SEANCE DU 20 FEVRIER 2002


NOM PATRONYMIQUE

Adoption d'une proposition de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi (n° 225, 2001-2002), adoptée par l'Assemblée nationale, relative au nom patronymique. [Rapport n° 244 (2001-2002) et rapport d'information n° 416 (2000-2001).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, un an après son vote par l'Assemblée nationale, la proposition de loi relative au nom patronymique, présentée par Gérard Gouzes, vient devant vous en discussion.
J'avais salué cette initiative qui, en offrant aux parents la possibilité de choisir le nom de leurs enfants, s'inscrivait pleinement dans le cadre de l'action menée par le Gouvernement en faveur de la promotion de l'égalité entre les hommes et les femmes et de la coparentalité au sein de la famille. Nous avions d'ailleurs eu, avec la commission, une discussion fort intéressante à ce sujet.
Le débat ainsi lancé avait toutefois mis en lumière les implications multiples d'une telle réforme, et chacun s'était accordé à reconnaître qu'il fallait se ménager le temps de la réflexion.
Dès la transmission du texte par l'Assemblée nationale, la commission des lois du Sénat l'a étudié avec beaucoup d'attention et a procédé à de nombreuses auditions.
Elle propose aujourd'hui un texte qui, tout en préservant le libre choix des parents, complète largement le dispositif adopté par l'Assemblée nationale. Le Gouvernement entend lui-même améliorer encore ce texte, si tant est que cela soit possible, et plusieurs amendements ont été déposés en ce sens.
Nous sommes sans doute très proches d'un accord, à une réserve près, toutefois, sur laquelle je m'expliquerai dans un instant. Je voudrais au préalable revenir sur la nécessité de la réforme, son économie générale et ses modalités pratiques.
Notre système, fondé sur une conception patriarcale, ne saurait perdurer, et ce pour plusieurs raisons.
Il n'est plus en accord avec l'évolution de notre droit de la famille : le régime applicable à la dévolution du nom ne peut demeurer en dehors d'un mouvement qui a vu écarter la puissance paternelle au profit de l'autorité parentale, instaurer l'égalité des époux dans la gestion patrimoniale, consacrer le divorce par consentement mutuel, affirmer l'égalité des filiations et, enfin, assurer une coparentalité effective.
Il doit prendre en compte l'indépendance acquise par les femmes. Tant que celles-ci portaient de façon quasi systématique le nom de leur mari, il pouvait effectivement apparaître comme l'unique nom de la famille. Aujourd'hui, pour de multiples raisons, de plus en plus de femmes n'entendent plus se conformer à ce qui n'est, il faut le rappeler, qu'un usage. Et, de fait, le nom du père n'est plus d'évidence le nom de la famille.
Plus généralement, la dévolution du nom du père et l'immutabilité des patronymes ne sont plus conciliables avec la pleine reconnaissance de l'individu, de sa liberté, de son autonomie.
Enfin, le droit français est en décalage avec les législations des principaux Etats européens, qui laissent, dans la plupart des cas, une large place à l'expression de la volonté du couple, et l'on peut craindre qu'il n'entre parfois en délicatesse avec la lecture que donne la Cour européenne des droits de l'homme des principes de non-discrimination et de protection de la vie privée.
Le choix fait par l'Assemblée nationale, que vous partagez dans son principe, est celui d'une option librement offerte aux parents, mariés ou non, leur permettant de transmettre à leurs enfants soit le nom du père, soit le nom de la mère, soit le double nom accolé.
Cette démarche de triple option est la plus respectueuse de la liberté et de l'égalité des parents. De surcroît, elle gomme toute différence entre les enfants selon la nature de leur filiation : l'enfant qui portera le nom de sa mère ne sera plus nécessairement un enfant naturel reconnu par sa seule mère, il pourra tout aussi bien être un enfant légitime pour lequel les époux auront fait ce choix ; c'est un point extrêmement important pour notre société.
Les principales limites posées au choix des parents tiennent logiquement ; d'une part, à la nécessaire unité des fratries, qui impose que les enfants nés d'un même couple portent tous le même nom, pendant leur minorité au moins ; d'autre part, à la nécessité de limiter de génération en génération, en cas de choix du double nom accolé, les combinaisons possibles. Ainsi, comme le souhaitait déjà l'Assemblée nationale, vous proposez que les parents qui optent en faveur du double nom ne puissent transmettre à leurs enfants qu'un nom, dans l'ordre qu'ils choisiront.
Je n'insisterai pas, à ce stade, sur la déclinaison de ces principes selon toutes les situations de filiation : légitime, naturelle, ou encore adoptive. Si elle nécessite une mise en conformité minutieuse de plusieurs dispositions du code civil, elle n'appelle pas d'observation de fond particulière. J'indiquerai seulement que, en matière d'adoption simple, le souci de permettre à l'enfant adopté de conserver dans son nom la marque de sa filiation naturelle et d'y adjoindre celle de sa filiation adoptive doit vraisemblablement prévaloir sur la logique de la triple option.
Reste, mesdames, messieurs les sénateurs, la principale divergence qui oppose la commission des lois du Sénat à celle de l'Assemblée nationale, je veux parler de la solution qui doit être imposée par la loi à défaut d'un choix exprimé par les parents.
L'Assemblée nationale avait, logiquement, à mes yeux, considéré que cette solution par défaut ne pouvait être que le double nom accolé de chacun des deux parents. Elle pose quelques problèmes techniques qu'il faut nécessairement résoudre de façon arbitraire quant à l'ordre de l'accolement et, le cas échéant, quant à la sélection du nom transmis quand les parents portent eux-mêmes un double nom. Elle présente, en revanche, l'incontestable avantage de la neutralité de la loi.
La commission des lois du Sénat retient, pour sa part, le nom du père, à défaut d'un choix exprimé par les parents, soit qu'ils n'aient pu exercer ce choix, soit qu'un désaccord persistant les ait opposés.
Cette solution me paraît symboliquement régressive et pratiquement dangereuse.
Je suis entièrement convaincue que, s'agissant de questions de société, la loi se doit d'offrir à nos concitoyens des choix respectant leurs conceptions et leurs manières de vivre. Ainsi, je ne concevrais pas que l'on impose, en dépit de la tradition historique française et de pratiques culturelles profondément ancrées, l'usage systématique du double nom accolé. Il est très probable que le nom du père restera encore, pour des raisons plus ou moins consciemment explicitées, le choix très majoritaire des Français. Et je me garderai bien de porter un quelconque jugement sur ce qui sera fondamentalement un choix personnel, un choix intime.
Pour autant, je ne peux souscrire à l'idée que le législateur, en posant cette règle par défaut, légitimerait, en quelque sorte, comme modèle la primauté du père.
Il serait, du reste, pour le moins paradoxal qu'à l'heure où nous souhaitons tous reconnaître l'égalité au sein de la famille la loi consacre explicitement cette primauté comme elle ne l'avait encore jamais fait. Je rappellerai que l'on chercherait en vain, aujourd'hui, dans le code civil, une règle formelle indiquant que l'enfant légitime prend le nom de son père : cette règle n'existe pas !
De ce seul point de vue, je ne pourrais déjà pas suivre votre proposition, monsieur le rapporteur.
Cependant, cette règle aurait, de surcroît, des effets pratiques très contestables. Car c'est un bien curieux choix que l'on offrirait à un couple quand le père aurait, en tout état de cause, l'assurance que son opposition suffit à lui garantir la transmission de son seul nom. On est, me semble-t-il, très loin de la coparentalité que nous avons tant cherché à faire reconnaître dans le cadre de la proposition de loi sur l'autorité parentale.
Je m'interroge, enfin, sur la compatibilité d'un tel dispositif avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme qui, tout en faisant la part des traditions propres à chacun des Etats membres, a manifesté le souci que des dispositifs récemment mis en place ne soient pas empreints d'une discrimination injustifiée entre les hommes et les femmes. Je vous renvoie, en particulier, à l'arrêt Burghartz contre Suisse du 22 février 1994.
Pour l'ensemble de ces raisons, je ne peux donc souscrire à la solution que la commission des lois du Sénat a arrêtée. Je conçois, toutefois, que l'ordre alphabétique, préconisé par l'Assemblée nationale pour régir, par défaut, l'accolement des noms des deux parents, ne soit pas satisfaisant. Aussi, je vous proposerai, pour ma part, une solution de compromis aux termes de laquelle le double nom accolé qui s'imposerait, à défaut d'un choix des parents, serait nécessairement composé du nom du père, suivi du nom de la mère, dans la limite, pour chacun d'eux, en cas de nom double, du premier nom porté à leur état civil. Cette solution répond à la tradition historique à laquelle vous êtes attachés, mais sans faire de la primauté du père un postulat absolu.
S'agissant de la mise en oeuvre pratique de ce nouveau dispositif, nous avons, je pense, trouvé une solution commode qui repose sur l'inscription du nom de l'enfant dans son acte de naissance, sur la foi d'une déclaration écrite conjointe, établie par ses deux parents.
Il convient de préciser que cette mention, comme toutes les mentions d'état civil, sera purement recognitive, soit du choix des parents tel qu'il résultera de leur déclaration écrite conjointe, soit, le cas échéant, de la solution imposée à défaut de choix par la loi. L'officier d'état civil conserve ainsi son rôle traditionnel limité à la constatation des événements d'état civil dont il dresse l'acte. En particulier, la mention ainsi portée n'aura de validité que pour autant que la déclaration n'aura pas été souscrite de manière frauduleuse au regard de la règle selon laquelle : « le nom dévolu au premier enfant vaut pour les autres enfants communs ». De même, elle n'aura de validité que pour autant que l'état de l'enfant dont la naissance est déclarée sera bien, conformément aux principes du droit international privé rappelés à l'article 3 du code civil, soumis à la loi française.
En cas de méconnaissance de l'un ou de l'autre de ces principes, une rectification de l'acte de naissance pourrait toujours être ordonnée par le président du tribunal de grande instance, en application de l'article 99 du code civil.
Il reste, enfin, à préciser les conditions d'entrée en vigueur dans le temps de cette loi, et c'est sans doute la question techniquement la plus difficile.
Je distinguerai, à cet égard, deux choses : d'une part, l'entrée en vigueur opérationnelle du nouveau dispositif de dévolution du nom ; d'autre part, l'application des nouveaux principes de dévolution du nom aux enfants déjà nés.
Sur le premier point, vous comprendrez aisément que, quels que soient les efforts d'ores et déjà entrepris, une mise en oeuvre opérationnelle immédiate d'une telle réforme ne serait pas réaliste.
Il appartiendra, en effet, aux services d'état civil de rénover profondément leurs pratiques et leurs outils de travail, formulaires et logiciels... En outre, tous les dispositifs, notamment informatiques, de recueil des identités devront être adaptés à ces nouvelles règles de dévolution et, surtout, à l'allongement significatif des noms qu'elles sont susceptibles d'induire, en raison de l'augmentation probable des noms doubles. Ce sera le cas pour le répertoire national d'identification des personnes physiques et les fichiers de police et de gendarmerie, mais aussi pour ceux des caisses de sécurité sociale et de retraite, ou encore pour le registre du commerce et des sociétés ou celui de la publicité foncière.
Je sais que le rapporteur de la commission des lois du Sénat est sensible à cette question et partage avec le Gouvernement le souci de tout mettre en oeuvre pour que l'entrée en vigueur de la loi soit une pleine réussite.
C'est pourquoi, je vous proposerai de différer l'entrée en vigueur de la loi opérationnelle dans un délai de deux ans à compter de sa publication au Journal officiel , étant entendu qu'un dispositif transitoire permettra aux enfants nés entre la date de sa promulgation et la date de son entrée en vigueur de bénéficier rétroactivement du nouveau dispositif.
Plus complexe est la question du sort des enfants nés avant la date d'entrée en vigueur de la loi et des incidences qu'aura la loi nouvelle sur des familles déjà constituées.
L'Assemblée nationale avait pris un parti assez radical : permettre, à titre transitoire, à toute personne née avant la promulgation de la loi, mineure comme majeure, de demander à ajouter à son nom le nom de celui de ses parents qui ne lui a pas transmis le sien.
La commission des lois du Sénat fait sienne cette possibilité d'adjonction, mais exclusivement dans le cadre de la procédure administrative de changement de nom telle qu'elle est actuellement régie par l'article 61 du code civil, ce qui suppose une autorisation par décret.
Ces solutions ne me satisfont pas. Je souhaiterais, tout d'abord, que la question du changement de nom des personnes actuellement majeures ne soit pas immédiatement posée.
J'avais indiqué à l'Assemblée nationale que la modification des règles de dévolution du nom ne pouvait pas être sans incidence sur les règles de changement de nom et qu'en particulier, il n'était ni juridiquement, ni politiquement concevable d'interdire à l'enfant devenu adulte de revenir, en tout ou en partie, sur une liberté que ses parents avaient exercée en son nom.
C'est pourquoi je vous proposerai de prévoir que toute personne à qui le nom de l'un de ses deux parents aura été transmis en application des dispositions de la présente loi pourra, une fois devenue adulte, adjoindre en seconde position le nom de son autre parent, par simple déclaration auprès de l'officier de l'état civil.
En revanche, il serait aujourd'hui tout à fait prématuré d'offrir une telle faculté à l'ensemble de la population française, sans que l'impact effectif d'une telle mesure ait pu être sérieusement pesé par l'ensemble des administrations concernées, des collectivités territoriales comme de l'Etat. Quand la présente réforme aura été adoptée et assimilée, il sera sans doute judicieux de rénover notre procédure administrative de changement de nom, à la lumière de l'expérience alors acquise, et de permettre à des adultes nés sous l'empire de l'ancien régime de dévolution du nom d'adapter leur état civil. Cependant, dans l'intérêt même du succès de la réforme, je me vois contrainte de sérier les priorités.
L'application de la loi nouvelle aux enfants mineurs déjà nés pose des questions d'une autre nature. L'intérêt de ces mineurs se trouve, en effet, directement confronté à celui de leurs frères et soeurs qui naîtront après l'entrée en vigueur de la loi.
J'ai été très attentive aux préoccupations exprimées, notamment, par les associations familiales, quant à la stabilité du nom donné à un enfant dès qu'il a été en âge de se l'approprier et au respect de l'unité de nom d'une fratrie, quels que soient les aléas législatifs.
Je comprends pourtant l'impatience légitime des parents désireux de bénéficier de nouvelles dispositions dont la date d'entrée en vigueur sera nécessairement arbitraire au regard de leur histoire familiale.
Ayant mûrement pesé ces intérêts contradictoires, je pense que la moins mauvaise solution est de n'ouvrir, à titre transitoire, aux familles déjà constituées qu'une double option entre le nom déjà transmis, très majoritairement celui du père, et l'adjonction en seconde position du nom de la mère.
Ainsi, sur déclaration conjointe des parents, l'ensemble des enfants mineurs nés avant la date de publication de la présente loi pourront bénéficier de l'adjonction du nom du parent qui ne leur a pas transmis le sien. Ce choix s'imposera aux enfants à naître du même couple, après l'entrée en vigueur de la loi. Bien entendu, à la génération suivante, les intéressés pourront, selon le nouveau droit commun, transmettre l'un ou l'autre de ces deux noms à leurs propres enfants.
En conclusion, je souhaite renouveler le voeu que j'avais déjà formé, il y a un an, devant l'Assemblée nationale, que soit effectivement introduit un principe de parité, de liberté et d'égalité dans ce qui est la marque à la fois la plus intime et la plus sociale de notre identité, notre nom. Ce serait un très bel acte, pour ces derniers jours utiles de la présente législature. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, mes chers collègues, nous sommes donc saisis de la proposition de loi adoptée le 8 février dernier par l'Assemblée nationale, dont je pensais, à force, qu'elle était devenue l'Arlésienne, madame le garde des sceaux. (Sourires.)
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Eh bien non !
M. Henri de Richemont, rapporteur. En effet, ce texte, inscrit à plusieurs reprises à l'ordre du jour, puis enlevé, sans que nous en soyons responsables, vient maintenant en discussion, à la veille de la fin de la législature. Cela étant, je suis très heureux de cette discussion, et j'espère que nous pourrons trouver un accord qui réponde aux attentes qui sont les vôtres, si tant est qu'il y ait des attentes.
L'Assemblée nationale a effectivement voté un texte qui donne la possibilité aux parents de choisir entre le nom du père et le nom de la mère ou d'accoler les deux noms de famille dans l'ordre de leur choix.
Depuis le Moyen Age, le nom est un facteur d'identification qui rattache l'enfant à la cellule familiale. S'il y a un lien fusionnel naturel entre la mère et l'enfant, le père, en donnant son nom à l'enfant, affiche et proclame sa paternité.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, le texte adopté par l'Assemblée nationale nous conduit à nous poser plusieurs questions : faut-il mettre en place un système de transmission à options au seul bénéfice des parents ? L'enfant devenu adulte peut-il remettre en cause le choix des parents ? A l'heure où la place du père est fragilisée au sein de la famille, est-il souhaitable d'affaiblir le lien qui l'unit par le nom à son enfant ?
Le régime juridique actuel est vieux de huit siècles. Depuis le XIe siècle, l'usage est que les enfants portent le nom du père. La Révolution française a consacré l'usage en posant le principe que le nom doit être immuable. Cependant, la règle selon laquelle les enfants portent le nom du père n'est pas inscrite dans le code civil et se fonde uniquement sur la présomption que tous les juristes connaissent, c'est-à-dire que l'enfant est supposé être l'enfant du père, pater is est . La filiation naturelle, elle, consacre la priorité chronologique, qui constitue la règle de dévolution du nom patronymique.
Je ne vais pas m'attarder sur le problème de l'adoption. Dans le cas d'une adoption plénière, l'adopté reçoit le nom de l'adoptant et, dans le cas d'une adoption simple, l'adopté accole son nom à celui de l'adoptant. Aujourd'hui, c'est le seul cas de double nom.
Vous n'avez pas mentionné - mais il est important de le faire - l'assouplissement qu'a consacré la loi Badinter du 23 décembre 1985 sur le nom d'usage. Madame le garde des sceaux, cette loi, au demeurant intéressante, est complètement inconnue de nos compatriotes et très peu appliquée. Je ne sais même pas si les décrets d'application ont été pris ; s'ils l'ont été, ils n'ont pas fait l'objet d'une grande publicité.
Cette loi permet à tous, majeurs et mineurs, mais, dans ce dernier cas, avec l'accord des parents, d'accoler le nom de la mère à celui du père, sans que le premier se substitue au second. C'est un nom d'usage qui n'est pas transmissible. C'est un peu l'équivalent du statut de la femme mariée.
Les changements de nom sont relativement rares et encadrés de façon limitative par le code civil. Selon l'article 61 dudit code, il faut soit un changement dans le lien de filiation, soit un intérêt légitime. Cette procédure donne au garde des sceaux un pouvoir discrétionnaire, sous le contrôle du Conseil d'Etat. La troisième possibilité est le relèvement du nom des citoyens morts pour la France.
La question que nous nous sommes posée, au sein de la commission, à la suite des auditions auxquelles nous avons procédé, est de savoir quelle est la pratique de nos concitoyens. Il est apparu que le nom du père est largement choisi par les parents des enfants naturels au moment de la naissance. Or, nous le savons, pour les parents qui ne sont pas mariés, l'ordre chronologique prime, puisqu'il n'y a pas d'automaticité de transmission du nom du père comme c'est le cas pour les couples mariés.
Le nom attribué aux enfants naturels est un excellent baromètre des pratiques françaises en la matière. Or, il apparaît que le comportement des Français est influencé par le modèle de la famille légitime. Jusqu'au début des années soixante-dix, près des trois quarts des enfants nés hors mariage portaient le nom de la mère à la naissance. Aujourd'hui, sept enfants naturels sur dix portent le nom du père, le nom des trois autres enfants sur dix enregistrés sous le nom de leur mère étant en outre susceptible d'être modifié ensuite au profit du nom du père, ce qui signifie que le nom maternel est très instable.
Les différentes enquêtes et auditions auxquelles nous avons procédé font apparaître que les enfants nés hors mariage qui portent le nom de la mère sont, en majorité, privés de filiation paternelle. Aujourd'hui, l'attribution du nom maternel reflète donc en fait l'absence du père.
Par ailleurs, depuis la loi de 1972, les couples non mariés peuvent effectuer une reconnaissance prénatale à la mairie. J'ai demandé à mon secrétaire de mairie quel nom était alors attribué à l'enfant : dans ma mairie, c'est à 100 % celui du père. C'est peut-être un peu différent dans les grandes villes mais, dans l'ensemble, les jeunes, alors même qu'ils n'en ont pas l'obligation, donnent donc le nom du père à leur enfant.
Nous nous sommes également penchés sur les pratiques étrangères.
La délégation aux droits des femmes, dont je salue le travail, a relevé que la France, l'Italie et la Belgique étaient en définitive des exceptions.
Ainsi, en Grande-Bretagne, la liberté en matière de transmission du nom est totale. Les mineurs, comme les majeurs, peuvent porter le nom de leur choix et en changer. De même, en Allemagne, les parents ont la possibilité de choisir le nom de famille de leur enfant.
L'Espagne, quant à elle, a adopté le régime du double nom.
Or, que constate-t-on, madame le garde des sceaux ? En Grande-Bretagne, comme en France, mais alors qu'elles n'en ont pas l'obligation, 94 % des femmes portent le nom de leur mari, qui devient celui de leurs enfants. En Allemagne, où le choix est également libre, ce sont 95 % des enfants qui portent le nom du père.
Ainsi, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, la tradition joue un rôle fondamental dans les modalités de transmission du nom de famille.
Même en Espagne, où la règle est celle du double nom, le matronyme transmis à l'enfant est le plus souvent le nom du grand-père paternel et le premier nom, seul transmissible à la génération suivante, est majoritairement celui du père.
Quelles sont, dans ces conditions, les justifications de la réforme ?
Une justification nous paraît légitime. Certes, la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales est muette sur cette question, mais, et vous l'avez rappelé, madame le garde des sceaux, un arrêt de la Cour européenne du 21 février 1994 a condamné la Suisse au motif que le choix du nom relevait de la vie privée et familiale.
L'Assemblée nationale s'est prévalue de cette décision pour engager la présente réforme et le Sénat accepte de la suivre sur ce point.
D'autres justifications nous semblent plus incertaines.
Selon M. Gouzes, rapporteur de la présente proposition de loi à l'Assemblée nationale, des règles de dévolution du nom actuellement appliquées en France résulterait une discrimination de moins en moins acceptée.
Le mot « discrimination » nous a paru un peu fort, mais nous n'en avons pas moins cherché à savoir si une demande venant du plus profond de la nation ne le justifiait pas. Tout ce que nous avons perçu, c'est un frémissement à peine sensible, et encore ne l'est-il que dans certains milieux urbains « évolués ». La majeure partie de nos concitoyens ne demande pas la modification du système actuel, comme le démontre le fait que les parents non mariés choisissent majoritairement le nom du père.
M. Gouzes avance également à titre de justification la menace d'un appauvrissement du patrimoine onomastique, lequel serait au contraire enrichi grâce à la transmission du nom de la mère. Mais je vous rassure, mes chers collègues, notre patrimoine n'est aucunement menacé ! Selon les spécialistes que nous avons entendus, non seulement on assiste actuellement à un renouvellement du stock de noms, mais, avec 900 000 noms, la France détient déjà un record mondial !
J'ajoute, madame le garde des sceaux, que si nous devions adopter le système que nous propose l'Assemblée nationale, c'est-à-dire celui des deux noms accolés, en cas de désaccord, selon l'ordre alphabétique, nous n'aurions plus alors que des noms commençant par les premières lettres de l'alphabet ! Tous ceux dont le nom commence, comme le mien, par la lettre « r » n'auraient aucune chance de le transmettre ! (Sourires.) C'est alors que nous assisterions à un appauvrissement de notre patrimoine onomastique !
M. Louis Moinard. On n'entendrait plus parler de Zinedine Zidane !
M. Henri de Richemont, rapporteur. C'est pourquoi nous ne pouvons suivre l'Assemblée nationale, laquelle propose donc trois options : matronyme, patronyme, accolement des deux noms, par ordre alphabétique en cas de désaccord et dans la limite d'un seul nom transmis pour chaque parent, tous les membres d'une même fratrie devant, bien entendu, porter un nom identique.
L'Assemblée nationale a par ailleurs supprimé les dispositions relatives au nom d'usage introduites par la loi Badinter du 23 décembre 1985.
En cas de filiation établie successivement à l'égard des deux parents, elle a maintenu le principe de la priorité chronologique.
La commission des lois a, quant à elle, adopté une position qui allie le respect de la tradition à une approche novatrice.
En effet, si un frémissement en faveur du changement se fait sentir et si ledit changement est conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, pourquoi ne pas donner satisfaction à ceux et à celles qui veulent avoir la possibilité de choisir le nom de leur enfant ?
La commission est donc favorable à ce que les parents qui en expriment conjointement la volonté aient la liberté de donner à leur enfant ou le nom de la mère, ou celui du père, ou leurs deux noms accolés selon l'ordre de leur choix. Cette solution est d'ailleurs fidèle à la traditionnelle ouverture de notre Haute Assemblée.
Mais la difficulté, madame le garde des sceaux, c'est lorsqu'il y a conflit, et la solution retenue par l'Assemblée nationale, comme vous l'avez d'ailleurs vous-même reconnu, n'est pas souhaitable. Je l'ai déjà dit, s'en remettre alors à l'ordre alphabétique, c'est ôter à ceux dont l'initiale est en fin d'alphabet la possibilité de transmettre leur nom.
C'est la raison pour laquelle nous proposons qu'en cas de conflit ou - et ce sera, j'en suis persuadé, ce qui se passera dans 95 % des cas si on ne leur pose pas la question - lorsque les parents n'exprimeront pas un choix, le nom du père soit retenu.
Cette solution, qui respecte notre tradition, laquelle, on l'a dit, remonte au xie siècle, a l'avantage de mettre celle-ci au service de la paix des ménages. Au contraire, si on oblige les parents à choisir l'ordre des noms en leur imposant l'ordre alphabétique en cas de conflit, on risque fort d'encombrer les tribunaux !
L'Assemblée nationale n'a prévu que le cas des conflits. Elle n'envisage pas l'absence de choix. Le système que nous proposons est très simple. Si un couple, marié ou non, se présente devant l'officier d'état civil en indiquant dans une déclaration écrite conjointe qu'il opte pour tel nom, l'officier d'état civil enregistre leur choix, mais, en l'absence de déclaration conjointe, c'est automatiquement le nom du père qui est retenu.
Madame le garde des sceaux, vous nous proposez un régime transitoire de compromis : en cas de conflit ou de non-choix, le nom du père sera suivi de celui de la mère.
Nous formulons deux objections. D'abord, selon une tradition multiséculaire, la règle est celle de la dévolution du nom du père, et je ne vois pas pourquoi on imposerait en France le système espagnol.
Ensuite et surtout, sans qu'il soit question d'une quelconque primauté du nom du père, il faut tenir compte du fait que 95,99 % des femmes mariées portent le nom de leur époux et considèrent comme normal que leur enfant porte le nom du père. Or, en cas de non-choix, l'officier d'état civil attribuera automatiquement à l'enfant un double nom, sans que ses parents l'aient voulu. Cela ne nous paraît pas souhaitable.
Nous proposons donc d'en rester à la situation actuelle en cas de non-choix, car pourquoi créer un conflit lorsqu'aucune demande n'est formulée ?
Notre proposition est donc une proposition de sagesse qui évitera la création de conflits artificiels tout en laissant aux parents la possibilité de choisir un autre nom que celui du père.
Nous formulons par ailleurs diverses propositions.
Nous avons ainsi anticipé, madame Pourtaud, celle qui a été présentée par la délégation aux droits des femmes tendant à remplacer l'expression « nom patronymique » par l'expression « nom de famille », afin d'éviter d'avoir à employer aussi l'expression « nom matronymique ».
C'est encore une preuve de notre esprit d'ouverture et je suis persuadé, madame Pourtaud, que vous serez heureuse de cette avancée comme je suis persuadé que le Gouvernement nous suivra sur ce point.
Nous proposons également des modalités transitoires sur lesquelles nous reviendrons tout à l'heure, d'autant qu'il y a quelques points sur lesquels nous divergeons un peu, madame le garde des sceaux.
Ainsi, la procédure administrative de changement de nom prévue par l'article 61 du code civil nous paraît la plus appropriée, dans le cas des majeurs ayant un intérêt légitime à accoler le nom de leur mère à leur nom, car elle permettra de canaliser les demandes de changement de nom. Nous ne sommes donc pas favorables à la procédure de la déclaration à l'officier d'état civil avec effet automatique.
Nous ignorons d'ailleurs s'il y aura beaucoup de demandes en ce sens. Le nom d'usage a, finalement, été fort peu utilisé. Cependant, dès lors que l'on donne aux enfants à naître le droit de porter le nom de leur mère, il faut prévoir le cas des personnes nées après l'entrée en vigueur de la présente loi, lesquelles peuvent avoir des raisons, notamment affectives, de porter le nom de leur mère. C'est pourquoi nous proposons d'assouplir la procédure un peu rigoureuse prévue par l'article 61 du code civil.
Par ailleurs, le dispositif que vous proposez n'entrerait en vigueur que dans deux ans. Si vraiment il y a une attente au plus profond de la population, vous n'êtes guère pressée d'y répondre ! C'est la raison pour laquelle nous croyons qu'il serait préférable de limiter ce délai à dix-huit mois.
Enfin, on donne aux jeunes couples ayant déjà des enfants la possibilité d'accoler à leur nom celui de la mère. Les enfants qui viendront ensuite agrandir la fratrie porteront ce même nom.
Madame le garde des sceaux, la commission des lois présente donc des propositions modernes, de nature à satisfaire les demandes d'une partie - certes limitée - de notre population, sans pour autant bouleverser le système qui régit la transmission du nom depuis des décennies. Nous nous sommes surtout attachés à éviter tout conflit supplémentaire dans les couples, qu'ils soient légitimes ou illégitimes. C'est pourquoi nous estimons que nos propositions sont mesurées et pleines de sagesse. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud, au nom de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, c'est une évidence : la réforme qui nous occupe ce soir est tout à fait emblématique du point de vue de l'égalité entre les hommes et les femmes et, en l'occurrence, de l'égalité des deux parents vis-à-vis de leurs enfants.
Elle s'inscrit, de manière à la fois symbolique et essentielle, dans la ligne de l'évolution du droit civil que nous connaissons depuis une trentaine d'années, à savoir une recherche patiente de la parité des droits entre les deux sexes.
Cette réforme doit permettre de rompre avec un régime de dévolution du nom qui s'est créé de façon largement empirique, qui est discriminatoire à l'égard des femmes et qui traduit, de ce fait, une réelle inégalité entre les parents. J'ajoute que ce régime se caractérise par une relative singularité au regard des règles qui s'appliquent dans les autres pays européens, exception faite de la Belgique ou de l'Italie, pays dans lesquels s'affirme encore, en la matière, la prééminence du père.
Il s'agit, en quelque sorte, de mettre fin à un privilège de masculinité que l'on a longtemps défendu en avançant deux arguments.
On a d'abord fait valoir que, la femme acquérant par le mariage le nom de son mari, le nom du père était en réalité le seul nom que l'enfant pouvait recevoir. Or vous m'accorderez, mes chers collègues, que cette situation a vécu : aujourd'hui, il n'est pas rare - c'est même de plus en plus fréquent et peut-être est-ce en train de devenir la règle - que la femme mariée conserve son nom dans le mariage.
On a ensuite insisté sur le fait que donner son nom permettait au père d'affirmer, de proclamer sa paternité. On a même dit que l'attribution du nom du père était une manière d'« exorciser » le mystère de la filiation paternelle : le nom, marqueur de la paternité... La science pouvant aujourd'hui dissiper de manière infaillible ce mystère, ce second argument est lui aussi devenu obsolète.
Cependant, les contempteurs de la réforme en ont trouvé un autre : le texte qui nous est soumis ne répondrait à aucune réelle attente sociale, et ils en veulent pour preuve que le dispositif de la loi du 23 décembre 1985, à l'origine de laquelle se trouvait M. Robert Badinter et qui permet d'ajouter à titre d'usage le nom de la mère, serait très peu utilisé. A ce propos, M. le rapporteur se posait à l'instant la même question que moi : tout a-t-il été fait pour faire connaître cette loi, pour lui donner, au-delà d'une simple parution au Journal officiel, la publicité qu'elle méritait ?
Quant à la question de l'existence d'une attente sociale en la matière, on manque sans doute d'études sur le sujet, mais une évolution de l'opinion en faveur d'une réforme de la dévolution du nom est, à tout le moins, perceptible.
A cet égard, monsieur le rapporteur, nous ne disposons apparemment pas des mêmes chiffres !
En 1979, seulement 20 % des personnes interrogées étaient favorables à l'introduction du nom de la mère dans le système de transmission des patronymes, contre 43 % en 1987, un nombre important de femmes - 47 % d'entre elles - regrettant de se trouver dans l'impossibilité de transmettre leur nom de naissance. Aujourd'hui, selon un sondage publié en juin dernier, plus de deux Français sur trois, soit 69 % d'entre eux, estiment que pouvoir transmettre à l'enfant le nom de famille de la mère, seul ou accolé à celui du père, est « plutôt une bonne chose », et ils sont 62 % à penser que la réforme dont nous débattons n'affaiblira pas la place du père dans la famille. Les femmes sont, quant à elles, toujours plus favorables - la proportion atteint 71 % - à une telle réforme, ce qui est également le cas, et c'est un signe encourageant, de 78 % des jeunes de moins de vingt-cinq ans.
Il nous est proposé de modifier l'article 57 du code civil, afin que les parents puissent choisir le nom dévolu à leur enfant, l'origine de la filiation étant établie simultanément à l'égard de chacun d'entre eux. Que sa filiation soit naturelle ou légitime, un enfant, dès lors qu'il aura fait l'objet d'une reconnaissance conjointe de ses deux parents, pourra recevoir ou le nom de son père, ou le nom de sa mère, ou les noms de ses père et mère dans un ordre choisi par eux, un désaccord éventuel sur ce point étant tranché par le recours à l'ordre alphabétique.
En réalité, le texte que nous examinons répond à la double exigence d'accorder aux femmes le droit de transmettre leur nom et aux couples celui d'opérer librement leur choix, dans une logique de parité parentale. Il est fortement symbolique en ce qu'il permet de consacrer une parité parfaite à l'intérieur du couple ; il est aussi très libéral, car il n'impose rien.
Ces raisons font que la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité entre les hommes et les femmes lui a réservé un accueil favorable lorsqu'elle l'a examiné en juin dernier. Au-delà, elle a adopté, à l'unanimité, six recommandations.
La première de ces recommandations concerne le mode de transmission qui devrait être retenu comme mode de droit commun : afin d'assurer l'égalité entre les hommes et les femmes dans le cadre d'une parité des droits entre parents, la délégation incline pour un régime inspiré du mode de dévolution du nom actuellement en vigueur en Espagne, à savoir la transmission automatique des noms du père et de la mère.
Autrement dit, le double nom - celui du père suivi de celui de la mère ou inversement - deviendrait la règle d'attribution de droit commun, la transmission du nom d'un seul parent restant possible, par le biais d'une déclaration ad hoc auprès des services de l'état civil, mais devenant l'exception.
Il s'agit, de la part de notre délégation, d'une démarche volontariste en faveur de l'égalité entre hommes et femmes ou, en l'occurrence, entre pères et mères. On constate en effet que, sans volonté égalitaire affirmée, la parité entre les sexes ne progresse que trop lentement.
La deuxième recommandation vise à assurer une égalité de traitement entre enfants naturels et enfants légitimes.
Pour que les règles de dévolution soient rigoureusement les mêmes, il convient de prévoir que, en cas de reconnaissance ultérieure, un enfant mineur pourra accoler le nom de son second parent à celui qu'il a reçu en premier. Le nom du second parent se substituera, le cas échéant, au nom de l'ascendant, dont l'accolement est rendu possible par le texte pour les enfants naturels.
La troisième recommandation adoptée par la délégation est relative au règlement des conflits pouvant survenir à la deuxième génération.
Nous invitons le législateur à mettre en oeuvre un régime approprié, c'est-à-dire respectant la parité, pour la deuxième génération et les générations ultérieures, en cas de désaccord entre les parents lorsque ceux-ci portent déjà deux noms accolés.
Par sa quatrième recommandation, la délégation préconise le maintien des dispositions de la loi du 23 décembre 1985 relative à l'égalité des époux dans les régimes matrimoniaux et des parents dans la gestion des biens des enfants mineurs, en particulier de celle qui permet d'ajouter à titre d'usage un autre nom que celui qui a été transmis par les parents.
La cinquième recommandation porte sur l'assouplissement des procédures actuelles de changement du nom.
Enfin - c'est la sixième recommandation - la délégation souhaite que l'on modifie l'intitulé même de la proposition de loi, en visant non plus le « nom patronymique », qui fait référence au père, mais le « nom de famille ». Cela relève à la fois de la logique et du symbole... ce qui explique que la délégation ait fait figurer cette dernière recommandation à la première place dans son rapport. Je suis heureuse que, sur ce point, la commission des lois nous ait suivis - j'emploie ce verbe à dessein, monsieur le rapporteur, puisque nos travaux datent du mois de juin !
M. Henri de Richemont, rapporteur. Si vous voulez ! (Sourires.)
Mme Danièle Pourtaud, au nom de la délégation aux droits des femmes. Ce n'est pas une querelle en paternité ! (Nouveaux sourires.)
En conclusion, et pour dépasser la seule dimension de l'égalité entre les sexes, je dirai que cette réforme est bienvenue, non seulement parce qu'elle abolira un système contraire aux valeurs de parité, mais aussi parce qu'elle va dans le sens du mouvement général de notre société, où l'état des personnes reflète l'aspiration de nos concitoyens à une plus grande liberté pour tout ce qui relève de la sphère privée. A cet égard, le nom, élément emblématique de l'état des personnes, ne peut échapper à cette tendance. C'est pourquoi la réforme de sa transmission répond aux exigences de notre époque. (M. le rapporteur applaudit.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt-deux heures quinze, sous la présidence de M. Daniel Hoeffel.)