dans le fonctionnement des systèmes financiers - à commencer, bien sûr, par le système financier américain, dont les défaillances sont à l'origine de ce que nous vivons -, les risques éventuels de fuite en avant, en particulier au Proche-Orient : tout cela doit être présent, mes chers collègues, dans l'horizon de nos consciences au moment où nous nous apprêtons à délibérer sur ce premier texte budgétaire de la législature.
M. Jacques Pelletier. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pour être parfaitement lucide, notre appréciation doit aussi se situer dans le cadre européen qui est le nôtre, plus précisément celui de la zone euro, et qui est tracé par le pacte de stabilité et de croissance.
Dans mon rapport écrit, je me suis permis de rappeler le contenu de ce pacte, les normes juridiques qu'il comporte, les prises de position politiques qu'il a suscitées et les conditions de sa mise en oeuvre jusqu'au Conseil européen de Séville de juin dernier, où M. Francis Mer a obtenu, fort opportunément, que le calendrier soit subordonné à la réalité de la croissance.
Au-delà de ces quelques rappels, mes chers collègues, dans la perspective d'une réflexion substantielle sur la place de la France en Europe, sur les conditions fondamentales de confiance dans l'euro et dans le système européen des banques centrales, je voudrais évoquer, comme je l'ai fait dans mon rapport écrit et devant la commission, quelques pistes en vue de rendre plus efficace encore, mais aussi plus réaliste, cet instrument de surveillance multilatérale de nos économies qu'est le pacte de stabilité et de croissance.
Il faudra sans doute revisiter, réévaluer les notions de déficit dont on nous parle.
Sans doute conviendrait-il également, dans la période d'incertitude que nous vivons, de bien braquer les projecteurs sur le déficit hors investissements et de faire en sorte que, le plus vite possible, la part de la dette consacrée au fonctionnement de l'Etat disparaisse.
M. Aymeri de Montesquiou. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faudra également faire en sorte que les Etats de la zone euro soient en mesure de soutenir la conjoncture et l'investissement par leurs initiatives propres. Il est, en effet, des infrastructures et des investissements qui conditionnent l'efficacité de notre outil militaire, par exemple, et que seul l'Etat peut réaliser. Le secteur privé ne saurait se substituer à lui pour l'exercice de ces responsabilités fondamentales.
Vous le savez, mes chers collègues, la commission des finances a récemment décidé de publier un rapport sur la dette publique. Celle-ci demeure en quelque sorte notre obsession, car la facilité d'aujourd'hui détruit les marges de manoeuvre pour demain et après-demain.
Dans le dialogue qui devra intervenir au sein du Conseil de la zone euro, messieurs les ministres, il faudra que la France puisse se présenter dans les meilleures conditions de crédibilité et de succès. Il faudra donc qu'elle inspire confiance par la fermeté de sa politique de réforme et qu'elle sache adapter la « voilure » au moment où c'est nécessaire. C'est cela, la crédibilité de la France, et beaucoup de choses vont naturellement en dépendre.
Inspirer confiance par la crédibilité de la réforme de l'Etat, assurer plus de fluidité du marché du travail, permettre ainsi à notre économie de retrouver, dans de bonnes conditions, le sentier de sa croissance potentielle : voilà les vrais enjeux. Tout cela est évidemment fondamental pour nous au moment où s'ouvre une nouvelle période, que doit marquer une nouvelle politique.
J'en viens au contenu du présent collectif.
Celui-ci est tout d'abord une condamnation sans appel des artifices, des inexactitudes, des facilités prises avec la réalité qui ont caractérisé le budget de 2002. (Très bien ! sur les travées du RPR.)
Si j'ai utilisé, il y a quelques mois, l'expression de « grande illusion » au sujet de la loi de finances pour 2002, ce n'était pas pour rien, même si certains d'entre nous l'avaient brocardée !
M. Francis Mer l'a rappelé, le déficit initial, à peine supérieur à 30 milliards d'euros, se fondait sur une croissance irréaliste, sur une estimation de recettes illusoire. Dans l'intervalle, au mois de février, le ministre Laurent Fabius s'est livré à quelques aveux, à mon sens tardifs et partiels.
Les résultats de l'audit conduit par MM. Jacques Bonnet et Philippe Nasse viennent valider quelques mois plus tard les hypothèses qui avaient été émises, très empiriquement et sans tous les moyens du pouvoir exécutif, par la commission des finances du Sénat. En février-mars, en effet, de façon très transparente, j'évoquais publiquement, au nom de la commission, une fourchette de déficit public comprise entre 2,2 et 2,4 points de produit intérieur brut.
Nous avons donc à présent à examiner un collectif dont le solde est dégradé de 15,5 milliards d'euros par rapport à celui de la loi de finances initiale votée par le Parlement.
Les raisons de cette dérive se situent aussi bien au niveau des recettes qu'à celui des dépenses.
Nous avions fait état à plusieurs reprises du caractère très optimiste des évaluations de recettes malgré la révision en baisse de la croissance. Le coefficient d'élasticité des recettes fiscales - et aussi des cotisations sociales - par rapport à la baisse de croissance qui était utilisé témoignait d'un optimisme tout à fait hors de propos. Il conviendra, bien entendu, de s'en souvenir dans des conjonctures comparables.
S'agissant des recettes non fiscales, les constatations que nous avions faites lors de l'examen de la loi de finances initiale sont, je pense, encore présentes à vos mémoires : nous avions dénoncé les artifices employés pour boucler le budget dans des conditions non conformes à la réalité économique.
M. Aymeri de Montesquiou. Hélas !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je prendrai simplement l'exemple d'Electricité de France. En loi de finances initiale, on avait envisagé, pour EDF, 1 220 millions d'euros de recettes, et cela sans aucune relation avec les performances économiques de l'entreprise. Mais peut-être ce chiffre comportait-il en germe des hausses de tarifs publics dont, à l'époque, personne ne nous parlait !
M. Gérard Braun. Forcément !
M. Philippe Marini, rapporteur général. En tout état de cause, le projet de loi de finances rectificative qui nous est soumis, et qui ramène cette évaluation à 315 millions d'euros, est en retrait de 900 millions d'euros par rapport à la prévision purement fictive de la loi de finances initiale. Ce n'est pas une erreur de prévision, c'est une invraisemblance que la majorité politique de l'époque a avalée avec - permettez-moi de le dire - beaucoup trop de complaisance. (Exclamations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
En ce qui concerne les quelques dépenses non financées, il est symbolique, mes chers collègues, que beaucoup de ces dépenses se situent dans le cadre des chantiers emblématiques du précédent gouvernement. Il manque de l'argent pour la couverture maladie universelle, il en manque pour les emplois-jeunes.
Alors, il est facile de faire du social par le discours et par le verbe ! Il est plus difficile de mettre en place les recettes et les crédits nécessaires pour tenir les promesses, mes chers collègues ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
C'est à ce stade qu'intervient dans le collectif budgétaire, pour 2,55 milliards d'euros, la baisse de recettes liée à ce premier pas de la nouvelle politique fiscale qu'est la diminution de 5 % - le rabais sur facture - concernant l'impôt sur le revenu.
Cette mesure est opportune et utile, mes chers collègues, elle est simple et visible, elle était nécessaire. Elle ne s'inscrit pas dans le processus d'une aide à la consommation - qui n'en a pas besoin - mais c'est un élément de soutien de l'offre à moyen terme.
J'entendais tout à l'heure, à gauche de cet hémicycle (Exclamations sur les travées socialistes) , des interjections au sujet de la dignité égale du travail pour tous.
M. Gérard Miquel. Oui !
M. Gérard Delfau. C'est vrai !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Certes, vous avez raison. Tout le monde travaille - du moins au sein de la population active qui est, hélas ! trop limitée - mais il en est aussi qui font travailler et, plus ils font travailler,...
Mme Marie-Claude Beaudeau. Plus cela leur rapporte !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... et mieux l'emploi se diffuse dans l'économie. Le soutien de l'offre, de l'investissement, des initiatives qui créent le travail et qui dynamisent les entreprises, c'est là un enjeu essentiel.
M. Gérard Delfau. Depuis le xixe siècle, on entend cela !
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est un enjeu qui, pour une large part, dépend psychologiquement d'un élément difficile à cerner, d'un élément non quantifiable que l'on appelle la confiance, c'est-à-dire l'opinion que ceux qui peuvent investir ont de la politique économique de leur pays. Si cette opinion est positive, mes chers collègues, on a alors des chances de voir dans la réalité plus d'emplois se créer et plus de dynamisme se manifester dans chacun de nos départements.
La décision d'abaisser l'impôt sur le revenu est de ce point de vue, je le maintiens, un signal utile et opportun.
M. Paul Loridant. Pour quelques-uns seulement !
M. Marc Massion. Elle est injuste !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Et inefficace !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mon seul petit regret - de puriste budgétaire, messieurs les ministres, permettez-moi de le rappeler - est que le coût de cette mesure n'ait pas été compensé dans le présent collectif par des annulations de crédits à due concurrence...
M. Bernard Angels. D'accord !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... car ces annulations devront bien être faites, et elles le seront très certainement - il le faudra ! - d'ici à la fin de l'année 2002.
M. Paul Loridant. Des annulations de crédits sans l'accord du Parlement !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ces annulations de crédits devront nous permettre de ne pas dépasser les 43 milliards d'euros de déficit que je qualifierai, pardonnez-moi, de « déficit Jospin ». Pas un euro de plus, messieurs les ministres : faisons en sorte que les responsabilités soient bien partagées ! (Très bien ! sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Enfin, mes chers collègues, ce débat doit nous permettre d'afficher les priorités de la Haute Assemblée.
Nous sommes depuis très longtemps préoccupés par la dérive des dépenses : la France est en tête de la course, en Europe, avec plus de 50 % du produit intérieur brut consacrés aux dépenses publiques. La rigidité de nos budgets s'accroît. M. Alain Lambert a très opportunément, dans le dossier de presse, montré que le total des dépenses dues à la fonction publique et à la dette, qui ne représentait que 50 % des charges de l'Etat en 1990, en représente 58 % en 2000, et pourrait atteindre, si la courbe se prolonge selon les tendances acquises, 65 % en 2010.
Cela prouve, mes chers collègues, l'impérieuse nécessité dans laquelle nous sommes de restaurer les marges de manoeuvre. En effet, autrement, à quoi servirions-nous ?
M. Aymeri de Montesquiou. Tout à fait !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Quelle est la part du volontarisme politique si l'essentiel des budgets est prédéterminé avant qu'il ne nous soit demandé d'examiner des perspectives financières et de voter des crédits ?
Le Gouvernement a abordé utilement cette question, en particulier par le biais de la lettre de cadrage du Premier ministre pour le projet de loi de finances pour 2003 : plus 0,2 % en volume. Cela indique une volonté que nous apprécions.
Certes, l'Assemblée nationale a recherché quelques économies à faire, avec notamment le malheureux conseil de politique monétaire : toute économie est bonne à prendre, mais il s'agissait sans doute là d'une économie facile ; d'autres seront plus difficiles, et nous devrons ensemble les assumer.
Il faudra, bien entendu, aller plus loin dans la réforme de l'Etat, dans la restructuration du service public et dans l'allégement de la part imposée de nos budgets. Vous le savez, mes chers collègues, 620 000 fonctionnaires civils vont partir à la retraite dans les dix ans qui viennent. La question cruciale, stratégique, à laquelle nous devons répondre très rapidement, pour l'année 2003, est de savoir ce que nous allons faire de cette prodigieuse marge de manoeuvre...
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cela aussi, c'est facile !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... non seulement en termes budgétaires et financiers - car, finalement, il ne faut pas confondre les effets et les conséquences - mais surtout en termes de redynamisation de la fonction publique, de bonne gestion des ressources humaines de l'Etat, de calibrage des compétences, de restructuration des qualifications nécessaires à chacune des fonctions de l'Etat.
Même si ce sujet apparaît ingrat, c'est là une grande chance pour l'actuel gouvernement : vous savez que, si l'on prend la décision de ne remplacer que trois fonctionnaires sur quatre d'ici à 2010, l'économie cumulée, vraie marge de manoeuvre pour le gouvernement de ce moment-là, s'établira à 5 milliards d'euros, masse assez substantielle par rapport non au total du budget de l'Etat, mais à ce qu'il est possible aujourd'hui de redéployer en dehors de la fonction publique et de la dette.
Mme Hélène Luc. Eh bien voilà ! c'est clair !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mes chers collègues, pour l'avenir, la commission des finances du Sénat sera certainement très attachée à la poursuite de la politique de baisse des prélèvements, ainsi que nous le recommandait l'étude du Centre d'observation économique que nous avions commandée en mai 2000 et dont nous avions discuté lors du débat d'orientation budgétaire pour 2001. Pour nous, la formule vertueuse est la combinaison de la baisse de l'impôt sur le revenu et de la diminution des cotisations sociales pour l'employeur. C'est, pour nous, économétriquement prouvé et démontré : c'est la formule qui engendre le plus d'emplois et qui est la plus favorable au développement de l'activité.
Enfin, toujours dans le domaine de la fiscalité, nous approuvons les propos ministériels, en particulier ceux de M. Mer, en ce qui concerne l'attractivité de notre territoire national pour l'économie et pour l'emploi. Le Sénat a attaché beaucoup d'importance aux différents rapports qui ont été établis sur la question, notamment celui de MM. Badré et Ferrand...
M. Denis Badré. Merci !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ...ou celui de M. Charzat, notre ancien collègue socialiste. Nous estimons que beaucoup de choses doivent être faites pour rendre notre territoire fiscal et économique plus attractif.
Sans doute reviendrons-nous ainsi, d'ici à la discussion du projet de budget, sur les conditions susceptibles de rendre supportable, comme disait mon ancien collègue de l'Assemblée nationale Didier Migaud, l'impôt de solidarité sur la fortune, en particulier grâce au retour à un plafonnement raisonnable de cet impôt par rapport à la totalité des revenus du contribuable considéré.
Mes chers collègues, les différents points de vue qui seront exprimés ce matin nous permettront d'avoir, en quelque sorte, un débat d'orientation budgétaire. Ce sera utile et nécessaire au début de la nouvelle législature. Nous sommes, en effet, à la croisée des chemins !
Permettez-moi de conclure sur trois aspects particuliers.
Nous aurons à examiner, pendant toute la période de l'automne, des textes sur la décentralisation. Or il est clair, messieurs les ministres, que, pour l'ensemble des sénateurs, la décentralisation n'est pas une formule miracle permettant de mettre à la charge du contribuable local ce que l'Etat ne voudrait plus assumer.
M. Aymeri de Montesquiou. C'est vrai !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cette affirmation doit être clairement entendue.
M. Gérard Braun. Tout à fait !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Au demeurant, cela figure noir sur blanc dans la proposition de loi constitutionnelle votée par le Sénat, sur l'initiative de son président, Christian Poncelet, affirmant le principe d'autonomie financière des collectivités territoriales : est autonome une collectivité territoriale dont plus de 50 % des recettes de fonctionnement proviennent des impôts locaux dont elle maîtrise les taux. Il n'y a pas d'autre définition possible de l'autonomie financière d'une collectivité territoriale ! Nous avons la certitude d'être, sur ce point, en étroite liaison de pensée avec le Premier ministre.
Cette évolution vers plus de clarté dans le partage des responsabilités nous permettra ensuite de nous lancer dans une politique innovatrice d'expérimentation, et le présent débat est de bon augure pour aborder à l'automne les textes sur la décentralisation, auxquels le Sénat accordera naturellement une importance toute particulière.
Il faut être conscient du fait qu'une décentralisation bien ordonnée et bien organisée permettra à l'Etat de « secouer » certaines lourdeurs budgétaires qui lui nuisent et qui nuisent à la crédibilité des lois de finances. Doit-on, en effet, continuer sur le chemin tracé jusqu'ici en prévoyant toujours plus de dégrèvements à la charge de l'Etat, c'est-à-dire toujours moins d'autonomie pour les collectivités territoriales, toujours plus de hausses de charges fatales pour le budget de l'Etat, et donc moins de marges de manoeuvre ? Il faut absolument sortir de ce cercle vicieux !
Enfin, mes chers collègues, nous attacherons aussi une importance essentielle à la sortie du dédale inextricable des comptes sociaux, pour reprendre l'expression bienvenue de MM. Bonnet et Nasse : il nous faudra consentir des efforts de méthode pour intégrer dans la loi de financement de la sécurité sociale ce qui est de son domaine et pour n'inscrire dans la loi de finances que ce qui est du sien. C'est ainsi que le budget annexe des prestations sociales agricoles, le BAPSA, est le seul régime social à être examiné dans la loi de finances. Cela n'a plus de sens, messieurs les ministres ! Au-delà des mesures de régulation que vous nous proposez - et que la commission des finances approuve - il faudra donc définir les conditions de ressources et de dépenses aptes à garantir un équilibre sur le long terme d'un BAPSA qui serait désormais, comme les autres régimes sociaux, discuté lors de l'examen du projet de loi qui vise à précisément définir les conditions d'équilibre des régimes sociaux, à savoir le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
A l'automne, le Gouvernement soumettra pour la première fois au Parlement un document consolidé permettant d'apprécier l'évolution globale des prélèvements obligatoires et leur répartition par grandes masses. Le Sénat, vous le savez, y attache une importance considérable, car il s'agira du facteur commun de nos discussions tant pour le financement de la sécurité sociale que pour les finances de l'Etat. Il nous permettra d'appréhender d'une manière globale la réalité des finances publiques de notre pays.
Oui, mes chers collègues, nous abordons une période nouvelle, qui exigera beaucoup d'énergie et de travail. Nous ne devrons pas nous laisser impressionner par les obstacles qui se présenteront sur le chemin. Nous pouvons être assurés que la réforme de l'Etat, que la mise en place d'une nouvelle et meilleure gouvernance vont dans le bon sens, dans le sens qui est voulu par l'opinion publique de ce pays et dans le sens qui a été préconisé par le Président de la République.
Nous avons une grande confiance dans les hommes qui animeront cette volonté et en particulier dans notre ami et notre ancien collègue, chargé du budget et de la réforme budgétaire, et dont la tâche nous paraît particulièrement délicate. C'est une raison supplémentaire pour qu'il puisse bénéficier au cours de cette discussion, au même titre que M. le ministre de l'économie, des finances, et de l'industrie, de toute la confiance amicale et active de la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle bugétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans son propos liminaire, M. le président a adressé à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, M. Francis Mer, et à notre ancien collègue, Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, des compliments et des voeux au nom du Sénat.
Au nom de la commission des finances, je suis heureux de dire notre volonté d'entretenir avec eux des relations confiantes et constructives afin de permettre au ministre du budget d'aller jusqu'au bout de la réforme budgétaire qu'il a si bien mise en perspective. Ce sera notre responsabilité commune.
Si les lois de finances initiales peuvent parfois s'apparenter à des actes virtuels, comme s'il s'agissait de l'oeuvre de communicants imaginatifs avides de sondages, de confiance, - nous en avions le pressentiment voilà un peu plus de six mois - les lois de finances rectificatives doivent être des actes de vérité politique et budgétaire. C'est particulièrement vrai du texte dont nous débattons aujourd'hui.
Il met un terme aux mensonges maintes fois dénoncés, ici même, par le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, Alain Lambert, dans ses précédentes fonctions, lorsqu'il présidait, avec la compétence et l'autorité que nous lui connaissons, la commission des finances. Le rapporteur général, Philippe Marini, avait, on s'en souvient, stigmatisé la « grande illusion » de la loi de finances pour 2002.
Ce projet de loi de finances rectificative pour 2002 traduit la détermination du Gouvernement, en rompant, de manière claire, avec les errements d'un passé récent. Nous n'en doutions pas.
Le Premier ministre nous a d'emblée indiqué qu'il entendait placer son action sous le signe de la sincérité et de la transparence budgétaires : nous nous en réjouissons, d'autant que le texte qui nous est présenté est en tous points conforme à cette indispensable volonté, que nous partageons pleinement.
J'évoquais à l'instant un acte de vérité : c'est ce que les Français attendent de leur gouvernement. Ils attendent ce courage de la sincérité des comptes publics, ce courage de l'efficacité de la politique économique, qui consiste à donner à leur pays le maximum d'atouts possibles dans un monde devenu ultra-compétitif. Malheureusement, notre compétitivité est altérée et nous devons tenter d'absorber au mieux le coût exorbitant de la gestion de vos prédécesseurs, messieurs les ministres.
Le gouvernement de Lionel Jospin a pratiqué durant cinq ans une forme de relance keynésienne de l'économie française par la dépense publique. Qu'avons-nous constaté ? La mise en oeuvre chaotique d'une politique purement conjoncturelle, refusant toute réforme de structure, qu'il s'agisse de l'Etat, des retraites ou encore de l'assurance maladie, une relance exclusivement par les dépenses et non par la baisse des prélèvements obligatoires. Sur les cinq ans écoulés, ces derniers n'ont absolument pas diminué. Leur part dans la richesse nationale a même augmenté de 1997 à 1999, pour revenir en 2002 au niveau qui était le leur lorsque M. Jospin est devenu Premier ministre.
Quant aux dépenses, elles se sont considérablement accrues en valeur, par la création d'emplois publics, par les emplois-jeunes, par les 35 heures.
S'y ajoutent diverses mesures d'une indéniable utilité sociale, comme la couverture maladie universelle ou la prestation autonomie, dont nous devons toutefois admettre, chers collègues, qu'elles grèvent singulièrement les budgets des collectivités territoriales, en l'occurrence ceux des conseils généraux.
Si cette politique avait engendré des résultats tangibles sans handicaper l'avenir, nous nous inclinerions. Mais c'est loin d'être le cas.
M. Jospin nous a expliqué que la France avait connu, grâce à ses soins, une croissance plus forte que celle de ses principaux partenaires entre 1997 et 2001. C'est vrai, mais de quel ordre est donc la différence annuelle ? De 0,1 point..., un écart marginal, qui ne peut témoigner de la prospérité réelle de notre pays durant cette période, une prospérité essentiellement due à des facteurs européens et internationaux.
De 1997 à 2000, la croissance nationale s'est ainsi élevée en moyenne à 2,8 % par an contre 2,7 % pour l'Union européenne ou la zone euro, selon les chiffres même du précédent gouvernement. Le chômage s'est certes réduit, malheureusement il a recommencé à augmenter depuis un an et demeure parmi les plus élevés d'Europe.
Ce n'est pas tout. Cette très faible différence de taux de croissance a un coût, un coût disproportionné, comme le montre la toute récente et excellente communication du rapporteur général, M. Philippe Marini, sur l'évolution de la dette publique. En effet, loin de réduire ses déficits publics comme nombre de ses partenaires européens, la France s'est encore singularisée. Le seul autre pays dont le poids de la dette publique s'est alourdi, de 1996 à 2000, est l'Allemagne. Mais elle doit financer, avec la réunification, un effort de solidarité nationale sans précédent dans l'histoire.
Le gouvernement précédent a tout simplement gaspillé les chances de la France.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. En 1997, la France se situait au quatrième rang des Quinze en termes de dette publique et, selon les statistiques de l'OCDE, devançait nettement le peloton, avec un ratio de 59,3 % contre 71,1 % pour la moyenne de l'Union, soit un écart de 11,8 points.
Aujourd'hui, la France est au neuvième ou au dixième rang et l'écart n'est plus que de 4,5 points. Par ailleurs, en termes de déficit public, elle apparaît à la treizième ou à la quatorzième place sur quinze.
Ce sont là quelques détails accablants du prix supporté par les contribuables français, qui paient, chaque année, 5,6 milliards d'euros, soit près de 37 milliards de francs, d'intérêts supplémentaires liés au gonflement de la dette publique.
Au surplus, pendant cette période, l'investissement public a baissé.
Sans doute faudra-t-il, monsieur le ministre de l'économie et des finances, comme le suggère M. Marini, notre rapporteur général, revisiter le pacte de stabilité et de croissance. Mais ne nourrissons pas de vaines illusions. Le pacte de stabilité et de croissance est un règlement de copropriété de l'euro et il ne saurait être suspecté de laxisme.
Il faut analyser l'objet de la dette : celle-ci finance-t-elle du déficit de fonctionnement ou de l'investissement ? Cet éclairage est absolument indispensable.
Mais je vous rends attentif au fait, messieurs les ministres, mes chers collègues, que, dans la présentation actuelle des comptes de l'Etat - fonctionnement, investissements -, lorsque l'on retraite ces comptes, il n'est tenu compte en fonctionnement d'aucun amortissement pour participer au financement des investissements en capital en répartissant la charge, par annuités, sur la durée de leur utilisation. Tous les emprunts conclus antérieurement sont refinancés par la souscription de nouveaux emprunts.
Les pistes qu'esquisse judicieusement M. Marini ne doivent pas apparaître comme des voies tendant à offrir des facilités et des commodités ! C'est une démarche de lucidité qu'il nous propose. Mais ne mésestimons pas à quel point elle est contraignante.
J'ajoute que l'audit des finances publiques de la France, qui vient d'être conduit par MM. Jacques Bonnet et Philippe Nasse, à la demande du Gouvernement - que ses auteurs qualifient curieusement d'audit de « prévision » - apporte aujourd'hui des éclairages complémentaires à notre débat d'orientation budgétaire, mais aussi de nouvelles inquiétudes sur la situation véritable que nous avons à affronter.
Dans ces conditions, votre projet de collectif budgétaire prend toute son importance. Il vous permet de « remettre les pendules à l'heure », c'est-à-dire de commencer à tracer un cap, d'introduire les premières clarifications, de procéder à des ajustements nécessaires, sans chercher à surestimer les recettes ou à sous-estimer les charges. C'est le préalable à toute action crédible et la condition de la confiance retrouvée.
En politique, comme en économie, nul ne doit se laisser aller à raconter de belles histoires pour bercer ses concitoyens ou ses actionnaires, à tenter de gérer le mensonge pour camoufler son impuissance ; décidément, le dicton boursier est plus que jamais d'actualité : les arbres ne montent jamais jusqu'au ciel ! La seule issue de l'illusionnisme, c'est la crise, de quelque nature qu'elle soit.
Le contexte actuel de turbulences mondiales invite à cet égard, je l'espère, chaque acteur, public ou privé, à retrouver le chemin de l'économie réelle et à consolider ainsi la croissance prochaine.
J'évoquais auparavant des ajustements mécaniques auxquels vous souhaitez procéder dans ce projet de loi de finances rectificative, notamment les demandes de prélèvements sur les réserves détenues par différents dépositaires de trésoreries d'Etat. La pratique, convenons-en, n'est pas nouvelle et demeure justifiée, mais elle suscite ici et là de vives protestations.
M. Gérard Delfau. Eh oui !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Sans doute conviendra-t-il à l'avenir de mener plus avant l'indispensable information préalable à ce type d'opération ; sans doute faudra-t-il prendre la précaution d'indiquer aux contributeurs concernés vos intentions précises et de dissiper rapidement toute ambiguïté.
Toujours est-il que nous devrons, plus globalement, nous interroger à l'avenir sur la disponibilité des soldes de produits parafiscaux perçus et non dépensés par les institutions collectrices. La loi organique du 1er août 2001, qui vous doit tant, monsieur le ministre délégué au budget, nous l'ordonne.
Le collectif budgétaire n'est naturellement pas l'acte fondateur d'une rénovation en profondeur de notre architecture financière et fiscale. Pourtant, vous y avez déjà inscrit votre volonté de rompre avec le passé et de développer une politique économique structurelle, ce dont nous nous félicitons.
En effet, il comprend la première concrétisation d'un engagement pris devant les Français par Jacques Chirac pendant la campagne présidentielle. Le respect de cette promesse politique est louable. La baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu pour tous les contribuables est hautement symbolique. Elle trace le chemin à suivre pour redonner du courage à tous ceux qui travaillent et qui entreprennent, pour recréer les conditions favorables à la création de richesses, pour dynamiser la compétitivité et l'attractivité de notre territoire national. C'est un réel encouragement à l'effort.
L'excès d'impôt n'est pas une fatalité, vous en faites la démonstration. Soyez-en remercié, messieurs les ministres. Croyez bien que nous soutenons votre projet, avec toutefois l'impatience, à peine contenue, que vous puissiez aller encore plus loin dans les meilleurs délais.
Cette première évocation d'une nouvelle politique fiscale nous dessine, je le crois, vos priorités pour l'avenir : c'est-à-dire la diminution du poids des prélèvements obligatoires. La loi de finances pour 2003 devrait en porter témoignage.
Je sais, évidemment, que vous devrez procéder à des choix difficiles et courageux afin de parvenir à équilibrer ce budget, dont la construction s'annonce particulièrement complexe et délicate. Mais tous les membres du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin - je n'en doute pas - sont persuadés qu'un bon budget n'est pas forcément un budget en progression par rapport à celui de l'année précédente.
M. Alain Lambert, ministre délégué. Très bien !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Cette loi de finances formera cependant, je n'en doute pas, le pilier déterminant de votre politique économique, qui intègre, au-delà de la baisse de l'impôt sur le revenu - nous l'avons constaté lors du débat, voici peu, sur le dispositif de soutien à l'emploi des jeunes -, qui intègre donc la poursuite d'une réduction des charges sociales pesant sur l'emploi. Conjuguée au nécessaire assouplissement des 35 heures, cette dernière favorisera l'allégement du coût du travail et donc la création d'emplois, tout en desserrant les carcans qui brident, étouffent l'initiative.
Voilà une politique apte à mobiliser les énergies. Croyez bien, messieurs les ministres, que nous l'approuvons d'autant plus que la commission des finances avait formulé en mai 2000, à l'occasion du débat d'orientation budgétaire pour 2001, ses principes de réflexion et d'action dans cette même direction. S'appuyant sur une étude indépendante, elle avait en effet souligné que, plutôt que de réduire la TVA, mieux valait combiner une baisse de l'impôt sur le revenu et des charges sociales des employeurs avec une diminution des dépenses publiques, cela, bien sûr, pour contribuer à réduire le chômage et pour rétablir à moyen terme l'équilibre des finances publiques.
M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Tout à fait !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Si nous voulons améliorer les revenus des Français, en particulier des plus modestes, nous devons faciliter l'accès au travail : quels sont les moyens les plus attendus ?
Il faut revoir les dispositions de la loi relative à l'aménagement et à la réduction du temps de travail, qui fait tant de mal à notre économie et à l'emploi.
Il faut aussi alléger les charges sociales, d'abord sur les bas salaires, mais en gardant à l'esprit que cet allégement doit, à terme, porter sur l'ensemble des salaires, afin de ne pas prendre le risque de créer des « trappes à bas salaires » dont il serait bien difficile de sortir et qui ruineraient l'espérance et la confiance de nos concitoyens.
Il faut, enfin, permettre à tous ceux qui veulent percevoir plus de revenus de travailler plus lorsque les conditions de travail s'y prêtent.
Bref, nous avons besoin de retrouver des espaces de liberté.
La réduction des impôts et des charges est un pari courageux, en même temps qu'une contribution à la liberté recouvrée, que votre Gouvernement va tenter. Mais ce pari ne sera réalisable qu'à condition de dégager des marges de manoeuvre - M. Marini a évoqué quelques pistes pour y parvenir -, ce qui se révèle un exercice de plus en plus difficile, compte tenu de la rigidité croissante de nos comptes publics. En effet, sur quels leviers agir encore lorsque l'on sait que les dépenses de salaires, traitements et pensions de la fonction publique représentent désormais 44 % du budget, et que la charge de la dette pèse 14 % de ce même budget ?
Attention ! Il ne s'agit nullement d'opposer artificiellement telle ou telle catégorie de Français ; il s'agit simplement de donner à chacun de nos concitoyens les éléments d'appréciation qui pourront éclairer et apaiser le débat.
C'est pourquoi je pense utile, messieurs les ministres, que le Gouvernement entreprenne un audit, un recensement de tous ses fonctionnaires, afin de déterminer précisément - et sereinement - le rythme et le niveau adéquats de remplacement des départs à la retraite en fonction d'un ratio besoins des citoyens - coût budgétaire. Car cela doit être dit haut et clair : la principale menace qui pèse sur la fonction publique, c'est le délitement, c'est l'implosion de nos finances publiques !
Cette analyse est indissociable d'une réflexion de fond sur la durée de la vie professionnelle et sur l'âge de départ à la retraite des agents de la fonction publique. On l'a bien vu, le seul levier de remplacement partiel ne donne pas des marges de manoeuvre considérables. Il faudra donc assurément conjuguer remplacement partiel en fonction des besoins mesurés objectivement et aménagement de la durée du temps de travail, de la vie professionnelle et de l'âge de départ à la retraite, y compris par des mesures incitatives et des aides volontaires de la part des intéressés.
Nous attendons donc l'automne et son grand rendez-vous budgétaire pour disposer d'une appréciation des véritables marges de manoeuvre du Gouvernement. Nous y verrons également plus clair en ce qui concerne la conjoncture économique. Nous en sommes tous d'accord : ce dont notre pays a le plus besoin, c'est indéniablement de croissance, donc de vitalité, afin de retrouver de la compétitivité, de cesser de financer notre solidarité à crédit et d'obérer l'avenir de nos enfants.
Cette croissance doit être soutenue et amplifiée, non par la dépense publique, mais par la mobilisation et la libération de toutes les énergies, c'est-à-dire par le desserrement des carcans fiscaux et administratifs. A cet égard, je tiens à saluer l'excellent travail de notre collègue Gérard Braun sur les simplifications administratives. Je sais, messieurs les ministres, que vous ne manquerez pas d'en tenir compte.
Dans les périodes difficiles qui s'annoncent, la volonté politique du Gouvernement sera déterminante. Sachez, messieurs les ministres, que le Sénat l'aidera à relever ces défis. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE).
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 30 minutes ;
Groupe socialiste, 27 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 19 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 16 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 10 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 7 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, c'est bien du relèvement national qu'il s'agit de débattre. Il passe par la définition de l'intérêt public de notre pays, digne de sa grandeur passée et, si nous le voulons, à venir. Notre gouvernement doit accélérer le pas, trancher et décider.
Les Français savent que les réformes sont vitales, que les mesures qualifiées d'impopulaires le sont, le plus souvent, par un microcosme dont les positions sont susceptibles d'être altérées. De ce point de vue, Einstein avait raison : comment espérer résoudre des problèmes avec ceux qui les ont créés ? Faisons plutôt confiance aux Français qui attendent du Gouvernement et du Parlement du courage.
Quel est le constat qui s'impose ? Une fiscalité archaïque et inadaptée est la cause du déclin de notre économie. Mendès France ajouterait : « Si le budget est aujourd'hui trop lourd, si le fardeau fiscal accable les branches essentielles de notre activité nationale, la raison en reste bien la répartition inégale et injuste des impôts qui écrasent surtout les producteurs ».
Avec un entêtement obtus, nous nous sommes obstinés à prendre les problèmes à l'envers, à rogner les salaires et les revenus plutôt qu'à baisser les coûts de l'activité nationale. Notre fiscalité les a augmentés inlassablement par la hausse constante des prélèvements obligatoires, toujours insuffisants à couvrir les dépenses publiques, habiles à précipiter par contrecoup la France dans les déficits et, donc, dans des dettes abyssales. Cette année encore, le pays empruntera pour en couvrir les remboursements.
Ce qui devrait nous interpeller, c'est que le cumul des impôts, taxes et charges - peut-être le plus élevé du monde - dépasse le montant des salaires. Chacun est conscient que ces coûts démesurés nous entraînent dans une spirale désastreuse. Ils affaiblissent la compétitivité de nos entreprises, ce qui entraîne un chômage qui ronge à son tour les recettes, lesquelles devraient permettre d'y faire face, et induit inéluctablement une augmentation des dépenses publiques.
N'avous-nous rien compris à cet engrenage ? Saurons-nous l'enrayer ?
Il est un fait dirimant que les ponctions imposées à nos entreprises ne sont ni récupérables à l'exportation ni imposables sur les produits étrangers importés, de sorte que notre actuelle technique fiscale favorise objectivement la concurrence étrangère.
Barrage à l'exportation, prime aux importations étrangères, destruction de nos activités économiques, hausse du chômage, diminution des recettes budgétaires et sociales, telles sont les conséquences du maintien d'un système anachronique. Cette situation se lit sur une courbe de chômage rigoureusement parallèle à celle de l'augmentation des prélèvements obligatoires sur nos entreprises et leurs salaires. Cette même courbe est, de plus, inversement proportionnelle à la durée du travail ! Les Français ont réalisé que les 35 heures étaient non seulement malthusiennes et donc absurdes dans le cadre de la mondialisation, mais aussi antisociales ; d'où leur sanction lors des élections présidentielles.
Vouloir soumettre l'activité créatrice à un formalisme nationaliste, sous prétexte de sa spécificité, n'aboutit qu'à la stériliser. Cet encadrement toujours plus contraignant freine toute tentative d'adaptation et passe irréversiblement de l'inefficacité à la nocivité. Nous sommes ainsi tombés au douzième rang européen pour le revenu par habitant.
Afin de réformer cet Etat boursouflé et impotent, référons-nous de nouveau à Pierre Mendès France, pour qui « les réalités doivent être le support obligé de la pensée ». En effet, on parle depuis trente ans de réformer la fiscalité, mais personne n'ose affronter cet amas de règles, de taxes spécifiques qui grèvent toutes les activités, tous les produits et tous les biens. Or la fiscalité actuelle ne fait pas partie des textes « révélés ». Ce n'est rien de plus qu'une technique qui, comme telle, se doit d'être adaptée en fonction de l'évolution des réalités. Notre politique fiscale est mauvaise pour les entreprises, pour les salariés et donc pour la France.
Messieurs les ministres, nous attendons du Gouvernement qu'il rende la France attractive et les Français entreprenants. Pour cela, il importe de libérer les formidables forces de notre pays. Aujourd'hui, la fiscalité, les coûts salariaux, la fréquente rigidité syndicale entravent ce renouveau.
Messieurs les ministres, efforçons-nous d'inverser la délocalisation des talents, des entreprises et même des fortunes. Conduisons une politique fiscale enfin favorable au travail et à l'esprit d'entreprise. Moins d'impôts dynamise l'impôt, favorise la croissance, l'emploi et les recettes fiscales.
Le président François Mitterrand reconnaissait lui-même que « trop d'impôt tue l'impôt ». La baisse de l'impôt sur les sociétés que vous avez décidée permettra de relocaliser en France une part importante des profits des grands groupes. Le plafonnement de l'impôt sur les personnes physiques séduira les cerveaux et les capitaux. Pour tous, entreprises et salariés, une baisse des charges sera un gage de compétitivité.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. Mes chers collègues, avant de conclure, je rappellerai que près de la moitié des entreprises américaines, premiers investisseurs en France, envisagent de quitter un site qui, malgré ses atouts et ses attraits, les rebute. Je me réfère aux conclusions implacables présentées au Sénat sur la baisse de l'attractivité de notre pays.
Messieurs les ministres, nous pouvons garantir des qualités d'infrastructures et d'environnement, mais nous ne pouvons être attractifs avec le poids fiscal et les charges exorbitantes actuelles. Libérez ceux qui veulent entreprendre, ceux qui veulent travailler.
Le courage ou l'échec, voilà le choix binaire qui s'offre au Gouvernement.
Messieurs les ministres, plus vite, plus haut, plus fort, ces mots si galvanisants de la devise olympique doivent à nouveau symboliser notre pays.
M. Gérard Braun. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. Pour relever ce défi, la majorité présidentielle du groupe du Rassemblement démocratique et social européen vous soutiendra dans cette tâche très difficile, mais vitale. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Oudin.
M. Jacques Oudin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat engage l'examen du premier projet de loi à caractère financier présenté par le Gouvernement dirigé par Jean-Pierre Raffarin.
Je tiens tout d'abord à saluer les ministres ici présents, M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, ainsi que M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, que nous connaissons bien. Nous les assurons de notre soutien et de notre amitié.
Nous notons d'ailleurs avec intérêt qu'à la classique dénomination de ministre du budget a été ajoutée celle de la réforme budgétaire. Pour nous qui avons participé à l'élaboration de la loi organique relative aux lois de finances, cet ajout est d'importance : il manifeste la réelle volonté du Gouvernement de voir celle-ci être mise en oeuvre dans les conditions les meilleures. La réforme de l'Etat commence, nous le savons, par l'application de cette loi organique.
L'audit de la situation des finances publiques a été cité à de nombreuses reprises. A la fin du mois dernier, nous avons pris connaissance de certaines de ses conclusions. MM. Jacques Bonnet et Philippe Nasse ne sont pas des nouveaux venus en la matière ; ils avaient déjà réalisé le même audit voilà cinq ans, à la demande du gouvernement de Lionel Jospin. Deux grands constats ont été dressés, avec des résultats qui s'avèrent ne pas être bons, voire parfois calamiteux.
En premier lieu, les réformes nécessaires n'ont pas été engagées au cours des cinq dernières années. A cet égard, je ferai trois citations.
« En 1997, nous avions notamment constaté que le renforcement de l'efficacité de l'Etat était absolument nécessaire, la simple recherche d'économies sans modifications de l'organisation et des structures n'étant plus à la dimension du problème. Cinq ans plus tard, nous n'avons pas changé d'avis. » Cela devrait rester dans nos mémoires !
La deuxième citation concerne les dépenses de santé : « L'étonnant n'est pas que la France n'ait pas encore trouvé une bonne solution ; l'étonnant est qu'elle manifeste si peu d'intérêt pour sa recherche. » Ce n'est pas la France qui n'a pas manifesté d'intérêt. C'est, je crois, le précédent gouvernement.
La troisième citation a trait aux retraites ; nous dressons le même constat d'échec : « Attendre que les tensions apparaissent pour prendre des mesures correctrices de l'ensemble du déficit des administrations publiques, notamment en ce qui concerne le budget de l'Etat, n'aura pour seul effet que de rendre ces mesures plus contraignantes et plus coûteuses. »
M. Alain Vasselle. C'est une évidence !
M. Jacques Oudin. En second lieu, l'objectif national des dépenses d'assurance maladie, l'ONDAM, fait apparaître une dégradation des comptes sociaux, dont parlera Alain Vasselle : « Pour l'ONDAM, avec la loi de financement pour 2002, nous disposons d'une expérience de cinq années qui fait apparaître l'ampleur de l'échec de cette tentative de régulation. Les objectifs votés par le Parlement ne sont pas suivis d'effet. »
Nos déficits publics se situent dans une fourchette entre 2,3 % et 2,6 % du PIB. Par rapport au budget de 2002, l'écart est de 1,2 point de PIB.
Pour apprécier l'évolution de la situation budgétaire de la France, il convient de raisonner non pas sur une année, mais sur une législature. De 1993 à 1997, les gouvernements d'Edouard Balladur et d'Alain Juppé ont ramené les déficits de 5 % du PIB - l'héritage des années Rocard-Bérégovoy - à 3,4 % du PIB. Avec une croissance économique nettement plus favorable, le gouvernement Jospin a ramené les déficits de 3,4 % du PIB à 2,6 % du PIB, soit un effort deux fois moins important par rapport à la législature précédente. Deux fois plus de croissance pour baisser les déficits deux fois moins par rapport au PIB. Voilà le résultat d'une gestion insuffisante.
Quant au mauvais calibrage des recettes de l'Etat, auquel le rapporteur général a fait allusion, et à l'envolée incontrôlée des dépenses, je dirai simplement que, sur le premier point, la moins-value est de 5,4 milliards d'euros sur les recettes fiscales nettes, et que les recettes non fiscales ont été fixées en loi de finances initiale à un niveau irréaliste, notamment en ce qui concerne le dividende d'EDF et d'autres entreprises publiques. S'agissant de l'envolée incontrôlée des dépenses, celle-ci s'élève à environ 7,4 milliards d'euros, dont 5 milliards au titre du budget général.
Certains engagements n'ont pas été respectés, des dépenses ont été sous-évaluées en loi de finances initiales, et l'Etat se retrouve parfois dans l'impossibilité d'honorer ses engagements.
Notre autre préoccupation concerne la dégradation des comptes sociaux, ce point sera développé par Alain Vasselle. Selon le rapport des auditeurs, la France se caractérise par une illisibilité croissante des comptes sociaux et une course folle à la complexité. Je reprendrai une citation de l'audit : « Le foisonnement des entités constitutives des administrations de sécurité sociale, l'extraordinaire complexité des imbrications que ces entités présentent entre elles, enfin la complication des règles de financement de l'ensemble opposent un sérieux obstacle à l'efficacité de notre système social. »
L'exigence de clarté passe donc par la simplification ; ce sera l'un des enjeux majeurs de la législature qui s'ouvre. Une large concertation, à laquelle le Parlement devra prendre toute sa part, doit être mise en oeuvre ; je suis sûr que le Gouvernement s'y attachera.
Par ailleurs, nous savons - le président de la commission l'a indiqué - que les collectivités locales sont de plus en plus sollicitées. Elles restent en excédent, mais leur situation se dégrade. C'est ce que confirme d'ailleurs le récent rapport de notre collègue Joël Bourdin, au nom de l'Observatoire des finances locales.
Le maintien d'une marge d'autofinancement et le dynamisme des recettes d'investissement hors emprunts permettent aux collectivités locales de financer une bonne partie de leurs dépenses d'équipement sur fonds propres.
En 2002, si des incertitudes subsistent sur le niveau des investissements, il est essentiel que le potentiel d'investissement des collectivités locales soit maintenu au niveau le plus élevé possible. Mais la politique vertueuse de ces collectivités se heurte au poids des transferts de compétences sans compensation.
Or Joël Bourdin nous a alertés en écrivant que les collectivités locales ne semblent plus « posséder de marges importantes à partir de 2002 avec l'arrivée de nouvelles dépenses transférées, des dépenses de personnel reparties à la hausse et des économies de fonctionnement de plus en plus difficiles à réaliser ».
Les conséquences pour les collectivités locales de transferts de charges et de la mise en place de la réduction du temps de travail ont d'ores et déjà pour effet qu'en 2002 soixante-huit départements ont augmenté leurs taux d'imposition, avec une moyenne de 3,5 %. Bref, notre pays a un besoin urgent de réformes, et de bonnes réformes.
En 1997, les auditeurs constataient que « les difficultés financières du pays allaient perdurer, si rien n'était fait pour améliorer l'efficience de l'Etat et mettre en oeuvre les instruments d'une régulation plus efficace de la dépense sociale ». Ce rapport s'achevait par cette phrase d'une certaine gravité : « Ces réformes, il est grand temps de les entreprendre ; il est plus que temps.»
Eh bien ! cinq ans plus tard, on s'aperçoit que l'absence de réformes est la cause de nombre de nos maux. Notre pays a besoin de ces réformes ! Nous en avons assez de dresser chaque année le constat de notre impuissance ! Le temps est désormais venu d'agir, et non de parler uniquement.
Au coeur de cette action figure l'ordonnance organique de 2001. Nous sommes sûrs qu'Alain Lambert, qui a largement participé à l'élaboration de ce texte, mettra tout son poids pour que l'ensemble de ses dispositions puissent être appliquées.
Bien entendu, l'administration des finances sera au premier plan de la réforme. Nous comptons sur votre pugnacité et sur votre ténacité, monsieur le ministre, pour entreprendre ces réformes. Vous pouvez également compter sur notre soutien et notre volonté.
S'agissant du contenu de ce projet de loi de finances rectificative, le rapporteur général et le président de la commission des finances l'ont développé. Par conséquent, je serai bref. Je souhaite toutefois insister sur la baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu. Elle a le mérite de la lisibilité et de la simplicité. Le choix du Gouvernement d'appliquer cette baisse au montant brut de l'impôt concentre la mesure sur les revenus du travail. Il s'agit d'un signal, de la première étape d'un vaste programme de réduction des prélèvements obligatoires, rappelé par le Président de la République dans son intervention du 14 juillet : la baisse des prélèvements et des charges se fera en tout état de cause. Nous y veillerons !
Certains ont cru pouvoir qualifier cette réduction de l'impôt sur le revenu d'« injuste », de « clientéliste » et d'« économiquement inefficace ». Pourtant, les mêmes nous expliquaient, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2002, que la baisse de l'impôt sur le revenu, qu'ils défendaient alors, agirait sur la confiance des acteurs économiques et jouerait le rôle de stimulant pour la croissance.
Aujourd'hui, l'opposition nous accuse de favoriser les plus fortunés de nos concitoyens. Mais rappelons-nous que l'impôt sur le revenu n'est pas seulement affaire de riches : un célibataire est assujetti à cet impôt à partir d'un revenu net annuel de 8 104 euros, soit 53 159 francs, et un couple à partir de 12 156 euros, soit un peu moins de 80 000 francs. Est-on riche lorsqu'on gagne de telles sommes ? Avant de formuler des critiques, certains seraient bien inspirés d'examiner le barème de l'impôt sur le revenu avec la plus grande attention.
En ce qui concerne les dispositions budgétaires - Philippe Marini nous en a décrit la plus grande part - certaines dépenses ont été sous-budgétisées, pour un montant de 3,1 milliards d'euros. Il convenait, par ailleurs, de solder les dettes antérieures, pour 1,8 milliard d'euros.
Le secteur social est particulièrement concerné par ces dettes antérieures, même s'il n'est pas le seul. Je relèverai quelques chiffres significatifs. Le besoin de financement du RMI se monte à 700 millions d'euros, soit près de 16 % d'augmentation par rapport à sa dotation initiale.
Sont également nécessaires : 65 millions d'euros pour l'allocation de parent isolé, 445 millions d'euros pour l'aide médicale, 150 millions d'euros pour l'allocation aux adultes handicapés, 220 millions d'euros au titre de la contribution de l'Etat au fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie, 900 millions d'euros pour la défense, 650 millions d'euros pour le service de la dette, 250 millions d'euros pour l'agriculture, indispensables à la survie du BAPSA, et 250 millions d'euros au titre de nos obligations internationales.
Ces ouvertures de crédits supplémentaires sont rendues nécessaires, voire indispensables, pour avoir été mal calibrées ou sous-estimées dans le précédent projet de loi de finances.
Le Gouvernement a annoncé qu'il procèderait à un gel de crédits. Nous tenons à rappeler ici à nouveau à nos amis du Gouvernement l'attention scrupuleuse que nous portons à l'évolution des crédits d'investissement, comme l'ont souligné le président de la commission des finances et M. de Montesquiou. Ces dernières années, les crédits d'investissement ont servi de variable d'ajustement budgétaire, alors que ce sont eux qui préparent l'avenir.
Monsieur le ministre, nous savons que vous partagez cet attachement à l'investissement. Aujourd'hui, il y a urgence à reconstituer nos capacités d'investissement, afin de rendre à la France les moyens de ses ambitions et de revenir à un meilleur équilibre entre la participation de l'usager et celle du contribuable. C'est particulièrement vrai pour le secteur des transports. La France est au carrefour de l'Europe. Cette place lui impose d'être un modèle en termes de communication, de transports et d'infrastructures. Notre responsabilité est, en ce domaine, cruciale, si nous ne voulons pas voir le carrefour de l'Europe se déplacer vers l'est.
La situation la plus inquiétante est sans nul doute celle du BAPSA, le budget annexe des prestations sociales agricoles, pour lequel un besoin de financement égal à 5 % du budget initial a été identifié. Nous avons écouté les explications de M. Mer. Des mesures d'urgence ont été prises, nous y reviendrons au cours du débat.
Il faut maintenant s'interroger sur ce que sera demain le BAPSA, comme l'a souligné M. le rapporteur général. Une véritable réflexion sur l'avenir de la protection sociale agricole et sur les conséquences de la suppression du BAPSA, prévue par l'ordonnance organique, doit être engagée.
Ce collectif budgétaire illustre la volonté du Gouvernement de diminuer les prélèvements pesant sur les Français pour restaurer la confiance et rendre au budget 2002 sa crédibilité. Telles sont les conditions de la réforme. Il s'agit de la première étape sur une route qui sera longue et dont « la pente sera forte », selon l'expression de M. le Premier ministre.
Dans cette action, monsieur le ministre, soyez assuré de notre soutien. Nous sommes avec vous : les attentes exprimées par les Français sont pressantes, mais elles trouvent ici, et dans les textes en cours d'examen par le Parlement, un début de réponse. Le groupe du Rassemblement pour la République apportera donc son soutien à ce texte, comme il apporte son soutien à votre politique. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste) .
M. le président. La parole est à M. Denis Badré. M. Denis Badré. Monsieur le ministre, ce projet de loi de finances rectificative remet les compteurs à zéro ! C'était nécessaire, indispensable même, pour préparer l'avenir, sachant la situation dans laquelle nous nous trouvons. Ainsi, nous constatons une évaporation des recettes et une explosion des dépenses, et ce au-delà de tout ce que l'on pouvait craindre lors du vote, à l'automne dernier, de la loi de finances pour 2002. Ce dérapage était pressenti - M. Arthuis avait fait état d'un pressentiment -, mais pas à ce point, et l'audit l'a souligné avec une objectivité unanimement saluée et appréciée.
La situation est donc claire, d'autant plus claire, d'ailleurs, après l'analyse à laquelle a procédé devant nous M. le rapporteur général. A cet égard, je constate que ses talents pédagogiques s'expriment aussi heureusement sous la houlette de notre nouveau président de la commission des finances que sous celle du précédent, preuve, s'il en était besoin, qu'il excelle dans sa tâche comme son président et son prédécesseur, dans la leur.
J'en viens donc directement à la mesure phare de ce collectif, à savoir la réduction de 5 % de l'impôt sur le revenu, mesure très discutée, mais qui a une signification forte sur laquelle je m'arrêterai un instant.
Un phare, mes chers collègues, cela peut aveugler (Sourires) , mais cela sert tout de même a priori à montrer le chemin, du moins à ceux qui acceptent de prendre du recul.
Précisément, je tenais à vous féliciter, monsieur le ministre, d'avoir fait le choix de prendre du recul, alors que nous voguons par gros temps et que la conjoncture ne se prête pas à l'exercice. C'est ce qu'il fallait faire, même de manière provocante. Oui, il fallait nous provoquer, il fallait provoquer les Français à la réflexion préalablement au changement. Il fallait annoncer de manière très lisible une volonté de voir et de faire autrement. C'est tout cela que signifie le choix de cette mesure phare pour porter ce collectif. Certes, ce choix est surprenant pour ceux que Philippe Marini appellait tout à l'heure les « puristes budgétaires ». Vos experts de Bercy, monsieur le ministre, ont dû protester : alors que les dépenses augmentent, que les recettes diminuent et que nous sommes en faillite virtuelle, vous iriez encore minimiser les recettes et aggraver la situation ? Impensable ! Eh bien, si ! C'est le choix que vous avez fait, et vous avez eu raison. Dès la première lecture - il fallait aller vite - vous deviez prendre une initiative de ce genre.
Il fallait nous provoquer, disais-je. Et, de fait, c'était une véritable provocation que de réduire les recettes quand Jean Arthuis, alors ministre de l'économie et des finances, puis Alain Lambert, alors président de la commission des finances du Sénat, répétaient inlassablement depuis près de dix ans déjà qu'il fallait réduire le déficit.
Ce choix provocant nous met en délicatesse avec nos partenaires de l'Union économique et monétaire. Le pacte de stabilité a une vrai raison d'être ; il ne peut être traité par le mépris. D'abord, parce que, politiquement, je pense que rien de ce qui est européen ne doit être traité par le mépris ; ensuite, parce que, financièrement et budgétairement, ce pacte de stabilité est essentiel. M. Arthuis, en commission des finances, parlait récemment de « solidarité multilatérale » et, à l'instant, de « règlement de copropriété ». Mais c'est plus qu'un simple règlement de copropriété, cela va plus loin. Il s'agit d'engagements que les différents partenaires de l'Union économique et monétaire ont pris et prennent les uns vis-à-vis des autres. Or les engagements doivent toujours être tenus, notamment dans ce domaine. En effet, avec la monnaie unique, les facilités des uns sont payées par les autres, et la crainte d'avoir à payer les facilités des autres risque d'amener les uns à se démobiliser. Bref, ces facilités peuvent mettre en panne l'ensemble.
Les engagements réciproques dont je faisais état doivent donc être une ardente obligation, pour reprendre une expression un peu plus forte, un peu plus tonique, une obligation avec laquelle nous ne pouvons pas en prendre et en laisser.
Si l'aventure de l'euro réussit - et elle est en passe de réussir - c'est parce qu'un élan politique très fort a été donné à l'opération, c'est parce que des règles tout à fait minutieuses, précises et impératives ont été retenues pour accompagner la démarche. Il faut conserver l'élan, il faut respecter les règles.
Si l'Allemagne et la France aujourd'hui en prennent et en laissent sur ce point, comment parler encore de relance de la construction européenne ? Nous demandons à l'Union européenne une plus grande responsabilité budgétaire. Nous vous avons remis une résolution en ce sens, adoptée la semaine dernière, sur l'avant-projet du budget pour 2003, en temps et en heure, monsieur le ministre, pour que vous puissiez vous y référer lors du Conseil des ministres de l'économie et des finances, à Bruxelles. Nous appelions l'Union européenne à plus de responsabilité budgétaire. Dans ce contexte, comment ne pas donner nous-mêmes l'exemple ? Nous devons être cohérents. Nous devons être rigoureux. Nous devons être responsables et sur tous les fronts.
Oui, nous devons, dans ce domaine, donner l'exemple. Jean Arthuis avait engagé cette bataille en 1994, mais le combat a été un peu perdu de vue depuis quelques années, alors même que la croissance l'aurait rendu plus facile et aurait dû nous permettre d'avancer plus vite et plus loin.
Nous devons, aujourd'hui, renouer avec ce volontarisme, même si c'est plus difficile, et nous devons le faire le plus vite possible. Puisse le geste politique que constitue le choix de retenir cette mesure phare dans votre collectif, choix qui nous met en difficulté à Bruxelles aujourd'hui, puisse donc ce geste néanmoins porter très vite ses fruits afin que nous soyons au rendez-vous de 2004, quelles que soient les conditions de la croissance. Je forme le voeu que le prix à payer pour ce geste soit rapidement acquitté afin que nous dépassions cette conjoncture pour nous tourner vers l'avenir : faisons-le pour l'Europe, faisons-le pour la France !
Vous avez donc choisi cette mesure pour tenir l'engagement du Président de la République - un engagement doit être tenu, je le rappelais à l'instant. Mais l'intérêt que je vois à cette initiative va beaucoup plus loin : cette mesure donne le ton. Elle représente une étape forte sur la voie d'un retour de notre niveau de prélèvements obligatoires au moins à la moyenne des niveaux de prélèvements obligatoires de nos principaux partenaires dans l'Union européenne, qui sont tout de même nos premiers concurrents. Or, pour le moment, la concurrence joue en leur faveur, et pas en la nôtre !
Cette mesure a été critiquée en tant qu'elle serait un cadeau fait aux riches. Je rappelle que le gouvernement social-démocrate allemand a réduit le taux marginal de son impôt sur le revenu, le faisant passer de 56 % à 44 % dans une loi de finances dont le premier objectif affiché était de servir la compétitivité de l'Allemagne : une mesure qui serve la compétitivité, une loi de finances globalement présentée avec cet objectif, voilà la meilleure manière de traiter les problèmes du pays. Or la meilleure manière d'améliorer la situation de nos concitoyens, c'est de servir la compétitivité du pays. Il faut le rappeler avec insistance.
Donc, il fallait le faire, et dans des conditions qui frappent les esprits. Dire que l'on a compris et le montrer très vite et de manière spectaculaire, ce n'est pas pour faire un cadeau à tel ou tel, c'est pour remettre la France en ordre de bataille dans un monde où tout est possible, mais où tout est difficile. La France a de grands atouts. Encore faut-il qu'elle les joue ; encore faut-il qu'elle ne se donne pas de handicaps inutiles ; encore faut-il qu'elle accepte ce choix et, plus, qu'elle marque sa volonté de se mettre en ordre de bataille.
Dans notre rapport sur l'expatriation des capitaux, des compétences et des entreprises, que Philippe Marini citait tout à l'heure, nous avions beaucoup insisté sur ce point. Ce rapport nous a fourni tous les moyens d'avancer, en présentant une lecture claire des différents choix possibles pour que notre pays aille désormais de l'avant.
Ce rapport était bon. Notre ancien collège M. Charzat a repris l'essentiel des propositions qu'il contenait dans un nouveau rapport qu'il a présenté à son tour au gouvernement de l'époque, en juillet dernier. Le ministre de l'économie et des finances avait alors, je crois, retenu l'essentiel de ces mesures. Malheureusement, les arbitrages rendus par le Gouvernement l'été dernier ne lui ont pas donné raison, et c'est bien dommage.
Monsieur le ministre, vous étiez à l'époque président de la commission des finances et vous savez combien, lors du débat sur le projet de loi de finances pour 2002, nous nous sommes battus, inlassablement et sur tous les sujets, pour tenter de recadrer le débat sur cette vraie question, celle de la compétitivité de la France. Nous l'avons fait globalement en souhaitant que, ne serait-ce que pour des raisons psychologiques, il apparaisse bien que nous affichions ce choix comme une priorité pour notre pays.
L'argument psychologique est important : il faut que nos entreprises se sentent soutenues lorsqu'elles combattent, se sentent soutenues lorsqu'elles travaillent à l'étranger pour l'exportation. Il faut savoir séduire les étrangers qui seraient prêts à venir travailler avec nous et avec nos entreprises, qui seraient prêts à venir investir chez nous. Il faut afficher vis-à-vis de l'intérieur comme de l'extérieur une volonté de servir la compétitivité du pays. L'argument psychologique est essentiel. Affichons-le, à temps et à contre-temps !
S'agissant des dépenses - je réserve exprès les recettes pour la suite de mon propos -, il faut aussi afficher une volonté de servir la compétitivité du pays. Une réforme de l'Etat s'impose - il faut faire très vite -, qui mette les entreprises en situation de pouvoir s'exprimer et de jouer leurs atouts immédiatement.
Une réforme de l'Etat s'impose, oui. Comment comprendre, en effet, alors que la qualité de sa main-d'oeuvre est le principal atout que l'on reconnaisse à la France, que nous dépensions des moyens publics pour demander à ces Français, dont la principale qualité est de bien travailler, de travailler moins ? Comment voulez-vous faire croire à nos concurrents à travers le monde que nous voulons combattre si nous commençons par démobiliser nos propres troupes ? C'est absurde !
Nous devons marquer, au contraire, une volonté d'aller de l'avant. Cette volonté doit notamment s'afficher dans notre politique scientifique et de recherche. Elle doit également s'afficher dans notre présence sur les marchés et sur les théâtres mondiaux.
En ce qui concerne maintenant les recettes, il faut démanteler une grande partie de nos prélèvements obligatoires, notamment en matière d'impôt sur le revenu - vous vous engagez à le faire immédiatement -, mais cela vaut également pour l'ensemble des impôts qui frappent notre patrimoine.
Rappelons-nous que, lors du dernier débat budgétaire, nous avons eu une discussion presque sereine sur l'impôt de solidarité sur la fortune. Nous en sommes arrivés à l'idée que le pragmatisme pouvait, de temps en temps, dépasser l'idéologie et effectivement servir le pays mieux que l'idéologie. Revoyons donc l'ensemble des impôts qui frappent les entreprises : revenons sur l'impôt sur les sociétés, sur la taxe sur les salaires. Je n'entrerai pas davantage dans les détails, nous l'avons fait largement en d'autres temps, à cette tribune et dans cet hémicycle.
Pour conclure, je souhaite que le débat que vous inaugurez aujourd'hui et que vous vous engagez à poursuivre puisse être approfondi, qu'il soit un vrai débat sur la fiscalité et sur nos prélèvements obligatoires qui nous permette effectivement de servir la compétitivité de la France, globalement et psychologiquement, par toute une série de mesures, en dépenses comme en recettes. C'est alors que nous comprendrons que ce choix provocant que vous nous proposez aujourd'hui peut prendre toute sa signification ; c'est alors que nous pourrons regarder et préparer l'avenir avec confiance, cette confiance que nous avons toujours eue dans notre pays, cette confiance que nous avons dans la construction de l'Union européenne, cette confiance que, je pense, nous avons tous dans nos capacités et dans celles du nouveau gouvernement à aller de l'avant, à servir le pays et à servir les Français.
Monsieur le ministre, vous l'avez compris, notre groupe votera ce projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de saluer le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, M. Alain Lambert ; même si nous avons des opinions différentes, je voulais, au nom de mon groupe, lui adresser ce clin d'oeil.
Avec le projet de loi de finances rectificative aujourd'hui soumis à notre examen, le Gouvernement propose une diminution de 5 % de l'impôt sur le revenu qui viserait, selon nos ministre, à « traduire dans les faits ses promesses », à « passer à l'action » ou encore à « redonner le moral aux Français ».
A regarder d'un peu plus près cette mesure, ainsi que l'ensemble du collectif, on devine lesquelles de vos promesses seront tenues et quelle sera votre politique.
En effet, vous le savez, mes chers collègues, l'impôt sur le revenu concerne 53 % des foyers fiscaux. C'est donc à la moitié de nos concitoyens que cette mesure n'apportera rien. Pour les autres, pour l'ensemble des foyers redevables de l'impôt sur le revenu, rares sont ceux qui y gagneront, car 70 % des 2,55 milliards d'euros sur lesquels porte la diminution iront à 10 % des contribuables.
Selon les estimations des syndicats du ministère des finances, un célibataire disposant de 83 333 euros par an bénéficiera d'une remise de 1078 euros ; mais, le célibataire aux revenus proches du SMIC, disposant par exemple de 11 222 euros par an, empochera seulement 3 euros !
Ces trois euros, on le sait, seront vite absorbés par l'inflation, par l'augmentation des impôts locaux - qui n'est est qu'à ses débuts, à en juger par les propos de M. le rapporteur général, et s'élève déjà à 2 % en moyenne, soit 500 millions d'euros au titre de la taxe d'habitation -, ou encore par l'augmentation du prix de l'essence, après votre décision de mettre fin à la TIPP flottante.
La baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu est donc pour nous une injustice fiscale, et dans la majorité, on ne s'en cache d'ailleurs pas. Ainsi, Jacques Barrot déclare qu'il assume pleinement l'idée que cette baisse d'impôt profitera aux cadres supérieurs et aux professions hautement qualifiées, qui tirent l'économie française, et qu'il s'agit clairement d'un signal en direction des élites.
Pour notre part, nous pensons que la politique du Gouvernement doit soutenir la consommation populaire, car, avec l'investissement, elle est un pilier essentiel de la croissance. Nous l'avons dit, je le répète ici, il était possible de faire autre chose des 2,55 milliards d'euros ainsi mobilisés. Or, vos décisions ne vont pas dans ce sens.
Je note d'abord le refus d'accorder un coup de pouce supplémentaire au SMIC, qui concerne 2,7 millions de salariés. Je rappelle que, pour notre part, nous ne cessons de réclamer une augmentation significative du SMIC, qu'il conviendrait de porter à 1 372 euros, en même temps qu'une hausse des minima sociaux, qui touchent 3,4 millions de Françaises et de Français.
Je constate ensuite l'augmentation des cotisations de chômage, qui représente une perte de 500 millions d'euros pour les salariés et les chômeurs. Cette décision ne vous est certes pas directement imputable, messieurs les ministres, mais vous l'avez bien accueillie ; et vous n'avez pas dit un mot contre les responsables d'une telle majoration, les grandes entreprises, qui ainsi font payer les dégâts sociaux causés par leur logique financière, c'est-à-dire la vôtre.
Au contraire, vous vous apprêtez à leur faciliter la tâche en revenant sur certaines dispositions législatives contenues, par exemple, dans la loi de modernisation sociale : au lieu d'engager une politique de lutte contre les licenciements boursiers, vous proposez de les accompagner.
A cela il faut ajouter les hausses de tarifs dans les services publics : 3,68 % pour la carte Orange, sur votre initiative, pour ce qui est des transports parisiens ; 3,36 % pour France Télécom ; 1,8 % pour la SNCF... Et je n'évoquerai pas les reculades de ces derniers jours.
Tout cela n'est pas admissible.
Il s'agit de faire payer aux usagers - plus particulièrement aux petits utilisateurs - la politique de privatisation des « services publics » mise en oeuvre à l'échelle tant européenne que mondiale.
Les utilisateurs de France Télécom payent la déréglementation des télécommunications, qui a conduit l'opérateur à se comporter comme toutes les entreprises de ce secteur, l'amenant à un endettement record, sans amélioration du service, et à des licenciements.
Monsieur le ministre, vous voulez aller plus loin pour répondre aux attentes du monde de la finance, pour encourager celles et ceux qui font de l'argent avec l'argent. Dans un entretien que vous avez récemment accordé au journal Les Echos, vous affirmez d'ailleurs que l'industrie financière est « une industrie comme les autres », et vous poursuivez : « C'est aussi une industrie extraordinairement innovatrice. Elle est mal connue et mal aimée en France, alors qu'elle démontre à l'étranger sa contribution au développement de l'économie dans son ensemble. »
Vous le savez, monsieur le ministre, nous ne partageons pas cette opinion.
En effet, la contribution de l'industrie financière, c'est par exemple l'échec cuisant de la libéralisation du rail en Grande-Bretagne, qui a conduit à des accidents mortels à répétition, à des retards, à des fermetures de lignes, c'est le scandale de l'électricité en Californie ; c'est Enron et, aujourd'hui, WordCom ; c'est Vivendi et M. Messier. Est-ce cela que vous souhaitez ? Est-ce cette politique que vous voulez voir appliquée en France ?
C'est aussi, outre le refus de donner un coup de pouce supplémentaire au SMIC, le dispositif du prétendu soutien à l'emploi des jeunes, qui représente 650 millions d'euros d'exonérations de charges pour le patronat sans contrepartie en termes de formation ou de tutorat, et qui s'accompagne de la possibilité d'embaucher des personnes à mi-temps au SMIC sur des contrats à durée déterminée.
Nombreux sont ceux qui, dans vos rangs, souhaitent poursuivre rapidement cette baisse des charges, afin, disent-ils, de soutenir les bas salaires. Il est certain que la baisse des charges est un formidable encouragement au développement des bas salaires ! D'autres, vous le savez, privilégient la baisse d'impôts pour les plus riches et pour les entreprises.
Il y aurait débat, au sein de la majorité, entre ces deux options... En fait, il semble que le Gouvernement veuille réaliser les deux, comme en témoigne le projet de loi de finances rectificative.
Pour régler les questions d'équilibre budgétaire que cette politique ne manquera pas de poser, des solutions sont d'ores et déjà proposées.
Il est d'abord question d'effectuer des coupes claires dans les budgets publics. Elles ont déjà commencé : les annulations de crédits, par exemple, explosent.
M. Jean Chérioux. Belle image !
M. Thierry Foucaud. De même vont disparaître de nombreux services assumés par l'Etat, dans la mesure où le Gouvernement veut réaliser des coupes claires dans le budget de la fonction publique.
Les annonces en ce domaine me paraissaient hésitantes ; mais, aujourd'hui, les propos de M. le rapporteur général sont clairs et confirment ceux qu'il a tenus lors de la réunion de la commission des finances, le 24 juillet dernier, quand il indiquait la possibilité de remplacer moins de deux fonctionnaires partant à la retraite sur trois. Il est vrai que nous condamnions déjà cela lors de l'examen de la loi de finances pour 2002.
Contrairement à vous, nous pensons qu'il faut des éducateurs, des assistantes sociales et des médiateurs pour venir en aide à celles et à ceux qui sont brisés et sans repère, des enseignants et des professeurs, notamment dans les filières professionnelles, afin que chaque jeune ait un parcours scolaire de réussite.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Et plus d'impôts !
M. Thierry Foucaud. Il faut encore des policiers et des gendarmes, car les quelque 13 500 postes que vous proposez représentent moins d'un policier ou d'un gendarme supplémentaire par commune. Il n'y a pas là de quoi pavoiser, surtout que la voie spectaculairement répressive que vous empruntez ne résoudra pas les problèmes au fond !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Laissez les policiers et les gendarmes travailler !
M. Thierry Foucaud. Il faut également davantage de médecins, d'infirmières et d'aides-soignants dans les hôpitaux publics, afin d'améliorer la prise en charge des malades et les conditions de travail des personnels soignants. Or on apprend que l'enveloppe destinée à l'embauche de 1 000 médecins sera utilisée pour le paiement des heures supplémentaires, la RTT pour les personnels soignants dans les hôpitaux étant, quant à elle, remise en cause.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Merci les 35 heures ! Merci madame Aubry !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. On manque de médecins ! M. Thierry Foucaud. L'autre source d'économie pour l'Etat réside dans la limitation de ses dépenses d'investissement, notamment par le transfert de nouvelles charges aux collectivités locales.
Ce n'est pas un transfert de compétences qui réglera la question : il faut avant tout des moyens. Rien n'est dit à ce propos, et certains élus locaux s'inquiètent.
A ce sujet, mes chers collègues, vous qui prétendez défendre les collectivités locales, je vous trouve bien silencieux, à l'exception de M. le rapporteur général, qui vient d'indiquer encore à l'instant qu'il fallait augmenter les impôts locaux. Pas un seul d'entre vous, messieurs de la majorité sénatoriale, ne s'est ému lorsque M. Sarkozy a annoncé comment il comptait mettre en oeuvre son programme d'équipement inscrit dans le projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure. Ce sont pourtant les collectivités locales qui vont payer ! Pas une seule voix non plus, parmi vous, pour dénoncer la prise en charge des équipements des hôpitaux par les régions, et j'en passe !
Le collectif budgétaire et les textes qui figurent à l'ordre du jour de la présente session extraordinaire n'apportent pas de solution aux problèmes les plus urgents des Français, qui sont le pouvoir d'achat, le chômage, la précarité, la pauvreté, l'accès à la santé et les retraites, au moment même où vous remettez en cause le système solidaire.
M. Alain Vasselle. Triste bilan pour la gauche !
M. Thierry Foucaud. Au contraire, ils portent « de rudes coups aux défavorisés, au monde du travail », comme l'a souligné la présidente du groupe communiste républicain et citoyen, Nicole Borvo, au cours du débat qui a suivi la déclaration de politique générale de M. le Premier ministre, le 4 juillet dernier.
Nous vous proposerons d'autres options pour ce collectif budgétaire, options qui permettront d'augmenter le pouvoir d'achat du plus grand nombre, de donner des moyens aux collectivités locales, de lutter contre la spéculation financière et de favoriser l'investissement, qu'il soit public ou privé ; et, s'il conserve l'orientation que je viens de dénoncer, nous voterons bien sûr contre le projet de loi de finances rectificative pour 2002. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quinze heures.)

M. le président. La séance est reprise.

3

CANDIDATURES A` UN ORGANISME
EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président. J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation des sénateurs appelés à siéger au sein de trois organismes extraparlementaires en remplacement de M. Alain Joyandet, élu député :
- le comité central d'enquête sur le coût et le rendement des services publics ;
- le comité de surveillance de la caisse d'amortissement de la dette sociale ;
- le conseil de surveillance du fonds de réserve pour les retraites.
Conformément à l'article 9 du règlement, j'invite la commission des finances à présenter des candidatures. Les nominations dans ces organismes auront lieu ultérieurement, dans les conditions prévues à l'article 9 du règlement.
Par ailleurs, la commission des finances a proposé les candidatures :
- de M. Philippe Marini pour siéger à la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, en remplacement de M. Alain Lambert, nommé membre du Gouvernement ;
- de M. Paul Loridant pour siéger à l'Observatoire de la sécurité des cartes de paiement.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

4

LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2002
Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi (n° 367, 2001-2002) de finances rectificative pour 2002, adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 372 (2001-2002)].
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Gérard Miquel.
M. Gérard Miquel. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous allons débattre du premier texte financier de cette nouvelle législature.
Dans la situation d'opposants, les commissaires socialistes des finances ont le privilège de bien vous connaître, monsieur le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire ! En effet, avant votre entrée au Gouvernement, vous présidiez la commission des finances du Sénat. Bien se connaître permet sûrement de mieux se comprendre. Je suis persuadé que nous saurons, monsieur le ministre, en tirer un avantage partagé et conserver des relations courtoises, malgré nos divergences d'idées.
J'en viens maintenant à ce qui nous réunit : l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2002.
J'ai le regret de vous dire, messieurs les ministres, que le texte que vous nous soumettez ne nous convient pas. Vous n'en serez pas surpris !
D'une part, les évaluations de recettes et de dépenses sur lesquelles est fondé le solde du collectif budgétaire ne sont visiblement pas sincères. D'autre part, le projet de loi contient une mesure fiscale parfaitement injuste envers les Français les plus modestes.
Monsieur le ministre délégué au budget, avec ce collectif, vous commettez une véritable attaque contre le principe de sincérité budgétaire.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Oh !
M. Gérard Miquel. Et dire que vous étiez un adepte de ce beau principe !
M. Jean Chérioux. Vous êtes bien placé pour en parler !
M. Gérard Miquel. Je pense que oui, mon cher collègue !
M. Jean Chérioux. C'est incroyable !
M. Gérard Miquel. Les mobiles de la manoeuvre sont évidents : toutes vos manoeuvres aboutissent, comme par enchantement, à charger la barque de la gestion du gouvernement précédent.
Le coup du bilan procure à la droite un triple avantage : elle attaque au passage son adversaire politique ; elle prépare le renoncement à ses engagements, pour cause, bien évidemment, de caisses vides ; enfin - et ce n'est pas le moins intéressant - elle se ménage de la sorte des marges de manoeuvre considérables. En effet, plus le déficit est élevé et plus il est facile de ne pas l'aggraver, surtout si, pour une bonne part, le déficit ainsi affiché est artificiel !
La manière avec laquelle vous réussissez - et avec quelle ampleur ! - à noircir les finances de l'Etat révèle le grand technicien budgétaire que vous êtes, monsieur le ministre délégué au budget.
Ainsi, pour grossir le déficit de l'Etat, le Gouvernement retient systématiquement les prévisions les plus pessimistes de l'audit des finances publiques réalisé par MM. Nasse et Bonnet.
Par honnêteté, devant la difficulté de leur tâche, les auditeurs ont présenté chacune de leurs prévisions dans le cadre d'une fourchette. Par malignité, le Gouvernement pointe toujours l'extrémité de la fourchette, ce qui lui permet de grossir le déficit. Toutefois, pour les auditeurs, les deux extrêmes de la fourchette sont, bien sûr, tout aussi fiables.
Le Gouvernement justifie son choix en le présentant comme une mesure de sage précaution. Il n'était dès lors nullement besoin d'un audit : autant fixer arbitrairement le déficit de l'Etat à 100 milliards d'euros pour ne pas avoir de mauvaise surprise par la suite !
En outre, il semble que le Gouvernement ait la prudence sélective. Il prévoit, pour le budget de 2003, un taux de croissance de 3 %, alors que tous les économistes affirment que la croissance sera inférieure à ce chiffre.
Toutefois, je me félicite de la prévision retenue par le Gouvernement, car elle sonne comme un vibrant hommage à la qualité du pilotage économique de l'ancienne majorité !
L'INSEE prévoit, d'ailleurs, que la croissance française sera de 1,4 % en 2002, contre 1 % seulement pour la zone euro, et je me permets, mes chers collègues, de vous rappeler que, de 1993 à 1997, la France a fait en moyenne moins bien que ses partenaires européens. Je reviens aux artifices budgétaires employés par le Gouvernement pour accroître le déficit.
L'Etat paraît subitement très généreux, mais que les Français y prennent garde, ils n'y gagnent rien, puisqu'il s'agit de dépenses fictives. En effet, toutes ces dépenses ne servent qu'à diminuer le déficit des organismes sociaux. L'Etat distribue ses crédits et se prive de nombre de ses recettes. On n'a jamais vu l'Etat aussi généreux, mais, croyez-moi, il le sera moins dans les cinq années à venir !
Ainsi, l'Etat rembourse rien moins que 2,4 milliards d'euros de dettes, pour l'essentiel au bénéfice d'organismes sociaux. Pour une bonne part, ces dernières semblent opportunément sortir des boîtes à archives de Bercy : voilà que réapparaissent 1,81 milliard d'euros de dettes antérieures à 2002 !
La manoeuvre est habile, monsieur le ministre délégué au budget, car elle vous permet de noircir les comptes publics les plus symboliques - ceux de l'Etat - sans dégrader le déficit public. En effet, ces 2,4 milliards d'euros de dépenses de l'Etat constituent autant de recettes pour les organismes sociaux. Dépenses et recettes se compensant, le déficit public ne se détériore pas. Or, c'est uniquement ce dernier qui intéresse Bruxelles. La partie est, apparemment, très bien jouée !
On note aussi que certaines dépenses sont majorées par rapport à l'évaluation de l'audit. C'est le cas des dépenses affectées au RMI et à l'allocation aux adultes handicapés, qui passent de 740 millions d'euros à 850 millions d'euros. Les bénéficiaires de ces allocations percevront-ils les 110 millions d'euros d'augmentation ?
Les crédits du ministère de la défense sont, quant à eux, majorés de 900 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale. Est-ce nécessaire puisque l'on sait par avance qu'ils seront non pas consommés mais reportés sur 2003 ? Je rappelle qu'en 2001 la sous-consommation des crédits de la défense représentait 1,9 milliard d'euros. C'est donc une marge de 900 millions d'euros qui est dégagée pour 2003.
Par ailleurs, les crédits pour la charge de la dette progressent de 700 millions d'euros. Dans un premier temps, le déficit est surévalué, ce qui nécessite plus de crédits pour payer la charge de la dette. Logique, me direz-vous, mais, en fin de compte, ces crédits supplémentaires conduisent à constater un déficit encore plus important ! Bravo, monsieur le ministre délégué au budget, c'est du grand art !
Enfin, toujours pour faire « exploser » le déficit que vous imputez à la gauche, le collectif n'annule aucun crédit. C'est plutôt surprenant quand on sait que l'audit évaluait les économies réalisables à 3,4 milliards d'euros ! Comment le Gouvernement peut-il prétendre que le collectif ne fait que « traduire les évaluations proposées par les auditeurs » ?
Monsieur le ministre délégué au budget, devant la commission des finances vous avez déclaré que « le volet dépenses du collectif ne traduit aucune priorité politique ». C'est exact : votre priorité n'est pas politique, elle est plutôt politicienne !
Comme je le soulignais précédemment, face à cette hémorragie de dépenses fictives, le Gouvernement supprime un « bon paquet » de recettes fiscales et non fiscales.
Il renonce ainsi à une créance de 1,2 milliard d'euros sur l'UNEDIC. Ce sacrifice est courageux et sûrement justifié au fond. Ce qui l'est moins, c'est de le mettre sur le compte de la gestion précédente tout en s'en appropriant la paternité !
Relevons aussi le coût de l'amnistie, qui s'élève à 270 millions d'euros, et la diminution, à hauteur de 1,4 milliard d'euros, des dividendes versés par les entreprises publiques. Les dividendes que l'on se refuse dans ce collectif serviront sûrement en 2003.
En revanche, le Gouvernement n'hésite pas à ponctionner de 161 millions d'euros les caisses de la mutualité sociale agricole, brutalement et sans aucune concertation. Son discours sur le dialogue social est beau, mais ses agissements le sont nettement moins !
Ce prélèvement est injuste, car il pénalise les caisses les mieux gérées. Sera-t-il le dernier ? Comment faire confiance au Gouvernement après un tel comportement ?
Les évaluations de recettes fiscales sont revues à la baisse pour 5,37 milliards d'euros, alors que l'audit prévoyait une fourchette de 3,7 milliards d'euros à 5,4 milliards d'euros. N'aurait-il pas été plus sincère de retenir le milieu de la fourchette ?
L'Etat renonce en plus à 2,55 milliards d'euros de recettes fiscales au titre de la réduction de l'impôt sur le revenu. Si les finances laissées par la majorité précédente étaient aussi dégradées que le Gouvernement veut le laisser croire, il ne renoncerait sûrement pas à 2,5 milliards d'euros de recettes fiscales, sauf à être irresponsable. Alors, irresponsabilité ou tromperie ?
M. Jean Chérioux. C'est de vous que vous parlez ?
M. Gérard Miquel. Etait-il par ailleurs nécessaire d'examiner dans l'urgence deux projets de loi d'orientation et de programmation, l'un pour la justice, l'autre pour la sécurité intérieure, alors qu'aucune inscription de crédits correspondante ne figure dans le collectif ?
La baisse de l'impôt sur le revenu prive les services publics de moyens financiers, ce qui est déjà inquiétant, mais ce n'est pas là que réside, à nos yeux, son aspect le plus contestable. C'est avant tout une profonde injustice sociale.
Le groupe socialiste n'est pas par principe opposé à la baisse de l'impôt sur le revenu. Il l'a montré dans le passé et il le montrera à nouveau lors de l'examen des articles. Cependant, il ne peut souscrire aux modalités retenues, tant elles sont injustes pour les Français les plus modestes.
En effet, 1 % des foyers fiscaux bénéficieront à eux seuls de 30 % de la baisse de 2,55 milliards d'euros, 10 % des foyers fiscaux se partageant 70 % de celle-ci. Est-ce là la conception de la justice fiscale et sociale à droite ?
La moitié des Français les plus modestes ne gagnent absolument rien avec votre mesure fiscale !
En revanche, les rares simulations fournies par le Gouvernement - à croire qu'il a la réforme honteuse ! - permettent de constater qu'un célibataire sans enfant économisera 169 euros s'il dispose d'un revenu imposable de 20 000 euros, soit le revenu d'un cadre moyen, et 570 euros s'il dispose d'un revenu de 40 000 euros, soit le revenu d'un cadre supérieur ou d'un médecin. Pour un revenu deux fois supérieur, le gain est trois fois et demie plus important ! Il n'y a pas de quoi être fier de telles propositions !
M. François Marc. Sûrement pas !
M. Gérard Miquel. Vous nous dites, monsieur le ministre, que l'économie d'impôt sera de 169 euros en moyenne, mais de combien sera-t-elle pour le 1 % de foyers fiscaux les plus aisés ? Probablement de l'ordre de 2 450 euros, mes chers collègues ! Si M. le ministre pouvait nous donner le chiffre de Bercy, nous lui en serions très reconnaissants.
M. Gérard Delfau. C'est un minimum ! M. Gérard Miquel. Selon le Gouvernement, la réduction d'impôt prévue ne modifiera pas la progressivité de l'impôt sur le revenu. Soit ! Mais il est tout aussi exact qu'elle atténuera la progressivité de l'ensemble du système français de prélèvements obligatoires. C'est logique, puisque vous diminuez le poids relatif du seul impôt progressif !
Si la baisse de 30 % à laquelle s'est engagé le chef de l'Etat revêt les mêmes modalités que cette année, les 312 000 contribuables les plus aisés devraient économiser 4,5 milliards d'euros en 2007. Je dis bien : « devraient », car nous ne disposons là non plus d'aucun chiffre officiel ! Dans le même temps, l'ISF rapporte 2,7 milliards d'euros par an. Je vous laisse conclure, mes chers collègues : d'un côté, 4,5 milliards d'euros, et de l'autre, seulement 2,7 milliards !...
En 1986, l'impôt de solidarité sur la fortune, de 2002 à 2007, l'impôt sur le revenu ! La route tourne à droite et la pente est glissante. Cette mesure fiscale n'est-elle pas quelque peu clientéliste ? (Eh oui ! sur les travées socialistes.) Le « rabais sur facture », comme vous l'appelez, est un beau geste commercial envers la « France perchée »... mais pas envers la « France d'en bas » ! Il est vrai qu'il faut rendre le travail plus attractif pour ceux qui gagnent cent euros de l'heure, alors que ceux qui gagnent sept euros de l'heure n'ont pas besoin d'être encouragés ! (Très bien ! sur les travées socialistes.)
Le Gouvernement prétend qu'il est impossible de réduire l'impôt de ceux qui n'en payent pas. Mais la prime pour l'emploi n'a-t-elle pas justement été créée pour pallier cette difficulté ? En outre, la TVA n'est-elle pas acquittée par tout le monde ? Et la taxe d'habitation ? Vous pouviez baisser l'un ou l'autre de ces impôts !
La réduction de l'impôt sur le revenu proposée par le Gouvernement est socialement injuste, nous l'avons constaté, mais elle est aussi économiquement inefficace et financièrement inopportune.
Elle est économiquement inefficace, car le surplus de revenu ainsi distribué ira gonfler l'épargne des plus aisés et ne profitera pas à la consommation.
Par ailleurs, selon le Gouvernement, la croissance serait déjà en voie d'atteindre 2,5 % et s'élèverait à 3 % en 2003. Dès lors, sa volonté de soutenir l'activité économique apparaît particulièrement incohérente avec ses estimations. La mesure serait procyclique et donc contre-productive.
La réduction de l'impôt sur le revenu est financièrement inopportune. Apparemment, tout le monde le conçoit... excepté M. le rapporteur général. (M. le rapporteur général s'étonne.) Ce dernier souligne sans cesse, dans son rapport, la dégradation des finances publiques ; dans ce même rapport, il qualifie d'opportune une dépense fiscale de 2,55 milliards d'euros. Quelle incohérence, une fois de plus, mes chers collègues ! L'aveuglement idéologique l'emporte clairement sur la raison ! (M. le rapporteur général sourit.)
En outre, ce que le Gouvernement donne de la main droite aux plus aisés, par la réduction de l'impôt sur le revenu, il le reprend de la main gauche à tout le monde : c'est cela, la revanche sociale !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je répondrai tout à l'heure !
M. Gérard Miquel. Il refuse d'augmenter la prime pour l'emploi et de donner un coup de pouce au SMIC, mais il accepte la hausse des tarifs publics et décide un alourdissement des taxes sur l'essence, à hauteur de plus de un milliard d'euros, paraît-il.
La politique fiscale et sociale du Gouvernement a commencé de susciter un émoi sensible dans la presse, qui n'est pourtant pas toujours progressiste.
M. François Marc. Eh oui !
M. Gérard Miquel. Au sein même de la majorité, certains commencent à craindre les conséquences politiques de cette régression sociale. MM. Barrot, Méhaignerie et Paillé semblent les plus inquiets. Il y a effectivement de quoi avoir peur !
M. François Marc. Très bien !
M. Gérard Miquel. Monsieur le ministre, confirmez-vous les propos que vous avez tenus à l'Assemblée nationale s'agissant du report d'au moins un an des dates limites de prise de décisions, pour les communes, les communautés de communes et les syndicats mixtes, en ce qui concerne le mode de perception de la redevance ou de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères ?
M. Jean-Pierre Demerliat. Très bien !
M. Gérard Miquel. Mes chers collègues, vous l'aurez compris, le groupe socialiste ne votera pas en l'état le projet de loi de finances rectificative, car il nous semble représenter une régression. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'exercice traditionnel qu'est l'examen du projet de loi de finances rectificative revêt cette année un intérêt particulier. Le nouveau Premier ministre a voulu inscrire dans les choix budgétaires à la fois la rupture avec la politique du précédent gouvernement et l'affirmation de ses nouvelles priorités. C'est de bonne guerre, et nous abordons ce débat sans a priori.
Cependant, ces choix ne sont pas faits en circuit fermé et dans un contexte international neutre : suivant l'état actuel et prévisible de l'économie mondiale, telle orientation peut se révéler à terme bénéfique et donc bienvenue ou franchement catastrophique, à la façon dont le gouvernement Juppé cassa une faible croissance en 1995.
M. Bernard Angels. Eh oui !
M. Gérard Delfau. Où en sommes-nous aujourd'hui ? Malgré des taux d'intérêt historiquement très bas et des baisses massives d'impôt sur le revenu aux Etats-Unis, les experts constatent le marasme persistant de l'économie américaine, qui retentit sur notre continent. Plus grave, le capitalisme boursier connaît une crise de grande ampleur - faut-il parler de krach rampant ? - pour des raisons structurelles : bulle spéculative et trucage à grande échelle des résultats des sociétés minent la confiance.
Tout laisse à penser que, sauf revirement rapide à la bourse, la situation des fonds de pension provoquera un réveil brutal et douloureux des petits et moyens épargnants, à qui l'on est en train de voler le financement de leur retraite. Pour faire bonne mesure, ajoutons le manque de crédibilité du président Bush, le poids de la guerre au Proche-Orient, l'insuffisante autorité d'une Union européenne dont le proche avenir est obscur : autant de facteurs qui devraient inciter le Gouvernement à une grande prudence et à la mise en oeuvre d'une politique de large rassemblement, afin de conforter la confiance des ménages.
Or qu'y a-t-il dans votre collectif budgétaire ? Une mesure-phare, la baisse forfaitaire de 5 % de l'impôt sur le revenu. Seuls les idéologues et la droite conservatrice prétendent encore qu'elle influera durablement sur le niveau de la croissance. Tous les bons experts économiques affirment au contraire, messieurs les ministres, que le surplus de liquidités donné aux catégories aisées sera investi dans une épargne de confort et non dans la consommation immédiate de biens et de services. L'incertitude des temps vient accréditer encore davantage cette analyse classique, confortée par l'expérience américaine depuis vingt-cinq ans. Avouez donc la vérité : vous voulez gratifier la « France d'en haut », celle des riches, disions-nous jusqu'à présent. Assumez donc ce rôle, au lieu de vouloir donner le change !
Cela est d'autant plus souhaitable que ce choix aléatoire est fait au travers d'un texte qui dénonce par ailleurs l'ampleur de la dette de la France et « épingle » de supposés dérapages en termes de finances publiques, en les mettant à la charge du précédent gouvernement.
Certes, je n'irai pas jusqu'à dire que la rigueur la plus extrême a régné en matière de dépense publique au cours de l'année écoulée ! Mais quel gouvernement n'a pas cédé à une certaine facilité en pareille occurrence ? Vous souvenez-vous de l'« ardoise » du gouvernement de M. Balladur, dénoncée par M. Juppé ?
D'ailleurs, l'audit ne révèle rien que nous ne sachions déjà. La vraie question est celle-ci : si l'état des finances de la France est si dégradé, est-il judicieux - orthodoxe, devrais-je dire - de décider une baisse de l'impôt sur le revenu étalée sur cinq ans et prenant effet dès cet automne ? Cet objectif sera difficile à atteindre en bonne économie, à moins que cette présentation du budget ne soit un trompe-l'oeil, qu'elle soit insincère et que vous ayez décidé, sans le dire, de faire supporter aux salariés le poids supplémentaire du prélèvement qui permettra de rééquilibrer les comptes. Car il faut rééquilibrer les comptes, monsieur le ministre !
M. François Marc. Eh oui !
M. Gérard Delfau. Prendre à ceux qui ont peu ou rien pour donner à ceux qui vivent bien, tel est le ressort secret, inavoué, de votre politique. A cet égard, votre refus d'accorder un coup de pouce au SMIC au 1er juillet avait été une première indication. Dans votre projet de loi, la même orientation se confirme avec l'absence de toute mesure en faveur des bénéficiaires de petits et moyens revenus, du RMI, de l'allocation aux adultes handicapés, etc.
A contrario, la suppression de la modulation de la taxe sur les produits pétroliers est une aubaine - et quelle aubaine ! - pour le budget général.
Là-dessus se greffe le feuilleton de l'été, celui des hausses à répétition des tarifs des entreprises publiques : la SNCF, qui anticipe l'augmentation de ses tarifs ; France Télécom, qui accroît le prix de l'abonnement, c'est-à-dire la partie fixe, qui pèse lourdement sur les abonnés les moins fortunés. Monsieur le ministre, vous aviez également envisagé la hausse du prix du timbre et celle des tarifs d'EDF et de GDF, et voilà que, par un tour de passe-passe médiatique, le Premier ministre vous désavoue et vole, selon ses dires, au secours des classes populaires. Qui sera dupe ? C'est un pur effet d'annonce ! Ces augmentations ne sont que différées ! C'est bien là le problème : EDF et La Poste ont besoin d'une augmentation de leurs tarifs pour tenir leur place dans le monde, et les sacrifier sur l'autel de la baisse de l'impôt sur le revenu est une mauvaise action au regard de la concurrence internationale et du coût de l'accomplissement de leurs missions de service public. Je présenterai un amendement visant à concilier le maintien de tarifs modérés pour les classes populaires et le financement de l'action de ces entreprises en matière d'aménagement du territoire.
M. Jean-Pierre Masseret. Très bien !
M. Gérard Delfau. Reste un dernier sujet que je veux évoquer maintenant, n'ayant pas la possibilité de le traiter dans le cadre de l'examen du collectif budgétaire : celui de l'insuffisance des crédits alloués au titre de la dotation globale d'équipement pour financer, dans mon département, les projets de construction ou de rénovation des écoles du premier degré. Pourtant, il s'agit là d'une priorité ! La forte croissance démographique a déséquilibré le système : la réalisation de certains projets a dû être ajournée et le montant de la contribution de l'Etat ne cesse de baisser. C'est une situation inacceptable qu'il faudra corriger à tout prix lors de la discussion du prochain projet de loi de finances. Cela étant, je sais, monsieur le ministre, que, tout comme le ministre de l'intérieur, vous serez sensible à cette préoccupation. Je reviendrai à la charge cet automne.
Ma conclusion ne vous étonnera pas : les sénateurs radicaux de gauche voteront contre votre projet de collectif budgétaire, parce qu'il est dangereux économiquement et qu'il est trop inégalitaire. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Charles Guené.
M. Charles Guené. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la loi de finances rectificative doit permettre de corriger certains errements, tout en confirmant les directions essentielles des engagements pris. Ce collectif est particulier par l'étendue de son action réparatrice et l'amplitude du cap à rétablir, tant la dérive de nos prédécesseurs fut sensible.
Nous avons pris toute la mesure de cette rupture, messieurs les ministres. Celle-ci est technique, mais aussi philosophique. Elle relève donc d'une démarche de vérité, de courage dans l'analyse et dans l'action.
A cet égard, croyez bien que la plupart d'entre nous ont le sentiment fort de nous voir entrer enfin dans le XXIe siècle, et soyez assurés que nous apprécions ces instants à leur juste valeur.
Sans vouloir établir de hiérarchie particulière, je dirai quelques mots des corrections apportées par le collectif, mais aussi de cette volonté plus profonde qui allie lucidité et courage politique. J'aborderai donc plusieurs points.
Nos concitoyens ont désormais parfaitement pris la mesure du défi démographique auquel est confronté notre pays. L'affirmation forte de cette donnée pertinente, qui date pourtant et n'a échappé qu'à nos seuls adversaires, donne une tout autre dimension à la nécessité des équilibres budgétaires.
Il s'agit là de l'avenir des générations montantes, et le plus élémentaire des calculs indique que les effets d'un déficit récurrent peuvent être multipliés par la conjonction d'un fléchissement éventuel de la croissance et d'une baisse de la démographie.
En construisant un cadre durable pour notre jeunesse, dans lequel nous aurons réduit les engagements financiers, nous redonnerons du sens à notre société, dans une France rassemblée dans l'effort, en vue d'un partage raisonné de ses fruits, mais aussi attractive.
Sur un plan plus pratique, vous avez dû compenser les dérapages qui ont été délibérément et inconsidérément consentis, ainsi que ceux qui correspondent aux postes ayant été utilisés depuis des années comme variables d'ajustement.
A cet égard, je ne peux passer sous silence le problème des mesures prises en faveur du budget annexe des prestations sociales agricoles, lequel se trouvait considérablement dégradé, avec des effets sur les réserves des caisses de la profession.
Je n'ignore pas qu'à la suite de nos contacts multiples vous avez limité au minimum la ponction, qui représente tout de même 161 millions d'euros. Il n'en reste pas moins que le monde agricole, déjà très perturbé par une mutation profonde, en est fortement affecté. Le procédé ne peut être pérennisé à ce niveau, et, surtout, sans une négociation globale.
Cette mesure de sauvetage, dont le précédent gouvernement vous a laissé le soin, monsieur le ministre, nécessite de prévoir pour l'avenir des mesures fortes, efficaces et durables, que tous les acteurs concernés appellent de leurs voeux.
Nous savons que ce collectif ne pouvait prendre que des mesures transitoires, mais nous ne doutons pas un instant que, le moment venu, vous donnerez des assurances à nos agriculteurs. Vous avez déjà commencé à le faire à cette tribune ce matin.
Au-delà du soutien naturel que nous vous apportons, je souhaite attirer votre attention sur la vigilance particulière des collectivités locales, au regard du gel de certains crédits, qui vous est imposé.
Elles souhaitent, bien sûr, que les reports ne soient pas préjudiciables aux investissements nécessaires au maillage du territoire, mais, sur le plan des principes, et vous savez que ce problème est cher au Sénat, elles attendent un signe fort quant à la mise en oeuvre de la péréquation au niveau des finances locales.
En effet, si aujourd'hui la réduction des écarts de ressources entre les collectivités locales, en fonction de leurs disparités de richesses et de charges, n'est pas précisément à l'ordre du jour, il paraît primordial que soit donné suite à la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire qui prévoyait la mise en place d'un observatoire, ainsi que des outils de la péréquation, en vue de la rendre effective pour 2010.
Je crois fortement, comme nombre de mes collègues, que les orientations nouvelles vers une plus grande autonomie fiscale des collectivités locales, et de l'innovation en termes de transfert de compétences, ne peuvent être déconnectées de la problématique de la péréquation, au risque d'accentuer l'émergence d'une France à deux vitesse.
Messieurs les ministres, je vous remercie de l'attention que vous porterez à ces objectifs, et de votre détermination à les atteindre.
Le dispositif que vous présentez comporte la première part de la réduction d'impôts promise par le Président de la République. Il répond à l'exigence d'une baisse de la pression fiscale.
Croyez bien que ce signe est ressenti par chacun de nous comme le signe non seulement du respect des engagements, mais aussi d'une orientation forte et légitime vers la société à laquelle nous aspirons, celle qui responsabilise et qui libère les forces du travail, et par là même les initiatives.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Charles Guené. J'ajouterai que nous sommes séduits par la limpidité des mécanismes, n'en déplaise aux adeptes des usines à gaz... Le fiscaliste que je suis a d'ailleurs du mal à comprendre que ceux qui apprécient la progressivité de l'impôt comme représentative de l'égalité dans l'effort ne puissent, à l'inverse, admettre une dégressivité découlant de la même logique mathématique, aussi simple soit elle !
Je vous dirai, ici, la satisfaction qui a été la nôtre lorsque nous avons constaté la lisibilité pour nos concitoyens de ces modalités, dont le choix et l'équité n'ont d'ailleurs pas été significativement contestés.
M. Gérard Delfau. Ça alors !
M. Charles Guené. Enfin, si vous me le permettez, monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur un problème pratique, pour lequel j'avais souhaité déposer un amendement que seule l'urgence du moment m'a conduit à retirer. Néanmoins, je me satisferais, comme de nombreux élus de notre pays, d'un engagement de votre part devant notre Haute Assemblée.
Il s'agit de la demande de report d'une nouvelle année encore, au moins, soit jusqu'au 1er juillet 2003, de la faculté d'instituer une redevance ou une taxe d'enlèvement des ordures ménagères par les syndicats compétents, et corrélativement par les communes membres qui en assurent le prélèvement et qui en seraient ipso facto privées aux termes du texte en vigueur.
Si les motivations profondes pour harmoniser les systèmes de collecte et de traitement sont parfaitement louables, elles se heurtent parfois à des problèmes techniques, notamment en zones rurales, et, surtout, elles se doublent d'une difficulté que le législateur n'a pas toujours parfaitement appréciée : l'unification des modalités financières de la redevance, qui sont complexes et varient d'un village à l'autre.
Pour des raisons techniques, on ne peut attendre l'examen du projet de loi de finances pour aborder le sujet. Comme vous le savez, les incidences budgétaires d'une telle disposition sont nulles. Aussi conviendrait-il, à cet égard, que vous preniez dès aujourd'hui l'engagement de modifier dans ce sens, pour une année au moins, le II de l'article 1639 A du code général des impôts, dans le cadre de modalités à intervenir, afin d'éviter des réactions explosives en chaîne dans nos campagnes durant l'année 2003, tant ce problème est sensible. Je vous remercie de l'attention que vous accordez à ce sujet, plus important qu'il n'y paraît à première vue. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Gérard Braun. Très bien !
M. Charles Guené. Cette digression, d'un intérêt budgétaire dont vous ne disconviendrez pas, étant faite, je souhaiterais, pour terminer mon propos, vous réitérer l'entier soutien de notre groupe, dans l'action d'envergure qui est la vôtre. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Sénat est, vous le savez, une maison où règnent traditionnellement la convivialité, la courtoisie et aussi, bien souvent, une certaine stabilité s'agissant des acteurs. Les débats y sont sincères et de bonne tenue pour la raison simple que, à force de travailler ensemble, nous finissons par bien nous connaître et par nous apprécier les uns les autres, sans toutefois perdre de vue nos différences.
Aussi, la présence dans notre hémicycle de M. Alain Lambert au banc des ministres ne bouscule pas nos habitudes tant nous avions coutume de le voir à quelques places de celle qu'il occupe aujourd'hui. Je me souviens, cher Alain Lambert, de nos échanges cordiaux lors des discussions budgétaires depuis 1997, de nos fréquentes différences de points de vue, de vos diatribes répétées contre les dépenses, pour la baisse des charges et des impôts. Je me souviens aussi de votre humour, qui n'effaçait en rien votre détermination. Je m'étais ouvert à certains d'entre vous, en particulier à M. le rapporteur général, de la difficulté que vous auriez à tenir le même discours à la tête du ministère du budget. Or, force est de constater que le discours n'a pas varié.
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. Bernard Angels. Mais, au-delà des mots, monsieur le ministre, les responsables politiques, les ministres en particulier, sont avant tout jugés sur des actes. Que ne nous auriez-vous pas dit, cher Alain Lambert, si le gouvernement précédent avait engagé une augmentation de moitié de son déficit budgétaire et une hausse de ses dépenses supérieure à la progression autorisée sur trois ans !
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Bernard Angels. Que ne nous auriez-vous pas dit s'il avait volontairement aggravé les résultats économiques de notre pays...
M. Alain Vasselle. C'est vous qui avez laissé l'ardoise !
M. Hilaire Flandre. C'est de l'amnésie !
M. Bernard Angels. ... dans le seul but de constituer ce que, en d'autres temps, M. le rapporteur général et vous-même appeliez, sans ambages, une cagnotte ! Vous nous auriez probablement asséné l'un de vos fameux sermons, courtois mais sévère, et vous auriez sûrement eu raison.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Bernard Angels. Pourtant, derrière les annonces grandiloquentes et les chiffres de façade, c'est très exactement ce que vous avez fait à peine arrivé au Gouvernement. A force de gymnastique budgétaire, vous avez participé, vous le héraut de la rigueur et de la transparence, à une mystification dangereuse sur la situation réelle des comptes publics, et ce pour une simple raison : tenir les promesses intenables du candidat Chirac !
M. Alain Vasselle. Pourquoi intenables ?
Mme Marie-Claude Beaudeau. A coeur vaillant, rien d'impossible !
M. Bernard Angels. Vos échanges de vues, largement relayés par la presse, avec M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, présent à vos côtés au banc des ministres, vos hésitations, vos revirements et vos dénégations successives traduisent bien votre malaise et vos difficultés à mettre en application une politique qui n'est pas la vôtre, avec une méthode qui n'est pas la vôtre, une politique et une méthode que vous condamniez voilà quelques mois encore ! (« Très bien ! » sur les travées socialistes.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. N'exagérons rien !
M. Alain Lambert, ministre délégué. Monsieur Angels, je répondrai tout à l'heure !
M. Bernard Angels. Eh bien, cet Alain Lambert là nous manque : vertueux, courageux et sincère !
M. Emmanuel Hamel. Il l'est toujours !
M. Bernard Angels. Bon gré, mal gré, vous êtes embarqué sur cette galère bancale et vous participez à cette mascarade budgétaire. (Exclamations sur plusieurs travées du RPR.)
M. Jean Chérioux. Vous êtes mal placé pour dire cela !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous avez la mémoire courte !
M. Bernard Angels. Mes chers collègues, vous devez être surpris par la virulence de cette charge envers l'un de nos anciens collègues...
M. Hilaire Flandre. Venant de vous, cela ne nous étonne pas !
M. Bernard Angels. ... respecté et apprécié par tous, par moi en particulier.
M. Jean Chérioux. Cela se voit !
M. Bernard Angels. Nous sommes en démocratie, laissez-moi aller au bout de mon propos afin que je puisse vous convaincre de ma bonne foi, et donc de la mauvaise foi du Gouvernement.
M. Hilaire Flandre. Tâche redoutable !
M. Bernard Angels. Tout d'abord, vous nous avez gratifiés, avec effets de manches et dramatisation excessive, d'un audit, nécessaire selon vous, pour mesurer la situation réelle des finances publiques.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Un audit de prévision !
M. Alain Lambert, ministre délégué. Ce n'était pas la première fois qu'un audit était effectué !
M. Bernard Angels. Cet audit est désormais rituel, chaque nouveau gouvernement cherchant à prendre la mesure précise de l'héritage que lui a laissé l'équipe précédente.
M. Gérard Braun. Ce n'est pas un héritage, c'est un passif !
M. Bernard Angels. Cette fois-ci, pourtant, outre le fait que le Président Chirac et vous-même, monsieur Lambert, en tant que président de la commission des finances du Sénat, receviez régulièrement les notes de conjoncture précises sur l'état des finances publiques, le calcul a pris un tour plus contestable qu'à l'accoutumée. Ainsi, le gouvernement auquel vous appartenez, a renoncé, de façon aussi soudaine qu'étonnante, à une créance de 1,2 milliard d'euros sur l'UNEDIC.
M. Alain Vasselle. Et le FOREC ?
M. Bernard Angels. Je ne mets pas en cause le fait que cette décision puisse se justifier au vu de la situation du régime d'assurance chômage,...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ah bon !
M. Bernard Angels. ... mais, vous l'admettrez, imputer cette moindre recette au gouvernement précédent...
M. Jean Chérioux. Eh oui !
M. Bernard Angels. ... ne relève pas de la première honnêteté intellectuelle et comptable.
M. Jean Chérioux. Cela fait partie de la tuyauterie que vous avez mise en place !
M. Bernard Angels. Cette manipulation, qui, pour vous, présente l'insigne intérêt de dégrader artificiellement le solde de l'Etat sans affecter le solde des comptes publics, n'est pas digne de vous, monsieur le ministre délégué,...
M. Jean Chérioux. Oh !
M. Bernard Angels. ... pas plus que ne le sont l'inscription de 640 millions d'euros de moins-values au titre des dividendes de France Télécom,...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce sont des dividendes fictifs !
M. Bernard Angels. ... la révision à la baisse des recettes non fiscales... ou la non-inscription des recettes du produit de la cession du réseau de transport du gaz.
De même, s'agissant du volet « dépenses , le gouvernement auquel vous appartenez a retenu du travail des auditeurs que les dépenses de l'Etat en 2002 pouvaient, en données brutes, enregistrer une dérive de 10 milliards d'euros et, en données nettes, de 7 milliards d'euros, compte tenu d'économies possibles pour un montant de 3 milliards d'euros. Ces chiffres peuvent légitimement susciter une certaine défiance. D'où viennent précisément ces 3 milliards d'euros ? Nul ne le sait ! De plus, n'aurait-il pas été possible, pour vous qui passez pour être des parangons de vertu de la dépense publique, de prévoir plus de 3 milliards d'euros d'économies ?
Vous admettrez, là encore, que ces chiffres prêtent à tout le moins à débat. Prête aussi à débat la rallonge de 900 millions d'euros pour la défense, alors qu'un montant de près d'un milliard d'euros était encore disponible.
Je passe même sur l'épisode des loyers de gendarmerie qui, dans le cadre actuel, fait presque figure d'anecdote.
Vous admettrez qu'il reste encore beaucoup de débats !
Le deuxième mouvement, nous le vivons aujourd'hui. Tout est là, dans ce collectif budgétaire que vous défendez aujourd'hui.
En apparence, certes, l'équilibre des comptes public est strictement conforme à ce que vous annonciez depuis l'audit.
Le déficit, comme prévu pourrait-on dire, est aggravé de près de 16 milliards d'euros, passant d'un peu plus de 30 milliards d'euros en loi de finances initiale à près de 46 milliards d'euros maintenant.
Il n'y a donc rien à redire sur la forme ! En apparence toutefois. En effet, ce calcul, messieurs les ministres, pèche par un singulier manque de sincérité.
Tout d'abord - vous l'avez admis publiquement à plusieurs reprises -, vous avez retenu les hypothèses les plus pessimistes de l'audit.
M. Jean Chérioux. C'est plus prudent !
M. Bernard Angels. Cette manoeuvre, un peu cavalière et tactique, a contribué à alourdir les chiffres présentés comme ceux de l'héritage socialiste et vous offre une petite chance d'obtenir encore une marge d'évolution supplémentaire en cas de reprise économique.
Cette petite manipulation n'est pas très originale. Mais admettons que, même si elle ne vous honore pas, elle est plus astucieuse que malveillante.
Admettons-le tranquillement, puisqu'il y a encore bien plus grave.
En effet, le Gouvernement, qui met ces 46 milliards d'euros de déficit sur le dos de la majorité précédente, a inscrit dans le projet de loi de finances rectificative sa mesure de baisse de l'impôt sur le revenu, qui dégrade le solde budgétaire à hauteur de 2,5 milliards d'euros.
Il ne faut pas trop charger la barque, messieurs les ministres ! Sont bien en cause vos promesses électorales et pas seulement nos réalisations.
En tout cas, nos réalisations, en matière d'impôts, ont été d'une tout autre ampleur et ont profité, elles, à l'ensemble de nos concitoyens.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela ne vous a pas profité à vous !
M. Bernard Angels. Enfin, ce collectif prend en compte, comme c'est toujours la règle dans ce genre d'exercice, des dépenses imprévues. Mais là, monsieur le ministre, vous avez innové, vous avez inventé un système magique !
M. Alain Lambert, ministre délégué. Je suis plus génial que je ne le pensais !
M. Bernard Angels. Pour la première fois depuis près de vingt ans, vous équilibrez votre budget comme par enchantement, et ce sans gager les ouvertures de crédits par des annulations correspondantes.
En effet, les seules annulations que l'on peut effectivement constater portent sur les 2,2 milliards d'euros inscrits à titre évaluatif sur le budget des charges communes et, plus particulièrement - j'attire votre attention sur ce point, mes chers collègues, vous les grands défenseurs des collectivités locales - sur les charges destinées à rembourser les collectivités locales.
M. Gérard Delfau. Eh oui !
M. Bernard Angels. Vous admettrez que la ficelle est un peu grosse !
En définitive, il ressort de ce collectif budgétaire, si lisse en apparence, que vous avez sans remords fait passer sur le coup du prétendu héritage socialiste vos propres promesses électorales ainsi que des mesures qui, pour la plupart, auraient dû figurer dans le traditionnel collectif budgétaire de fin d'année.
Le résultat est limpide : un déficit de 46 milliards d'euros ! Ah ! ces socialistes, quels piètres gestionnaires, nous, nous sommes les meilleurs !
M. Denis Badré. C'est vous qui le dites !
M. Jean Chérioux. Pour une fois, vous dites vrai !
M. Bernard Angels. Mais n'oubliez pas, messieurs les ministres, que ces 46 milliards d'euros englobent 1,81 milliard d'euros de dette sociale, 3,2 milliards d'euros de recettes non fiscales, 700 millions d'euros pour la charge de la dette, 800 millions d'euros pour la défense et 2,5 milliards d'euros de baisse d'impôt sur le revenu. Bref, un véritable inventaire à la Prévert,...
M. Hilaire Flandre. Le total n'y est pas !
M. Bernard Angels. ...poétique peut-être, mais quelque peu fantaisiste !
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est le budget initial qui était fantaisiste !
M. Bernard Angels. Monsieur le rapporteur général, nous aurons l'occasion d'en débattre tout au long de l'année. Je pense que vous devriez faire preuve d'un peu plus de modestie. A votre place, je resterais un peu plus calme ! (Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Jean Chérioux. Vous pourriez déjà vous appliquer ce conseil à vous-même ! C'est incroyable !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mais voyons, ce n'est pas moi qui m'exalte !
M. Bernard Angels. J'en viens au troisième mouvement, qui, à mon sens, éclaire de façon éclatante votre manière de procéder. Il concerne les lettres de cadrage pour le budget de 2003.
M. Hilaire Flandre. Le compte n'y est pas ; il ne doit pas être professeur de mathématiques !
M. Bernard Angels. Vous voulez m'interrompre, mon cher collègue ? Si vous voulez débattre, allons-y ! C'est facile de marmonner dans sa barbe ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. le président. Ne vous laissez pas interrompre, mon cher collègue.
M. Bernard Angels. Fidèle aux envolées sénatoriales qui ont été les vôtres et auxquelles je faisais allusion tout à l'heure, le Gouvernement a annoncé sa volonté de mener une politique budgétaire qui, contre vents et marées, serait marquée du sceau de la rigueur. Pourquoi pas ?
Ainsi, vous avez fixé à 0,2 % la norme d'évolution des dépenses de l'Etat. C'est un bon chiffre ! Oui, mais voilà, à y regarder de plus près - je remarque d'ailleurs qu'aucun membre de la majorité qui vous soutient ne l'a relevé, pas même M. le rapporteur général - on se rend compte que cette progression de 0,2 % en volume a été calculée sur le fondement des dépenses de 2002 rebasée, comme M. le ministre l'a dit ce matin. Je rends hommage à cet égard à votre franchise, monsieur Mer.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est la transparence !
M. Bernard Angels. Cette progression a donc été calculée sur la base des dépenses de 2002 rebasée, c'est-à-dire en tenant compte de l'exécution.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Bernard Angels. Je n'apprendrai pas aux spécialistes budgétaires que vous êtes, messieurs - je parle même sous votre contrôle - que la convention budgétaire repose sur un tout autre calcul. Vous conviendrez, en effet, que la règle en la matière, lorsque l'on cherche à mesurer une évolution, consiste à comparer les lois de finances initiales entre elles.
Ainsi, la progression réelle des dépenses de l'Etat pour 2003 doit-elle se calculer en rapportant les crédits prévus pour l'exercice 2003 à ceux qui figuraient dans la loi de finances initiale de 2002.
Si l'on reprend le calcul tel qu'il aurait dû être réalisé, l'augmentation des dépenses de l'Etat n'est plus de 0,2 % - qui, apparemment est un bon chiffre ! - mais de près de 1,2 % !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est une base mensongère !
M. Bernard Angels. Même si elle est mensongère, monsieur Arthuis, faut-il poursuivre la dérive ? Mon cher ami Lambert vous dira que non !
M. le président. Monsieur Angels, ne vous laissez pas détourner de votre propos !
M. Bernard Angels. Et il n'est pas question ici, monsieur le président de la commission des finances, disais-je, que de dépenses pérennes non prévues ou de crédits à vocation sanitaire et sociale prétendument non financés.
Je rappelle simplement que, dans les programmations budgétaires pluriannuelles que la France est dans l'obligation de transmettre chaque année à la Commission européenne - Denis Badré l'a justement rappelé tout à l'heure - la norme d'évolution est d'ordinaire d'environ 1 % pour les dépenses sur trois ans, soit 0,3 % l'an en moyenne. Nous en sommes loin avec 1,2 % !
A ceux qui nous ont accusés de laisser dériver les dépenses depuis 1997, je rappelle les chiffres : 0 % en 1998, 1 % en 1999, 0 % en 2000, 0,3 % en 2001 et 0,5 % affiché en 2002.
En conclusion, je résumerai mon propos : le déficit va passer à 46 milliards d'euros en 2002, au lieu des 30 milliards prévus, et les dépenses vont progresser de 1,2 % en 2003 pendant que les recettes diminuent. Et tout cela, mes chers collègues, ce n'est pas seulement l'héritage des socialistes ou la faute de Bruxelles, quoi que vous puissiez affirmer de façon péremptoire ; c'est aussi - et avant tout - le résultat des promesses irréalistes et démagogiques émises par le candidat Chirac, voilà quelques semaines.
Messieurs les ministres, je terminerai mon propos par la citation d'un homme avisé : « Lorsque la situation est mauvaise, les gouvernements incriminent "l'héritage" et l'environnement international. Lorsqu'elle est bonne, ils en attribuent le mérite. »
M. Jean Chérioux. Cela a été le cas pour vous !
M. Bernard Angels. « Nos gouvernants seraient désormais mieux inspirés s'ils se laissaient gagner par l'humilité. »
M. Alain Lambert, ministre délégué. Pas mal ! (Sourires.)
M. Bernard Angels. Ces propos, empreints de responsabilité et de sagesse, vous en conviendrez, étaient tenus, en juin 1998, par un certain Alain Lambert, alors rapporteur général du budget au Sénat. Que ces paroles d'hier paraissent éloignées des réalités d'aujourd'hui ! Et pourtant, le banc des ministres n'est qu'à quelques mètres du banc de la commission, mon cher ami... (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, vous permettrez au rapporteur général des lois de financement de la sécurité sociale, tout du moins à celui qui en fait fonction même s'il n'en a pas le titre, de vous dire quelques mots sur un des sujets qui le préoccupe. C'est un sujet qui préoccupe également les membres de la commission des affaires sociales du Sénat, et je ne doute pas, d'ailleurs, qu'il vous touche tout autant, messieurs les ministres.
Le Gouvernement a déclaré, à juste titre, que ce projet de loi de finances rectificative visait à rétablir la sincérité des comptes publics. C'est à ce titre qu'il remettra à niveau, par exemple, les crédits du revenu minimum d'insertion, le RMI, de l'allocation aux adultes handicapés, l'AAH, de la couverture maladie universelle, la CMU, etc.
L'occasion nous est donc fournie de permettre à l'Etat d'honorer, enfin, la dette qu'il a contractée, depuis l'année 2000, à l'égard de la sécurité sociale.
Afin de financer la lourde facture des 35 heures, le précédent gouvernement avait, en effet, décidé de « piller » les ressources de la sécurité sociale par l'intermédiaire du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, le FOREC. Il faisait ainsi fi de ses propres engagements, selon lesquels les allégements de charges liés au 35 heures ne coûteraient pas un centime à la sécurité sociale. Il avait également décidé d'ignorer les dispositions de la loi Veil de juillet 1994, qui précise pourtant que toute exonération de charges sociales doit être intégralement compensée à la sécurité sociale par le budget de l'Etat. J'entends encore les propos tenus par Mme Aubry à cette tribune ou en commission.
Bien plus, les comptes du FOREC ayant été déficitaires en 2000, le précédent gouvernement a essayé d'annuler, dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, la créance que la sécurité sociale détient sur l'Etat au titre de ce déficit. Mais le Conseil constitutionnel a déjoué cette manoeuvre et cette créance est désormais inscrite en provision dans les comptes 2001 des caisses et « pèse » sur leurs résultats.
Or, le 11 juillet dernier, la commission des comptes de la sécurité sociale nous a appris que le régime général serait déficitaire de 2,4 milliards d'euros en 2002.
Il ne vous a pas échappé, messieurs les ministres, que le montant de ce déficit correspond au montant de la dette de l'Etat à l'égard de la sécurité sociale. Autrement dit, s'il n'y avait pas eu ce prélèvement, les comptes de la sécurité sociale pour l'exercice 2002 seraient équilibrés.
Votre gouvernement a entrepris de remettre de l'ordre dans les finances de notre pays, n'en déplaise à notre collègue Bernard Angels et à d'autres collègues qui se sont exprimés avant lui. Il serait donc souhaitable et opportun que, à l'occasion de ce projet de loi de finances rectificative, l'Etat rembourse à la sécurité sociale ce qu'il lui doit depuis deux ans.
Cela confirmerait à l'opinion que le gouvernement actuel, contrairement au précédent, respecte et fait respecter les engagements pris par ce dernier pour le compte de l'Etat.
Cela redonnerait en outre confiance aux partenaires sociaux et favoriserait, à mon sens, la relance du paritarisme, préalable indispensable à la reprise du dialogue social que le Gouvernement appelle, à juste titre, de ses voeux.
Par ailleurs, la crédibilité des responsables politiques en serait renforcée aux yeux de nos concitoyens.
J'ajoute que cela contribuerait à la transparence et à la lisibilité des comptes de la sécurité sociale ainsi qu'à une clarification des domaines respectifs de la loi de financement de la sécurité sociale et de la loi de finances.
Je rappelle au passage que cet exercice avait été engagé par M. Balladur lorsque, Premier ministre, il avait décidé de faire supporter à l'Etat, à travers le fonds de solidarité vieillesse, les dépenses dites de solidarité et de ne faire supporter à l'assurance que celles qui correspondent aux cotisations des assurés.
A quoi avons-nous assisté de 1997 à 2002 ? A une multiplication des fonds : au fonds de solidarité vieillesse, sont notamment venus s'ajouter le fonds pour l'allocation personnalisée d'autonomie, le fonds pour l'aide à domicile et le FOREC, que je viens d'évoquer. Cette multiplication des fonds a ôté toute lisibilité à la politique sociale et à la politique financière menées à l'échelon national. Les fonds en question ont fonctionné comme des vases communicants, reliés par une tuyauterie extrêmement compliquée : la véritable usine à gaz ainsi mise en place par le précédent gouvernement a maintes fois été dénoncée.
Il est donc urgent, aujourd'hui, d'apporter de la lisibilité dans les comptes et de la clarté dans la répartition des compétences. J'ai déposé un amendement en ce sens, qui est naturellement un amendement d'appel, vous l'aurez compris, messieurs les ministres.
Honorer la dette de l'Etat et rendre ses recettes à la sécurité sociale est une nécessité. Il faut en finir avec cette pratique qui fait de la loi de financement de la sécurité sociale une variable d'ajustement de la loi de finances. Mais il s'agit aussi de mettre la sécurité sociale face à ses responsabilités : à elle de prouver qu'elle est capable, sans faux-fuyants, de maîtriser ses dépenses.
J'approuve tout à fait les propos qu'a tenus ce matin notre collègue Jacques Oudin à ce sujet. Je le remercie d'ailleurs d'avoir eu l'amabilité de me laisser le soin de parler des comptes de la sécurité sociale, qu'il s'est contenté de survoler, alors qu'il fut lui-même pendant longtemps rapporteur pour avis de la loi de financement de la sécurité sociale, avant d'être remplacé par notre ami M. Joyandet, qui vient de rejoindre l'Assemblée nationale.
En tant que « rapporteur général » du projet de loi de financement de la sécurité sociale, je puis indiquer que la préoccupation de la commission des affaires sociales est à la fois la maîtrise des dépenses et la garantie de justes recettes, de manière que l'équilibre des comptes de la sécurité sociale soit véritablement assuré. Alors, que l'on ne vienne pas nous accuser de ne nous soucier que des dépenses sans jamais penser aux recettes nécessaires à l'équilibre des comptes !
M. Jacques Oudin. Très bien !
M. Alain Vasselle. Je suis sûr, messieurs les ministres, que vous me rejoindrez sur ce dernier point, comme je vous rejoins lorsque vous faites preuve de prudence à l'égard des mesures, évoquées ici ou là, d'exonération de charges salariales, voire d'abattement sur la CSG, qui me paraissent de fausses bonnes idées.
Il me semblerait dangereux d'engager trop résolument la sécurité sociale sur un chemin que connaissent bien, hélas ! les collectivités locales : celui qui conduit à voir ses recettes remplacées progressivement par des « compensations de pertes de recettes ».
Il me semblerait également dangereux d'ouvrir sans réflexion approfondie le chantier des exonérations de cotisations salariales. Je rappelle que, en matière de cotisations salariales, il ne reste aujourd'hui que 0,75 % de cotisations maladie et 6,55 % de cotisations vieillesse. Quelles seraient les conséquences de leur suppression, ne serait-ce que pour les salaires les plus bas, sur la philosophie même de notre protection sociale ? Pourra-t-on parler encore de régime de retraite par répartition ou ira-t-on vers une forme étendue de minimum vieillesse ?
Il me semble enfin dangereux de toucher à la CSG par des abattements à la base. Cela conduirait à y introduire une forme de progressivité, technique qui convient peut-être à l'impôt mais qui est fort dangereuse pour un prélèvement social.
Si nous allons vers des financements sociaux progressifs doublés de prestations sous condition de ressources, nul doute qu'il y aura sécession d'une partie des assurés et que sera posée clairement la question de la privatisation de la sécurité sociale.
En ce domaine, vous avez donc raison, monsieur le ministre, de faire preuve de prudence. C'est pourquoi je ne doute pas de la réponse que vous m'apporterez en ce qui concerne le juste retour des recettes dont la sécurité sociale a été privée par l'intermédiaire du FOREC. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Serge Vinçon.
M. Serge Vinçon. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous nous réjouissons que, dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2002, le Gouvernement ait voulu donner un signe fort à nos armées.
En effet, les ouvertures au profit de la défense sont importantes puisque les crédits s'élèvent à 908 millions d'euros. Cela démontre que la défense est l'une des grandes priorités du nouveau gouvernement. Au sein du collectif budgétaire, elle constitue la deuxième rallonge après les dépenses sociales qui, elles, représentent 2,5 milliards d'euros.
Cet effort significatif est une première réponse aux problèmes les plus délicats que connaissent les armées, et que nous dénonçons depuis plus d'un an, à savoir les rémunérations et la disponibilité des matériels.
M. Christian de La Malène. Très bien !
M. Serge Vinçon. Sur ces 908 millions d'euros, 674 millions sont des crédits de rémunération.
Quelque 189 millions d'euros vont servir à financer les mesures de revalorisation de la condition militaire. Annoncées par Alain Richard le 28 février dernier, ces mesures, dont le montant s'élève à 433 millions d'euros pour 2002 et 2003, répondent au malaise des armées, malaise qui a été exacerbé par les mesures exceptionnelles décidées en décembre en réponse aux manifestations des gendarmes. Je précise que 105 millions d'euros sont nécessaires pour assurer la rémunération des personnels en 2002.
Le collectif permettra également de payer les dettes de l'Etat, parmi lesquelles le paiement des loyers des casernes de gendarmerie, qui s'élève à 68 millions d'euros.
Enfin, 100 millions d'euros permettront de financer des opérations d'entretien des matériels particulièrement sollicités par des opérations extérieures.
Depuis plusieurs années, ici même, nous insistons régulièrement sur l'importance de l'année 2002 dans la mesure où celle-ci clôt la programmation militaire 1997-2002. Le budget de la défense devait donc être suffisamment important pour que la réussite de la réforme engagée en 1996 par le Président de la République ne soit pas compromise. Il y allait de la crédibilité de notre défense, autant que du moral des personnels qui la composent.
A maintes reprises, nous nous sommes inquiétés des retards et des décalages intervenus dans l'exécution de la loi de programmation ; nous avons souvent déploré que les livraisons de plusieurs équipements modernes soient repoussées à des échéances lointaines, ce qui a imposé le maintien en service de matériels vieillissants et entraîné d'inutiles surcoûts.
Arguant qu'une armée professionnelle est d'une essence totalement différente de celle d'une armée de conscrits, nous avions demandé une redéfinition des rapports sociaux au sein des armées, entre les militaires et les civils. Partant du principe que ce qui était admissible pour une armée d'appelés ne l'est plus lorsque le soldat professionnel peut rompre son contrat, nous avions plaidé pour une amélioration des conditions de vie et de travail des militaires.
En outre, l'application des 35 heures ayant provoqué des transformations fondamentales, des compensations s'avéraient indispensables, et nous n'avions pas manqué de souligner que, dans une société qui accorde de plus en plus d'importance au temps libre, il était difficile d'exiger des militaires une disponibilité absolue sans reconnaissance de la part de la nation.
Qui, en effet, voudrait servir dans des forces mal équipées et peu disponibles ? Qui voudrait exercer le métier des armes sans pouvoir s'entraîner ? Ne l'oublions pas, la disponibilité des matériels modernes a une influence directe sur la capacité des armées à recruter, puis à fidéliser des volontaires de qualité.
Malheureusement, nous n'avons guère été entendus et, au cours des dernières années, les dépenses militaires ont été par trop considérées comme un gaspillage.
La crise des armées, qui a débuté à l'automne 2001, est à la fois humaine et matérielle. Elle a éclaté dans la gendarmerie, mais ce sont toutes les armes qui ont été touchées. L'amertume qui s'est fait ressentir est justifiée tant les hommes et les femmes qui composent nos armées ont eu le sentiment que leur budget était le parent pauvre, voire le laissé-pour-compte, du budget de l'Etat.
Ils se sont sentis d'autant plus négligés que le budget de la défense a souvent servi, en cours d'exercice, de variable d'ajustement du budget général. Ainsi, en cinq ans, le budget de la défense a subi une constante érosion d'une année sur l'autre ; le montant du budget initial a toujours été inférieur à celui qui était prévu dans la loi de programmation militaire, puis à la revue de programme, et encore plus faible en exécution.
Le budget de l'équipement a, quant à lui, baissé de façon alarmante. En analysant l'exécution de la loi de programmation depuis son début, nous savons aujourd'hui que les encoches successives correspondent, en six ans, à la perte d'une année du titre V. En effet, dans la loi de programmation initiale, les crédits des titres V et VI devaient s'élever à 90,3 milliards de francs. Quant à l'annuité fixée à l'issue de la revue de programme de 1998, elle était de 86,1 milliards de francs. Or nous avons pu constater que l'engagement du Gouvernement n'avait été tenu qu'en 1999. En 2000, les crédits d'équipement n'étaient que de 82,9 milliards de francs, accusant ainsi une baisse de 4,4 % par rapport à l'année précédente ; en 2001, ils ne s'élevaient qu'à 83,4 milliards de francs.
Force est donc de constater que, si la France a globalement atteint ses objectifs en matière d'effectifs humains, au prix de sacrifices considérables de la part des personnels de nos armées, il n'en va pas de même en ce qui concerne les moyens de les projeter. En effet, ces derniers, après une cure d'austérité drastique, sont nettement insuffisants. En conséquence, les matériels sont anciens, leur durée de vie prolongée chaque année et la mise à niveau extrêmement coûteuse.
La situation actuelle du parc d'hélicoptères de l'aviation légère de l'armée de terre, qui compte 409 appareils et regroupe 70 % des hélicoptères militaires, illustre parfaitement les difficultés engendrées par l'érosion des crédits d'équipement. Le vieillissement et le sur-emploi de ces appareils, extrêmement sollicités, les exigences draconiennes de sécurité, la réduction des crédits d'entretien et les difficultés d'organisation qui ont affecté la maintenance ont entraîné une chute du taux de disponibilité des matériels ainsi qu'un sous-entraînement notable des équipages.
La situation de l'entretien programmé des matériels est la plus critique. Depuis trop d'années, en effet, celui-ci pâtit d'une insuffisance criante de crédits. Si le taux de disponibilité des hélicoptères Gazelle est évalué à 40 %, celui des autres matériels des armées est de 63 % en moyenne, taux bien inférieur à ceux que connaissent nos partenaires européens. Ainsi, non seulement nos armées ne peuvent disposer des matériels dont elles ont besoin, mais elles ne peuvent même pas utiliser pleinement ceux dont elles disposent !
Messieurs les ministres, nous nous félicitons que le Gouvernement adresse un signe fort aux armées, démontrant ainsi qu'il a perçu le malaise existant et qu'il compte bien prendre en compte, autant que les finances le permettront, les mesures qui s'imposent.
Conscients que la première phase du processus d'accès au modèle 2015, la professionnalisation, a été menée à bien, vous savez qu'il convient dorénavant de consolider l'acquis et de doter les armées d'équipements modernes. Nous ne saurions insister suffisamment sur la nécessité, lors de la prochaine étape, à savoir le budget 2003, de voir pleinement prise en compte la remise en ordre de la chaîne d'entretien et de maintenance des matériels.
Nous savons d'ores et déjà qu'une nouvelle loi de programmation militaire, couvrant la période 2003-2008, sera soumise au Parlement avant la fin de l'année. Elle doit remplacer celle qu'avait adoptée le conseil des ministres en juillet 2001 et qui n'a jamais été discutée par les assemblées. Selon les propres termes du Président de la République, elle devra confirmer « l'objectif du modèle d'armée 2015 en l'actualisant pour prendre en compte les enseignements des conflits récents ».
Les experts s'accordent déjà pour dire que le modèle 2015 demeure globalement adapté. La priorité absolue reste, à notre sens, de combler les lacunes capacitaires déjà identifiées et sans doute d'avancer certains programmes, des retards trop importants ayant été pris.
Avant de terminer, messieurs les ministres, il me faut évoquer, en quelques mots, la réserve.
Les événements survenus en 2001 ont confirmé la nécessité d'une montée en puissance de la réserve opérationnelle devant apporter à l'armée active une contribution accrue pour les missions de sécurité et de protection du territoire. Là encore, nous avons constaté que les crédits affectés à ce chapitre avaient subi un décrochage important depuis trois ans par rapport à la loi de programmation, décrochage s'élevant à 22 millions d'euros en 2002 : 89 millions d'euros étaient prévus, 67 millions d'euros ont été attribués.
Bien évidemment, ces crédits n'ont pas permis un niveau d'entraînement suffisant et, nous l'avons déjà souligné, l'absence d'entraînement décourage et freine le recrutement. Aussi apparaît-il souhaitable que la réserve reçoive, elle aussi, une attention particulière dans la prochaine loi de programmation militaire. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Lambert, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs et chers anciens collègues, loin de moi l'idée de faire perdre son temps au Sénat. Je tiens cependant, monsieur le président, à vous remercier des mots d'accueil que vous avez bien voulu prononcer à mon endroit et vous assurer que ces mots m'ont beaucoup touché. Revenir pour la première fois au Sénat en séance publique depuis mon entrée au Gouvernement est pour moi un moment d'émotion. Je n'oublie pas que c'est le Sénat - c'est-à-dire vous, chers anciens collègues, ainsi que le corps des administrateurs du Sénat et l'ensemble des personnels qui composent cette maison - qui m'a appris ce que je sais du budget et des comptes publics. Que chacun, du plus humble au titulaire du grade le plus élevé, trouve personnellement, en cet instant, l'expression sincère et chaleureuse de ma reconnaissance et de ma gratitude.
J'ai rapidement mesuré les difficultés qu'il y avait à traduire la rigueur de mes propres exigences dans des contraintes nouvelles ; mais je puise ma détermination et ma foi intérieure à la source du Sénat, à l'enseignement que j'ai reçu dans cette maison, et je reste convaincu que l'Histoire se nourrit non pas de l'écume médiatique des jours mais des oeuvres collectives, de celles que nous réalisons ensemble dans le plus large consensus et dans le respect des uns et des autres.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Alain Lambert, ministre délégué. Je m'efforcerai de répondre aux questions, nombreuses, qui m'ont été posées. M. Mer, comme nous en sommes convenus, traitera des questions macro-économiques, de celles qui concernent le pacte de stabilité et, éventuellement, des questions plus spécifiquement militaires qui ont été posées par M. Vinçon : c'est un sujet qu'il connaît bien.
Monsieur le rapporteur général, en lisant votre rapport hier et en vous écoutant tout à l'heure, j'ai pu mesurer la qualité du travail effectué par le Sénat. A la lecture du document fouillé que vous avez rédigé, j'ai découvert certains aspects de la politique qui a été menée dans notre pays. Cela me sera très utile pour conduire les actions qui m'ont été confiées.
Monsieur le rapporteur général, cela ne vous surprendra pas, je vous rejoins totalement dans le constat objectif que vous avez dressé dans votre rapport. Oui, la dépense a été très mal contrôlée par le précédent gouvernement, et je souhaite que mes collègues de l'opposition ne m'en veuillent pas de le dire tant c'est évident.
Ce contrôle insuffisant implique, en premier lieu, des conséquences immédiates, dont il est tenu compte dans le collectif qui vous est proposé. Il s'agit de prendre acte d'un dérapage d'une ampleur quasi historique, il faut le souligner. Mais là n'est peut-être pas le plus grave : l'insuffisant contrôle pour le plus long terme est plus préoccupant. Rappelons que, si l'Etat n'avait pas imposé la réduction autoritaire du temps de travail, s'il n'avait pas eu une politique de création importante d'emplois publics, s'il ne s'était pas lancé massivement dans une politique de création d'emplois-jeunes dont il n'avait pas prévu l'issue, nos déficits publics seraient aujourd'hui divisés par deux.
Cette pente sera longue à remonter. Le Gouvernement s'y attelle avec énergie, avec courage, et ce collectif budgétaire en porte témoignage. En effet, nous n'avons pas souhaité y traduire toutes nos priorités, pour ne pas aggraver le déficit. Au contraire, nous avons souhaité attendre le projet de loi de finances pour 2003 pour opérer les redéploiements nécessaires pour absorber le choc des dépenses non financées et pour allouer des moyens nouveaux à nos priorités.
Vous avez regretté, monsieur le rapporteur général, que le collectif ne soit pas accompagné d'annulations de crédits. Dans les délais qui étaient les nôtres - et j'ai pu découvrir ce que représentait l'exercice budgétaire de l'autre côté du miroir (Sourires) -, nous n'avons pas souhaité prendre de décisions trop hâtives sur les dépenses : nous avons choisi la solution de mise en réserve de crédits - comme M. Francis Mer le disait dans son propos introductif - dans l'attente du collectif d'automne, ce qui aura exactement les mêmes conséquences sur la dépense.
Ces mesures sont en cours de finalisation ; elles vous seront communiquées, je m'y engage, car c'est mon premier devoir : combien de fois me suis-je plaint qu'elles ne le soient pas ! Je pense que ces mesures répondront à vos attentes, et je veillerai personnellement à ce que la concertation entre la commission des finances du Sénat, vous-même, monsieur le rapporteur général, et le président de la commission soit la plus interactive possible. C'est un exercice qui commande, en effet, que nous puissions débattre.
Vous avez eu une belle formule, monsieur le rapporteur général : « La facilité d'aujourd'hui détruit les marges de manoeuvre de demain. » Il faut méditer cette formule !
Au total, notre déficit est aujourd'hui supérieur aux charges de la dette. Nous sommes en déficit primaire, nous empruntons pour payer les intérêts de nos emprunts - quand je dis nous, c'est la France, mais, mes chers amis, c'est tout de même le résultat d'une politique qui a été menée au cours des cinq années qui viennent de s'écouler et ce n'est ni raisonnable ni soutenable !
Vous avez, en conclusion, monsieur le rapporteur général, posé une question difficile au sujet de la décentralisation. Sur ce point, M. le Premier ministre a défini une méthode, qui consiste à réviser d'abord la Constitution afin de clarifier le processus de transferts de compétences à venir avant de le mettre en oeuvre ensuite. Bien évidemment, en la matière, notre intention est non pas d'opérer des transferts de charges qui ne seraient pas compensés, mais de confier aux collectivités locales des compétences qu'elles sont mieux à même que l'Etat d'exercer dans l'intérêt de nos compatriotes. Tel est l'esprit de cette étape de décentralisation que M. le Premier ministre veut imprimer à son mandat.
Nous serons à vos côtés pour débattre des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales et je sais par avance que, si ma vigilance d'ancien sénateur était surprise, je pourrais compter sur vous pour me rappeler à mes devoirs.
Vous avez, monsieur le rapporteur général, posé des questions relatives à la croissance, auxquelles M. Mer répondra tout à l'heure.
Avec le président de la commission, vous avez évoqué l'hypothèse d'une révision du pacte de stabilité. Sur ce sujet aussi, M. Mer vous apportera des réponses qui tiendront compte de l'évolution de nos partenariats avec les pays de l'Union européenne.
S'agissant de la question délicate - mais que je ne veux pas esquiver - du remplacement des fonctionnaires partant à la retraite, le Gouvernement écoute le message du Parlement en la matière. Parce qu'il représente le peuple français, il est important que le Parlement s'exprime sur ce sujet, en n'oubliant jamais que les fonctionnaires sont non pas la variable d'ajustement budgétaire de l'Etat, mais sa ressource humaine. Les fonctionnaires ont besoin d'être enthousiasmés, ce qui suppose qu'une partie de ces postes non remplacés leur soit réservée pour réhabiliter les conditions d'exercice de leurs belles fonctions. Il y a beaucoup à faire en ce domaine !
J'en viens à l'intervention de M. le président de la commission des finances.
Je ne résiste pas à l'envie de lui exprimer le plaisir que j'ai à le voir siéger sur le banc, puisque j'ai eu l'honneur de le remplacer dans la fonction de rapporteur général lorsqu'il était lui-même au Gouvernement. Voilà qui nous permet de nous exprimer avec le sens élevé de nos responsabilités qui est le nôtre.
Vous avez exprimé, en des mots chaleureux, votre confiance en la coopération qui va s'instaurer entre nous.
Vous avez mis l'accent sur la mise en oeuvre de la loi organique, à l'élaboration de laquelle le Sénat, au côté de l'Assemblée nationale, a beaucoup travaillé.
Vous avez aussi parlé de la sincérité et de la vérité des comptes. Comme vous, je n'hésite pas à dire que c'est ce qu'attendent les Français, car ils sont devenus totalement indifférents aux annonces : je crains même qu'ils ne s'en méfient un peu aujourd'hui ! Entamons dans la transparence le dialogue avec nos compatriotes ; c'est le plus sûr moyen de conserver leur confiance, de les convaincre des grands enjeux de l'avenir de notre pays et d'obtenir leur soutien pour prendre les décisions qui s'imposent.
S'agissant des prélèvements sur certains organismes, vous avez appelé à la concertation préalable. Dès que j'ai été en mesure de le faire, je suis entré en contact avec les responsables de ces organismes pour essayer de dégager une solution nous permettant de sortir de la situation actuelle.
Vous l'avez rappelé, la loi organique nous invite à solder les comptes relatifs aux produits encaissés au titre des taxes parafiscales, mais cela doit se faire dans la transparence et dans l'équité.
Monsieur le président de la commission, vous avez conclu votre intervention par une phrase qui devrait être connue par chaque Français, voire par chaque ministre : « Un bon budget n'est pas obligatoirement un budget qui augmente. » Comme je le disais à Francis Mer, j'ai une grande confiance dans le Sénat pour nous aider à mettre sous tension la dépense publique, d'autant que c'est le seul moyen pour retrouver un certain équilibre de nos finances publiques. Nous sommes heureux, monsieur Arthuis, de vous savoir à nos côtés pour résoudre cet important problème.
J'en arrive à l'intervention de M. de Montesquiou, qui a utilisé des mots très forts puisqu'il a parlé d'un nécessaire sursaut national tout en soulignant la répartition inégale des impôts. Vous avez eu raison, monsieur de Montesquiou, de souligner que la situation, aujourd'hui, n'est pas satisfaisante et que l'impôt, qui augmente continuellement depuis de nombreuses années, est particulièrement inégalement réparti.
Vous dénoncez le poids des prélèvements, mais vous soulignez également leur complexité, leur enchevêtrement. Sous votre contrôle - vous connaissez bien le milieu de l'entreprise -, je dirai qu'il y a urgence à inverser cette tendance et à en finir avec cette complexité juridique et fiscale qui donne mauvaise réputation à notre pays. J'y reviendrai d'ailleurs dans un instant en réponse à M. Denis Badré.
Vous attendez que le Gouvernement rende à la France sa compétitivité : c'est la politique que nous nous engageons, devant vous, à mener.
Vous avez terminé votre propos par une sorte de devise olympique : « Plus vite, plus haut, plus fort. » Faire de notre pays un pays champion en économie, tel est, en effet, notre projet car nous ne pouvons pas admettre que sa seule ambition soit de participer.
Je m'adresserai maintenant à M. Jacques Oudin. Je tiens en particulier à le remercier d'avoir accepté d'exercer les fonctions qui étaient les miennes précédemment, d'avoir, si j'ose dire, « assuré l'intérim ». Tous mes anciens collègues sénateurs m'ont dit à quel point il avait été efficace.
Dans votre intervention, monsieur Oudin, vous avez souligné - ce qui montre votre bonne connaissance des finances publiques - l'importance de la loi organique comme préalable à la réforme de l'Etat. Vous avez eu mille fois raison de le faire.
Vous avez souligné la mauvaise utilisation qui avait été faite des marges de manoeuvre importantes engendrées par la croissance. Vous avez dit, à juste titre, qu'il faudrait que nous regardions de près la loi de règlement pour 2001. Ce texte, qui vous sera soumis à l'automne prochain, sera le révélateur de la gestion antérieure.
Les déficits publics ont recommencé à s'accroître, l'excédent primaire s'est dégradé, comme je le disais il y a un instant. Mais les difficultés qui sont les nôtres aujourd'hui étaient en gestation depuis longtemps. Ce n'est pas simplement le retournement conjoncturel qui nous y conduit ; elles trouvent leur source dans le recyclage des marges de la croissance, dans une politique de dépenses mal maîtrisée dont le présent collectif est, hélas ! la traduction.
S'agissant des dépenses auxquelles les conseils généraux ont à faire face, vous avez cité l'exemple de l'APA. Il est indéniable que des corrections s'imposent pour que ce dispositif n'entraîne pas une dérive des finances départementales. Une telle dérive serait dommageable pour une catégorie de collectivités locales qui a précisément su montrer sa capacité à maîtriser les dépenses.
Une réforme doit être engagée. Des pistes existent, mais je fais confiance au Parlement et, singulièrement, au Sénat pour les explorer. Le Gouvernement pourrait examiner avec bienveillance une initiative parlementaire tendant à mieux maîtriser les coûts.
Vous avez souhaité, monsieur Oudin, que le Gouvernement épargne les crédits d'investissement. Vous comprendrez que je reste prudent dans mes engagements. J'ai l'intention de les tenir.
Une politique de maîtrise des coûts qui intervient en milieu d'année ne peut plus opérer que sur les dépenses qui sont qualifiées de flexibles. On en distingue, vous le savez, trois catégories : le fonctionnement courant, les interventions et l'investissement.
Je peux affirmer que l'effort sera équitablement réparti entre ces trois principaux postes. Les dépenses d'investissement ne seront pas les seules concernées tant nous savons, Francis Mer et moi, ainsi, bien sûr, que le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, à quel point l'avenir se joue dans les investissements.
J'en viens à l'intervention de M. Denis Badré.
J'ai eu le sentiment qu'il souhaitait - je parle sous son contrôle - nous rassurer pour le cas où nous aurions eu des doutes sur l'opportunité d'avoir décidé de proposer au Parlement une baisse de l'impôt sur le revenu, qu'il a qualifiée de « mesure phare ». Il a annoncé que c'était là une volonté qu'il fallait affirmer d'une manière claire et nette et qu'il s'agissait d'une rupture franche avec les hausses violentes pratiquées depuis cinq années. Il soutient donc cet objectif. D'ailleurs, dans son rapport, M. Marini fait état d'éléments très intéressants sur l'évolution de l'impôt sur le revenu. Au cours des dernières années, les hausses ont été considérables.
Vous avez encore fait le lien, monsieur Badré, entre la baisse de l'impôt sur le revenu et l'attractivité de notre territoire, dont vous êtes devenu le spécialiste avec M. André Ferrand. Cette question est un enjeu pour l'avenir de la France. Vous avez raison de dire que cette baisse favorisera l'attractivité de notre pays.
Vous souhaitez que soit organisé un débat sur l'évolution des prélèvements obligatoires. J'ai noté votre soutien actif à la maîtrise des dépenses qui, seule, assurera la pérennité des baisses des prélèvements obligatoires. Vous pouvez compter sur le Gouvernement pour que ce débat ait lieu avec vous à ce sujet.
M. Thierry Foucaud nous a dit le peu de bien qu'il pense de la réduction de 5 % de l'impôt sur le revenu. Cela ne m'a pas étonné, mais je le remercie du clin d'oeil, pour reprendre son expression, qu'il m'a adressé et qui m'a touché. Cela montre que, dans cette assemblée, nous savons vivre la démocratie d'une manière tout à fait exemplaire. Il estime que cette mesure profite aux contribuables qui ont les revenus les plus élevés.
Pour faire le lien avec ce que je disais tout à l'heure à Denis Badré, cela peut profiter aussi aux contribuables qui favorisent le développement économique et l'emploi dans notre pays.
Cher ami Thierry Foucaud, c'est capital pour l'avenir du pays. Rien ne serait pire que de faire fuir tous ceux qui créent le développement dans notre pays. C'est faire oeuvre de justice que d'attirer ou de faire revenir sur le territoire français ceux qui en sont issus, qui ont bénéficié de la formation de qualité délivrée dans notre pays, et qui peuvent participer à son développement.
Vous avez indiqué que cette diminution portait atteinte à la progressivité de l'impôt. Ce n'est pas le cas du tout. Cette mesure est tout à fait sans effet de ce point de vue.
Je sais que l'on ne pourra pas réconcilier nos positions. Mais je veux vous assurer que l'un des défis est aujourd'hui de faire en sorte que chaque Français puisse trouver un emploi, puisque nous avons fait le choix de soutenir le travail. Il nous semble en effet que cette solution est plus prometteuse que l'assistance. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Je voudrais maintenant remercier M. Gérard Miquel, qui est désormais vice-président de la commission des finances, des mots qu'il a prononcés sur notre capacité à vivre nos différences dans une démocratie apaisée et respectueuse qui n'exclut pas l'amitié.
Il m'attribue l'intention de noircir le bilan du gouvernement précédent. Ce bilan, les Français l'ont jugé. La question est désormais tranchée et je m'incline devant le jugement des Français !
Le collectif, cher Gérard Miquel, n'a pas fait autre chose que de traduire les résultats de l'audit. Pour apurer le passé, le Gouvernement a choisi l'évaluation précise des comptes publics. Le débat budgétaire n'a rien à gagner à des documents insincères, j'en suis tout à fait d'accord. Dire la vérité sur les comptes est un préalable, à nos yeux, pour remédier à une situation très dégradée, issue incontestablement de la gestion antérieure et minée par une dérive totalement incontrôlée des dépenses, par une contraction des investissements et par l'explosion des déficits et de la dette.
Le déficit constaté aboutit à considérer que les fruits de la remarquable croissance enregistrée sur les cinq dernières années ont été malheureusement quelque peu gaspillés.
Monsieur Miquel, vous avez posé une question très importante et dont je mesure combien elle vous tient à coeur s'agissant du report du délai pour les mesures relatives aux ordures ménagères.
M. Michel Charasse. C'est une question très importante !
M. Alain Lambert ministre délégué. Je réitère, devant le Sénat, l'engagement exprès que j'ai pris devant l'Assemblée nationale afin que les difficultés que vous avez soulignées ne se produisent pas. Vous pouvez compter sur la parole du Gouvernement en la matière.
M. Charles Guené a d'ailleurs posé la même question. J'espère qu'il trouve satisfaction dans cette réaffirmation, puisque je réitère un engagement que j'ai pris.
Il a aussi manifesté son soutien au Gouvernement face aux défis que nous avons à relever. Il a souligné la nécessité de la solidarité entre les générations.
Mesdames, messieurs les sénateurs, certains anciens collègues se sont inquiétés de savoir si je saurai rester fidèle à mes convictions. Permettez-moi de vous dire que c'est le cas : s'il est une conviction qui m'a toujours guidé dans l'action publique, c'est celle de la nécessaire solidarité entre les générations.
J'ai toujours été préoccupé de voir qu'une génération pouvait compromettre l'avenir des générations futures sans que ces dernières soient en situation de se défendre. Sans aucun doute, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est l'honneur et la dignité la plus haute de l'homme politique et de son oeuvre que de prendre en compte, dans chacune de ses décisions, le souci des générations qui ne peuvent pas s'exprimer.
Lorsque nous aurons, les uns et les autres, cette détermination à prendre en compte l'intérêt des générations futures, nous serons à même de dominer les pressions du présent, afin que l'histoire ne soit pas trop cruelle avec nous. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Bernard Angels s'est exprimé dans une intervention qui m'a parue contrastée, mais d'une grande sincérité. Son discours était fait de respect et de critiques, d'affection - j'espère qu'il me permettra d'employer ce mot - et, en même temps, d'indignation.
Il me propose d'être jugé sur mes actes. Soit ! Mesdames, messieurs les sénateurs, c'en est fini de la politique d'affichage ! C'était le xxe siècle. Nous sommes au xxie siècle, il nous faut entrer dans l'ère de la politique des résultats.
Nos compatriotes ne sont plus du tout impressionnés par les effets d'affichage, ils attendent que nous puissions leur montrer des résultats. Sachez donc, monsieur Angels, qu'être jugé sur mes actes et sur les résultats, c'est le plus grand honneur que l'on pourra me faire.
Oui, il faut passer à des pratiques budgétaires exigeantes. Il faut donc passer des pratiques budgétaires en affichage à des pratiques budgétaires en résultat.
A cet égard, je voudrais, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, que nous donnions à la loi de règlement la valeur qui est la sienne, que l'on relativise les présentations budgétaires initiales faites parfois d'enthousiasme, mais peut-être pas toujours de réalisme, pour que ce soit sur les résultats que nous puissions juger la politique menée.
Je voudrais également dire à M. Angels, qui a craint la mystification - entre nous, c'est d'ailleurs me prêter des qualités que je n'ai pas, mais je vois là une marque de l'amitié qu'il me porte ! - que tenir les promesses électorales quand il s'agit d'une baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu, ce qui représente, en regard de l'ensemble des dépenses publiques 1 % de celles-ci, ce n'est pas le plus difficile à réaliser.
Vous avez craint que je ne sois dans une situation de malaise pour conduire une politique qui ne serait pas la mienne. Or je veux vous dire que tant Francis Mer que moi-même sommes déterminés à faire entendre nos préoccupations concernant des finances saines, qui sont le plus sûr moyen de mener la politique qui a été voulue par le Président de la République et approuvée par les Français.
Sans marges de manoeuvre, on ne conduit pas sa politique ; avec des marges de manoeuvre, on conduit sa politique. Et je suis sûr que c'est précisément après un assainissement de nos finances publiques que nous serons les mieux à l'aise pour mener notre politique.
Vous m'avez, par ailleurs, invité à être vertueux, courageux et sincère. J'essaierai de l'être.
M. Michel Charasse. Chez vous, c'est naturel !
M. Alain Lambert, ministre délégué. Je veux simplement vous dire qu'il n'y a pas dans la présentation de ce collectif de mascarade budgétaire, pour reprendre votre expression.
Il y a eu la prise en compte des dépenses qui sont déjà engagées ; il y a eu la prise en compte d'une situation, qui est aussi objective que possible, mais, encore une fois, je vous donne rendez-vous au collectif de fin d'année, et, encore mieux, à la loi de règlement, pour faire la part de ce qui relève de notre gestion et de ce qui relève de la gestion précédente.
M. Angels a posé deux questions.
S'agissant de l'UNEDIC, je voudrais lui dire que les dispositions prises sont neutres, parce que, si l'Etat n'y avait pas renoncé, ce sont les organismes de sécurité sociale qui auraient vu leurs comptes dégradés à due concurrence. Au regard des comptes publics dont Francis Mer est garant, cela n'aurait pas changé.
S'agissant de France Télécom, je vous rappelle que c'est le précédent gouvernement qui a accepté le paiement des dividendes en actions. Francis Mer pourra vous le confirmer, si vous le souhaitez.
J'en viens aux question évoquées par M. Alain Vasselle qui appelle au remboursement de l'Etat à la sécurité sociale.
Sachez, mon cher collègue, que cela aggraverait encore le déficit de l'Etat et je serais accusé par M. Angels d'en rajouter !
Vous avez toutefois raison de dire que la clarification des comptes entre l'Etat et la sécurité sociale au sein de l'ensemble des comptes publics est urgente.
En lisant l'audit, j'ai compris que les auditeurs, eux-mêmes, avaient vu à quel point toutes ces questions s'étaient dégradées en cinq années. Ils ont découvert le nombre de « tuyauteries » invraisemblables qui ont été posées. Au point que je me suis demandé si ce n'était pas dans les écoles de plomberie qu'il fallait désormais former les fonctionnaires plutôt qu'à l'ENA !
M. Jean-Pierre Masseret. C'est la même chose ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. En effet, les comptes sociaux font l'objet de montages tout à fait incompréhensibles.
La clarification des comptes, vous l'imaginez bien, sera une oeuvre de longue haleine, mais nous disposons de cinq ans pour y parvenir au fil des années. Il faut impérativement, vous l'avez dit, responsabiliser les différents acteurs. C'est une nécessité absolue car, sans responsabilité, il n'y aura pas de maîtrise de la dépense.
S'agissant de la baisse des charges, vous nous invitez, monsieur Vasselle, à nous méfier des fausses bonnes idées. Soyez assuré que les positions que j'ai prises sur le sujet continuent de m'habiter. Nous devons travailler en étroite concertation avec François Fillon, dont c'est la responsabilité, et faire très attention aux mesures que nous allons prendre. Je parle ici sous le contrôle de la commission des finances, qui a étudié l'efficacité d'une baisse des prélèvements obligatoires ; vous l'avez rappelé dans votre rapport, monsieur Marini. Il faut effectivement travailler dans le sens d'un « mixte » - pardonnez-moi ce terme qui n'est pas bien choisi - entre une baisse de l'impôt sur le revenu et une baisse des charges. Le Sénat dispose de tous les éléments pour ce faire.
J'en viens à l'intervention de Serge Vinçon, qui, comme à son habitude, s'est posé en grand défenseur de nos armées. Il a constaté - ce qui m'a fait plaisir - qu'un signe fort leur avait été adressé. Il a signalé la nécessité de ne plus afficher, comme par le passé, un écart aussi important entre les objectifs de la loi de programmation et les réalisations effectives. Nous devons y réfléchir ; M. Francis Mer vous en dira un mot, puisqu'il connaît bien ce domaine. Essayons - telle est bien la volonté du Gouvernement - d'inscrire dans les lois de programmation, et d'ailleurs, dans les lois de finances initiales, ce que nous savons pouvoir réaliser. Il y va de la crédibilité de nos engagements !
Quel est le message que nous avons souhaité vous délivrer, mesdames, messieurs les sénateurs et cher ami Serge Vinçon ? C'est une ouverture de crédits sur le titre V, au profit de l'entretien des matériels, ce que - sauf erreur de ma part - le précédent gouvernement n'avait jamais fait. Vous pouvez donc déjà constater un changement à l'occasion du premier texte financier qui vous est soumis.
J'ai failli oublier M. Gérard Delfau. N'y voyez pas malice ! Il m'a semblé que vous partagiez sur un certain nombre de sujets le point de vue de Gérard Miquel, à qui j'ai indiqué qu'il n'y avait pas, dans notre présentation budgétaire, le moindre souci de maquiller la réalité. La réalité est ce qu'elle est ; l'audit le révèle. Je ne peux pas imaginer que vous contestiez aujourd'hui la qualité du travail accompli par MM. Nasse et Bonnet, puisque ce sont les mêmes personnes que vous aviez choisies à l'occasion de la précédente alternance. Leurs conclusions n'avaient d'ailleurs pas été mises en doute par l'opposition d'alors.
S'agissant des questions que vous avez posées au sujet des ordures ménagères, je réitère l'engagement que j'ai pris devant l'Assemblée nationale.
M. Michel Charasse. Problème urgent !
M. Alain Lambert, ministre délégué. Effectivement, et il sera réglé, monsieur Charasse.
J'en ai terminé avec les réponses rapides que je voulais apporter à l'ensemble de mes anciens collègues, étant entendu que je vous donnerai davantage d'informations à l'occasion de l'examen des articles.
En guise de conclusion de cette belle discussion générale, qui m'a rappelé de si bons et beaux moments, je voudrais vous assurer que le Gouvernement - comme M. Philippe Marini nous y a d'ailleurs invités - ne se laissera pas intimider par les obstacles. Pour que vous ayez une idée du sentiment qui m'habite, quelques semaines après vous avoir quittés, j'utiliserai une métaphore.
Le Gouvernement pourrait concevoir sa tâche comme étant celle de l'équipage d'un immense navire qui n'ignore rien des tempêtes, des écueils, des vicissitudes qui jalonnent une traversée, mais qui, dans une totale solidarité avec la majorité qui le soutient, s'appliquera à mener le bateau au port dans les meilleures conditions possibles, en n'oubliant jamais que l'enjeu est non pas l'avenir de l'équipage, mais celui de tous les passagers qui sont sur le pont, c'est-à-dire des 60 millions de Français. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je n'ai pas le professionnalisme de M. Alain Lambert,...
M. Emmanuel Hamel. Vous avez d'autres talents !
M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... mais je répondrai aux questions qui m'ont été posées en tentant de vous faire partager un certain nombre de mes convictions.
La croissance, nous en sommes tous convaincus, ce sont les Français qui la font et le devoir d'un gouvernement, quelles que soient ses convictions, est de créer les meilleures conditions possibles pour que les Français aient envie de travailler, de profiter de leurs efforts et de continuer à investir. Ce sont donc eux qui construisent le devenir de notre pays. Ce n'est pas nous, même s'il nous appartient de faire en sorte qu'il en soit ainsi.
Lorsque l'on remonte quelques années en arrière, on découvre par exemple que, même si les taux d'intérêt sont actuellement particulièrement bas, la charge de la dette a - vous en conviendrez - doublé au cours des douze dernières années alors que la croissance du PIB est loin d'avoir doublé !
Comme l'a rappelé M. Alain Lambert, nous avons donc déjà commencé à charger la barque des générations futures.
Si l'on considère aussi que, au cours des sept dernières années, la dette de l'Etat français a augmenté de 50 %, passant de 500 milliards d'euros à 750 milliards d'euros, on se dit qu'il serait temps de regarder les choses en face et de penser aux générations futures. Je me permets de rappeler ces chiffres simples, et j'en profite pour en avancer un troisième dont on ne parle jamais, même lorsque l'on aborde le déficit, c'est celui des comptes de la ménagère.
L'Etat français - je ne parle pas de la sécurité sociale - a un décifit courant annuel - exploitation plus investissement - de 20 %, c'est-à-dire que nous nous comportons collectivement comme une famille qui, année après année, dépense 20 % de plus qu'elle ne gagne, en se disant qu'après tout il suffit d'emprunter pour continuer à vivre sur ce pied.
Telle est la situation que, dans notre pays - je ne cherche pas à en rendre quiconque responsable -, nous avons à affronter et à gérer pour préparer des lendemains qui ne déchanteront pas. M. Lambert a bien employé le beau mot « enchantement ». Essayons de ne pas prendre le contre-pied, afin que nous ne déchantions pas un jour et que nos enfants et petits-enfants ne nous accusent pas d'avoir été irresponsables à leur égard !
Comment faire ? Il nous faut simplement redonner confiance aux Français en leur montrant, avec beaucoup de pédagogie, que l'avenir leur appartient et que ce n'est pas la collectivité qui est le principal responsable de leur avenir ; ce sont eux, même si la collectivité doit les aider à prendre en main le mieux possible leur vie et, bien sûr, s'occuper de ceux qui sont moins doués que d'autres ou qui, par les hasards de la vie, ont besoin que l'on pense à eux. Nous avons toujours agi ainsi et continuerons en ce sens, quelles que soient les convictions « politiques » qui nous animent les uns et les autres.
Les éléments de croissance vont naître dorénavant d'un acte psychologique qui consiste à dire aux Français que ce sont eux qui agissent, et que l'Etat les aide. Pour les aider à en prendre conscience, cet acte psychologique, quelle qu'en soit l'importance du point de vue d'une relance éventuelle de la consommation, consiste à dire : « Même si, aujourd'hui, je suis en déficit, j'accepte volontairement d'augmenter de 2,5 milliards mon déficit collectif pour vous montrer, à vous, acteurs économiques, que c'est vous qui allez rebâtir notre pays et que nous avons compris le message que vous nous envoyez, aux termes duquel vous voulez garder pour vous ce que vous gagnez plutôt que de penser uniquement aux autres. » En prenant cette décision, nous prenons une décision psychologique. C'est ma définition aussi de la politique.
Nous sommes dans un monde qui doit raisonner en dynamique et le fait d'augmenter certains déficits pour relancer la machine fait partie de cette approche dynamique. Nous sommes dans un monde qui doit comprendre que ce n'est pas la version comptable qui compte, c'est la version psychologique !
Jamais, à aucun moment de l'histoire économique, non seulement de notre pays, mais aussi du monde entier - et vous le constatez à la lecture des journaux et au déroulement de la crise boursière - le système économique n'a autant dépendu de l'aspect psychologique des choses, c'est-à-dire de la confiance ou de la défiance.
Pour aider notre pays à sortir d'une évolution dangereuse, la solution consiste à créer les conditions pour que les Français aient confiance en eux et en leur Gouvernement, tout choix politique mis à part. C'est en ayant à l'esprit cette approche qu'avec Alain Lambert nous allons essayer, à la place qui est la nôtre, de contribuer à guider la politique du Gouvernement.
Cette politique doit s'inscrire dans un environnement européen car - vous le savez - depuis longtemps, la plupart des acteurs économiques de notre pays raisonnent, non plus en termes de marché national - la France -, mais en termes de marché domestique - l'Europe -, car notre marché, dans tous les sens du terme, c'est l'Europe. C'est donc sur la solidarité européenne, - et, à cet égard, l'euro est un acquis majeur qu'il nous faut absolument conserver - sur cet élargissement à tous les acteurs économiques du marché européen que nous devons bâtir notre politique.
Il serait totalement irresponsable de croire que la France peut mener une politique autonome indépendamment de l'environnement européen dans lequel elle se trouve. En revanche, c'est être tout à fait responsable que de comprendre que nous allons progressivement, ensemble, avec nos collègues européens, bâtir une politique européenne qui ne sera pas forcément calquée sur la politique américaine, car, pour parvenir au même objectif de développement, les cultures de l'Europe et des Etats-Unis sont différentes.
Dans ce contexte, on s'est interrogé sur le pacte de stabilité et de croissance. Sans doute faudra-t-il le revisiter, mais la question est ailleurs. Très symboliquement, ramener aujourd'hui à un seul pourcentage le passé, le présent et le futur n'est pas forcément facile à comprendre. Le passé, c'est la dette. Le présent, c'est le déficit ou l'excédent de fonctionnement. Le futur, c'est l'investissement, la recherche, l'innovation. Nous aurons intérêt, au niveau européen, à améliorer cette situation, ne serait-ce que pour vérifier, comme l'a dit M. le rapporteur général, que les investissements, s'ils sont peut-être financés par l'endettement, ne le sont certainement pas par le budget de fonctionnement.
M. Alain Lambert nous a rappelé que nous sommes en déficit primaire cette année, c'est-à-dire que nous empruntons, pour financer, le service des interêts de la dette. Je compte beaucoup sur les réflexions de votre assemblée, sur le travail du Gouvernement, mais aussi sur une présentation budgétaire qu'Alain Lambert n'aura pas de difficulté à mettre en oeuvre compte tenu de son expérience, pour essayer progressivement de mettre en évidence les différences qui existent entre un budget d'exploitation et un budget d'investissement. Mélanger dans la même approche budgétaire la préparation du futur et le fonctionnement du présent est un non-sens ! Cela fait des décennies qu'il en est ainsi, non seulement en France, mais partout dans le monde. Je ne vois pas pourquoi nous n'aurions pas l'ambition de montrer la voie dans ce domaine, sachant que ce n'est vraiment pas très compliqué : il suffit de regarder ce que l'on fait dans le monde économique.
Ce développement ne signifie pas que le pacte de stabilité n'aurait ni signification ni importance. Qu'y a-t-il derrière ce pacte ? Il y a la prise de conscience, par l'ensemble des pays européens, donc par notre pays, que nous aurons à faire face à de nouvelles contraintes, qui sont inscrites dans les faits, à savoir celles qui sont générées, d'une part, par le vieillissement de notre population, avec une baisse du pourcentage de la population active par rapport à la population inactive, d'autre part, par une augmentation mécanique des dépenses de santé, qui est liée, finalement, à la capacité de l'homme d'accroître, année après année, la durée de vie moyenne de la population. Nous ne pouvons que nous en féliciter ! Mais nous avons aussi le devoir de prévoir suffisamment à l'avance les conditions nous permettant d'affronter cette nouvelle situation. Telle est la base du pacte de stabilité et de croissance.
Avant d'augmenter de nouveau les dépenses, il faut créer les conditions pour ce faire - le niveau des dépenses est aujourd'hui très élevé -, donc commencer, vous l'avez bien compris, par diminuer nos déficits, les annuler, et faire baisser notre dette pour pouvoir ultérieurement la faire remonter. C'est l'exercice le plus important ! Le Gouvernement, en concertation, bien sûr, avec votre assemblée et avec l'Assemblée nationale, va essayer de créer un consensus en donnant des explications.
Il est facile, c'est vrai, d'imaginer des réductions de recettes. Il est moins facile d'imaginer les nécessaires diminutions de dépenses qui doivent accompagner ces réductions de recettes. La réduction des recettes est philosophiquement destinée à donner à l'acteur économique plus de liberté de choix dans l'utilisation de l'argent qu'il gagne. La réduction des dépenses doit être la contrepartie de cette réduction des recettes. Tel est notre objectif.
En ce qui concerne la défense, il est clair que nous avons eu, pour des raisons sans doute budgétaires, un comportement qui n'est pas très raisonnable. Cela explique les taux de disponibilité qui ont été évoqués pour certains matériels et, finalement, l'impossibilité pour notre armée d'être, à tout moment, aussi opérationnelle qu'elle devrait l'être : les dotations financières sont insuffisantes pour assurer, au minimum, un fonctionnement correct.
Nous avons donc apporté des modifications - c'est le moins que nous devions faire - afin de pouvoir regarder notre armée en face et lui donner la possibilité de remplir le rôle qu'elle doit jouer.
Ensuite, comme vous l'avez rappelé, la loi de programmation militaire en cours d'élaboration et qui sera présentée au Parlement devrait permettre à notre pays de bâtir une politique de défense non seulement autonome, mais également intégrée dans l'espace européen et, au travers des forces de réaction communes, dans l'espace « OTAN », c'est-à-dire avec les Américains, voire de former des alliances ad hoc sur tel ou tel sujet.
Nous avons là un choix majeur à faire, qui s'ajoute aux autres choix régaliens de base qui ont caractérisé les premiers mois d'action du Gouvernement dans les domaines de la sécurité et de la justice.
A l'évidence, les trois éléments de base de n'importe quel gouvernement, dans n'importe quel pays, sont la défense, la sécurité et la justice. Dans ces trois domaines, le Gouvernement fait rapidement ce qu'il estime devoir faire pour remettre à niveau notre pays, de manière que, lorsqu'on parle de défense ou de réputation, nous soyons appréciés autant que nécessaire tant par nos concitoyens que par les pays étrangers.
Au-delà de ces dépenses régaliennes, il revient au Gouvernement de choisir ce qui relève de la responsabilité gouvernementale et ce qui doit être retransféré à chacun de nos concitoyens. Le choix fait partie de la politique ! Mais, dans le monde actuel, il importe de faire des choix significatifs : je fais ou je ne fais pas ! Nous sommes dans un monde binaire. Nos choix devront donc être beaucoup plus binaires que progressifs : un peu plus ou un peu moins.
Dans ce contexte, comme cela a été rappelé par Alain Lambert, l'évolution de la fonction publique sera l'un des éléments majeurs. A l'évidence, nous avons la possibilité, à partir de la situation actuelle, d'améliorer la performance de la fonction publique, c'est-à-dire celle des services qu'elle rend.
Nous sommes une entreprise de production de services. Nous produisons peu en matière de « dur », mais beaucoup en matière de « soft », comme on dit. Ces entreprises de production de services sont capables, si on les y aide, si on les y incite en leur offrant l'environnement adéquat par des investissements suffisants, d'améliorer, comme les autres, leurs performances, leur productivité.
Cette amélioration des performances pourra se traduire, au fil du temps, par une réduction des coûts, s'accompagnant probablement d'une diminution des effectifs dans la fonction publique, sans que cette évolution mette en cause l'aspect qualitatif ou quantitatif du service rendu au public, dès lors que nous aurions décidé de maintenir telle ou telle prestation.
Il s'agit là d'un superbe chantier, qui est très classique pour n'importe quel entrepreneur. Il se joue sur dix ans et non pas sur les six mois à venir, avec des hommes et des femmes, c'est dire avec des convictions, des méthodes, mais aussi des incitations. En effet, il est impossible de faire évoluer une personne si elle n'y trouve pas son intérêt, cet intérêt n'étant pas forcément matériel, mais étant, dans tous les cas, un intérêt intellectuel qui consiste à être fier de ce que l'on fait, à se faire plaisir en travaillant et à se faire encore plus plaisir en travaillant mieux.
C'est dans cette direction, y compris dans notre ministère, que nous allons engager nos réflexions. En effet, il y a là un chantier de long terme, qui présente un intérêt majeur à la fois pour les 20 % de la population française qui travaillent dans la fonction publique, mais aussi pour les 80 % restants qui ont besoin d'une fonction publique performante, à hauteur de la performance qu'on leur demande dans le monde d'aujourd'hui.
Telles sont les quelques réflexions complémentaires que je voulais formuler dans le prolongement de celles d'Alain Lambert. Ensemble, nous sommes et serons toujours à votre disposition pour vous expliquer, de manière transparente et de manière confiante, car nous n'avons pas d'intérêt particulier à créer une défiance quelconque des assemblées, les problèmes que nous affrontons et les solutions que nous proposons, les raisons pour lesquelles nous suggérons telle solution plutôt que telle autre, tout en écoutant, bien entendu, vos propres suggestions. Car, votre assemblée peut, j'en suis convaincu, nous aider dans nos réflexions et dans nos choix. (Applaudissement sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.

5

NOMINATION DE MEMBRES
D'ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES

M. le président. Je rappelle que la commission des finances a proposé deux candidatures pour deux organismes extraparlementaires.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame :
- M. Philippe Marini membre de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, en remplacement de M. Alain Lambert, nommé membre du Gouvernement ;
- M. Paul Loridant membre de l'Observatoire de la sécurité des cartes de paiement.

6

CANDIDATURES
À UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. J'informe le Sénat que la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation m'a fait connaître qu'elle a d'ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu'elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d'une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi de finances rectificative pour 2002.
Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai réglementaire.

7

PROJET DE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2002

Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2002.
Nous passons à la discussion des articles.

PREMIÈRE PARTIE

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L'ÉQUILIBRE
FINANCIER

Article 1er



M. le président.
« Art. 1er. - Pour l'imposition des revenus de l'année 2001, le montant de l'impôt résultant de l'application des dispositions des 1 à 4 du I de l'article 197 du code général des impôts est réduit de 5 %. »
Sur l'article, la parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, si vous le permettez, je défendrai également l'amendement n° 15 présenté par le groupe communiste républicain et citoyen.
L'article 1er de ce collectif budgétaire comporte la première mesure financière du nouveau Gouvernement : la baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu acquitté en 2002. Injuste socialement, inefficace sur le plan économique, elle annonce des orientations budgétaires régressives pour 2003, privilégiant l'intérêt des classes les plus aisées et renforçant l'austérité des dépenses publiques et sociales.
Le geste en faveur des plus gros contribuables est flagrant. Un journal populaire d'Ile-de-France pose la question suivante : « Les petits salaires ne risquent-ils pas d'être les perdants de la rentrée ? » Cette question est d'autant plus légitime que ce sont eux, en effet, qui subissent de plein fouet la hausse de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, les hausses importantes des tarifs publics, sans oublier, messieurs les ministres, votre refus d'accorder, le 1er juillet dernier, un coup de pouce supplémentaire au SMIC.
D'effets positifs sur le pouvoir d'achat, la consommation et la croissance, quoi que vous en disiez, messieurs les ministres, votre mesure n'en entraînera guère. Car ceux qui vont bénéficier de vos largesses fiscales sont précisément ceux qui ont la moindre propension à consommer : au mieux un tiers du bénéfice de la baisse d'impôt serait consommé, avec un effet négligeable sur l'activité. Vous-même n'évaluez la croissance induite par votre baisse d'impôt qu'à 0,1 % pour 16 milliards de francs. Quel rendement ! Le reste ira encore stérilement alimenter les portefeuilles de placements.
Injuste, inefficace, la baisse de l'impôt sur le revenu ne constitue pas davantage un encouragement au travail et à l'initiative, comme vous le prétendez. Ceux qui profiteront le plus de cette mesure sont les contribuables, pour lesquels les salaires comptent le moins par rapport aux revenus financiers et patrimoniaux.
Dans les revenus des 1 % de ménages les plus aisés, qui vont profiter de 33 % du bénéfice de la baisse d'impôt, les salaires rentrent seulement pour 43 %, contre 64 % en moyenne.
Si vous aviez vraiment voulu faire un geste fiscal efficace pour soutenir la croissance, rien ne vous empêchait de réduire l'imposition indirecte si injuste pesant sur la consommation, par exemple la TVA.
Votre choix de baisser l'impôt sur le revenu traduit, en fait, un tout autre objectif. C'est ce que révèle la contradiction flagrante entre votre mesure et l'objectif que j'ai envie de qualifier d'« obsessionnel », que vous continuez d'afficher, de baisse du déficit. Vous n'avez pas de paroles assez dures pour fustiger vos prédécesseurs sur ce point. Pourtant, votre mesure va creuser le déficit.
Vous prétendez vous être appuyés sur l'audit de la situation des finances publiques pour préparer ce collectif budgétaire. Pourtant, on peut y lire : « La contrepartie de cette politique de baisse des prélèvements obligatoires est de nous faire débuter la phase nouvelle qui s'ouvre avec un déficit plus lourd qu'on aurait pu l'escompter. » Et le coût total des baisses d'impôt de la précédente législature, qu'à titre personnel je n'ai jamais approuvées, y est estimé à 2,4 % du PIB. Le seul coût de la baisse de l'impôt sur le revenu en 2001 est estimé à 4,6 milliards d'euros par la Cour des comptes.
En ce qui concerne les allégements de cotisations sociales patronales, autre « clé de voûte » de votre stratégie selon le Premier ministre, qui coûtent déjà la somme colossale de 18 milliards d'euros à la sécurité sociale, je veux également insister ici sur ce que les auteurs de l'audit m'ont répondu en commission : « Aucun économiste n'est en mesure de donner de chiffres précis sur leurs conséquences sur l'emploi ».
La vérité, c'est qu'avec ces réductions d'impôts et de charges vous continuez à saper délibérément les recettes de l'Etat et de la sécurité sociale pour livrer davantage notre pays à l'emprise des marchés financiers.
Les 2,55 milliards d'euros que va coûter la baisse de l'impôt sur le revenu serviront, au nom de la résorption du déficit budgétaire, à justifier de nouvelles coupes dans les dépenses publiques et sociales, ainsi que de nouvelles privatisations.
La lettre de cadrage de M. le Premier ministre ne projette qu'une progression de 0,2 % des dépenses publiques pour 2003. Elle s'accompagne d'une attaque sans précédent contre l'emploi public : un quart des départs à la retraite ne devrait pas être remplacé, selon M. le rapporteur général.
Mais qui n'allez-vous pas remplacer ? Quel service public allez-vous sacrifier ? La vérité, c'est que le pouvoir d'achat des fonctionnaires a baissé de 10 % depuis 1983 et que le coût de la fonction publique est passé de 11 % à 8 % du PIB. Depuis lors, la dégradation de l'offre et de la qualité du service public est quasi générale. La situation de sous-effectif est alarmante dans bien des secteurs, et elle est aggravée du fait d'une application des 35 heures en général sans création de postes. Allez-vous supprimer des postes d'enseignants, d'infirmiers ou de contrôleurs des impôts, alors que ces derniers, avec leurs syndicats, se plaignent déjà de ne plus pouvoir assurer correctement la répression de la fraude ?
A propos de cette attractivité économique de la France dont vous parliez ce matin, je vous rappelle que nous la devons grandement, selon les mêmes rapports que vous citiez, à nos infrastructures et à la qualité de nos services publics, précisément ce que le dumping fiscal que vous préconisez menace.
Les citoyens les plus modestes seront pénalisés deux fois par votre politique budgétaire : non concernés par les baisses d'impôts, ce sont eux qui subiront le plus fortement l'austérité des dépenses publiques d'éducation, de santé et de transport.
Quant au discours dogmatique que vous continuez à nous asséner sur l'efficacité de la gestion privée comparée à la logique de service public, il se heurte au scandale de Vivendi Universal. Et que dire encore de la dette pharaonique de France Télécom, qui atteint 60 milliards d'euros ? Les usagers nationaux financent à fonds perdus une politique désastreuse d'investissements internationaux.
Je vous invite à réfléchir sur quelques chiffres : l'argent englouti dans le rachat de NTL, en juillet 1999, pour 7,9 milliards d'euros, puis de MobilCom, en mars 2000, pour 3,7 milliards d'euros équivaut au financement de la couverture totale du territoire en fibre optique que l'ART, l'Autorité de régulation des télécommunications, propose dans son dernier rapport de faire financer par les collectivités locales.
Je vous pose la question, messieurs les ministres : appuyez-vous toujours la poursuite de la stratégie de la direction de France Télécom ? Le Premier ministre, en refusant d'agréer la hausse des tarifs d'EDF, a manifesté un signe de lucidité, même s'il a des arrière-pensées concernant la privatisation éventuelle de l'opérateur public. (M. Gaillard s'esclaffe.) La colère sociale, juste et légitime, gronde. Vous l'aurez compris, messieurs les ministres, elle a notre soutien. C'est la raison pour laquelle nous sommes totalement opposés à l'article 1er dont nous demandons, par l'amendement n° 15, la suppression.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Paul Loridant.
M. Paul Loridant. M. le ministre des finances nous a présenté un projet de baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu dès l'année 2002 qui devait être l'amorce d'une baisse globale de 33 % d'ici à 2007. Depuis, il est vrai, la promesse s'est un peu atténuée. (Sourires.) Parallèlement, le Gouvernement prévoit de donner des moyens nouveaux à la police, à la justice, aux hôpitaux, notamment.
Dans le même temps, le Président de la République s'est engagé, au sommet de Barcelone, les 15 et 16 mars, aux côtés de Lionel Jospin, puis au Conseil de Séville, le 22 juin, à réduire à zéro nos déficits d'ici à 2004.
Soyons clairs, tout cela ne nous paraît pas très sérieux. Ces orientations ne nous semblent ni justes, ni réalistes, ni efficaces. A entendre M. Mer tout à l'heure, il s'agirait de « psy-cho-lo-gie », mes chers collègues. Autrement dit, les finances de la France sont aujourd'hui gérées par la psychologie. Monsieur le ministre, vous avez employé l'expression à quatre reprises. Non, c'est un défi au bon sens, j'allais dire au bon sens des banlieues.
M. Michel Caldaguès. Quelle absurdité !
M. Paul Loridant. La croissance est ralentie, le déficit budgétaire s'aggrave, comme le constatent les auteurs de l'audit que vous avez commandé, et vous baissez les impôts ? Mes chers collègues, quel est celui d'entre nous - maire, président de conseil général ou conseiller régional - qui prétendrait baisser les impôts devant l'aggravation du déficit de sa collectivité ? Pensez-vous qu'une telle mesure serait acceptée par le conseil municipal ou le conseil général ? Et croyez-vous que le contrôle de légalité laisserait passer une telle décision ? Mes chers collègues, le contrôle de légalité du pouvoir exécutif aujourd'hui, c'est le Sénat. Et vous ne dites rien !
M. Yann Gaillard. On ne gère pas l'Etat comme une commune !
M. Paul Loridant. Voilà la vérité. C'est un défi au bon sens. Pour aggraver le cas, le ministre des finances nous explique que, en 2003, tout ira mieux parce que la croissance sera de retour. Mais, monsieur le ministre, que n'attendez-vous l'année 2003 pour baisser les impôts ! Les Français sont réalistes et de bon sens : ils attendront 2003 !
De surcroît, ces orientations nous paraissent fondamentalement injustes. Il est évident, en effet, que cette baisse d'impôt favorisera les contribuables les plus aisés dans la mesure où elle est proportionnelle et non pas progressive. Alors que les salariés sont de plus en plus soumis à la flexibilité dans leur entreprise, les dirigeants voient, au contraire, leurs rémunérations progresser de manière exponentielle à coup de stocks-options et de mesures spécifiques. Les grands dirigeants sont dans une situation, certes, difficile, puisqu'ils sont révocables du jour au lendemain, mais ceux qui souffrent le plus sont bien les salariés, victimes de stratégies de fusion-acquisition-restructuration. Dans l'affaire Vivendi Universal, on a pu pleurer sur le sort de M. Messier, mais il faut plutôt s'inquiéter de la situation des salariés du groupe...
Dans un tel contexte, les premiers actes du Gouvernement sont éloquents. C'est précisément ce moment qu'il a choisi pour refuser de donner un coup de pouce au SMIC et pour diminuer l'imposition des plus aisés.
Cette politique est abusive, mais ne veut pas apparaître comme telle : je vous rappelle que le Président de la République, le 14 juillet dernier, a cherché à nous persuader qu'il s'agit non pas d'un choix idéologique - il est bien connu qu'on ne fait jamais d'idéologie dans la partie droite de l'hémicycle - mais d'une mesure de survie.
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas de l'idéologie, c'est de la psychologie !
M. Paul Loridant. Le Premier ministre et le Gouvernement pensent-ils que c'est vraiment de cette manière qu'ils vont renouer le dialogue avec la « France d'en bas » ?
Non seulement ces orientatons sont injustes mais elles sont également irréalistes.
L'audit des finances publiques a montré que le déficit de l'Etat atteindra entre 41,9 et 44,6 milliards d'euros en 2002. La croissance sera vraisemblablement de 1,4 % en 2002. Les conjoncturistes prévoient au mieux une croissance de 2,7 %, en moyenne, pour 2003, contrairemeznt au Gouvernement qui, jusqu'à présent, avançait plutôt le taux de 3 %. Au demeurant, le rapporteur général de la commission des finances se montre plus prudent en annonçant 2,7 % ou 2,8 % de croissance.
Or, d'après les économistes, le taux de croissance nécessaire pour stabiliser le déficit public est de l'ordre de 2,4 %. On voit que, dans ces conditions, il est impossible de ramener le déficit public à zéro d'ici à 2004. En effet, le manque à gagner engendré par cette réforme ficale sera de 2,57 milliards d'euros, à ajouter au 1,9 milliard d'euros de la baisse d'impôt décidée par le précédent gouvernement. Soit dit en passant, même si la méthode est différente, il y avait un point commun entre la majorité actuelle et le gouvernement socialiste précédent : ils avaient, les uns et les autres, inscrit dans leurs orientations la diminution des impôts.
Dès lors, on ne voit pas très bien par quel coup de baguette magique le Gouvernement parviendra à annuler le déficit public.
Ces orientations ne me paraissent pas efficaces. Il y a fort à parier que la politique menée par le Gouvernement ne conduira pas à une amélioration des finances publiques dans les années qui viennent. Je pense au contraire qu'elle va accroître le fossé entre ce que M. Raffarin appelle la France d'en haut et la France d'en bas.
La France avait vraiment besoin d'une autre politique, plus juste et plus sociale.
M. Hilaire Flandre. Les Français n'en ont pas voulu !
M. Paul Loridant. Messieurs les ministres, si j'avais été à votre place trente secondes, je n'aurais pas fait de psychologie. J'aurais pris un seul engagement, celui de ne pas augmenter les impôts sur l'ensemble de la législature à venir afin d'assurer, avec une telle politique, le redressement de la France.
M. Hilaire Flandre. Vous aurez une marge de manoeuvre quand vous reviendrez au pouvoir !
M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont présentés par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 15 est ainsi libellé :
« Supprimer l'article 1er. »
L'amendement n° 16 est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit l'article 1er :
« I. - L'article 278 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Art. 278 - Le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée est fixé à 18,60 %. »
« II. - Les dispositions du I ci-dessus sont applicables à partir du 1er août 2002. »
L'amendement n° 6, présenté par MM. Miquel, Massion, Moreigne, Sergent, Demerliat, Charasse, Lise, Haut, Marc, Angels, Auban et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit l'article 1er :
« A. - Dans le 1 du I de l'article 197 du code général des impôts, les taux : "7,5 %" ; "21 %" ; "31 %" ; "41 %" ; "46,75 %" et "52,75 %" sont respectivement remplacés par les taux : "6,75 %" ; "18,9 %" ; "28,85 %" ; "38,15 %" ; "46,05 %" et "51,95 %".
« B. - Le 1 du I du même article est complété in fine par un alinéa ainsi rédigé :
« Le montant de la réduction de l'impôt ainsi calculé résultant de la révision des taux du barême par la loi n° du de finances rectificative pour 2002 ne peut être inférieur à 50 EUR, dans la limite du montant de l'impôt calculé, ni supérieur à 1 500 EUR. »
« C. - Les éventuelles pertes de recettes résultant du A et du B sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle au droit de consommation sur les tabacs visé à l'article 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° 15 a été défendu.
La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, pour présenter l'amendement n° 16.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Nous proposons de substituer à la baisse de l'impôt sur le revenu de 5 % celle du taux normal de la TVA, qui passerait de 19,6 % à 18,6 % à compter du 1er août prochain
Contrairement à la baisse de l'impôt sur le revenu, celle de la TVA est juste socialement et soutient réellement la consommation populaire, moteur d'une croissance saine et créatrice d'emplois.
La TVA est en effet - chacun le sait ici -, comme tous les prélèvements indirects sur la consommation, un impôt perfide, profondément injuste, dégressif dans les faits et qui pénalise les ménages les plus modestes. Je me permets de vous renvoyer aux résultats de l'enquête de l'INSEE sur le « budget des familles », citée dans le rapport du Conseil des impôts de 1999 sur la TVA : celle-ci représente près de 13 % des revenus d'un ménage gagnant 9 000 EUR par an et moins de 7 % de ceux d'un ménage dont les ressources atteignent 70 000 EUR.
Une baisse du taux de la TVA profiterait donc en priorité à ceux qui en ont le plus besoin, à ceux qui vivent essentiellement des revenus du travail ou de substitution, salaires, retraites, allocations familiales, allocation adulte handicapé. Ce sont ces catégories qui ont la plus forte propension à consommer.
Il est certain que les ménages modestes, qui sont largement exclus du bénéfice de la baisse de l'impôt sur le revenu, n'utiliseraient pas les bénéfices qu'ils tireraient d'une baisse de TVA pour spéculer.
Songeons, puisque nous sommes au mois de juillet, que quatre Français sur dix ne seront pas partis en vacances cette année ce sera également le cas de 60 % des ménages percevant moins de 1 000 EUR par mois et d'un tiers des enfants.
C'est donc pour favoriser la justice sociale et fiscale et pour soutenir la consommation populaire que nous proposons, comme nous l'avons fait ici à maintes reprises, de baisser le taux normal de la TVA et, dans un premier temps, de revenir à celui de 18,6 %.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que c'est la majorité de 1995 qui avait relevé, à l'époque « à titre temporaire », le taux de la TVA de 18,6 % à 20,6 % avec comme objectif affiché de diminuer le déficit budgétaire et, accessoirement, de financer des mesures prétendument destinées à soutenir l'emploi et à préserver la protection sociale. Vous devriez tenir compte de cette expérience !
Le gouvernement sortant a depuis fait repasser ce taux à 19,6 %, mesure allant dans le bon sens, mais dont nous avons à chaque débat budgétaire souligné l'insuffisance, notamment au regard des engagements qui avaient été pris en 1997.
Aujourd'hui, la nouvelle majorité affiche toujours, comme en 1995, l'objectif de réduire le déficit budgétaire et n'a de cesse de fustiger les dérapages antérieurs en la matière. Pourtant, avec la baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu, d'autres orateurs l'ont mentionné, la majorité s'apprête à creuser encore ce déficit de 2,55 milliards d'euros.
La baisse de un point du taux normal de la TVA à partir du 1er août que nous proposons dans cet amendement coûterait moins cher au budget de l'Etat - 1,9 milliard d'euros - et serait beaucoup plus efficace pour soutenir l'économie. Alors, pourquoi ne pas opter aujourd'hui, messieurs les ministes, pour cette mesure, qui correspond mieux aux objectifs que vous affichez ?
Cela irait dans le sens d'une harmonisation fiscale européenne, puisque le taux normal de la TVA dans notre pays est notoirement supérieur à celui de nos principaux partenaires - 16 % en Allemagne, 17,5 % au Royaume-Uni - et largement au-dessus du taux plancher de 15 %.
En revanche, l'impôt sur le revenu que vous proposez de baisser est celui qui pèse le moins dans les recettes fiscales françaises par rapport à ces mêmes partenaires : 8 % contre 9,6 % en Allemagne et même 10,5 % en Grande-Bretagne, où seraient pourtant tentés de s'expatrier, selon vous, les contribuables français.
M. Hilaire Flandre. Eh oui !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Mais j'ai compris, et depuis longtemps, combien les critères européens, d'ailleurs de concert avec Bruxelles, sont toujours utilisés dans un sens unique, à savoir la justification d'orientations ultralibérales.
Nonobstant cette dernière remarque, je vous demande, mes chers collègues, d'adopter notre amendement comme un signe fort pour redonner de l'énergie à la « France d'en bas ».
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Marc Massion, pour présenter l'amendement n° 6.
M. Marc Massion. Cet amendement vise à rendre plus juste la baisse de l'impôt sur le revenu ici proposée.
Comme cela a été rappelé au cours de la discussion générale, le groupe socialiste n'est pas opposé aux baisses d'impôts, y compris en matière d'impôt sur le revenu. Il en a déjà voté dans le passé et il est prêt à poursuivre dans la même voie, comme cet amendement le prouve, mais à condition d'aller dans le sens d'une meilleure justice fiscale. Car il y a baisse d'impôt et baisse d'impôt !
M. Jean Chérioux. C'est vrai !
M. Marc Massion. La vôtre, messieurs les ministres, n'est pas satisfaisante, elle est en particulier socialement injuste, comme l'ont déjà dit mes amis.
Une formule m'a frappé, qui est revenue dans les propos des ministres puis de M. le rapporteur général dans la discussion générale : cette disposition serait prise pour encourager ceux qui travaillent. Il y a des Françaises et des Français qui, heureusement, travaillent et qui ne sont pas imposables sur le revenu.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ceux qui travaillent et qui font travailler !
M. Marc Massion. Que faites-vous pour eux qui seront déjà frappés par l'augmentation d'un certain nombre de tarifs ?
M. Christian de La Malène. Ils ne paient pas d'impôts !
M. Marc Massion. Cette sélection que vous opérez entre les salariés me paraît choquante même si, nous dit-on, elle est « psychologique ».
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Marc Massion. Pour en revenir à l'article 1er, dont nous débattons, nous proposons par notre amendement de diminuer de 10 % le taux des deux premières tranches du barème de l'impôt sur le revenu, de 7 % les deux suivantes, et, enfin, de 1,5 % les deux dernières. L'économie d'impôt ainsi procurée serait au moins de 50 euros et au plus de 1 500 euros. Cette mesure est simple ; elle est évidemment plus juste que celle que propose le Gouvernement.
Il conviendrait aussi que le Gouvernement engage dans les plus brefs délais une réflexion sur la prime pour l'emploi, afin que celle-ci soit plus favorable au travail à temps partiel tout en continuant à rendre plus attractif le travail à temps plein. Une telle démarche serait le prélude à l'augmentation, qui nous paraît indispensable, de la prime pour l'emploi en 2003, augmentation qui comme l'année passée, devrait intervenir dès le mois de janvier.
Monsieur le ministre, vous nous avez indiqué que votre « rabais sur facture » de 5 % - passez-moi l'expression, mais c'est la vôtre : c'est ainsi que vous avez vous-même qualifié votre mesure fiscale - ne modifierait pas la progressivité de l'impôt sur le revenu.
C'est probablement exact, mais il est certain qu'il atténuera la progressivité de l'ensemble de notre système de prélèvements obligatoires, en effet, monsieur le ministre, diminuer le poids du seul impôt progressif diminue automatiquement la progressivité de l'ensemble !
Dans notre pays, certains prélèvements sont dégressifs,...
M. Hilaire Flandre. C'est ainsi que l'on décourage !
M. Marc Massion. ... par exemple la taxe d'habitation, d'autres sont proportionnels, comme la contribution sociale généralisée, la CSG, ou la TVA ; un seul est progressif : l'impôt sur le revenu. Il nous semble sage que chacun conserve le même poids, afin que l'équilibre d'ensemble ne soit pas modifié.
En outre, diminuer le seul impôt progressif est la plus mauvaise des décisions, tant celui-ci est déjà faible en France, comme l'a souligné le rapport général de M. Gilles Carrez à l'Assemblée nationale : il représente, avec la CSG, 8,1 % du PIB, contre 10,9 % en moyenne dans l'Union européenne.
Aussi, pour vous éviter une telle conséquence, qui devrait vous être insupportable, nous vous proposons, monsieur le ministre, mes chers collègues, de renforcer la progressivité de l'impôt sur le revenu.
Avec l'adoption de l'amendement n° 6, tout le monde gagnera à la baisse de l'impôt sur le revenu - mais les plus modestes, il est vrai, plus que les plus aisés. Certes, le gain sera moins progressif par rapport au revenu que celui que produirait votre « rabais sur facture ».
En renforçant la progressivité de l'impôt sur le revenu tout en réduisant son importance, nous maintenons inchangée la progressivité de l'ensemble des impôts français. Le contrat social, en partie fondé sur cette progressivité, est ainsi sauvegardé.
En outre, la mesure sera bénéfique pour l'économie, car l'augmentation du pouvoir d'achat ainsi obtenu sera consommée, alors que si nous suivons votre proposition, elle sera plutôt absorbée par l'épargne. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Hélène Luc. Pas de problème !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Votre indication est quelque peu tendancieuse, chère collègue ! Permettez-moi de m'exprimer au nom de la commission ! (Sourires.)
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, j'ai entendu comme vous toutes ces argumentations qui, en réalité, ont un seul objet : nous démontrer que la politique fiscale que conduisait l'ancien gouvernement était la bonne et qu'il ne fallait point en changer.
Si cette politique, qui visait à concentrer au maximum et de plus en plus la charge de l'impôt sur le revenu sur une catégorie de plus en plus étroite, était la bonne politique, si c'était la politique la plus opportune aux yeux de l'opinion publique et, en même temps, la plus conforme à l'équité, mes chers collègues, elle aurait au moins été défendue au second tour de l'élection présidentielle, pardonnez-moi de vous le rappeler !
Vous vous exprimez avec, semble-t-il, la certitude d'être les seuls détenteurs de la vérité en matière de politique fiscale, et vous essayez d'enfoncer la majorité présidentielle et le Gouvernement dans une mauvaise conscience que nous devrions partager.
Eh bien, pardonnez-moi de vous le dire : je ne suis pas d'accord avec cette façon de voir les choses. (Très bien ! sur les travées du RPR.)
M. Francis Mer rappelait très opportunément et fort justement, tout à l'heure, que l'économie était d'abord faite de psychologie et que ceux des acteurs qui ont un rôle déterminant dans l'élaboration du climat qui permettra la croissance devaient être confiants dans la politique économique.
M. Gérard Delfau. Merci pour les autres !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Souhaitez-vous m'interrompre, mon cher collègue ?
M. Gérard Delfau. Si vous le désirez, certainement, monsieur le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je vous en prie, si M. le président vous y autorise.
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, avec l'autorisation de M. le rapporteur général.
M. Gérard Delfau. Plus exactement à la demande de M. le rapporteur général ! (Marques de dénégation sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean Chérioux. Pas vraiment !
M. Gérard Delfau. Monsieur le rapporteur général, la confiance se mérite. Elle ne peut être forte et avoir d'effets à long terme que si elle entraîne l'ensemble de la nation.
M. Jean Chérioux. Pas sur le plan économique !
M. Gérard Delfau. La critique permanente que nous adressons à ce collectif budgétaire est qu'il est orienté, partial et inégalitaire.
M. Hilaire Flandre. Vous êtes experts en la matière !
M. Gérard Delfau. Dans un contexte mondial difficile - et, sur ce point au moins, nous sommes d'accord, vous et nous -, il n'offre pas les bases stables qui donneront confiance et relanceront notre économie, alors que tant de facteurs de par le monde contribuent à « miner » ses soubassements.
Telle est la précision que je souhaitais apporter. Nous pouvons être en désaccord sur des nuances. Là, notre divergence est de fond. (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Michel Caldaguès. Pourquoi ne l'avez-vous fait ?
M. Jean Chérioux. Faites de l'économie !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Oui, il est vrai que nous avons un désaccord de fond. Il porte notamment sur le fait, mes chers collègues, que vous bornez vos analyses aux frontières de l'Hexagone.
M. Gérard Delfau. Pas du tout !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Si vous étiez attentifs à la question si importante de l'attractivité économique et fiscale de la France, je crois que vous raisonneriez autrement. Notre attractivité diminue, toutes les études l'ont montré, y compris celles qui ont été demandées par les ministres que vous souteniez.
La baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu est un signal qui tend - pardonnez-moi de répéter ce qui figure dans mon rapport écrit - à rehausser à moyen terme le potentiel d'offre de l'économie. C'est une mesure, un signal qui s'adresse aux investisseurs, à celles et à ceux qui peuvent jouer un rôle dans le processus de création d'emplois. Par ailleurs, il convient de mettre l'accent sur la concentration toujours plus forte de l'impôt sur le revenu sur les ménages aux revenus moyens et élevés à laquelle je faisais allusion à l'instant. L'ancien rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale notait lui-même dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2002 qu'elle s'était accrue, ces dernières années, non par le jeu de la majoration des taux des tranches du haut du barème, mais par la diminution systématique de la contribution de ceux qui sont imposés dans les premières tranches du barème. C'est là une réalité : l'impôt sur le revenu se concentre sur une fraction toujours plus faible des redevables.
Que vous le vouliez ou non - tous les chiffres sont contenus dans ce rapport -, cela entraînera de plus en plus de réactions de refus de l'impôt de la part des contribuables, qui aménageront leur situation afin d'éviter de se trouver dans une position qu'ils estimeront excessivement pénalisante sur le plan fiscal.
Or vous savez très bien, monsieur Delfau, que, au jeu des inégalités, les choses sont complexes ! Le contribuable « très bien pourvu » aura tout moyen, ou en tout cas bien plus de moyens que d'autres, pour solliciter les conseils les plus avisés et aménager sa situation fiscale.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Vous leur en donnez encore plus les moyens !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela se fera par le biais de toute une palette complexe d'instruments qui existent. A contrario , ceux qui ne pourront pas y avoir accès, les cadres moyens et supérieurs, supporteront pour une large part le rendement de l'impôt sur le revenu.
Au jeu des comparaisons et de l'équité, des variations sont toujours possibles, et, en défendant tout à l'heure les petits contribuables et les personnes défavorisées, vous défendiez, assurément sans le vouloir, la situation extrêmement privilégiée de celles et de ceux, en nombre très limité, qui sont les mieux pourvus par la fortune dans le monde d'aujourd'hui. (Exclamations sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Roland Courteau. Il fallait y penser !
M. Gérard Delfau. C'est une escroquerie morale !
M. Philippe Marini, rapporteur général. La mobilité du facteur de production, notamment du travail, c'est la réalité factuelle, et je vous mets au défi de prouver le contraire, mes chers collègues.
La compétition fiscale est une réalité, et elle est vive en Europe. Les taux marginaux de l'impôt sur le revenu diminuent chez plusieurs de nos voisins ; ainsi, la réforme fiscale allemande conduira, à terme, à la définition d'un taux marginal de 42 %.
Nous devons donc nous placer dans cette perspective comparative, avec le souci que la France soit un pays attractif pour ses talents et qu'elle leur permette de s'exercer sur le territoire national.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Mais vous diminuez la dépense publique ! Vous faites le contraire !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faudra naturellement, madame Beaudeau, diminuer la dépense publique.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Ce faisant, vous cassez les atouts !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n'est pas le moindre mérite de la politique de baisse des prélèvements obligatoires...
Mme Marie-Claude Beaudeau. Pour qui ? Pour faire quoi ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... que de contraindre l'Etat à diminuer la dépense publique dans des proportions au moins suffisantes pour contribuer au retour à l'équilibre des comptes publics et pour dégager les marges de manoeuvre nécessaires au financement des investissements, qui préparent l'avenir.
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements n°s 15, 16 et 6, pour toutes les raisons que je viens d'exposer.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je ne suis pas du tout convaincue !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Sous le bénéfice des très judicieuses observations que vient de faire M. le rapporteur général, le Gouvernement va pouvoir être bref.
Madame Beaudeau, il faut tout de même que vous preniez en compte les raisons qui nous ont conduits à proposer cette réduction de 5 % du montant de l'impôt sur le revenu. Le taux de prélèvement est plus élevé dans notre pays que chez ses principaux partenaires : il est de 45,8 % en France, pour une moyenne de 41,6 % en Europe, et je ne parle pas des Etats-Unis - cela vous fâcherait ! -, où le taux de prélèvement est de 25,9 %.
Une telle pression fiscale et sociale pénalise le travail et l'initiative, madame Beaudeau, et freine le développement de notre pays !
Notre impôt sur le revenu est concentré, M. le rapporteur général le rappelait : un contribuable sur deux ne le paie pas, et 1 % des foyers en acquitte près de 30 %. Dans les tranches supérieures, il faut tout de même se souvenir qu'il atteint, conjugué à la CSG, plus de 60 % du revenu, nous situant ainsi très au-dessus de nos partenaires, qui sont en même temps nos concurrents.
Une telle situation ne peut plus durer. Elle pousse nos cadres à s'expatrier et rend difficile l'implantation de cadres étrangers dans notre pays - au moment même où les entreprises, sur l'ensemble du territoire européen, sont en train de revoir leurs implantations -, et tous les rapports consacrés à ce sujet, cela a été évoqué lors de la discussion générale, ont abouti à cette même conclusion.
Il faut donc agir. Le Gouvernement le fait sans tarder, rendant ainsi hommage à ceux qui travaillent. L'enjeu, en effet, c'est de croire dans le travail des Français, dans la valeur morale et matérielle du travail, de croire dans la capacité de nos compatriotes à attirer des activités nouvelles, donc des emplois nouveaux sur notre territoire, grâce à la qualité de notre main-d'oeuvre et à sa performance.
Il ne faut plus décourager l'accueil d'activités nouvelles, il faut l'encourager ; il ne faut plus fuir ceux qui entreprennent, il faut les attirer. Tel est l'esprit de notre réforme.
C'est ce qui me conduit, madame Beaudeau, si vous maintenez votre amendement, à recommander au Sénat de le rejeter.
S'agissant de l'amendement n° 16, votre solution, qui consiste à baisser le taux de la TVA, n'est pas adaptée.
Je ne l'appelle pas à mon secours, mais, après tout, il faut rendre à César ce qui appartient à César, M. Laurent Fabius - alors ministre des finances d'un gouvernement que vous souteniez, madame Beaudeau - vous avait lui-même dit au sujet d'un amendement identique qu'il l'estimait tout à fait inopportun.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Ce n'est pas parce qu'il a fait des bêtises qu'il faut continuer !
M. Alain Lambert, ministre délégué. Pour être agréable à mes anciens collègues socialistes, je le cite : « Lorsque cette baisse est faible, alors même qu'elle représente un coût considérable, elle se répercute très difficilement pour les consommateurs. »
C'est la raison pour laquelle je vous propose de retirer votre amendement, en vous rappelant que le Gouvernement vous propose - c'est plus utile - d'agir sur des secteurs très spécifiques, à forte intensité de main-d'oeuvre, qu'il s'agisse, en effet, de la restauration ou des travaux d'entretien et d'amélioration des logements, par la consolidation de la TVA.
Si vous ne retiriez pas votre amendement, le Gouvernement en demanderait donc le rejet.
Les auteurs de l'amendement n° 6, quant à eux, sont favorables à la baisse de l'impôt sur le revenu, mais la méthode qu'ils préconisent n'est pas bonne, car elle tend à aggraver la progressivité et la concentration de l'impôt sur le revenu. Personne ne peut souhaiter une telle évolution.
Cette proposition pénaliserait le travail et l'initiative.
Nous avons fait le choix d'un dispositif qui réduit l'impôt dans une même proportion pour tous ceux qui le paient. C'est selon nous la condition nécessaire pour relancer l'activité et pour encourager le travail.
L'amendement n° 6 pourrait aller à l'encontre des objectifs de ses auteurs. Comme je le disais, il accroît la progressivité et la concentration de l'impôt. Il aboutit à un dispositif complexe, incompréhensible pour nos concitoyens et lourd à gérer puisqu'il conduit à une double liquidation de l'impôt.
A l'inverse, admettez que notre dispositif est clair et lisible.
M. Roland Courteau. Et injuste !
M. Alain Lambert, ministre délégué. Enfin, le coût de cette proposition est de 6,8 milliards d'euros, soit un coût excessif au regard de la situation budgétaire.
Pour toutes ces raisons, je vous propose de retirer votre amendement. A défaut, le Gouvernement en demandera le rejet.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 15.
M. Paul Loridant. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Paul Loridant.
M. Paul Loridant. Je ne peux me satisfaire de la façon dont MM. les ministres présentent leur proposition : ils sous-entendent que, cette baisse favorisant ceux qui travaillent, les parlementaires qui font d'autres propositions sont nécessairement les adversaires de ceux qui travaillent. Messieurs les ministres, je m'inscris totalement en faux par rapport à cette présentation.
Personnellement, je l'ai dit tout à l'heure, j'aurais souhaité que l'on ne touche pas au barème de l'impôt. J'aurais préféré que le Gouvernement prenne l'engagement, sur l'ensemble de la législature, de ne pas augmenter les impôts et de consacrer les fruits de la croissance au redressement des finances publiques et à l'activité économique.
Je ne peux donc pas accepter qu'on laisse sous-entendre que ceux qui ne voteront pas l'article 1er en l'état ne sont pas favorables à la valeur « travail ». Je vous rappelle d'ailleurs au passage, monsieur le ministre délégué au budget, que nous avons eu il y a quelques mois, dans ce même hémicycle, un débat sur cette valeur « travail ». Je vous avais alors rappelé que cette notion relevait éminemment de l'analyse économique marxiste, propos qui vous avait paru incongru dans cet hémicycle...
La seule source de richesse, messieurs les ministres, c'est le travail, nous en sommes d'accord. Mais de quel travail parlons-nous ? Dans votre bouche, c'est le travail des dirigeants, des patrons, des créateurs d'entreprise, des cadres supérieurs qui a une valeur. (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.) Je ne dis pas que leur activité est inutile, au contraire, car elle produit de la richesse, mais je ne peux laisser dire qu'elle est seule source de richesse. La richesse, elle vient de l'ensemble des salariés. Oui, le travail est source de valeur et doit être récompensé, mais vous ne récompensez que les plus aisés. Je vais dire le mot : vous faites une politique de classe ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. M. Loridant m'incite à prendre la parole. Je voudrais qu'en ce début de législature nous essayions de sortir des considérations dogmatiques. C'est au nom du réalisme que nous devons revisiter notre fiscalité sur le travail.
Je voudrais vous rendre attentifs à l'exigence de compétitivité du territoire national et je ferai à cette fin référence à une situation qui illustre de façon presque absurde les déviations et les excès de notre fiscalité.
N'avez-vous pas été impressionnés par le développement soudain de la pratique des options d'achat et de souscription d'actions, les stock-options ? Les stock-options, cela peut être excellent pour motiver l'encadrement, mais n'avez-vous pas le sentiment qu'elles sont devenues des instruments destinés à substituer aux salaires, qui étaient excessivement taxés - charges sociales, impôt sur le revenu... - des rémunérations alternatives ? Dans ce système poussé à l'excès, certains dirigeants peuvent être tentés de raconter de jolies histoires aux actionnaires pour que le titre monte jusqu'au ciel et que puissent à l'occasion être empochées des plus-values venant compléter les rémunérations normales.
On est ainsi allé jusqu'à tordre la réalité. Alors, n'est-il pas plus réaliste, monsieur Loridant, madame Beaudeau, monsieur Foucaud, de revoir notre fiscalité pour la mettre en harmonie avec les fiscalités en vigueur dans des territoires comparables au nôtre ?
Oserais-je dire que cet article n'est que cela et qu'il vise à ramener sur le territoire national un potentiel de production, d'emplois, de création de richesses, potentiel sans lequel nos engagements en faveur de la cohésion sociale resteraient de vaines illlusions ?
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission apporte tout son soutien au Gouvernement. (M. le rapporteur général applaudit.)
M. Yann Gaillard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard.
M. Yann Gaillard. Je suis très intéressé par le débat sur cet article qui, après tout, est le plus important du collectif. C'est en effet l'occasion de parler de la politique fiscale en général.
Il me semble que la mesure qui nous est présentée, et que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie lui-même, dans son langage très « robuste », très matter of fact , nous a présentée comme un « rabais sur facture », ne méritait ni cet excès d'honneur ni cette indignité.
C'est une mesure simple, facile d'application, rapide et psychologiquement intéressante. Elle n'est pas en elle-même un résumé de toute la politique fiscale du Gouvernement, politique sur laquelle on aura certainement l'occasion de revenir en bien d'autres circonstances.
C'est justement cette « robustesse », cette simplicité - je dirais même cette « rusticité » - qui rend à mon avis la mesure intéressante. C'est pourquoi, bien entendu, je la voterai.
Puisque j'ai la parole, j'en profite pour faire une remarque. Il me semble que la gauche - et notamment les socialistes - a fait une erreur de tactique quand elle était au pouvoir. Rappelez-vous, mes chers collègues, que nous avons eu une grande discussion sur la question de savoir si la mesure qui, finalement, s'est appelée « prime pour l'emploi » n'aurait pas dû plutôt être appeler « impôt négatif ».
M. Philippe Marini, rapporteur général. « Crédit d'impôt » pour être précis !
M. Yann Gaillard. C'était d'ailleurs la position de la commission des finances.
La chaîne aurait ainsi été complète, de cet « impôt négatif » jusqu'à l'impôt culminant dans la stratosphère qui est si préjudiciable à la compétitivité de notre pays !
S'il y avait eu cet impôt négatif, qui sait si la mesure aurait été la même aujourd'hui ? C'est la question que je vous pose. Réfléchissez bien, car je crois qu'elle mérite que vous vous livriez à un petit examen de conscience ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Jean Chérioux.
M. Jean Chérioux. Je voterai bien sûr contre ces amendements qui sont totalement irréalistes, mais au préalable je veux m'adresser à nos collègues socialistes, qui se révèlent toujours d'excellents professeurs et d'excellents donneurs de leçons.
Au lieu de se jeter des idées et des principes à la tête, il faut parler réalités. Pour le démontrer, je proposerai à nos collègues un détour par l'histoire, sujet qui, je crois, intéresse les professeurs.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale - passé qui n'est pas si lointain -, qu'a fait le gouvernement travailliste de Clement Attlee ? Il a suivi votre penchant et voulu pousser au maximum l'égalité devant l'impôt. Or cette politique s'est révélée absolument catastrophique, car elle a entraîné non seulement une fuite des capitaux, mais aussi une fuite des cerveaux, tout ce qu'il y avait d'intelligent et de productif en Angleterre s'enfuyait aux Etats-Unis.
C'est peut-être la raison pour laquelle, aujourd'hui, M. Blair, qui est, je crois, de la même tendance que vous,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n'est pas sûr !
M. Jean Chérioux. ... est aussi réaliste, modeste et pragmatique dans ses propositions fiscales.
Au lieu de nous jeter à la tête des principes sur l'égalité ou la non-égalité, soyez donc un peu réalistes, voyez les faits, soyez de bonne foi et acceptez ce que vous propose le Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Yves Fréville. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Yves Fréville.
M. Yves Fréville. Je voterai bien sûr contre ces trois amendements et pour la proposition simple du Gouvernement, et ce pour trois raisons.
La première, c'est que cette mesure simple ne modifie pas la progressivité de l'impôt sur le revenu : si un contribuable paye quatre fois plus qu'un autre aujourd'hui, il paiera quatre fois plus demain.
La deuxième raison, c'est que cette baisse ne fait que compenser une augmentation de la part de l'impôt sur le revenu dans le produit intérieur brut. L'excellent rapport M. Marini montre qu'entre 1997 et 2001 l'impôt sur le revenu a augmenté de 19,7 %, alors que le PIB a augmenté de trois points de moins.
En fait, je suis absolument convaincu que, si nous tenions compte des résultats de 2002, nous constaterions que la baisse de 5 % ne fait que compenser la dérive de l'impôt sur le revenu par rapport au PIB. Or il faut maintenir la stabilité de l'impôt sur le revenu dans le PIB pour inciter au travail, à la prise de risques et à l'épargne. C'est ce que Keynes appelait les « propensions psychologiques », monsieur Loridant.
Enfin, la troisième raison, et M. Massion le disait à juste titre, est que notre système fiscal risquerait de devenir de moins en moins progressif.
Je voudrais rappeler que, à l'issue d'un débat différent de celui qu'évoquait M. Gaillard voilà un instant et au cours duquel nous devions choisir entre la suppression de la vignette et la supression de la redevance de l'audiovisuel, nos collègues socialistes ont bien entendu opté pour la suppression de l'impôt le plus progressif, c'est-à-dire la vignette ! Nous n'avons donc pas, mes chers collègues, de leçon à recevoir sur ce point. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants ainsi que sur certaines travées du RDSE).
M. Jean-Pierre Demerliat. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat. A ce stade du débat, monsieur le ministre, vous aurez compris que la baisse de l'impôt sur le revenu que vous nous proposez ne nous convient absolument pas. (Rires sur les travées du RPR.)
Elle n'est en rien comparable aux allégements que la précédente majorité avait décidés. Elle est très injuste et très inégalitaire ; en fait, elle est foncièrement clientéliste. Elle s'accompagne en outre d'une série de décisions inéquitables pour les Français les plus modestes : refus de majorer la prime pour l'emploi, refus de relever le SMIC, hausses annoncées des tarifs de services publics aussi essentiels que les transports urbains ou le train, augmentation de la taxe intérieure sur les produits pétroliers sans parler des hausses annoncées puis annulées avant peut-être d'être bientôt mises en oeuvre. Tout cela donne le sentiment que l'heure est à la revanche sociale. (Murmures sur les travées du RPR.)
Dans ces conditions, les modalités et les conséquences de la réduction de l'impôt sur le revenu que vous nous proposez apparaissent encore plus insupportables. Même la presse, et pas toujours sa fraction la plus progressiste, ainsi que certains de vos amis politiques, se sont émus des conséquences de la mesure fiscale qui nous est soumise.
En effet, il est difficile de se montrer plus injuste quand on sait que 1 % des foyers fiscaux, les plus à l'aise d'entre eux, bien sûr, bénéficieront à eux seuls de 30 % du montant de l'allégement sur le revenu, qui atteint 5,5 milliards d'euros, tandis que les 10 % de foyers fiscaux les plus aisés recevront 70 % de cette somme.
Monsieur le ministre, vous ne nous avez pas abreuvés de simulations, par discrétion sans doute ! Mais j'en reviens au montant de 2 451 euros qui a été évoqué, à comparer aux dérisoires 169 euros d'économie moyenne que vous annoncez pour tous les contribuables. Il eût été intéressant de connaître le montant médiane de la prime.
L'injustice de cette baisse apparaît cependant clairement au travers des quelques maigres simulations que vous nous avez communiquées. Ainsi, vous nous dites qu'un célibataire sans enfant économisera 169 euros s'il dispose d'un revenu annuel de 20 000 euros - c'est le cas d'un cadre moyen pour être concret - et de 570 euros s'il bénéficie d'un revenu de 40 000 euros, ce qui correspond au revenu d'un cadre supérieur ou d'un médecin. Pour un revenu seulement deux fois supérieur, le gain est donc trois fois et demie plus important. Monsieur le ministre, trouvez-vous cela juste ?
En outre, vous n'avez pris aucune précaution pour éviter les conséquences les plus inégalitaires de votre « rabais », comme vous dites : pas de plancher ni de plafond, et calcul de la réduction après décote.
Quant à la moitié la plus modeste des foyers, elle ne retirera aucun avantage de votre réforme. Il est difficile de réduire les impôts de ceux qui n'en paient pas, avez-vous dit ; toutefois, la prime pour l'emploi a été créée précisément pour tourner cette difficulté. Rien ni personne ne vous empêchait d'en relever le montant.
Le cadeau consenti aux riches ne servira même pas à relancer la consommation, il alimentera principalement l'épargne spéculative... (Prostestations sur les travées du RPR.)
M. Michel Caldaguès. C'est bien le moment !
M. Paul Loridant. C'est maintenant qu'il faut acheter ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Demerliat. Vous savez bien que seule l'augmentation du pouvoir d'achat des plus défavorisés peut permettre de relancer la consommation. Dans ces conditions, monsieur le ministre, vous comprendrez que le groupe socialiste vote contre vos propositions.
M. Michel Caldaguès. Il n'a rien compris !
M. Philippe de Gaulle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Philippe de Gaulle. M. Philippe de Gaulle. Moi qui suis un homme concret, je suis surpris de cette discussion byzantine. L'augmentation de l'impôt sur le revenu est proportionnelle et progressive : c'est la Constitution ; sa diminution ne peut être, de la même façon, que proportionnelle et progressive. Le reste est littérature, attitude inéquitable, idéologique et par conséquent inefficace au regard de l'économie de la nation. (Applaudissements sur les travées du RPR, ainsi que sur certaines travées des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Articles additionnels après l'article 1er



M. le président.
L'amendement n° 17, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le quatrième alinéa du I de l'article 158 bis du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Ce crédit d'impôt est égal au tiers des sommes effectivement versées par la société. »
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Alors que les comptes publics présentent un déficit plus important que prévu, nous nous devons d'examiner toutes les possibilités de remédier, fût-ce partiellement, à cet état de fait.
Comme nous l'avons déjà maintes fois souligné, notre système fiscal est perfectible et nombre de dispositions mériteraient sans doute d'être modifiées, et ce de manière fondamentale. L'une de ses caractéristiques est de reposer assez largement sur l'imposition des revenus du travail et l'exonération des revenus du capital, que d'aucuns appellent pudiquement, sur certaines travées de notre assemblée, l'« épargne ».
Il convient, à nos yeux, de remettre en cause cette situation. Il nous semble donc légitime, pour deux raisons, de réviser sensiblement à la baisse le taux de l'avoir fiscal, afin de chercher à atteindre cet objectif impérieux de justice sociale que nous venons de rappeler.
La première raison est que le taux de l'avoir fiscal est resté fixé au taux historique de l'impôt sur les sociétés, soit 50%, alors que ce dernier a été ramené par étapes à 33,33%. De notre point de vue, si l'on admet le principe de la double imposition des résultats des entreprises distribuant des dividendes, principe au demeurant fort contestable, cela suffirait amplement à justifier l'adoption de notre amendement.
La seconde raison tient à la convergence des législations européennes en matière fiscale. En effet, la France est aujourd'hui quasiment le seul pays de l'Union européenne à maintenir un dispositif tel que l'avoir fiscal dans sa législation. Dans les faits, l'avoir fiscal comme défini dans le code général des impôts est appelé à disparaître.
L'adoption de cet amendement pourrait constituer la première étape sur cette voie. Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite, mes chers collègues, à l'adopter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'avis de la commission est tout à fait défavorable, car, contrairement à ce qu'affectent de croire nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen, l'avoir fiscal n'est pas un cadeau.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est un mécanisme destiné à éviter une double imposition.
Par conséquent, l'abaissement de son taux produirait des effets anti-économiques et nuirait à l'attractivité de la place de Paris, laquelle traverse actuellement une phase assez difficile, du fait de l'état des marchés financiers. Or il ne vous échappera pas, mes chers collègues, qu'une place de Paris qui fonctionne mal, ce sont des entreprises qui ne peuvent plus financer leurs projets. Je pense que vous faites bien le lien entre ces deux éléments !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Et quand ça marche bien ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Sur une place de Paris dépréciée et peu attractive, les introductions en bourse sont suspendues, les augmentations de capital sont reportées, les restructurations industrielles et financières marquent le pas.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Pauvres actionnaires !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il ne vous échappera pas davantage que, pour investir, pour créer des emplois, pour développer l'activité, il faut trouver des financements, notamment sur le marché financier. Une introduction en bourse, une augmentation de capital, une offre publique se traduisant par une restructuration créatrice de richesse économique sont autant d'opérations qui passent par le marché ; si celui-ci est bloqué, l'économie réelle en subit les conséquences.
Mme Marie-Claude Beaudeau. A bas la Bourse !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Dans ces conditions, il est particulièrement inopportun de plaider, comme vous l'avez fait, par idéologie...
Mme Marie-Claude Beaudeau. Et vous, vous ne faites pas d'idéologie ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... et avec une ténacité que je salue, pour la baisse du taux de l'avoir fiscal. Des divergences de vues nous séparent, mais nous les assumons, mes chers collègues ! (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Pour les raisons qui ont été très bien exposées par M. le rapporteur général, cet amendement amènerait, s'il était adopté, un net durcissement de la fiscalité de l'épargne des actions, qui serait préjudiciable au financement des entreprises. Dans le contexte boursier actuel, cela pénaliserait en effet, comme l'a souligné M. le rapporteur général, la place de Paris.
Cela étant, je souhaiterais, afin de convaincre peut-être nos collègues de retirer leur amendement, attirer leur attention sur le fait que la mise en oeuvre du dispositif présenté pénaliserait également de nombreux ménages modestes : je pense en particulier ici aux retraités et aux salariés ayant constitué une épargne de précaution sous forme d'actions. J'indique aux auteurs de l'amendement que près de cinq millions de foyers, dont certains sont non imposables, déclarent des dividendes et bénéficient, corrélativement, de l'avoir fiscal.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'attire votre attention sur ce point. Si cet amendement n'était pas retiré, je demanderais au Sénat de bien vouloir le rejeter.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 17.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean Chérioux. M. Jean Chérioux. Mes chers collègues, je suis contraint d'exprimer mon désespoir ! (Rires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous n'avons pas converti Mme Beaudeau !
M. Jean Chérioux. En effet, ce débat sur l'avoir fiscal perdure depuis des années et des années. Malgré toutes les explications qui ont pu être fournies par les différents rapporteurs généraux et toutes celles que j'ai pu moi-même essayer d'apporter, il me faut constater que les membres du groupe communiste républicain et citoyen n'ont pas compris ce dispositif. C'est pourquoi on revient sur cette question année après année !
Mme Marie-Claude Beaudeau. On a si bien compris qu'on continue !
M. Jean Chérioux. J'essaierai simplement, aujourd'hui, de pousser un peu plus loin l'explication qui vient d'être fournie par M. le ministre : l'avoir fiscal, mes chers collègues,...
Mme Marie-Claude Beaudeau. Crée des emplois !
M. Jean Chérioux. ... profite davantage aux pauvres qu'aux riches.
En effet, il est soumis à l'impôt sur le revenu. Par conséquent, ceux qui ont de faibles revenus bénéficient de l'avoir fiscal dans sa totalité, tandis que ceux qui sont imposés au titre des tranches d'imposition très élevées se voient prélever 50 % ou 60 % du montant de leur avoir fiscal. Vous devriez donc considérer qu'il s'agit d'une très bonne mesure, puisqu'elle favorise surtout les petits porteurs !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 19, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le dernier alinéa de l'article 885 A du code général des impôts est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les biens professionnels définis aux 885 N à 885 Q sont pris en compte pour l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune.
« Lorsque le patrimoine comprend des biens professionnels, le plancher à partir duquel le tarif de l'impôt est applicable est porté à 914 694 euros. »
« II. - Après l'article 885 U du même code, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... - Les biens professionnels sont inclus dans les bases de l'impôt pour 50 % de leur valeur. Le taux d'intégration varie pour chaque contribuable en fonction de l'évolution du ratio masse salariale/valeur ajoutée des sociétés et entreprises où sont situées les biens professionnels qu'il possède sur la base suivante :



ÉVOLUTION DU RATIO

masse salariale/valeur ajoutée

POURCENTAGE

taux d'intégration

Egale ou supérieure à une évolution de 2 points 15
Egale ou supérieure à une évolution de 1 point 35
Egale à 1 50
Entre 1 et - 1 65
Entre - 1 et - 2 85
Entre - 2 et - 3 100
Entre - 3 et - 4 et au-delà 125

La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Cet amendement vise à élargir l'assiette de l'ISF. Nous pensons qu'il est tout à fait pertinent à l'heure où la situation des comptes publics est particulièrement délicate et où l'exigence de justice fiscale demeure forte.
Nous ne procéderons évidemment pas à une trop longue analyse de la question de l'inclusion des actifs professionnels dans l'assiette de l'ISF, si ce n'est peut-être pour indiquer qu'il est plus que jamais anormal que l'exemption de ceux-ci figure encore dans notre législation.
De profondes inégalités existent, in fine, entre les contribuables soumis à l'impôt de solidarité sur la fortune. La mesure que nous préconisons pourrait permettre de remédier pour partie à cette situation.
Cet amendement vise donc à imposer les actifs professionnels selon l'utilisation qui en est faite par leur détenteur, en particulier à pénaliser, autant que faire se peut, les détenteurs d'actifs qui ne cherchent que la rémunération la plus importante possible de leur capital, au détriment de l'emploi ou des investissements.
M. Alain Vasselle. C'est désespérant d'entendre de telles choses !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je partage l'opinion que vient d'exprimer M. Vasselle !
La réforme de l'impôt de solidarité sur la fortune devra bien, en effet, être engagée un jour ou l'autre, mais en temps utile !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Dans le bon sens !
M. Philippe Marini, rapporteur général. A mon avis, cette réforme ne devra pas être entreprise dans l'optique souhaitée par le groupe communiste républicain et citoyen. Vous ne parvenez pas - pardonnez-moi de le répéter - à intégrer l'effet de la concurrence fiscale et à raisonner en termes d'attractivité fiscale de notre pays. C'est le principal reproche que la commission est fondée à vous faire.
Il convient de lutter contre la délocalisation des capitaux et des compétences. Avec la mesure que vous préconisez, si, par malheur, elle était adoptée, on irait vraiment contre les intérêts économiques de notre pays, en plaçant une charge excessive sur des détenteurs de biens professionnels, par exemple celui qui détient la majorité d'une petite ou moyenne entreprise et dont le patrimoine serait essentiellement constitué par la valeur des titres de la société qu'il dirige. Il est clair que si ces titres ne produisent qu'un flux insuffisant de revenus sous différentes formes l'entrepreneur en question devra vendre sa participation. Dans de nombreux cas, cela sera contraire aux intérêts de l'entreprise et de l'emploi.
L'amendement que vous proposez va donc à contre-courant de la réalité et j'en suis surpris depuis de nombreuses années, nous travaillons, dans cette assemblée, sur les problèmes liés à la concurrence fiscale et aux risques de délocalisation. Parmi les références qui sont les nôtres, figurent bien sûr les travaux qui ont été menés au Sénat à l'époque où Jean Arthuis était rapporteur général de la commission des finances ; il a été le premier à monter une mission d'information sur les délocalisations.
Si tout cela ne vous conduit pas à modifier certaines de vos analyses, chers collègues du groupe communiste républicain et citoyen, c'est que nous n'en faisons pas assez, ou que nous ne diffusons pas encore avec assez de conviction les résultats de nos travaux.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert ministre délégué. Une telle mesure aurait un effet désastreux sur les entreprises et sur l'emploi. Je voudrais attirer de nouveau l'attention des auteurs de cet amendement sur le dispositif qu'ils proposent. Celui-ci aurait pour effet de favoriser les services et de pénaliser l'industrie. Comme je ne peux pas penser que ce soit leur objectif, je leur recommande vivement de retirer l'amendement. A défaut, j'inviterai la Haute Assemblée à le rejeter.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 18, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le 1° de l'article 1467 du code général des impôts est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« c. L'ensemble des titres de placement et de participation, les titres de créances négociables, les prêts à court, moyen et long termes. Ces éléments sont pris en compte pour la moitié de leur montant figurant à l'actif du bilan des entreprises assujetties. Pour les établissements de crédits et les sociétés d'assurance, le montant net de ces actifs est pris en compte après réfaction du montant des actifs représentatifs de la couverture des risques, contrepartie et obligations comptables de ces établissements.
« La valeur nette des actifs, déterminée selon les dispositions du précédent alinéa, est prise en compte après réfaction de la valeur locative des immobilisations visées au a. »
« II. - L'article 1636 du même code est ainsi rétabli :
« Art. 1636 - Le taux grevant les actifs définis au c de l'article 1467 au regard de la valeur ajoutée globale créée par l'entreprise est fixé par arrêté ministériel. »
« III. - 1 - Le II de l'article 1648 A bis du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ...° La moitié du produit résultant de l'imposition des actifs définis au c de l'article 1467, suivant les règles fixées par l'article 1636. »
« 2 - Le I de l'article 1648 B bis du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ...° La moitié du produit résultant de l'imposition des actifs définis au c de l'article 1467, suivant les règles fixées par l'article 1636. »
« IV. - 1 - Dans le deuxième alinéa du 1 du I ter de l'article 1647 B sexies du même code, après les mots : "la base", sont insérés les mots : "à l'exception de celle définie par le c de l'article 1467".
« 2 - Le premier alinéa du 4° du I de l'article 39 du code général des impôts est complété in fine par les mots : "et de l'imposition résultant de la prise en compte des actifs financiers définis au c de l'article 1467, selon les règles fixées par l'article 1636". »
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Alors que M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie se déclare favorable à une nouvelle baisse de la taxe professionnelle - et il n'est pas le seul -, nous proposons, par cet amendement, une réforme en profondeur de cet impôt : la prise en compte des actifs financiers dans le calcul de son assiette.
Cette proposition, que vous connaissez, a un double objet. Il s'agit, d'une part, de conférer une nouvelle ressource aux communes et à leurs groupements. La prise en compte des actifs financiers permettrait en effet de tripler le montant de la dotation globale de fonctionnement. Ainsi, les collectivités pourraient résoudre les graves problèmes financiers qu'elles rencontrent. Elles pourraient ne pas augmenter les impôts locaux ; M. le rapporteur général les a encouragées en ce sens ce matin. Il s'agit, d'autre part, d'inciter les entreprises qui détiennent des actifs financiers à réorienter leur épargne vers des investissements productifs et vers l'emploi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. A plusieurs reprises, le Sénat a repoussé des propositions de même nature. Je pense qu'il ne se déjugera pas. L'amendement qui est proposé créerait toutes sortes de distorsions économiques. On voit mal la raison pour laquelle il conviendrait de taxer une entreprise dont le flux d'activité génère plus de trésorerie que ce n'est pas le cas pour une autre entreprise.
Cette proposition du groupe communiste républicain et citoyen ne peut être acceptée et c'est pourquoi la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 18.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 2



M. le président.
« Art. 2. - I. - Il est institué, pour 2002, au profit du budget annexe des prestations sociales agricoles, un prélèvement de 165 millions d'euros sur la société anonyme Union financière pour le développement de l'économie céréalière (Unigrains).
« L'assiette de ce prélèvement est constituée par une fraction du produit du recouvrement et du placement de la taxe pour le financement des actions du secteur céréalier.
« II. - Il est institué, pour 2002, au profit du budget annexe des prestations sociales agricoles, un prélèvement de 130 millions d'euros sur les réserves du Fonds national de garantie des calamités agricoles, institué par le décret n° 79-823 du 21 septembre 1979, dont les avoirs disponibles sont placés auprès de la Caisse centrale de réassurance.
« III. - Il est institué, pour 2002, au profit du budget annexe des prestations sociales agricoles, un prélèvement de 161 millions d'euros selon les modalités suivantes :
« - 16 millions d'euros sur les allocations de gestion versées aux caisses départementales ou pluridépartementales de mutualité sociale agricole en vertu de l'article L. 723-11 du code rural, répartis au prorata du montant de l'assiette des cotisations mentionnées à l'article L. 731-10 du même code émises au titre de l'année 2001 ;
« - 145 millions d'euros sur les réserves et reports à nouveau des caisses de mutualité sociale agricole, au prorata de ces réserves et reports à nouveau disponibles inscrits à leurs comptes financiers au 31 décembre 2001.
« Le recouvrement de ce prélèvement est assuré par la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole, par compensation sur les financements qu'elle alloue aux caisses de mutualité sociale agricole. »
Sur l'article, la parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mes chers collègues, nous abordons un aspect délicat du collectif budgétaire. Beaucoup d'entre vous sont sensibilisés à la situation des organismes agricoles qui devront sans doute contribuer à la résorption du déficit du BAPSA, le budget annexe des prestations sociales agricoles.
Au moment où nous abordons ce point, je limiterai mon propos à quelques remarques qui permettront peut-être à notre débat de se dérouler en toute connaissance de cause.
En premier lieu, la place du BAPSA dans nos comptes publics devra être réexaminée, monsieur le ministre délégué.
M. Yves Fréville. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce régime social ne figure pas dans la loi de financement de la sécurité sociale. Nous continuons à le régler au sein de la loi de finances. Cela heurte quelque peu le bon sens.
Plus fondamentalement encore, nous voyons, depuis un certain nombre d'années, le BAPSA dériver et son déficit se creuser. Cette année, le déficit auquel il est question de porter remède représente à peu près 5 % de la masse globale du compte, ce qui est considérable.
Ce que les sénateurs attendent, me semble-t-il, c'est que dans quelques mois on puisse leur dire : voilà les dispositions qui peuvent être prises pour pérenniser ce régime social ; voilà les ressources telles qu'il est possible de les cerner, de les prévoir ; voilà, en face, la dynamique des dépenses telle qu'il est possible de l'apprécier, voire de la contrôler.
C'est bien parce que le BAPSA est « sans pilote » que nous en arrivons à la présente situation. Le déficit d'exécution a été constant depuis 1997. Aujourd'hui, il s'agit de le compenser par deux séries de mesures. En premier lieu, l'Etat va doubler sa contribution budgétaire par rapport à ce qui était envisagé dans la loi de finances initiale de 2002. En second lieu, plusieurs organismes vont être mis à contribution : les caisse de mutualité sociale agricole, la société Unigrains et le fonds national de garantie des calamités agricoles.
Il est clair que des opérations de cette nature ne font pas plaisir, c'est le moins que l'on puisse dire. Il est non moins clair que les milieux professionnels concernés ont ressenti de façon très ingrate, voire très négative, le procédé qui a été utilisé à leur endroit, et beaucoup d'entre nous ont entendu les critiques amplifiées dans nos département quant au manque de concertation, de rencontre et d'explication.
Bien entendu, je conçois la difficulté de l'exercice. Je le répète : le déficit du BAPSA est un problème dont le présent gouvernement hérite et qu'il doit traiter. Il le traite, je le répète à nouveau, par deux moyens : d'une part, en doublant la contribution de l'Etat et, d'autre part, en mettant à contribution des moyens de financement qu'il estime disponibles.
A cet égard, et pour achever sur ce point mon commentaire, je rappellerai que, s'agissant de la société Unigrains, le boni de liquidation des anciennes taxes fiscales à fait l'objet d'appréciations complexes par une mission commune de l'inspection générale de l'agriculture et de l'inspection générale des finances, dans un rapport fort détaillé. Celui-ci est consacré à définir, autant qu'il est possible, les contours de ce qui est dû à l'Etat. La période visée étant longue et la comptabilité de la société Unigrains ne semblant pas garantir une traçabilité impeccable de chaque franc d'autrefois, les appréciations peuvent être assez divergentes sur cette question des droits de l'Etat.
Au vu des éléments d'appréciation qui m'ont été transmis, un double constat s'impose. D'abord, le prélèvement envisagé par le Gouvernement n'excède pas - loin s'en faut ! - l'estimation du boni de liquidation. Ensuite, il n'excède pas le montant de la trésorerie effectivement disponible au sein de la société. Dès lors, même si cette mesure ne peut, bien sûr, être présentée comme un exemple, sans doute faut-il se résigner à entendre les arguments du Gouvernement.
Pour ce qui est de la mutualité sociale agricole, nombre d'entre nous ont, bien entendu, été saisi de cette question dans leur département et un émoi assez considérable s'est diffusé ici ou là. Dans mon rapport écrit, un tableau retrace la composition des réserves des caisses de mutualité sociale agricole. Au 31 décembre 2001, elles représentaient un montant global de l'ordre de 1 100 millions d'euros. Une fois déduites les réserves techniques et les versements au fonds de solidarité, les réserves disponibles de toutes les caisses ayant un solde positif s'élèvent à quelque 445 millions d'euros. Le prélèvement que le Gouvernement envisage de faire représente 161 millions d'euros.
L'un des aspects désagréables de cette question, au-delà des chiffres que je viens de citer, est la difficulté de se livrer à un exercice correct de répartition. Certaines caisses considèrent qu'elles ont particulièrement bien géré les sommes qui leur ont été confiées et qu'elles ont ainsi permis l'émergence de nouveaux services sociaux gagés par une trésorerie relativement abondante. Elles pensent donc se trouver en situation défavorable par rapport à des caisses qui auraient investi davantage, par exemple pour mieux installer leur siège social ou pour réaliser toutes sortes d'opérations. D'où l'amendement de redéploiement adopté par l'Assemblée nationale, qui semble aller au bout de ce qu'il est possible de faire au sein du réseau, compte tenu des éléments d'information que nous ont fournis les représentants des organismes centraux de mutualité sociale agricole.
Mes chers collègues, soyons attentifs aux explications qui vont nous être données pour l'avenir. Evitons désormais, monsieur le ministre, ces méthodes mal ressenties par les milieux professionnels. Tâchons de donner de la visibilité à ces derniers.
M. Gérard Delfau. Le dialogue social !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Veillons, surtout, à faire en sorte que l'Etat exerce bien tous ses droits de façon claire et prévisible.
Enfin, quant au fonds national de garantie des calamités agricoles, compte tenu du prélèvement qui figure à l'article 2, évitons d'y revenir ! Des risques substantiels peuvent en effet apparaître, et il serait assez contraire au bon sens d'avoir à doter à nouveau ce fonds après l'avoir ainsi dégonflé.
M. Alain Lambert, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Lambert, ministre délégué. Le propos de M. le rapporteur général m'invite à intervenir en cet instant puisqu'il a posé, au nom de la commission des finances, un certain nombre de questions. Je saisis donc l'occasion d'éclairer dès maintenant le débat.
Reprenons tout du début. Mesdames, messieurs les sénateurs, le prélèvement n'était pas au commencement. Le départ de tout est la situation de crise financière que connaît le régime de protection sociale des agriculteurs. Son déficit est évalué, en 2002, à 746 millions d'euros. Nous sommes donc devant une impasse financière. M. le rapporteur général disait tout à l'heure qu'il ne faudrait pas nous retrouver une nouvelle fois le dos au mur.
Mais il ne tient qu'au Parlement, monsieur le rapporteur général, de ne pas imiter la majorité précédente en votant un BAPSA manifestement en déséquilibre, même s'il était apparemment équilibré.
Je ne doute pas un instant que la nouvelle majorité sera très vigilante pour qu'on n'ait pas à amortir des situations comme celles dont nous héritons.
Cette situation, nous essayons d'y remédier en en appelant à la solidarité nationale, c'est-à-dire en faisant participer tous les contribuables, en majorant la subvention de l'Etat du double de ce qu'elle était auparavant, en la faisant passer de 270 millions d'euros à 560 millions d'euros. Autrement dit, nous n'allons pas prélever sur les réserves que l'on pourrait trouver dans tel ou tel établissement, on va faire payer l'ensemble des contribuables français. Il fallait que cela soit bien précisé.
Que faisons-nous, en outre, encore une fois dans la précipitation ?
Nous utilisons une partie des réserves qui ont été qualifiées de disponibles dans plusieurs organismes pour les affecter aux besoins du monde agricole et non au budget général.
Prenons le cas du prélèvement sur Unigrains, qui est de 165 millions d'euros. Il s'agit, comme le rapporteur général l'a très bien expliqué, du produit d'une taxe parafiscale qui n'est plus affectée à cet organisme depuis 2001 et dont les reliquats sont désormais sans emploi. Plutôt que de les affecter au budget général, ce qui aurait été d'ailleurs tout à fait logique, nous les conservons au bénéfice de la protection sociale des agriculteurs. Je pense que c'est bien que ce soit la souveraineté nationale qui en décide ; c'est le sens du vote qui vous est demandé.
Prenons également le cas du prélèvement sur le fonds national de garantie des calamités agricoles. Il s'agit de réserves qui ont été constituées à partir de subventions et de dotations spéciales versées par le budget général de l'Etat, mais aussi de contributions qui sont payées par les exploitants agricoles.
Or, en dépit des sinistres, des tempêtes des années précédentes, l'excédent de ce fonds ne cesse de croître : il atteignait 273 millions d'euros à la fin de l'année 2001. Bien sûr, il n'est pas question de prendre un risque financier sur ce fonds ; nous agissons avec prudence puisque le prélèvement est limité à 130 millions d'euros, ce qui ramènera le fonds de roulement à son niveau de 1996.
J'en viens maintenant aux réserves des caisses de mutualité sociale agricole.
Depuis l'an dernier, un rapport de trois inspections générales - l'inspection générale de l'agriculture, l'inspection générale des affaires sociales et l'inspection générale des finances ; on ne peut pas faire mieux ! - fait état de façon incontestable de l'existence de réserves importantes.
Certes, je suis partisan de la concertation et je m'appliquerai à la mettre en place. Lorsque nous avons parlé tout à l'heure d'Unigrains, j'aurais pu vous dire que j'ai souhaité rencontrer son président afin de discuter de la manière de solder tous les comptes liés à la taxe parafiscale qui a été supprimée.
S'agissant des caisses de mutualité sociale agricole, je suis tout autant à leur disposition, mais, très sincèrement, reconnaissez qu'un débat durait depuis déjà plusieurs mois sur la manière de mobiliser ces réserves inemployées. Le Gouvernement a donc estimé que l'argent provenant des cotisations destinées à la protection sociale des agriculteurs devait lui être rendu puisque ces cotisations ont été payées par les agriculteurs. Plutôt que de risquer d'intégrer ces réserves, un jour de grande difficulté, dans le budget général, il a paru plus sage de les affecter à la protection sociale des agriculteurs.
Le Gouvernement a été prudent en la matière puisque, sur une réserve de 2 milliards d'euros, seuls 161 millions seront utilisés.
Lors de l'examen des amendements, je vous présenterai la répartition quelque peu différente que l'Assemblée nationale a souhaité mettre en place. Elle ne comporte pas de très grandes modifications. Auparavant je voulais, mesdames, messieurs les sénateurs, replacer les choses dans leur contexte.
M. le président. La parole est à M. Marcel Deneux.
M. Marcel Deneux. L'amitié qui me lie à vous, monsieur le ministre, et l'admiration que je porte à l'action que vous menez me conduisent à nuancer mes propos qui, en d'autres circonstances, auraient pu être plus agressifs,...
M. Roland Courteau. Aïe ! (Sourires.)
M. Marcel Deneux. ... mais je suis persuadé que vous me comprendrez.
Je suis heureux du débat qui s'est instauré. Vous avez ainsi, avec M. le rapporteur général, éclairé ce dossier. Toutefois, j'aimerais apporter quelques nuances sur les explications qui nous ont été fournies.
Ainsi, le BAPSA est en déséquilibre de 5 %. Ce n'est pas un déséquilibre annuel, il résulte du cumul de faits auxquels nous n'avons pas prêté attention au cours des années précédentes, mais n'en parlons pas !
L'Etat intervient pour le remettre d'aplomb : rien que de très normal, même si cela ne devrait pas être. Il n'y a en effet que dans la sphère publique que l'on trouve des budgets en déséquilibre sans que cela provoque un réel émoi des responsables. Dans le privé, cela s'appelle de la mauvaise gestion et, très souvent, entraîne des sanctions. Nous n'en sommes pas là. M. le rapporteur général nous a dit tout à l'heure qu'il n'y avait pas de pilote...
Il faut donc rétablir cet équilibre. Merci, monsieur le ministre, de l'avoir décidé au nom de l'Etat. Seulement voilà, je n'approuve pas totalement la manière dont les choses se passent, notamment en matière de concertation préalable. Depuis que mon ami Robert Galley a été ministre des PTT, le téléphone fonctionne en France ! On aurait donc pu téléphoner à tous les dirigeants agricoles concernés ; ils étaient au moins quatre, de stature nationale. Or ce ne fut pas fait.
M. Gérard Delfau. Ce n'est pas possible !
M. Marcel Deneux. Un jour viendra - vous nous l'avez dit, monsieur le ministre, - où nous discuterons de l'existence du BAPSA, mais ce n'est pas le sujet aujourd'hui.
Les règles de fonctionnement actuelles du BAPSA obéissent à des principes prédéfinis entre l'Etat et les gestionnaires de la mutualité sociale agricole. Ces principes sont le fruit d'une véritable alchimie complexe, longuement élaborée au cours des décennies précédentes, alchimie qui permet de gérer les relations entre le monde agricole dans toute sa globalité - personnes actives et non actives - et l'Etat. C'est le BAPSA qui règle tout en matière de relations sociales. Un conseil supérieur des prestations sociales agricoles se réunit parfois et des textes définissent son rôle.
Or, que constatons-nous ? On abonde quatre lignes de recettes dont trois sont nouvelles. Je remarque au passage que personne n'indique comment les dépenses seront maîtrisées.
Examinons ces quatre postes de recettes.
La première ligne est la subvention de l'Etat, qui passe de 270 millions d'euros à 560 millions d'euros. Vous avez dit, monsieur le ministre, que la solidarité nationale allait jouer puisque la subvention de l'Etat était doublée. Ce que vous ne nous dites pas, c'est que même portée à 560 millions d'euros, cette subvention est inférieure de moitié au montant qu'elle atteignait voilà quatre ans ; elle s'établissait alors à 1 190 millions d'euros. Parler de la solidarité nationale, c'est une manière de présenter les choses !
Les trois autres lignes ont toutes la même particularité, celle de ponctionner des fonds qui ont été constitués pour tout ou partie par des cotisations provenant des agriculteurs. On peut donc affirmer, comme je l'ai lu cette semaine dans trois hebdomadaires agricoles, qu'il s'agit de surcotisations professionnelles, alors qu'il y avait déjà parité avec le régime général en matière d'assiette de cotisations.
Commençons par le fonds national des calamités agricoles. En principe, il est alimenté, depuis sa constitution, à égalité par l'Etat et par des cotisations additionnelles aux contrats d'assurances IARD des agriculteurs.
Du côté des agriculteurs, il n'y a pas de problème. Les versements sont effectués. Ce sont les assureurs qui collectent les fonds.
Du côté de l'Etat, on ne peut pas en dire autant. Depuis 1992, l'Etat a versé environ 3 milliards d'euros alors que les agriculteurs ont payé trois fois plus. En conséquence, on peut dire que la ponction qui est faite résulte pour 75 %, de fonds professionnels. Or le comité de gestion du fonds n'a même pas été consulté ; l'un de ses membres m'a dit : « J'ai appris par la presse, comme vous, que le comité de gestion devait être réuni, mais on a oublié de le faire ! »
Parlons de la mutualité sociale agricole, sans entrer dans les détails techniques car, malheureusement, le temps nous est compté.
On nous dit qu'il existe des réserves disponibles à concurrence de 440 millions d'euros - c'est à peu près le montant qui résulte du calcul qui a été effectué à partir des réserves réelles - et que l'on pouvait opérer une ponction sans handicaper l'avenir.
Or ces réserves sont inégales car elles sont logées dans les comptes des caisses départementales et sont le résultat de la gestion des dirigeants départementaux, qui sont de plus ou moins bons gestionnaires. On a donc pu affirmer que la mesure proposée s'apparentait à une prime à la mauvaise gestion.
Circonstance aggravante : une partie des sommes de ces réserves provient d'économies faites sur des cotisations venant des salariés agricoles.
M. le président. Mon cher collègue, dois-je vous rappeler que le temps de parole doit être respecté, et que, en l'occurrence, j'ai déjà fait preuve de beaucoup de mansuétude.
M. Marcel Deneux. Alors, je terminerai mon propos en évoquant Unigrains, parce que c'est un sujet essentiel.
Je me permets de rappeler qu'Unigrains a été créé - et j'ai moi-même contribué à cette création - à l'époque de M. Giscard d'Estaing, à la suite d'une dévaluation. Il s'agit d'une « pompe à finances », qui fonctionne très bien depuis vingt-huit ans et qui permet de prélever de l'argent, sous forme de taxes parafiscales, auprès des céréaliers, afin de financer des entreprises agroalimentaires du secteur animal. Aujourd'hui, ce sont 428 entreprises, dans cinquante départements, qui participent à Unigrains.
Bien sûr, je n'ignore rien des péripéties qu'a évoquées M. le ministre ni du rapport de la Cour des comptes. Mais, quand la direction du budget a décidé brutalement, sans concertation, de prélever ces 165 millions, a-t-elle bien compris à quoi servait Unigrains ? A l'évidence, une telle décision unilatérale fait fi de toute relation contractuelle.
Sur le fond, opérer un prélèvement sur une entreprise structurellement utile par son objet et par ses actions pour tenter de résoudre...
M. le président. Mon cher collègue, je vous serais reconnaissant de bien vouloir en venir à votre conclusion.
M. Marcel Deneux. Eh bien, en conclusion, je pense que le Gouvernement doit revoir sa position. Nous avons déposé des amendements pour l'y inciter. Leur présentation me permettra peut-être de terminer mon propos.
M. le président. La parole est à M. Philippe Arnaud.
M. Philippe Arnaud. On l'a dit au cours de la discussion générale, s'agissant d'un projet de loi de finances « rectificative », notre tâche est bien de « rectifier » ce qui est faussé, erroné ou insuffisant.
Reconnaissons d'abord, monsieur le ministre, que vous n'auriez pas eu à rectifier le BAPSA si les prévisions de financement de ce budget annexe avaient été justes, sincères et honnêtes.
MM. Philippe Marini, rapporteur général, et Michel Caldaguès. Très bien !
M. Philippe Arnaud. Si je me permets d'employer de tels qualificatifs, c'est que nous sommes tous d'accord pour reconnaître que le déficit du BAPSA est structurel. Il était prévu et non pas seulement prévisible.
Il y a le fond du problème - c'est-à-dire, sans jeu de mots, les fonds à trouver - mais aussi la forme, et celle-ci est, en l'espèce, fort contestable.
Bien sûr, un constat s'impose. La situation financière est catastrophique. Le fonds de roulement est en constante diminution depuis 1996 : alors qu'il atteignait un montant de 331 millions d'euros en 1996, il ne s'élevait plus, en 2001, qu'à 7 millions d'euros.
L'évolution de la subvention d'équilibre attribuée par l'Etat au BAPSA est comparable : d'un montant de 1,19 milliard d'euros en loi de finances initiale pour 1998, elle a été ramenée brutalement à 824 millions d'euros - soit une diminution de 30 % - en loi de finances pour 2001 et a chuté à 270 millions d'euros - là, la baisse est de 77 % - en loi de finances pour 2002.
Le déficit d'exécution du BAPSA pour 2002 a été évalué à 746 millions d'euros. C'est donc près de 5 milliards de francs qu'il faut trouver !
Par ailleurs, la responsabilité de la mise en cause du BAPSA sur les plans juridique et financier incombe au gouvernement précédent, il faut le dire clairement.
Les graves difficultés actuelles du BAPSA sont en effet dues à une mauvaise gestion et à une mauvaise prévision, non pas sur un seul exercice, mais depuis 1997. En résumé : des prévisions erronées, des recettes surestimées et des charges sous-estimées.
De surcroît, le financement de la retraite complémentaire obligatoire des agriculteurs n'a pas été assuré par le gouvernement précédent.
Dans le présent collectif budgétaire - avec ce que cela suppose d'urgence - le financement du BAPSA fait l'objet de deux mesures.
La première, tout à fait légitime, consiste à faire jouer la solidarité nationale. Vous l'avez rappelé, vous doublez la contribution de l'Etat.
C'est avec la deuxième que le bât blesse : le prélèvement opéré sur Unigrains, les caisses de MSA et le fonds national de garantie des calamités agricoles. Ce prélèvement est évidemment très mal ressenti par les gestionnaires de ces organismes ainsi que par les agriculteurs eux-mêmes.
M. Roland Courteau. C'est exact !
M. Philippe Arnaud. Car il ne faut pas oublier qu'il y a les agriculteurs derrière ces organismes.
On constate par ailleurs que les pouvoirs publics n'ont pas cherché à nouer le dialogue. Si l'éventualité d'une modification de la répartition des cotisations entre prestations et frais de gestion a bien été évoquée, elle n'était pas intégrée au projet de décret sur lequel le Conseil supérieur des prestations sociales agricoles s'est prononcé.
Malgré l'adoption de l'amendement Censi par l'Assemblée nationale, le prélèvement pèsera essentiellement sur les caisses les mieux gérées, ce qui suscite d'énormes inquiétudes pour l'avenir.
Une contribution supplémentaire de 160 millions d'euros sera-t-elle demandée à la MSA en 2003 pour financer également les retraites complémentaires, alors même que le financement, hors cotisations des agriculteurs, relève bien de la solidarité nationale. Cela impliquerait une modification des principes de fonctionnement de la MSA et remettrait en cause le caractère décentralisé et responsable de la gestion de ce réseau.
Il convient donc, monsieur le ministre, que vous nous rassuriez et surtout que vous rassuriez les agriculteurs et les responsables gestionnaires de ces organismes.
Il semble bien que le prélèvement opéré sur ces organismes en 2002 restera exceptionnel.
M. Roland Courteau. Ce n'est pas sûr !
M. Philippe Arnaud. Il importe que les acteurs du monde agricole ne perdent pas la confiance qu'ils placent en vous, au moment même où, avec le Premier ministre et avec l'ensemble du Gouvernement, nous affirmons l'intérêt de la gestion de proximité, nous en proclamons les valeurs, nous militons pour une décentralisation accrue et pour une plus grande responsabilité des acteurs locaux.
Cette politique, que nous soutenons, s'oppose aux prélèvements arbitraires qui pénalisent ceux qui, par une gestion autonome, rigoureuse et prévoyante, ont constitué les réserves nécessaires pour conduire leur propre action sociale, quand ceux qui ont mené une gestion plus dispendieuse ne seraient pas - ou le seraient très peu - appelés à l'effort de solidarité.
Monsieur le ministre, cet effort sera-t-il consenti pour solde de tout compte ? Comment, par ailleurs, entendez-vous régler ce problème structurel de financement pour 2003 et pour les années à venir ? Car l'équilibre des prestations sociales agricoles doit être garanti de façon pérenne.
M. le président. La parole est à M. Joël Bourdin. M. Joël Bourdin. Monsieur le ministre, je comprends bien, compte tenu de la situation dont a hérité le Gouvernement, que vous soyez amené à faire feu de tout bois pour pallier les insuffisances du budget.
Néanmoins, en qualité de rapporteur spécial du projet de loi de finances pour le BAPSA et, en tant que membre de la majorité gouvernementale, laquelle est attachée à un certain nombre de principes et de modalités d'action, je tiens à formuler quelques remarques, étant entendu que celles-ci ne remettent nullement en cause le vote que mes collègues du groupe des Républicains et indépendants et moi-même émettrons tout à l'heure.
Pour ce qui est des principes, je regrette que soit mis en cause celui de l'autonomie de gestion, même si les organismes concernés ont bénéficié de faveurs de l'Etat, sous forme soit de taxes parafiscales, soit de subventions.
Il reste que notre majorité est attachée à l'autonomie des entreprises et des organisation agricoles, y compris de celles qui bénéficient d'aides publiques. Nous n'aimons guère voir l'Etat considérer les réserves ou les reports à nouveau de ces structures comme une sorte de fonds dans lequel il peut puiser lorsqu'un besoin d'argent apparaît.
Indépendamment de la méthode employée, il est évident que c'est le fonds de roulement des caisses de MSA qui sera mis à contribution. Or la plupart de ces caisses ont engagé des programmes d'actions à moyen et long terme, dont une partie au moins est financée à partir de leur fonds de roulement. Et voilà que, patatras ! elles apprennent que leur fonds de roulement va être amputé, qu'elles doivent remettre en cause leur budget ou leur programme pluriannuel d'investissements.
Bien entendu, monsieur le ministre, il n'est pas anormal que vous fassiez contribuer le secteur agricole à la résolution d'une difficulté qui touche les prestations sociales agricoles. Je souhaiterais simplement que vous nous disiez si ce prélèvement ne sera bien opéré qu'une seule fois et que ce qui est demandé ici n'est pas l'amorce d'une habitude.
Il faut apaiser le monde agricole. Il faut apaiser les administrateurs des caisses de MSA en leur disant que, s'ils ont reçu une mauvaise nouvelle au cours de cet été, elle restera unique en son genre.
J'ajoute que, même modulé par l'Assemblée nationale, le calcul du prélèvement tend à pénaliser ceux qui appliquent des principes de gestion rigoureuse et à favoriser ceux qui considèrent leur caisse comme un panier percé. Nous verrons bien quelles seront, au bout du compte, les contributions des différentes MSA, mais il y a fort à parier que ce sont celles qui ont le fonds de roulement le plus élevé qui contribueront le plus ; or ce ne sont pas nécessairement celles-là qui sont le plus mal gérées...
Il faudrait éviter de donner ainsi un signe à des organismes du même type, en dehors du secteur agricole. Sinon, dans les mois ou les années qui viennent, certains n'hésiteront pas à se lancer dans des politiques dispendieuses pour éviter de se retrouver avec un fonds de roulement qui serait considéré comme excessif par le Gouvernement.
En ce qui concerne Unigrains - c'est un problème extrêmement complexe -, il me semble que l'Etat peut effectivement prétendre récupérer des éléments d'actifs qui ont pu être achetés avec le produit de la taxe parafiscale. Cela dit, le montant de ce produit, selon moi, n'est pas de 165 millions d'euros ; il serait plutôt de l'ordre de 117 millions à 120 millions d'euros. Je souhaiterais donc que vous nous donniez une explication à ce sujet.
Pour ce qui est du fonds national de garantie des calamités agricoles, j'ai insisté, ces dernières années, notamment l'année dernière, sur le non-respect par l'Etat de ses engagements à l'égard de ce fonds qui est grosso modo financé à parts égales par les professionnels et l'Etat. Ce dernier, notamment l'année dernière, n'a pas apporté sa contribution. Or, cette année, il demande à ce fonds de contribuer au financement d'une opération qui lui est étrangère.
Je voudrais, monsieur le ministre, que vous nous expliquiez les raisons de ce prélèvement sur le fonds national de garantie des calamités agricoles. Par ailleurs, dans la mesure où il s'agit d'un fonds de réassurance qui a besoin d'un énorme fonds de roulement, je voudrais savoir si l'Etat, dans l'hypothèse où un nouveau risque se produirait, apporterait une contribution exceptionnelle aussi rapidement qu'il opère actuellement ce prélèvement. (M. Auguste Cazalet applaudit.)
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. le président. Je suis saisi de six amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 20, présenté par M. Fourcaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Supprimer l'article 2. »
L'amendement n° 23 rectifié, présenté par MM. Deneux, Amoudry, Arnaud, Badré et Barraux, Mme Bocandé, M. Détraigne, Mme Férat, MM. Lorrain et Moinard et Mme Gourault, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le I de l'article 2 :
« I - La société anonyme Union financière pour le développement de l'économie céréalière (Unigrains) verse au profit du budget annexe des prestations sociales agricoles une contribution de 117,5 millions d'euros représentant les boni de liquidation du produit de la taxe, pour le financement des actions du secteur céréalier, affectée au fonds de solidarité des céréaliculteurs et des éleveurs entendu au sens de l'article 13 du décret n° 80-854 du 30 octobre 1980 relatif aux taxes parafiscales.
« II - En conséquence, dans le II de l'article 2, substituer au nombre : "130" le nombre "177,5". »
L'amendement n° 1, présenté par MM. Girod, Pelletier, de Montesquiou et Joly, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le I de l'article 2 :
« I - La société anonyme Union financière pour le développement de l'économie céréalière (Unigrains) verse une contribution de 117,5 millions d'euros au profit du budget annexe des prestations sociales agricoles.
« Ce prélèvement représente les boni de liquidation du produit des taxes dont a bénéficié le fonds de solidarité des céréaliculteurs et des éleveurs, entendu au sens de l'article 13 du décret n° 80-854 du 30 octobre 1980 relatif aux taxes parafiscales. »
L'amendement n° 24 rectifié, présenté par MM. Deneux, Amoudry, Arnaud, Badré et Barraux, Mme Bocandé, M. Détraigne, Mme Férat, MM. Lorrain et Moinard et Mme Gourault, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le I de l'article 2 :
« I - La société anonyme Union financière pour le développement de l'économie céréalière (Unigrains) verse au profit du budget annexe des prestations sociales agricoles une contribution de 165 millions d'euros représentant les boni de liquidation du produit de la taxe pour le financement des actions du secteur céréalier affectée au fonds de solidarité des céréaliculteurs et des éleveurs, entendu au sens de l'article 13 du décret n° 80-854 du 30 octobre 1980 relatif aux taxes parafiscales. »
L'amendement n° 7 rectifié, présenté par MM. Miquel, Massion, Angels, Auban, Demerliat, Marc, Haut, Lise, Moreigne, Sergent, Courteau et Masseret, Mme Printz, MM. Todeschini, Sueur et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Supprimer le III de l'article 2. » L'amendement n° 25 bis rectifié, présenté par MM. Deneux, Amoudry, Arnaud, Badré et Barraux, Mme Bocandé, M. Détraigne, Mme Férat, MM. Jean Boyer, Fréville, Christian Gaudin, Lesbros, Moinard, Mortemousque, Nogrix, Lorrain et Zocchetto et Mme Gourault, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le III de l'article 2 :
« III - A compter du 1er août 2002 et jusqu'au 31 décembre 2002, le taux de la taxe sur les tabacs fabriqués prévue par l'article 1 609 unvicies du code général des impôts est majorée de 2,75 %. »
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour défendre l'amendement n° 20.
M. Thierry Foucaud. L'article 2 prévoit une solution assez inattendue pour régler le déficit d'exécution du BAPSA, à savoir des prélèvements sur Unigrains, la mutualité sociale agricole, la MSA, et le fonds national de garantie des calamités agricoles, le FNGCA.
Cette solution est inattendue parce que les organismes concernés ont été mis devant le fait accompli. Alors que le Gouvernement se targue d'instaurer le dialogue social, on comprendra leur surprise.
Des députés de la majorité vous ont fait part de leur indignation, monsieur le ministre, et sont allés jusqu'à vous proposer des solutions alternatives. Ainsi, à l'occasion de l'examen de cet article en séance publique, M. Charles de Courson a très justement mis face à face le montant de ce déficit, 750 millions d'euros, et les 2,5 milliards d'euros consacrés à la baisse d'impôt sur le revenu. Il a relevé, par ailleurs, que la légalité d'un des prélèvements - celui qui est opéré sur Unigrains - est plus que douteuse au regard de la convention qui lie cet organisme et l'Etat.
Certains de nos collègues, qui connaissent bien le monde des gros céréaliers, éprouvent les mêmes préoccupations. Il serait étonnant que la majorité sénatoriale les désapprouve. En effet, permettez-moi de vous rappeler, mes chers collègues, qu'à l'occasion du dernier débat budgétaire vous avez approuvé le rapporteur spécial de la commission des finances sur les crédits du BAPSA lorsqu'il mettait en avant l'incertitude constitutionnelle pesant sur l'affectation ex-post du produit de la C3S pour équilibrer le BAPSA.
Que pensez-vous de la légalité de l'affectation de la taxe parafiscale perçue par Unigrains ?
Pour notre part, nous en demandons la suppression.
Nous sommes résolument opposés au prélèvement sur la MSA, dont les modalités ont été aggravées à l'issue du vote par l'Assemblée nationale. Les députés de la majorité ont en effet décidé que toutes les caisses, mêmes celles qui ne sont pas excédentaires, devront contribuer.
Comme l'a souligné le conseil d'administration des MSA dans une motion adoptée à l'unanimité, ce prélèvement va priver les caisses de moyens d'aider leurs assurés : ce sont des actions sanitaires et sociales qui ne pourront donc pas être menées.
Alors que vous ne cessez de donner des leçons en matière de rigueur budgétaire et comptable et que vous nous parlez de psychologie, vous procédez ici à de curieux rafistolages pour équilibrer les comptes du BAPSA.
Cet article 2, c'est aussi de la tuyauterie ! Nous souhaitons qu'une ressource pérenne soit trouvée. M. le président. La parole est à M. Marcel Deneux, pour défendre l'amendement n° 23 rectifié.
M. Marcel Deneux. En fait, cet amendement vise à remplacer le chiffre 130 par le chiffre 117,5 et non le chiffre 177,5.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 23 rectifié bis présenté par MM Deneux, Amoudry, Arnaud, Badré et Barraux, Mme Bocandé, M. Détraigne, Mme Férat, MM. Lorrain et Moinard et Mme Gourault, qui est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le I de l'article 2 ;
« I - La société anonyme Union financière pour le développement de l'économie céréalière (Unigrains) verse au profit du budget annexe des prestations sociales agricoles une contribution de 117,5 millions d'euros représentant les boni de liquidation du produit de la taxe pour le financement des actions du secteur céréalier, affectée au fonds de solidarité des céréaliculteurs et des éleveurs, entendu au sens de l'article 13 du décret n° 80-854 du 30 octobre 1980 relatif aux taxes parafiscales.
« II - En conséquence, dans le II de l'article 2, substituer au nombre : "130" le nombre : "117,5". »
Veuillez poursuivre M. Deneux.
M. Marcel Deneux. Nous souhaitons réduire le prélèvement sur Unigrains de façon qu'avec ce qui restera on puisse mener une politique intelligente de l'emploi en milieu rural.
M. le président. La parole est à M. Jacques Pelletier, pour défendre l'amendement n° 1.
M. Jacques Pelletier. Cet amendement obéit exactement à la même philosophie que les amendements 23 rectifié bis et 24 rectifié.
Les pouvoirs publics et la société Unigrains entretiennent depuis très longtemps des relations consensuelles et, bien souvent, contractuelles.
Cette société, dans la mesure où elle conforte très sérieusement le réseau des entreprises agroalimentaires assurant la continuité de l'activité agricole, spécialement en milieu rural, a une grande utilité ; nous le constatons bien souvent ! Je souhaiterais donc qu'elle puisse devenir pérenne.
Il me semble, monsieur le ministre, qu'il serait bon qu'à la rentrée - après les vacances auxquelles nous aspirons tous, y compris vous je pense - vous puissiez prendre l'initiative de réunir une table ronde avec la société Unigrains, pour voir avec ses dirigeants comment il est possible d'assurer cette pérennité.
M. le président. La parole est à M. Marcel Deneux, pour défendre l'amendement n° 24 rectifié.
M. Marcel Deneux. Cet amendement tend à appliquer l'article 11 de la convention du 3 juillet 1983 passée entre les pouvoirs publics et la société Unigrains, afin que celle-ci société continue à exercer sa mission.
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour défendre l'amendement n° 7 rectifié.
M. François Marc. Lors de la mise en place de la réforme du financement de la protection sociale agricole de 1990, il avait été convenu que tous les besoins liés au BAPSA donneraient lieu à un abondement systématique par l'Etat pour équilibrer les comptes.
Or, pour la première fois, le Gouvernement propose - M. Deneux l'a expliqué d'une façon tout à fait brillante tout à l'heure - de faire des prélèvements sur les réserves de la Mutualité sociale agricole. L'amendement que je présente vise à supprimer ce prélèvement de 161 millions d'euros, effectué sur les réserves et reports des caisses de la MSA au profit du BAPSA.
Ce prélèvement est, en effet, particulièrement brutal, car il a été décidé sans aucune concertation préalable avec les caisses, qui l'ont d'ailleurs, me semble-t-il qualifié de « hold-up ».
Le Gouvernement, qui fait de grands discours sur le dialogue social, censé être l'une de ses priorités, a visiblement des difficultés à passer de la parole aux actes. On nous parle de concertation, de baisse des impôts et on voit réapparaître des usages en vigueur à l'époque de la gabelle !
M. Philippe Marini, rapporteur général. N'exagérons rien !
M. François Marc. Vous allez en effet créer des départements de petite gabelle et des départements de grande gabelle...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout ce qui est excessif est insignifiant !
M. François Marc. En définitive, nous avons tous le sentiment de voir renaître ce qu'Emile Zola appelait « une odieuse gabelle ».
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cintegabelle !
M. François Marc. Que n'avions-nous pas entendu lorsque nous avions affecté une partie des excédents sociaux générés par les 35 heures au financement de ces dernières ! Or, que voit-on aujourd'hui ? Nous voyons l'opposition d'alors « braquer » les caisses de sécurité sociale des exploitants agricoles. (Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Alain Vasselle. Oh ! Vous pouvez parler !
M. François Marc. En outre, ce prélèvement est injuste. Il ponctionne les caisses qui ont été bien gérées, bref les caisses vertueuses.
On imagine sans peine le découragement des responsables de ces caisses. Chaque jour, ils pilotent leur gestion au plus juste pour dégager des moyens financiers par ailleurs bien utiles. Et voilà que le Gouvernement passe et ramasse le pactole. Bien maigre pactole d'ailleurs pour l'Etat, mais ô combien essentiel pour les caisses de la MSA !
S'agissant du fond du problème posé, nous considérons que c'est le principe même de l'appauvrissement des caisses de la MSA qui est totalement inacceptable. Dans certains départements, les ponctionnements vont se chiffrer à cinq, six, voire à huit millions d'euros pour l'exercice annuel 2002.
A quoi la MSA destinait-elle ces réserves ? Il faut savoir que ces réserves servent, en premier chef, à constituer des marges de manoeuvre pour faire face à une conjoncture agricole houleuse. On doit, à cet égard, rappeler que le fonds de solidarité des crises agricoles est, à ce jour, quasiment épuisé, et que c'est donc grâce aux réserves accumulées que le système de protection sociale agricole sera en mesure d'amortir les besoins nés de ces crises. Nul ici ne peut oublier les crises bovines, porcines, ni ignorer aujourd'hui la crise agricole - en 2002, 40 % des agriculteurs auront un revenu négatif -, demain la crise viticole et les aléas liés à la réforme de la PAC.
Des besoins importants sont donc identifiés en matière de gestion des crises. Si on appauvrit les fonds de réserve, on enlève à la MSA un moyen de réponse approprié aux attentes des agriculteurs en difficulté.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. François Marc. Si ces réserves permettent de faire face aux crises, elles ont aussi pour vocation d'améliorer la qualité des prestations sociales agricoles pour, à terme, atteindre la parité tant attendue avec le régime général.
Il faut savoir qu'à l'heure actuelle les cotisants du régime agricole apportent un effort contributif équivalent à celui des affiliés du régime général. Il faut savoir également que le coût de gestion des caisses de MSA est en moyenne inférieur à celui du régime général. Pour autant, les deux systèmes sont encore loin d'être à parité. En particulier, les actions sanitaires et agricoles de la MSA sont, à ce jour, moindres que dans le système général, ce qui introduit une injustice manifeste.
Afin de remédier à cette injustice, les gestionnaires des caisses ont développé des projets de nature à utiliser ces excédents pour relever les modalités d'intervention à l'attention des populations les moins bien couvertes par le système de protection sociale agricole actuel, à savoir les personnes âgées et les jeunes.
Le prélèvement massif prévu par le Gouvernement aurait donc pour effet immédiat de creuser un peu plus le fossé entre le régime général et le régime agricole. De ce fait, il est bien entendu ressenti comme une injustice flagrante par les gestionnaires des caisses et par les affiliés à la MSA.
Au vu de tous ces éléments qui touchent à la réalité du terrain, nous demandons que de nouvelles modalités de compensation du déficit du BAPSA soient trouvées, afin de préserver l'équilibre de la MSA et d'organiser un financement pérenne de ce budget annexe jusqu'en 2006, date de sa suppression.
Au nom du groupe socialiste, je vous demande, mes chers collègues, d'adopter cet amendement de suppression. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Marcel Deneux, pour présenter l'amendement n° 25 rectifié bis.
M. Marcel Deneux. Cet amendement vise à augmenter temporairement, en 2002, la fiscalité sur les tabacs fabriqués en substitution du financement des 161 millions d'euros qui ne seraient pas prélevés sur les réserves et reports des caisses de mutualité sociale agricole.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'amendement n° 20 du groupe communiste républicain et citoyen est évidement inacceptable puisqu'il supprime totalement les prélèvements et laisse béante une « impasse » de 456 millions d'euros.
J'imagine bien que, si l'on interrogeait nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen, ils auraient des idées pour boucher ce trou avec la hausse de l'impôt de solidarité sur la fortune, la suppression de l'avoir fiscal, une taxe spéciale sur les mouvements financiers, etc. Mais comme le Sénat refuse des excès aussi coupables pour l'activité économique et l'emploi, nous ne saurions les suivre et l'avis de la commission est dès lors défavorable s'ils ne retirent pas au préalable leur amendement.
L'amendement n° 23 rectifié bis, qui concerne les modalités du prélèvement opéré sur la société Unigrains au profit du BAPSA, a pour objet d'alléger ce prélèvement afin, selon ses auteurs, de ne pas peser de manière excessive ou disproportionnée sur la trésorerie disponible de cette société.
La solution préconisée, qui consisterait en un prélèvement supplémentaire sur le fonds national de garantie des calamités agricoles, ne nous semble ni raisonnable ni souhaitable pour différentes raisons.
Si ce fonds, qui est à nouveau sollicité, devait, demain ou après-demain, servir à amortir des risques non prévus, il faudrait en toute hâte opérer, par virement de crédits ou par le vote de crédits supplémentaires, une nouvelle dotation.
La commission estime qu'il n'est pas de bonne gestion, de bonne politique, de faire décroître l'actif du fonds en deçà d'un montant raisonnable, montant qui lui semble avoir déjà été dépassé par les prélèvements passés et par celui que l'on s'apprête à voter. La commission souhaite donc que nos collègues veuillent bien retirer leur amendement.
En ce qui concerne les amendements n°s 1 et 24 rectifié concernant la modification des modalités de prélèvement sur Unigrains au profit du BAPSA, la commission souhaite que le Gouvernement puisse expliciter une nouvelle fois son analyse ; nos collègues, je crois, y seraient sensibles.
Nous avons bien pris connaissance des arguments de la société Unigrains, qui estime que la contribution acceptable se situerait à 117,5 millions d'euros. Toutefois, ainsi que je vous le disais, des travaux relativement substantiels ont été réalisés conjointement par l'inspection générale des finances et l'inspection générale de l'agriculture - j'ai ici le rapport d'avril 2002 sur la valorisation du patrimoine et la situation fiscale de la société Unigrains ; il existe, en outre, un rapport du cabinet d'audit KPMG qui porte sur le même sujet, à savoir tenter de tirer au clair la situation patrimoniale de la société : qu'est-ce qui lui appartient ? Qu'est-ce qui appartient à l'Etat ?
Selon certaines analyses qui, a priori, ne semblent pas complètement dénuées de fondement, la dette potentielle à l'égard de l'Etat serait sensiblement plus élevée que le prélèvement que celui-ci s'apprête à réaliser, si le Parlement suit la proposition qui lui est faite. (M. Marcel Deneux conteste.)
Le chiffre de 117,5 millions d'euros ne nous paraît pas, a priori, reposer sur une analyse juridique incontestable, car les arguments s'équilibrent : lorsqu'on lit les rapports, c'est une vision qui est celle de la société dont il s'agit, à laquelle, bien entendu, on peut donner acte de l'utilité économique qu'elle représente. Mais si l'on examine les justifications fournies, les arguments formulés dans les rapports dont nous avons connaissance, il n'éclate pas aux yeux que la vérité s'établit à 117,5 millions d'euros.
Sur cet aspect des choses, donc sur les désaccords quant aux chiffres, la commission serait par conséquent heureuse d'entendre le Gouvernement pour qu'il éclaire mieux sa lanterne. A la suite des explications qui auront été données, nos collègues pourront, je pense, envisager de retirer leurs amendements.
L'amendement n° 7 rectifié a pour objet de supprimer le prélèvement de 161 millions d'euros opéré sur les réserves disponibles des caisses de mutualité sociale agricole. J'ai écouté avec attention notre collègue François Marc le présenter, mais je vous avoue, mes chers collègues, avoir pensé que trop, c'est trop ! Certaines des expressions utilisées vont bien au-delà de la raison.
Sur ce sujet aussi, j'ai eu la possibilité de lire un rapport encore plus « copieux », fait conjointement par l'inspection générale de l'agriculture, l'inspection générale des finances et l'inspection générale des affaires sociales. Ce rapport consacré à la centralisation de la trésorerie de la mutualité sociale agricole date de janvier 2002, cher collègue François Marc, donc de l'époque où vos amis étaient aux affaires, comme l'ont dit.
Je me permets de vous lire un extrait d'un paragraphe de ce rapport qui, à la page 11, portant sur les réserves, s'intitule : « Une accumulation peu maîtrisée ». Il est écrit notamment : « Il convient de souligner que les caisses peuvent toujours agir sur leur excédent de gestion pour enrayer la croissance des réserves. Cette action passe notamment par le développement de l'action sanitaire et sociale envisageable après plusieurs années de gel des budgets, la modulation à la baisse - j'y insiste - des cotisations de gestion des exploitants et salariés, mais également - j'y insiste aussi - le report des dates d'appel des cotisations exploitants. »
Mes chers collègues, on ne peut tout de même pas dire que les caisses les mieux gérées sont celles qui ont le plus de trésorerie. Les mieux gérées sont celles qui « pilotent » leur trésorerie au vu des missions qu'elles doivent accomplir.
Les inspecteurs ajoutent : « Force est toutefois de constater que ces actions qui mobilisent les réserves en soutien de trésorerie et affectent les produits financiers ne sont que très marginalement mises en oeuvre même au niveau des caisses les plus dotées de réserves. »
Ne soyons pas dupes du jeu de rôle en quelque sorte inévitable dans ce type de débat ! Mes chers collègues, les caisses les mieux gérées ne sont pas nécessairement celles qui ont laissé s'accumuler le plus de trésorerie et qui escomptent donc le plus de produits financiers. Ce sont peut-être celles qui ont limité cette progression de leurs réserves et de leur trésorerie en faisant participer les agriculteurs eux-mêmes au succès de leur gestion, c'est-à-dire en décalant les cotisations, voire en diminuant le taux desdites cotisations, comme les conseils d'administration ont parfaitement le droit de le faire. La commission des finances est donc tout à fait défavorable à l'amendement n° 7 rectifié du groupe socialiste.
S'agissant de l'amendement n° 25 rectifié bis présenté par M. Deneux, la commission souhaiterait entendre l'avis du Gouvernement. Il est clair que les caisses de MSA ont besoin d'une certaine visibilité. Il est tout aussi clair - je le maintiens - que l'opération de ponction sur les trésoreries est très mal vécue et très mal ressentie. Certes, je ne connais pas d'opération de ponction ou de prélèvement qui soit véritablement bien vécue ou bien ressentie. Mais il est parfois possible, dans l'art et la manière de préparer les choses, de les conduire, de faire participer à la poursuite de l'intérêt général des professions actives qui en sont soucieuses.
Peut-être M. le ministre nous donnera-t-il, pour demain ou après-demain, des indications, voire des assurances à la suite desquelles j'espère que vous accepterez de retirer cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Les différents intervenants ont exprimé des points de vue convergents, bien que sous une forme quelque peu différente. Ces amendements ont à peu près le même objet, l'amendement n° 24 rectifié, tendant à augmenter davantage le prélèvement sur le fonds national de garantie des calamités agricoles.
Je voudrais revenir sur ce qui a été dit par plusieurs d'entre vous sur l'article 2.
Tout d'abord, le « fait accompli » dont vous avez parlé est celui du Parlement, expression du peuple français. Le Gouvernement ne fait que proposer, mes chers collègues, en l'occurrence, il vous demande de vous prononcer sur plusieurs questions relatives à la protection sociale des agriculteurs. Y tenez-vous ? Choisissez-vous la solution proposée par le groupe communiste ?
M. Jean-Pierre Demerliat. Les chars russes arrivent ! (Rires sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste réublicain et citoyen.)
M. Alain Lambert, ministre délégué. Je ne vois pas bien le rapport...
On ignore le déficit. Mais lorsqu'on ne propose pas de le combler, cela signifie que le déficit permanent est un mode de gestion.
Refusera-t-on, à terme, de payer les prestations sociales agricoles à cause d'un manque de réserves ? S'imagine-t-on que les prestataires ne seront payés que jusqu'au mois de septembre et qu'après ils ne le seront plus ? C'est en ces termes que le problème vous est posé, mesdames, messieurs les sénateurs.
En l'état actuel de la situation laissée par le précédent gouvernement, il est impossible que le régime assume sa responsabilité jusqu'au 31 décembre. Je m'étonne d'ailleurs du ton un peu vif utilisé tout à l'heure par l'un des membres de l'opposition. Il n'avait apparemment pas eu d'états d'âme lorsqu'il s'était agi d'adopter le budget annexe des prestations sociales agricoles, alors que chacun affirmait, dans cette assemblée, qu'il n'était pas sincère.
A partir de là, mes chers collègues, permettez-moi de vous faire part du calendrier qui a été le mien. Le 26 juin, nous avons reçu les résultats de l'audit. C'est à ce moment-là que le solde nous a été communiqué par les auditeurs. Le collectif budgétaire a dû être envoyé au Conseil d'Etat le 3 juillet, ce qui laisse peu de temps, puis il a été adopté en conseil des ministres le 10 juillet.
Tout cela vous montre dans quels délais nous avons été obligés d'agir pour faire face à l'urgence. Il est donc vrai qu'une telle urgence ne peut, sans doute, laisser espérer une meilleure concertation. Car j'ai entendu ce mot de « concertation » aussi. Mais encore faut-il avoir le temps ! Je veux vraiment que vous preniez en compte cette donnée.
Je ne souhaite pas que la direction du budget soit mise en cause, car elle n'a pas obligé le Gouvernement à vous proposer une telle mesure ! Le Gouvernement vous la propose de lui-même, parce qu'il est attaché à la protection sociale des agriculteurs, tout comme le sont, selon lui, la majorité sénatoriale et la majorité de l'Assemblée nationale. Le Gouvernement assume donc sa responsabilité, ce que son prédécesseur n'a pas su faire ! (Approbations sur les travées du RPR.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Alain Lambert ministre délégué. Vous m'avez demandé si ces organismes devaient payer. S'ils sont invités à payer dans l'urgence, c'est précisément parce qu'il nous semble que leur fonction n'est pas menacée. Mais peut-être votre volonté est-elle, mesdames, messieurs les sénateurs, de faire couvrir le déficit par tous les contribuables français ? Alors, dites-le clairement !
M. Marcel Deneux. On ne le propose pas !
M. Alain Lambert, ministre délégué. La solution préconisée par le Gouvernement consiste à faire payer le contribuable français dans les proportions que je vous ai indiquées tout à l'heure...
M. Paul Loridant. Avec la baisse de l'impôt !
M. Alain Lambert, ministre délégué. ... et, ensuite, à mobiliser des réserves prélevées sur les établissements que nous avons cités et qui ne seront pas menacés dans leur fonctionnement.
Vous m'avez interrogé ensuite sur la façon dont le BAPSA était alimenté.
Au-delà de la subvention de l'Etat dont j'ai parlé longuement tout à l'heure - trop longuement peut être - 30 % des ressources proviennent de la TVA, un impôt qui est payé par tous les contribuables, comme l'a dit M. Foucaud, et par la contribution sociale de solidarité sur les sociétés, la C3S.
Mais précisément, la C3S, parlons-en : chacun ici connaît la simplicité de son fonctionnement ! Je prends à témoin M. le rapporteur général : combien de fois a-t-on remis l'ouvrage sur le métier, y compris sous les précédents gouvernements, pour essayer de l'ajuster au mieux ? Cela étant, la C3S est un autre impôt acquitté par les sociétés, dont le produit profite au BAPSA.
Pour répondre à une question qui m'a été posée, rien, à ce stade, n'a été envisagé concernant les modalités de financement de la retraite complémentaire obligatoire. Donc, l'information qu'a livrée tout à l'heure l'un d'entre vous concernant un prélèvement de 60 millions d'euros sur la Mutualité sociale agricole en 2003 n'est pas exacte. (M. Deneux proteste.)
M. Alain Lambert, ministre délégué. Monsieur le sénateur, vous semblez disposer de chiffres que je n'ai pas ; j'en déduis que vous êtes mieux informé que moi ! (Sourires.) Vous ne serez donc pas de ceux qui pourront être surpris l'année prochaine !
M. Roland Courteau. Ce n'est pas une réponse !
M. Alain Lambert, ministre délégué. S'agissant maintenant de ces caisses qui seraient très bien gérées et des autres qui le seraient moins, j'estime que M. le rapporteur général a donné tout à l'heure une explication tout à fait claire, se fondant sur un rapport qui est, lui-même, incontestable.
A l'intention de ceux d'entre vous qui connaissent moins bien le fonctionnement des caisses de mutualité sociale agricole, j'ajoute que, depuis l'origine, les caisses dites « vertueuses », compte tenu du principe de mutualisation en vigueur dans le secteur de la mutualité, ont toujours participé à l'équilibre des caisses déficitaires. D'ailleurs, ces déficits ne sont pas toujours liés à une mauvaise gestion, contrairement à ce que l'on pense ; il faut plutôt y voir la conséquence d'une assiette sociale faible par rapport à d'autres départements.
Mesdames, messieurs les sénateurs, notre système de protection sociale est mutualisé et il faut, me semble-t-il, lui conserver cet esprit. La contribution des contribuables français est appelée largement ; la contribution indirectement appelée au titre des trois organismes a été calculée au plus juste. Soyez convaincus qu'en aucune façon il ne s'est agi de leur faire une mauvaise manière - je vous ai indiqué dans quels délais nous avons travaillé.
Certains ont souhaité une amélioration de la communication. J'indique très clairement à M. Jacques Pelletier, qui s'est exprimé à ce sujet, que je suis à la disposition du président d'Unigrains et du président de la Caisse nationale de la mutualité sociale agricole pour examiner avec eux toutes les questions qui les préoccupent.
S'agissant d'Unigrains, il faut, monsieur le rapporteur général, à partir des travaux qui ont été menés - ils sont peut-être insuffisants, mais ils ne sont pas minces et constituent une base de travail intéressante -, ouvrir une discussion, un débat contradictoire, au sens positif de l'expression, entre l'organisme et l'Etat, qui représente l'intérêt des Français, afin d'essayer de procéder à une liquidation claire des comptes pour ce qui relève du produit de la taxe parafiscale. J'ai même entendu, de la bouche du président de la commission, qu'il nous fallait procéder ainsi avec tous les organismes ayant, à un moment donné, prélevé des taxes parafiscales, afin qu'il n'y ait pas d'injustice entre eux.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l'aurez compris, je ne peux pas vous proposer d'alléger un peu le prélèvement sur Unigrains aux dépens des fonds nationaux de garantie des calamités agricoles. Ce ne serait pas une bonne méthode. Le choix de la solution ici proposée a été dicté par la considération de la situation difficile dans laquelle nous sommes, parce que nous trouvons un système de protection agricole qui n'est plus équilibré. L'honneur de la majorité sénatoriale sera d'avoir sauvé le régime de protection des agriculteurs, qui était en effet menacé. (Exclamations sur les travées socialistes.) Le seul moyen de l'équilibrer, c'est d'appeler à contribution les contribuables français et aussi, plus modestement, les réserves des trois organismes en question.
Pour toutes ces raisons, je demande aux auteurs des amendements de bien vouloir les retirer. A défaut, je serais obligé de demander à la majorité du Sénat de les rejeter. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.) M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 20.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je préfère prendre la parole pour explication de vote sur cet amendement, car je ne doute pas un seul instant, monsieur le ministre, que nos collègues du groupe de l'Union centriste, en la personne de M. Deneux, après les explications que vous avez données, retireront leurs amendements, me privant ainsi de l'opportunité de m'exprimer.
Monsieur le ministre, je comprends tout à fait la situation délicate dans laquelle vous vous trouvez. Vous avez une attitude responsable qui consiste à assurer aux agriculteurs les prestations sociales que vous ne pourriez pas leur garantir si le BAPSA n'était pas alimenté à due concurrence pour que ses comptes soient équilibrés.
A cet égard, il m'apparaîtrait particulièrement indélicat de la part de certains de nos collègues qu'ils contrent l'initiative du Gouvernement en la matière.
Cependant, après avoir entendu avec beaucoup de satisfaction M. Mer, vous me permettrez de dire que les propositions qui nous sont soumises aujourd'hui sont en complet décalage avec les objectifs que se fixe le Gouvernement. J'entends bien qu'il vous faut agir dans l'urgence et que, à ce titre, vous ne pouvez pas remettre en situation d'équilibre conformément à la philosophie du Gouvernement les comptes du type de celui de BAPSA.
Cela étant, la situation n'est pas du tout satisfaisante pour la profession agricole, qui traverse une crise comme elle n'en a pas connu depuis longtemps. Vous le savez bien, vous qui êtes issu d'un département agricole comme moi, monsieur le ministre, et M. le rapporteur général le sait aussi, lui qui est élu, tout comme moi également, d'un département céréalier, aujourd'hui, avec un prix du quintal de blé à 50 francs, si les rendements et le climat ne sont pas favorables, plus d'une exploitation agricole va se trouver en situation difficile.
Donc, au moment où l'agriculture traverse l'une des crises les plus importantes de son histoire, opérer des prélèvements sur les fonds de la mutualité sociale agricole ou sur Unigrains ne va pas susciter des réactions très positives de la part de la profession ou constituer un bon affichage politique. Mais je pense que les responsables agricoles sont capables de comprendre les raisons qui ont amené le Gouvernement à adopter les dispositions qu'il vient de prendre.
Je tenais cependant à livrer mon témoignage. Il aurait été plus judicieux, sur le moyen terme et sur le long terme, de la part des gouvernements précédents, de redéployer des cotisations de la profession agricole au profit des budgets en difficulté ; mais c'est ce à quoi vous allez vous attacher. Cela aurait dû passer par la baisse ou même la disparition des cotisations qui viennent alimenter Unigrains ou la Mutualité sociale agricole, car nous savons bien que cette dernière, par exemple, a également ses propres problèmes, en matière d'action sociale, par exemple.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Alain Vasselle. Pour ne prendre que l'exemple des aides ménagères, nous savons bien que la MSA, au titre de son fonds d'action sociale, apporte un concours financier bien moindre que celui du régime général. Alors, brider la MSA dans son action sociale pourra susciter d'autres problèmes, d'une autre nature.
On voit bien qu'il y a besoin de faire le ménage dans tout cela. La bonne solution consiste à diminuer les cotisations, voire à les faire disparaître, et de les redéployer au profit de budgets qui sont nécessaires pour préparer l'avenir des retraites des agriculteurs, notamment quand les besoins d'action sociale augmentent. Je pense à l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, qui est en train de faire exploser les budgets des départements. Il y a beaucoup à faire pour ce gouvernement s'il veut que tout cela fonctionne dans de meilleures conditions.
M. le rapporteur général a proposé une piste, celle des lois de financement de la sécurité sociale ; pourquoi pas ? Il faudrait en débattre pour le BAPSA.
Telle est ma philosophie sur le sujet. J'approuverai le texte du Gouvernement, mais en espérant que demain sera autrement, et cet autrement, je le souhaite conforme aux voeux de M. Mer et de vous-même, monsieur le ministre. (Applaudissement sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean-Claude Frécon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Frécon.
M. Jean-Claude Frécon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez à un sénateur fraîchement élu de donner son point de vue ; peut-être paraîtra-t-il un peu simpliste, mais je vous le livre comme je le ressens.
Que le BAPSA connaisse certains problèmes, je veux bien l'admettre, d'autant plus qu'ils ne datent pas d'aujourd'hui, ni même d'il y a cinq ans : ils sont structurels.
Vous étiez donc dans l'impossibilité d'équilibrer ce budget. Je voudrais tout d'abord m'associer - une fois n'est pas coutume - à ce que vient de dire notre collègue Alain Vasselle sur les difficultés du monde agricole. Je suis élu d'un département non pas céréalier, mais d'élevage ; que ce soit le prix des produits laitiers ou le prix de la viande, nous savons aussi ce qu'il en est. Et la MSA peine à apporter des aides à des agriculteurs qui sont en grande difficulté.
Ce qui m'ennuie, monsieur le ministre, c'est le choix que vous avez fait : trouver de l'argent dans les caisses d'organismes qui auraient quelques excédents.
Monsieur le ministre, vous êtes, tout comme moi, élu local depuis un certain temps, en l'occurrence vous êtes maire d'Alençon. Vous vous souvenez donc de certains précédents, sous des gouvernements différents, de droite comme de gauche : on a aussi crié au hold-up quand il s'est agi de prélever sur les excédents de la...
M. Hilaire Flandre. Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales !
M. Jean-Claude Frécon. En effet, la CNRACL, et quand les ministres successifs, quel que soit le gouvernement, ...
M. Hilaire Flandre. Surtout de gauche !
M. Jean-Claude Frécon. ... ont décidé de « pomper » ces excédents pour équilibrer leur budget.
M. Michel Mercier. Oui, M. Malvy !
M. Jean-Claude Frécon. Cela s'est fait sous tous les gouvernements, mon cher collègue. J'essaie d'être le plus objectif possible.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mais donnez-nous des idées !
M. Jean-Claude Frécon. Puis, quand les excédents ont été épuisés, on a trouvé une autre caisse, celle des accidents du travail des fonctionnaires.
M. Eric Doligé. La caisse des 35 heures !
M. Jean-Claude Frécon. Si donc, à chaque fois qu'un organisme dégage des excédents, il se les fait « pomper » par l'échelon supérieur, ici le niveau national, et, de surcroît, sur décision du Parlement - la mesure sera proposée par le Gouvernement, certes, mais votée par nous - nous apparaîtrons comme responsables de cette affaire-là.
Où irons-nous trouver des responsables pour ces organismes ? S'agissant de la Mutualité sociale agricole, on le sait bien, de nombreux chefs d'exploitation agricole, militant au sein des organisations agricoles, élus locaux aussi, et, par ailleurs, ...
M. Roland Courteau. Grands électeurs !
M. Jean-Claude Frécon. ... grands électeurs, oui, bien sûr ! (Sourires) , sont membres de ces caisses de mutualité sociale agricole et sont à compter au nombre de leurs dirigeants. A tous ceux-là, quel message devons-nous délivrer ? Ne gérez pas bien, ...
M. Alain Vasselle. Non !
M. Jean-Claude Frécon. ... gérez mal, parce que, sinon, vous dégagerez des excédents, dont vos organismes ne profiteront jamais ?
Mais l'hypothèse est bien trop machiavélique, monsieur le ministre, pour que je puisse en rester là. Cependant, je crains que nous ne donnions, avec un tel dispositif, un message dans ce sens.
« Donnez-moi des idées », me dit M. le rapporteur général. Mais je n'en ai pas, je vous ai dit que j'étais nouveau ! Je n'ai pas la science infuse ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.) Alors c'est de vous que j'attends des idées ! En tout cas, celle-ci ne me paraît pas à hauteur des enjeux (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen et sur certaines travées du RDSE.)
M. Alain Vasselle. Belle auto-critique de la gauche !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Bravo le nouveau !
M. le président. Mes chers collègues, je vous indique qu'au rythme où évolue notre débat,...
M. Hilaire Flandre. Cela va aller vite après !
M. le président. ... nous risquons de ne pas achever l'examen du collectif budgétaire cette nuit ! (Protestations amusées sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Eric Doligé. Rassurez-vous, la gauche n'a plus d'idées !
M. le président. Vos réactions unanimes, mes chers collègues, me donnent à penser que vous avez le souci de voir ce débat progresser ! (Sourires.)
M. Yves Fréville. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Yves Fréville.
M. Yves Fréville. Monsieur le ministre, vous m'avez persuadé de la nécessité de redresser les comptes du BAPSA.
Au fond, le problème est simple : les déficits s'étant accumulés, nous essayons de combler le trou en utilisant des excédents de manière à parvenir à une participation à la fois du contribuable national, pour environ les deux tiers, et des cotisants, pour le reste.
Pour ce qui est d'UNIGRAINS, vous m'avez convaincu qu'il valait mieux affecter directement au BAPSA les boni de liquidation plutôt que de procéder par recettes non fiscales. C'est à mon sens une solution sage.
En ce qui concerne la question plus délicate de la Mutualité sociale agricole, il faudrait, monsieur le ministre, que vous nous rassuriez sur l'avenir. En effet, il est précisé dans le texte de loi qu'un prélèvement sera opéré sur les réserves disponibles, qui, si je ne me trompe, sont fixées en fonction des minima réglementaires.
Monsieur le ministre, si j'ai bien compris, vous apurez le passé en opérant un prélèvement - et je reste réticent sur un tel procédé, car il n'est pas bon ; mais nécessité fait loi -, tout en faisant clairement savoir aux caisses que l'on ne procédera pas de même l'année prochaine.
Si vous nous assurez de cela, monsieur le ministre, nous aurons avancé d'un grand pas vers la solution.
M. Hilaire Flandre. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hilaire Flandre.
M. Hilaire Flandre. Je ne voterai pas l'amendement n° 20, déposé par nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen, pour la simple raison que son adoption conduirait à mettre instantanément le BAPSA en situation de cessation de paiement, et donc dans l'impossibilité de verser aux agriculteurs les prestations qui leur sont dues.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Proposez-nous autre chose !
M. Hilaire Flandre. Est-ce à dire pour autant que j'approuve le procédé par lequel on a tenté d'équilibrer les comptes ? Ce serait aller un peu vite en besogne, et je m'en expliquerai brièvement.
Monsieur le ministre, vous nous proposez de prendre de l'argent là où il y en a. C'est un réflexe très naturel pour un gouvernement, mais il appelle tout de même quelques remarques, tant sur le fond que sur la forme.
Sur le fond, ce n'est pas un péché bien grave que de prendre de l'argent que les agriculteurs ressentent peut-être comme leur appartenant, mais qui ne représente en réalité que leur contribution à l'équilibre de leur propre régime social.
Sur la forme, il aurait sans doute été de meilleure politique d'en discuter au préalable avec les responsables des structures concernées. C'est probablement cet aspect qui les a le plus choqués et qui les a amenés à intervenir auprès de chacun des représentants élus que nous sommes.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Et cela a marché !
M. Hilaire Flandre. Je crois surtout qu'il conviendra, à l'avenir, de présenter un compte du BAPSA qui soit beaucoup plus sincère et équilibré.
En effet, à l'heure actuelle, les agriculteurs - je parle de ceux qui sont soumis au régime du bénéfice réel - ont le sentiment, du moins dans certaines régions, que la contribution qu'ils apportent à leur régime social est l'équivalent de celles des autres secteurs d'activité. Sur ce point, un effort important est nécessaire, y compris de la part des organisations professionnelles agricoles, et je le leur dis souvent : tous les agriculteurs qui s'installent devraient être désormais soumis au régime du bénéfice réel, afin de pouvoir afficher la réalité de leurs revenus, plutôt que de cotiser sur des bases forfaitaires qui, on le sait, ne correspondent souvent pas, et de loin, à leur situation réelle.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !
M. Hilaire Flandre. Par ailleurs, le prélèvement sur les caisses qui disposent de réserves risque de les conduire à la conclusion qu'il vaut mieux ne point avoir de réserve, si d'aventure une telle opération devait se renouveler dans l'avenir.
Au demeurant, je ne partage pas l'avis du rapporteur général sur ce point : les responsables des organismes qui ont des réserves ne sont pas de mauvais gestionnaires ; peut-être ont-ils seulement l'esprit un peu plus « paysan » que les autres et pensent qu'il faut toujours garder une poire pour la soif plutôt que de dépenser les recettes au fur et à mesure qu'ils les perçoivent !
Si vous pouviez, monsieur le ministre, nous rassurer sur la façon dont vous envisagez l'avenir, nous aurions sans doute moins d'états d'âme et pourrions accepter les mesures que vous nous proposez.
M. Michel Mercier. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Je vous remercie, monsieur le président, d'avoir su faire prévaloir l'esprit des textes plutôt que leur lettre et d'avoir laissé le débat se développer ; il était intéressant et instructif. Au demeurant, l'hémicycle est probablement la seule pièce du palais où il ne fasse pas trop chaud aujourd'hui (Sourires.) , il est donc normal que nous ayons envie d'y rester pour aborder le fond du problème qui nous est soumis.
Notre discussion montre qu'il est parfois difficile de concilier les grands principes, les voies de l'action et les nécessités de l'urgence.
Nous avons bien compris, monsieur le ministre, que vous aviez d'abord voulu assurer la liquidité du BAPSA, de façon à garantir jusqu'à la fin de l'année le versement des prestations agricoles dues. Nous avons également compris que la méthode à laquelle vous aviez dû recourir n'était pas forcément celle que vous auriez choisie si vous aviez eu davantage de temps : l'urgence, si elle n'excuse pas tout, peut expliquer bien des choses.
Je ne veux pas revenir sur la question de savoir si les rapports savants dont M. le rapporteur général faisait état établissent l'existence ou non des excédents : en fait, ceux-ci sont là quand on en a besoin et disparaissent quand il faut payer ; nous sommes habitués à de telles opérations.
Monsieur le ministre, vous avez utilisé le seul argument qui vaillle à mes yeux : celui de la responsabilité politique. Nous ne vous manquerons jamais lorsque vous ferez appel à notre sens de la responsabilité politique.
M. Gérard Braun. Très bien !
M. Michel Mercier. Il faut nous dire très clairement que nous sommes dans une situation d'urgence, que la méthode suivie n'était pas la bonne, que vous reconnaissez l'absence de concertation, que tout ne se passe pas bien, mais que vous n'avez pas les moyens de faire autrement et que vous nous demandez de nous montrer politiquement responsables.
Alors, oui, nous apporterons notre soutien au Gouvernement, tout en sachant que la méthode ne nous convient pas, tout en espérant que vous ferez mieux : nous avons le sens de la responsabilité et nous serons derrière vous.
Je désire attirer votre attention, monsieur le ministre, sur un aspect des difficultés rencontrées par la MSA.
Je suis élu d'un département où les assurés sociaux relèvent, en majorité, du régime général, mais où les affiliés au régime agricole représentent une forte proportion. Or ils ne sont pas traités de la même façon que les assurés du régime général...
M. Michel Charasse. Les cotisations ne sont pas non plus les mêmes !
M. Michel Mercier. ... car la MSA connaît un grand retard en matière d'aide à domicile, d'action sociale, par exemple, alors que le département lui accorde déjà, chaque année, une subvention pour qu'elle puisse abonder son action sociale.
Je ne voudrais pas que, par le biais des dispositions que va voter dans quelques instants la majorité du Sénat - à laquelle j'appartiens, et qui soutient le Gouvernement -, nous transférions aux collectivités locales, notamment aux collectivités départementales, la charge que ne pourra pas assumer la MSA, ajoutant ainsi à la dérive des finances départementales - qui vaut bien, actuellement, celle du BAPSA. (Très bien ! sur les travées socialistes.)
Il faudra, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2003, faire le point sur l'ensemble des dépenses sociales, que ce soient celles qui sont prises en charge par les collectivités locales ou celles qui sont prises en charge par l'Etat ou les organismes sociaux. Aujourd'hui, il y a urgence, il faut faire vite, et vous avez notre soutien.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 20.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. M. Deneux, l'amendement n° 23 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Marcel Deneux. Je le retire, monsieur le président, parce que je crois à la solidarité gouvernementale.
Je me réjouis de ce débat, qui en appelle d'autres, car il a montré à quel point les mécanismes en question sont méconnus. En outre, les réponses de M. le rapporteur général et de M. le ministre, mériteraient, pour être comprises, des explications que je n'ai pas le temps de donner maintenant.
Je retire donc l'amendement n° 23 rectifié bis , mais je souhaite que nous prenions un jour le temps d'engager un débat qui soit précédé d'une bonne information de chacun d'entre nous.
M. le président. L'amendement n° 23 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 1 est-il maintenu, monsieur Pelletier ?
M. Jacques Pelletier. M. le ministre ayant accepté et même souhaité une concertation dès la rentrée avec les organismes mutualistes et Unigrains, je retire l'amendement n° 1, en espérant que cette concertation sera positive et consensuelle.
M. le président. L'amendement n° 1 est retiré.
Monsieur Deneux, l'amendement n° 24 rectifié est-il maintenu ?
M. Marcel Deneux. Je le retire, mais je souhaite demander à M. le ministre, si son emploi du temps le permet, de recevoir les responsables d'Unigrains plus tôt que prévu ; car, s'il le fait après la parution des « bleus », nous voyons bien quel sort sera réservé à nos préoccupations !
M. le président. L'amendement n° 24 rectifié est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 7 rectifié
M. Gérard Delfau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.
M. Gérard Delfau. A l'issue de ce long et riche débat, je voterai cet amendement.
Même s'il y a urgence, monsieur le ministre, je ne pense pas qu'il soit de bonne méthode de combler le déficit actuel en portant un coup aussi rude à la MSA. Si vous nous l'aviez demandé, nous aurions pu vous proposer bien d'autres solutions ; il n'en est plus temps, et chacun doit maintenant prendre ses responsabilités.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 25 rectifié bis est-il maintenu, monsieur Deneux ?
M. Marcel Deneux. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 25 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l'article 2.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Le groupe communiste républicain et citoyen votre contre.
M. Roland Courteau. Le groupe socialiste également.

(L'article 2 est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.


(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2002.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le président, je souhaiterais réunir la commission des finances afin de régler un point de procédure. Je demande donc une suspension de séance de quelques instants.
M. le président. La séance est suspendue.


(La séance, suspendue à vingt-deux heures cinq, est reprise à vingt-deux heures dix.)
M. le président. La séance est reprise.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 2.

Articles additionnels après l'article 2



M. le président.
L'amendement n° 4 rectifié bis , présenté par M. Charasse et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« A. - La régularisation de la dotation globale de fonctionnement de l'exercice 2001, telle qu'arrêtée par le comité des finances locales le 9 juillet 2002, est calculée pour chaque bénéficiaire dans les conditions habituelles, et leur est notifiée au plus tard le 15 septembre 2002 pour être versée au plus tard le 31 octobre 2002.
« B. - En conséquence, au titre de l'année 2002 le montant de la dotation globale de fonctionnement est majoré de 136,419 millions d'euros. »
La parole est à M. Jean-Claude Frécon.
M. Jean-Claude Frécon. Cet amendement, signé par Michel Charasse et les membres du groupe socialiste, vise à attirer l'attention sur le versement de la régularisation de la dotation globale de fonctionnement, la DGF.
Pour la deuxième année consécutive, nous aurons cette année une régularisation de DGF. Or la procédure qui est suivie diffère assez sensiblement de celle qui prévalait auparavant lorsqu'il y avait une régularisation positive de DGF, laquelle a été employée pour la dernière fois au titre de l'année 1992 ou de l'année 1993.
Cette procédure était la suivante : le comité des finances locales du mois de juillet prenait acte de la régularisation positive. Cette dernière était affectée au prorata des versements de DGF initiale aux communes, qui percevaient cette ressource supplémentaire en septembre ou en octobre. En tout cas, elle était utilisable dans nos communes au moment de la dernière décision modificative, qui était souvent d'ailleurs le budget supplémentaire.
Or, l'année dernière, lorsque nous avons rencontré une nouvelle fois ce problème, nous n'avons pas obtenu cette revalorisation tout de suite, parce que le comité des finances locales avait incité le Gouvernement à réexaminer quels étaient les attributaires de la régularisation.
En effet, d'après la loi, il s'agissait des attributaires de l'année « n », alors que la régularisation concernait les fonds affectés à l'année « n -1 ». Le comité des finances locales avait donc souhaité que ce soient les attributaires de l'année « n - 1 » qui bénéficient de cette dernière. Cela avait nécessité une nouvelle intervention du législateur, mais cette procédure entraîna un retard important dans les versements aux communes. Ceux-ci ont été effectués au titre de l'année 2001, mais ils sont intervenus au mois de décembre 2001, ou même en janvier 2002 pour un grand nombre de communes.
Cette année, le problème se pose dans les mêmes termes, mais il n'est pas nécessaire de recourir à la voie législative. Nous souhaitons que les versements de régularisation de dotation globale de fonctionnement puissent être effectués, comme dans le passé, dès la fin de l'année budgétaire, à la suite du constat de cette régularisation positive, c'est-à-dire à l'automne de l'année « n + 1 ».
Tel est l'objet de cet amendement, qui avait été déposé par M. Michel Charasse.
M. Paul Loridant. Très bon amendement !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il convient de rappeler que l'article L. 1613-1 du code général des collectivités territoriales dispose qu'« il est procédé au plus tard le 31 juillet à la régularisation du montant de la dotation afférente à l'exercice précédent ».
Comme notre collègue l'a indiqué, le comité des finances locales a procédé, le 9 juillet 2002, à la régularisation de la dotation globale de fonctionnement de 2001, pour un montant s'établissant à 136,4 millions d'euros.
Le même article du code général des collectivités territoriales comporte la disposition suivante : « Si ce produit est supérieur, il est réparti entre les bénéficiaires de la dotation globale de fonctionnement. S'il est inférieur, la différence est imputée sur la dotation globale de fonctionnement du plus prochain exercice. »
Par conséquent, la régularisation de la dotation globale de fonctionnement de 2001 étant positive, elle doit être imputée non pas sur la dotation globale de fonctionnement du plus prochain exercice, mais sur celle de l'exercice en cours, c'est-à-dire sur celle de 2002, par le biais soit du présent collectif budgétaire, comme le proposent les auteurs de l'amendement, soit du collectif budétaire de décembre.
La commission des finances n'a pas de préférence quant à la date d'inscription. En revanche, elle affirme très clairement que les 136,4 millions d'euros correspondant à la majoration de la dotation globale de fonctionnement doivent bien être pris en compte au titre de l'exercice 2002. En d'autres termes, nous ne voudrions pas qu'intervienne un glissement de cette somme sur la loi de finances pour 2003.
S'il vous était possible de lui donner les assurances nécessaires, monsieur le ministre, la commission pourrait recommander aux membres du groupe socialiste de retirer leur amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. M. le rapporteur général vient de rappeler très clairement les textes qui régissent la matière ; je n'y reviens donc pas.
Cela étant, on ne peut affirmer, comme le font les auteurs de l'amendement dans l'exposé des motifs, que le versement correspondant au montant de la régularisation positive de la DGF a toujours été effectué en septembre ou en octobre, car, sauf erreur de ma part, ce cas de figure ne s'est présenté que pour la DGF de l'exercice 2000.
Quoi qu'il en soit, le plus important est que cette régularisation positive de la DGF de 2001, qui intéresse en l'espèce M. le rapporteur général, les auteurs de l'amendement et l'ensemble des sénateurs ici présents, qui connaissent le sujet par coeur, ne pouvait pas être inscrite dans ce projet de loi de finances rectificative. Cela n'était pas possible dans les délais qui nous étaient impartis, et je voudrais indiquer que la volonté du Gouvernement est, d'une part, de ne pas insérer dans ce texte des dispositifs particuliers supplémentaires, et, d'autre part, de recueillir l'avis du comité des finances locales. Je parle à cet instant sous le contrôle de M. Michel Mercier, qui connaît bien cette instance puisqu'il est, au sein de la commission des finances, le « sachant » en la matière. Or il me semble que le comité des finances locales a parfois exprimé le souhait que le montant de cette régularisation soit réparti dans des conditions différentes de celles qui ont été exposées voilà un instant par M. le rapporteur général. Par conséquent, à l'heure où je vous parle, le Gouvernement n'a pas encore pris de décision quant au versement de la régularisation, afin de permettre la poursuite de la concertation sur le sujet.
Voilà, à ce stade, ce qu'il m'est possible de vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs. Je pense que nous pourrons de nouveau aborder ce sujet à l'occasion de l'examen de la prochaine loi de finances rectificative. Dans cette attente, j'invite les auteurs de l'amendement à retirer celui-ci, afin d'éviter au Gouvernement de devoir exprimer un avis défavorable, ce qui ne s'inscrirait pas dans le climat de confiance qu'il souhaite instaurer dans ses relations avec les collectivités territoriales.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Frécon ?
M. Jean-Claude Frécon. J'ai pris bonne note des propos constructifs de M. le ministre. Il est vrai que nous aurions préféré qu'un engagement plus précis soit pris, mais je retire néanmoins, au nom de M. Michel Charasse et des membres de mon groupe, l'amendement n° 4 rectifié bis. Toutefois, nous ne voudrions pas que ce débat n'aboutisse pas.
MM. Philippe Marini, rapporteur général, et Gérard Braun. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 4 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 9, présenté par MM. Miquel, Massion, Moreigne, Sergent, Demerliat, Charasse, Lise, Haut, Marc, Angels, Auban et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« A. - Avant le dernier alinéa de l'article L. 3334-7 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le montant des sommes à répartir entre les départements bénéficiaires, prévu aux deux alinéas précédents, est complété par le produit des droits de mutation par décès acquittés au titre des successions des bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie, à due concurrence des sommes mentionnées à l'article L. 232-19 du code de l'action sociale et des familles. »
« B. - Les pertes de recettes résultant du A sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle au droit de consommation sur les tabacs visé à l'article 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Michel Moreigne.
M. Michel Moreigne. Cet amendement vise à affecter aux départements éligibles à la dotation de fonctionnement minimale, la DFM, les droits de mutation perçus par l'Etat sur chaque succession de bénéficiaire de l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA.
Toutefois, le produit des droits ainsi rétrocédé est plafonné aux sommes que le bénéficiaire de l'APA a reçues en qualité d'allocataire.
Du fait de l'impossibilité du recours sur succession dans le cadre de l'APA, l'actif des successions est plus important et l'Etat perçoit des droits plus élevés qu'à l'époque où existait la prestation spécifique dépendance, dispositif qui autorisait le recours sur succession.
Concrètement, l'Etat a mis à la charge des départements le non-recours sur succession et tire de cette situation un avantage financier. Cet effet pervers, sans doute non voulu, est choquant. Il serait donc juste et légitime d'y mettre un terme.
Il est important de souligner que cet amendement ne prévoit pas de rétablir le recours sur succession. Il tend seulement à affecter le surplus de droits de mutation perçu par l'Etat aux départements éligibles à la dotation de fonctionnement minimale.
Ces départements sont en difficulté financière, du fait de l'absence de recours sur succession, certes, mais aussi en raison, il faut bien le dire, du succès rencontré par l'APA, les prévisions pour la fin de 2004 étant très souvent déjà réalisées aujourd'hui ( M. Michel Mercier acquiesce. ) M. Michel Mercier paraît d'accord avec moi, et je l'en remercie !
Il peut paraître a priori surprenant de n'affecter qu'à quelques départements le produit d'un impôt perçu sur tout le territoire. Cela me semble toutefois pleinement justifié au regard de l'objectif visé, qui est d'aider les plus pauvres d'entre eux.
J'ajoute que les autres départements ne sont pas pénalisés, puisque, actuellement, ils ne perçoivent pas ces droits de mutation. Cette mesure de solidarité ne leur coûterait donc rien et n'accentuerait pas l'effort de contribution de certains d'entre eux à la dotation de fonctionnement minimale : la démonstration est mathématique et difficilement réfutable.
Enfin, je me permets de rappeler au Sénat qu'il a déjà adopté, sur avis favorable de notre excellent rapporteur général, un amendement similaire à l'occasion de la discussion du projet de loi de finances pour 2002. L'ancien président de notre commission des finances, devenu ministre, s'en souvient sans doute très bien ! (Sourires.)
Dans l'hypothèse où l'amendement que je viens de présenter serait rejeté par le Sénat, nous présenterions un amendement de repli reprenant l'amendement adopté à l'automne dernier. Cependant, il va de soi, mes chers collègues, que cet amendement n° 9 a notre préférence !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 9, qui, avec l'accord de ses auteurs, a été présenté avant l'amendement n° 8 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il m'est un peu difficile de m'exprimer sur l'amendement n° 9 sans avoir évoqué auparavant l'amendement n° 8, le premier découlant du second en toute logique.
M. le président. Dans ces conditions, j'appelle en discussion l'amendement n° 8, présenté par MM. Miquel, Massion, Moreigne, Sergent, Demerliat, Charasse, Lise, Haut, Marc, Angels, Auban et les membres du groupe socialiste et apparentés, qui est ainsi libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« A. - Après le neuvième alinéa (7°) de l'article L. 3332-1 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les droits de mutation par décès acquittés, dans le département concerné ou non, au titre des successions des bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie, à due concurrence des sommes mentionnées à l'article L. 232-19 du code de l'action sociale et des familles. »
« B. - Les pertes de recettes résultant du A sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle au droit de consommation sur les tabacs visé à l'article 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Gérard Miquel.
M. Gérard Miquel. Cet amendement, très proche de celui qui a été présenté par mon collègue Michel Moreigne, vise quant à lui à attribuer à tous les départements, et non aux seuls départements éligibles à la DFM, le produit des droits de mutation perçus sur les successions des bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie. Le produit des droits ainsi rétrocédé est, comme le prévoit l'amendement précédent, plafonné aux sommes que le bénéficiaire de l'APA a perçues.
Je me permets d'insister de nouveau sur le fait que le Sénat a déjà adopté un amendement identique, avec l'avis favorable de M. le rapporteur général, à l'occasion de la discussion du projet de loi de finances pour 2002. Il serait dommage qu'il se déjuge à quelques mois d'intervalle.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission sur les amendements n°s 8 et 9 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'amendement n° 8 est assurément un très bon amendement, puisqu'il avait été adopté à l'unanimité par le Sénat lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2002, sur une initiative de M. Mercier, à laquelle M. Charasse s'est associé.
La question de fond est celle de la suppression de la récupération sur succession. Cette suppression a été, je le pense à titre personnel, une véritable erreur, car ses conséquences pèsent lourdement sur les charges que les conseils généraux doivent supporter. Il n'y a aucune raison que la suppression du recours sur succession entraîne une perte de recettes pour les conseils généraux qui financent l'allocation personnalisée d'autonomie et, parallèlement, un surcroît de recettes pour l'Etat, qui décide du montant des dépenses payées par les conseils généraux dans cette affaire.
Toutefois, il a semblé à la commission des finances que ce sujet doit être étudié sur le fond, de façon peut-être un peu plus attentive que nous ne sommes susceptibles de le faire dans le cadre de l'exercice de portée limitée qu'est l'examen de ce collectif budgétaire. Nous voudrions connaître l'avis du Gouvernement sur l'évolution de ce problème et sur les relations susceptibles de s'établir entre lui et les élus des départements à propos des questions liées à la charge anormalement croissante de l'APA.
En ce qui concerne l'amendement n° 9, j'indiquerai simplement qu'il relève de la même logique que le précédent. Il prévoit que les sommes correspondant aux droits de succession perçus par l'Etat sur les successions de bénéficiaires de l'APA seront utilisées au profit de la péréquation entre départements. Sans doute est-ce une idée intéressante, mais elle est à creuser, et la formulation reste à parfaire. Le redéploiement des concours financiers de l'Etat en faveur de la péréquation est un sujet essentiel, chacun peut en convenir, mais qui peut difficilement être abordé de manière satisfaisante à l'occasion de l'examen de ce collectif budgétaire.
En conclusion, la commission souhaite entendre l'avis du Gouvernement et espère que les indications qu'il voudra bien donner seront de nature à permettre à nos collègues du groupe socialiste de retirer leurs amendements. S'ils ne le faisaient pas, la commission appellerait à un vote défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 8 et 9 ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Evoquons ce sujet de façon très responsable, pour reprendre une expression utilisée tout à l'heure par M. Michel Mercier.
Ceux qui ont voté l'instauration de l'APA étaient de bonne foi, mais, très franchement, ce dispositif entraînera la ruine des départements. (M. Michel Mercier approuve.) Mesdames, messieurs les sénateurs, n'en faites pas un instrument de ruine de l'Etat.
La sagesse consiste à revoir le dispositif de l'APA et, en effet, sans doute à introduire des conditions et des modalités qui ne paraissaient pas indispensables lorsqu'elle a été instituée, mais qui, compte tenu des faits, se révèlent nécessaires.
M. le rapporteur général a évoqué tout à l'heure le recours sur succession, mais il existe d'autres modalités, notamment les conditions de ressources. J'improvise un peu, mais c'est une matière qu'il m'est arrivé de pratiquer dans ma vie professionnelle. Le recours sur succession, à défaut d'être un élément de produit pour la collectivité qui a versé l'allocation, est un élément de dissuasion pour ceux qui disposent de moyens ne justifiant pas le recours à cette aide.
Nous, Parlement et Gouvernement, devons remettre avec humilité l'ouvrage sur le métier afin de disposer d'un dispositif qui atteigne son objectif, à savoir aider ceux qui sont en difficulté, sans ruiner la collectivité.
Dans la discussion générale, en réponse à M. Jacques Oudin, j'ai indiqué que, pour ce qui le concerne, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, considère - mais je sais que c'est aussi le sentiment de M. François Fillon - qu'une initiative parlementaire en la matière pourrait aider le Gouvernement. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous devez donc remettre l'ouvrage sur le métier et travailler de nouveau sur cette question, au lieu d'adopter la solution qui a été défendue par M. Michel Moreigne, que je salue très cordialement.
La solution qu'il préconise vise, certes, à mettre un terme aux difficultés que les départements rencontrent dans ce domaine, mais le problème ne sera pas résolu en reportant ces difficultés sur l'Etat. Son amendement reviendrait à attribuer un impôt à une collectivité publique en fonction de circonstances qui sont indépendantes du fait générateur de l'impôt, c'est-à-dire le décès. Une telle disposition n'existe dans aucun autre prélèvement dans notre système fiscal et serait source d'une importante complexité administrative.
Ces explications constituent une réponse d'ouverture, pour montrer que nous sommes tous conscients de la nécessité de régler ce problème. Par ailleurs, M. Michel Moreigne comprendra qu'il n'est pas satisfaisant de régler le problème uniquement pour les départements qui bénéficient de la dotation de fonctionnement minimale.
Me tournant vers lui, j'en appelle à la confiance qu'il peut avoir dans la parole de celui qui s'exprime au nom du Gouvernement, à défaut d'avoir une totale confiance dans le Gouvernement (Sourires.) - je ne peux parler plus franchement -, et je lui demande de bien vouloir retirer son amendement. En effet, cette disposition, si elle était adoptée, mais j'espère qu'elle ne le sera pas, ne permettrait pas d'atteindre l'objectif visé.
M. le président. Monsieur Moreigne, l'amendement n° 9 est-il maintenu ?
M. Michel Moreigne. M. Michel Moreigne fait entière confiance à M. Alain Lambert. Il a bien entendu ce que celui-ci a dit, l'ouverture en pointillé qu'il a bien voulu nous faire et son appel à l'initiative parlementaire.
Vous avez suggéré, monsieur le ministre, de proposer de nouvelles conditions et de nouvelles modalités pour résoudre le problème de l'APA.
Mes chers collègues, si je vous ai ennuyés quelques instants, c'est pour vous faire prendre conscience des problèmes que rencontrent les départements peu peuplés disposant de faibles ressources et qui ont la malchance de compter un important pourcentage de personnes âgées dépendantes. Ainsi, dans le département que je représente, sur 125 000 habitants, 4 000 personnes bénéficient de l'APA. C'est un record !
M. Eric Doligé. Il fallait présenter ce dispositif avant !
M. Michel Moreigne. Monsieur Doligé, je n'ai pas de conseils à recevoir de vous en séance publique,... mais je les accepterai volontiers en aparté. (Sourires.)
Cet amendement était un amendement d'appel. Aussi, je le retire. En effet, M. Lambert, que je connais bien et à qui je fais entière confiance, a fait preuve d'esprit d'ouverture. J'espère que d'autres initiatives suivront la mienne.
M. le président. L'amendement n° 9 est retiré.
Monsieur Miquel, qu'en est-il de l'amendement n° 8 ?
M. Gérard Miquel. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 8 est retiré.

Article 3 et état A



M. le président.
« Art. 3. - L'ajustement des recettes tel qu'il résulte des évaluations révisées figurant à l'état A annexé à la présente loi et le supplément de charges du budget de l'Etat pour 2002 sont fixés ainsi qu'il suit :

(En millions d'euros)



RESSOURCES

DÉPENSES
ordinaires

civiles

DÉPENSES
civiles

en capital

DÉPENSES

militaires

DÉPENSES
totales ou
plafonds

des charges


SOLDES

A. - Opérations à caractère définitif

Budget général
Montants bruts - 11 446 1 640 . . . .
A déduire : remboursements et dégrèvements d'impôts - 2 149 - 2 149 . . . .
. .
Montants nets du budget général - 9 297 3 789 251 908 4 948 .

Comptes d'affectation spéciale

Totaux pour le budget général et les comptes d'affectation spéciale - 9 297 3 789 251 908 4 948 .

Budgets annexes

Aviation civile


Journaux officiels

Légion d'honneur

Ordre de la Libération

Monnaies et médailles
Prestations sociales agricoles 490 490 . . 490 .
Totaux des budgets annexes 490 490 . . 490 .
Solde des opérations définitives (A) . . . . . - 14 245

B. - Opérations à caractère temporaire


Comptes spéciaux du Trésor
Comptes d'affectation spéciale . . . . . .

Comptes de prêts

. . . 14 . .

Comptes d'avances

Comptes de commerce (solde)
Comptes d'opérations monétaires (solde) . . . . 1 300 .
Comptes de règlement avec les gouvernements étrangers (solde) . . . . . .
Solde des opérations temporaires (B) . . . . . - 1 314
Solde général (A + B) . . . . . - 15 559



Je donne lecture de l'état A :

ÉTAT A
Tableau des voies et moyens applicables au budget de 2002
I. - BUDGET GÉNÉRAL


NUMÉRO

de la ligne


DÉSIGNATION DES RECETTES

RÉVISION
des évaluations
pour 2002

(En milliers d'euros)

A. - Recettes fiscales 1. Impôt sur le revenu

0001 Impôt sur le revenu -2 550 000 3. Impôts sur les sociétés
0003 Impôt sur les sociétés -3 238 000 4. Autres impôts directs et taxes assimilées
0005 Retenues à la source et prélèvements sur les revenus de capitaux mobiliers et le prélèvement sur les bons anonymes +118 000
0007 Précompte dû par les sociétés au titre de certains bénéfices distribués (loi n° 65-566 du 12 juillet 1965, art. 3) +84 000
0008 Impôt de solidarité sur la fortune -180 000
0018 Prélèvement sur les entreprises de production pétrolière +2 000
. Totaux pour le 4 +24 000 6. Taxe sur la valeur ajoutée
0022 Taxe sur la valeur ajoutée -3 764 000 7. Enregistrement, timbre, autres contributions et taxes indirectes
0027 Mutations à titre gratuit entre vifs (donations) -110 000
0041 Timbre unique -36 000
0051 Impôt sur les opérations traitées dans les bourses de valeurs -70 000
0061 Droits d'importation -135 000
0064 Autres taxes intérieures -15 000
0089 Taxes sur les installations nucléaires de base -20 000
0096 Taxe spéciale sur certains véhicules routiers -15 000
0097 Cotisation à la production sur les sucres -132 000
0099 Autres taxes -8 000
. Totaux pour le 7 -541 000

B. - Recettes non fiscales
1. Exploitations industrielles et commerciales et établissements publics à caractère financier
0110 Produits des participations de l'Etat dans des entreprises financières +8 100
0111 Contribution de la Caisse des dépôts et consignations représentative de l'impôt sur les sociétés +114 000
0116 Produits des participations de l'Etat dans des entreprises non financières et bénéfices des établissements publics non financiers -1 661 500
. Totaux pour le 1 -1 539 400
3. Taxes, redevances et recettes assimilées
0312 Produit des amendes forfaitaires de la police de la circulation -65 000
0313 Produit des autres amendes et condamnations pécuniaires -205 000
0315 Prélèvements sur le pari mutuel -36 000
. Totaux pour le 3 -306 000
4. Intérêts des avances, des prêts et dotations en capital
0407 Intérêts des dotations en capital et des avances d'actionnaire accordées par l'Etat -12 700
0409 Intérêts des prêts du Trésor -80 000
0411 Intérêts versés par divers services de l'Etat ou organismes gérant des services publics au titre des avances +25 000
. Totaux pour le 4 -67 700
6. Recettes provenant de l'extérieur
0604 Remboursement par les Communautés européennes des frais d'assiette et de perception des impôts et taxes perçus au profit de son budget -75 000
8. Divers
0806 Recettes en atténuation des charges de la dette et des frais de trésorerie -39 000
0813 Rémunération de la garantie accordée par l'Etat aux caisses d'épargne -132 000
0814 Prélèvements sur les autres fonds d'épargne gérés par la Caisse des dépôts et consignations +307 000
0815 Rémunération de la garantie accordée par l'Etat à la Caisse nationale d'épargne -175 000
0899 Recettes diverses -1 250 000
. Totaux pour le 8 -1 289 000

C. - Prélèvements sur les recettes de l'Etat
2. Prélèvements sur les recettes de l'Etat au profit des Communautés européennes
0001 Prélèvement sur les recettes de l'Etat au profit du budget des Communautés européennes -1 900 000

RÉCAPITULATION GÉNÉRALE A. - Recettes fiscales
1 Impôt sur le revenu -2 550 000
3 Impôt sur les sociétés -3 238 000
4 Autres impôts directs et taxes assimilées +24 000
6 Taxe sur la valeur ajoutée -3 764 000
7 Enregistrement, timbre, autres contributions et taxes indirectes -541 000
. Totaux pour la partie A -10 069 000
B. - Recettes non fiscales
1 Exploitations industrielles et commerciales et établissements publics à caractère financier -1 539 400
3 Taxes, redevances et recettes assimilées -306 000
4 Intérêts des avances, des prêts et dotations en capital -67 700
6 Recettes provenant de l'extérieur -75 000
8 Divers -1 289 200
. Totaux pour la partie B -3 277 100
C. - Prélèvements sur les recettes de l'Etat
2 Prélèvements sur les recettes de l'Etat au profit des Communautés européennes +1 900 000
. Total général -11 446 100

II. - BUDGETS ANNEXES


NUMÉRO

de la ligne


DÉSIGNATION DES RECETTES

RÉVISION
des évaluations
pour 2002

(En euros)

Prestations sociales agricoles Première section. Exploitation

7031 Cotisations prestations familiales (art. L. 731-25 à L. 731-29 du code rural) -7 750 000
7032 Cotisations AVA (art. L. 731-42, 1° du code rural) -7 240 000
7033 Cotisations AVA (art. L. 731-42, 2° et 3° du code rural) -15 590 000
7034 Cotisations AMEXA (art. L. 731-30 à L. 731-41 du code rural) -14 420 000
7049 Cotisation incluse dans la taxe sur la valeur ajoutée -183 000 000
7053 Contribution de la Caisse nationale des allocations familiales au financement des prestations familiales servies aux non-salariés agricoles -28 000 000
7055 Subvention du budget général : solde +290 000 000
7061 Recettes diverses +456 000 000
. Total des recettes nettes +490 000 000


La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je souhaite commenter brièvement un amendement voté sur l'initiative de la commission des finances de l'Assemblée nationale et qui a été intégré dans le présent article d'équilibre.
Mes chers collègues, l'Assemblée nationale a adopté, contre l'avis du Gouvernement, un amendement visant à majorer de 800 000 euros le produit des participations de l'Etat dans les entreprises financières. Il s'agit en fait d'un appel à la Banque de France pour qu'elle recherche en son sein des économies et pour qu'elle affecte, à concurrence de 800 000 euros, leur produit à une majoration du dividende versé à l'Etat.
L'objet précis visé par cet amendement de l'Assemblée nationale, c'est le Conseil de la politique monétaire. Il convient de rappeler que ce conseil avait été créé en 1993, dans le cadre de la loi sur l'indépendance de la Banque de France, et que ses prérogatives et ses moyens de fonctionnement ont été maintenus après le passage au Système européen de banques centrales au 1er janvier 1999.
Or, l'existence d'un conseil de la politique monétaire indépendant auprès du gouverneur marquait une évolution structurelle et qualitative de la Banque de France, plaçait le gouverneur dans une situation plus propice pour intégrer des avis divers et mettait en quelque sorte notre banque au standard international.
Aujourd'hui, un certain nombre de nos collègues de l'Assemblée nationale estime que la maîtrise des dépenses publiques implique - ils ont bien raison - la recherche d'économies un peu partout, dans tous les recoins de la gestion publique. Ils désignent ainsi au bras armé du budget le Conseil de la politique monétaire et ses moyens de fonctionnement.
Après ce rappel, je dirai quelques mots sur l'esprit dans lequel la commission des finances a examiné cette question. Nous ne pouvons qu'encourager l'Assemblée nationale à rechercher des économies. A ce titre, nous ne saurions condamner, bien au contraire, son initiative. Nous voulons plutôt l'encourager à aller plus loin, plus vite et plus fort, comme le disait tout à l'heure notre excellent collègue M. Aymeri de Montesquiou.
S'agissant plus précisément de la Banque de France, compte tenu du caractère très limité des objectifs visés par ce collectif budgétaire, il ne nous a pas semblé que l'on puisse, à l'occasion de l'examen de ce texte, traiter sur le fond la question du devenir du Conseil de la politique monétaire, ni son articulation avec le conseil général de la Banque de France, ni l'évolution des structures, si j'ose dire, de la « gouvernance » de notre banque centrale. Dans mon rapport écrit, j'ajoute que, selon nous, ces sujets ne peuvent être sérieusement traités de façon émotionnelle et au détour d'un amendement purement indicatif.
Nous souhaiterions vivement que, à partir de la question posée opportunément par l'Assemblée nationale, le Gouvernement entame les travaux pour proposer un peu plus tard au Parlement les adaptations structurelles de la Banque de France qui peuvent lui paraître nécessaires dans le nouveau contexte du Système européen de banques centrales.
A notre avis, un rendez-vous très proche nous semble opportun pour mieux appréhender les nouvelles conditions statutaires de la Banque de France : il s'agit du projet de loi sur la sécurité financière, annoncé pour l'automne prochain par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ce texte reprendra d'ailleurs pour partie des dispositions préparées par le gouvernement précédent.
La commission des finances n'a pas proposé de revenir sur le vote de l'Assemblée nationale. Toutefois, elle a considéré qu'elle devrait éclairer notre assemblée sur cette question, d'où les précisions que je viens de vous apporter, mes chers collègues.
M. le président. La parole est à M. Paul Loridant.
M. Paul Loridant. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'interviendrai sur le même sujet que M. Philippe Marini, ce qui ne vous surprendra sans doute pas.
M. Hilaire Flandre. Mais certainement pas dans le même sens !
M. Paul Loridant. Sur proposition de son président M. Méhaignerie, la commission des finances de l'Assemblée nationale a, dans un élan émotionnel et justicier, adopté un amendement visant à majorer de 800 000 euros le produit des participations de l'Etat dans les entreprises financières. En clair, la commission des finances et, finalement, l'Assemblée nationale, elle-même, visaient la Banque de France.
L'objectif visé par nos collègues députés consistait à réduire les moyens alloués au Conseil de la politique monétaire. Celui-ci a aujourd'hui deux fonctions. D'une part, il explique la politique monétaire conduite par la Banque centrale européenne de Francfort. Ce rôle, dès lors que le Système européen de banques centrales a été mis en place, a en effet bien diminué. D'autre part, le Conseil de la politique monétaire, lorsqu'il s'adjoint le représentant de la Banque de France élu par le personnel, constitue le conseil général de la banque, c'est-à-dire, pour être clair, le conseil d'administration.
Si nos collègues députés, puisque c'est de cela qu'il s'agit, ont l'intention de supprimer le Conseil de la politique monétaire, je vous dis franchement que cela ne me choque pas.
En effet, depuis que le Système européen de banques centrales a été mis en place, l'existence de ce conseil se justifie beaucoup moins. S'il s'agit de le supprimer, il faut le dire clairement. On ne peut pas le faire à l'occasion d'un projet de loi de finances rectificative, car cela consituerait un cavalier budgétaire. Comme l'a dit fort opportunément M. le rapporteur général, voilà un instant, un projet de loi fort important sur les marchés financiers est en préparation. Il traitera de la sécurité financière et visera notamment à fusionner la Commission des opérations de bourse et le Conseil des marchés financiers. Ce projet de loi sera le meilleur « véhicule » pour supprimer le Conseil de la politique monétaire.
J'appelle votre attention sur le fait que les membres du Conseil de la politique monétaire sont nommés sur proposition, pour certains, du président de l'Assemblée nationale, pour d'autres, du président du Sénat et, pour d'autres encore, du président du Conseil économique et social. Aussi, il ne me semble pas très élégant, à l'occasion de l'examen d'un projet de loi de finances rectificative, de remettre en question un dispositif dans lequel chacune des assemblées désigne ses représentants au Conseil de la politique monétaire. Ce serait, d'une certaine manière, une remise en cause de l'autorité que représentent les présidents de ces trois assemblées.
On peut certes décider de majorer forfaitairement de 800 000 euros le dividende que la Banque de France versera à l'Etat. Encore faudrait-il que la Banque de France réalisât des bénéfices. Or, à ma connaissance, pour l'année 2002, compte tenu de l'évolution des taux, des marchés des changes et des taux sur les marchés américains, le bénéfice sera très réduit et, en 2003, il sera, à l'évidence, nul et elle ne versera donc pas de dividende. En outre, la Banque de France sera amenée, d'une façon ou d'une autre, à prendre des mesures structurelles. Mes chers collègues, je vous alerte : dans les mois à venir, vous entendrez parler de fermetures de succursales de la Banque de France, comme l'ont fait la Deutsche Bundesbank et la Banque d'Espagne.
Dans chacun de vos départements, attendez-vous à ce qu'interviennent des mesures structurelles qui vont vous émouvoir. En fait, le procédé me paraît singulièrement petit et mal adapté. Les 800 000 euros seront certes versés, mais ils seront prélevés sur le budget de la Banque de France. Cela va minorer les bénéfices et donc diminuer le dividende. Or je ne sais pas si l'on peut décider, par un texte de loi, de majorer un dividende lorsque, par ailleurs, l'évolution du compte d'exploitation n'est pas favorable.
M. Philippe Marini, rapporteur général. On est heureux d'entendre M. Loridant dire cela !
M. Paul Loridant. Mes chers collègues, j'ai voulu vous éclairer et émettre un point de vue complémentaire de celui de M. le rapporteur général. Je vous le dis franchement : nos amis députés ont voulu se faire plaisir, mais c'est un coup d'épée dans l'eau !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements, présentés par MM. Deneux, Amoudry, Arnaud, Barraux et Badré, Mme Bocandé, M. Détraigne, Mme Férat, MM. Jean Boyer, Fréville, Christian Gaudin, Lesbros, Lorrain, Moinard, Mortemousque, Nogrix et Zocchetto et Mme Gourault et qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 26 rectifié bis est ainsi libellé :
« II. Budgets annexes
« Prestations sociales agricoles
« 1°) Insérer la ligne suivante :
« 7044 "Taxe sur les tabacs" + 161 000 000 ;
« 2°) Rédiger ainsi la ligne 7061 :
« 7061 "Recettes diverses" + 295 000 000 ».
L'amendement n° 27 rectifié bis est ainsi libellé :
« II. Budgets annexes
« Prestations sociales agricoles
« Insérer la ligne suivante :
« 7044 "Taxe sur les tabacs fabriqués" + 161 000 000. »
Ces amendements n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'ensemble de l'article 3 et de l'état A annexé.

(L'article 3 et l'état A sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2002.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de droit.
Je rappelle que, en application de l'article 47 bis du règlement, lorsque le Sénat n'adopte pas la première partie d'un projet de loi de finances, l'ensemble du projet de loi est considéré comme rejeté.
Il va être procédé au scrutin public dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 68 :
Nombre de votants : 319.
Nombre de suffrages exprimés : 319.
Majorité absolue des suffrages exprimés : 160.
Pour l'adoption : 206.
Contre : 113.
Le Sénat a adopté.

DEUXIÈME PARTIE

MOYENS DES SERVICES
ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

TITRE Ier

DISPOSITIONS APPLICABLES À L'ANNÉE 2002
I. - OPÉRATIONS À CARACTÈRE DÉFINITIF

A. - Budget général

Article 4 et état B



M. le président.
« Art. 4. - Il est ouvert aux ministres, au titre des dépenses ordinaires des services civils pour 2002, des crédits supplémentaires s'élevant à la somme totale de 3 844 604 696 EUR, conformément à la répartition par titre et par ministère qui est donnée à l'état B annexé à la présente loi. »


Je donne lecture de l'état B :

ÉTAT B
Répartition, par titre et par ministère, des crédits ouverts au titre des dépenses ordinaires des services civils

(En euros)


MINISTÈRES OU SERVICES


TITRE I

TITRE II

TITRE III

TITRE IV

TOTAUX
Affaires étrangères . . 27 702 799 110 000 000 137 702 799
Agriculture et pêche . . 5 570 000 244 000 000 249 570 000
Aménagement du territoire et environnement :
I. Aménagement du territoire . . » » »
II. Environnement . . » » »
Anciens combattants . . » » »
Charges communes 699 000 000 » 48 200 000 388 010 000 1 135 210 000
Culture et communication . . 7 688 421 » 7 688 421
Economie, finances et industrie . . 23 449 894 16 895 000 40 344 894
Education nationale :
I. Enseignement scolaire . . 20 000 000 » 20 000 000
II. Enseignement supérieur . . » » »
Emploi et solidarité :
I. Emploi . . » 495 000 000 495 000 000
II. Santé et solidarité . . 8 000 000 1 620 000 000 1 628 000 000
III. Ville . . » » »
Equipement, transports et logement :
I. Services communs . . 8 878 368 » 8 878 368
II. Urbanisme et logement . . » » »
III. Transports et sécurité routière . . » 11 032 000 11 032 000
IV. Mer . . » 2 273 562 2 273 562
V. Tourisme . . » »
»

Total . . 8 878 368 13 305 562 22 183 930
Intérieur et décentralisation . . 100 750 000 » 100 750 000
Jeunesse et sports . . » » »
Justice . . » » »
Outre-mer . . 500 000 288 774 788 774
Recherche . . » 7 000 000 7 000 000
Services du Premier ministre :
I. Services généraux . . 365 878 » 365 878
II. Secrétariat général de la défense nationale . . » » »
III. Conseil économique et social . . » » »
IV. Plan . . » »
»
Total général 699 000 000 » 251 105 360 2 894 499 336 3 844 604 696


Je mets aux voix l'ensemble de l'article 4 et de l'état B annexé.

(L'article 4 et l'état B sont adoptés.)

Article 5 et état C

M. le président. « Art. 5. - Il est ouvert aux ministres, au titre des dépenses en capital de services civils pour 2002, des autorisations de programme et des crédits de paiement supplémentaires s'élevant respectivement aux sommes totales de 124 565 239 EUR et de 265 415 015 EUR, conformément à la répartition par titre et par ministère qui est donnée à l'état C annexé à la présente loi. »




Je donne lecture de l'état C :

ÉTAT C

Répartition, par titre et par ministère, des autorisations de programme et des crédits de paiement
ouverts au titre des dépenses en capital des services civils

(En euros)


TITRE V


TITRE VI

TITRE VII

TOTAUX











MINISTÈRES OU SERVICES

Autorisations

Crédits

Autorisations

Crédits

Autorisations

Crédits

Autorisations

Crédits

de programme
de paiement
de programme
de paiement
de programme
de paiement
de programme
de paiement
Affaires étrangères » » » 137 000 000 » » » 137 000 000
Agriculture et pêche » » » » . . » »

Aménagement du territoire et environnement :

I. _ Aménagement du territoire » » » » . . » »
II. - Environnement » » » » . . » »
Anciens combattants » » » » . . » »
Charges communes » » » » . . » »
Culture et communication » » 3 495 716 3 875 716 » » 3 495 716 3 875 716
Economie, finances et industrie » » 109 940 000 43 160 000 . . 109 940 000 43 160 000

Education nationale :
I. _ Enseignement scolaire » » » » . . » »
II. _ Enseignement supérieur » » » » . . » »

Emploi et solidarité :
I. _ Emploi » » » » . . » »
II. - Santé et solidarité » » » » . . » »
III. - Ville » » » » . . » »

Equipement, transports et logement :
I. - Services communs » » » » » » » »
II. - Urbanisme et logement » » » . . . » »
III. - Transports et sécurité routière » 66 600 000 » » . . » 66 600 000
IV. - Mer » » » » . . » »
V. - Tourisme » » » » . . »

»

Total » 66 600 000 » » . . » 66 600 000
Intérieur et décentralisation » 9 300 000 15 250 15 250 . . 15 250 9 315 250
Jeunesse et sports » » » » . . » »
Justice » » » » . . » »
Outre-mer » » 11 114 273 5 464 049 . . 11 114 273 5 464 049
Recherche » » » » . . » »

Services du Premier ministre :
I. - Services généraux » » » » . . » »
II. - Secrétariat général de la défense nationale » » » » . . » »
III. - Conseil économique et social » » » » . . » »
IV. - Plan » » » » . . »

»

Total général » 75 900 000 124 565 239 189 515 015 » » 124 565 239 265 415 015



Je mets aux voix l'ensemble de l'article 5 et de l'état C annexé.

(L'article 5 et l'état C sont adoptés.)

Articles 6 et 7

M. le président. « Art. 6. - Il est ouvert à la ministre de la défense, au titre des dépenses ordinaires des services militaires pour 2002, des crédits supplémentaires s'élevant à la somme de 808 000 000 EUR. » - (Adopté.)
« Art. 7. - Il est ouvert à la ministre de la défense, au titre des dépenses en capital des services militaires pour 2002, un crédit de paiement supplémentaire s'élevant à la somme de 100 000 000 EUR. » - (Adopté.)

B. - Budgets annexes

Article 8

M. le président. « Art. 8. - Il est ouvert au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, au titre des dépenses du budget annexe des prestations sociales agricoles pour 2002, un crédit supplémentaire s'élevant à la somme de 490 900 000 EUR. » - (Adopté.)

II. - AUTRES DISPOSITIONS

Article 9

M. le président. « Art. 9. - Sont ratifiés les crédits ouverts par le décret n° 2002-143 du 7 février 2002 portant ouverture de crédits à titre d'avance. » - (Adopté.)

Article additionnel après l'article 9



M. le président.
L'amendement n° 21, présenté par M. Vasselle, est ainsi libellé :
« Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Conformément aux dispositions de l'article L. 131-9 du code de la sécurité sociale, l'Etat honore la dette qu'il a contractée en 2000 à l'égard des régimes obligatoires de sécurité sociale, au titre du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale - FOREC. »
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Vous ne vous étonnerez pas, monsieur le ministre, mes chers collègues, de cet amendement. Il s'inscrit dans le droit-fil de l'intervention que j'ai faite dans la discussion générale et concerne le FOREC, le fameux fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale.
Dois-je vous rappeler, mes chers collègues, que ce fonds avait pour vocation de compenser intégralement aux régimes obligatoires de sécurité sociale les pertes de recettes liées aux exonérations de charges sociales, notamment, aux exonérations résultant de la mise en oeuvre des 35 heures ?
Or, en 2000, les recettes du FOREC ont été inférieures à ses dépenses. Le déficit correspondant, soit 2,4 milliards d'euros, représente donc une créance de la sécurité sociale sur le FOREC.
L'article L. 131-9 du code de la sécurité sociale dispose, en son dernier alinéa, que, dans ce cas, il appartient à l'Etat de garantir l'équilibre financier du FOREC et, de ce fait, la compensation intégrale de la sécurité sociale.
Ignorant délibérément cette disposition législative, le précédent gouvernement avait tenté d'annuler la créance de la sécurité sociale sur le FOREC dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002. Le Conseil constitutionnel, que le Sénat avait saisi, a fait échouer cette manoeuvre. La créance détenue par la sécurité sociale sur le FOREC au titre de l'exercice 2000 est donc aujourd'hui inscrite en provision dans les comptes 2001 des caisses.
Compte tenu, d'une part, de la dégradation de la situation financière de la sécurité sociale et, d'autre part, de l'exigence de sincérité des comptes publics invoquée à juste titre par le Gouvernement, il nous paraît indispensable que l'Etat honore la dette qu'il a contractée à l'égard de la sécurité sociale au titre des comptes 2000 du FOREC, conformément aux dispositions de l'article L. 131-9 du code de la sécurité sociale.
Monsieur le ministre, le Gouvernement a décidé en prenant ses responsabilités de procéder à un toilettage des comptes budgétaires cela figure dans l'exposé des motifs du collectif budgétaire. D'ailleurs, à propos du BAPSA adopté sous la précédente législature, dans lequel les dépenses projetées n'avaient pas été estimées à leur juste valeur et qui n'avait pas été doté de recettes suffisantes pour assurer le financement des prestations agricoles, vous avez été amené à faire des propositions sur lesquelles nous avons largement discuté précédemment.
Il nous aurait donc paru tout à fait naturel, cohérent et logique que le Gouvernement pousse la logique jusqu'à son terme, c'est-à-dire que le toilettage ne porte pas uniquement sur le BAPSA mais porte également sur les comptes de la sécurité sociale et qu'il prenne, pour le compte de l'Etat, les responsabilités que le précédent gouvernement n'a pas voulu prendre.
Monsieur le ministre, vous avez dit que, si cette mesure n'avait pas été retenue dans le présent collectif budgétaire, c'est parce que cette prise en charge n'aurait eu pour effet que d'accentuer le déficit budgétaire.
Permettez-moi de vous faire remarquer que, globalement, le déficit cumulé ne changerait pas si on affectait au déficit budgétaire ce qui est supporté aujourd'hui par le déficit de la sécurité sociale !
Globalement, nous serions à déficit constant. On ferait simplement supporter à qui de droit un déficit que la sécurité sociale supporte de manière indue.
Ce n'est vraiment pas au moment où le Gouvernement veut, comme l'a déclaré très justement M. Mer, mettre de l'ordre dans les comptes, responsabiliser les acteurs, développer le dialogue social pour que chacun prenne ses responsabilités dans la gestion des comptes de la sécurité sociale, ce n'est pas au moment, dis-je, où le Gouvernement affiche cette volonté politique qu'il faut opposer un refus à la demande que je viens de présenter à l'instant même.
De toute façon, la sécurité sociale ne pourra assurer la maîtrise de ses dépenses que dans la mesure où les dés ne seront pas pipés au niveau des recettes. Comment peut-elle faire si on ne lui accorde pas les recettes qui lui sont dues et si on vient prendre de l'argent dans une branche qui aurait pu être en équilibre, mais qui, de ce fait, se trouve en déséquilibre ?
Je pense que vous aurez compris, monsieur le ministre - je vous l'ai dit lors de la discussion générale -, qu'il s'agit d'un amendement d'appel, qui n'a pas vocation à être soumis au vote. Pour le retirer, j'attends de votre part un certain nombre d'assurances qui pourraient trouver leur accomplissement dans le projet de loi de finances pour 2003.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'amendement que vient de présenter Alain Vasselle est particulièrement opportun.
En effet, le positionnement du FOREC, ce « compte de nul part » comme nous l'intitulions il y a encore quelques mois, plus exactement ce compte qui se situe à cheval entre la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale, ce compte au contour incertain participe de l'inextricable dédale auquel je faisais allusion dans la discussion générale.
Le précédent Gouvernement s'était livré à une tentative, que le Conseil constitutionnel a heureusement dénoncé, d'annuler la créance de la sécurité sociale sur le FOREC. Lors du collectif budgétaire de 2001, ce point avait fait l'objet d'un échange assez approfondi entre la commission des finances et Florence Parly, alors secrétaire d'Etat au budget.
La commission reste bien entendu fidèle à l'analyse économique et comptable à laquelle elle s'était alors livrée. Elle considère que, à la faveur du changement de Gouvernement, les engagements qui ont été pris doivent être tenus, d'autant qu'ils résultent clairement de la loi.
Cependant, le sujet qui est abordé par M. Vasselle se place dans un contexte qui comporte une série d'éléments nouveaux. Nous savons que le Gouvernement va entrer bientôt dans la phase active de l'assouplissement des 35 heures. Nous entendons parler, par ailleurs, de futures modifications dans le système des cotisations sociales patronales. Tout cela devrait pouvoir être soumis aux assemblées parlementaires, après que les partenaires sociaux se seront dûment exprimés, dans le courant du dernier trimestre de l'année.
Il est clair que les mesures qui seront prises dans ces domaines auront des incidences directes sur le FOREC.
Nous souhaiterions vivement, monsieur le ministre, que vous puissiez nous livrer votre sentiment sur l'évolution souhaitable, à vos yeux, des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale via le FOREC.
Je pense qu'à l'issue des explications que vous voudrez bien nous donner notre collègue Alain Vasselle sera en mesure de considérer que son amendement aura utilement joué son rôle d'appel et qu'il pourra, dès lors, le retirer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Alain Vasselle a parfaitement retracé l'histoire du FOREC et expliqué comment s'était constituée cette créance, qu'il souhaiterait voir réglée à l'occasion de ce collectif, marquant du même coup sa confiance enver le gouvernement actuel.
Il a rappelé que le précédent gouvernement avait tenté, en quelque sorte, d'effacer ladite créance mais que le Conseil constitutionnel avait censuré la disposition en cause.
Bien entendu, Alain Vasselle est conscient de l'enjeu financier que représente le règlement de cette créance puisqu'il s'agit de 2,325 milliards d'euros.
Si nous avions intégré cet élément dans le collectif, je vous laisse imaginer les commentaires que nous aurions entendus sur l'aggravation de la situation du budget de l'Etat dont nous nous serions rendus coupables !
Cela dit, non sans une certaine habileté, monsieur Vasselle, vous avez souligné que, l'opération s'effectuant entre le budget de l'Etat et le financement de la sécurité sociale, elle serait neutre du point de vue du solde des comptes publics. Je vous répondrai, cher ancien collègue Alain Vasselle, qu'il n'en est évidemment pas de même au regard du solde du budget de l'Etat. Or vous n'ignorez rien de la situation dans laquelle nous le trouvons ni de notre détermination à la redresser, avec votre appui.
Nous sommes convenus avec François Fillon, au premier chef concerné par ce problème, que nous devions mettre à profit les semaines qui viennent pour essayer de travailler à la clarification indispensable des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale, ce qui répond au souhait du rapporteur général.
C'est à l'occasion de cette clarification que nous pourrions résoudre cette question.
Il faudra, en particulier, clarifier à la fois les recettes du FOREC, où l'on trouve des produits d'impôts ou des parties de produits d'impôts, et ses dépenses, essentiellement constituées d'allégements de charges. Cette démarche de clarification devra aller de pair avec la responsabilisation des gestionnaires dont vous avez souligné la nécessité dans la discussion générale. Cela est en effet capital du point de vue de la maîtrise des dépenses : sans responsabilisation des gestionnaires, il n'y aura pas de maîtrise des dépenses.
Le Gouvernement a donc entendu votre appel et, à l'occasion des rencontres budgétaires, j'ai d'ailleurs insisté auprès de M. Fillon sur la nécessité de procéder à cette clarification des comptes. Je peux vous dire qu'il partage cette volonté.
Je vous propose donc, cher Alain Vasselle, de retirer votre amendement afin que cette question puisse être réexaminée lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale qui sera soumis au Sénat après l'été.
M. le président. Monsieur Vasselle, répondez-vous favorablement à l'appel du Gouvernement ?
M. Alain Vasselle. C'est bien entendu, sans aucune difficulté, que je réponds à l'appel de M. le ministre, qui a d'ailleurs fait écho à celui de M. le rapporteur général de la commission des finances.
J'ai bien noté, monsieur le ministre, que vous donniez rendez-vous au Sénat pour la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, et sans doute aussi du projet de loi de finances pour 2003. Nous verrons donc, le moment venu, quelles solutions vous nous proposez, mais je ne doute pas un seul instant de la volonté du Gouvernement d'agir dans la bonne direction.
M. le président. L'amendement n° 21 est retiré.

TITRE II

DISPOSITIONS PERMANENTES

Article 10



M. le président.
« Art. 10. - I. - L'article 81 de la loi de finances rectificative pour 2001 (n° 2001-1276 du 28 décembre 2001) est complété par un VI ainsi rédigé :
« VI. - A compter du 30 septembre 2002, tout ouvrage de transport appartenant à l'Etat destiné à relever du régime de la distribution publique de gaz sera, après déclassement, transféré en pleine propriété à titre gratuit à l'autorité concédante concernée, sur demande de cette dernière. »
« II. - Les transferts de biens effectués en application des II, III et VI de l'article 81 de la loi de finances rectificative pour 2001 (n° 2001-1276 du 28 décembre 2001) sont exonérés des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et des salaires des conservateurs des hypothèques prévus à l'article 879 du code général des impôts. »
L'amendement n° 2, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
« A la fin du texte proposé par le I de l'article 10 pour compléter l'article 81 de la loi de finances rectificative pour 2001 (n° 2001-1276 du 28 décembre 2001), supprimer les mots : ", sur demande de cette dernière". »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je souhaite interroger le Gouvernement sur deux points.
Ma première question concerne le transfert par l'Etat aux collectivités terrritoriales de la partie du réseau actuel de transport de gaz qui relève en fait du régime de la distribution de cette source d'énergie. Les ouvrages correspondants doivent être déclassés pour passer du domaine public de l'Etat à celui des communes, conformément aux dispositions législatives en vigueur.
Monsieur le ministre, pourquoi avoir prévu que les communes concernées doivent en faire la demande ? Je conçois que l'on ait ainsi voulu manifester l'attachement du Gouvernement au principe de la libre administration des collectivités territoriales. Mais comment celles qui sont ici concernées pourraient-elles s'opposer à un transfert qui ne fait que mettre la situation du réseau de gaz en conformité avec le droit de la domanialité publique en rectifiant des erreurs de partage entre transport et distribution ?
En d'autres termes, dès lors que les communes concernées ne semblent pas pouvoir s'opposer à ce que leur soient attribuées les infrastructures de distribution de gaz situées sur leur territoire, est-il vraiment nécessaire qu'elles aient à en faire la demande ?
Comme la réponse à cette question ne me semblait pas évidente - mais peut-être allez-vous me convaincre du contraire, monsieur le ministre -, j'ai déposé cet amendement, au nom de la commission des finances, et c'était d'ailleurs, jusqu'à la reprise de la séance, tout à l'heure, le seul présenté par la commission dans ce collectif.
Cet amendement vise simplement à supprimer la disposition selon laquelle les communes doivent formuler une demande.
Ma seconde question est relative à l'acompte versé par les opérateurs candidats à l'achat des infrastructures de tranport de gaz qu'ils utilisent.
Monsieur le ministre, quel a été le montant exact de l'acompte sur le prix de cession versé à l'Etat ? Ces sommes sont-elles intégrées dans les recettes du budget de l'Etat ? Pouvez-vous nous indiquer quel est leur mode de comptabilisation ?
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délgué. Au risque de vous paraître bien naïf, monsieur le rapporteur général, je vous répondrai d'abord que cette disposition a effectivement été introduite dans le souci de réaffirmer la liberté des collectivités locales, que l'exécutif est parfois soupçonné d'oublier. Peut-être était-ce là un excès de zèle... En tout état de cause, il n'y avait pas d'autres intentions. Le Gouvernement s'en remet donc, sur l'amendement n° 2, à la sagesse du Sénat.
S'agissant de votre seconde question, ce sont, au total, 188 millions d'euros qui ont été versés à titre d'acompte pour le transfert du réseau de transport de gaz au mois d'avril dernier. Cette somme doit faire l'objet d'une régularisation, qui a été inscrite en compte d'imputation provisoire à l'agence comptable centrale du Trésor. Une commission spéciale chargée d'évaluer les conditions de la cession a estimé que le prix total serait de 114 millions d'euros. Une revalorisation devra donc intervenir prochainement.
J'ajoute que, une fois la régularisation effectuée, le solde sera versé en recettes non fiscales de l'Etat.
M. le président. Monsieur le rapporteur général, maintenez-vous votre amendement ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 10 rectifié, présenté par MM. Miquel, Massion, Moreigne, Sergent, Demerliat, Charasse, Lise, Haut, Marc, Angels, Auban et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
« Dans le II de l'article 10, remplacer les mots : "en application des II, III et VI" par les mots : "en applicaton du VI". »
La parole est à M. Gérard Miquel.
M. Gérard Miquel. Cet amendement vise à permettre aux collectivités locales de percevoir le montant des droits de mutation sur l'opération de transfert de la propriété du réseau de transport de gaz de l'Etat aux concessionnaires.
Ces droits s'élèveraient, selon une évaluation de la banque Dexia, à environ 270 millions d'euros. Si M. le ministre pouvait nous confirmer ce chiffre, nous lui en serions, bien entendu, très reconnaissants.
Le groupe socialiste s'étonne un peu de la modicité des sommes perçues par l'Etat au titre de la vente de son réseau de transport de gaz aux sociétés concessionnaires. En effet, une fois déduite l'indemnité de résiliation du contrat de concession versée par l'Etat aux concessionnaires, le montant net encaissé par l'Etat serait de seulement 256 millions d'euros.
Le groupe socialiste estime que, dans ces conditions, l'exonération des droits de mutation est un cadeau supplémentaire offert aux concessionnaires-acheteurs, dont fait partie, par exemple, le pétrolier Total, qui a réalisé ces dernières années des milliards de francs de bénéfices.
En outre, l'Etat retrouvera probablement dans les dividendes reçus de Gaz de France, voire à l'occasion de sa privatisaton - qui sait ? - l'économie d'impôt ainsi réalisée au détriment des collectivités locales.
Enfin, l'Etat a décidé, bien sûr, de ne pas compenser cette perte de recettes pour les collectivités locales. Au nom de l'intérêt général, il met une perte de recettes à la charge des collectivités locales. C'est trop facile !
Certes, de telles exonérations de droits ont été mises en place à l'occasion d'opérations similaires dans le passé. Mais nous pensons que le Gouvernement pourrait d'autant plus faire un petit geste en faveur des collectivités locales que le maintien des droits de mutation n'aurait aucun effet négatif sur les finances de l'Etat. Les départements seraient les principaux bénéficiaires de cette générosité. Or il se trouve qu'ils sont actuellement dans une situation financière un peu difficile, comme le laisse penser l'évolution de leur fiscalité directe.
Nous espérons que le Gouvernement et la majorité qui défendent l'autonomie fiscale des collectivités locales sauront répondre favorablement à notre appel, en ne modifiant pas la loi fiscale au détriment des collectivités locales.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission a d'abord trouvé l'initiative de M. Miquel sympathique ; puis, elle a approfondi sa démarche.
Elle tient à rappeler que la cession des réseaux considérés est consentie à titre onéreux aux opérateurs, contrairement à ce qui avait été le cas pour des transferts similaires précédents. Ainsi assujettir aux droits de mutation le montant de cette transaction reviendrait à alourdir de façon non négligeable les charges des concessionnaires.
Nous avons, en outre, constaté que la formule habituellement utilisée, quand il s'agit d'opérations d'intérêt général à caractère exceptionnel - il y a plusieurs précédents récents en ce sens - est d'exonérer des droits de mutation. Cette exonération nous semble bien conforme à l'intérêt général, puisque l'objectif visé est d'améliorer la compétitivité de opérateurs des réseaux de gaz.
La commission, tout en partageant les appréciations portées sur l'augmentation très préoccupante des charges des départements, comme l'a dit M. Miquel, ne peut être favorable à l'exonération prévue par l'article 10 et elle se déclare défavorable à l'amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Je prolonge l'explication donnée par M. le rapporteur général, en faisant d'ailleurs écho aux propos que M. Miquel a tenus tout à l'heure à propos d'autres transferts.
Ces transferts s'étaient opérés dans les mêmes conditions ; il n'y a donc pas d'innovation dans les conditions fixées par l'Etat.
Comme M. Miquel est soucieux d'équité, j'attire son attention sur le fait, comme la commission des finances le souligne d'ailleurs dans son rapport, que, dès lors qu'une partie importante du territoire n'est pas traversée par le réseau des transports de gaz, la taxation engendrerait des inégalités entre collectivités, certaines bénéficiant, en quelque sorte, d'un enrichissement sans cause. Je crois donc que ce qui a été fait par le législateur jusqu'alors est sans doute la sagesse.
Comme je ne doute pas que Sénat rime avec sagesse, je propose à M. Miquel de bien vouloir retirer son amendement ; à défaut, je proposerai au Sénat de le rejeter.
M. le président. L'amendement n° 10 rectifié est-il maintenu, monsieur Miquel ?
M. Gérard Miquel. M. le ministre m'a pratiquement convaincu ! Mais, pour le principe, je maintiens l'amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 10, modifié.

(L'article 10 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 10



M. le président.
L'amendement n° 12, présenté par M. Alfonsi, est ainsi libellé :
« Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est créé un fonds interministériel pour la mise en oeuvre du plan exceptionnel d'investissement pour la Corse sur quinze ans tel qu'il est prévu à l'article 53 de la loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 relative à la Corse. Ce fonds regroupe l'ensemble des crédits destinés à financer la contribution de l'Etat à ce programme. »
La parole est à M. Nicolas Alfonsi.
M. Nicolas Alfonsi. Je pourrais me dispenser d'intervenir, mes chers collègues, mais la visite du Premier ministre en Corse, samedi dernier, me commande de le faire, ne serait-ce que pour tenir notre assemblée informée.
Lors du vote de la loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse, la mise en oeuvre d'un programme exceptionnel d'investissement a été prévue ; j'ai d'ailleurs eu l'occasion d'en parler avec le rapporteur général, M. Marini, et avec le ministre délégué. Toutefois, des procédures extrêmement complexes, qui faisaient l'objet de protestations de toutes parts, avaient été prévues. Face à cette évidence, M. le Premier ministre a rappelé, lors de sa déclaration de politique générale, que cette procédure de mise en oeuvre et de mobilisation des crédits devrait être allégée pour qu'elle soit plus efficace.
L'amendement n° 12 vise précisément à créer un fonds interministériel pour mettre en oeuvre ce plan. Toutefois, anticipant sans doute sur le sentiment de votre assemblée, dont je ne doute pas qu'elle aurait été favorable à cet amendement, M. Sarkozy a déclaré, samedi dernier, qu'une ligne budgétaire particulière du ministère de l'intérieur regrouperait l'ensemble des crédits.
Il s'agirait là d'une mesure révolutionnaire, d'une expérimentation en matière budgétaire. Quoi qu'il en soit, même cet amendement perd quelque peu de son intérêt, M. le Premier ministre ayant confirmé la position du Gouvernement.
Qu'il s'agisse d'une ligne budgétaire ou d'un fonds spécial d'investissement, cela m'est assez indifférent, il faut bien le dire, du moment que ces procédures sont mises en oeuvre en temps opportun. Je fais une totale confiance au Gouvernement.
En maintenant cet amendement, j'aurais l'illusion d'avoir apporté ma pierre dans cette affaire, le sentiment d'un privilège usurpé.
Cela dit, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 12 est retiré.
L'amendement n° 13, présenté par M. Delfau, est ainsi libellé :

« Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est créé un fonds de financement des investissements d'EDF, de GDF et de La Poste en zone rurale et dans les zones urbaines sensibles. Ce fonds est alimenté par le produit de la suppression du mécanisme de modulation de la taxe intérieure sur les produits pétroliers. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 22, présenté par MM. de Montesquiou et Goulet, est ainsi libellé :
« Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article L. 121-7 du code de l'urbanisme est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Ces frais d'étude, d'élaboration, de révision ou de modification des documents d'urbanisme peuvent être inscrits dans la section d'investissement des budgets communaux, prévue à l'article L. 2311-1 du code général des collectivités territoriales.
« Lorsqu'elles engagent de tels frais, les collectivités locales et leurs groupements peuvent prétendre à ce titre aux attributions du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée. »
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Cet amendement a été dicté par la volonté d'améliorer la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, et vise à attirer l'attention du Gouvernement sur le poids financier de la réalisation des documents d'urbanisme pour les budgets communaux, surtout pour ceux des plus petites communes.
D'une part, les frais de conception des documents augmentent, car les petites communes font appel à des acteurs économiques privés, les directions départementales de l'équipement étant confrontées à une surchage de travail et étant parfois, de leur propre aveu, au seuil de leurs compétences.
D'autre part, les frais de reproduction des documents prévus par la loi sont élevés, en tout cas pour les petites communes.
A ce jour, ces dépenses d'urbanisme sont inscrites en section de fonctionnement du budget communal. La réalisation de ces documents d'urbanisme constitue pourtant un réel investissement sur l'avenir.
Il s'agit de tenter de redonner aux collectivités locales le goût de l'urbanisme et de les inciter à engager des démarches prospectives et cohérentes pour l'aménagement du territoire. Il est donc proposé de permettre aux communes d'inscrire les dépenses entraînées par les études et l'établissement des documents d'urbanisme en section d'investissement du budget communal, afin qu'elles puissent bénéficier du fonds de compensation de la TVA.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission est, en quelque sorte, partagée, car elle reconnaît que bien des petites communes rencontrent des problèmes de financement de leurs documents d'urbanisme et des études qui y conduisent.
Nous espérons tous que la loi dite SRU sera prochainement remise sur le métier et qu'elle deviendra plus « responsabilisante » - si j'ose m'exprimer ainsi - pour les communes, notamment pour les plus petites. Nous souhaitons qu'elle leur permettra de fixer le devenir de leur sol sans avoir à passer par tout un luxe d'études et d'analyses dont elles ne ressentent pas véritablement le besoin.
S'agissant de rendre éligibles au fonds de compensation pour la TVA, les dépenses d'élaboration des documents d'urbanisme, la commission ne peut souscrire à cette proposition pour des raisons techniques. Nous sommes très attachés - Aymeri de Montesquiou le sait - à une certaine rigueur dans la définition des dépenses d'investissement.
Une dépense d'investissement, c'est une dépense destinée à financer un bien amortissable. Les frais d'élaboration des documents d'urbanisme sont considérés comme des dépenses courantes et non comme des dépenses en capital. En tant que gardiens de la doctrine qui distingue les dépenses de fonctionnement des dépenses d'investissement, il nous est difficile de vous suivre sur ce terrain.
Mais peut-être y aurait-il une solution dans le cadre de l'assistance technique à la gestion communale, qui a été redéfinie par la récente loi dite MURCEF. Nous pourrions préparer ensemble un amendement afin de permettre une meilleure intervention des services des directions départementales de l'équipement aux côtés des plus petites communes qui auraient besoin d'un concours pour l'élaboration de leurs documents d'urbanisme.
Sous réserve des réponses ou des appréciations qui seront apportées par M. le ministre, la commission suggère à l'auteur de l'amendement de le retirer, pour le moment.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert ministre délégué. Monsieur le président, l'avis du Gouvernement rejoindra celui du rapporteur général. Je veux dire à Aymeri de Montesquiou et à Daniel Goulet, qui est cosignataire de cet amendement, que le Gouvernement, surtout quand il est incarné par un ancien sénateur d'un département très rural, est parfaitement conscient des problèmes évoqués.
Aymeri de Montesquiou a prononcé quelques mots qu'il nous faut méditer : les administrations elles-mêmes estiment qu'on approche du seuil de leurs compétences.
Mesdames, messieurs les sénateurs, lorsque les administrations estiment qu'on approche du seuil de leurs compétences, c'est que les règles sont trop compliquées. (Sourires.)
M. Eric Doligé. On est toujours à la limite !
M. Alain Lambert, ministre délégué. Si nous décidions de les simplifier, peut-être ferions-nous des économies. En revanche, si nous continuons à les compliquer, même si cela obéit à des préoccupations qui ne sont pas illégitimes, le coût des documents sera bientôt totalement insupportable. Il faut savoir trouver un équilibre en tout !
M. Hilaire Flandre. Il faut revenir au bon sens !
M. Alain Lambert, ministre délégué. Quelle que soit la collectivité qui en supporte le coût, c'est toujours le contribuable qui supporte ces dépenses.
Monsieur Aymeri de Montesquiou, je connais votre éloquence, j'ai d'ailleurs admiré la démonstration que vous nous avez faite et selon laquelle prévoir un bon plan d'urbanisme, c'est bien préparer l'avenir s'agissant de l'investissement. Toutefois, sur le plan comptable, il paraît difficile de lier une valeur ajoutée aux documents évoqués.
Monsieur le sénateur, je vous le dis tout à fait chaleureusement, quel que soit le souci qui est le mien d'apporter une réponse positive pour les petites communes, il vaut mieux chercher la solution du côté des concours particuliers au sein de la dotation générale de décentralisation, ou suivre la proposition du rapporteur général. Vous pourriez trouver là un apport financier qui serait précieux.
Il ne faut pas déplacer la ligne de partage entre les dépenses de fonctionnement et les dépenses d'investissement. Sinon, nous risquerions de déséquilibrer le fonds de compensation pour la TVA.
C'est donc à regret que je suis conduit à vous demander de retirer votre amendement. A défaut, je demanderai à la majorité sénatoriale et au Sénat de bien vouloir le rejeter.
M. le président. Monsieur de Montesquiou, ces explications sont-elles de nature à susciter le retrait spontané de votre amendement ? (Sourires.)
M. Alain Vasselle. Spontané, non !
M. Aymeri de Montesquiou. Mon enthousiasme est assez modéré, comme vous devez l'imaginer.
M. le ministre a bien voulu souligner qu'il s'agissait de l'avenir. C'est exact, mais notre patrimoine paysager, qui est très important, risque d'être dénaturé si nous laissons construire n'importe quoi.
Pour le protéger, il faut un plan d'urbanisme. Mais l'élaboration de ce plan d'urbanisme coûte aujourd'hui trop cher aux petites communes.
Dans un premier temps, j'accompagnerai donc M. le rapporteur général dans sa réflexion. Si elle n'aboutit pas, je déposerai prochainement un nouvel amendement.
M. le président. L'amendement n° 22 est retiré.

Article 11



M. le président.
« Art. 11. - I. - L'article 112 de la loi de finances pour 1996 (n° 95-1346 du 30 décembre 1995) est ainsi modifié :
« 1° Dans la première phrase, après les mots : "ou des ministres", sont insérés les mots : "ou de la Banque de France" ;
« 2° La dernière phrase est ainsi rédigée : Cette liste évalue le coût de fonctionnement de ces organismes, indique le nombre de leurs membres comme le nombre de leurs réunions tenues lors des trois années précédentes et mentionne les commissions et instances créées ou supprimées dans l'année.
« II. - Les dispositions du présent article entrent en vigueur le 1er janvier 2003. » - (Adopté.)

Articles additionnels après l'article 11



M. le président.
L'amendement n° 3, présenté par M. Oudin, est ainsi libellé :
« Après l'article 11, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« La commission des comptes des transports de la nation remet un rapport annuel au Gouvernement et au Parlement retraçant et analysant l'ensemble des flux économiques, budgétaires et financiers attachés au secteur des transports.
« Ce rapport annuel :
« - récapitule les résultats socio-économiques du secteur des transports en France, en termes notamment de production de richesse et d'emplois ;
« - retrace l'ensemble des contributions financières, fiscales et budgétaires versées aux collectivités publiques par les opérateurs et usagers des transports ;
« - retrace l'ensemble des financements publics en faveur des opérateurs et usagers des transports, en distinguant clairement les dépenses consacrées au fonctionnement du secteur des transports de celles consacrées à l'investissement ;
« - met en valeur les résultats obtenus par rapport aux moyens financiers publics engagés ;
« - récapitule la valeur patrimoniale des infrastructures publiques de transport en France. »
La parole est M. Jacques Oudin.
M. Jacques Oudin. Je relisais récemment un rapport qui a été approuvé à l'unanimité par la commission des finances du Sénat et que j'ai eu l'honneur de présenter. Ce rapport est intitulé : « Le financement des infrastructures de transport : conduire la France vers l'avenir ». Je suppose que chacun en a pris connaissance avec intérêt.
Comme on peut le lire à la page 80 dans un chapitre intitulé : « Quelles propositions pour l'avenir ? », nous pensions à la commission des finances, que vous aviez alors l'honneur de présider, monsieur le ministre : « La priorité absolue doit être la consolidation et la clarté des comptes. »
Cet amendement s'inscrit dans la logique la plus stricte des propositions que la commission des finances avait à l'époque adoptées.
Le secteur des transports tient une place essentielle dans notre vie quotidienne, dans le fonctionnement de nos entreprises commerciales et industrielles et dans la structuration de nos territoires.
La demande globale de transports augmente au même rythme que la croissance économique, mais connaît un développement plus rapide dans certains modes-aérien, autoroutier concédé. Aucune projection à long terme ne fait apparaître le moindre ralentissement de cette demande de transports qui est, de surcroît, stimulée par la mondialisation des échanges, l'élargissement et l'approfondissement de l'espace européen et la mobilité croissante de nos sociétés, et surtout de nos systèmes productifs, c'est-à-dire de nos entreprises. Les préoccupations de sécurité, de fiabilité, de respect de l'environnement sont de plus en plus importantes et nécessitent des investissements accrus.
La satisfaction d'une demande croissante et le coût de plus en plus lourd des infrastructures nécessitent des investissements considérables dans les domaines des transports et, surtout, dans le secteur ferroviaire. Nous avons encore des sueurs froides en pensant au coût du tunnel Turin-Milan, par exemple.
Tous les pays européens, la France en particulier, se heurtent à des difficultés très importantes pour financer le développement et l'entretien de leurs infrastructures de transports. Or les activités de transport en France génèrent des recettes très importantes pour l'Etat, qui perçoit notamment la taxe sur la valeur ajoutée des activités de transport, la taxe intérieure sur les produits pétroliers, des prélèvements sur les péages autoroutiers - le tiers de 40 milliards de francs ! - les dividendes et l'impôt sur les sociétés versés par les sociétés concessionnaires d'autoroutes, etc.
Dans le même temps, le fonctionnement du réseau de transports et le développement des infrastructures exigent un soutien financier public toujours plus important, notamment, pour le secteur ferroviaire - et c'est légitime -, alors que l'importance de la dette ferroviaire - 258 milliards de francs - et l'abandon du mécanisme de l'adossement pour la construction de nouvelles liaisons autoroutières restreignent les capacités d'investissement public.
Afin que les parlementaires soient mieux informés, dans l'esprit de la loi organique du 1er août 2001 et des dispositions qui ont été adoptées pour les comptes de la sécurité sociale, le présent amendement tend à demander à la commission des comptes des transports de la nation, organisme placé auprès du ministre chargé des transports, de remettre au Gouvernement et au Parlement un rapport annuel retraçant et analysant l'ensemble des flux économiques, budgétaires et financiers du secteur des transports.
Je crois avoir entendu tout à l'heure M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie dire qu'il fallait remettre de l'ordre dans les comptes. Cet amendement a précisément pour objet de demander au Gouvernement d'informer davantage le Parlement sur la remise des comptes dans le secteur des transports.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini rapporteur. Chacun connaît l'attachement de notre collègue Jacques Oudin à plus de volontarisme dans le domaine du financement des grandes infrastructures de transport. En tant que rapporteur spécial pour les questions de transport, il a souhaité, et c'est bien logique, utiliser ce débat pour nous faire partager les convictions qui sont les siennes.
Le dispositif de cet amendement a pour objet de mettre en valeur l'importance, en termes économiques et financiers, du secteur des transports pour la collectivité nationale, et, également d'obtenir des éléments d'information complémentaires sur les moyens financiers publics accordés aux infrastructures de transport, alors que de nombreux projets sont à financer, qu'il s'agisse de projets ferroviaires, routiers ou fluviaux.
Notre collègue Jacques Oudin va poursuivre naturellement ses travaux en qualité de rapporteur spécial. La commission pense très sincèrement que la mise en place du rapport sollicité serait, pour les travaux du rapporteur spécial et pour la commission dans son ensemble, un point d'appui très utile nous permettant de mieux exercer les responsabilités qui nous ont été confiées. Telle est la raison pour laquelle la commission émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert ministre délégué. Le décret du 2 septembre 1992 prévoit que la commmission des comptes des transports de la nation examine un rapport établi par l'INSEE et les services du ministère des transports sur la situation du secteur des transports. Cette commission se réunira d'ailleurs le 20 septembre prochain pour débattre du rapport relatif à l'exercice 2001.
Toutefois, comme le souligne M. Oudin, le rapport actuel de la commission des comptes des transports doit être un document de référence aussi complet que possible, à l'image du rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale. Les améliorations qu'il suggère permettraient d'y parvenir. Bien entendu, le rapport pourrait être transmis au Parlement si celui-ci y a convenance.
Le Gouvernement n'est pas, je dois le reconnaître, totalement convaincu quant à l'absolu nécessité de dispositions législatives pour y parvenir. Aussi, M. Oudin ne m'en voudra pas de lui dire - je fais appel à dix années de relations au sein de la commission des finances - que, n'ayant pas eu le temps de consulter mon collègue M. Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer, je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 11.
L'amendement n° 11, présenté par MM. Poniatowski, Larcher et Auban, Mme Beaudeau, MM. Billard, A. Boyer, Branger et Braun, Mme Brisepierre, MM. Calmejane, Carrère, Cazalet, César, Charasse, Clouet, Collin, Cornu, Demilly, Doligé, Doublet, Dufaut, A. Dupont, Dussaut, Flandre, François, Girod et Goulet, Mme Gourault, MM. Gouteyron, Grillot, Guené, Hérisson, Lanier, Le Cam, Legendre, Le Grand et du Luart, Mme Létard, MM. Madrelle, Martin, Mathieu, Miraux, Moinard, de Montesquiou, Natali, Oudin, Pelchat, Pelletier, Pépin, Pintat, Revet, Revol, Trillard, Trucy, Valade, Vantomme et Vasselle, est ainsi libellé :
« Après l'article 11, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - La redevande cynégétique "gibier d'eau", instituée par l'article R. 223-26 du code rural, n'est plus perçue à compter du 1er juillet 2003.
« II. - Il est institué une taxe additionnelle aux droits sur le tabac visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts, dont le montant est fixé pour compenser les pertes de recettes résultant du présent article et le produit affecté à l'Office national de la chasse et de la faune sauvage. »
La parole est à M. Ladislas Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Cet amendement, cosigné par une soixantaine de sénateurs siégeant sur toutes les travées de cette assemblée, est identique à un amendement qui avait été présenté par une quarantaine d'entre nous à l'occasion de l'examen de la loi de finances pour 2002 et qui avait été adopté à l'unanimité en décembre 2001, je tenais à le rappeler.
Cet amendement a pour objet de supprimer la redevance cynégétique « gibier d'eau », qui est d'un faible montant, puisqu'elle s'élève à 96 francs. Cette suppression tient à plusieurs raisons.
D'abord, c'est que cette redevance n'est pas affectée majoritairement à des actions conformes à son objet. Instituée en 1977, elle était principalement destinée à apporter un complément de financement à l'Office national de la chasse de l'époque, afin de lui permettre de réaliser notamment des études sur la faune sauvage. Or, alors que le produit de cette redevance représentait presque 20 millions de francs, soit 2,9 millions d'euros, à peine le quart de cette somme est effectivement utilisé à cette fin. Le reste est une ressource supplémentaire qui permet tout simplement à l'ONC d'effectuer d'autres tâches.
Nous sommes bien conscients qu'en supprimant cette redevance nous retirons une petite ressource à l'ONC. C'est pour cela que la mesure est gagée. Mais je pense que ce sera inutile, car l'ONC s'est lancé dans un processus de fonctionnarisation de ses 1 700 agents.
Autrement dit, ce que les chasseurs acquittaient par le biais du permis de chasser sera dorénavant pris en charge par l'Etat, très vraisemblablement à partir de 2003...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vraiment, cela va dans le bon sens...
M. Ladislas Poniatowski. ... et l'ONC disposera donc vraisemblablement de toutes les ressources dont elle aura besoin.
Ne payaient cette redevance que les chasseurs de gibier d'eau en France, soit environ 400 000 personnes. Ce sont les chasseurs les plus modestes puisqu'ils ne chassent que le gibier d'eau. Mais ils chassent plus tôt que les autres chasseurs et finissent de chasser bien après eux. Lorsque la redevance avait été adoptée, la période de chasse s'étendait, en effet, du 14 juillet à la fin du mois de mars. Aujourd'hui, même si une petite menace pèse sur les dates d'ouverture et de fermeture, la période de chasse a diminué de plus de trois mois pour cette catégorie de chasseurs. Cet élément justifie tout à fait la suppression de cette redevance.
J'espère que cet amendement subira le même sort que celui qu'il a subi en décembre dernier, c'est-à-dire qu'il sera adopté à l'unanimité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Comment la commission s'opposerait-elle à un aussi bel élan ? Compte tenu du grand nombre de signatures émanant de tous les groupes politiques de cette assemblée,...
M. Jacques Oudin. C'est un tir groupé ! (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... comment pourrions-nous contrecarrer un mouvement consensuel !
Il est vrai que le Sénat avait adopté à l'unanimité un amendement identique à l'occasion de la discussion de la loi de finances pour 2002 et que la commission des finances avait émis un avis favorable sur cet amendement que l'Assemblée nationale avait, hélas ! ensuite rejeté.
Que le groupe « chasse » reprenne la même argumentation est logique, et que la commission des finances ne se déjuge pas l'est tout autant. Toutefois, nous insistons sur le fait que l'Office national de la chasse, comme toutes les entités du secteur public, devra sans doute faire quelques efforts de gestion pour adapter ses structures à ses missions, même si les dispositions prises sous l'ancien gouvernement lui ont permis, comme M. Poniatowski l'a rappelé, de recruter un grand nombre de fonctionnaires, ce qui, assurément, va encore charger la barque de ce secteur de l'administration et des comptes publics.
Enfin, à chaque jour suffit sa peine ! Aussi, dans l'immédiat, la commission des finances, confirme son avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. La proposition de suppression au 1er juillet de la redevance « gibier d'eau », perçue au profit de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage ne suscite pas de désaccord de fond de la part du Gouvernement, puisqu'il s'agit d'une simplification, comme l'a dit tout à l'heure M. Ladislas Poniatowski.
Le Gouvernement rappelle toutefois que cette suppression peut avoir un effet sur l'équilibre financier de l'office, dont la situation est déjà déficitaire. J'aurais préféré que nous étudiions cette question lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2003, et que nous prenions à cette occasion quelques précautions, afin que l'équilibre financier dudit office ne soit pas menacé. Si le Sénat décidait, ce soir, d'adopter cet amendement, il ne faudrait pas que nous nous sentions quittes pour autant de cette obligation qui est la nôtre de faire en sorte que l'équilibre financier de l'office soit assuré. C'est la raison qui me conduit à m'en remettre à la sagesse du Sénat.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je voudrais réagir aux propos de M. le rapporteur général et de M. le ministre délégué au budget.
Cette mesure de simplification doit probablement contribuer à réduire les charges de l'Office national de la chasse. Je voudrais cependant qu'il soit bien clair ce soir que nous avons un devoir de cohérence par rapport à ce que nous disons depuis ce matin de l'équilibre des comptes publics. Tous ceux d'entre nous qui ont quelque influence sur l'Office national de la chasse doivent veiller à ce que cette économie soit financée par l'institution, sans qu'en aucune façon il soit fait appel au budget de l'Etat.
Nous devons, les uns et les autres, en particulier les signataires de cet amendement, nous porter garants du respect de ce principe.
MM. Ladislas Poniatowski et Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Alain Lambert, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Lambert, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement lève le gage.
M. Hilaire Flandre. Très bien !
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 11 rectifié.
Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 11.
L'amendement n° 14, présenté par M. Doligé, est ainsi libellé :
« Après l'article 11, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« A. Dans le V bis de l'article 12 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville, les taux : "60 %", "40 %" et "20 %" sont remplacés (deux fois), respectivement, par les taux : "75 %", "50 %" et "25 %".
« B. A la fin du V bis de l'article 12 de la loi n° 96-987 précitée, les taux : "30 %", "20 %" et "10 %" sont remplacés par les taux : "37,5 %", "25 %" et "12,5 %".
« C. Dans le dernier alinéa du I de l'article 14 de la loi n° 96-987 précitée, les taux : "60 %", "40 %" et "20 %" sont remplacés, respectivement, par les taux : "75 %", "50 %" et "25 %".
« D. Pour compenser la perte de recettes résultant des dispositions des A, B et C ci-dessus, l'article 12 de la loi n° 96-987 précitée est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« VIII. - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du dispositif de suppression progressive des exonérations de cotisations patronales prévues au V bis du présent article et au I de l'article 14 est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
« E. Dans la deuxième phrase du premier alinéa du I de l'article 44 octies du code général des impôts, les taux : "40 %", "60 %" et "80 %" sont remplacés par les taux : "25 %", "50 %" ou "75 %".
« F. Dans le cinquième alinéa du I ter de l'article 1466 A du code général des impôts, les taux : "60 %", "40 %" et "20 %" sont remplacés (deux fois), respectivement, par les taux : "75 %", "50 %" et "25 %".
« G. Pour compenser la perte de recettes résultant des dispositions des E et F ci-dessus, après le I ter de l'article 1466 A du code général des impôts, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« I ter A. - La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du dispositif de suppression progressive de l'abattement de taxe professionnelle prévu au cinquième alinéa est compensée à due concurrence par une augmentation de la dotation globale de fonctionnement. La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'alinéa précédent et du dispositif de sortie dégressive de l'exonération d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés, pour les entreprises bénéficiant du dispositif prévu au premier alinéa du I de l'article 44 octies est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A" ».
La parole est à M. Eric Doligé.
M. Eric Doligé. Mon amendement n'a bien sûr rien à voir avec le précédent, mais il est de la même veine que beaucoup de ceux qui ont été présentés ce soir : c'est un amendement d'appel.
Comme vous pouvez le constater ce soir, monsieur le ministre, les parlementaires, en particulier les sénateurs, attendent beaucoup du Gouvernement : leurs nombreux amendements d'appels sont souvent autant d'appels au secours !
En effet, nos collectivités locales sont dans des situations souvent délicates, tout comme parfois le Gouvernement, puisque j'ai cru comprendre tout à l'heure qu'il faisait appel à nous pour le BAPSA. Donc, chacun à notre tour, nous essayons de nous soutenir pour nous sortir de situations parfois fort difficiles.
Tout à l'heure, l'un de nos collègues, M. Moreigne, a parlé d'effets pervers. Je dois dire que l'expression était assez pudique s'agissant de couvrir quelques erreurs commises par le passé dont nous avons à subir les effets. Notre collègue M. Ladislas Poniatowski évoquait la somme de 2,8 millions d'euros pour cette taxe. J'indique, à titre d'information, que le surcoût de l'APA pour mon département s'élève à 18 millions d'euros ! Vous voyez, les échelles de valeur et ce que le gouvernement précédent était capable de faire pour imposer certaines collectivités sans mesurer forcément l'ampleur des catastrophes qui devaient nécessairement en résulter, comme on le voit aujourd'hui.
Je vais vous parler des zones franches urbaines, monsieur le ministre. Nous avons évoqué ce sujet lors de la dernière discussion budgétaire. Nous avions alors proposé un dispositif de sortie progressive, dite sortie « en sifflet », pour les entreprises et tous ceux qui bénéficiaient d'un certain nombre d'avantages dans ces zones, avantages dont nous avions pu constater l'heureux effet.
Le Gouvernement avait accepté le principe de cette sortie en sifflet sur trois ans, au rythme de 60 % la première année, 40 % la deuxième année, 20 % la troisième et dernière année. Nous avions, nous, proposé des taux supérieurs, précisément 75 %, 50 % et 25 %.
Cet amendement a pour objet de vous proposer de retenir ces taux, que nous avions déjà adoptés en décembre dernier. S'agissant cependant d'un amendement d'appel, le but est surtout de solliciter l'avis du Gouvernement de manière à pouvoir revenir sur le sujet en ordre de bataille lors de la prochaine discussion budgétaire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est une vraie question sur un sujet d'importance.
Mes chers collègues, il y a bien des entrepreneurs qui, dans le cadre du régime des zones franches urbaines, ont pris le risque de créer, qui un commerce, qui un atelier, qui une petite entreprise dans des secteurs véritablement difficiles.
Tout récemment, notre collègue Pierre André, sénateur de l'Aisne, a, dans un excellent rapport, dressé l'état des lieux des zones franches urbaines et des succès remportés. On peut voir que cette initiative, prise dans la loi de 1996 portant pacte de relance pour la ville, a été réellement efficace, pour l'activité économique comme pour l'insertion sociale des jeunes issus des quartiers défavorisés.
Au cours des cinq dernières années, jusqu'aux élections présidentielle et législative, il a été de bon ton, du côté de la majorité d'alors, de dauber sur les zones franches et de contester les résultats obtenus, plus encore, de contester la méthode qui consistait à créer, par un régime incitatif, l'environnement nécessaire pour que des chefs d'entreprise, des investisseurs puissent réaliser leur projets.
Le Sénat avait, à l'époque, défendu avec détermination ces zones franches urbaines.
Ce dispositif - il suffit, pour s'en convaincre, de consulter le rapport de M. Pierre André - a très largement rempli le rôle qui lui avait été imparti.
La loi de finances pour 2002 a prévu, dans des conditions que le Sénat n'avait pas approuvées, la sortie du dispositif des zones franches urbaines, mais une sortie que l'on peut considérer aujourd'hui comme exagérément brutale. En d'autres termes, des responsables d'activités économiques voient, dès l'année 2002, se dégrader leur situation en termes de charges sociales comme en termes de charges fiscales. Il est à craindre que cette dégradation ne soit à l'origine de réductions d'activités, voire de suppressions d'emplois dans des secteurs qui déjà sont caractérisés par toutes sortes d'éléments pénalisants. D'où l'appel de notre collège et ami Eric Doligé qui sollicite, monsieur le ministre, une sortie plus progressive du régime de la zone franche urbaine.
Au demeurant, nous pouvons espérer que ce dispositif sera réévalué dans son principe par le Gouvernement. En effet, nous avons cru comprendre que le Président de la République et le Premier ministre s'intéressaient très précisément aux résultats obtenus par les zones franches urbaines. Peut-être, au-delà de 2002, connaîtrons-nous, avec l'année 2003, un dispositif permettant de renouer avec l'esprit dans lequel les zones franches urbaines avaient été conçues en 1996.
De ce fait, monsieur le ministre, il faudra traiter le hiatus de l'année 2002 et, surtout, délivrer aux entrepreneurs des secteurs concernés le message qu'ils attendent et leur permettre de disposer de la visibilité à laquelle ils ont droit.
La commission des finances souhaite donc que le Gouvernement communique à la Haute Assemblée les éléments d'information susceptibles de répondre aux interrogations de notre collègue Eric Doligé.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Ainsi que M. le rapporteur général vient de le rappeler, M. le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, a indiqué que les zones franches urbaines avaient démontré leur efficacité et que le dispositif serait étendu. Le rapport de votre collègue Pierre André renforce cette conviction.
Il reste cependant à préciser certaines modalités, compte tenu des contraintes non seulement budgétaires mais aussi communautaires que nous ne pouvons pas sous-estimer. Le Gouvernement y travaille avec beaucoup d'application et mon collègue Jean-François Copé s'en assurait encore à l'instant, car il croit, lui aussi, beaucoup à ce dispositif. Ce travail devrait aboutir le plus vite possible - j'ai bien entendu l'apppel de M. le rapporteur général s'agissant de l'exercice 2002 -, pour que nous soyons en mesure de définir les modalités du futur régime.
Compte tenu de cette réponse, je souhaiterais que M. Doligé consente à retirer son amendement. A défaut, dans la rédaction actuelle, je serais contraint de demander à la Haute Assemblée de le rejeter.
M. le président. L'amendement n° 14 est-il maintenu, monsieur Doligé ?
M. Eric Doligé. Ma position ne vous surprendra pas, monsieur le président : je le retire. Je ne voudrais pas faire de la peine à M. le ministre et le contraindre à solliciter le rejet de mon amendement !
On a beaucoup parlé de confiance, notamment M. Mer tout à l'heure, et je fais confiance au Gouvernement pour que ce dossier soit réexaminé très sérieusement dans quelques mois.
M. le président. L'amendement n° 14 est retiré.
L'amendement n° 29, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les membres du Gouvernement reçoivent un traitement brut mensuel égal au total des indemnités allouées aux membres du Parlement en vertu de l'ordonnance portant loi organique n° 58-1210 du 13 décembre 1958 relative à l'indemnité des membres du Parlement.
« Le traitement du Premier ministre est égal à celui des ministres majoré de 60 %.
« Ces traitements sont soumis à l'impôt sur le revenu et aux cotisations sociales obligatoires à concurrence du montant de l'indemnité parlementaire et de l'indemnité de résidence, dans les conditions fixées par le premier alinéa de l'article 80 undecies du code général des impôts.
« II. - Le Premier ministre fixe par décisions individuelles le montant de l'allocation mensuelle pour frais d'emploi attribuée à chaque membre du Gouvernement pendant qu'il exerce ses fonctions pour couvrir ceux des frais inhérents à ses fonctions qui, en raison de leur nature, ne peuvent pas être pris en charge par les budgets des ministères concernés.
« Cette allocation pour frais d'emploi est au moins égale au montant le plus élevé de l'allocation pour frais d'emploi dite « indemnité représentative de frais de mandat » allouée aux membres du Parlement. Comme celle allouée aux parlementaires, cette allocation n'est pas soumise à l'impôt sur le revenu et aux cotisations sociales obligatoires et le deuxième alinéa du 1° de l'article 81 du code général des impôts lui est également applicable.
« III. - Les membres du Gouvernement bénéficient pendant qu'ils sont en fonction d'un régime au moins équivalant à celui accordé aux membres du Parlement en ce qui concerne :
« - d'une part, les transports ferroviaires et aériens en France métropolitaine et outre-mer ;
« - d'autre part, les dépenses de communications téléphoniques qui ne peuvent pas être prises en charge par les budgets des ministères intéressés.
« Ces avantages en nature ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu ni aux cotisations sociales obligatoires.
« IV. - Les indemnités visées à l'article 5 de l'ordonnance portant loi organique n° 58-1099 du 17 novembre 1958 pour l'application de l'article 23 de la Constitution sont égales au traitement défini au I. Ces indemnités sont soumises à l'impôt sur le revenu et aux cotisations sociales obligatoires dans les mêmes conditions que ce traitement conformément à l'article 80 undecies du code général des impôts.
« V. - Les crédits nécessaires à la mise en oeuvre des II et III sont inscrits sur un chapitre unique, distinct de celui des traitements, salaires et rémunérations diverses, du budget des services généraux du Premier ministre, qui en assure l'ordonnancement.
« VI. - Les dispositions du présent article sont applicables à compter du 8 mai 2002. »
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Le Parlement contrôle l'action du Gouvernement, mais il doit aussi veiller à ce que la République traite dignement les membres du Gouvernement. Or, force est de le constater, le précédent gouvernement n'a pas procédé à la régularisation des moyens mis à la disposition des membres du Gouvernement. Cet amendement vise donc à remédier à ce problème.
Certes, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin aurait pu prendre l'initiative de procéder lui-même à cette régularisation, mais il avait certainement d'autres tâches plus urgentes, et plus contraignantes, dans ses priorités. Quoi qu'il en soit, nous avons le devoir de veiller à la dignité, à l'indépendance des membres du Gouvernement. C'est à cette nécessité que répondait l'amendement déposé par notre collègue M. Michel Charasse, amendement qui tendait à aligner les moyens mis à la disposition des ministres sur ceux qui sont mis à la disposition des membres du Parlement.
La commission des finances, qui a examiné en début d'après-midi les amendements, a émis, à la majorité, et sans opposition, un avis favorable sur l'amendement de M. Charasse. Au moment où nous nous prononcions sur ces amendements, nous pensions que l'examen de ce texte s'achèverait peu avant le dîner. Il en est advenu différemment, mais nous avons eu des échanges tout à fait intéressants auxquels nous avons eu raison de consacrer autant de temps. Reste que l'amendement de M. Charasse n'a pas pu venir en discussion avant la suspension. M. Charasse ayant des engagements pris de longue date, il n'était pas en mesure de défendre l'amendement dont il était le seul signataire. Aussi, monsieur le président, en début de soirée j'ai souhaité que vous différiez la reprise de nos travaux afin de pouvoir réunir la commission des finances. Avec M. le rapporteur général, nous sommes convenus de présenter, au nom de la commission des finances, l'amendement initialement déposé par M. Michel Charasse.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La commission des finances a donc décidé ce soir, sans opposition, de soumettre au Sénat cet amendement.
M. Emmanuel Hamel. Vive Michel Charasse !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole. M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission des finances reprend donc l'amendement de M. Michel Charasse dans son texte même, sans en modifier un mot ni une virgule.
Il s'agit de promouvoir un mécanisme parfaitement transparent, un mécanisme simple selon lequel la rémunération des membres du Gouvernement comprendrait, en premier lieu, un traitement brut mensuel égal aux indemnités des parlementaires, en second lieu, une allocation mensuelle pour frais d'emploi, fixée par référence à l'indemnité équivalente des parlementaires pour frais de mandat.
Il s'agit pour la commission de faire en sorte que le régime de rémunération des membres du Gouvernement repose sur toutes ces dispositions, et sur ces dispositions seulement. La transparence ferait ainsi des progrès tout à fait réels et les responsabilités, si difficiles, de membre du Gouvernement pourraient être exercées quelle que soit la situation patrimoniale individuelle de chaque membre du Gouvernement,...
M. Gérard Braun. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... ce qui, dans une République, paraît être un objectif tout à fait raisonnable qui, nous semble-t-il, doit être clairement fixé dans la loi.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Il est exact que le précédent gouvernement n'avait pas mis en place, au 1er janvier 2002, de régularisation des moyens mis à la disposition des membres du Gouvernement, laissant à son successeur le soin de résoudre la difficulté. Il est tout aussi exact que la transparence est indispensable.
A ce jour, l'actuel gouvernement n'a pas pris d'initiative pour traiter cette question, considérant qu'elle n'entrait pas, vous le comprendrez, dans ses priorités immédiates, et faute de temps, il n'a pas été en mesure d'expertiser le détail de votre proposition. Dans ces conditions, je ne peux ni m'opposer à l'amendement n° 29 ni l'accepter. Il ne me reste donc plus qu'à m'en remettre à la sagesse du Sénat, dans l'attente de la réunion de la commission mixte paritaire.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 29.
M. Gérard Miquel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel.
M. Gérard Miquel. La situation des membres du Gouvernement, tout le monde s'accorde sur ce point, est difficile.
En effet, M. Jospin a supprimé les fonds secrets, et cela était nécessaire. Il a réglé la question pour les membres des cabinets ministériels, mais l'a laissée en suspens pour les ministres.
L'amendement n° 29, qui a d'abord été présenté par M. Michel Charasse, a été brièvement examiné par la commission. Nous constatons que sa rédaction appelle probablement certaines améliorations. En effet, le sujet est délicat, et nous devons être très vigilants, car la presse, orale ou écrite, ne manquera pas s'en faire l'écho.
Au paragraphe II de l'article que tend à insérer cet amendement, il est précisé que « le Premier ministre fixe par décisions individuelles le montant de l'allocation mensuelle pour frais d'emploi », et l'alinéa suivant dispose que « cette allocation pour frais d'emploi est au moins égale au montant le plus élevé de l'allocation pour frais d'emploi dite "indemnité représentative de frais de mandat" allouée aux membres du Parlement ».
Existerait-il des niveaux différents de l'indemnité représentative de frais de mandat ? De plus, pourquoi préciser « au moins égale » ? Si je lis bien, cela signifie aussi qu'elle peut être bien supérieure !
En tout état de cause, si l'amendement n° 29 est mis aux voix dans la rédaction qui nous est proposée ici, le groupe socialiste ne participera pas au vote.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 11.

Vote sur l'ensemble



M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Emmanuel Hamel, pour explication de vote.
M. Emmanuel Hamel. Je voterai le projet de loi de finances rectificative pour 2002, monsieur le ministre. Cependant, je me permets de vous adresser un appel très bref, mais solennel.
Libérez la France des pressions de Bruxelles ! C'est à nous, Français, c'est à notre République de décider de l'évolution de notre dette publique, du montant de notre déficit budgétaire, de l'orientation de nos dépenses !
Malgré les funestes traités de Maastricht et d'Amsterdam, la France ne doit pas accepter d'être soumise à ces oukases. Agissez pour nous en libérer ! Sinon, quelles que soient les actions que vous mènerez pendant cinq ans, monsieur le ministre, ce sera l'enfoncement de la France et sa mort accélérée.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de droit.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 69.

:
Nombre de votants 318
Nombre de suffrages exprimés 318
Majorité absolue des suffrages 160
Pour l'adoption 205
Contre 113

8

NOMINATION DE MEMBRES
D'UNE COMMISSION
MIXTE PARITAIRE

M. le président. Monsieur le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire sur le texte que nous venons d'adopter.
Il va être procédé immédiatement à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de cette commission mixte paritaire.
La liste des candidats établie par la commission des finances a été affichée conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Jean Arthuis, Philippe Marini, François Trucy, Jacques Oudin, Aymeri de Montesquiou, François Marc et Thierry Foucaud.
Suppléants : MM. Bernard Angels, Denis Badré, Joël Bourdin, Gérard Braun, Yann Gaillard, Marc Massion et Jacques Pelletier.

9

TEXTE SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 2003 (volume 6, section V, Cour des comptes).
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2030 (annexe 11) et distribué.

10

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 30 juillet 2002, à seize heures et le soir :
Discussion du projet de loi (n° 365, 2001-2002), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.
Rapport (n° 371, 2001-2002) de M. Jean-Patrick Courtois, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Avis (n° 373, 2001-2002) de M. Philippe François, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Avis (n° 375, 2001-2002) de M. Aymeri de Montesquiou, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le mardi 30 juillet 2002, à zéro heure dix.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD





ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES

Commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations :
Lors de sa séance du 29 juillet 2002, le Sénat a désigné M. Philippe Marini pour siéger au sein de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, en remplacement de M. Alain Lambert, nommé membre du Gouvernement.
Observatoire de la sécurité des cartes de paiement :
Lors de sa séance du 29 juillet 2002, le Sénat a désigné M. Paul Loridant pour siéger au sein de l'Observatoire de la sécurité des cartes de paiement.

NOMINATION D'UN RAPPORTEUR

M. Michel Mercier a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 342 (2001-2002) de M. Bernard Saugey tendant à assouplir les règles de lien s'appliquant à l'évolution des taux des impôts communaux dans le cadre de la coopération intercommunale et du passage à la taxe professionnelle unique.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Réalisation de la ligne ferroviaire
Paris - Orléans - Limoges - Toulouse (POLT)

16. - 26 juillet 2002. - M. Jean-Pierre Demerliat attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur les incertitudes qui pèsent sur la réalisation de la ligne ferroviaire Paris - Orléans - Limoges - Toulouse (POLT). En effet, de nombreuses interventions récentes semblent remettre en cause ce projet au profit du « barreau de liaison Limoges-Potiers ». Or, il est grand temps de passer à la concrétisation du POLT pour poursuivre le désenclavement du département de la Haute-Vienne et de la région Limousin. Plusieurs arguments plaident en faveur du POLT : les délais de réalisation sont beaucoup plus courts que le « barreau de liaison Limoges - Poitiers », le coût est bien moindre et surtout le temps de parcours par Poitiers n'est pas inférieur à celui du POLT et pose le problème de la saturation de l'axe Atlantique et de l'engorgement de la gare Montparnasse. Au-delà des aspects techniques, le POLT constitue un précieux outil d'aménagement du territoire. Par ailleurs, la réussite de la régionnalisation du transport de voyageurs passe par la mise en service le plus rapidement possible du POLT. Enfin, le POLT est tout simplement le trajet le plus court vers Austerlitz, plein centre de Paris, vers Roissy et vers l'Europe du Nord. Il souhaiterait donc connaître la position du Gouvernement sur ce nécessaire outil d'aménagement du territoire qu'est le POLT et être rassuré sur son non-report de réalisation en termes de délais.



ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du lundi 29 juillet 2002


SCRUTIN (n° 68)



sur l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2002, adopté par l'Assemblée nationale.


Nombre de votants : 318
Nombre de suffrages exprimés : 318
Pour : 205
Contre : 113

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Contre : 23.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (20) :

Pour : 13.
Contre : 7. _ MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré et François Fortassin.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (93) :
Pour : 92.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat.

GROUPE SOCIALISTE (83) :

Contre : 83.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (54) :

Pour : 53.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Daniel Hoeffel, qui présidait la séance.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (40) :

Pour : 40.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :

Pour : 7.

Ont voté pour


Nicolas About
Philippe Adnot
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Brigitte Bout
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Philippe Darniche
Robert Del Picchia
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Sylvie Desmarescaux
Yves Détraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kerguéris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Brigitte Luypaert
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean-Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Dominique Mortemousque
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto

Ont voté contre


Nicolas Alfonsi
Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Yvon Collin
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Rodolphe Désiré
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Guy Fischer
François Fortassin
Thierry Foucaud
Jean-Claude Frécon
Bernard Frimat
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber

N'ont pas pris part au vote


MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Daniel Hoeffel, qui présidait la séance.



Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 319
Nombre des suffrages exprimés : 319
Majorité absolue des suffrages exprimés : 160
Pour : 206
Contre : 113

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.

SCRUTIN (n° 69)



sur l'ensemble du projet de loi de finances rectificative pour 2002, adopté par l'Assemblée nationale.


Nombre de votants : 318
Nombre de suffrages exprimés : 318
Pour : 205
Contre : 113

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Contre : 23.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (20) :

Pour : 13.
Contre : 7. _ MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré et François Fortassin.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (93) :
Pour : 92.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat.

GROUPE SOCIALISTE (83) :

Contre : 83.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (54) :

Pour : 53.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Daniel Hoeffel, qui présidait la séance.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (40) :

Pour : 40.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :

Pour : 7.

Ont voté pour


Nicolas About
Philippe Adnot
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Brigitte Bout
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Philippe Darniche
Robert Del Picchia
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Sylvie Desmarescaux
Yves Détraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kerguéris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Brigitte Luypaert
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean-Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Dominique Mortemousque
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto

Ont voté contre


Nicolas Alfonsi
Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Yvon Collin
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Rodolphe Désiré
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Guy Fischer
François Fortassin
Thierry Foucaud
Jean-Claude Frécon
Bernard Frimat
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber

N'ont pas pris part au vote


MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Daniel Hoeffel qui présidait la séance.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification et conformes à la liste de scrutin ci-dessus.