SEANCE DU 10 JUILLET 2002


CONVENTION D'ÉTABLISSEMENT
AVEC LE SÉNÉGAL

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 31, 2001-2002) autorisant l'approbation de la convention d'établissement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal. [Rapport n° 298 (2001-2002).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la France a entrepris, à partir de 1991, de renégocier tous les accords en matière de séjour et d'établissement des personnes signés avec douze pays francophones d'Afrique subsaharienne dans les années 1960-1970.
Ces accords étaient, en effet, devenus très dérogatoires au droit commun du fait de la généralisation de l'obligation de visa intervenue en 1986 et des modifications successives de l'ordonnance de 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France.
De même, ils se révélaient de moins en moins compatibles avec nos engagements communautaires pris à la suite de la convention de Schengen de 1990.
La renégociation avec le Sénégal visait à actualiser deux accords conclus en 1974 en matière de séjour et d'établissement, qui avaient eux-mêmes remplacé des textes remontant à la période des indépendances africaines.
Dans un premier temps, une nouvelle convention sur la circulation et le séjour, qui institue principalement l'obligation de visa de court et de long séjour, a été signée à Dakar le 1er août 1995. Cet instrument, approuvé par la France en 1997, est finalement entré en vigueur le 1er avril 2002.
Il a été suivi par une nouvelle convention d'établissement, signée le 25 mai 2000, dans le cadre de la première visite en France du président Abdoulaye Wade. Celle-ci place les ressortissants sénégalais établis en France dans la situation du droit commun des étrangers, tout en maintenant un cadre conventionnel spécifique qui témoigne de l'attachement français au caractère privilégié de ses relations avec ce grand partenaire africain. Naturellement, l'établissement d'un cadre juridique sûr et stable bénéficiera, au titre de la réciprocité, aux nationaux français établis au Sénégal.
La convention garantit aux ressortissants de chaque Etat amenés à résider dans l'autre Etat une égalité de traitement en matière d'exercice des libertés publiques, le droit d'entrer et de sortir librement ainsi que de s'établir dans le lieu de leur choix. Ce texte contient la réserve habituelle concernant le maintien de l'ordre public, la protection de la santé et de la sécurité publiques.
Les ressortissants de chaque Etat bénéficient également dans l'Etat d'accueil de l'égalité de traitement en matière d'accès aux juridictions, d'exercice des droits à caractère patrimonial et de la protection de leurs biens et intérêts. Ils peuvent accéder aux professions salariées et non salariées, sauf dérogation justifiée par la situation économique et sociale de l'Etat d'accueil. L'accès aux professions libérales suppose de remplir les mêmes conditions que celles qui sont exigées des nationaux de l'Etat d'accueil.
L'accord interdit toute mesure arbitraire ou discriminatoire à l'encontre des biens et intérêts d'un ressortissant de l'une des parties établi sur le territoire de l'autre, y compris en cas d'expropriation ou de nationalisation. Ces cas sont clairement précisés et il est désormais stipulé que l'indemnisation versée doit être à la fois juste et préalable.
Par ailleurs, chaque Etat se réserve le droit de décider l'expulsion de son territoire d'un ressortissant de l'autre Etat, sa seule obligation étant d'informer sans délai, et non plus de manière préalable, les autorités compétentes de l'autre Etat.
Enfin, l'accord garantit la reconnaissance par chacune des parties de la personnalité juridique des sociétés civiles et commerciales légalement constituées sur le territoire de l'autre partie.
L'importance de la convention du 25 mai 2000 se mesure à la dimension des communautés concernées : les ressortissants sénégalais titulaires d'une autorisation de séjour sont actuellement plus de 40 000 et constituent la première communauté d'Afrique subsaharienne représentée en France ; symétriquement, les ressortissants français sont estimés à plus de 20 000 personnes et constituent la première communauté étrangère établie au Sénégal.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle la convention d'établissement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal, qui fait l'objet du projet de loi soumis aujourd'hui à votre approbation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les dispositions de la convention d'établissement qui viennent de nous être présentées par M. Renaud Muselier avec beaucoup de concision, mais je souhaiterais évoquer la situation de celles et de ceux qui sont appelés à bénéficier des droits ouverts par ce texte, c'est-à-dire les communautés française au Sénégal et sénégalaise en France.
J'articulerai mon propos autour de trois observations.
En premier lieu, il importe de souligner le rôle souvent décisif que les Français établis au Sénégal jouent dans le développement économique de ce pays. Les entreprises françaises assurent plus de la moitié du chiffre d'affaires de l'économie du Sénégal. Malgré un environnement économique souvent difficile, elles sont un vecteur de croissance et de modernisation. L'investissement privé, on l'oublie parfois, constitue une dimension essentielle, au même titre que l'aide publique, de la politique de développement. Aussi cette présence française doit-elle être encouragée, surtout à un moment où les flux d'investissement privé tendent à privilégier d'autres parties du monde.
La convention d'établissement va incontestablement dans le bon sens, car elle garantit à nos chefs d'entreprise installés au Sénégal un droit égal d'accès à la justice ainsi qu'une juste et préalable indemnité dans l'hypothèse de mesures économiques toujours possibles comme l'expropriation ou la nationalisation.
De même - c'est ma deuxième remarque -, la convention apporte des garanties importantes à la communauté sénégalaise établie en France, qui regroupe quelque 40 000 personnes.
Cet instrument juridique doit naturellement être complété par une véritable politique axée sur l'intégration de ces personnes, mais aussi et surtout sur le rôle que les Sénégalais peuvent jouer dans le développement de leur propre pays : c'est pourquoi, à mes yeux, l'approche du codéveloppement, auquel un nouvel élan a été donné en 1998, revêt une importance cruciale. Il s'agit en effet de mobiliser les compétences et l'épargne des migrants installés en France en faveur du développement de leur propre pays, mais aussi d'encourager l'insertion au Sénégal des diplômés ayant effectué leurs études en France.
Comme vous l'avez rappelé, ces objectifs ont été repris dans une convention de codéveloppement signée entre la France et le Sénégal en mai 2000. Il est essentiel que ces orientations puissent rapidement trouver, en concertation avec notre partenaire sénégalais, une traduction concrète.
Le codéveloppement comporte également un autre volet important : la gestion conjointe des migrations afin de prévenir les flux illégaux. D'après certaines estimations, le nombre de clandestins s'élèverait à 40 000 personnes, soit un chiffre comparable à celui des Sénégalais en situation régulière. Ces flux tendent à croître, en particulier sous l'effet de la dégradation de la situation économique du Sénégal, l'un des pays les plus pauvres du monde. Les filières clandestines reposent sur toutes sortes de fraudes. Or nos services consulaires n'ont pas toujours les moyens humains et matériels de déjouer « l'ingéniosité » - si l'on peut dire - des fraudeurs. Mieux organiser l'accueil des étrangers en France en valorisant les compétences et en luttant contre les clandestins, c'est aussi - il faut y insister - renforcer les moyens de nos consulats.
Enfin, en marge de la présente convention, je ne puis passer sous silence la situation des quelque 5 000 anciens combattants sénégalais : la revalorisation des pensions annoncée au début de l'année répondait à une aspiration ancienne et légitime, mais les retards dans la mise en oeuvre de cette mesure ont suscité de réelles impatiences chez les intéressés. Peut-être, monsieur le secrétaire d'Etat, pourrez-vous nous apporter des précisions sur ce point qui, je le sais, est difficile.
C'est un sujet qui me tient à coeur. Je me permets donc d'attirer votre attention et celle de mes collègues sur la situation particulière de ces militaires de carrière qui ont choisi de travailler pour l'Etat français. S'ils avaient été des salariés du secteur privé, ils toucheraient aujourd'hui une retraite normale.
Préoccupons-nous de leur situation qui est bloquée depuis de nombreuses années. Je le disais avant, il y va de la dignité de la France, je continue à le dire aujourd'hui.
M. Didier Boulaud. Très bien !
M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur. Je voudrais une fois encore saluer la force des relations entre la France et ce pays qui, par sa stabilité et la vitalité de sa démocratie, a valeur d'exemple en Afrique.
Dans ces conditions, mes chers collègues, au nom de la commission, je ne peux que vous inviter à approuver la présente convention.
M. Guy Penne. Très bien !
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. Monsieur le rapporteur, nous partageons les sentiments qui vous animent à l'égard de ceux qui ont servi la France et son drapeau français, au péril de leur vie.
Aujourd'hui, monsieur le rapporteur, le Sénat va adopter, avec l'accord de la commission, un texte qui constitue un pas important. Mais la situation spécifique des anciens combattants militaires, en particulier du Sénégal, doit être corrigé. Le ministre compétent étudie le dossier.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée l'approbation de la convention d'établissement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal, signée à Paris le 25 mai 2000, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. Je constate que ce texte a été adopté à l'unanimité.

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