SEANCE DU 10 JUILLET 2002


TRAITÉ AVEC L'ALLEMAGNE PORTANT
DÉLIMITATION DE LA FRONTIÈRE

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 288, 2000-2001) autorisant la ratification du traité entre la République française et la République fédérale d'Allemagne portant délimitation de la frontière dans les zones aménagées du Rhin [Rapport n° 276 (2001-2002).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est pour moi un très grand honneur de débuter au Sénat dans la mission qui m'a été confiée par M. le Président de la République, M. le Premier ministre et M. le ministre des affaires étrangères. C'est avec une vive émotion que je m'exprime devant vous pour la première fois. Je tiens à vous remercier, monsieur le président, de la gentillesse de votre accueil. Il est essentiel que nous puissions travailler efficacement ensemble.
Ayant été député pendant près de dix ans, je connais le rôle important du Parlement. Je souhaite que notre collaboration soit fructueuse pour que la démocratie puisse s'exprimer comme elle l'a fait récemment dans les urnes.
Je tiens également à rendre hommage à M. Xavier de Villepin, qui a été président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat pendant près de dix ans. Il a su défendre les intérêts de la France. Je salue également le nouveau président de la commission, en souhaitant que la collaboration avec le ministère des affaires étrangères soit d'une efficacité parfaite pour le bien de notre pays.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, j'en viens au projet de loi autorisant la ratification du traité entre la République française et la République fédérale d'Allemagne portant délimitation de la frontière dans les zones aménagées du Rhin.
La frontière entre la France et l'Allemagne, fort mouvante au cours des siècles, a été définitivement fixée après la Seconde Guerre mondiale et, en particulier, avec la rétrocession de la Sarre en 1959. Il restait cependant à marquer la frontière fluviale, objet du traité signé le 13 avril 2000 à Paris.
La frontière de la France et de l'Allemagne sur le Rhin est définie actuellement par deux accords : le traité de délimitation de 1925 et la convention de 1956 sur l'aménagement du cours supérieur du Rhin entre Bâle et Strasbourg.
Le traité de 1925 définit la frontière du Rhin par l'axe du thalweg, soit « la suite ininterrompue des sondes les plus profondes ». Cette ligne est mouvante et donc incertaine, raison pour laquelle la convention de 1956 a utilisé la ligne médiane continue pour délimiter la frontière entre le barrage de Kembs et Iffezheim.
Le choix de l'axe du thalweg correspondait à l'état du droit international en matière de délimitation fluviale à l'époque de la négociation du traité de 1925. Il répondait à un souci de juste partage : l'axe du thalweg constitue, en effet, le chemin le plus sûr et le plus propice à la navigation. Il ne correspond pas nécessairement à la ligne médiane et il peut très bien être plus proche d'une rive que de l'autre. Or, si la frontière avait été définie par la ligne médiane, le risque existait que la voie la plus facilement navigable reste sous la souveraineté de l'un des deux Etats riverains.
Mais, depuis 1925, le Rhin a été progressivement aménagé, ses rives et le fond du fleuve ont été consolidés. Dès lors, les avantages de l'axe du thalweg ont disparu et il est apparu qu'il présentait plusieurs inconvénients, du fait, notamment, de son caractère mouvant.
Le principal mérite du traité qui vous est soumis aujourd'hui réside dans le fait de remplacer, sur une partie du tracé, une ligne mouvante par une ligne fixe. Le choix de la ligne médiane compensée constitue une amélioration sientifique par rapport à la ligne médiane adoptée en 1956.
Le choix d'une ligne fixe permet de clarifier les compétences entre les Etats dans la mesure où il indique le droit applicable qui est fonction du territoire. L'incertitude concernant la souveraineté qui s'exerçait jusqu'ici pouvait être préjudiciable, par exemple, dans le cas d'une pollution accidentelle du Rhin.
La délimitation selon un procédé moderne et scientifique constitue par conséquent un progrès par rapport à l'application du principe ancien.
Certaines îles ou certains bancs découverts pendant la plus grande partie de l'année vont être partagés par la nouvelle frontière, alors qu'auparavant ils se trouvaient nécessairement d'un côté ou de l'autre de l'axe du thalweg.
Accessoirement, le traité permet de porter plus facilement le tracé sur une carte, la ligne du thalweg n'ayant jamais été portée, de fait, sur les cartes topographiques françaises et allemandes.
Le traité s'applique du kilomètre 222,9 - commune de Breisach et commune de Vogelgrün - au kilomètre 335,7 - commune d'Iffezheim et commune de Beinheim - du fleuve.
Il définit le tracé de la frontière comme la ligne compensée coïncidant avec l'axe du lit moyen du fleuve au xixe siècle.
Des dispositions relatives au marquage de la frontière sur les barrages, ponts et autres ouvrages fixes situés sur le parcours concerné du fleuve sont prévues. Enfin, le texte prévoit l'extinction des dispositions antérieures du traité de délimitation de 1925 et de la convention de 1956 qui contredisent le nouvel accord.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne portant délimitation de la frontière dans les zones aménagées du Rhin qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. André Boyer, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la France et l'Allemagne n'ont plus aucun différend frontalier ; le présent traité a donc pour objet d'apporter des précisions, en remplaçant, sur le Rhin, une ligne traditionnelle pouvant être sujette à des variations, la ligne du thalweg, par une ligne fixe, la ligne médiane. Ce traité, signé le 13 avril 2000, vient ainsi compléter deux traités antérieurs datant de 1925 et de 1956.
Je me limiterai, après l'exposé très complet de M. le secrétaire d'Etat, à quelques observations relatives au droit antérieur et aux dispositions du nouveau traité.
Le texte général, encore aujourd'hui en vigueur, est le traité de 1925. Il rétablissait, à la suite de la Première Guerre mondiale, la frontière de 1870 entre la France et l'Allemagne. Sur le Rhin, selon la coutume internationale, le traité fixait la frontière sur la ligne du thalweg.
Une première exception à cette règle a été créée par la convention bilatérale de 1956 visant à poursuivre de manière concertée l'aménagement du cours du Rhin et à fixer la frontière sur une ligne fixe, médiane des deux rives, sur une partie du cours du fleuve, de Bâle au barrage de Kembs.
La situation actuelle présente quelques inconvénients. Là où la ligne du thalweg reste en vigueur, elle conduit à certaines imprécisions, notamment en matière de souveraineté et de responsabilité en cas d'accident.
Le traité du 13 avril 2000 vise à appliquer cette technique de la ligne médiane fixe sur la quasi-totalité de la frontière : du kilomètre 222,9 du fleuve, à hauteur des communes de Breisach et de Vogelgrun, au kilomètre 335,7, à hauteur des communes d'Iffezheim et de Beinheim. Au nord et au sud, la frontière reste déterminée selon le droit antérieur. Le traité entraînera une actualisation du cadastre, mais aucun propriétaire privé n'est concerné.
Touchant au territoire national, ce traité relève par nature de l'approbation parlementaire. Il revêt toutefois une portée plus technique que politique. Il n'entraînera aucune modification importante de la frontière sur le Rhin, et on ne peut que se féliciter des précisions qu'il apporte.
Je regretterai simplement qu'il n'ait pas un champ d'application un peu plus large, permettant de fixer définitivement l'intégralité de la frontière sur la « ligne médiane » et non plus sur la ligne du thalweg.
L'essentiel reste bien sûr la volonté commune de la France et de l'Allemagne de gérer le fleuve et de fixer la frontière d'un commun accord, en laissant définitivement derrière elles les querelles du passé.
C'est pourquoi, sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous propose, mes chers collègues, d'approuver le présent projet de loi.
M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée la ratification du traité entre la République française et la République fédérale d'Allemagne portant délimitation de la frontière dans les zones aménagées du Rhin, signé à Paris le 13 avril 2000, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. Je constate que ce texte a été adopté à l'unanimité.

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