SEANCE DU 8 JANVIER 2002


M. le président. La parole est à M. Badré, auteur de la question n° 1217, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.
M. Denis Badré. Ma question concerne l'institut universitaire de technologie de Ville-d'Avray, qui jouit à juste titre d'une réputation flatteuse - vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, vous qui connaissez bien les Hauts-de-Seine ! - dans les domaines du génie électrique, du génie mécanique, du génie thermique et de l'aéronautique.
Malheureusement, cet établissement voit aujourd'hui son développement brisé, son rayonnement s'éteint et son avenir me paraît tout à fait compromis. Ses enseignants et ses étudiants sont complètement démotivés, alors qu'ils travaillaient sur des créneaux où la France se doit d'être présente et qui permettaient d'ouvrir à nos jeunes des carrières très intéressantes et utiles.
C'est un vrai gâchis, un véritable scandale, et j'ajoute, en tant que maire de Ville-d'Avray, que je regrette de voir ma ville entièrement défigurée par ce que l'on doit appeler une « friche universitaire », alors que ses habitants sont attachés à la préservation d'un cadre naturel et d'un patrimoine prestigieux.
Que s'est-il donc passé ? La commission départementale de sécurité, effectuant normalement son travail, a déclaré, en 1995, l'établissement dangereux en cas d'incendie. La réponse à ce problème a été très naturellement élaborée dans le cadre d'une concertation entre l'Etat et la région, au terme de laquelle ont été débloqués 80 millions de francs de crédits pour rénover le bâtiment. Un concours d'architecture a alors été organisé, là encore tout à fait normalement, et un projet a été retenu en 1997 - deux années s'étaient déjà écoulées - les travaux devant débuter en janvier 1998. Nous avons malheureusement l'habitude, lorsque l'Etat intervient, de délais de cet ordre, que l'on peut encore qualifier d' « acceptables », même si l'on ne peut que les déplorer.
Mais, depuis janvier 1998, plus rien n'a été fait, et nous sommes maintenant en janvier 2002 !
Le scandale prend des proportions qui me paraissent devoir être dénoncées ! Dans cette affaire, l'Etat fait preuve d'une incurie totale, et sa responsabilité me semble entièrement engagée, monsieur le secrétaire d'Etat.
En effet, quatre ans ont passé en vain : c'est inexplicable, et j'ajoute que des solutions transitoires ont dû être mises en place pour que l'IUT puisse continuer à fonctionner. Ainsi, le nomadisme a été organisé : on dispense tel enseignement à tel endroit, on accueille tels étudiants en tel lieu. Les contribuables sont quand même en droit de s'interroger sur cette situation, ainsi que le Parlement, qui a notamment pour mission de contrôler l'utilisation des crédits de l'Etat, car les solutions provisoires mises en oeuvre ont coûté 30 millions de francs depuis 1995 !
Par conséquent, alors que 80 millions de francs avaient été affectés à l'origine à cette opération, près de la moitié de ce montant a déjà dû être engagé pour prendre des mesures transitoires. Je le répète, la situation est tout à fait scandaleuse !
Ce provisoire ne peut durer. A cet égard, monsieur le secrétaire d'Etat, si la commune assurait la maîtrise d'ouvrage d'une opération dans de telles conditions, le maire se ferait tuer par ses administrés ! Quatre ans d'inaction, c'est impensable ! Parce que l'Etat est plus lointain, devons-nous tout accepter de sa part ?
Au regard de ce constat, je vous poserai deux questions, monsieur le secrétaire d'Etat : quel aura été le coût exact de ces solutions transitoires et que compte maintenant faire le Gouvernement pour mettre un terme à ces errements ? En effet, il convient de ne plus attendre passivement et d'éviter la mort pure et simple de l'IUT ; nous ne pouvons accepter une telle dérive, nous ne pouvons laisser ce dossier aller au fil de l'eau, en nous résignant à la disparition d'un établissement aussi prestigieux.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle. Monsieur le sénateur, vous avez souhaité obtenir des informations concernant le projet de reconstruction et d'extension de l'IUT de Ville-d'Avray, et je vais donc maintenant vous communiquer une série d'éléments de réponse à vos questions.
Ce projet, dont le coût était évalué à 80 millions de francs, prévoyait la démolition et la reconstruction des locaux du département de génie électrique et d'informatique industrielle, la création de locaux pour le département de génie thermique et la restructuration et la mise en sécurité de l'ensemble des bâtiments. Il était prévu que la région d'Ile-de-France le finance à hauteur de 30 millions de francs et l'Etat, maître d'ouvrage, à hauteur de 50 millions de francs.
La réalisation de ce projet a connu, comme vous l'avez souligné, d'importants retards dus, en premier lieu, à la modification du projet initial par l'IUT, qui a souhaité privilégier la construction de surfaces neuves aux dépens de la restructuration de surfaces existantes, et, en second lieu, à une sous-évaluation du coût de l'opération. En effet, un premier appel d'offres s'est révélé infructueux en septembre 1999 ; l'Etat a alors débloqué la situation en mobilisant, en 2000, 7 millions de francs supplémentaires, portant ainsi le montant de l'enveloppe globale à 87 millions de francs.
Les organismes de contrôle, considérant qu'une partie des modifications que je viens d'évoquer ne pouvaient être contractualisées par avenant au marché de maîtrise d'oeuvre, ont exigé une nouvelle consultation, ce qui a imposé plusieurs mois de procédure.
Après déblocage de la situation, un nouvel appel d'offres a été lancé à l'été 2001 et a été déclaré infructueux, comme c'est actuellement souvent le cas en raison de la conjoncture dans le secteur du bâtiment et des travaux publics. Un nouvel appel d'offres sera lancé en janvier 2002, l'Etat prévoyant d'allouer une nouvelle enveloppe complémentaire de 5 millions de francs. Si cet appel d'offres est fructueux, le marché de travaux sera signé en mai 2002, compte tenu des procédures relatives aux marchés publics.
M. Denis Badré. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré. Je remercie M. le secrétaire d'Etat des précisions qu'il m'apporte, même si ces précisions ne me rassurent pas du tout ; mais M. Duffour, qui, comme moi, connaît bien le département des Hauts-de-Seine et a personnellement, je le sais, examiné la situation réelle, n'est sans doute pas plus rassuré que moi...
Nous sommes face à un dérapage splendide, mais triste ! Je voudrais bien que la chronique de ce dérapage ne devienne pas celle d'une mort annoncée et que ne s'ajoutent pas de nouvelles difficultés d'année en année. La responsabilité de l'Etat, maître d'ouvrage, est engagée, et l'Etat doit assumer sa responsabilité quelles que soient les difficultés. Un maître d'ouvrage en rencontre d'ailleurs toujours, comme les maires ici présents le savent bien : il n'y a pas un chantier sur lequel on ne rencontre pas de difficultés ! Mais ces dernières n'expliquent pas et ne peuvent pas justifier de tels retards.
Je rappelle que le recteur, interrogé, voilà deux ans, à la suite d'une manifestation des étudiants et des enseignants, s'était personnellement engagé à ce que les travaux commencent en janvier 2001. Un an s'est écoulé depuis. Maintenant, le Gouvernement nous dit que, sous certaines conditions, le chantier démarrera peut-être dans six mois. Ce n'est pas admissible !
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'attire à nouveau solennellement votre attention sur ce fait : si vous ne voulez pas que cet IUT meure, il faut que des décisions radicales, drastiques soient prises immédiatement par l'Etat, responsable de ce chantier, pour que celui-ci puisse être mené à bien dans de bonnes conditions et dans les meilleurs délais.

POUVOIRS DU MAIRE EN MATIÈRE
DE DÉLIVRANCE D'ATTESTATIONS D'ACCUEIL