SEANCE DU 17 JUILLET 2002


M. le président. L'amendement n° 9, présenté par M. Souvet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« A. - Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 322-4-6-1 du code du travail, remplacer les mots : "de l'exonération mentionnée" par les mots : "du soutien mentionné".
« B. - Dans la seconde phrase du premier alinéa du même texte, remplacer les mots : "de l'éxonération" par les mots : "du soutien".
« C. - Au début du deuxième alinéa du même texte, remplacer les mots : "L'exonération n'est accordée" par les mots : "Le soutien de l'Etat n'est accordé". »
La parole est à M. le rapporteur. M. Louis Souvet, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 10, présenté par M. Souvet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 322-4-6-1 du code du travail, après les mots : "trois années au plus", insérer les mots : ", le cas échéant de manière dégressive," ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Il est prévu dans le texte que le soutien sera accordé pour une durée maximale de trois ans et que son montant sera réduit de moitié la troisième année. Dans un souci de sécurité juridique, il est nécessaire de prévoir expressément dans la loi une possibilité de dégressivité dans le temps.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par M. Souvet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« A la fin de la première phrase du premier alinéa du texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 322-4-6-1 du code du travail, supprimer les mots : ", pour leurs établissements employant au plus deux cent cinquante salariés".
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet rapporteur. En proposant de supprimer le seuil limitant la mesure aux établissements de moins de 250 salariés, nous souhaitons évidemment en élargir le bénéfice à l'ensemble des entreprises, de manière à renforcer la portée et l'efficacité du dispositif.
Plusieurs raisons militent en ce sens.
Les moyennes et grandes entreprises sont bien armées pour accueillir dans les meilleures conditions les jeunes les moins qualifiés. Elles sont en effet à même de leur offrir de vraies perspectives d'insertion professionnelle, car elles peuvent plus facilement organiser un accompagnement du jeune dans l'entreprise, grâce, notamment, au tutorat à l'accompagnement social.
Elles peuvent aussi plus aisément renforcer le contenu du contrat en termes de formation. On sait que les possibilités d'accès à la formation sont plus fortes dans les grandes entreprises. En outre, celles-ci recourent moins que les PME aux formations en alternance et à l'apprentissage, ce qui réduit d'autant les risques de télescopage entre ces dispositifs d'insertion.
Enfin, le seuil retenu soulève une difficulté d'ordre juridique : il risque d'introduire une rupture d'égalité entre les entreprises selon qu'elles sont organisées ou non en établissements. La suppression du seuil lèvera cette difficulté.
La commission en appelle au réalisme. Si nous voulons vraiment donner une seconde chance aux jeunes les plus en difficulté, il faut leur ouvrir toutes les portes.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. J'ai indiqué tout à l'heure les raisons qui avaient conduit le Gouvernement à retenir le seuil de 250 salariés et j'ai souligné sa volonté de privilégier les petites et moyennes entreprises grâce à ce dispositif.
Je ne peux pas nier que j'approuve les arguments avancés par M. le rapporteur, notamment celui qui concerne la rupture d'égalité entre les entreprises en fonction de leur mode d'organisation et plus encore celui selon lequel les grandes entreprises peuvent mieux accompagner les jeunes et peut-être leur offrir, à terme, des perspectives de formation plus importantes.
Je m'en remets donc à la sagesse du Sénat.
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 11.
M. Guy Fischer. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Il serait tout de même intéressant de connaître le coût d'une telle extension du dispositif à l'ensemble des entreprises. On peut d'ailleurs se demander si l'article 40 de la Constitution n'aurait pas dû être invoqué.
M. Alain Gournac. Le Gouvernement fait ce qu'il veut !
M. Guy Fischer. Monsieur Gournac, vous qui avez tant le souci des finances publiques, reconnaissez au moins que la question mérite d'être soulevée !
Quoi qu'il en soit, j'exprime le profond désaccord des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen sur cet amendement.
Nous comprenons tout à fait que les PME puissent faire l'objet d'une attention particulière et bénéficier de dispositions ciblées dans la mesure où elles n'ont pas les mêmes facilités de trésorerie que les grands groupes.
De plus, en raison des conditions de travail difficiles, voire déplorables, et de la faiblesse des salaires dans certains secteurs, les petites entreprises rencontrent d'indéniables difficultés de recrutement. C'est d'ailleurs pourquoi nous avançons des propositions pour alléger leurs charges financières.
Faisant vôtre l'hypothèse selon laquelle les effets d'aubaine pourraient aller croissant avec la taille de l'entreprise, vous avez, monsieur le ministre, défendu en commission le choix du seuil de 250 salariés.
Au demeurant, ce seuil nous paraît déjà élevé. Il permet en particulier aux entreprises dépendant d'un grand groupe de bénéficier de ce nouveau contrat aidé.
Il reste que, en supprimant le seuil, la commission des affaires sociales touche à l'économie générale de votre texte. Si l'amendement est adopté, il ne sera plus possible de défendre l'idée d'une mesure ciblée. On va retomber dans les travers dénoncés en 1999 par la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les pratiques des groupes nationaux et multinationaux industriels concernant l'emploi.
Ce sont les grandes entreprises, les groupes, qui bénéficient déjà, pour l'essentiel, des aides sous forme d'exonération de cotisations sociales sans contreparties réelles, et elles seront une fois de plus les premières à s'engager dans le nouveau dispositif.
Dans ces conditions, nous voterons contre cet amendement, qui généralise un nouveau type d'exonération de charges sociales patronales. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Alain Gournac. Vous avez tort !
M. Jean-Pierre Godefroy. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. A peu près pour les mêmes raisons que notre collègue Guy Fischer, nous nous opposerons à cette proposition du rapporteur.
Devant la commission des affaires sociales, monsieur le ministre, vous avez bien dit que le seuil de 250 salariés avait fait l'objet d'un très large débat. Vous avez vous-même indiqué que plus l'entreprise était grande plus l'effet d'aubaine était un risque.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il a dit que c'était une hypothèse !
M. Jean-Pierre Godefroy. Ce seuil nous semblait intéressant car, dans les petites et moyennes entreprises - cela étant, une entreprise de 250 salariés c'est déjà une entreprise d'une certaine importance -, les relations présentent un caractère de proximité dont les jeunes en difficulté peuvent effectivement tirer un bénéfice.
Comme l'a dit Guy Fischer, cette extension de la mesure soulève un problème de coût. Si un effet d'aubaine peut déjà exister avec un seuil de 250 salariés, les conséquences seront nécessairement accrues pour le budget de l'Etat en l'absence de tout seuil.
En outre, monsieur le ministre, le cumul des aides peut avoir un effet dévastateur pour les grands groupes, notamment en matière de délocalisation : si l'on cumule les aides pour l'emploi des jeunes de seize à vingt-deux ans avec les aides régionales, départementales et locales, on risque d'encourager des déséquilibres géographiques extrêmement dangereux. Nous voterons donc contre cet amendement.
Enfin, permettez-moi, monsieur le ministre, de vous poser une question au sujet des employeurs de pêche maritime. Vous savez que, pour embarquer sur un navire, il faut soit être élève dans un lycée maritime - mais ceux-ci n'ont pas la possibilité de former des jeunes âgés de plus de dix-huit ans -, soit obtenir un certificat d'instruction de navigation, qui ne peut être délivré qu'à partir de vingt-deux ans, après douze semaines de formation. Il existe donc un vide juridique pour les jeunes de dix-huit à vingt-deux ans dans les métiers de la pêche.
Je ne vous demande pas, bien sûr, une réponse immédiate, monsieur le ministre, mais il faudra, si la loi est votée - ce que l'on peut supposer -, que ce problème soit réglé.
M. Gérard Delfau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, j'ai envie de vous dire : « Défendez votre texte ! » (M. le ministre sourit.)
Votre projet de loi est intéressant à double titre.
Tout d'abord, il cible les jeunes sans qualification. Pour cette raison, vous nous avez sentis, nous, membres de la minorité sénatoriale,...
M. Louis Souvet, rapporteur. Et nationale !
M. Gérard Delfau. ... attentifs et partagés quant au vote que nous émettrons en fin de débat.
Encore faut-il que le texte que vous nous proposez ne soit pas défiguré en cours de route ! En effet, la mesure prévue cible par ailleurs les très petites, les petites et les moyennes entreprises. C'est d'ailleurs une question de justice, l'argent de la nation doit aller d'abord vers ces entreprises qui, quelles que soient les possibilités offertes par les textes législatifs et réglementaires, ont beaucoup de mal à bénéficier des mesures prises en matière de politique du travail.
Que propose la commission ? Permettez-moi de prendre un exemple afin de mieux me faire comprendre : dans mon bassin d'emploi de cent mille habitants, je sais - je suis maire d'une des communes de ce bassin - qu'aucun établissement n'emploie plus de 180 salariés. Si l'amendement qui nous est soumis est adopté, que va-t-il se passer ? Après un important effort d'information - c'est du moins à espérer - le réseau des très petites entreprises, qui est le seul réseau existant, réagira et déposera des demandes auprès de la direction départementale du travail. On lui répondra que le budget affecté à ce type de mesures est déjà dépensé, au profit des très grosses entreprises car - il faut le reconnaître, monsieur le rapporteur - au sein de régions qui bénéficient d'une implantation industrielle ancienne, ces entreprises ont une grande habitude de ces aides.
Voilà pourquoi, monsieur le ministre, je vous le demande : défendez votre texte, ne le laissez pas dénaturer par la majorité du Sénat. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Il est assez réconfortant d'entendre les déclarations qui viennent d'être faites sur les travées de l'opposition par M. Godefroy et, surtout, par M. Delfau. En effet, en définitive, monsieur le ministre, nos collègues font le pari de la réussite de votre projet, au point de craindre que le Gouvernement ne parvienne pas à mobiliser les moyens financiers suffisants pour assurer son succès ! (Sourires.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Eh oui !
M. Alain Vasselle. Que voulez-vous, mes chers collègues de l'opposition : que ce projet réussise ou qu'il échoue ?
M. Gérard Delfau. Qu'il réussisse !
M. Alain Vasselle. Dans ce cas, suivez plutôt les propositions de la commission ! Au demeurant, M. le ministre ne s'est pas tant fait tirer l'oreille pour comprendre que l'intérêt du Gouvernement était, précisément, d'aller dans la direction proposée par la commission des affaires sociales !
J'ai été moi-même tout à fait séduit, à la première lecture du texte qui nous est proposé, par son contenu. En effet, monsieur le ministre, qui aurait pu critiquer une initiative gouvernementale tendant à favoriser le réseau des petites et moyennes entreprises plutôt que celui des grandes entreprises ? Au premier abord, on pouvait donc considérer que ce projet s'engageait sur la bonne voie.
M. Gérard Delfau. Et au deuxième abord ?
M. Alain Vasselle. Je ne sais pas, mes chers collègues de l'opposition, si vous avez l'expérience de l'entreprise.
Mme Annick Bocandé. Oh oui !
M. Guy Fischer. Mais nous ne sommes pas de votre côté : nous, nous sommes exploités !
M. Alain Vasselle. Dieu merci, grâce au président Poncelet, nous avons la faculté, si nous le souhaitons, de suivre des stages en entreprise.
M. Gérard Delfau. On ne vous a pas attendu, monsieur Vasselle !
M. Alain Vasselle. Ces stages d'immersion en entreprise sont tout à fait utiles pour notre culture politique et économique.
Personnellement, mes chers collègues, je pensais donc, au premier abord, à l'instar du Gouvernement, qu'il fallait privilégier plutôt ces petites unités. Or, très rapidement, une consultation sur le terrain, auprès de chefs d'entreprise, m'a convaincu du contraire. Ainsi, je déjeunais pas plus tard que ce midi avec un cadre supérieur d'Essilor, entreprise dont vous dites que, parce qu'elle est relativement importante, elle risque d'exploiter l'effet d'aubaine d'une telle mesure.
Comme je l'interrogeais sur la pertinence de ce projet de loi, sa réponse a confirmé mes craintes : il n'est pas certain, selon lui, que cette proposition génère plus d'avantages que de difficultés, surtout si l'entreprise est de petite taille. En effet, pour accueillir un jeune en difficulté dont le niveau de formation est inférieur au baccalauréat, l'entreprise devra lui consacrer un temps non négligable pour l'initier, pour lui redonner le goût au travail, ce qui supposera une formation, de l'encadrement, de l'accompagnement, voire la mise en place d'une formule de tutorat, comme l'ont envisagé certains de nos collègues.
Je pense, monsieur le ministre, qu'il vous fallait éviter deux écueils. Le premier est d'ordre financier, et, à mon avis, il y a peu de chances que nous y soyons confrontés. Le second, c'est de voir ce projet échouer faute de rencontrer l'adhésion d'un suffisamment grand nombre d'entreprises pour accueillir les jeunes concernés.
Je fais, comme vous, le pari de la réussite, mais, monsieur le ministre, je suis persuadé que le Gouvernement et l'ensemble de la collectivité nationale devront conduire une action de sensibilisation et de communication très forte auprès des chefs d'entreprise pour leur faire comprendre qu'ils feront leur devoir civique, leur devoir de citoyen s'ils aident le Gouvernement à sortir de l'ornière des jeunes qui y sont depuis très longtemps.
Merci, donc, et bravo au Gouvernement de s'intéresser à ces publics jeunes et de faire des propositions concrètes. Quant à nous, gauche et droite réunies, nous devons faire le pari de la réussite ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Exclamation sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Jean Chérioux.
M. Jean Chérioux. Monsieur le président, nous vivons un grand moment : c'est la première fois, en vingt-cinq ans, que j'entends les représentants du groupe communiste invoquer presque l'article 40 de la Constitution et s'inquiéter des conséquences financières d'un projet de nature sociale ! Cela restera inscrit dans les annales du Sénat ! (Sourires.)
M. Guy Fischer. Nous avons le souci des finances publiques, monsieur Chérioux !
M. Jean Chérioux. J'ai aussi entendu - et c'est encore un grand moment ! - un collègue socialiste venir en aide au Gouvernement en lui demandant de défendre son projet contre la commission des affaires sociales.
M. Guy Fischer. Elle le dévoie !
M. Jean Chérioux. En réalité, mes chers collègues, il ne s'agit pas ici d'aider les entreprises, car ce texte vise essentiellement à réduire le nombre des chômeurs...
Mme Marie-Claude Beaudeau. On a déjà essayé, cela n'a pas réussi !
M. Jean Chérioux. ... et à permettre à des gens qui sont en très grande difficulté de travailler. L'essentiel réside non pas dans l'aide financière qui sera apportée aux entreprises, mais dans la possibilité qui sera offerte à des jeunes exclus du marché du travail de trouver un emploi.
Ces actions, nous le savons, concernent 60 000 jeunes par an. Alors, ne parlons pas du risque de dérive, d'autant qu'il y a une limite d'âge.
Comme je l'ai dit en commission à M. le ministre, j'espère que les partenaires sociaux s'entendront pour inciter les gandes entreprises à engager des actions spécifiques de formation et de tutorat en faveur de ces jeunes, qui ne pourront pas tous être embauchés dans les entreprises de moins de 250 salariés. Un refus de leur part serait en effet préjudiciable.
M. Jacques Legendre. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre.
M. Jacques Legendre. J'étais a priori plutôt favorable au maintien de la disposition initialement envisagée par le Gouvernement. Lorsqu'il s'agit d'aider les jeunes, il faut effectivement ne pas hésiter à faire un effort financier important, mais il faut utiliser l'argent de la manière la plus efficace et ne pas risquer de créer l'effet d'aubaine dont on a parlé : quand M. le ministre nous dit que les grandes entreprises peuvent être plus tentées par cette mesure que les petites entreprises, c'est un argument qui retient mon attention.
A l'issue du débat qui vient d'avoir lieu, je suis, je l'avoue, un peu plus perplexe. Nous parlons en effet de jeunes dont la culture générale est faible, de jeunes qui n'ont pas le niveau du baccalauréat, de jeunes qui n'ont pas une formation professionnelle importante. Par conséquent, la question est peut-être moins de savoir si l'on impose un seuil de 250 salariés que de savoir quelles entreprises vont avoir besoin de jeunes peu formés professionnellement, avec un niveau de culture générale faible.
M. Alain Vasselle. Tout à fait !
M. Jacques Legendre. Ce qui me choquerait, c'est qu'il n'y eût pas, dans un bassin d'emplois, suffisamment de postes dans les petites et moyennes entreprises pour les jeunes susceptibles de bénéficier de cette mesure, alors que, dans le même temps, des entreprises de plus de 250 salariés, qui pourraient employer les intéressés, seraient exclus du dispositif.
J'avoue qu'au cours de la discussion ma réflexion a évolué et, en ce qui me concerne, je me rallierai à l'amendement proposé par la commission.
M. Eric Doligé. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Eric Doligé.
M. Eric Doligé. Ce débat sur l'effet d'aubaine me gêne un peu et je crois qu'il faut regarder la réalité économique en face. Lorsqu'une entreprise embauche ou licencie, en général, c'est parce qu'elle a besoin de vivre ! J'ai ainsi entendu hier un ministre nous expliquer qu'une entreprise avait une durée de vie moyenne de quarante ans : elle vit, elle meurt, elle rencontre des difficultés ; par conséquent, elle n'embauche ni ne licencie pour des effets d'aubaine ou pour le plaisir, elle doit être viable et fonctionner.
Aujourd'hui, nombre d'entreprises cherchent des salariés, contrairement à ce que certains peuvent penser. Lorsqu'on est sur le terrain, on s'aperçoit ainsi que l'on manque de salariés dans bien des domaines.
Permettre à des jeunes, dans des conditions économiques favorables à la fois pour eux et pour les entreprises, de trouver un emploi à durée indéterminée en favorisant leur accès au travail, c'est le meilleur service qui puisse être rendu à chacun.
L'amendement qui nous est proposé répond aux besoins des entreprises et des jeunes. Ne parlons donc plus d'effet d'aubaine ! Si l'entreprise et l'économie peuvent tirer profit d'une telle mesure, tant mieux ! Or je pense que ce dispositif profitera et aux entreprises et aux jeunes. Ne nous laissons pas aller à la passion politique ! Nous sommes là pour résoudre un problème, et le Gouvernement nous propose une solution. Acceptons-la et cessons de tourner autour du pot ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. La commission, à la demande de son rapporteur, n'a fait qu'aller dans le sens souhaité par le Gouvernement : placer le jeune et son emploi au coeur du dispositif proposé. Débattre pour savoir si telle ou telle entreprise doit entrer dans le dispositif est hors sujet, la question est la suivante : comment placer ces jeunes en situation d'être embauchés ? Telle est notre préoccupation, du premier amendement jusqu'au dernier.
Je veux également rassurer M. Fischer. Il est vrai que ce dispositif a un coût, mais nous avons pris une précaution qui, curieusement, ne lui a pas sauté aux yeux : nous avons supprimé les emplois à temps trop partiel qui risquaient de créer des effets d'aubaine et de coûter très cher parce qu'ils pouvaient se multiplier à l'infini. Nous avons, à cet égard, fait faire des économies.
Nous avons toujours le souci du jeune lui-même. Nous ne voulons pas qu'il soit exploité par des emplois à temps trop partiel. Nous souhaitons aussi que chaque possibilité d'embauche soit attribuée au jeune.
Loin d'être un effet d'aubaine, ce dispositif constitue donc une chance considérable pour les jeunes. (Très bien ! sur les travées du RPR).
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. M. Delfau me demande de défendre « mon » texte.
M. Gérard Delfau. C'est normal !
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je lui ai dit tout à l'heure que nous, nous allions faire preuve d'humilité. Ce n'est pas « mon » texte. Nous sommes en train ensemble - c'est vous les législateurs - d'élaborer, sur une proposition du Gouvernement, un dispositif dont l'objectif est, d'abord, de réinsérer des jeunes dans la vie professionnelle.
M. Eric Doligé. Absolument !
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il est exact que, au sein du Gouvernement, nous avons débattu de la question de la taille des entreprises éligibles à ce contrat sans charges. J'ai d'ailleurs dit, devant la commission, que, selon certains, l'effet d'aubaine pouvait croître avec la taille de l'entreprise. J'ai dit « selon certains », parce que je n'en suis pas intimement convaincu et que personne ne m'en a apporté la démonstration.
Cette question de la taille des entreprises éligibles aux exonérations de charges pour l'emploi de jeunes est posée depuis longtemps. Ainsi, dans le dispositif exo-jeunes élaboré par Mme Aubry, le seuil était de 500. Il n'était pas fixé à 250, mais il n'était pas complètement libre non plus ! C'est dire s'il est difficile de trancher cette question et, surtout, d'accepter des arguments aussi définitifs que ceux que j'ai entendus tout à l'heure.
L'élargissement du nombre d'entreprises visées se traduira, je l'espère, par une augmentation du nombre des contrats. Mais on ne peut pas dire de combien exactement. On peut simplement dire que la cible visée passerait de 200 000 à 300 000 jeunes et que le coût global de la mesure pourrait croître d'un tiers environ.
Je voudrais maintenant rassurer M. Delfau : cette mesure n'est pas contingentée. Il n'y aura donc pas, dans les territoires, de limitation liée à la demande venant des grandes entreprises.
Enfin, si je suis, comme d'autres, sensible aux argumetns qui ont été évoqués par la commission, c'est parce que je crois que, avant de s'interroger sur l'éventuel effet d'aubaine pour les grandes entreprises, il faut s'interroger sur le nombre de jeunes qui pourraient sortir de la précarité grâce à la suppression de ce seuil.
D'une certaine manière, le débat que nous venons d'avoir me fait plutôt pencher maintenant dans le sens des arguments de la commission alors que j'avais encore quelques réserves à leur égard il y a quelques instants. (Applaudissements sur les travées du RPR) .
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 12, présenté par M. Souvet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Dans le troisième alinéa (1°) du texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 322-4-6-1 du code du travail, remplacer le mot : "cause" par le mot : "motif". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. C'est un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 27, présenté par MM. Charasse, Chabroux, Cazeau, Domeizel et Godefroy, Mme Printz et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
« Dans le troisième alinéa (1°) du texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 322-4-6-1 du code du travail, remplacer les mots : "dans les six mois", par les mots : "dans l'année". »
La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Après un licenciement économique, l'employeur ne peut en principe réembaucher sur le même poste que si un délai d'au moins six mois s'est écoulé.
Nous souhaiterions porter ce délai à un an parce que l'exonération des charges est une mesure d'une indéniable attractivité pour les entreprises. Il s'agit là, selon nous, d'une garantie supplémentaire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Nous estimons que cet amendement a été déposé dans le souci louable de venir le plus vite possible en aide à ceux qui sont susceptibles de bénéficier de cette mesure.
Cependant, il semble à la commission qu'il pourrait avoir des effets pervers importants. On peut craindre en effet que des entreprises ne soient conduites à embaucher dans le cadre d'un CIE, ou contrat initiative-emploi, qui offre de plus faibles perspectives d'insertion pour les jeunes.
C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.
Vous avez bien compris, monsieur le sénateur, que notre objectif était d'offrir aux jeunes un contrat de droit commun. Cet amendement vient durcir les conditions d'éligibilité au soutien de l'Etat, alors que la période retenue traditionnellement pour tous les dispositifs d'aide à l'emploi est de six mois.
Pour lever les craintes de l'opposition sénatoriale, je voudrais lui rappeler que, dans la mesure « exo-jeunes », le délai était de quatre mois.
M. Jacques Legendre. Intéressant !
M. Gilbert Chabroux. C'est vrai !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 27.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 13, présenté par M. Souvet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« A la fin du troisième alinéa (1°) du texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 322-4-6-1 du code du travail, remplacer les mots : "de l'intéressé", par les mots : "du salarié". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. C'est un amendement de précision qui vise à respecter la terminologie du code du travail.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 28, présenté par MM. Charasse, Chabroux, Cazeau, Domeizel et Godefroy, Mme Printz et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
« Compléter le quatrième alinéa (2°) du texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 322-4-6-1 du code du travail par les mots : "ainsi que de ses impôts" ».
La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Cet amendement se justifie par son texte même.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement créerait, si nous l'adoptions, une complexité de gestion évidente, car ni les ASSEDIC ni la direction départementale de l'emploi et de la formation professionnelle, qui gèrent et contrôlent le dispositif, n'ont d'informations - et c'est bien naturel - sur la situation fiscale de l'entreprise.
Dans ces conditions, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 28.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 14, présenté par M. Souvet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Au début du dernier alinéa (3°) du texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 322-4-6-1 du code du travail, remplacer les mots : "L'intéressé n'a pas été employé dans son entreprise" par les mots : "Le salarié n'a pas travaillé chez l'employeur". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 15, présenté par M. Souvet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Dans le dernier alinéa (3°) du texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 322-4-6-1 du code du travail, après les mots : " à durée déterminée " insérer les mots : " ou d'un contrat de travail temporaire ". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement prévoit explicitement que l'employeur peut recruter, avec le soutien de l'Etat, les intérimaires qui travaillaient chez lui à échéance de leur contrat.
Le texte initial entretenait, je crois, une certaine confusion sur ce point. Or, monsieur le ministre, on voit mal pourquoi cette possibilité serait ouverte pour les seuls CDD. Si l'objectif du texte est de lutter contre la précarité, il est logique d'autoriser les intérimaires à bénéficier de ce dispositif.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. l'amendement n° 36, présenté par M. Delfau, est ainsi libellé :
« Après le 3° du texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 322-4-6-1 du code du travail, insérer un alinéa 4° ainsi rédigé :
« ...° L'employeur assure à l'intéressé une formation professionnelle permanente prévue à l'arti-cle L. 900-1. »
La parole est à M. Gérard Delfau. M. Gérard Delfau. Avec cet amendement, nous abordons le point qui fait débat depuis la discussion générale et le fait que nous n'acceptons pas que des jeunes peu qualifiés entrent dans le monde du travail sans qu'on les incite de toutes les façons possibles à poursuivre une formation professionnelle qualifiante qu'ils ont interrompue prématurément.
Nous entendons bien l'argument que vous nous opposez, monsieur le ministre, et qui est valable : ces jeunes sont déjà en situation d'échec scolaire ; leur imposer de revenir à l'école d'une façon ou d'une autre cela risquerait de les inciter à ne pas accepter ce poste de travail et ce type de contrat.
Ce raisonnement nous paraît cependant trouver tout de suite sa limite. Nous voudrions donc - et mon amendement pourrait être rédigé autrement - inciter les employeurs à offrir à ces jeunes une formation professionnelle.
Faute de cet élément, nous estimons que ce projet de loi contient un élément de déséquilibre et fait courir à certains salariés le risque d'être tout au long de leur vie insuffisamment formés et donc sous-payés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Monsieur le président, nous nous sommes déjà longuement expliqués sur ce sujet : la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, je me suis expliqué tout au long du débat sur la philosophie qui inspire ce texte et cette mesure : les jeunes bénéficieront en tout état de cause des mesures de formation accessibles à l'ensemble des salariés de l'entreprise, parce que c'est un contrat de droit commun.
Les groupes de l'opposition du Sénat ne mesurent peut-être pas assez à quel point les jeunes seront sensibles au fait qu'on leur offre, peut-être pour la première fois, un dispositif qui ne soit pas d'exception, un dispositif de droit commun : le contrat de travail à durée déterminée, sans restriction sur le niveau de salaire. Je pense que ce point est extrêmement important sur le plan psychologique et qu'il justifie que le Gouvernement demande au Sénat de rejeter cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 36.
M. Jacques Legendre. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre.
M. Jacques Legendre. Monsieur le président, mes chers collègues, je suis particulièrement sensible à toute demande en matière de formation professionnelle. Je crois d'ailleurs que nous souhaitons tous que les jeunes puissent bénéficier d'une qualification professionnelle. Mais n'oublions pas, une fois encore, le point dont nous partons : il s'agit du noyau de jeunes que, malgré tous ses efforts, l'école ne parvient pas à scolariser véritablement, à amener à un niveau de formation générale suffisant et à un début de qualification professionnelle.
Avec ce texte, nous leur donnons la possibilité d'entrer dans l'entreprise malgré ce handicap, dans une situation d'embauche normale, avec un contrat de travail à durée indéterminée.
L'aubaine dont on parlait tout à l'heure est donc d'abord pour ces jeunes. Pour eux, c'est une vraie aubaine ! Nous souhaiterons sûrement tous qu'ils puissent bénéficier ensuite, comme tout salarié qui a un contrat de travail normal dans une entreprise, de l'un des dispositifs de formation permanente en place.
Je souligne toutefois que, puisqu'ils n'ont pas de formation rationnelle, l'entreprise devra leur assurer tout de suite la formation nécessaire à leur poste de travail. Ensuite, grâce à des mesures dont nous débattions encore récemment au Sénat sous le gouvernement précédent et qui ont été votés, ils pourront bénéficier du dispositif de validation des acquis de l'expérience.
Je souhaite toutefois, comme vous, monsieur Delfau, qu'ils bénéficient ensuite d'un dispositif permanent.
J'ajoute, mon cher collègue, que j'ai relevé une contradiction dans vos propos : d'un côté, vous nous dites qu'il faudrait « inciter les employeurs » et, de l'autre, dans l'objet de votre amendement, vous écrivez qu'il faut « obliger les employeurs ».
Je dis oui à l'incitation, mais non à l'obligation, d'autant qu'il s'agit de faire bénéficer des jeunes d'une chance unique : entrer dans une entreprise comme tout le monde, et avec un contrat de travail à durée indéterminée.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 36.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L. 322-4-6-1 du code du travail.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE L. 322-4-6-2 DU CODE DU TRAVAIL