SEANCE DU 8 JANVIER 2002


SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER

1. Procès-verbal (p. 0 ).
M. le président.

2. Décisions du Conseil constitutionnel (p. 1 ).

3. Questions orales (p. 2 ).

coût financier de la réhabilitation
des logements de gendarmes (p. 3 )

Question de M. Jean-François Le Grand. - MM. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants ; Jean-François Le Grand.

application de la cmu
et difficultés financières des mutuelles (p. 4 )

Question de Mme Valérie Létard. - Mmes Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle ; Valérie Létard.

remboursement du traitement de l'ostéoporose (p. 5 )

Question de Mme Marie-Claude Beaudeau. - Mmes Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle ; Marie-Claude Beaudeau.

maltraitance des personnes âgées (p. 6 )

Question de M. Michel Teston. - Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle ; M. Michel Teston.

insuffisance de la desserte ferroviaire
de la haute-savoie (p. 7 )

Question de M. Jean-Claude Carle. - Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat au logement ; M. Jean-Claude Carle.

expérimentation de la réglementation du dépassement pour les poids-lourds sur l'axe nord-sud alsacien autoroutier ou l'axe à deux fois deux voies entre strasbourg et mulhouse (p. 8 )

Question de M. Hubert Haenel. - Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat au logement ; M. Hubert Haenel.

politique du 1 % logement (p. 9 )

Question de M. Fernand Demilly. - Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat au logement ; M. Fernand Demilly.

conséquences de la création
de la holding alliance (p. 10 )

Question de M. Ivan Renar. - MM. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur ; Ivan Renar.

réorganisation de la poste (p. 11 )

Question de M. Jean-Pierre Demerliat. - MM. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur ; Jean-Pierre Demerliat.

compétences des architectes
des bâtiments de france (p. 12 )

Question de Mme Gisèle Printz. - M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle ; Mme Gisèle Printz.

droits de photocopies
dans les écoles élémentaires (p. 13 )

Question de M. Henri de Richemont. - MM. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle ; Henri de Richemont.

situation de l'institut universitaire
de technologie de ville-d'avray (p. 14 )

Question de M. Denis Badré. - MM. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle ; Denis Badré.

pouvoirs du maire en matière
de délivrance d'attestations d'accueil (p. 15 )

Question de M. Jean-Patrick Courtois. - MM. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle ; Jean-Patrick Courtois.

âge requis pour devenir
sapeur-pompier volontaire (p. 16 )

Question de M. Claude Biwer. - MM. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle ; Claude Biwer.

élaboration des schémas
de cohérence territoriale (p. 17 )

Question de M. Philippe Nogrix. - MM. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle ; Philippe Nogrix.

réforme du programme de maîtrise
des pollutions d'origine agricole (p. 18 )

Question de M. René-Pierre Signé. - MM. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie ; René-Pierre Signé.

situation des coopérants
ayant perdu le droit à titularisation (p. 19 )

Question de M. Louis Souvet. - MM. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie ; Louis Souvet.

Suspension et reprise de la séance (p. 20 )

PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON

4. Demande de consultation d'assemblées territoriales (p. 21 ).

5. Démocratie de proximité. - Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 22 ).
Discussion générale : MM. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur ; Daniel Hoeffel, rapporteur de la commission des lois ; Michel Mercier, rapporteur pour avis de la commission des finances ; Patrick Lassourd, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Xavier Darcos, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; Jean-Claude Peyronnet, Alex Türk, Henri de Raincourt, Gilbert Barbier, Jean-Paul Delevoye, Jean-Jacques Hyest, Mme Josiane Mathon, M. Pierre Mauroy.
Renvoi de la suite de la discussion.

6. Communication de l'adoption définitive de textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 23 ).

7. Dépôt d'une proposition de loi (p. 24 ).

8. Dépôts rattachés pour ordre au procès-verbal de la séance du 20 décembre 2001 (p. 25 ).

9. Ordre du jour (p. 26 ).




COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le procès-verbal de la séance du jeudi 20 décembre 2001 a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté.
A l'occasion de cette première séance de l'année, qui correspond à la reprise de nos travaux, je voudrais vous adresser, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ainsi qu'au personnel du Sénat tous mes voeux pour 2002, en espérant que nous ferons ensemble quelques pas sur les chemins de la paix, de la tolérance, de la justice et de la lutte contre toutes les exclusions.

2

DÉCISIONS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettre en date du 27 décembre 2001, le texte des décisions rendues par le Conseil constitutionnel sur la loi de finances pour 2002 et sur la loi de finances rectificative pour 2001.
Acte est donné de cette communication.

Ces décisions du Conseil constitutionnel ont été publiées au Journal Officiel , édition des lois et décrets.3

QUESTIONS ORALES

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

COÛT FINANCIER DE LA RÉHABILITATION
DES LOGEMENTS DE GENDARMES

M. le président. La parole est à M. Le Grand, auteur de la question n° 1715, adressée à M. le ministre de la défense.
M. Jean-François Le Grand. Qu'il me soit permis, à mon tour, de vous souhaiter une bonne année, monsieur le président, ainsi qu'à vous, monsieur le secrétaire d'Etat, comme à tous nos collaborateurs.
Ma question concerne donc les gendarmeries.
Vous savez bien, monsieur le secrétaire d'Etat, puisque vous avez été maire, que les gendarmeries doivent être construites par les collectivités, qui en sont propriétaires.
Or les prix de location payés par l'Etat sont notoirement insuffisants puisqu'ils ne permettent pas aux collectivités d'asseoir leurs investissements sur des recettes suffisantes. Dès lors elles se trouvent dans des situations extrêmement difficiles.
Au demeurant, les situations sont très disparates dans la mesure où, selon leur propriétaire - communes, établissements publics intercommunaux, conseils généraux - les gendarmeries sont plus ou moins réhabilitées.
En prime, si je peux m'exprimer ainsi, la TVA sur les travaux n'est pas récupérable, ce qui aggrave très sérieusement les choses : ainsi, en l'occurrence, alors que les collectivités agissent au nom de l'Etat, on leur « pique la TVA », si vous me permettez cette expression un peu triviale.
En 1957, il avait été envisagé d'autoriser l'Etat à prendre à bail des logements HLM. Or, en 1977, alors que sévissait une crise du logement, une loi a limité cette possibilité de recours aux offices d'HLM. Depuis lors, très régulièrement, les chambres régionales des comptes nous disent que nous n'avons pas le droit d'utiliser les logements HLM pour loger des gendarmes.
Monsieur le secrétaire d'Etat, essayons de sortir de cette situation un peu alambiquée : ou bien on autorise les offices d'HLM à intervenir de nouveau, auquel cas on pourra proposer des logements décents à nos gendarmes soit en caserne, soit hors caserne, ou bien l'Etat augmente sa participation au travers du prix de la location, de manière que les opérations redeviennent rentables.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez entendu les recommandations de M. le président : luttons contre les exclusions ! En l'occurrence, n'excluons pas les gendarmes !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Monsieur le président, je vous remercie très sincèrement de vos voeux. A mon tour, à l'occasion de cette nouvelle année, je vous adresse les miens, ainsi qu'à l'ensemble des membres de la Haute Assemblée.
Je profite également de cette occasion pour remercier le personnel du Sénat de l'accueil qui m'a été réservé depuis quelques mois et pour lui présenter mes meilleurs voeux pour l'année 2002, qui va être dense en matière politique ; mais c'est le débat républicain et démocratique qui le veut ainsi !
J'espère en tout cas que nous aurons encore l'occasion de discuter de mesures propres à améliorer le sort des Françaises et des Français, à qui je souhaite également une très bonne année 2002.
Monsieur Le Grand, la question que vous avez soulevée est une question grave. Elle faisait d'ailleurs partie des revendications formulées par les gendarmes lors des manifestations auxquelles ils se sont livrés, manifestations dont nous avons pu à la fois constater l'importance mais aussi critiquer le déroulement, et j'emploie ce mot « critiquer » au sens littéral du terme, c'est-à-dire dans le sens à la fois d'approuver et de désapprouver. Nous pensons en effet que le statut militaire de la gendarmerie, que vous défendez d'ailleurs, monsieur le sénateur, et dont je suis moi aussi assez partisan entraîne des droits et devoirs, notamment quelques obligations particulières.
Ainsi, s'agissant du problème que vous évoquez, c'est-à-dire le logement de ces militaires, ne peuvent pas être appliquées les règles normales auxquelles obéit l'Etat pour loger ses fonctionnaires.
Certes, l'Etat dispose de moyens particuliers pour assurer le logement de certains fonctionnaires civils. C'est le cas pour la police, et l'on sait les problèmes que cela pose dans la région parisienne, par exemple !
En ce qui concerne les gendarmes, des propositions vont être faites pour assurer une égalité entre eux quel que soit leur lieu d'affectation. Actuellement, certains sont, en effet, très bien logés parce que des collectiviés territoriales, avec l'aide de l'Etat, ont accompli des efforts considérables. J'en sais quelque chose, puisque j'ai été maire, comme vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur, d'une ville dans laquelle il a fallu reconstituer complètement une compagnie de gendarmerie. Avec l'appui des services de la gendarmerie, nous avons pu loger de façon très convenable les gendarmes concernés, qui ne s'en plaignent pas !
En réalité le problème réside dans le fait que l'Etat s'est vu interdire d'occuper des logements dont le financement intègre des prêts sociaux, prèts locatifs aidés, PLA, ou primes à l'amélioration des logements à usage locatif et à occupation sociale, PALULOS. Cette interdiction a été rappelée à la gendarmerie par la Cour des comptes dans son référé du 18 mars 1981.
Par le passé, des dérogations ont été accordée à titre exceptionnel et temporaire à la gendarmerie. Mais, par lettre du 4 mars 1999, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a rappelé la réglementation en vigueur au ministère de la défense.
Aujourd'hui, les collectivités territoriales sont quelque peu démunies, mais elles ne le sont pas complètement car il existe des possibilités de remédier à l'insuffisance des moyens financiers dont elles disposent en vue d'améliorer le parc immobilier loué auprès d'elles par la gendarmerie.
Un régime de subventions a ainsi été institué afin de soutenir leurs efforts en matière de réalisation des casernements.
Certes, il faudra, un jour ou l'autre, revoir le niveau des loyers payés parce que, si une collectivité territoriale, par ses propres moyens, participe à l'amélioration des logements, soit en les réhabilitant, soit en procédant à des constructions, il faut au moins que les loyers perçus permettent le remboursement des frais engagés, ce qui n'est pas toujours le cas.
Cela étant, l'Etat a déjà accordé des moyens supplémentaires à certaines collectivités dans lesquelles les conditions de logement des gendarmes étaient par trop indécentes.
Ainsi, la circulaire du Premier ministre et le décret n° 93-130 modifiés du 28 janvier 1993 prévoient-ils, pour les opérations de construction, reconstruction, extension ou réhabilitation totale des casernements de gendarmerie, la possibilité d'une aide en capital sous forme d'une subvention d'Etat dont le montant est déterminé sur la base du coût TTC des travaux dans la limite du coût plafond de l'opération.
Le montant maximal de chaque subvention ne peut excéder 20 % du coût de référence pour les opérations réalisées par les communes dont la population est inférieure ou égale à 10 000 habitants et qui ne bénéficient pas du concours financier d'une ou plusieurs autres collectivités territoriales, et 18 % de ce même coût pour les opérations réalisées par les communes dont la population est inférieure ou égale à 10 000 habitants et qui bénéficient de ce concours financier, par les communes dont la population est supérieure à 10 000 habitants, par les groupements de communes ou par les départements.
Par ailleurs, les travaux d'amélioration, notamment ceux qui visent à l'économie d'énergie ou à la sécurité des casernes, voire les aménagements peu importants réalisés à la demande de la gendarmerie, peuvent faire l'objet d'une majoration du loyer, après avis favorable des services fiscaux, qui, en règle générale, donnent un avis favorable.
Certes, monsieur Le Grand, il va falloir prévoir des moyens nouveaux pour améliorer la situation. C'est dans le cadre des discussions en cours avec la gendarmerie mais aussi avec les collectivités locales que l'on pourra trouver les solutions aptes à résoudre ce problème particulier, qui intéresse non seulement les gendarmes, les élus locaux, mais aussi l'ensemble de la population.
M. Jean-François Le Grand. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Le Grand.
M. Jean-François Le Grand. Monsieur le secrétaire d'Etat, c'est bien d'avoir rappelé les données, mais elles ne font que souligner la difficulté.
Permettez-moi de vous le dire en toute amitié, en nous annonçant que des discussions sont en cours, qu'à l'issue de cette phase de concertation on trouvera des solutions, vous n'avez pas complètement répondu à notre attente.
Pourriez-vous au moins fixer un terme ou une perspective à cette discussion ? En effet, dans l'immédiat, les gendarmes attendent : dans un certain nombre de gendarmeries du département dont j'ai l'honneur de présider le conseil général, comme dans bien d'autres, on a besoin de réponses précises. Il y va de la programmation et de la mise en oeuvre des constructions nécessaires à la gendarmerie.
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, si je demande à m'exprimer de nouveau, même si ce n'est pas l'usage, c'est parce que la question est particulièrement importante.
Monsieur le sénateur, les discussions actuellement en cours devraient se terminer avant la fin des quatre premiers mois de l'année 2002.
M. Jean-François Le Grand. Donc, avant les présidentielles !
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat. Peut-être après les présidentielles !
M. Jean-François Le Grand. D'accord !
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat. Les grandes échéances nationales n'empêchent pas le Gouvernement de travailler !
M. le président. Un engagement est pris : nous l'avons noté, monsieur le secrétaire d'Etat.

APPLICATION DE LA CMU
ET DIFFICULTÉS FINANCIÈRES DES MUTUELLES

M. le président. La parole est à Mme Létard, auteur de la question n° 1207, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Valérie Létard. Avant d'aborder l'objet de ma question orale, je tiens, à mon tour, à adresser à tous mes meilleurs voeux pour cette nouvelle année.
Si chacun s'est accordé à reconnaître le bien-fondé de la mise en oeuvre d'une couverture maladie universelle, notre assemblée, lors de la discussion du projet de loi qui en a porté création, en juin 1999, avait largement alerté Mme Aubry, alors ministre de l'emploi et de la solidarité, sur les modalités d'évaluation du panier de soins dans le dispositif de prise en charge de la part complémentaire de la CMU. L'évaluation était alors de 1 500 francs par personne et par an.
Notre commission des affaires sociales s'était inquiétée d'un coût unitaire qui lui paraissait nettement sous-évalué dans la mesure où il reposait sur des données de 1995 qui n'avaient pas été réactualisées. De plus, ce coût avait été calculé par référence à une population qui ne recouvrait pas complètement celle de la CMU.
Force est de constater aujourd'hui que ces craintes étaient largement justifiées. L'enveloppe de 1 500 francs n'a jamais pu être respectée et, pour les mutuelles, qui ont pour la plupart d'entre elles choisi de participer au système, le coût a toujours été nettement supérieur à cette limite. Je ne citerai qu'un exemple, celui de la mutuelle Choralis, dans mon département, qui fait état d'un montant minimum de 1 900 francs - hors frais de gestion - dans ses prévisions les plus optimistes. Pour cette mutuelle, le montant de prestations payées pour 2001 - jusqu'au 18 décembre en date de soins - s'élève à 7 400 551 francs, largement supérieur à celui des prestations versées en 2000, qui n'était que de 3 297 249 francs. La déduction de 1 500 francs par bénéficiaire, pour un montant de 5 176 000 francs en 2001, est loin de couvrir la totalité des frais engagés.
Si elles veulent assurer le financement du dispositif, les mutuelles se trouvent contraintes d'augmenter les cotisations réglées par leurs adhérents. Celles qui refusent d'alourdir la contribution déjà demandée n'ont d'autre solution que de sortir du système. C'est le cas de la mutuelle Intégrance, dont l'effectif des cotisants est composé à 74 % de handicapés et de familles très modestes, et qui a refusé d'alourdir la charge financière supportée par ses adhérents ; elle a évalué la consommation moyenne du panier de soins à environ 3 100 francs pour l'année 2001.
D'autres mutuelles membres de la fédération nationale de la mutualité interprofessionnelle, dans une résolution adoptée à plus de 90 % des voix le 27 octobre dernier, ont annoncé le maintien provisoire de leur participation, mais leur intention de se retirer en 2003 si le principe d'une réévaluation annuelle des remboursements de la part complémentaire n'est pas envisagé.
En 1999, dans sa réponse aux orateurs intervenus dans la discussion générale du projet de loi créant la CMU, Mme Aubry avait indiqué : « Nous avons donc retenu le chiffre de 1 500 francs. En agissant ainsi, nous avons la conviction que nous avons gardé une marge de sécurité. Le Gouvernement est cependant tout à fait d'accord pour faire un bilan année après année. Et s'il s'avérait qu'il y a des modifications, dont aujourd'hui je n'ai aucune raison de penser qu'elles doivent intervenir, nous en tirerions les conséquences. »
Le fonctionnement du dispositif a montré que le financement actuel a largement sous-estimé la progression des dépenses. Le Gouvernement va-t-il, avant que les organismes complémentaires ne se désengagent massivement, tirer les conséquences de cet état de fait, comme Mme Aubry en avait pris l'engagement devant notre assemblée ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Madame la sénatrice, vous voudrez bien excuser l'absence de Mme Elisabeth Guigou, au nom de laquelle je vous apporte la réponse que voici.
Alors que l'ancienne aide médicale des départements ne couvrait que 3 400 000 personnes - et encore de façon inégale sur l'ensemble du territoire ! - près de 5 millions de personnes disposent aujourd'hui, grâce à la CMU, d'une bien meilleure couverture maladie. Ce succès est le fruit de l'engagement de tous les acteurs de la CMU, dont, naturellement, les organismes de couverture maladie complémentaire : mutuelles, compagnies d'assurance, institutions de prévoyance.
Vous évoquez, madame la sénatrice, les difficultés que rencontrent certaines mutuelles à assumer les engagements qu'elles ont pris dans le cadre de la CMU.
Consciente de ces difficultés, Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité a demandé au directeur du fonds de financement de la CMU d'analyser ce problème. Il ressort de l'étude qu'il a rendue en décembre 2001 que, tous organismes confondus, le coût moyen de la CMU s'est élevé à 1 113 francs en 2000, soit 169,68 euros, et à 1 543 francs en 2001, soit 235,23 euros.
Il est probable que l'année 2002 verra une nouvelle progression des coûts moyens de la CMU du fait de la poursuite de la montée en charge de ce dispositif. Si cette tendance se confirmait, le Gouvernement étudierait la possibilité de revaloriser le montant de la déduction dont bénéficient les organismes complémentaires. Il reste que, globalement, le bien-fondé de la participation des organismes de couverture maladie complémentaire à la CMU n'est pas aujourd'hui remise en cause, notamment au regard des chiffres que je viens de citer.
Vous évoquez le cas de la mutuelle Intégrance : celui-ci est rès spécifique, car elle accueille un grand nombre de personnes handicapées, dont les dépenses de santé sont très élevées - supérieures à 3 000 francs en moyenne - en raison principalement des frais de prise en charge du forfait hospitalier journalier. Cette mutuelle a demandé à revenir sur son engagement de participer à la CMU. Je soulignerai que les personnes concernées ne subiront aucune rupture de droit, car elles seront prochainement prises en charge au titre de la CMU complémentaire par les caisses primaires d'assurance maladie.
Le Gouvernement attache évidemment un grand intérêt à la participation des organismes complémentaires à la couverture maladie des personnes aux ressources modestes. Nous mettrons en place dans les prochains jours un dispositif d'aide à l'acquisition de contrats de couverture maladie complémentaire en faveur des personnes dont les ressources dépassent de moins de 10 % le plafond de la CMU ; cette aide sera apportée par les fonds d'action sanitaire et sociale des caisses primaires d'assurances maladie et devrait couvrir la moitié environ du coût d'un contrat offrant une couverture représentant l'équivalent de la CMU.
Tels sont, madame la sénatrice, les éléments de réponse que je pouvais aujourd'hui vous apporter.
Mme Valérie Létard. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Létard.
Mme Valérie Létard. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d'Etat, mais il est évident que je n'ai satisfaction que sur une petite partie de ma demande.
Permettez-moi d'évoquer le cas que je connais le mieux, celui de la mutuelle Choralis, qui intervient dans le Valenciennois. Voilà un territoire où une très grande partie de la population est en difficulté, et il ne s'agit pas seulement des personnes handicapées : nous avons l'un des taux de chômage les plus importants de France, et le seul arrondissement de Valenciennes compte 5 000 bénéficiaires de la CMU, avec un panier de soins représentant 1 900 francs.
Au 1er janvier 2003, cette mutuelle se désengagera, comme 90 % de celles qui adhèrent à la fédération nationale des mutuelles interprofessionnelles, et cela contre son propre souhait. Il n'empêche qu'elle va devoir changer sa politique en faveur des populations en difficulté.
De plus, les cinq personnes qui, au sein de la mutuelle, travaillent à temps plein à la mise en oeuvre de la part complémentaire de la CMU vont voir leur activité cesser dans ce domaine.
Je pense que tout cela mérite qu'on y réfléchisse sérieusement.

REMBOURSEMENT DU TRAITEMENT DE L'OSTÉOPOROSE

M. le président. La parole est à Mme Beaudeau, auteur de la question n° 1209, adressée à M. le ministre délégué à la santé.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je tiens, moi aussi, à présenter à tous mes voeux de très bonne année 2002, formulant surtout le souhait de voir toutes les guerres cesser dans le monde.
Ma question me paraît importante, car elle soulève un problème de santé publique de caractère national, elle laisse entrevoir une possibilité de faire reculer une maladie aujourd'hui parfaitement connue, elle permet d'insister sur la nécessité d'en prévenir et d'en retarder l'apparition par une prévention qui a forcément un prix et elle me donne enfin l'occasion de préconiser une série de mesures propres à faire réaliser des économies.
L'ostéoporose touche aujourd'hui en France 2 millions de personnes. Elle en concernera un nombre croissant au fur et à mesure du vieillissement de la population française et de l'allongement de la durée de la vie dans notre pays.
Dans le document de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris intitulé « Cent questions sur l'ostéoporose », les spécialistes et l'Institut de rhumatologie affirment que, sur cent femmes françaises atteignant la ménopause, quarante auront, avant la fin de leur vie, une fracture due à la fragilité des os, avec des conséquences graves sur la qualité de vie et même sur l'espérance de vie, en particulier à la suite d'une fracture du col du fémur. Rappelons que, actuellement, en France, 50 000 personnes sont victimes chaque année de cet accident. Selon les prévisions, on en dénombrera 100 000 en 2010 et 150 000 en 2050.
Or, fait assez rare pour être signalé, il existe un consensus sur cette maladie dans le milieu médical. L'ostéoporose est responsable de la plupart des fractures dont je parlais, car il s'agit d'une maladie qui associe diminution de la densité des os et modification de l'architecture osseuse. La perte osseuse est linéaire chez l'homme : 0,5 % par an ; elle s'accélère à la ménopause - de 2 % à 5 % - chez la femme ; elle est continue chez les personnes âgées de plus de soixante-dix ans.
Nous sommes donc en présence d'un problème qui se pose de manière permanente, et il s'agit bien d'une question de caractère national, appelant des décisions de la part du ministère de la santé.
Je souhaiterais savoir, précisément, quelles mesures sont envisagées pour, à la fois, lutter selon des formes nouvelles contre cette maladie et s'opposer au fatalisme qu'elle suscite, y compris dans le monde médical.
La densité osseuse peut se mesurer soit par rayons, soit par ostéodensitométrie. Il existe une définition densitométrique de l'ostéoporose qui fait l'objet d'une codification de la part de l'Organisation mondiale de la santé. Pourquoi la densitométrie, qui est une méthode fiable de dépistage, demeure-t-elle ignorée par l'assurance maladie puisque celle-ci ne rembourse pas l'examen ? Cette maladie va-t-elle rester la seule dont le dépistage ne ferait pas l'objet d'un remboursement ? Pourquoi ce sort particulier fait à l'ostéoporose ?
Le coût de cet acte médical, du fait de son non-remboursement, est difficilement appréciable. Il varierait, me dit-on, de 300 francs à 1 500 francs.
Ce non-remboursement a également deux conséquences graves : d'une part, les hôpitaux publics ne s'équipent pas pour la pratique des analyses et la recherche de la maladie ; d'autre part, une médecine à deux vitesses se dessine. Certaines personnes, disposant de revenus confortables, peuvent se soigner. Les autres, faute de moyens suffisants, doivent subir les atteintes de cette maladie.
Il en va de même pour les traitements. Au cours des dernières années, de nombreux progrès scientifiques ont été réalisés dans la compréhension de l'activité des cellules osseuses et des mécanismes de l'ostéoporose. Un fait nouveau se dessine : des traitements, des médicaments se montrent aujourd'hui efficaces. Il en est ainsi du traitement hormonal, qui permet de compenser la carence en oestrogène, principale cause de l'ostéoporose. L'efficacité de ce traitement hormonal substitutif est toujours efficace, quel que soit l'âge. Comme la durée de traitement varie de cinq à dix ans, le remboursement insuffisant par l'assurance maladie a un effet ségrégatif selon les revenus des patientes.
Je souligne enfin qu'une politique de prévention fondée sur le remboursement des actes représenterait une économie de 20 % des dépenses médicales. Voilà qui est intéressant lorsque l'on recherche des économies pour la sécurité sociale !
L'ostéoporose est une maladie dont la gravité est aujourd'hui reconnue. Pourquoi refuse-t-on la prise en charge à 100 % des examens qui permettent de la dépister et des traitements qui permettent de la combattre lorsqu'elle est survenue ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Cette fois, c'est au nom du ministre délégué à la santé, dont vous voudrez bien excuser l'absence, que je m'exprimerai. Compte tenu du caractère éminemment technique de votre question, madame Beaudeau, vous accepterez certainement que certains éléments de réponse vous soient apportés par écrit.
La prévention de l'ostéoporose repose, d'abord, sur le respect des mesures hygiéno-diététiques qui visent à préserver le capital osseux par l'activité physique, un apport suffisant en calcium et en vitamine D.
Le programme national nutrition-santé 2001-2005 prévoit des mesures éducatives afin d'améliorer ces apports dans l'alimentation de la population en général et de façon plus particulière chez les personnes âgées. Chez ces dernières, il est aussi très important de prévenir les chutes, qui sont souvent à l'origine de fractures. La prévention des chutes des personnes âgées fait ainsi l'objet de campagnes d'information du Comité français d'éducation pour la santé et de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés.
En ce qui concerne le dépistage de l'ostéoporose, les travaux ont montré qu'il n'y a pas d'intérêt à réaliser un examen de dépistage tel que l'ostéodensitométrie de façon systématique en population générale. L'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, l'ANAES, vient de présenter des recommandations relatives aux « méthodes diagnostiques de l'ostéoporose post-ménopausique et chez les sujets traités par corticoïdes et leurs indications ».
Une étude complémentaire, demandée par la direction générale de la santé, est en cours de réalisation afin d'estimer le nombre de femmes présentant ces facteurs de risque et qui seraient donc susceptibles de tirer un bénéfice de l'ostéodensitométrie. Des recommandations de stratégies thérapeutiques sont aussi en cours d'élaboration par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.
Les mesures ultrasoniques de la densité osseuse restent du domaine de la recherche. Une étude comparative des méthodes ultrasoniques et par absorption biphotonique, lancée par l'INSERM, est actuellement en cours de développement.
S'agissant des traitements médicamenteux, je vous précise, - mais vous le savez, madame la sénatrice - que, d'une part, les traitements hormonaux substitutifs, dont l'une des indications est la prévention de l'ostéoporose, sont aujourd'hui pris en charge par l'assurance maladie et que, d'autre part, les médicaments ayant une indication dans le traitement de l'ostéoporose sont également pris en charge.
Tels sont les éléments de réponse que je pouvais vous apporter.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Madame la secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse, même si elle ne me satisfait pas complètement.
Je ne doute pas que le Gouvernement est conscient des problèmes. Et qu'il ait un plan pour l'avenir, heureusement ! Mais ce qui est en question ici, c'est le remboursement par l'assurance maladie de certains actes de radiologie tels que la densitométrie. Je ne demande pas un dépistage systématique, je souhaite simplement que, lorsqu'un médecin prescrit un tel acte de radiologie, celui-ci soit remboursé, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. En effet, tous les traitements hormonaux ne sont pas totalement remboursés, en tout cas pas ceux de la dernière génération.
Par ailleurs, l'ostéoporose n'est pas uniquement une maladie de femmes ménopausées ou de personnes vieillissantes. Ainsi, les polyarthrites rhumatoïdes et les traitements à base de corticoïdes sont susceptibles d'entraîner une ostéoporose en l'absence de traitements hormonaux.
Il y a beaucoup à faire en la matière, car cette maladie peut concerner des personnes jeunes, voire des adolescents ou des enfants. C'est un problème de santé pour toutes et tous, et il faudra aller beaucoup plus loin dans le traitement de cette maladie.
La question est importante, et je constate que vous semblez partager cette opinion. (Mme le secrétaire d'Etat acquiesce.)

MALTRAITANCE DES PERSONNES ÂGÉES

M. le président. La parole est à M. Teston, auteur de la question n° 1204, adressée à Mme le secrétaire d'Etat aux personnes âgées.
M. Michel Teston. Madame la secrétaire d'Etat, je souhaite appeler votre attention sur la maltraitance des personnes âgées.
Aujourd'hui encore largement méconnue, cette maltraitance concernerait 5 % des personnes âgées de plus de soixante-cinq ans, soit 600 000 milles personnes en France. A l'origine des abus, on trouve la famille dans 49 % des cas, les professionnels soignants à domicile ou en institution dans 22 % des cas, les amis et les voisins dans 16 % des cas.
Si 15 % des cas de maltraitance sont dus à des violences physiques, une part importante résulte d'un manque de soins tels que le refus d'aide, par exemple pour les repas et pour l'hygiène quotidienne, ou encore la privation de visites ou le non-respect de la vie privée.
Certes, une charte des personnes âgées dépendantes a été établie en 1986 par la Fondation nationale de gérontologie et est déjà diffusée auprès des établissements accueillant les personnes âgées ; mais cette liste de recommandations constitue avant tout une simple référence pour les acteurs de la prévention contre la maltraitance et elle est donc insuffisante pour répondre à l'ampleur des difficultés rencontrées.
Par ailleurs, cette problématique, qui rappelle celle de l'enfance en danger, nécessite la mise en oeuvre de mesures de sensibilisation et de prévention, mais également de protection. En effet, une fois les signalements effectués, des mesures de placement ou d'aide éducative en milieu ouvert seraient nécessaires pour accompagner les familles et élaborer des solutions telles que l'orientation vers un établissement, la recherche d'une famille d'accueil, l'accueil temporaire ou de jour dans une maison de retraite.
Aussi, madame le secrétaire d'Etat, permettez-moi de vous poser trois questions.
Tout d'abord, est-il possible d'engager une grande campagne de sensibilisation afin d'informer les familles, les différents partenaires socioprofessionnels concernés, ainsi que les victimes elles-mêmes ?
Ensuite, quelles sont les mesures de prévention susceptibles d'être adoptées ?
Enfin, quelles dispositions législatives pourriez-vous proposer pour la mise en oeuvre de réponses concrètes permettant de donner suite aux signalements de maltraitance ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat. Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Monsieur le sénateur, vous voudrez bien excuser l'absence de Mme Paulette Guinchard-Kunstler, au nom de laquelle je puis vous apporter les éléments de réponse suivants.
Mme le secrétaire d'Etat aux personnes âgées a installé, le 4 septembre dernier, un groupe de travail sur les maltraitances envers les personnes âgées pour trouver des réponses adéquates à ce problème. Ce groupe, présidé par le professeur Michel Debout, membre du Conseil économique et social, devra proposer des mesures permettant de mieux répondre aux cinq orientations prioritaires suivantes.
Il s'agit tout d'abord de mesurer l'ampleur du phénomène, d'en identifier et d'en évaluer les évolutions.
L'amélioration de l'information, de la sensibilisation et de la formation de tous les professionnels, du corps médical comme des secteurs sanitaire et social, constitue un deuxième objectif.
Ce groupe de travail devra également formuler des recommandations précises pour améliorer l'accueil et la prise en charge des personnes âgées à l'hôpital, notamment dans les services des urgences et, plus largement, dans tous les établissements médico-sociaux.
Il s'agit ensuite d'accélérer les conditions de mise en place d'un véritable réseau national d'écoute et de suivi des signalements de maltraitance envers les personnes âgées ou handicapées à partir du dispositif actuel animé par Alma, Allô maltraitance.
Il s'agit enfin de proposer des perspectives de mise en oeuvre des recommandations du groupe de travail interministériel sur le dispositif de protection des majeurs.
Les travaux du groupe s'achèveront bientôt et le professeur Debout doit remettre son rapport le 22 janvier à Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Vous comprendrez, monsieur le sénateur, qu'elle souhaite faire part elle-même des conclusions de ce rapport et des mesures qu'elle compte prendre, soit par voie de circulaire, soit par voie législative.
A titre personnel, monsieur le sénateur, permettez-moi de vous dire que je pense que nous aurions tous intérêt à globaliser l'approche de la violence - des violences - dans notre société.
M. Alain Dufaut. Oui, c'est vrai !
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Trop longtemps, en effet, nous nous sommes tus.
Pour ma part, j'ai commandé un rapport national sur les violences subies par les femmes. Ses conclusions ont stupéfait l'ensemble de l'opinion publique ! La maltraitance des personnes âgées est demeurée longtemps complètement taboue. Il est temps, aujourd'hui, d'en analyser les causes, d'oser en parler, de faire front.
Il n'y a pas, à mon avis, une violence urbaine, une violence des jeunes, une violence subie par les femmes et une violence subie par les personnes âgées ; il faut reconnaître que la violence existe dans notre société, et c'est d'une façon globale que nous devons nous y attaquer. (Applaudissements sur toutes les travées.)
M. Michel Teston. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Teston.
M. Michel Teston. Je prends acte des mesures de prévention et de protection qui ont déjà été engagées et je sais qu'un groupe de travail doit remettre prochainement ses conclusions au Gouvernement.
Je suis satisfait de votre réponse, madame la secrétaire d'Etat. Elle prouve - mais j'en étais déjà tout à fait conscient - que le Gouvernement a bien pris la mesure de ces problèmes.

INSUFFISANCE DE LA DESSERTE FERROVIAIRE
DE LA HAUTE-SAVOIE

M. le président. La parole est à M. Carle, auteur de la question n° 1205, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Jean-Claude Carle. Ma question s'adressait à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement, mais je ne doute pas de la qualité de la réponse que Mme le secrétaire d'Etat au logement y apportera.
Cette question a trait aux insuffisances de la desserte ferroviaire du département de la Haute-Savoie.
Frontalier de la Suisse et de l'Italie, ce département est au carrefour d'importants flux de marchandises en Europe. Premier département touristique hiver et été confondus, il est aussi un lieu de destination privilégié pour les vacanciers et la clientèle étrangère.
Malgré sa situation exceptionnelle, la Haute-Savoie est mal desservie en matière ferroviaire, ce qui porte préjudice à son développement économique et touristique.
Les dessertes rapides vers Paris et Lyon au départ d'Annecy ne sont pas à la mesure des besoins, le tronçon Annecy - Rumilly - Aix-les-Bains en particulier.
L'amélioration liée à la mise en service de la ligne à grande vitesse entre Lyon-Saint-Exupéry et Chambéry reste une perspective lointaine.
La volonté de desservir le nord de la Haute-Savoie est loin d'être évidente, même si une amélioration paraît possible avec la modernisation du tronçon reliant Bourg-en-Bresse et Bellegarde, qui apporterait un gain de temps significatif sur la liaison entre Paris et Genève.
L'agglomération d'Annemasse, le Chablais et la vallée de l'Arve ne semblent pas pris en considération, alors que les TGV au départ de Genève sont remplis à plus de 25 % par une clientèle haut-savoyarde.
Selon le projet actuel, la liaison Paris-Genève, qui compte sept aller-retour quotidiens, serait complétée par un TGV supplémentaire, mais aucune circulation quotidienne ne serait prévue entre Paris et le nord de la Haute-Savoie. Le site de Nurieux, dans l'Ain, retenu pour dédoubler les rames, paraît avant tout destiné à améliorer la desserte du bassin d'Oyonnax.
La création de la ligne du haut Bugey devait offrir une opportunité de rattraper, au moins en partie, le retard affiché par la Haute-Savoie, qui est malheureusement déjà traitée exclusivement en voies uniques. Or rien, dans la présentation actuelle de la SNCF et de Réseau ferré de France, ne mentionne de solution adaptée pour la desserte ferroviaire du nord du département.
C'est pourquoi je vous demande, madame le secrétaire d'Etat, quelle est la position du Gouvernement et quelles mesures vous comptez prendre pour réparer cet oubli, si toutefois il s'agit effectivement d'un oubli.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat au logement. Monsieur le sénateur, M. Jean-Claude Gayssot, qui est actuellement en séance à l'Assemblée nationale, m'a demandé de vous communiquer sa réponse.
L'accessibilité des villes du sillon alpin et du bassin franco-genevois fait partie intégrante de la politique de développement du transport ferroviaire qui a été actée dans le contrat de plan Etat-région pour la période 2000-2006.
Plusieurs opérations concernent la Haute-Savoie dans ce contrat de plan.
Tout d'abord, pour les lignes existantes, des crédits d'investissement sont prévus sur l'étoile ferroviaire d'Annemasse, en gare d'Annecy et le long de la ligne Aix-les-Bains-Annecy.
Ensuite, la réalisation de la ligne nouvelle à grande vitesse entre Lyon et le sillon alpin permettra de réduire les temps de parcours depuis Paris et Lyon d'environ trente minutes vers Chambéry et trente-cinq minutes vers Annecy.
Parallèlement, la réouverture de la ligne Bourg-Bellegarde, dite du haut Bugey, et décidée par ce gouvernement, se traduira par un gain de temps de l'ordre d'une vingtaine de minutes entre Paris ou Bruxelles, d'une part, et Genève et les villes de la Haute-Savoie, d'autre part. Associée aux relèvements de vitesse entre Paris et Lyon qui ont précédé la mise en service du TGV Méditerranée, la réalisation de ce projet permettra notamment de relier Paris à Genève en trois heures.
M. Gayssot a eu l'occasion d'évoquer ce dossier à plusieurs reprises avec le ministre suisse, M. Moritz Leuenberger, avec qui il entretient d'excellentes relations. L'accord de la Suisse pour une participation financière aux investissements d'infrastructures situées en France traduit bien la volonté conjointe et l'intérêt partagé des deux pays à ce projet.
Les études d'avant-projet sommaire sont désormais achevées. Elles reposent sur un accroissement de l'offre ferroviaire avec deux aller-retour supplémentaires vers Paris, et la création d'une halte à Nurieux permettant l'accroche de rames directes vers la Haute-Savoie avec les rames en provenance ou à destination de Genève. Sachez que le dossier intègre ainsi pleinement les besoins liés à la desserte de la Haute-Savoie, conformément au souhait des collectivités territoriales.
Dans la mesure où ce projet apporte une réponse à court terme aux besoins d'améliorer les dessertes de la Haute-Savoie, à la fois par correspondance TER ou par TGV directs, M. Gayssot a demandé que toutes les dispositions soient prises afin qu'une mise en service puisse intervenir en 2006, conformément aux calendriers mis au point conjointement avec la Suisse. Ainsi, toutes les procédures administratives seront engagées dans le courant du premier semestre de l'année 2002.
Enfin, la Haute-Savoie est également concernée par les études engagées par Réseau Ferré de France, RFF, à la demande de l'Etat, sur la réouverture de la ligne du Tonkin, qui longe le lac Léman.
M. Jean-Claude Carle. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Je voudrais d'abord vous remercier, madame le secrétaire d'Etat, des précisions que vous avez bien voulu m'apporter. Vous avez rappelé les engagements qui ont été pris dans le contrat de plan Etat-région.
Certes, je ne m'attendais pas à ce que vous me donniez, ce matin, un calendrier précis des réalisations, mais je reste néanmoins quelque peu sur ma faim.
Je sais que M. Gayssot a la volonté de développer le chemin de fer, qu'il s'agisse du transport des voyageurs ou de celui des marchandises. Si la volonté est sans doute nécessaire, elle n'est toutefois pas suffisante. Elle doit se traduire dans les actes.
Je souhaite donc que RFF et la SNCF prennent des décisions rapides, car c'est le développement global de notre département, industriel et surtout touristique, qui en souffre. En effet, bon nombre de touristes sont aujourd'hui dissuadés de prendre le train, à cause notamment des ruptures de charges, et ne fréquentent pas, de ce fait, les stations du Chablais et de la vallée de l'Arve.

EXPÉRIMENTATION DE LA RÉGLEMENTATION DU DÉPASSEMENT POUR LES POIDS LOURDS SUR L'AXE NORD-SUD ALSACIEN AUTOROUTIER OU L'AXE À DEUX FOIS DEUX VOIES ENTRE STRASBOURG ET MULHOUSE

M. le président. La parole est à M. Haenel, auteur de la question n° 1107, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Hubert Haenel. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ma question vise à demander à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement quelles mesures il compte prendre pour mettre fin au ballet des camions qui circulent sur l'axe nord-sud alsacien autoroutier ou l'axe à deux fois deux voies entre Mulhouse et Strasbourg, qui se dépassent et bloquent la circulation parfois pendant dix minutes ou un quart d'heure, comme j'ai pu le constater maintes fois.
Soulignant les risques d'accidents consécutifs à ces dépassements anarchiques et dangereux pour les usagers de la route, je demande la mise en place d'une expérimentation visant à réglementer, voire à interdire, sur certaines portions le dépassement des poids lourds sur la RN 83 et, plus particulièrement, entre Mulhouse et Colmar et entre Colmar et Sélestat, notamment au niveau de Guémar, section de quinze kilomètres sinueuse et très chargée.
Après de nombreuses interventions écrites et orales, et plusieurs coups de colère face à l'inertie des services, j'ai obtenu en partie satisfaction puisqu'une expérimentation a été mise en place. Toutefois, madame la secrétaire d'Etat, pourquoi ne pas étudier ce problème du dépassement des poids lourds sur un plan plus général et procéder à des expérimentations dans d'autres régions de France, afin d'évaluer les avantages d'une telle réglementation ?
A l'occasion de mes nombreux déplacements à l'étranger, j'ai constaté que le sujet avait été traité ailleurs, tout particulièrement chez nos voisins allemands. La France semble être en retard sur ce type de réglementation. Faudra-t-il, pour réagir, que survienne un grave accident consécutif à un dépassement anarchique ou au non-respect de l'intervalle réglementaire entre deux poids lourds ? Quelles explications seraient alors données aux victimes et à leur famille ?
Madame la secrétaire d'Etat, quelles mesures compte prendre le Gouvernement pour remédier à cette situation ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat au logement. Monsieur le sénateur, la question que vous posez est extrêmement importante, puisqu'elle concerne la sécurité routière. Même si la situation tend à s'améliorer en la matière, vous connaissez en effet le nombre des victimes, tués ou blessés, des accidents de la route.
Il ne faut pas croire que les pouvoirs publics n'ont pas réfléchi à cette question. Au-delà de l'expérimentation dont vous avez parlé et qui est engagée, sans doute est-il nécessaire de mieux faire connaître les possibilités de réglementer localement en fonction de la situation.
Votre question est pour moi l'occasion de rappeler les moyens qui peuvent être mobilisés pour la sécurité de nos concitoyens.
Tout d'abord, dans le cadre de leurs pouvoirs de police, les préfets sont chargés d'adapter les conditions de la circulation sur les routes et autoroutes de leur département en fonction de leurs caractéristiques et des dangers particuliers découlant du trafic. L'article R. 411-8 du code de la route leur permet de prendre des mesures plus rigoureuses que les dispositions réglementaires générales, si la sécurité de la circulation routière ou de l'ordre public l'exige. C'est au regard de ces dispositions qu'une interdiction de dépassements là où ils sont dangereux peut être mise en oeuvre.
En règle générale, les dépassements entre poids lourds sont autorisés s'ils respectent notamment l'article R. 414-4 du code de la route. Celui-ci spécifie qu'avant de dépasser le conducteur doit s'assurer qu'il peut le faire sans danger, c'est-à-dire qu'il a la possibilité de reprendre sa place dans le courant normal de la circulation sans la gêner, et que la vitesse relative des deux véhicules permet d'effectuer le dépassement dans un temps suffisamment bref.
Sur la proposition de cantonner à une seule voie de circulation les poids lourds, il faut considérer l'extrême variabilité de leur vitesse maximale autorisée, qui est, par exemple, sur autoroute, de 80 kilomètres à l'heure pour les transports de matières dangereuses, de 110 kilomètres à l'heure pour les véhicules de transport de marchandises d'un poids total autorisé en charge de moins de 12 tonnes, en passant par 100 kilomètres à l'heure pour certains véhicules de transport de voyageurs. De plus, le code de la route autorise la circulation sur autoroute sur la voie de droite pour des vitesses encore plus lentes.
Interdire le dépassement reviendrait à limiter la vitesse de certains de ces véhicules à celle du véhicule le plus lent et aurait pour conséquence prévisible de les inciter à transgresser la règle, ce qui irait à l'encontre de l'objectif d'amélioration de la sécurité routière.
Les véhicules de plus de 3,5 tonnes et de plus de sept mètres sont astreints à des règles plus strictes que les autres en ce qui concerne la distance à maintenir par rapport aux véhicules qui les précèdent.
En effet, à l'obligation nouvelle du décret du 23 novembre 2001, qui fixe la distance minimale à celle qui est parcourue en deux secondes en fonction de la vitesse, s'ajoute cumulativement l'obligation antérieure d'une distance minimale de cinquante mètres quelle que soit la vitesse pour les véhicules dont j'ai parlé. De plus, le non-respect de cette obligation est désormais sanctionné plus lourdement, puisque à une amende de deuxième classe de 35 euros a été substituée une amende de quatrième classe de 135 euros à laquelle s'ajoute un retrait de trois points du permis de conduire.
Enfin, il convient de rappeler que, lorsqu'une autoroute comporte plus de deux voies, l'article R. 412-25 du code de la route interdit l'accès de la voie la plus à gauche à la totalité des poids lourds.
Monsieur le sénateur, vous voyez que les réglementations existent.
L'idée de responsabiliser d'abord et avant tout le conducteur est au coeur de nos préoccupations. Le ministère des transports est très soucieux de porter à la connaissance des préfets les marges de manoeuvre qu'ils ont, localement, en partenariat avec les élus, pour trouver les bonnes adaptations des réglementations, et à la connaissance des transporteurs les contraintes qui pèsent sur chacun d'eux et qui méritent d'être rappelées.
M. Hubert Haenel. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel. Madame la secrétaire d'Etat, j'apprécie votre réponse et le fait que vous ayez rappelé avec précision tant les grands principes que le cadre législatif et réglementaire.
Il serait toutefois souhaitable qu'une note ou une circulaire soit adressée à tous les préfets pour leur rappeler les différentes possibilités qui s'offrent à eux.
Par ailleurs, on pourrait aussi envisager que, de temps en temps, les forces de police et de gendarmerie concentrent leurs contrôles sur ces points particuliers.

POLITIQUE DU 1 % LOGEMENT

M. le président. La parole est à M. Demilly, auteur de la question n° 1219, adressée à Mme le secrétaire d'Etat au logement.
M. Fernand Demilly. Madame la secrétaire d'Etat, je souhaite appeler votre attention sur l'utilité et la légitimité des comités interprofessionnels du logement, les CIL, gestionnaires du 1 % logement au regard des négociations qui se sont tenues entre les partenaires sociaux et l'Etat dans le cadre des « conventions » d'octobre 2001.
A la lecture de ces conventions, c'est plus de 12 milliards de francs, sur les 17 milliards de francs collectés, qui seront utilisés par l'Etat.
Le CIL, organisme paritaire collecteur des cotisations d'entreprises, voit ainsi son rôle de décideur local nié par les décisions prises à l'échelon national, lesquelles le détournent de sa vocation première, à savoir être au service des entreprises assujetties et de leurs salariés par des aides à l'accession à la propriété, à la rénovation et à la location.
Ces aides contingentées et restreintes excluent parfois les salariés eux-mêmes au profit de nouveaux ayants droit sans lien avec le monde du travail.
Dans ces conditions, quelle est la légitimité même du 1 % logement ? Le rôle de l'entreprise ne va-t-il pas se limiter à être le payeur, sans retour au profit de ses salariés ?
La nouvelle destination des fonds collectés - démolition - reconstruction de « quartiers », financement de HLM, etc. - est-elle légitime pour l'entreprise, qui devient une nouvelle manne financière de la politique sociale du Gouvernement ?
Madame la secrétaire d'Etat, comptez-vous redonner aux entreprises et aux CIL les moyens et les pouvoirs qui leur sont dévolus ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat au logement. Monsieur le sénateur, quel plaidoyer pour la disparition du rôle du 1 %, qui lèserait les entreprises !
Or l'accord que nous venons de signer au mois de décembre - puisque nous ne sommes plus dans la convention - a été obtenu avec l'unanimité des syndicats et du MEDEF, et approuvé pour le Gouvernement. Je n'imagine pas que l'ensemble de ces forces sociales cessent soudain de prendre en compte l'intérêt des salariés et des entreprises !
L'accord trouvé, fondateur pour l'avenir, me paraît consolider le pacte républicain et répondre parfaitement aux besoins des salariés des entreprises.
Premièrement, il est clair qu'un certain nombre de logements réservés par les entreprises ne trouvaient pas preneur chez les salariés, ce qui concourait à aggraver la ségrégation sociale dans certains secteurs où les poches de pauvreté s'accroissaient.
C'est pourquoi les gestionnaires du 1 % et l'ensemble des forces sociales se sont associés à l'idée que le Gouvernement défend, avec, me semble-t-il, un large accord de tous, à savoir l'accélération des démolitions dans certains quartiers pour y réinstaurer de la mixité sociale et pour y offrir à nos concitoyens une qualité de vie grâce à des appartements mieux adaptés à l'attente d'aujourd'hui.
Le 1 % reste, pour une large part, dans ses fonctions originelles. Il y a d'abord le soutien à l'accession à la propriété. Je vous rappelle que 4,3 milliards de francs - pardonnez-moi, je n'ai pas fait la conversion en euros - étaient historiquement consacrés au soutien aux HLM, qui accueillent massivement des salariés, et heureusement, car ceux-ci ont aussi droit au logement !
Deuxièmement, les aides qui sont destinées aux travaux d'amélioration sont maintenues à la même hauteur. Ce qui est fondamentalement nouveau, c'est d'abord l'accompagnement des démolitions par des reconstructions et la constitution d'un outil foncier pour accroître l'offre locative de logements intermédiaires pour les classes moyennes dans les quartiers qui sont aujourd'hui trop monolithiques et trop touchés par le risque de ghettoïsation ; c'est ensuite la création de logements sociaux, voire très sociaux, pour des salariés. En effet, vous le savez, monsieur le sénateur, il y a des salariés qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, ce qui est un autre problème. Nous créons donc des logements sociaux pour les salariés dans les secteurs où il y en a peu, dans les centres villes ou dans les villes qui n'atteignent pas le seuil de 20 % de logements conventionnés fixé par la loi.
Nous sommes donc devant le partage d'une responsabilité : faire vivre la mixité sociale, que je crois être la déclinaison urbaine du pacte républicain.
Les organismes collecteurs du 1 % logement ont émis la crainte d'être dessaisis des politiques locales. Bien évidemment, le Gouvernement a également été très attentif à ce que l'action de l'association foncière et le 1 % logement soient liés aux plans locaux de l'habitat et aux programmes locaux définis par les élus locaux et par les partenaires sociaux, les collecteurs du 1 % logement sur le terrain.
C'est pourquoi l'association Foncière comportera obligatoirement une structure régionale qui permettra aux différents organismes collecteurs de veiller à ce qu'il n'y ait pas une « captation » du 1 % logement en direction de certaines régions au détriment d'autres. En tout cas, sur ce point, la convention est claire : la répartition du 1 % logement doit correspondre à la réalité du territoire et répondre à l'attente des entreprises.
M. Fernand Demilly, Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Demilly.
M. Fernand Demilly. Je vous remercie, madame la secrétaire d'Etat, de votre réponse. Mes informations différent des vôtres ; elles émanent des comités interprofessionnels du logement et de leurs conseils d'administration.
Ma question concernait effectivement la légitimité et l'utilité de ces comités interprofessionnels du logement, organismes paritaires et gestionnaires, en principe, de ce que l'on appelle toujours le « 1 % logement » et qui est devenu, après un certain nombre de baisses successives, le « 0,45 % ». Il permettait néanmoins aux entreprises d'aider leurs salariés - j'en fus le gestionnaire dans une grande entreprise - par des prêts pour l'accession à la propriété et les travaux d'entretien ou d'amélioration, notamment pour les salariés victimes des inondations, et par des aides au locatif et à la mobilité professionnelle.
Sans aucunement contester les objectifs du Gouvernement en matière de politique sociale du logement, il est évident que, de plus en plus, le rôle de ces comités interprofessionnels du logement devient celui de tiroir-caisse pour des actions de l'Etat. Le rôle de l'entreprise se limite donc à celui de payeur, sans toujours en avoir un retour au profit de ses propres salariés.
De ce point de vue, la réponse ne peut être satisfaisante puisque, au fil des années, le 1 % logement continue d'être détourné de sa vocation première - être au service des entreprises et de leurs salariés - pour devenir une manne financière au service de la politique sociale de l'Etat.
J'aurais souhaité, madame la secrétaire d'Etat, que vous nous fassiez part d'intentions positives pour redonner à ces comités interprofessionnels du logement leur utilité et leur pouvoir local et faire en sorte que le 1 % logement retrouve sa légitimité.

CONSÉQUENCES DE LA CRÉATION
DE LA HOLDING ALLIANCE

M. le président. La parole est à M. Renar, auteur de la question n° 1212, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en juin dernier, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie annonçait le projet de rapprochement de la Caisse des dépôts et consignations et des caisses d'épargne au sein d'une holding. Pour parler franchement, en ce début d'année, les éléments d'information en notre possession, même s'ils restent insuffisants, n'ont guère levé nos doutes et nos craintes sur les objectifs réels de ce projet et sur ses conséquences.
La création d'« Eulia » - c'est désormais le nom de l'opération - a pour objet le regroupement des activités concurrentielles de la Caisse des dépôts et consignations et des caisses d'épargne pour les orienter vers les marchés financiers.
De fait, la Caisse des dépôts et consignations et les caisses d'épargne sont deux véritables institutions de notre pays qui occupent une place singulière essentielle pour le financement des activités publiques et d'intérêt général. Depuis deux siècles, ces deux institutions poursuivent une coopération tout à fait originale : la première centralise l'épargne populaire collectée par la seconde pour l'utiliser, pour l'Etat et les collectivités locales, au financement d'actions d'utilité publique.
La Caisse des dépôts et consignations est l'un des plus grands investisseurs publics dans des domaines aussi variés que le logement, les infrastructures et les transports, l'équipement des collectivités locales, l'aménagement du territoire. C'est également le plus grand bailleur du logement social français.
On mesure les conséquences de l'irruption des intérêts privés dans ces sphères d'activités, car nous savons bien que la satisfaction de l'intérêt général est rarement au coeur de leurs priorités.
Une enquête récente de la Banque de France mettait en évidence les difficultés que rencontrent les PME pour obtenir des prêts auprès des banques. Qu'en sera-t-il demain pour les communes, surtout les plus petites, celles qui sont jugées moins solvables ?
Les dangers existent également pour les clients, ceux des caisses d'épargne et de La Poste. Nous savons en effet que les services financiers de La Poste sont appelés, à terme, à intégrer ce nouveau pôle financier. La Poste et les caisses d'épargne rassemblent l'essentiel des comptes de clients « modestes », titulaires de comptes à faibles revenus, jugés non rentables par les autres institutions. Ces deux établissements représentent l'essentiel du réseau bancaire des petites communes. Par ailleurs, 40 % de ces communes qui ont un bureau de poste ne disposent pas d'un établissement bancaire.
On sait depuis longtemps que les regroupements signifient non pas multiplication des structures, mais bien fermeture de bureaux, réduction des activités et suppression d'emplois.
Les personnels de ces entreprises ont bien raison de s'inquiéter.
Le Gouvernement avait annoncé, voilà deux ans, lors de la discussion du projet de réforme des caisses d'épargne, sa volonté de constituer un vétitable pôle public financier, afin de permettre le développement d'une nouvelle grande mission de service public de l'épargne et du crédit au service de l'emploi et de la formation. Or ce projet tourne totalement le dos à cet objectif et s'apparente davantage à une privatisation supplémentaire. Ses conséquences, que j'ai évoquées, sont trop graves à tout point de vue pour qu'il soit réalisé sans véritable concertation et sans débat.
Je pense que ce projet doit être gelé et que toutes les dispositions doivent être prises pour engager un véritable débat national sur la place et le rôle d'un pôle financier public, conforme aux engagements gouvernementaux de 1999.
Je vous demande, monsieur le secrétaire d'Etat, de bien vouloir me préciser les intentions du gouvernement à ce sujet.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur. Monsieur le sénateur, la constitution d'Eulia, le 11 décembre dernier, crée le troisième groupe bancaire français. Le projet industriel de la Caisse des dépôts et consignations et du groupe des caisses d'épargne contribue au renforcement du pôle financier public fort que nous appelons de nos voeux et qui est le garant de l'intérêt général comme des intérêts des salariés de ces entreprises.
Le rapprochement concerne exclusivement les activités bancaires et financières des deux groupes qui se situent, vous l'avez noté, dans le champ concurrentiel. Il constitue le prolongement de la création de CDC-Ixis, autorisée par le Parlement lors de l'adoption de la loi relative aux nouvelles régulations économiques. La société commune sea détenue à 50,1 % par la Caisse des dépôts et consignations et à 49,9 % par le groupe des caisses d'épargne.
Le groupe des caisses d'épargne apporte à la société commune l'activité financière de la Caisse nationale des caisses d'épargne, 40 % du Crédit foncier de France, son pôle immobilier et ses activités dans le domaine de l'assurance dommages. La Caisse des dépôts et consignations apporte de son côté 53 % de CDC-Ixis, sa banque d'investissement avec ses participations.
Le troisième grand acteur du pôle financier public, La Poste, est un partenaire de longue date de la Caisse des dépôts et consignations et du groupe des caisses d'épargne, notamment au sein de la Caisse nationale de prévoyance, la CNP, dont elle est un actionnaire important et dont elle assure la distribution des produits. Elle partage aussi le monopole de la collecte du Livret A avec les caisses d'épargne. Sa place dans le pôle financier public est naturelle en raison de sa contribution de fait en matière d'aménagement du territoire et de son rôle avéré dans les zones urbaines sensibles.
Le Gouvernement souhaite conforter l'activité des services financiers de La Poste. Celle-ci devra naturellement trouver une articulation avec Eulia et ses deux principaux actionnaires, la Caisse des dépôts et consignations et le groupe des caisses d'épargne. Les travaux d'élaboration du nouveau contrat de plan entre La Poste et l'Etat seront l'occasion de mener une réflexion sur ce sujet.
S'agissant des missions d'intérêt général des deux groupes, la constitution d'Eulia, loin de les marginaliser, permettra de les renforcer non seulement en regroupant plus clairement des activités purement concurrentielles, mais aussi en apportant aux deux groupes des moyens nouveaux au service de l'intérêt général.
Le Gouvernement a, pour sa part, régulièrement exprimé sa confiance dans la vocation d'intérêt général du pôle financier public : la Caisse des dépôts et consignations assure désormais le monopole de collecte des dépôts des notaires ; elle joue un rôle central dans la politique de la ville, notamment au travers du fonds de renouvellement urbain, doté de 3 milliards de francs. La loi lui a confié la gestion administrative de l'établissement public Fonds de réserve pour les retraites et le Gouvernement a décidé, en juillet 2000, l'extension des emplois des fonds d'épargne à des emplois d'intérêt général dans le secteur de l'environnement, des transports urbains et de la politique de la ville. Enfin, lors du comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire du 9 juillet dernier, le financement des réseaux à haut débit lui a été affecté.
Le groupe des caisses d'épargne conserve, pour sa part, l'exercice de ses missions d'intérêt général telles qu'elles lui sont conférées par la loi de 1999 portant réforme des caisses d'épargne.
Ces quelques exemples illustrent le renforcement du pôle financier public et semi-public s'appuyant de manière équilibrée, nous semble-t-il, sur ces deux piliers. C'est tout le sens de la création d'Eulia.
M. Ivan Renar. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de votre réponse, qui n'apaise cependant pas totalement mes craintes. En effet, vous avez terminé en parlant de pôle financier « public et semi-public », j'ajouterai : « privé ».
Ce que je crains, c'est que l'orientation totalement nouvelle donnée à ce pôle public ou semi-public ne se traduise, à très court terme, par la primauté de l'intérêt privé, rentable rapidement, au détriment des missions de service public et d'intérêt général, avec pour conséquences - on le voit déjà avec La Poste - des emplois en moins, des agences et des bureaux supprimés, des clients modestes ignorés, des coûts financiers supplémentaires importants pour les collectivités, quand il ne s'agira pas de l'impossibilité, pour les plus petites d'entre elles, de trouver l'argent nécessaire à la réalisation de leurs investissements.
On peut donc craindre que, progressivement, l'Etat ne se prive de ses propres instruments de développement économique et social.
Le statu quo est-il une solution ? Non ! Il faut réformer, non pas en privatisant, mais en mettant sur pied un vrai pôle public financier, qui pourrait être chargé de développer une mission nouvelle de service public pour l'emploi et la formation et d'encourager réellement les investissements.
Le pôle actuel Eulia peut être un moyen de départ, à condition d'en changer radicalement les objectifs et les missions et d'en élargir le périmètre, tout en maintenant l'intégrité de chacune de ses composantes. Votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat, semble bien confirmer que tel n'est pas tout à fait le choix fait par le Gouvernement.
Un tel débat ne peut pas revêtir simplement la forme d'une question orale. Avec mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen, nous verrons quelles mesures doivent être prises pour que puisse s'ouvrir un débat beaucoup plus large que celui qui peut résulter d'une séance de questions orales comme celle d'aujourd'hui.

RÉORGANISATION DE LA POSTE

M. le président. La parole est à M. Demeriat, auteur de la question n° 1210, adressée à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.
M. Jean-Pierre Demerliat. Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite vous interroger sur la mise en place de la nouvelle déconcentration opérationnelle, la NDO, au sein de l'entreprise La Poste et aussi vous faire part des inquiétudes concernant son activité actuelle, inquiétude que je sens se développer chez les usagers, les élus locaux et les agents de cette entreprise.
Même si cette NDO a été expérimentée par le programme SOFT, ou schéma d'organisation des fonctions transversales, il reste à craindre qu'elle ne débouche sur une organisation des services complexe dans laquelle une dilution des responsabilités serait susceptible de pénaliser les usagers.
En Haute-Vienne, par exemple, cette nouvelle organisation se matérialisera par le remplacement des quatre groupements généralistes actuels par deux groupements « courrier » et trois groupements « grand public ».
Pouvez-vous nous assurer, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'efficacité de ce nouveau système sera supérieure à celle de l'ancien ? Les usagers et les personnels y trouveront-ils leur compte ?
Plus important encore, à mon sens, un sentiment d'abandon, donc d'injustice, semble gagner nos zones rurales. En effet, malgré l'embauche de quatre mille agents et le maintien de dix-sept mille points de contact avec le public au niveau national, les fermetures estivales et les réductions des horaires d'ouverture des bureaux de poste en milieu rural ont commencé à atteindre le moral des usagers, des élus locaux et des agents.
Les difficultés de remplacement, en cas de congé-maladie, d'un agent, surtout quand ce dernier exerce dans plusieurs communes, ne font que renforcer ce sentiment.
Les élus locaux regrettent fortement le déclassement d'agences postales en simples guichets dits de proximité.
La concentration des tournées de distribution qui en découle amoindrira mécaniquement la « rentabilité » des bureaux ainsi déclassés, ce qui pourrait conduire la direction de La Poste à s'interroger, en un deuxième temps, sur la pertinence du maintien de tels sites. J'espère, bien évidemment, que tel n'était pas l'objectif visé.
Les élus, notamment les élus locaux, regrettent aussi que les directeurs de groupement chargés d'assurer l'information préalable sur les modalités de fonctionnement des bureaux de poste pratiquent peu la concertation avec les élus et prennent insuffisamment en considération leurs demandes. Dans ces conditions, les conseils locaux de présence postale pourraient perdre de leur utilité.
Enfin, la distribution du courrier s'effectue de plus en plus tardivement. Ainsi, 77 % seulement des lettres sont distribuées à J + 1 alors que l'objectif du contrat de plan 1998-2001 était de 84 %.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ces remarques ne sont bien évidemment pas dirigées contre La Poste. Au contraire, elles marquent l'attachement des usagers, des élus, surtout les élus locaux, à cette entreprise.
Ma question sera donc très simple : quelle action sera entreprise pour que La Poste continue à jouer son rôle d'acteur du service public, du service au public, dans le respect des usagers, des élus locaux et aussi de ses agents ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur. Monsieur le sénateur, tout d'abord, la nouvelle déconcentration opérationnelle à La Poste concerne moins de 4 % des effectifs. Cette déconcentration opérationnelle est limitée à l'organisation des directions départementales et des groupements ainsi qu'à l'encadrement des deux mille plus grands bureaux.
Elle vise à responsabiliser les agents d'encadrement sur des missions clarifiées. Cette déconcentration des responsabilités a été précédée d'une phase expérimentale conduite entre juillet 2000 et mai 2001 et a commencé, depuis, à se déployer sur l'ensemble du territoire.
L'objet de cette déconcentration est de déboucher sur une organisation plus efficace et plus réactive, donc de mieux répondre aux attentes des usagers.
Sa réussite passe par son appropriation par le personnel concerné. C'est pourquoi, pendant toute la phase de déploiement, il est prévu de poursuivre les concertations avec les personnels, au niveau tant local que régional. C'est pourquoi il a également été décidé de suspendre le déploiement de la nouvelle déconcentration opérationnelle durant la mise en place de l'euro, jusqu'au mois de mars, afin d'engager tous les moyens sur l'introduction de la nouvelle monnaie.
Concernant, ensuite, la présence postale en milieu rural, avec 17 000 points de contact, la France dispose du réseau postal le plus dense d'Europe. Il est particulièrement développé en zone rurale, avec une implantation postale pour 850 personnes dans les communes de moins de 2 000 habitants, contre une implantation postale pour 10 370 personnes dans les communes de plus de 10 000 habitants. Cette présence postale n'a pas été remise en cause par le contrat de plan signé en 1998 : le nombre de points de contact est resté stable.
Il convient également de s'assurer qu'à l'échelon local les implantations postales et les horaires d'ouverture correspondent bien aux besoins des populations. C'est pourquoi ont été mises en place depuis 1999, dans chaque département et sous la présidence d'un élu, des commissions départementales de présence postale territoriale, afin de disposer d'un lieu d'échange et de dialogue.
Aucune évolution ne doit se réaliser sans concertation préalable et ne doit déboucher sur une dégradation du service rendu aux usagers. Les partenariats entre les communes et La Poste peuvent être utilement développés. Tel est le cahier des charges de ces commissions, qui sont un outil mis à la disposition des élus.
Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments de réponse à votre question que je voulais apporter, en lieu et place de mon collègue Christian Pierret.
M. Jean-Pierre Demerliat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, des précisions que vous avez bien voulu m'apporter.
Je profite de l'occasion qui m'est donnée pour saluer l'action menée par notre représentant lors du Conseil européen des ministres chargés de la poste, le 15 octobre dernier. En effet, grâce à M. Pierret, il n'y aura pas de libéralisation totale du secteur de la poste avant 2009.
C'est heureux, car, outre son activité classique de courrier, La Poste remplit des missions d'intérêt général, ce que le secteur privé ne souhaite pas faire. Elle assume un rôle social important, car elle constitue, en fait, la banque des plus démunis.
C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, le prochain contrat d'objectif entre l'Etat et La Poste doit donner à celle-ci les moyens d'assurer une présence forte dans les quartiers urbains sensibles, mais aussi, surtout en ce qui concerne mon département, dans les zones rurales.
En effet, La Poste est et doit rester l'un des acteurs du renforcement de la cohésion sociale de la nation.

COMPÉTENCES DES ARCHITECTES
DES BÂTIMENTS DE FRANCE

M. le président. La parole est à Mme Printz, auteur de la question n° 1199, adressée à Mme le ministre de la culture et de la communication.
Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous connaissons toutes et tous la règle : tout projet de construction ou de travaux situé dans un périmètre de 500 mètres autour d'un édifice protégé au titre des différentes lois sur les monuments historiques, les secteurs sauvegardés ou les zones de protection du patrimoine architectural et urbain, est soumis à l'avis des architectes des Bâtiments de France, les ABF.
Depuis les années soixante, les ABF veillent à la sauvegarde de notre patrimoine, mais, aujourd'hui, leur rôle est régulièrement contesté. En effet, qui d'entre nous n'a pas été confronté aux sollicitations d'élus, de responsables d'association ou de particuliers désireux d'entreprendre une démolition, une restauration ou une construction et se heurtant aux services des architectes des Bâtiments de France ?
Les contestations sont nombreuses, et parmi celles-ci figurent notamment la fluctuation des règles et l'obligation de faire appel à des entreprises agréées.
En effet, il n'est pas rare, dans les périmètres protégés, que les règles varient en fonction des personnes et des circonstances.
Ces changements conduisent aujourd'hui de nombreuses personnes à s'interroger sur la pertinence des remarques des architectes des Bâtiments de France, à qualifier d'abus de pouvoir les décisions de cette autorité administrative et, surtout, à demander qu'un règlement connu, transparent et qui ne change pas au gré des personnes soit appliqué.
En outre, les voies de recours sont rares, ce qui n'atténue que très peu les pouvoirs de cette autorité, même si des avancées ont été obtenues par le passé.
Ce fut le cas en 1983, dans le cadre des lois de décentralisation, mais uniquement pour les zones de protection du patrimoine architectural et urbain créées par les communes.
Plus près de nous, la loi du 28 février 1997 relative à l'instruction des autorisations de travaux dans le champ de visibilité des édifices classés ou inscrits et dans les secteurs sauvegardés a institué une commission du patrimoine et des sites.
Malheureusement, celle-ci a montré ses limites puisque, en quatre ans, les recours dont a été saisie cette commission restent d'ordre anecdotique, et ses infirmations des décisions de l'architecte des Bâtiments de France représentent moins d'un quart des contentieux qui lui ont été soumis.
Il n'est pas question aujourd'hui de jeter la pierre aux architectes des Bâtiments de France, car nul ne contestera le rôle inestimable qu'ils ont joué, qu'ils jouent toujours et qu'ils doivent continuer à jouer dans la préservation de notre patrimoine. Toutefois, leurs décisions doivent pouvoir faire l'objet d'un recours, au même titre que toute autre décision administrative, et les règles qu'ils appliquent doivent être transparentes.
A défaut d'un accord sur le texte que nous avons examiné en juin dernier, le débat que nous avons eu à ce sujet n'a pas manqué d'intérêt. Il a révélé plusieurs préoccupations communes à nos différents groupes.
Mais, comme vous l'aviez fort justement souligné à ce moment, monsieur le secrétaire d'Etat, il ne faut pas légiférer à la hâte. La qualité architecturale en espaces protégés ne doit pas passer après le souci de surmonter un avis négatif de l'architecte des Bâtiments de France.
Je souhaite donc connaître les pistes que le Gouvernement privilégie en vue d'améliorer et d'étendre les possibilités de recours contre les décisions des ABF, et, plus particulièrement, s'il est envisagé de moderniser les commissions pour que les élus, qui sont les principaux intéressés, y trouvent une juste place. Par ailleurs, est-il question d'instaurer, une bonne fois pour toutes, des règles publiques et durables au sein des périmètres protégés ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle. Vous vous interrogez, madame la sénatrice, sur les décisions des architectes des Bâtiments de France dans les périmètres protégés et sur les possibilités de recours contre ces décisions, en souhaitant mieux y associer les élus.
Le Gouvernement partage votre souci. Depuis l'adoption par votre Haute Assemblée, le 14 juin 2001, de la proposition de loi de M. Fauchon rapportée par M. Richert, nous avons poursuivi notre réflexion.
En effet, si les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager et les secteurs sauvegardés font l'objet de règles connues et donc prévisibles pour les élus et les pétitionnaires, il n'en est pas de même pour les abords des monuments historiques. Nous souhaitons donc, dans l'intérêt de tous, améliorer l'information du public sur ces règles de protection.
En ce qui concerne les recours, outre le droit commun qui permet à une personne s'étant vu refuser un permis de construire de saisir la juridiction administrative, il existe, en vertu de la loi du 28 février 1997, pour tous les espaces protégés, une procédure de recours contre l'avis de l'ABF ouverte aux maires. Mais celle-ci n'ayant pas donné de résultats suffisamment probants, le Gouvernement a décidé de la faire évoluer en l'ouvrant aux pétitionnaires, comme l'avait souhaité le Sénat.
S'agissant de la commission statuant sur les recours, tout en gardant le niveau régional, qui permet de prendre le recul nécessaire vis-à-vis des intérêts locaux et qui présente une plus grande pertinence sur le plan scientifique, nous proposerons d'en revoir la composition et le fonctionnement en y associant mieux les élus locaux.
Le Gouvernement est donc prêt à avancer dans le sens de la modernisation du dispositif entourant les décisions des ABF. Il déposera des amendements au projet de loi relatif à la démocratie de proximité, lors de son examen par votre Haute Assemblée, examen qui doit débuter aujourd'hui même.
Mme Gisèle Printz. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Printz.
Mme Gisèle Printz. J'apprécie les réponses que M. le secrétaire d'Etat vient de me donner, et surtout le fait que les élus locaux seront impliqués dans ces commissions de recours. J'espère que ces nouvelles dispositions seront favorablement accueillies par les ABF ?

DROITS DE PHOTOCOPIES
DANS LES ÉCOLES ÉLÉMENTAIRES

M. le président. La parole est à M. de Richemont, auteur de la question n° 1206, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.
M. Henri de Richemont. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, mais je ne doute pas que M. le secrétaire d'Etat m'apportera la réponse précise que nous attendons.
Cette question vise l'envoi en cours de 1 500 courriers du Centre français de la copie privée, le CFC, aux maires des communes de plus de 10 000 habitants - de plus de 5 000 habitants en région parisienne, ... et le maire d'une petite commune rurale que je suis s'attend à recevoir une lettre du même genre - les mettant en demeure d'acquitter un droit annuel de 10 francs par élève pour se mettre en conformité avec la loi du 3 janvier 1995 complétant le code de la propriété intellectuelle.
Cette loi, vous le savez, prévoit que toute reproduction par reprographie d'une oeuvre protégée est soumise à autorisation préalable et repose sur la gestion collective de ce droit par des sociétés, agréées par le ministère de la culture, de perception et de répartition des droits d'auteur.
L'éducation nationale est une grande consommatrice de reproductions d'oeuvres à destination des élèves et des étudiants. La question s'est donc posée de savoir si se secteur était ou non exclu du champ d'application de la loi précitée.
Depuis plusieurs années, des contacts entre le CFC et les universités puis les lycées et les collèges ont été engagés. Ils ont abouti à la signature de conventions visant à facturer un montant de dix francs par élève et par an, avec un plafond de 180 copies annuelles. Aux termes de ces conventions, le règlement de ces sommes est pris en charge par l'éducation nationale.
A la suite de cet accord, le Centre français de la copie privée a lancé une campagne en adressant les lettres dont j'ai fait état tout à l'heure à toutes les communes, responsables de l'enseignement primaire. Il les mettait en demeure - je pèse mes mots, car il s'agit d'un véritable racket - de payer elles aussi une redevance. « Si vous ne signez pas cette convention comme l'ont fait les collèges, les lycées et les universités, vous serez en infraction avec la loi », leur écrivait-on !
Comme je l'ai indiqué, le ministère de l'éducation nationale a pris à sa charge les coûts de reprographie pour les collèges et les lycées, mais il n'est nullement prévu qu'il en fasse de même pour les écoles primaires. Les maires se sont bien entendu inquiétés de cette situation et l'Association des maires de France, l'AMF, a saisi le ministre de l'éducation nationale de ce problème. A ce jour, aucune réponse n'a été apportée.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne vois vraiment pas pourquoi les communes devraient, à la différence des départements et des régions, supporter les coûts de reprographie, car si elles doivent, certes, assumer la location et l'entretien des bâtiments et l'acquisition du mobilier scolaire, les modalités de mise en oeuvre de l'enseignement primaire ne relèvent absolument pas de leurs compétences. Si cette nouvelle contrainte devait leur être imposée, les communes se verraient dans l'obligation de renoncer à acheter des photocopieurs, afin de ne pas avoir à acquitter des charges supplémentaires.
Monsieur le secrétaire d'Etat, à l'heure où le Gouvernement s'attache, à juste titre, à faire disparaître le racket dans les écoles, nous considérons qu'il s'agit précisément, en l'occurrence, d'un véritable racket exercé aux dépens des communes. C'est la raison pour laquelle je vous demande de donner une réponse claire à la question suivante : l'Etat est-il oui ou non d'accord pour s'engager à supporter cette dépense de dix francs par élève des écoles primaires, comme il le fait pour les collèges et les lycées ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle. Monsieur le sénateur, vous avez appelé l'attention du ministre de l'éducation nationale sur le lancement par le Centre français d'exploitation du droit de copie, le CFC, d'une campagne de mise en conformité de l'enseignement primaire au regard des dispositions du code de la propriété intellectuelle.
M. Lang vous prie de bien vouloir excuser son absence et m'a chargé de vous communiquer la réponse suivante.
La question de l'acquittement d'un droit de reprographie pour la reproduction d'oeuvres protégées, prévu par la loi du 3 janvier 1995 complétant le code de la propriété intellectuelle et relative à la gestion collective du droit de reproduction par reprographie, se pose en des termes différents pour l'enseignement supérieur, pour l'enseignement du second degré et pour celui du premier degré. Elle a été réglée de façon satisfaisante pour les universités et les établissements d'enseignement secondaire.
En effet, pour ce qui concerne les universités, un protocole d'accord a été conclu en novembre 1998 entre la conférence des présidents d'université, le CFC et la Société des éditeurs et des auteurs de musique, la SEAM. Le versement de la redevance due en contrepartie des photocopies réalisées à des fins pédagogiques est assumée par les budgets des universités.
S'agissant de l'enseignement secondaire, un protocole d'accord a été signé le 17 novembre 1999 par le ministère de l'éducation nationale, le CFC et la SEAM. En application de ce protocole, les établissements publics locaux d'enseignement ont, pour la quasi-totalité d'entre eux, conclu un contrat avec le CFC et la SEAM, aux termes duquel le versement d'une redevance de dix francs par élève les autorise à effectuer un maximum de cent quatre-vingts copies par élève et par an. Il s'agit là d'une dépense pédagogique à la charge de l'Etat, comme l'a établi le Conseil d'Etat dans un avis rendu le 25 mai 1999. En 2001, le ministère a délégué à ce titre 46 millions de francs aux établissements publics locaux d'enseignement, ainsi que 11,5 millions de francs aux établissements privés sous contrat.
L'Etat a donc, dans ces deux cas, rempli sans tergiverser les obligations qui lui incombent.
La situation des établissements du premier degré est différente, et il apparaît que la solution retenue pour le second degré ne leur est pas transposable.
En effet, à la différence des établissements du second degré, les écoles élémentaires ne sont pas des établissements publics dotés de la personnalité morale. Elles ne peuvent donc conclure par elles-mêmes un contrat avec le CFC.
Mais, surtout, la répartition des compétences entre l'Etat et les communes pour l'enseignement primaire n'est pas identique, en droit, à celle qui est organisée entre l'Etat, d'une part, et les départements et les régions, d'autre part, pour l'enseignement secondaire.
Dans ce dernier cas, la loi met explicitement à la charge de l'Etat les dépenses pédagogiques des collèges et des lycées, en vertu de l'article L. 211-8 du code de l'éducation. Pour le primaire, en revanche, la loi met à la charge des communes l'ensemble des dépenses de fonctionnement des écoles, sans réserver un sort particulier aux dépenses à caractère pédagogique. Ainsi, les communes supportent ordinairement la charge liée à l'acquisition des manuels scolaires.
Saisi récemment de ce problème par l'association des maires de France, le ministère a apporté une réponse identique à celle qui est faite aujourd'hui : en droit, rien ne semble justifier une intervention de l'Etat dans cette négociation, ni une prise en charge financière par ses soins de la dépense en question.
M. Henri de Richemont. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. de Richemont.
M. Henri de Richemont. Je suis profondément déçu de cette réponse, monsieur le secrétaire d'Etat, même si je comprends l'argumentation tout à fait juridique, mais aussi quelque peu jésuitique, qui la sous-tend.
Dans cette affaire, le Gouvernement nous dit que les collèges et les lycées relèvent de collectivités territoriales dotées de la personnalité morale et qui peuvent donc passer une convention avec le CFC, ce qui n'est pas le cas des communes. Pour cette raison, l'Etat refuse de prendre en charge, pour le premier degré, des coûts qu'il assume pour le second degré : ceux-ci, dans le premier cas, feraient partie des dépenses de fonctionnement entendues de manière globale.
Pourtant, si ma mémoire est bonne, monsieur le secrétaire d'Etat, l'acquisition des livres scolaires constitue bien une dépense à caractère pédagogique, financée par l'Etat pour les collèges. Je trouve donc absolument anormal que l'on restreigne, pour les élèves des écoles primaires, où débute l'éducation, l'accès aux photocopies et, par là même, à la littérature ou à l'art. Cela me paraît tout à fait dommageable pour ces enfants, et je ne comprends pas comment l'Etat peut ne pas aider les écoles primaires, comme il le fait déjà pour les collèges et les lycées, à financer cette dépense qui relève, à mon avis, de sa compétence.

SITUATION DE L'INSTITUT UNIVERSITAIRE
DE TECHNOLOGIE DE VILLE-D'AVRAY

M. le président. La parole est à M. Badré, auteur de la question n° 1217, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.
M. Denis Badré. Ma question concerne l'institut universitaire de technologie de Ville-d'Avray, qui jouit à juste titre d'une réputation flatteuse - vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, vous qui connaissez bien les Hauts-de-Seine ! - dans les domaines du génie électrique, du génie mécanique, du génie thermique et de l'aéronautique.
Malheureusement, cet établissement voit aujourd'hui son développement brisé, son rayonnement s'éteint et son avenir me paraît tout à fait compromis. Ses enseignants et ses étudiants sont complètement démotivés, alors qu'ils travaillaient sur des créneaux où la France se doit d'être présente et qui permettaient d'ouvrir à nos jeunes des carrières très intéressantes et utiles.
C'est un vrai gâchis, un véritable scandale, et j'ajoute, en tant que maire de Ville-d'Avray, que je regrette de voir ma ville entièrement défigurée par ce que l'on doit appeler une « friche universitaire », alors que ses habitants sont attachés à la préservation d'un cadre naturel et d'un patrimoine prestigieux.
Que s'est-il donc passé ? La commission départementale de sécurité, effectuant normalement son travail, a déclaré, en 1995, l'établissement dangereux en cas d'incendie. La réponse à ce problème a été très naturellement élaborée dans le cadre d'une concertation entre l'Etat et la région, au terme de laquelle ont été débloqués 80 millions de francs de crédits pour rénover le bâtiment. Un concours d'architecture a alors été organisé, là encore tout à fait normalement, et un projet a été retenu en 1997 - deux années s'étaient déjà écoulées - les travaux devant débuter en janvier 1998. Nous avons malheureusement l'habitude, lorsque l'Etat intervient, de délais de cet ordre, que l'on peut encore qualifier d' « acceptables », même si l'on ne peut que les déplorer.
Mais, depuis janvier 1998, plus rien n'a été fait, et nous sommes maintenant en janvier 2002 !
Le scandale prend des proportions qui me paraissent devoir être dénoncées ! Dans cette affaire, l'Etat fait preuve d'une incurie totale, et sa responsabilité me semble entièrement engagée, monsieur le secrétaire d'Etat.
En effet, quatre ans ont passé en vain : c'est inexplicable, et j'ajoute que des solutions transitoires ont dû être mises en place pour que l'IUT puisse continuer à fonctionner. Ainsi, le nomadisme a été organisé : on dispense tel enseignement à tel endroit, on accueille tels étudiants en tel lieu. Les contribuables sont quand même en droit de s'interroger sur cette situation, ainsi que le Parlement, qui a notamment pour mission de contrôler l'utilisation des crédits de l'Etat, car les solutions provisoires mises en oeuvre ont coûté 30 millions de francs depuis 1995 !
Par conséquent, alors que 80 millions de francs avaient été affectés à l'origine à cette opération, près de la moitié de ce montant a déjà dû être engagé pour prendre des mesures transitoires. Je le répète, la situation est tout à fait scandaleuse !
Ce provisoire ne peut durer. A cet égard, monsieur le secrétaire d'Etat, si la commune assurait la maîtrise d'ouvrage d'une opération dans de telles conditions, le maire se ferait tuer par ses administrés ! Quatre ans d'inaction, c'est impensable ! Parce que l'Etat est plus lointain, devons-nous tout accepter de sa part ?
Au regard de ce constat, je vous poserai deux questions, monsieur le secrétaire d'Etat : quel aura été le coût exact de ces solutions transitoires et que compte maintenant faire le Gouvernement pour mettre un terme à ces errements ? En effet, il convient de ne plus attendre passivement et d'éviter la mort pure et simple de l'IUT ; nous ne pouvons accepter une telle dérive, nous ne pouvons laisser ce dossier aller au fil de l'eau, en nous résignant à la disparition d'un établissement aussi prestigieux.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle. Monsieur le sénateur, vous avez souhaité obtenir des informations concernant le projet de reconstruction et d'extension de l'IUT de Ville-d'Avray, et je vais donc maintenant vous communiquer une série d'éléments de réponse à vos questions.
Ce projet, dont le coût était évalué à 80 millions de francs, prévoyait la démolition et la reconstruction des locaux du département de génie électrique et d'informatique industrielle, la création de locaux pour le département de génie thermique et la restructuration et la mise en sécurité de l'ensemble des bâtiments. Il était prévu que la région d'Ile-de-France le finance à hauteur de 30 millions de francs et l'Etat, maître d'ouvrage, à hauteur de 50 millions de francs.
La réalisation de ce projet a connu, comme vous l'avez souligné, d'importants retards dus, en premier lieu, à la modification du projet initial par l'IUT, qui a souhaité privilégier la construction de surfaces neuves aux dépens de la restructuration de surfaces existantes, et, en second lieu, à une sous-évaluation du coût de l'opération. En effet, un premier appel d'offres s'est révélé infructueux en septembre 1999 ; l'Etat a alors débloqué la situation en mobilisant, en 2000, 7 millions de francs supplémentaires, portant ainsi le montant de l'enveloppe globale à 87 millions de francs.
Les organismes de contrôle, considérant qu'une partie des modifications que je viens d'évoquer ne pouvaient être contractualisées par avenant au marché de maîtrise d'oeuvre, ont exigé une nouvelle consultation, ce qui a imposé plusieurs mois de procédure.
Après déblocage de la situation, un nouvel appel d'offres a été lancé à l'été 2001 et a été déclaré infructueux, comme c'est actuellement souvent le cas en raison de la conjoncture dans le secteur du bâtiment et des travaux publics. Un nouvel appel d'offres sera lancé en janvier 2002, l'Etat prévoyant d'allouer une nouvelle enveloppe complémentaire de 5 millions de francs. Si cet appel d'offres est fructueux, le marché de travaux sera signé en mai 2002, compte tenu des procédures relatives aux marchés publics.
M. Denis Badré. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré. Je remercie M. le secrétaire d'Etat des précisions qu'il m'apporte, même si ces précisions ne me rassurent pas du tout ; mais M. Duffour, qui, comme moi, connaît bien le département des Hauts-de-Seine et a personnellement, je le sais, examiné la situation réelle, n'est sans doute pas plus rassuré que moi...
Nous sommes face à un dérapage splendide, mais triste ! Je voudrais bien que la chronique de ce dérapage ne devienne pas celle d'une mort annoncée et que ne s'ajoutent pas de nouvelles difficultés d'année en année. La responsabilité de l'Etat, maître d'ouvrage, est engagée, et l'Etat doit assumer sa responsabilité quelles que soient les difficultés. Un maître d'ouvrage en rencontre d'ailleurs toujours, comme les maires ici présents le savent bien : il n'y a pas un chantier sur lequel on ne rencontre pas de difficultés ! Mais ces dernières n'expliquent pas et ne peuvent pas justifier de tels retards.
Je rappelle que le recteur, interrogé, voilà deux ans, à la suite d'une manifestation des étudiants et des enseignants, s'était personnellement engagé à ce que les travaux commencent en janvier 2001. Un an s'est écoulé depuis. Maintenant, le Gouvernement nous dit que, sous certaines conditions, le chantier démarrera peut-être dans six mois. Ce n'est pas admissible !
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'attire à nouveau solennellement votre attention sur ce fait : si vous ne voulez pas que cet IUT meure, il faut que des décisions radicales, drastiques soient prises immédiatement par l'Etat, responsable de ce chantier, pour que celui-ci puisse être mené à bien dans de bonnes conditions et dans les meilleurs délais.

POUVOIRS DU MAIRE EN MATIÈRE
DE DÉLIVRANCE D'ATTESTATIONS D'ACCUEIL

M. le président. La parole est à M. Courtois, auteur de la question n° 1187, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Jean-Patrick Courtois. Monsieur le président, je voudrais appeler l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur certaines conséquences engendrées par la loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France.
Cette loi prévoit, pour les étrangers souhaitant un visa de court séjour en France, le remplacement du certificat d'hébergement délivré par les maires par l'établissement d'une attestation d'accueil. La mise en place de l'attestation d'accueil, gratuite et délivrée sans la moindre vérification de la capacité de l'hébergeant à accueillir un ou plusieurs étrangers, a entraîné une très forte augmentation des attestations délivrées, notamment dans la ville de Mâcon, où le nombre de demandes est passé de 400 à 600 en moins de deux ans.
En effet, la réglementation ne confère aucune compétence au maire pour apprécier l'opportunité de l'accueil d'un étranger par le demandeur de l'attestation d'accueil puisque le maire doit seulement s'assurer de son identité et de la réalité de son domicile dans la commune. Ainsi, la demande d'attestation est faite à la mairie de sa commune par l'hébergeant, qui doit se présenter personnellement, muni d'un justificatif d'identité et de deux justificatifs de domicile. Dès lors que les pièces mentionnées sont produites, la certification par le maire est immédiate.
Dans la mesure où le maire ne peut refuser la délivrance d'une attestation qu'en cas de non-présentation des pièces justificatives de l'identité et du domicile ou d'un doute de l'authenticité et qu'il ne dispose, de surcroît, d'aucun pouvoir propre d'investigation, il est contraint d'accorder dans la quasi-totalité des cas l'attestation d'accueil qui lui est demandée.
Dans un souci de simplification administrative et du fait de l'absence de tout moyen de contrôle concernant l'opportunité de la délivrance de l'attestation d'accueil, il semblerait opportun que cette attestation puisse être délivrée directement et immédiatement par les services instructeurs de la mairie, du commissariat de police ou de la préfecture.
Dans la négative, et dans la mesure où un contrôle de l'opportunité de la délivrance d'une attestation d'accueil paraîtrait nécessaire, je souhaiterais que les critères d'appréciation devant être retenus me soient précisés.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle. Monsieur le sénateur, M. le ministre de l'intérieur vous prie de bien vouloir excuser son absence et m'a chargé de vous faire cette réponse.
Le décret du 27 mai 1982, modifié après l'adoption de la loi du 11 mai 1998, ne laisse pas, en effet, à l'autorité chargée de certifier les autorisations d'accueil la possibilité de refuser la délivrance de ces documents, sauf en l'absence des pièces justificatives relatives à l'identité du demandeur et au lieu d'accueil de l'étranger.
Mais, pour autant, l'allégement de la procédure de délivrance des certificats d'hébergement jugée trop contraignante par le législateur lors du vote de la loi du 11 mai 1998 ne signifie pas que les autorités chargées de viser les attestations d'accueil doivent accepter de certifier des demandes qui constituent des détournements de procédure.
Les demandes multipes d'attestation d'accueil signées par un seul hébergeant « attestant pouvoir accueillir », pendant la même période, un nombre de personnes excessif au regard de sa capacité à les héberger peuvent constituer la preuve d'une aide à l'immigration irrégulière, et donc d'une fraude à la loi.
Plus généralement, en vertu d'une jurisprudence ancienne et constante du Conseil d'Etat, lorsqu'un administré se place dans une situation prévue par un texte à des fins étrangères à celles que le législateur ou le pouvoir réglementaire avait en vue, l'administration dispose de la faculté de faire échec aux agissements de cet administré. Tel semble être le cas de la personne qui demande la certification de multiples attestations d'accueil dans le but de faciliter l'entrée sur le territoire d'étrangers qu'elle n'a ni l'intention ni d'ailleurs les possibilités d'accueillir.
Dans cette situation, l'autorité chargée de viser l'attestation d'accueil n'a pas besoin d'une habilitation expresse résultant du texte dont l'application est revendiquée - c'est l'article 2-1 du décret du 27 mai 1982 - pour prendre une décision de refus de certification au motif que la demande de certification constitue une fraude à la loi.
Par ailleurs, en leur qualité d'officiers de police judiciaire, les maires, les commissaires de police ou les commandants de brigade de gendarmerie disposent de la possibilité de constater les infractions à la loi pénale. En tant qu'officiers publics, ils ont le devoir de faire usage de l'article 40 du code de procédure pénale et sont par conséquent tenus d'aviser sans délai le procureur de la République lorsqu'ils ont connaissance d'un délit.
Lors de la conférence annuelle des ambassadeurs de France, qui s'est tenue le 28 août dernier, l'attention de M. le ministre de l'intérieur a été appelée par les ambassadeurs sur les nombreuses tentatives de fraude portant sur les attestations d'accueil dans le cadre de la délivrance des visas.
A cette occasion, M. Vaillant a demandé aux ambassadeurs de faire établir des contacts directs entre leurs services et ceux des préfectures pour faciliter les recherches et lutter contre une telle fraude. Un télégramme du 17 octobre 2000 a invité les préfets à entretenir, en ce domaine, des relations directes avec les consulats de France.
M. Jean-Patrick Courtois. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Courtois.
M. Jean-Patrick Courtois. Je vous remercie de vos informations, monsieur le secrétaire d'Etat, mais elles ne règlent pas le problème des mairies !
A l'heure actuelle, lorsque les étrangers se présentent dans les services d'état civil des collectivités locales, ils fournissent des documents conformes au décret du 27 mai 1982 modifié après l'adoption de la loi du 11 mai 1998 et aux circulaires ministérielles ; dès lors - c'est automatique ! - le maire certifie l'autorisation d'accueil.
De deux choses l'une : ou bien l'on considère que cette procédure doit être conservée, et je ne vois pas pourquoi les services instructeurs de la préfecture, du commissariat de police et de la mairie ne pourraient pas délivrer directement les attestations aux particuliers - on leur ferait au moins gagner du temps ! -, ou bien l'on considère - et cela va dans le sens de la demande des ambassadeurs - qu'une vérification plus poussée est nécessaire.
Dans ce dernier cas, il faut donner aux collectivités locales les moyens juridiques de contrôler les demandes présentées par les étrangers, notamment la capacité de l'hébergeant, le nombre de demandes déjà formulées au cours des douze derniers mois et la solvabilité de ceux qui accueillent, afin que l'étranger venant en résidence en France ne se retrouve pas rapidement à la charge tant du centre communal d'action sociale de la collectivité que de l'établissement hospitalier qui, neuf fois sur dix, va être obligé de l'accueillir. Il faut donc donner de manière très précise des instructions aux collectivités locales pour qu'elles aient les moyens de vérifier les demandes d'attestation d'accueil.

ÂGE REQUIS POUR DEVENIR
SAPEUR-POMPIER VOLONTAIRE

M. le président. La parole est à M. Biwer, auteur de la question n° 1202, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Claude Biwer. Monsieur le président, Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la nouvelle réglementation édictée par l'Etat, qui a fixé à dix-huit ans l'âge à partir duquel les jeunes qui le souhaitent peuvent devenir sapeurs-pompiers volontaires, pose assurément de multiples problèmes.
En premier lieu, elle a totalement méconnu la situation des jeunes « cadets » âgés de plus de quatorze ans qui se préparaient à devenir sapeurs-pompiers dès l'âge de seize ans : ils sont techniquement prêts, mais doivent désormais patienter jusqu'à l'âge de dix-huit ans.
Le résultat n'a pas tardé : nombreux sont ceux qui, lassés par une trop longue attente, ont préféré renoncer. C'est ainsi que les corps de sapeurs-pompiers ont perdu de précieux éléments qui auraient pu, ultérieurement, assurer la relève des plus anciens.
Je trouve tout particulièrement regrettable que, par une réglementation absurde, l'on ait ainsi découragé des jeunes, pourtant motivés, alors que, dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, le volontariat donne des signes d'essoufflement.
Des jeunes de seize ans peuvent être très utiles aux services d'incendie et de secours dans certaines opérations, ainsi que dans le service intérieur. Il est bien entendu hors de question de les faire participer à des emplois opérationnels de pointe afin de ne pas leur faire courir de risques inutiles.
Pour autant, il me semble que le report de seize à dix-huit ans de l'âge minimum d'entrée dans les corps de sapeurs-pompiers devrait faire l'objet de mesures d'accompagnement visant à ne pas décourager les jeunes gens et les jeunes filles intéressés.
Pourquoi ne pas créer l'emploi ou le grade d'« apprenti sapeur-pompier volontaire », qui serait accessible aux jeunes de seize ans titulaires du brevet de cadet de sapeur-pompier ? Il conviendrait de préciser que ces apprentis sapeurs-pompiers volontaires ne pourraient participer aux missions d'attaque de feu ou de secours aux victimes ou encore aux opérations de nuit. Le taux de base de leur vacation pourrait être légèrement inférieur à celui des sapeurs-pompiers volontaires des autres grades.
Il serait, par ailleurs, utile de rendre accessibles à ces apprentis sapeurs-pompiers volontaires toutes les formations de base des sapeurs-pompiers volontaires.
Enfin, pourquoi ne pas favoriser l'accès au concours de sapeur-pompier professionnel des apprentis sapeurs-pompiers volontaires ayant déjà plus de douze mois de présence dans un corps et étant titulaires de certaines qualifications de base ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, toutes ces mesures seraient, à mon avis, de nature à remotiver les jeunes souhaitant se destiner au volontariat dans les corps de sapeurs-pompiers : nous avons besoin de leur compétence et de leur générosité, surtout en milieu rural, où leur rôle est irremplaçable.
Qu'il me soit permis de leur rendre hommage et de rappeler à quel point la population et les élus leur sont reconnaissants pour les inestimables services qu'ils leur rendent.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle. Monsieur le sénateur, vous avez appelé l'attention du ministre de l'intérieur sur l'application du décret du 10 décembre 1999 modifiant la condition d'âge minimum pour intégrer un corps de sapeurs-pompiers.
En effet, l'article 5 de ce décret a fixé à dix-huit ans l'âge minimum permettant de souscrire un engagement de sapeur-pompier volontaire. Cette disposition trouve son origine dans un avis du Conseil d'Etat du 3 mars 1993 dans lequel la haute juridiction estime que les sapeurs-pompiers volontaires sont des agents publics contractuels à temps partiel. Or, l'âge minimum permettant l'accès aux cadres d'emplois des sapeurs-pompiers professionnels non-officiers est de dix-huit ans.
De plus, il ressort des différents avis émis sur cette question que la nature des tâches confiées aux sapeurs-pompiers volontaires nécessite souvent une maturité psychologique rarement atteinte avant l'âge de dix-huit ans.
Toutefois, l'article 71 du décret précité relatif aux sapeurs-pompiers volontaires prévoit une dérogation en faveur des jeunes sapeurs-pompiers volontaires inscrits, à la date de publication de ce texte, dans une association préparant au brevet de cadet de sapeur-pompier. En effet, en application de cet article, les intéressés ont la possibilité, pendant un délai de cinq ans à compter de cette date de publication, de souscrire un engagement de sapeur-pompier volontaire dès l'âge de seize ans.
Par ailleurs, les jeunes gens qui sont intéressés par l'activité de sapeur-pompier volontaire et qui ne peuvent bénéficier de la dérogation prévue à l'article 71 du décret susmentionné ont la possibilité de s'inscrire dans l'une des associations habilitées de jeunes sapeurs-pompiers prévues par le décret du 28 août 2000 au sein de laquelle ils peuvent recevoir, jusqu'à l'âge de dix-huit ans, une formation théorique et pratique essentiellement fondée sur l'apprentissage des techniques de secours et l'entraînement sportif.
Toutefois, sur la proposition de M. Vaillant, les conditions de l'âge d'intégration dans un corps de sapeurs-pompiers feront l'objet d'une concertation avec les différents partenaires dans le cadre d'une réflexion plus globale sur le volontariat qui sera lancée en 2002.
M. Claude Biwer. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Biwer.
M. Claude Biwer. J'ai bien écouté vos arguments, monsieur le secrétaire d'Etat, mais il me semble tout de même anormal que seul l'âge témoigne de la maturité des intéressés.
C'est le milieu rural qui est particulièrement pénalisé par cette disposition. En effet, si, dans les grands centres, les jeunes intéressés par l'activité de sapeur-pompier volontaire peuvent recevoir, au sein des associations habilitées de jeunes sapeurs-pompiers prévues par le décret du 28 août 2000, une formation théorique et pratique, il n'en va pas de même dans les milieux ruraux profonds. C'est d'autant plus regrettable que le volontariat donne des signes d'essoufflement.

ÉLABORATION DES SCHÉMAS
DE COHÉRENCE TERRITORIALE

M. le président. La parole est à M. Nogrix, auteur de la question n° 1211, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Philippe Nogrix. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur et concerne l'application de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, plus précisément l'article L. 122-3, alinéa II, relatif à l'élaboration des schémas de cohérence territoriale, les SCOT. Cet alinéa se lit ainsi : « Le périmètre du schéma de cohérence territoriale délimite un territoire d'un seul tenant et sans enclave. Lorsque ce périmètre concerne des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de schémas de cohérence territoriale, il recouvre la totalité du périmètre de ces établissements. »
Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaiterais savoir si cet extrait d'article doit être interprété comme contenant deux propositions alternatives. La seconde proposition doit-elle être considérée comme une règle dérogatoire à la première proposition exposant le principe général, permettant ainsi aux établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, auxquels la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 a permis le maintien d'une enclave en leur sein, d'établir un SCOT sur la totalité de leur périmètre ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle. Monsieur le sénateur, les schémas de cohérence territoriale, les SCOT, ont pout objet de fixer les grandes orientations au niveau des politiques d'urbanisme, d'habitat, de déplacements et d'implantation commerciale sur un périmètre adéquat.
Afin de permettre une analyse prospective dans les domaines susvisés, le périmètre des SCOT doit s'inscrire dans les contours d'un bassin de vie préexistant. C'est pourquoi, aux termes de l'article L. 122-3, alinéa II, du code de l'urbanisme, le périmètre d'un SCOT délimite un territoire d'un seul tenant et sans enclave.
Cette règle générale ne souffre aucune exception. Si le SCOT doit recouvrir la totalité du périmètre des EPCI compétents en matière de SCOT, il doit également respecter l'obligation de continuité territoriale. La délimitation du périmètre d'un SCOT est soumise à cette double exigence.
Ainsi, le maintien d'une enclave au sein d'un EPCI, admise dans des cas très exceptionnels, ne saurait en aucun cas autoriser ce dernier à élaborer un SCOT sur un territoire discontinu. Il y aurait là un manquement à la loi qui affecterait, sans aucun doute, la légalité du SCOT lui-même.
La situation qui vous préoccupe, monsieur le sénateur, est cependant tout à fait exceptionnelle puisqu'une seule communauté d'agglomération a été autorisée, par dérogation du législateur, à présenter une discontinuité territoriale.
M. Vaillant est prêt à examiner, avec M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement, la meilleure solution au problème très particulier que vous évoquez.
M. Philippe Nogrix. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous voudrez bien remercier vos collègues MM. Vaillant et Gayssot. J'espère qu'ils examineront le problème avec beaucoup d'attention.
En effet, il est tout de même un peu curieux que, parce que le législateur a voté une loi exigeant une cohérence territoriale et que, antérieurement, une dérogation a été accordée, dans un bassin de vie de 45 000 personnes, à une petite commune de mille habitants pour se raccrocher à un autre EPCI, le pays ne puisse pas élaborer un SCOT. Cela va à l'encontre de l'esprit du législateur. On s'en tient à la forme, alors qu'il s'agit de répondre à l'esprit de la loi.
Je vous remercie donc de votre réponse et je veillerai à ce qu'une suite y soit donnée.

RÉFORME DU PROGRAMME DE MAÎTRISE
DES POLLUTIONS D'ORIGINE AGRICOLE

M. le président. La parole est à M. Signé, auteur de la question n° 1203, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. René-Pierre Signé. Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur la réforme du PMPOA, le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole.
La profession agricole s'est engagée, depuis quelques années, dans la protection de l'environnement, consciente qu'il s'agit d'une composante du développement de l'agriculture ainsi que d'une demande de la société.
Le PMPOA a été lancé en 1993 et, après de longues négociations, la Commission européenne a approuvé son projet de réforme.
S'il est bien de réformer un outil indispensable, encore faut-il s'assurer du bon traitement des dossiers instruits pendant la période transitoire. Or on constate, en tout cas dans la Nièvre, que certains dossiers de demande d'aides déposés en avril 2000 n'ont toujours pas été traités par l'agence de l'eau. Les grandes exploitations ayant été traitées en priorité, la ligne de trésorerie est épuisée et ne permet plus de satisfaire les programmes les plus modestes, c'est-à-dire ceux qui concernent les petits éleveurs.
Sur quelles bases l'instruction des dossiers se fera-t-elle dorénavant ? Quel programme sera reconduit en 2002 ? Cela revient à demander quelles sont les nouvelles priorités du programme et dans quelles conditions les petites exploitations y seront intégrées. Enfin, comment seront traités tous les dossiers, notamment ceux des listes d'attente qui se sont constituées sur la base des anciennes modalités ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le sénateur, je vous prie d'excuser M. Jean Glavany, qui préside ce matin le Conseil supérieur d'orientation et de coordination de l'économie agricole et alimentaire, ce qui me conduit à le remplacer pour répondre à une question sur les PMPOA, dont l'ancien président du conseil général des Côtes-d'Armor que je fus longtemps a souvent eu à connaître.
L'accord de la Commission européenne concernant le nouveau programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole vient d'être notifié au gouvernement français.
Je crois tout d'abord que nous devons nous en féliciter, car cet accord entérine notre projet de réforme sur les bases financières initialement proposées, à savoir, pour la plupart des travaux, une aide représentant 60 % des dépenses. Vous n'ignorez pas, en effet, que nos échanges avec les services de la Commission se sont avérés d'autant plus difficiles que l'ancien dispositif de 1994, jamais notifié à Bruxelles, a conduit la Commission à engager contre la France, en mai dernier, une procédure contentieuse.
Comme vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur, le prochain PMPOA doit permettre, comme nous l'avions prévu, d'intervenir en priorité dans les zones où la qualité de l'eau est dégradée ou menacée, là où des actions renforcées se justifient.
Cela ne remet nullement en cause le fait que les élevages de plus de quatre-vingt-dix unités de gros bovins resteront éligibles sur tout le territoire, de même que ceux de plus de soixante-dix unités de gros bovins conduits par de jeunes agriculteurs installés depuis moins de cinq ans à la date de leur demande de financement de l'étude préalable et éligibles aux aides à l'installation au sens de l'article R. 343 du code rural.
Pour le reste, cela nous conduira à privilégier les zones vulnérables définies par la directive « nitrate » ainsi que certaines autres zones prioritaires dans lesquelles on observe effectivement une menace réelle sur la qualité de l'eau. Dans ces zones, tous les élevages seront éligibles quelle que soit leur taille.
La priorité donnée aux zones vulnérables ne fait, en réalité, que refléter la situation géographique des bénéficiaires du PMPOA.
S'agissant de ceux qui sont entrés jusqu'à présent dans le programme en fonction d'un critère de taille, on observe que 70 % sont situés dans des zones vulnérables.
En ce qui concerne ceux qui restent éligibles, nous ne devons pas être loin de ce pourcentage.
M. Jean Glavany souhaite enfin rappeler que les dossiers de demande de financement de travaux déposés avant la date de réception par les préfets de la note du 1er décembre 2000 qui suspend l'ancien dispositif PMPOA seront traités, quant à eux, selon les règles antérieures, tant par l'Etat ou les collectivités locales que par l'agence de l'eau concernée.
M. René-Pierre Signé. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé. Monsieur le ministre, je vous remercie des précisions que vous m'avez apportées et qui sont rassurantes pour l'avenir du PMPOA.
Cependant, je voudrais insister sur deux points.
En premier lieu, un retard considérable a été pris dans le traitement des dossiers par les agences de l'eau. Jusqu'à présent, le financement est réparti en trois parts égales entre l'Etat, l'agence de l'eau et l'exploitant. Or l'agence de l'eau a laissé s'accumuler les dossiers. Certains exploitants attendent toujours une réponse, alors qu'ils ont déposé leur dossier en avril 2000.
Par ailleurs, les critères de financement retenus par l'Etat et par les agences de l'eau sont différents. On constate une dysharmonie évidente. Ainsi, les agences de l'eau ne s'intéressent pas aux bâtiments eux-mêmes, elles ne financent que le traitement de la pollution qui émane des bâtiments sans savoir si ces derniers peuvent être mis aux normes. Cette disparité de traitement et de financement est importante. Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous transmettiez ce message aux autorités compétentes pour que l'Etat et les agences de l'eau se mettent d'accord sur les critères de financement du PMPOA.
En second lieu, j'insiste sur le fait que les dossiers doivent être traités le plus rapidement possible, en particulier ceux qui ont été déposés par les petits exploitants. Vous m'avez rassuré en disant que tous les dossiers seraient examinés et que ce programme serait poursuivi. Il n'en demeure pas moins que, à l'heure actuelle, l'examen des dossiers des petits exploitants a pris un retard considérable. Il serait bon que les grandes exploitations ne soient pas traitées en priorité.

SITUATION DES COOPÉRANTS
AYANT PERDU LE DROIT À TITULARISATION

M. le président. La parole est à M. Souvet, auteur de la question n° 1119, adressée à M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
M. Louis Souvet. Monsieur le ministre, j'ai beaucoup de chance de vous avoir en face de moi. Il est en effet plus agréable pour celui qui pose une question de s'adresser au ministre compétent plutôt qu'à un ministre qui lit un papier et qui ne connaît pas forcément le sujet. Je tiens donc à vous remercier de votre présence.
La réponse que vous allez développer dans un instant semblera, je n'en doute pas, fort généreuse, du moins pour les personnes qui ne connaissent pas le dossier. Vous allez, avec les accents de la sincérité, me rappeler que, comme la titularisation de ces coopérants avait été organisée, il appartenait à ces derniers d'opter pour leur titularisation. Faute de l'avoir fait dans les délais requis, les agents concernés ont perdu leur vocation à titularisation.
A l'heure où une très grande majorité d'emplois-jeunes de l'enseignement vont être titularisés grâce à un concours spécial, il est savoureux de prendre connaissance de ce que la nation proposait à des docteurs d'Etat, à des coopérants d'expérience, bardés de diplômes de l'enseignement supérieur. Le terme « bardé » n'est pas galvaudé.
Ici commence le paradoxe français.
L'Etat n'hésite pas, contrairement à nombre d'exemples étrangers, à se séparer d'hommes et de femmes à qui leurs nombreux titres, mais aussi l'expérience irremplaçable du terrain, confèrent des atouts sans pareil. Chercherait-on à se priver d'éléments de valeur, d'une potentialité sans équivalent que l'on ne s'y prendrait pas autrement !
Paradoxe de l'Etat, qui déplore, dans le même temps, la fuite des « cerveaux » à l'étranger, par exemple pour des raisons d'application mesquine de l'âge de la retraite, pour des raisons de manque de moyens financiers dans nos différents laboratoires de recherche.
Mes chers collègues, je vais vous rappeler ce que l'Etat proposait royalement à nos coopérants qui possèdent des dizaines d'années d'expérience et dont le curriculum vitae dense témoigne d'un brillant parcours tant universitaire que professionnel. Il s'agissait d'une titularisation dans le corps des adjoints d'enseignement.
Ce corps et les membres qui le composent sont tout à fait honorables, et je salue ici la qualité du travail qu'ils accomplissent. Mais il convient de savoir raison garder. Mettez-vous à la place des coopérants auxquels il est proposé, d'un trait de plume, de faire abstraction de leurs plus hauts diplômes universitaires, de leurs recherches, du soutien qu'ils ont apporté à de nombreux thésards, ces derniers constituant ensuite l'élite de leurs pays respectifs ! Ces coopérants se sont consacrés corps et âme à leur tâche, ne comptant ni les heures de travail ni les conditions de vie quelquefois spartiates. Que leur a-t-on proposé en retour ? Une peau de chagrin, des miettes de la fonction publique.
L'Etat peut-il s'abriter derrière la logique financière en arguant du nombre d'intéressés concernés, comme il pourrait le faire, soit dit en passant, pour les dizaines de milliers d'emplois-jeunes de l'éducation nationale ? Moins d'un an avant les échéances électorales, bien évidemment, il est des sujets tabous !
En l'occurrence, ce n'est même pas le cas puisqu'une centaine de coopérants ont fait l'objet d'un licenciement. Il est vrai que le poids électoral est inversement proportionnel au coût engendré par une titularisation digne de ce nom ! Ni les rues de la capitale ni celles des grandes villes de province ne risquent de connaître des manifestations faisant date dans les annales des renseignements généraux !
Même si le nombre des personnes concernées ne plaide pas en leur faveur eu égard au rapport de forces, l'équité commande toutefois de prendre en compte, de façon objective, leur revendication. Il serait déplorable que l'arithmétique corporatiste soit l'unique et exclusif paramètre pris en compte par les pouvoirs publics au détriment des cursus universitaires.
Monsieur le ministre, je vous demande si vous saurez entendre l'appel de ces coopérants, afin de renforcer le pôle d'excellence que doit constituer l'éducation nationale, pôle d'excellence qu'un ancien ministre de ce ministère appelait de ses voeux.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Permettez-moi tout d'abord de vous dire, monsieur le sénateur, que je préfère, moi aussi, répondre personnellement aux questions qui me sont posées, mais - et je parle là au nom de tous mes collègues du Gouvernement - nos agendas ne nous permettent pas toujours d'être présents aux rendez-vous que nous fixent les assemblées parlementaires.
J'en viens à la réponse à la question que vous avez posée.
La loi n° 83-481 du 11 juin 1983, dite « loi Le Pors », qui a été intégrée dans la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, prévoit que les personnels civils de coopération culturelle, scientifique et technique en fonction auprès d'Etats étrangers ont vocation à être titularisés dans un corps de la fonction publique de l'Etat, sous réserve de remplir certaines conditions fixées par cette même loi.
Plusieurs décrets d'application ont été pris pour tenir compte de la diversité des situations dans lesquelles se trouvaient les ayants droit.
A ce jour, tous les coopérants ont eu la possibilité de faire valoir leur vocation à titularisation. Ce dossier peut maintenant être considéré comme clos dans la mesure où les derniers intéressés devaient se manifester auprès du ministère des affaires étrangères avant la mi-octobre 2001. Un dernier concours sera d'ailleurs organisé par le ministre des affaires étrangères en 2002 à l'intention de ceux qui se sont manifestés.
Plusieurs situations peuvent se présenter.
Les coopérants « ayants droit Le Pors » peuvent avoir perdu leur vocation à titularisation, soit parce qu'ils ont réussi un concours de la fonction publique avant que n'aient lieu les examens professionnels organisés en vue de leur titularisation, soit parce qu'ils ont volontairement mis fin au lien qui les unissait à l'Etat, soit parce qu'ils ont négligé de se manifester dans les délais fixés par lesdits décrets d'application, soit parce qu'ils ont échoué aux examens susmentionnés, soit, enfin, parce qu'ils ont expressément manifesté leur volonté de ne pas être titularisés.
L'article 82, alinéa 2, du statut général de la fonction publique de l'Etat dispose que les agents non titulaires qui n'ont plus de vocation à titularisation dans le cadre de la loi Le Pors continuent à être employés dans les conditions prévues par la réglementation qui leur est applicable et par les stipulations de leurs contrats.
Le Conseil d'Etat a estimé à l'occasion de plusieurs recours contentieux et avis dont il a été saisi que : d'une part, l'agent lié par un contrat à durée indéterminée et qui a perdu sa vocation à titularisation peut être licencié pour l'un des motifs et dans les conditions prévues par la réglementation qui le régit et par le contrat qu'il a souscrit ; d'autre part, l'agent lié par un contrat à durée déterminée qui a perdu sa vocation à titularisation peut bénéficier du renouvellement de son contrat une fois que ce dernier est arrivé à échéance, sans que cela constitue une obligation pour l'administration. Cet agent peut également être licencié sous réserve du respect des règles juridiques qui lui sont applicables.
Quoi qu'il en soit, monsieur le sénateur, je voudrais vous assurer de ma volonté de préserver, bien évidemment dans le cadre des moyens dont je dispose, le capital de compétences dont vous parliez à l'instant, qui constitue en effet pour nous un élément précieux dans le maintien du lien que l'histoire a forgé entre nous et l'Afrique notamment.
M. Louis Souvet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Souvet.
M. Louis Souvet. Votre réponse est exactement telle que je l'imaginais, monsieur le ministre. Je le répète, je ne crois pas qu'il soit convenable de proposer des postes d'adjoint d'enseignement à des titulaires de doctorats. Certes, les adjoints d'enseignement sont nécessaires, et je salue leur travail, mais en proposant de tels postes à des docteurs qui justifient de dizaines d'années d'expérience, on gaspille, me semble-t-il, un potentiel très important, qui pourrait être mieux utilisé.
A ce propos, je rappellerai le fameux proverbe selon lequel au lieu de donner du poisson, il vaut mieux apprendre à pêcher aux intéressés.
Il me semble que les coopérants concernés dispensent un enseignement très riche dans les pays dans lesquels ils se trouvent et dont ils forment l'élite, et nous avons tout intérêt à ce que cette élite continue à se réclamer d'une formation française !
M. Charles Josselin, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin, ministre délégué. Monsieur le sénateur, puisque les agents dont nous parlons sont en nombre limité, je veux bien, si vous le désirez, m'engager à examiner au plus près les cas que vous souhaiterez me soumettre, sans qu'il soit question pour moi d'autre chose que de m'assurer que le maximum a bien été fait pour que soit prise en compte la compétence que vous souligniez à l'instant.
M. Louis Souvet. Je vous en remercie, monsieur le ministre.
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures cinquante, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Serge Vinçon.)

PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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DEMANDE DE CONSULTATION
D'ASSEMBLÉES TERRITORIALES

M. le président. J'informe le Sénat que M. le président du Sénat a saisi, le 7 janvier 2002, M. le Premier ministre d'une demande de consultation, en application de l'article 74 de la Constitution, de l'Assemblée de la Polynésie française, du Congrès de la Nouvelle-Calédonie et de l'Assemblée territoriale de Wallis-et-Futuna sur la proposition de loi organique n° 163 (2001-2002) de M. Robert Badinter, relative à la coopération avec la Cour pénale internationale.

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DÉMOCRATIE DE PROXIMITÉ

Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 415, 2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la démocratie de proximité. [Rapport n° 156 (2001-2002) et avis n°s 161, 153 et 155 (2001-2002).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux tout d'abord vous prier d'excuser mon retard à rejoindre cet hémicycle pour entamer le débat qui va nous occuper pendant quelques jours : j'ai dû répondre à la dernière question d'actualité qui était posée aujourd'hui à l'Assemblée nationale et, bien entendu, je ne pouvais me soustraire à cet exercice.
Le projet de loi relatif à la démocratie de proximité que vous examinez à partir d'aujourd'hui s'inscrit dans la nouvelle étape de la décentralisation engagée par le Premier ministre le 27 octobre 2000, à Lille.
Après avoir rappelé la place qu'occupe le présent projet de loi dans cette démarche, je vous en présenterai les principales dispositions telles qu'elles ont été adoptées par l'Assemblée nationale.
Le contenu et les orientations de la nouvelle étape de la décentralisation ont été précisés à plusieurs reprises, notamment lors du débat d'orientation générale sur la décentralisation, le 17 janvier 2001, à l'Assemblée nationale.
En octobre 1999, le Premier ministre a confié à Pierre Mauroy, qui fut avec Gaston Defferre à l'origine de la décentralisation que nous connaissons aujourd'hui, la présidence de la commission pour l'avenir de la décentralisation. Cette commission a remis son rapport un an après et a répondu, par ses 154 propositions, à la demande du Premier ministre : présenter les mesures susceptibles d'approfondir la décentralisation dans un sens plus légitime, plus efficace, plus solidaire, en un mot plus citoyen. En s'appuyant sur ce rapport, consensuel pour l'essentiel, le Gouvernement a dégagé six priorités.
C'est, premièrement, la rénovation et la modernisation des institutions locales.
C'est, deuxièmement, la clarification de l'exercice de leurs compétences par les collectivités locales.
C'est, troisièmement, la modernisation des finances locales.
Sur ce point précis, le Premier ministre m'a chargé d'élaborer, conjointement avec le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, un premier rapport sur les voies et moyens d'une réforme des finances locales, rapport qui sera remis au Parlement dans les toutes prochaines semaines. Ce rapport doit étudier les mesures susceptibles de remédier aux défauts de la fiscalité locale actuelle, obsolète sur certains points et trop souvent injuste, comme aux défauts des dotations de l'Etat aux collectivités locales, peu lisibles et insuffisamment péréquatrices.
Depuis le mois de juillet, une première note d'orientation, adressée au comité des finances locales et aux commissions parlementaires ainsi qu'aux principales associations d'élus, a permis d'engager la concertation sur un sujet difficile, aux enjeux majeurs pour les collectivités locales, et donc pour les Français. J'ai, bien sûr, noté avec beaucoup d'intérêt les propositions exprimées ici par les uns et les autres lors du débat sur le projet de loi de finances pour 2002.
La quatrième priorité est la prise en compte des attentes de la fonction publique territoriale.
La cinquième est la relance de la déconcentration, inséparable d'une décentralisation réussie.
Enfin, sixièmement, il s'agit d'approfondir la démocratie locale et de mettre en oeuvre les mesures susceptibles d'aider les citoyens qui le souhaitent à assumer les responsabilités locales comme celles qui permettent de mieux les associer aux décisions locales. L'actuelle exigence de proximité, de plus en plus forte chez nos concitoyens, témoigne en effet du souhait des Français de participer à la préparation et à la définition des actions et projets publics qui les concernent au quotidien.
Je pense d'ailleurs que l'abstention de plus en plus forte depuis 1977 et jusqu'aux dernières élections municipales, dans les communes de droite comme de gauche, est effectivement, même s'il existe d'autres raisons, la conséquence d'une carence à cet égard et qu'il est nécessaire d'y remédier par des mesures concrètes, non par de simples déclarations d'intention.
C'est tout le sens de ce projet de loi, qui reprend nombre des conclusions de la commission pour l'avenir de la décentralisation, présidée par Pierre Mauroy.
Il tient compte également des préoccupations exprimées par les principales associations d'élus locaux, toutes membres ès qualités de la commission Mauroy, ainsi que de celles qui ont été émises dans le rapport de la mission parlementaire d'information des sénateurs Jean-Paul Delevoye et Michel Mercier, ou de celles qui ont émergé à l'occasion de débats particuliers, lors de l'examen de propositions de loi à l'Assemblée nationale comme au Sénat.
Ce projet de loi s'attache donc - et c'est son objet premier - à organiser et à promouvoir l'appronfondissement de la démocratie locale dans ses deux aspects complémentaires que sont la démocratie participative - titres Ier et IV - et la démocratie représentative, socle de notre démocratie - titres Ier et II.
Les autres dispositions intéressant les transferts ou, plus généralement, l'exercice des compétences des collectivités locales y sont évidemment largement liées ; c'est le cas du titre III, avec la départementalisation des services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS, et le transfert de nouvelles compétences aux régions.
Le titre V, qui porte sur le recensement, est loin d'y être étranger : on sait à quel point nous avons tous le souci de la bonne représentation de la population.
Je voulais insister sur la cohérence de la démarche et sur le double objectif, clairement affiché, de ce projet de loi, qui est riche de 124 articles depuis son adoption en première lecture par l'Assemblée nationale, mais dont l'objet premier est, tout au long de ses principales dispositions, d'approfondir la démocratie locale.
Comme je l'ai déjà indiqué lors de mon audition par votre commission des lois, le projet de loi enrichi par l'Assemblée nationale comprend des dispositions importantes et intéressantes qui sont parfois à la périphérie de son objectif majeur ; j'ai bien noté que certains des amendements déposés par vos commissions ou par quelques-uns d'entre vous présentent cette même caractéristique.
Compte tenu de la période, cette tentation est logique ; je conviens qu'il faut être pragmatique et régler éventuellement des problèmes urgents sans revenir pour autant sur les objectifs et sur la philosophie de ce projet de loi ou, plus généralement, de la décentralisation.
Néanmoins, il ne faut pas qualifier péjorativement un projet de loi dont un objectif clair inspire les dispositions essentielles et qui est, en outre, riche - notamment grâce au Parlement lui-même - de nombreuses dispositions permettant d'améliorer encore le fonctionnement de nos institutions décentralisées.
Il eût certes été dommage de ne conserver que le noyau dur des dispositions du projet de loi initial, même si, en apparence, cela lui eût donné une image plus concentrée sur son seul objet. D'ailleurs, vos commissions ne le proposent pas. Il n'empêche que ce noyau dur reste - et, je l'espère, restera - contenu dans ce projet de loi.
Je vais maintenant décliner les grands thèmes qui forment les titres Ier à V du projet de loi.
Le projet de loi organise tout d'abord la participation des habitants à l'action et au débat publics, en s'appuyant sur la création obligatoire de conseils de quartier dans les communes de 50 000 habitants et plus, pour chacun des quartiers qui les constituent. Mais seulement un peu plus d'une centaine de communes atteignant cette taille, le Gouvernement souhaite que ce seuil soit ramené à 20 000 habitants.
Le titre Ier comporte également un chapitre spécifique relatif au renforcement des droits des élus locaux au sein des assemblées délibérantes, notamment des élus de la minorité, ainsi qu'un article visant à améliorer la situation des membres des conseils économiques et sociaux régionaux.
Les conseils de quartier doivent être des instances consultatives permettant d'associer, aux côtés des élus, des représentants d'habitants et d'associations pour traiter de toute question intéressant le quartier et la commune.
Complémentaires et non concurrents du conseil municipal, du fait même du mode de désignation de leurs membres, qui est du ressort de l'assemblée délibérante, comme de la définition de leurs missions, que le projet de loi encadre, ces conseils de quartiers doivent être dotés des moyens de fonctionnement nécessaires.
Dans le souci du respect de la pluralité des expériences, la présence des conseillers municipaux doit être laissée au choix de chaque conseil municipal et, afin qu'aucune fraction de la population ne puisse être exclue, un conseil doit être créé dans chaque quartier.
Les règles de constitution et les missions dévolues aux conseils de quartier doivent permettre leur institution dans les communes urbaines qui ne se seraient pas, à ce jour, engagées dans une telle démarche participative.
Bien sûr, de nombreuses communes ont déjà mis en place des structures similaires, et je me suis exprimé à plusieurs reprises sur mon souhait de ne pas revenir sur ces expériences, afin d'autoriser la mise en oeuvre du dispositif le plus adapté aux spécificités locales.
Toutefois, comme l'indique le Conseil national des villes dans son avis sur ce point, la loi se doit de fixer des règles de constitution obligatoire, fussent-elles empreintes de la nécessaire souplesse, afin d'appuyer le bon développement de la démocratie locale et d'aider les collectivités encore un peu réticentes à s'engager dans cette voie nécessaire.
Il ne faut pas oublier que toutes les communes ne sont pas, loin de là, engagées dans un soutien résolu à la démocratie participative et que de nombreux quartiers souffrent encore aujourd'hui de l'absence d'une telle démarche, qui est certainement, pourtant, une condition de la réussite du renouveau social et urbain de nos villes.
J'ai d'ailleurs, à la suite des différentes concertations que j'ai menées depuis le 26 juin dernier date du vote de l'Assemblée nationale - et à la lecture des amendements adoptés par votre commission des lois - déposé deux amendements qui tiennent compte des principales critiques émises et qui garantissent expressément la souplesse nécessaire à de telles structures ainsi que la pérennisation des structures actuelles, mais qui ne vont pas jusqu'à faire perdre de facto son sens aux dispositions présentées.
Le projet de loi prévoit également la possibilité, pour les conseils municipaux des communes de plus de 50 000 habitants, de créer des postes spécifiques d'adjoints chargés principalement et non exclusivement du traitement des questions intéressant certains quartiers. Cette possibilité n'est évidemment pas une obligation, et leur création est prévue en sus du nombre d'adjoints au maire, plafonné à 30 % du conseil municipal par la loi. Je m'étonne d'ailleurs que, par un amendement, la commission des lois prévoie la suppression de cet article qui donnait quelque souplesse et une liberté supplémentaire au conseil municipal.
Le projet de loi rend également obligatoire, pour les communes de plus de 100 000 habitants, la création dans les quartiers d'annexes de la mairie offrant aux habitants des services publics de proximité. Là encore, cette disposition, importante pour la population des grandes villes, ne devrait pas être supprimée, comme le propose, par un amendement, votre commission des lois.
Le premier chapitre du projet de loi accroît enfin considérablement le rôle et les compétences des commissions des services publics locaux. Là encore, il s'agit bien de proposer aux citoyens des lieux de débat, de réflexion et d'initiative.
Par ailleurs, les droits des minorités dans les assemblées élues seront renforcés afin de contribuer à l'expression du pluralisme des opinions et à l'information générale des habitants.
C'est ainsi que des séances spécifiques devraient être consacrées à l'examen des projets de délibération de l'opposition. Le règlement intérieur adopté par le conseil municipal, selon les dispositions expressément inscrites dans le projet de loi, doit encadrer cette séance afin de satisfaire l'objectif de cette mesure et non de le dévoyer. Par amendement parlementaire, cette disposition a été étendue aux conseils généraux et, à partir du 1er janvier 2004, date d'entrée en vigueur du nouveau mode de scrutin, aux conseils régionaux.
C'est ainsi également que les procès-verbaux des délibérations des conseils municipaux des petites communes seront complétés afin de faire apparaître le nom des intervenants et le contenu de leurs interventions au cours des débats.
Une place sera également réservée à l'opposition dans les documents d'information générale qui ne seraient pas purement descriptifs ou pratiques. Cette disposition pourrait être précisée, dans un souci de bonne lisibilité et d'opérationnabilité.
Des missions d'information et d'évaluation d'un projet ou du fonctionnement du service public pourront enfin être constituées à la demande du cinquième du conseil municipal dans les communes de plus de 3 500 habitants - le Gouvernement avait proposé 10 000 - et dans les conseils généraux et régionaux. Là encore, le projet de loi encadre les modalités de désignation de leurs membres, leur rôle et leurs missions, afin de ne pas détourner ces missions de leur objet et de ne pas en faire, notamment, des occasions de pure opposition politique.
Je ne peux que regretter les amendements de suppression de ce dispositif et vous demander de ne pas refuser en bloc cette augmentation des droits des minorités. Si quelques-unes de ces dispositions vous semblent perfectibles, perfectionnons-les, j'y suis prêt ! Si vous souhaitez en proposer d'autres, plus novatrices ou plus profondes, je suis prêt également à les examiner et à m'en réjouir ! Mais les supprimer en bloc ne me paraîtrait pas vraiment améliorer la démocratie de proximité que tous les élus et la population appellent de leurs voeux.
Dans ce premier titre, les conditions d'exercice de leurs fonctions par les conseillers économiques et sociaux régionaux seront également améliorées afin de faciliter, notamment, la présence et la participation des membres salariés, à la suite de la concertation avec l'Assemblée des présidents de conseils économiques et sociaux régionaux et avec l'Assemblée des régions de France.
Vous aurez également noté que plusieurs amendements parlementaires ont été adoptés par l'Assemblée nationale, qui visent à accroître les compétences des conseils d'arrondissement de Paris, Lyon et Marseille et qui modifient la loi du 31 décembre 1982, dite « loi PLM ». Il s'agit, là encore, de se rapprocher de la population et d'approfondir la démocratie locale.
Le deuxième titre du présent projet de loi vise à démocratiser l'accès de tous aux fonctions électives locales afin, notamment, que la composition des assemblées locales soit plus encore qu'aujourd'hui un reflet de la diversité de la société française.
Ces dispositions améliorent, en conséquence, les conditions d'exercice des fonctions électives locales, de la candidature jusqu'à la fin du mandat, en développant tout particulièrement les mesures assurant une meilleure compatibilité tant avec l'activité professionnelle qu'avec la vie personnelle et familiale.
Sur cette base, il s'agit de permettre à tout citoyen de disposer d'un réel choix pour consacrer à son mandat le temps qu'il estime nécessaire, sans que son exercice en soit entravé par des contraintes matérielles ou des charges dissuasives.
En raison de la diversité des situations, le projet de loi privilégie souvent la libre appréciation des collectivités dans la mise en oeuvre de telle ou telle garantie, en fonction notamment des responsabilités exercées, plutôt que l'adoption de mesures de revalorisation de portée trop générale.
Le projet de loi vise ainsi à faciliter l'accès aux élections en instituant un droit à un temps d'absence pour participer aux élections locales.
Il vise également à mieux articuler le mandat local avec l'activité professionnelle, qu'elle soit salariée ou non, en accroissant, d'une part, les possibilités de disposer de crédits d'heures et, d'autre part, les compensations financières par la collectivité de ces absences aux élus non indemnisés.
Il prévoit de sécuriser la sortie du mandat, pour les élus ayant choisi d'interrompre leur activité professionnelle, par la création d'une allocation différentielle de fin de mandat versée pendant les six mois qui suivent cette fin de mandat. Cette allocation sera financée par une cotisation à la charge des collectivités concernées, afin de permettre une mutualisation des charges.
Le texte qui vous est présenté renforce également la formation en début ou en fin de mandat afin de mieux l'adapter aux besoins et aux contraintes des élus. Il convient, dans ce cadre, d'encourager les collectivités à mieux mobiliser les crédits liés à la formation et à mieux les répartir entre les divers élus.
Les dispositions présentées à votre examen prévoient encore des délibérations obligatoires des conseils municipaux en la matière, le triplement du congé formation de six jours à dix-huit jours et la mutualisation de ces dépenses en s'appuyant sur les structures intercommunales.
Le projet de loi revalorise également les indemnités de fonction des élus en redéfinissant le barème des indemnités des adjoints. Il institue, en outre, une enveloppe complémentaire en faveur des maires adjoints - 10 % de la masse indemnitaire - laissée à la libre répartition du conseil municipal et incite au versement des indemnités à taux plein aux plus petites communes, en renforçant les indemnités des conseillers municipaux bénéficiant de délégations.
La nomination de conseillers municipaux délégués est facilitée et la possibilité de rémunérer les conseillers municipaux dans leur ensemble, y compris pour les communes de moins de 100 000 habitants, a été ouverte par l'Assemblée nationale.
Dans le même esprit, le projet de loi vise à mieux adapter le remboursement des frais de déplacement ou des frais liés à des mandats spéciaux et à accompagner l'institution récente de la parité dans les conseils municipaux par le remboursement des frais de garde d'enfants.
Ce titre vise, enfin, à mieux garantir la couverture sociale des élus, en tenant compte de leur situation professionnelle et de leurs charges de famille.
Les dispositions des titres Ier et II ont été adaptées pour pouvoir être mises en oeuvre, telles que je viens de vous les présenter, dans les établissements publics de coopération intercommunale comme à Paris, Lyon et Marseille.
Je veux enfin rappeler, au sujet de ce deuxième titre, que ses dispositions, annoncées et précisées dès la fin de l'année 2000, reprennent nombre de celles qui ont été adoptées à l'Assemblée nationale lors de l'examen en séance publique de la proposition de loi déposée par le groupe communiste, le 14 décembre 2000, comme nombre de celles qui ont été adoptées au Sénat le 18 janvier 2001 et que Jean-Paul Delevoye avait rapportées.
Bien entendu, elles me paraissent ne pouvoir être examinées que de concert avec les autres dispositions d'approfondissement de la démocratie locale, une compétence accrue pour les collectivités locales et une participation accrue des habitants aux décisions qui les concernent.
Le troisième titre vise à améliorer le fonctionnement des services d'incendie et de secours, en s'inspirant des conclusions du rapport du député Jacques Fleury. Il ne constitue pas, vous l'aurez certainement remarqué, le tout prochain projet de loi sur la modernisation de la sécurité civile, qui a une vocation beaucoup plus large et qui devra être examiné par un prochain conseil des ministres. Ce dernier projet ne sera pas discuté dans le cadre de cette législature, bien évidemment, mais je ne l'ai d'ailleurs jamais laissé entendre : j'avais ainsi annoncé devant le congrès des sapeurs-pompiers à Strasbourg, le 7 octobre 2000, l'élaboration d'un projet de loi de modernisation de la sécurité civile qui serait déposé devant le Parlement avant la fin de la législature. Tel sera bien le cas !
Le projet de loi relatif à la démocratie de proximité accroît le rôle des conseils généraux, dès lors majoritaires dans le conseil d'administration des services départementaux d'incendie et de secours ; il rationalise, dans le même mouvement, les modalités du financement des services départementaux par un gel partiel de l'évolution des contributions des communes et des groupements à leur budget.
Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale est plus précis encore, trop peut-être, puisqu'il prévoit la suppression, au 1er janvier 2006, de toute contribution des communes et des groupements de communes au budget des services départementaux d'incendie et de secours. Nous aurons certainement l'occasion d'en reparler au cours des débats à venir !
Le titre III comprend également quelques propositions concrètes de transfert de compétences, au bénéfice essentiellement des collectivités régionales.
Soucieux de répondre aux attentes exprimées sur tous les bancs de l'Assemblée nationale lors du débat sur la Corse, j'avais indiqué que le Gouvernement inclurait dans ce projet de loi les transferts de compétences aux régions les plus consensuelles.
A l'issue du débat à l'Assemblée nationale, un certain nombre de transferts ou d'extensions de compétences ont été retenus.
Tout d'abord, en matière économique, les régions pourront instaurer, par délibération, leurs propres régimes d'aides directes aux entreprises, sous forme de subventions, de bonifications d'intérêts ou de prêts et avances remboursables, y compris à taux nul, dans le respect, bien sûr, de nos engagements internationaux.
Les régions pourront également doter un fonds de capital-investissement qui sera géré par une société de capital-investissement.
Ensuite, dans le domaine de la formation professionnelle, les régions se voient transférer la pleine compétence de l'apprentissage et de la formation professionnelle des jeunes comme des adultes. Les régions arrêteront ainsi le schéma régional des formations de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l'AFPA, et se verront confier la gestion des primes à l'incitation à l'embauche d'apprentis.
En outre, une expérimentation sera lancée pour étudier les modalités d'un transfert définitif de la gestion de certains ports et aéroports à l'ensemble des régions. Plusieurs d'entre elles pourront, à leur demande, procéder à cette expérimentation, en accord avec l'Etat. Les départements pourront, s'ils le souhaitent, s'y joindre également.
Enfin, en matière d'environnement, les régions se verront transférer la compétence de planification pour la qualité de l'air et les déchets industriels spéciaux. Elles devraient également être compétentes pour le classement de certaines des réserves naturelles et pour l'élaboration de certains inventaires faunistiques et floristiques.
D'autres transferts ont été étudiés, mais il n'a paru ni possible ni opportun de les inscrire dès maintenant dans ce projet de loi, au regard de leurs incidences, notamment, sur la situation des personnels concernés ainsi que sur les finances des collectivités. C'est en ce sens, et par référence à la nouvelle étape de la décentralisation, que doit être comprise l'expression selon laquelle les transferts de compétences n'épuisent pas l'ambition de ce gouvernement, mais vont aussi loin que possible aujourd'hui. D'autres transferts devront être étudiés. Mais chaque chose en son temps !
Vous remarquerez, en outre - mais cela ne vous surprendra pas -, que les transferts de nouvelles compétences confiées aux régions ne reprennent pas l'ensemble des mesures retenues pour la Corse. En raison de sa spécificité, la Corse continuera de justifier, quelles que soient les avancées de la décentralisation dans notre pays, un statut particulier.
J'ai déjà déclaré que j'examinerai avec attention les transferts de compétences intéressant les autres niveaux de collectivités territoriales qui seraient proposés par les sénateurs et qui ne demanderaient pas des expertises ou des concertations impossibles à mener avant la fin de la session parlementaire.
Nous en reparlerons dans les jours à venir. Je suis prêt à dialoguer sur ce point.
J'indique par ailleurs au Sénat que le titre IV sera présenté par M. Yves Cochet, le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, lors de l'examen des articles en séance.
Toujours dans le souci d'accroître la participation des habitants aux décisions qui les concernent, ce titre a pour objet d'élargir de manière très significative le champ du débat public sur les grands projets par un accroissement des domaines d'intervention de la Commission nationale du débat public.
Parallèlement, le projet de loi clarifie les modalités de la concertation entre l'Etat et les élus locaux et renforce la responsabilité des collectivités locales dans les procédures d'enquête publique.
Enfin, le titre V a pour objet de réformer le recensement ponctuel qui est organisé tous les sept à neuf ans par une procédure statistiquement actualisée chaque année et susceptible de donner une meilleure photographie de la France entre les deux recensements actuels.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi permettra des avancées très significatives tant du nécessaire approfondissement de la démocratie locale que de la décentralisation renforcée au bénéfice des collectivités régionales.
Il présente une cohérence et des objectifs clairs, même s'il n'a pas vocation, je le répète, à épuiser les ambitions du Gouvernement en matière de transferts de compétences et, plus généralement, de nouvelle étape de la décentralisation.
C'est ainsi que les réformes et les simulations sont déjà largement engagées pour les finances locales et que les priorités sont dégagées pour l'avenir. Il s'agit en effet d'une première étape et non d'effets d'annonce non maîtrisée ou de parties de Meccano institutionnel !
Le Gouvernement et la majorité qui le soutient depuis 1997 se situent dans la même logique que celle de leurs prédécesseurs de gauche qui, depuis 1982, ont fait oeuvre concrète en matière de démocratie locale et de décentralisation.
Je souhaite que l'examen par le Sénat du projet de loi que j'ai eu l'honneur de présenter permette d'améliorer les dispositions proposées sans revenir sur les objectifs et sur les avancées qu'il prévoit.
Il serait décevant que ces dispositions, que l'ensemble des élus locaux attendent, ne puissent pas être adoptées par le Parlement avant la fin de cette législature. Ni les élus ni les Français ne le comprendraient. C'est d'ailleurs ce souci, ce seul souci qui a amené le Gouvernement à déclarer l'urgence sur ce projet de loi.
Le calendrier parlementaire de cet automne n'a pas permis que ce texte soit examiné dans de bonnes conditions du fait de la discussion des projets de lois de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je me réjouis que le Sénat en entame la discussion aujourd'hui. Il a ainsi pu disposer de six mois, depuis le 26 juin dernier, pour l'étudier. Il l'a d'ailleurs examiné dans le détail puisque 700 amendements ont été déposés.
M. René Garrec, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Un peu moins !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Guère ! Leur nombre démontre, s'il en était besoin, l'intérêt que vous portez à la démocratie locale, à la démocratie participative, au nécessaire équilibre entre la démocratie participative et la démocratie représentative...
M. Charles Revet. C'est votre manière de voir !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. ... et à l'exercice par les élus de leurs mandats locaux.
M. Henri de Raincourt. C'est le rôle du Sénat !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je suis convaincu qu'animés du même souci de faire avancer concrètement la démocratie de proximité nous allons aboutir avant la fin de la présente législature.
Le temps viendra, lors d'une autre législature, de mener à bien d'autres étapes de la décentralisation, car le travail ne sera de toute façon jamais achevé.
Quoi qu'il en soit, je vous propose, mesdames, messieurs les sénateurs, de commencer ce travail patient. Nous avons le temps d'étudier au fond tous les sujets. C'est ce à quoi je vous appelle maintenant.
En tout cas, je vous remercie d'ores et déjà de votre investissement sur ce projet de loi d'importance. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi sur la démocratie de proximité qui est soumis à l'examen du Sénat est un texte complexe que la commission des lois a analysé après avoir procédé à l'audition de nombreuses personnalités, élus, experts ou responsables administratifs de toute nature.
L'opinion que notre commission s'est forgée, en liaison avec les trois commissions saisies pour avis, tient largement compte des réalités vécues sur le terrain, et qui doivent donner aux termes « démocratie de proximité » toute leur signification.
Elle s'inspire également des intentions exprimées par les propositions de loi de nos collègues Jacques Oudin, Josselin de Rohan, Joseph Ostermann et Claude Biwer, dont l'examen a eu lieu en même temps que celui du projet de loi gouvernemental.
Trois réflexions liminaires s'imposent avant l'analyse approfondie à laquelle je vais me livrer et après celles que vous venez de nous présenter, monsieur le ministre.
La première réflexion est liée à la procédure d'urgence à laquelle est soumis ce texte. Son caractère technique et son ampleur auraient mérité le recours à une procédure normale et auraient évité qu'une commission mixte paritaire, une fois de plus, fasse un travail de deuxième lecture, comme cela a été le cas, par exemple, pour la loi relative à la simplification et au renforcement de la coopération intercommunale.
La deuxième observation tient au caractère hétéroclite du projet de loi, qui est davantage un texte portant diverses dispositions relatives aux collectivités locales qu'une nouvelle étape de la décentralisation. C'est un texte qui comporte des mesures attendues ou déjà proposées par la commission Mauroy, telles celles qui sont relatives aux conditions d'exercice des mandats locaux, et d'autres, moins urgentes, voulues par le Gouvernement, comme la réforme du recensement, ou injectées par l'Assemblée nationale, comme le changement du mode d'élection des membres des structures intercommunales.
La troisième remarque liminaire tient à notre souci justifié de voir pleinement reconnu le rôle qui incombe au Sénat lorsqu'il s'agit, en particulier, des collectivités locales. Ainsi le Sénat avait-il, en janvier 2001, voilà exactement un an, sur le rapport de notre collègue Jean-Paul Delevoye, adopté un certain nombre de mesures qui vont dans le sens d'un statut de l'élu et qui, à notre grand regret, n'ont jamais fait l'objet d'une inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Aujourd'hui, nous les retrouvons en grande partie dans le texte relatif à la démocratie de proximité.
Ces rappels étant faits, la commission des lois a fixé un certain nombre de principes qui imprègnent les orientations qu'elle vous propose dans un esprit constructif. Ces principes sont au nombre de six.
Le premier principe qui doit nous guider tient à l'affirmation, dans une démocratie de proximité, de la primauté de la démocratie élective sur la démocratie participative, sans pour autant opposer l'une à l'autre, car elles sont complémentaires. Il n'est pas question, en affirmant ce principe, de remettre en cause le rôle d'un mouvement associatif qui est si nécessaire à la vie et à la vitalité des quartiers, des villes et des villages et qui est d'ailleurs très souvent le partenaire privilégié des communes, des départements et des régions.
Mais il est un temps pour la concertation et un temps pour la décision, et cette dernière ne peut échoir qu'aux élus régulièrement soumis au contrôle et au verdict du corps électoral.
M. Gérard Braun. Très bien !
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. C'est cette position qui guide nos propositions, par exemple, sur les conseils de quartier, sur les consultations locales ou sur la participation du public à l'élaboration des grands projets.
Le deuxième principe qui doit être affirmé tient à la nécessité de respecter la diversité des expériences et des collectivités locales.
Depuis des décennies, nous constatons en France un nombre considérable d'initiatives prises à cet égard, un éventail de formules mises en pratique et une grande spontanéité dans l'éclosion de formules variées. Conseils de quartier, commissions consultatives et mairies de quartier existent déjà dans beaucoup de villes de toutes tendances. Ils y contribuent à l'ancrage des municipalités et ils y favorisent le dialogue avec la population.
De telles initiatives doivent être saluées, surtout lorsqu'elles concernent des quartiers guettés par l'anonymat où il est nécessaire pour une municipalité de trouver des interlocuteurs.
Il nous appartient de les encourager, de les stimuler, mais gardons-nous de les enserrer dans un carcan rigide qui, par nature, ne tiendrait pas compte des tempéraments des hommes et des femmes cherchant à les mettre en oeuvre et qui imposerait des dispositions inutilement contraignantes. Cela est vrai pour les conseils de quartier, mais aussi pour les droits des élus dans les assemblées délibérantes ou pour l'adaptation du statut des villes de Paris, Marseille et Lyon.
Que l'Etat n'impose pas aux collectivités locales l'implantation obligatoire de telles structures de quartier, alors qu'il n'est plus en mesure lui-même - et nous comprenons parfois les raisons qui l'y amènent - de préserver la présence des services publics ou ayant vocation de l'être - police, gendarmerie ou poste - dans toutes les zones rurales et dans tous les quartiers urbains !
Le troisième principe concerne les conditions d'exercice des mandats locaux, dont la motivation principale est - et doit rester - de rendre plus réelle l'égalité des citoyens devant les fonctions électives. Tout ce qui est prévu pour améliorer la formation, faciliter le reclassement, assurer la compatibilité entre l'activité professionnelle et l'exercice d'un mandat et améliorer les conditions d'indemnisation des élus, va dans ce sens, et c'est le bon sens ! La structure communale française, originale, et son incompatibilité avec une professionnalisation des élus locaux exigent que l'on s'en tienne à une telle orientation. C'est ce que le Sénat a très clairement affirmé, en janvier 2001, lorsqu'il a adopté les conclusions du rapport de notre collègue M. Jean-Paul Delevoye sur le statut de l'élu local.
Le quatrième principe, qui donne lieu aux débats les plus passionnés et qui doit être rappelé clairement, tient au rôle de la commune dans l'édifice institutionnel français.
Le débat sur l'élection au suffrage universel direct des délégués intercommunaux ne date pas d'aujourd'hui. Il a eu lieu à l'occasion du vote de la loi sur l'intercommunalité en 1999 et nous y avons consacré, nous-mêmes, un certain nombre d'heures. Il a fait l'objet, dans les deux assemblées parlementaires, de propositions venant des horizons politiques les plus divers.
On peut comprendre les motivations de ceux qui estiment que ce débat est légitime compte tenu du poids croissant des budgets intercommunaux, mais il faut qu'eux-mêmes admettent que le suffrage indirect n'en est pas moins universel et donc légitime. L'intercommunalité à fiscalité intégrée a pris son élan en France parce qu'elle a su préserver l'identité de la commune et le climat de confiance entre la commune et l'établissement public de coopération intercommunale.
M. Charles Revet. Voilà bien l'essentiel !
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. L'intercommunalité ne se généralisera en France que si elle continue à être assise sur les communes et si ce lien de confiance entre commune et intercommunalité n'est pas brisé. Telle est la position clairement affirmée à tous les niveaux de l'Etat, notamment lors du dernier congrès des maires et des présidents de communautés de France organisé par l'AMF. Cela nous amène à rappeler que le cadre communal est, pour nous, le seul concevable pour une telle élection et que tout conseiller communautaire devrait, comme aujourd'hui, être conseiller municipal.
M. René-Pierre Signé. Il a raison !
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. En disant cela, nous ne fixons en aucun cas une quelconque loi électorale qui ne saurait être du ressort du texte que nous examinons aujourd'hui, mais nous nous prémunissons contre toute interprétation hasardeuse qui pourrait être donnée dans l'avenir.
Le cinquième principe concerne les transferts de compétences vers les régions et les départements, qui n'ont de sens que dans la mesure où ils garantissent une plus grande efficacité pour l'usager et pour le contribuable. Cela vise les dispositions du projet de loi prévoyant de nouveaux transferts de compétences aux régions - ports, aéroports, aides économiques et formation - et aux départements - services d'incendie et de secours. Ils vont dans la bonne direction, à condition que le pragmatisme et le réalisme en inspirent l'application.
Il est à cet égard nécessaire que, en matière d'aide économique, la notion de collectivité chef de file, qui permet la coopération de plusieurs niveaux de collectivités, soit bien admise. Il est indispensable que le transfert formel des compétences portuaires et aéroportuaires aux régions préserve la position des chambres de commerce et d'industrie, qui ont souvent démontré leur savoir-faire et leur expérience d'autorité gestionnaire.
En ce qui concerne les services d'incendie et de secours, comment ne pas approuver des dispositions qui permettront d'identifier à nouveau clairement les élus responsables de leur gestion, et donc garants d'une mise en oeuvre moins coûteuse que précédemment ?
S'il y a un domaine où la notion de proximité revêt tout son sens, c'est bien celui des pompiers. Il n'est pas inutile de rappeler que les catastrophes naturelles de ces dernières années ont démontré l'importance déterminante que revêt l'intervention des volontaires, qui sont proches de la population, qui ont une bonne connaissance du terrain et qui méritent considération.
C'est une question d'efficacité et surtout de respect devant un engagement humain auquel aucune professionnalisation ne saurait se substituer, surtout à une époque marquée, hélas ! par la prépondérance des droits sur les devoirs.
M. René-Pierre Signé. C'est beau !
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Le sixième principe qui doit être souligné découle d'une disposition nouvelle que nous vous demandons d'intégrer au projet de loi.
Le texte qui nous est soumis comporte un très large éventail de dispositions de nature différente et il ne serait donc pas dénaturé d'y inclure le texte de la proposition de loi votée par le Sénat en mai dernier sur le rapport de notre collègue Patrice Gélard et relatif aux sondages d'opinion.
Pourquoi ? D'abord, parce que la loi interdisant la publication de sondages d'opinion dans la semaine qui précède un scrutin n'est absolument plus adaptée à l'évolution des moyens de communication. Ensuite, parce qu'un arrêt de la Cour de cassation de septembre dernier et une prise de position de la Commission nationale des sondages et en tirent les conclusions et invitent le législateur à prendre ses responsabilités.
Voilà pourquoi nous vous proposons de confirmer le vote du Sénat du mois de mai.
Point n'est besoin de recourir à un projet de loi nouveau et d'allonger la procédure parlementaire, alors que le Sénat avait, de façon prémonitoire, montré la voie voilà huit mois. Ce serait, en outre, une manière concrète d'affirmer la vitalité du bicamérisme.
Le respect de l'ensemble de ces principes nous paraît parfaitement compatible avec la volonté de rapprocher les collectivités locales des citoyens. Sur ce plan, les collectivités ont une longue expérience dont beaucoup d'autres structures pourraient s'inspirer.
Il est compatible avec notre souci de voir la décentralisation continuer à avancer et ne porte en rien atteinte à la cause de l'intercommunalité, édifice auquel le Sénat a apporté sa pierre.
Les principes que nous tenons à rappeler ont pour objet de souligner que, comme pour tout ce qui touche à la vie des collectivités et des hommes et des femmes qui y vivent et y oeuvrent, il faut laisser une large place à l'expérience, à la souplesse, à l'imagination, à la capacité d'adaptation ; il faut les stimuler et non les brider, leur faire confiance pour avancer, pour évoluer et pour aller avec leur temps.
C'est dans cet esprit que nous abordons, je le crois, d'une manière constructive, la discussion de ce texte, voulu par le Gouvernement, largement amendé par l'Assemblée nationale et intégrant, sur des points importants, des dispositions déjà votées préalablement par le Sénat.
Et puissions-nous, malgré l'absence d'une navette, gage de bon travail législatif, aboutir à une issue positive ! Celle-ci me paraît nécessaire chaque fois qu'on aborde des problèmes relatifs aux collectivités locales qui, par nature, méritent d'être résolus d'un commun accord par les deux assemblées parlementaires. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Mercier, rapporteur pour avis.
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, six mois après l'Assemblée nationale, le Sénat est donc amené à étudier en urgence le projet de loi relatif à la démocratie de proximité. Vous comprendrez, monsieur le ministre, que, chaque fois qu'un gouvernement recourt à de mauvaises habitudes, nous lui rappelions qu'il pourrait faire mieux.
Vous l'avez reconnu, cette procédure d'urgence est détestable et nuisible à la bonne confection des textes. Nous ne pouvons donc que regretter un tel choix. D'ailleurs, l'urgence n'a guère de sens en l'espèce car, si l'importance de ce texte avait été reconnue par le Gouvernement, le Sénat aurait pu trouver le temps de l'examiner avant le début de l'année 2002, c'est-à-dire six mois après l'Assemblée nationale.
Le rapporteur a fait allusion au caractère hétéroclite de ce projet de loi, qui serait davantage un texte portant diverses dispositions relatives aux collectivités territoriales. C'est exact, les mesures qu'il comporte sont variées et ne présentent pas toutes le même intérêt ; nous reviendrons tout au long de la discussion des articles sur ces différents points.
Tout d'abord, je souhaite, au nom de la commission des finances, remercier la commission des lois de lui avoir délégué deux articles techniques portant sur les questions de financement des collectivités locales. Au travers de leur examen, nous vous proposerons de donner à la Commission consultative sur l'évaluation des charges un rôle plus important. En effet, elle a été bien oubliée, même si, monsieur le ministre, vous l'avez utilement « réveillée » le 13 décembre dernier, après deux années de sommeil. Si ce projet de loi ne servait qu'à la revivifier, son apport serait déjà non négligeable !
Parmi tous les sujets qu'aborde le texte qui nous est soumis, la commission des finances a choisi d'axer son avis sur les services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS. Pourquoi avoir fait ce choix ? D'abord, parce qu'un chapitre entier du projet de loi leur est consacré ; ensuite, parce que la réforme de 1996, qui a institué les SDIS dans leur esprit nouveau, nous semble être l'exemple même de ce qu'il ne faut probablement pas faire en matière de décentralisation : elle présente un certain nombre de défauts auxquels nous proposerons de porter remède.
Il convient, en premier lieu, de dresser un constat et, à partir de là, de proposer un certain nombre d'améliorations.
Pour nous, le constat est clair : la réforme de 1996 a largement dérapé,...
M. René-Pierre Signé. C'est la loi Debré !
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. ... et cela a été accepté par tout le monde. C'est d'ailleurs la constatation unanime qu'a faite la commission des finances, ce qui l'a amenée à prendre une position claire sur ce point.
Le dérapage de la réforme de 1996 revêt plusieurs aspects : d'abord, l'établissement public qui devait réunir tous les participants à l'oeuvre de secours apparaît largement comme un leurre ; ensuite, les collectivités locales sont confinées dans un rôle de financeur obligé ; enfin, le mécanisme institutionnel mis en place en 1996 me semble contraire à l'esprit de la décentralisation, puisque, pour reprendre l'un des principes avancés par le rapporteur, il ne permet pas de définir clairement la responsabilité de ceux qui doivent lever l'impôt.
Je reviens très rapidement sur ces trois points.
Premièrement : l'établissement public n'est qu'un leurre. L'Etat avait un choix à faire : les services départementaux d'incendie et de secours devaient-ils relever des collectivités locales ou de l'Etat ? Pour des raisons à la fois historiques, psychologiques et financières, il faut bien le dire, l'Etat n'a pas voulu prendre en charge ces services - on peut le comprendre - et il les a confiés aux collectivités locales, tout en se réservant un rôle important dans leur mise en oeuvre.
Une fois ce principe posé, il faut bien reconnaître que l'Etat n'est pas resté étranger à la gestion de ces services, même s'il n'en assurait pas la responsabilité. Entre mai 1996 et septembre 2001 - le dernier texte a été publié le 31 décembre 2001 - cinq lois, vingt-huit décrets, soixante-dix-huit arrêtés et vingt-deux circulaires sont intervenus pour indiquer aux collectivités locales réunies dans cet établissement public sui generis la façon dont elles devaient gérer les sapeurs-pompiers.
Cette boulimie de textes s'est très naturellement traduite par une inflation de mesures de toute nature, mais qui vont toutes dans le même sens, c'est-à-dire une augmentation des coûts.
Il faut d'ailleurs regretter, de ce point de vue, que les sapeurs-pompiers, notamment professionnels, se gèrent eux-mêmes. En effet, ce n'est pas la direction générale des collectivités locales qui intervient, mais un autre service, au sein duquel des sapeurs-pompiers gèrent d'autres sapeurs-pompiers. Or il s'agit de services des collectivités locales et de fonctionnaires territoriaux !
Cela donne des résultats extrêmement surprenants : de 1996 à 2001, le nombre de colonels est passé de 46 à 80 et celui des lieutenants-colonels de 153 à 290 ; et je pourrais donner bien d'autres exemples qui vont dans ce sens.
Les textes de juillet 2001, modifiant la liste des départements qui avaient droit à des colonels ou à des lieutenants-colonels pour diriger leurs services, ont prévu de renverser la tendance : auparavant, les corps de sapeurs-pompiers comptaient 40 % de sous-officiers ou officiers et 60 % de caporaux et sapeurs ; désormais, 80 % des sapeurs-pompiers seront officiers ou sous-officiers.
M. Charles Revet. C'est l'année mexicaine !
M. Michel Mercier rapporteur pour avis. Une telle situation pourrait susciter des critiques un peu ironiques si elle n'avait un coût ! C'est le deuxième dérapage de la réforme de 1996.
Ainsi, de 1996 à 2001, les budgets des services départementaux d'incendie et de secours se sont accrus de plus de 30 %, et les textes de 2001 entraîneront forcément un accroissement de ces dépenses dans des proportions supérieures à celles que nous avons connues.
Aujourd'hui, les collectivités locales consacrent pratiquement 20 milliards de francs au financement des SDIS. Si l'Etat, au travers des décisions prises par votre ministère, monsieur le ministre, est très largement à l'origine de ces dépenses, il ne participe que très peu à leur financement. En effet, s'il est vrai que l'Etat finance près du quart du budget de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, il ne prend plus en charge que 3 % environ du budget de l'ensemble des autres SDIS. De surcroît, ces 3 % sont prélevés sur la dotation globale d'équipement des communes. Ainsi, aucun financement spécifique de l'Etat n'est prévu pour des services que votre ministère sur-administre, compte tenu du nombre de textes que j'ai cités tout à l'heure et qui sont largement mis en oeuvre - nous n'en contestons pas le bien-fondé - par les représentants de l'Etat dans les départements. Un dérapage financier peut donc tout naturellement être constaté.
Mais plus grave encore est la philosophie, en quelque sorte institutionnelle, qui résulte de l'expérience de ces cinq années de fonctionnement.
Un établissement public composé de représentants des communes et des départements vote des dépenses obligatoires pour les communes et les départements. Ces dépenses ne peuvent pas être débattues par les collectivités qui vont devoir en assurer le financement, ce qui est contraire à l'esprit de la décentralisation.
Si l'on se ralliait au projet de loi tel qu'il nous vient de l'Assemblée nationale et tel que nous le présentait tout à l'heure le rapporteur au fond, les départements se verraient imposer, en dehors de toute décision des conseils généraux, des dépenses obligatoires portant sur plusieurs centaines de millions de francs.
Très honnêtement, je ne vois pas comment des collectivités locales pourraient se voir imposer de telles dépenses résultant de l'application de textes édictés par le ministère de l'intérieur et transitant par un établissement public qui ne serait plus véritablement l'émanation des collectivités locales, qui, elles, devraient seulement payer !
On voit bien les risques de mécontentement et de mauvaise entente que pourraient susciter les décisions de cet établissement public. A cet égard, à l'une des questions que j'ai posées à votre ministère dans le cadre de la préparation de ce texte et du budget, la direction de la défense et de la sécurité civiles m'a répondu que, pour l'essentiel, le mécontentement concernant le montant du financement des services départementaux d'incendie et de secours était dû à la répartition de celui-ci entre les communes et les départements. Nous nous devions de souligner cette désinvolture.
Compte tenu de ces dysfonctionnements, la réforme de 1996 est-elle toujours pertinente ? Pour la commission des finances, cette réforme qui repose sur l'idée de mutualisation, à l'échelon du territoire départemental, de l'ensemble des moyens de secours est une bonne réforme. Toutefois, pour que les dysfonctionnements constatés ne nuisent pas à cette réforme, il importe de mettre en place les mesures nécessaires au bon fonctionnement des services départementaux d'incendie et de secours. La commission des finances m'a demandé de soutenir devant vous une idée simple : la décentralisation, c'est la responsabilité ; ceux qui lèvent l'impôt doivent être ceux à qui incombera le soin de diriger les services financés par cet impôt.
Nous proposerons donc que, au terme du délai qui ressort des travaux de l'Assemblée nationale et de notre commission des lois, c'est-à-dire en 2006, le service d'incendie et de secours soit un service départemental placé sous l'autorité du conseil général et de son président, qu'il conserve très naturellement une autonomie financière dans le cadre d'un budget annexe, que les maires soient associés à sa gestion dans le cadre d'un conseil d'orientation et, enfin, que les communes continuent d'apporter une participation dans les conditions identiques à celles qui avaient été mises en place à l'occasion de la suppression des contingents communaux d'aide sociale.
Avoir un service clairement identifié, avec des responsables eux-mêmes clairement identifiés, de telle façon que nos concitoyens puissent savoir ce qui est consacré à leur sécurité et qu'ils puissent juger celles et ceux qui devront assurer la gestion de ce service, voilà, je crois, une exigence qui relève du principe même de la décentralisation !
C'est, en tout cas, le sens des amendements que je soutiendrai devant le Sénat, au nom de la commission des finances, amendements qui s'inscrivent dans le droit-fil des principes que notre rapporteur au fond vient de développer : responsabilité, clarté et respect de la démocratie élective.
Ceux qui seront responsables devant les électeurs des mesures qu'ils auront prises auront été directement élus par nos concitoyens : ce seront les membres de l'assemblée départementale. Ils pourront ainsi fournir à ce service tout ce qui est nécessaire à son bon fonctionnement et, dans le même temps, le faire vivre sous l'empire d'une claire responsabilité locale. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Louis de Broissia. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Lassourd, rapporteur pour avis.
M. Patrick Lassourd, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, mes chers collègues, une nouvelle fois, c'est la procédure d'urgence que choisit le Gouvernement pour soumettre au Parlement le projet de loi relatif à la démocratie de proximité qui nous réunit aujourd'hui. Rien ne justifiait cette procédure !
Je souhaite, cette procédure en préliminaire, brièvement mais fermement, dénoncer cette banalisation de la déclaration d'urgence de textes souvent volumineux, techniques et toujours présentés comme ambitieux, qui auraient paradoxalement mérité un examen attentif et non un débat tronqué. Il est très grave, à mes yeux, monsieur le ministre, de confisquer ainsi à la représentation nationale une partie de sa mission et les moyens de l'accomplir.
Vous comprendrez donc combien le titre flatteur du projet de loi que j'ai l'honneur de rapporter, au nom de la commission des affaires économiques résonne avec ironie dans un tel contexte. Démocratie de proximité ? Un beau programme, certes, mais qu'il aurait fallu appliquer au tout premier chef à ceux qui sont chargés d'en débattre !
J'en viens au présent projet de loi, qui s'articule autour de quatre titres, sur lesquels M. Hoeffel a exprimé des convictions fortes.
La saisine pour avis de la commission des affaires économiques portait initialement sur le titre IV, consacré à la participation du public à l'élaboration des grands projets et porté par le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Toutefois, nous avons été conduits à nous intéresser également à certains des très nombreux amendements adoptés par l'Assemblée nationale en première lecture et qui font perdre malheureusement beaucoup de sa cohérence au dispositif, celui-ci se transformant en un texte « fourre-tout » portant diverses mesures relatives aux collectivités territoriales.
Cette méthode présente deux graves faiblesses, à commencer par l'absence de concertation. Un comble pour un texte dont l'objet est précisément de promouvoir la concertation et pour un gouvernement donneur de leçons en la matière ! Insérer par amendement, sans réel débat, des mesures nouvelles consacrées à certains transferts de compétences aux régions ne peut tenir lieu de vraie politique de décentralisation ! Le procédé a surpris et inquiété bien des interlocuteurs des collectivités territoriales.
Je prendrai un seul exemple : les associations gérant les réserves naturelles, dont j'ai reçu les représentants en audition, m'ont fait part de leur amertume devant ce changement important intervenu en catimini, sans aucune concertation préalable. C'est incroyable pour un texte dont l'ambition est précisément de prôner la participation !
M. Gérard Larcher. C'est la méthode habituelle !
M. Patrick Lassourd, rapporteur pour avis. Le Gouvernement aurait pu s'appliquer à lui-même cette ambition en respectant le temps de la concertation avec les associations concernées et le temps de la discussion avec le Parlement !
Mais ce texte souffre d'une seconde faiblesse, du fait de son caractère de projet de loi « fourre-tout ». Les thèmes s'y succèdent en effet sans logique : participation des citoyens, statut des élus, dispositions environnementales, SDIS, recensement. Aucun fil conducteur ni apparaît dans ce texte.
La commission des affaires économiques a donc élargi sa saisine à un volet du projet de loi qui, ajouté par le Gouvernement par voie d'amendements, organise certains transferts de compétences aux régions.
Sur ce point, je veux d'emblée dénoncer la méthode retenue par le Gouvernement qui, sous couvert d'engagements pris lors du débat sur la Corse, manque singulièrement d'ambition et de cohérence.
Cette pseudo-décentralisation qui nous est proposée est un dispositif de circonstance, parcellaire et inachevé. Il ne s'inscrit pas dans une vision d'ensemble de la décentralisation et prive le Parlement, tout particulièrement le Sénat, d'un débat attendu et nécessaire sur les moyens à mettre en oeuvre pour relancer la dynamique de la décentralisation.
S'agissant de la réforme du cadre légal d'intervention économique des collectivités locales, personne ne conteste la légitimité d'une modernisation du régime légal des aides économiques, mais le dispositif proposé ne constitue qu'une réponse partielle aux problèmes identifiés.
Il est aussi déraisonnable que désinvolte de traiter d'un tel sujet par amendement, sans réflexion de fond ni d'ensemble sur des sujets aussi importants que les zonages nationaux et européens, ou la volonté de l'Etat en matière d'aménagement du territoire. Nous regrettons vivement que les heureuses initiatives sénatoriales prises en la matière, cohérentes et garantes d'efficacité, comme le rapport d'information de MM. Delevoye et Mercier de 1999, ou la proposition de loi déposée par MM. Grignon et Raffarin tendant à favoriser la création d'entreprises et adoptée en février 2000, n'aient pas abouti. Le Gouvernement s'est contenté de les « picorer » pour en extraire des mesures disparates.
S'agissant de l'expérimentation confiant la gestion des ports et des infrastructures aéroportuaires aux régions, là encore, la démocratie de proximité ne s'applique pas ! Si j'adhère au principe, je m'interroge néanmoins : pourquoi ne pas avoir ouvert l'expérimentation à toutes les collectivités concernées, tout en sachant que les capitales régionales ne peuvent être absentes du débat ?
Enfin, le projet de loi semble « faire son marché » dans le code de l'environnement, guidé par certains des arbitrages rendus à l'occasion de l'examen du projet de loi sur la Corse !
On retrouve les mêmes incohérences, la même absence de bon sens. Le patrimoine floristique et faunistique est abordé sans aucune interrogation sur la pertinence de l'échelon régional au regard des biotopes, qui se moquent bien des limites administratives ! Quant aux réserves naturelles, leur décentralisation s'exprime de manière simpliste : il suffit que, dans le texte, on substitue les mots « président du conseil régional » au mot « préfet », et le tour est joué ! Aucun souci de consultation des associations gestionnaires ! Aucune prévision de transfert de crédits !
Que peut donc signifier cette pseudo-décentralisation qui consiste, après transfert de compétence à la région, à confier au préfet tout pouvoir d'injonction et de substitution ?
Parmi cet inventaire à la Prévert, certaines dispositions vont dans le bon sens et méritent d'être conservées, dès lors que le mécanisme de transfert est simplifié et ne crée pas de tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre, tout en acceptant le principe de chef de file.
En ce qui concerne l'examen du titre IV du projet de loi, relatif à la participation du public, il faut admettre que les procédures actuelles d'information et de participation du public, qu'il s'agisse de la commission nationale du débat public mise en place par la loi du 2 février 1995 ou encore du mécanisme des enquêtes publiques de la loi du 13 juillet 1983 ne remplissent plus leur office.
Ainsi, le public, dans cette procédure, a l'impression d'être invité à donner son avis sur un projet alors que toutes ses composantes ainsi que la décision finale sont déjà arrêtées, d'où la multiplication des contestations et des contentieux.
Quant aux collectivités territoriales porteuses de projets et aux maîtres d'ouvrage, ils se plaignent de la multiplicité des contentieux et de la paralysie des procédures. Ils reconnaissent, néanmoins, devoir désormais mettre en oeuvre des procédures de concertation plus approfondies avec le public, c'est-à-dire les citoyens de la commune, les riverains concernés, les associations d'usagers ou de protection de l'environnement, pour agir sur le niveau d'acceptabilité sociale du projet qu'ils défendent.
La circulaire du 15 décembre 1992 sur les infrastructures a mis en place des circuits de concertation et d'information, tout au long du processus de décision puis de réalisation du projet, mais son champ d'application reste limité.
Outre ce diagnostic de blocage établi sur le plan interne, il faut également prendre en compte les obligations de la France en ce qui concerne la transposition de la convention d'Aarhus qui, signée en 1998, traite du droit à l'information et à la participation du public au processus décisionnel et à l'accès à la justice.
La commission des affaires économiques s'est attachée à améliorer ce titre IV par des amendements visant, notamment, à préserver le caractère spécifique du débat public, organisé par la Commission nationale du débat public, la CNDP, débat qui doit être réservé à l'examen de projets ayant un intérêt national. Ce point est très important pour nous.
Il apparaît également nécessaire de préserver jusqu'au bout la qualité d'autorité indépendante et autonome de la commission : quand le maître d'ouvrage sera l'Etat, il y aura confrontation entre les logiques des ministères chargés de l'équipement, de l'industrie ou de l'agriculture et celle du ministère de l'environnement ; cette confrontation est normale et saine. La commission nationale doit donc être placée sous l'autorité du Premier ministre, en ce qui concerne tant le rapport hiérarchique et les nominations que les moyens de fonctionnement octroyés ; seul le Premier ministre peut, en effet, faire prévaloir l'intérêt général qui résultera de cette confrontation.
Nous avons souhaité, par ailleurs, encadrer les différentes phases du processus de participation, afin d'éviter que des délais trop longs ou mal définis ne paralysent la prise de décision finale.
Ces propositions sont dictées par notre volonté de garantir un véritable équilibre entre le souci légitime d'associer le public et de le tenir informé et la nécessité de préserver la responsabilité de la décision, qui appartient, en dernier ressort, au maître d'ouvrage ou à la collectivité publique compétente.
En amont, il s'agit donc de respecter l'intention du maître d'ouvrage, notamment l'Etat, dans sa politique d'aménagement du territoire. Le débat doit alors se situer au niveau gouvernemental et parlementaire. Pour le troisième aéroport, par exemple, la décision relève du Gouvernement et aurait dû faire l'objet d'un débat au Parlement.
En aval, le débat public doit clairement se démarquer de l'enquête publique, dont la finalité est de donner la parole aux collectivités et aux citoyens conernés par la réalisation du projet dans ses modalités.
En somme, le débat public doit permettre d'expliquer au public le sens du projet, de susciter son adhésion, d'améliorer le dispositif proposé, bref, de remplir un rôle pédagogique.
Il ne s'agit pas de remettre en cause la légitimité de la démocratie représentative, qui doit rester le principe fondamental du fonctionnement de la République.
C'est dire que la « fenêtre de tir » est étroite et mérite d'être clairement précisée, si nous voulons respecter la légitimité du débat public, tout en conservant aux élus le pouvoir de décision, et garantir, en fin de compte, la réalisation efficace des projets. Le député européen Bernard Poignant, qui a été le président de la commission nationale du débat public concernant l'implantation du troisième aéroport en Ile-de-France, ne dit pas autre chose : « Il faut répéter à nos concitoyens que la légitimité de la décision appartient au suffrage universel. Plus la démocratie montre un fonctionnement participatif, plus la responsabilité de la démocratie représentative doit être affirmée et confortée. »
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je termine ici mon bref exposé des réflexions qu'a suscitées ce texte et des amendements que vous proposera la commission des affaires économiques et du Plan. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Darcos, rapporteur pour avis.
M. Xavier Darcos, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de l'examen à l'Assemblée nationale du projet de loi qui nous est aujourd'hui soumis, le Gouvernement a déposé un certain nombre d'amendements destinés à étendre à l'ensemble des régions françaises des dispositifs adoptés dans le cadre du projet de loi relatif à la Corse.
Sous cet habillage, qui n'est pas en lui-même de nature à susciter notre enthousiasme, ont été adoptés dix articles se rapportant à des sujets très divers, dont certains intéressent les domaines de compétence de la commission des affaires culturelles du Sénat.
Parmi ceux-ci, un seul, en réalité, s'inspire du projet de loi relatif à la Corse, les autres relèvent de la volonté de marquer « une nouvelle étape de la décentralisation ».
Sans préjuger l'appréciation que portera le Sénat sur ces dispositions, la commission des affaires culturelles n'a pu que constater leur caractère fort disparate et leur singulier manque d'ambition.
Caractère fort disparate, d'abord : en effet, les différents ministères semblent avoir saisi cette occasion pour présenter aux assemblées des dispositifs jusque-là en mal de support législatif. Cet appel aux bonnes volontés est touchant, mais il ne peut prétendre constituer l'ossature d'une véritable loi de décentralisation. Au demeurant, cette modestie est à demi avouée : à l'Assemblée nationale, vous avez assuré, monsieur le ministre, que ces amendements « n'épuisent naturellement pas les ambitions du Gouvernement en matière de décentralisation ». Compte tenu des contraintes du calendrier parlementaire, nous sommes en droit de nous interroger sur les conditions dans lesquelles ces ambitions pourront finalement prendre corps.
Il faut voir dans ces dispositions moins le produit d'une inspiration réformatrice que l'indice d'une précipitation qui confine à l'improvisation.
La décentralisation dans les domaines de la formation et de la culture mérite mieux qu'un débat à la va-vite, au détour d'un texte qui, sans être dépourvu de tout lien avec ce sujet, n'y est pas consacré à titre principal.
Cette improvisation se retrouve, d'abord, dans les dispositions relevant de la formation : en effet, l'Assemblée nationale a introduit, lors de la discussion du projet de loi, sur proposition du Gouvernement, un article 43 F. Celui-ci confère aux régions compétence pour élaborer un plan régional de développement des formations professionnelles, désormais étendu aux adultes, en reprenant, avec des variantes non négligeables, les dispositions de l'article 22 du projet de loi relatif à la Corse. Je rappelle d'ailleurs que la Corse est paradoxalement l'une des rares régions à n'avoir pas élaboré un plan régional de développement de la formation professionnelle des jeunes, qui est pourtant explicitement prévu par la loi quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle du 20 décembre 1993.
Le présent projet de loi vise ainsi, pour l'ensemble des régions, à introduire la formation des adultes dans le plan régional, à régionaliser l'AFPA, l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, et à modifier de manière non négligeable les modalités de la concertation entre les divers et nombreux acteurs de la formation professionnelle à l'échelon régional.
Je ne suis pas persuadé que ces aménagements successifs, qui succèdent eux-mêmes à ceux qui sont prévus par la loi de modernisation sociale - toujours en attente de promulgation - et auxquels il convient d'ajouter l'article 43 E du projet de loi, qui vise à transférer aux régions la charge du versement à l'employeur de l'indemnité compensatrice forfaitaire liée au contrat d'apprentissage, contribuent à améliorer dans l'immédiat la lisibilité d'un dispositif régional des formations professionnelles déjà passablement complexe.
Je noterai également, monsieur le ministre, que certaines de vos propositions n'ont pas été retenues par l'Assemblée nationale elle-même. Vous aviez en effet présenté, en accord avec votre collègue chargé de l'éducation nationale, un amendement tendant à étendre à l'ensemble des régions le dispositif figurant à l'article 5 du projet de loi relatif à la Corse. Cette disposition aurait permis aux régions de passer des conventions avec des établissements d'enseignement supérieur ou avec des organismes de recherche, en vue d'organiser des actions d'enseignement supérieur complémentaires de celles de l'Etat.
Au cours d'un débat quelque peu confus, après que le rapporteur se fut désolidarisé de la position de la commission, certains de nos collègues députés ont exprimé pêle-mêle leurs craintes qu'un tel dispositif n'entraîne la multiplication d'établissements privés d'enseignement, la création de diplômes Universitaires illisibles, qu'il ne mette en cause le caractère national des diplômes et ne porte atteinte à l'équilibre régional des formations universitaires et de la recherche, voire à la démocratisation de l'Université.
De telles craintes étaient, à dire vrai, infondées, puisque ces formations complémentaires restaient, en toute hypothèse, soumises au contrôle de l'Etat, qui a, seul, la responsabilité d'homologuer les titres et les diplômes.
Là encore, la commission des affaires culturelles ne peut que souligner le caractère improvisé, et d'ailleurs superfétatoire, de cette initiative du Gouvernement, puisque plusieurs régions ont d'ores et déjà passé de nombreuses conventions avec des établissements d'enseignement supérieur pour mettre en place des formations complémentaires spécifiques adaptées aux besoins locaux. Cette pratique s'inscrit d'ailleurs dans le droit-fil de l'article L. 214-2 du code de l'éducation, qui précise le rôle de la région dans la définition des plans régionaux de développement des formations de l'enseignement supérieur et dans celle de la carte des formations supérieures et de la recherche.
Ne peut-on voir dans le sort funeste que l'Assemblée nationale a réservé à votre amendement la conséquence d'une insuffisante coordination interministérielle, voire intraministérielle, ou la crainte de réactions de certaines organisations étudiantes ?
En sens inverse, j'observerai que le Gouvernement n'a pas jugé utile d'étendre à l'ensemble des régions le dispositif prévu par l'article 6 du projet de loi relatif à la Corse qui, lui, prévoyait de transférer à la collectivité territoriale la compétence pour financer la construction et l'entretien des établissements d'enseignement supérieur, alors qu'un tel transfert était, lui aussi, préconisé par le rapport de la commission Mauroy pour l'avenir de la décentralisation.
En tout état de cause, la commission des affaires culturelles considère que le présent projet de loi n'est sans doute pas le cadre le plus approprié pour amorcer une décentralisation plus ambitieuse de l'enseignement supérieur et de la recherche. Nous y reviendrons sans doute dans l'avenir.
J'en viens maintenant aux dispositions intéressant la culture.
Les articles 43 H et 43 I, relatifs respectivement au cinéma et au patrimoine, s'ils n'ont pas d'équivalent dans le projet de loi relatif à la Corse, ressortissent à la catégorie des mesures destinées à approfondir la décentralisation dans le domaine culturel.
Cet objectif correspond à une revendication maintes fois défendue par les collectivités territoriales. Les lois de décentralisation, sous réserve des dispositions relatives aux archives et aux bibliothèques, n'ont pas concerné le champ culturel, pour lequel il n'existe pas de règles de partage de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales. Cette particularité n'a pas dissuadé ces dernières de multiplier les initiatives en ce domaine, au contraire : en témoigne la très forte progression de leurs dépenses culturelles depuis 1982. Le schéma qui prévaut est le cofinancement des initiatives, mais il montre désormais ses limites : les collectivités territoriales, principales contributrices de la politique culturelle, revendiquent un droit à l'autonomie que l'Etat est encore réticent à leur concéder.
A cet égard, on aurait pu espérer qu'après des textes d'inspiration très jacobine comme la loi sur l'archéologie préventive ou le projet de loi relatif aux musées de France une avancée puisse être proposée au Parlement afin d'alléger la tutelle qui pèse sur les collectivités territoriales. Or il faut bien admettre qu'en ce domaine la décentralisation n'est pas pour demain.
Certes, les collectivités locales peuvent continuer à payer. C'est d'ailleurs le sens de l'article 43 H, qui modifie la loi du 13 juillet 1992, dite loi Sueur, afin d'étendre le champ des aides que peuvent accorder les communes et les départements aux établissements de spectacle cinématographique. Le projet de loi tend à relever de 2 500 à 10 000 entrées hebdomadaires le seuil en deçà duquel ces aides peuvent être octroyées.
Cette disposition constitue dans son principe une mesure très positive, car elle permet aux collectivités locales de disposer des instruments nécessaires pour soutenir de manière efficace l'exploitation indépendante dans un contexte marqué par la concurrence féroce des multiplexes. Toutefois, l'ampleur du relèvement proposé, sans rapport avec l'accroissement de la fréquentation depuis 1992, aboutirait à ce que 96 % des cinémas puissent être ainsi subventionnés, ce qui est apparu à la commission des affaires culturelles comporter des risques non négligeables de distorsions de concurrence entre les différents opérateurs.
Pour cette raison, la commission proposera de faire preuve de prudence en retenant le seuil de 5 000 entrées hebdomadaires qui, au demeurant, est celui qui est désormais retenu pour les exonérations de taxe professionnelle. Nous resterions ainsi fidèles à l'esprit de la loi Sueur, qui était destinée à soutenir l'exploitation indépendante. Il sera toujours temps de relever à nouveau le seuil, cette fois en toute connaissance de cause. Par ailleurs, les aides aux établissements bénéficiant d'un classement « art et essai » ont été déplafonnées, à juste titre.
Si le projet de loi accroît le droit de tirage sur les finances locales, il traduit parallèlement la réticence des services de l'Etat à concevoir une véritable décentralisation culturelle.
A cet égard, l'article 43 I, qui prévoit les modalités d'une expérimentation destinée à préfigurer des transferts de compétences de l'Etat vers les collectivités en matière patrimoniale, révèle tout l'ambiguïté des objectifs du Gouvernement en ce domaine.
Cette expérimentation est, en effet, bien loin de pouvoir justifier sa propre dénomination ; les « protocoles de décentralisation culturelle » se contentent pour l'instant de s'inscrire dans la logique bien connue des cofinancements. Nous sommes donc en droit de nous demander pourquoi une telle loi était nécessaire. L'article 43 I relève même d'une fiction juridique : on nous annonce l'ébauche d'une décentralisation, mais l'expérimentation, au demeurant déjà largement engagée, puisque huit protocoles ont été conclus, ne nécessite pas pour l'heure, compte tenu de la modestie de ses modalités, de dérogation aux dispositions législatives en vigueur.
Les objectifs de cette expérimentation tels qu'ils ressortent du dispositif à la fois imprécis et ambivalent de l'article 43 I restent flous, et l'on voit mal comment, au terme de cette expérimentation, pourront être envisagés des transferts effectifs de compétences.
En résumé, on peut estimer qu'au mieux ces protocoles constituent une demi-mesure non dénuée de conséquences financières pour les collectivités territoriales. Elles pourront procéder à des inscriptions à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques et seront compétentes pour subventionner les travaux d'entretien et de restauration des monuments inscrits, mais l'Etat restera seul compétent pour délivrer les autorisations de travaux.
Au pis, le texte, au prétexte de décentraliser, pose le principe d'une nouvelle compétence de l'Etat : le contrôle scientifique de l'inventaire, qui jusqu'à présent ne figurait dans aucun texte.
Dans la plupart des cas, à l'image de ceux qui sont déjà signés, les protocoles se borneront à attribuer aux collectivités la gestion des monuments inscrits, terme pudique pour faire peser sur elles la charge financière de leur préservation.
La commission des affaires culturelles s'est longuement interrogée sur la pertinence d'une disposition législative consacrant une expérience qu'il serait abusif de considérer comme une nouvelle étape vers la décentralisation culturelle. Elle n'a toutefois pas saisi le prétexte de la modestie de la démarche pour la remettre en cause.
Les protocoles traduisent l'engagement des collectivités locales en faveur du patrimoine et permettent aux services de l'Etat de prendre en compte de manière plus systématique leurs initiatives. Toutefois, ces avantages demeurent bien modestes au regard des risques de transfert de charges que représentent ces conventions fort peu novatrices.
Afin d'infléchir la portée de l'expérimentation, la commission des affaires culturelles proposera donc d'adopter une nouvelle rédaction de l'article 43 I destinée à réaffirmer l'objectif de décentralisation culturelle en matière patrimoniale. Les protocoles pourront donc déroger aux règles posées par la loi de 1913 en matière d'inscription à l'inventaire supplémentaire afin de reconnaître une compétence décisionnelle aux collectivités, en matière non seulement de financement des travaux d'entretien et de restauration mais également d'autorisations de travaux sur les monuments inscrits et sur les monuments situés dans leur champ de visibilité.
Cette dernière possibilité permet d'éviter l'écueil, déjà évoqué, qui consisterait à faire assumer aux collectivités la charge budgétaire du patrimoine, tout en maintenant à l'Etat sa compétence de prescripteur. En revanche, il ne convient pas de prévoir des dispositions spécifiques en matière d'inventaire ou de patrimoine non protégé, domaines qui sont dans les faits d'ores et déjà décentralisés, faute de dispositions législatives précisant les compétences de l'Etat.
Dans le même souci d'assurer une plus étroite collaboration entre l'Etat et les collectivités locales en matière patrimoniale, la commission des affaires culturelles a souhaité saisir l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à la démocratie de proximité pour améliorer la mise en oeuvre de la loi du 28 février 1997. Cette loi, je vous le rappelle, mes chers collègues, avait créé une possibilité de recours contre les avis conformes émis par les architectes des Bâtiments de France. L'amendement que la commission des affaires culturelles soumettra au Sénat reprend les termes de la proposition de loi adoptée le 14 juin 2001 par notre assemblée, qui confiait à une instance, instituée à l'échelon du département et composée paritairement de représentants de l'Etat et des collectivités territoriales, le soin de se prononcer sur les recours et qui ouvrait aux pétitionnaires la possibilité d'exercer un recours.
M. Charles Revet. C'est très bien ! Très bonne initiative !
M. Pierre Laffitte. Très bien !
M. Xavier Darcos, rapporteur pour avis. Ce dispositif aurait toute sa place dans le projet de loi, puisqu'il permet d'infléchir les pratiques administratives dans le sens souhaité par nos concitoyens, celui d'un Etat qui cherche à expliquer plutôt qu'à convaincre.
Mes chers collègues, sous réserve de l'adoption des amendements qu'elle vous soumettra, la commission des affaires culturelles vous proposera d'adopter les articles dont elle s'est saisie pour avis. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 72 minutes ;
Groupe socialiste, 65 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 49 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 42 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 33 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 31 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 8 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Peyronnet. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans moins de deux mois, nous célébrerons le vingtième anniversaire de la loi du 2 mars 1982, grande loi fondatrice de la décentralisation à la française, loi révolutionnaire qui rompait enfin, après des décennies de palabres infructueuses, avec le centralisme multiséculaire de l'Etat français, lui évitant ainsi l'apoplexie administrative. Pour ma part, je rendrai spécialement hommage à celui qui en fut la cheville ouvrière dans le premier gouvernement Mauroy, le ministre d'Etat Gaston Defferre.
Cette réforme majeure, discutée par le parti socialiste et intégrée dans son programme dès le début des années soixante-dix, puis incorporée dans le programme commun de la gauche, fut violemment critiquée, lorsqu'il s'agit de la mettre en oeuvre,...
M. Louis de Broissia. C'est de l'histoire !
M. Jean-Claude Peyronnet. ... par tous ceux qui craignaient je ne sais quelle dissolution de l'Etat, quelle généralisation du clientélisme, quelle multiplication des actes de corruption, et j'en passe !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. Jean-Claude Peyronnet. Rien de tout cela ne s'est produit ou, lorsque ce fut le cas, la décentralisation n'y était pour rien.
Je me réjouis sincèrement que les bases posées à ce moment-là soient défendues aujourd'hui par tout le monde comme des valeurs essentielles et que certains des opposants les plus vigoureux de l'époque soient devenus les défenseurs ardents de ce qui est désormais acquis et, qui mieux est, les chantres de l'accélération du mouvement.
M. Louis de Broissia. C'est comme vous pour la Ve République ! Vous l'aviez combattue !
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur de Brossia, je dis qu'il est très bien qu'il en soit ainsi !
Cependant, je les appelle à un peu de retenue et de mesure. Il est difficile pour notre famille politique, qui a été à l'origine du mouvement et qui poursuit dans cette voie, notamment avec vous, monsieur le ministre, d'accepter de se voir reprocher sans cesse de n'en pas faire assez ou de ne pas le faire assez vite.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, je ne suis pas de ceux qui font la moue devant votre texte en le trouvant trop peu ceci ou trop peu cela. Vous avez décidément choisi de refuser les grands effets, les grandes envolées,...
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Si l'on s'envolait, on retomberait vite ! (Sourires.)
M. Jean-Claude Peyronnet. ... les échafaudages intellectuels appuyés sur des principes éthérés qui, trop souvent, ne font que nourrir de beaux discours sans lendemain, préférant une démarche pragmatique et un texte cohérent, à propos duquel vous laissez largement s'exercer le droit d'amendement parlementaire.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Très bien !
M. Jean-Claude Peyronnet. A cet égard, il est bien vrai que, comme il s'agit du dernier grand texte de la législature portant sur ce sujet, nombre de députés et, sans doute, de sénateurs ne résistent pas à la tentation d'essayer de régler par voie d'amendement telle ou telle question que chacun, individuellement, considère comme majeure ou qui, à défaut, peut au moins être importante ou intéressante.
Il en résulte que le corps initial du texte a perdu de sa cohérence. Il était, à l'origine, clair et logique, et s'articulait de façon rationnelle : d'abord les questions liées à la démocratie de proximité ; puis, tout naturellement, un gros titre fort attendu relatif aux conditions d'exercice des mandats locaux ; enfin, un titre portant la participation du public à l'élaboration des grands projets. Il existait bien déjà quelques scories, la plus grosse, pourtant nécessaire car très attendue, étant relative aux SDIS, une autre concernant les opérations de recensement : cela étant, l'ensemble ne manquait pas d'allure.
Tout cela demeure. Il est vrai cependant que le travail considérable effectué par nos collègues de l'Assemblée nationale ne l'a pas été dans le souci d'assurer la plus grande lisibilité possible. Mais c'est l'inconvénient de l'avantage, et là encore il est très difficile de souhaiter que le Parlement exerce pleinement ses droits et de regretter ensuite que le résultat législatif soit quelque peu touffu.
De même, il est très contestable de reprocher à tel ou tel moment qu'une évaluation suffisante des conséquences de telle ou telle mesure prise par le Gouvernement n'ait pas été faite et de se proposer ensuite de transférer à tout va des compétences majeures, par exemple aux départements pour les routes nationales ou aux régions pour les bâtiments universitaires. Certes, ces évolutions projetées sont intéressantes et sûrement souhaitables, mais ne légiférons pas dans la précipitation !
Enfin - et cela nous concerne en tant que sénateurs - si ce texte manquait tellement d'intérêt, d'où vient que le très excellent rapport de M. Daniel Hoeffel, qui est sans conteste l'un des tout meilleurs spécialistes de la question, ne fait pas moins de 555 pages, hors tableaux comparatifs ? D'où vient d'ailleurs que, à y regarder de près, la commission des lois, saisie à titre principal, propose en fin de compte la suppression de très peu d'articles ? D'où vient qu'elle en ajoute même volontiers, y compris s'agissant de dispositions introduites par l'Assemblée nationale ?
Par conséquent, arrêtons de minimiser l'importance d'un texte qui, j'ose le dire, monsieur le ministre, apporte beaucoup. Certes, il n'annonce pas le grand soir de la décentralisation, mais il s'inscrit dans une perspective de mouvement qui ne s'est pas démentie depuis cinq ans, tout au long de cette législature.
En outre, soyons clairs : que reste-t-il à faire ? Deux choses majeures, tout le reste pouvant être réglé par le biais de textes particuliers de clarification : il reste à transférer de nouvelles compétences et à réformer la fiscalité locale. Je concède que ce n'est pas le plus simple. Pour autant, est-il inconvenant de faire remarquer que c'est une démarche de début de législature plutôt que de fin de mandat ? A cet égard, j'ai bon espoir, monsieur le ministre, de vous retrouver à ce banc, dans quelques mois, cette fois pour l'examen du texte du grand soir ou du petit matin ! (Sourires.)
M. Louis de Broissia. Il n'y croit pas lui-même !
M. Jean-Claude Peyronnet. Quoi qu'il en soit, je ne puis, pas plus que mes amis politiques, accepter l'idée que ce gouvernement aurait fait reculer la décentralisation. Un seul point fait débat - nous ne sommes pas forcément tous d'accord sur ce sujet - à savoir l'autonomie des collectivités au regard de l'accroissement de la part des dotations de l'Etat. Il faudra régler cette question, même si j'observe que, jusqu'à présent, le Conseil constitutionnel n'a pas jugé que les libertés des collectivités étaient menacées.
M. Henri de Raincourt. Hélas !
M. Jean-Claude Peyronnet. Peut-être, mais c'est ainsi ! (Rires.)
Pour le reste, il ne s'est guère passé d'année, depuis trois ans, après que se furent écoulés les dix-huit mois nécessaires à la mise au point, où nous n'ayons eu à adopter des textes souvent majeurs et dont on voit bien, sur le terrain, la cohérence. Je pense en particulier ici à la loi présentée par votre prédécesseur, monsieur le ministre, à la loi Voynet et à la loi Besson-Gayssot, et je rappellerai maintenant l'historique de ce processus.
En 1999, la loi relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, inspirée au départ par le seul fait urbain, a finalement été adoptée par la commission mixte paritaire, après avoir fait l'objet d'un gros travail parlementaire. Elle est en train de provoquer, à une vitesse extraordinaire, un regroupement volontaire des communes en zones urbaines, rurales ou semi-rurales, et structurera de façon extrêmement forte le paysage administratif local.
En 1999 également, la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, utile elle aussi, quoique moins structurante, offre une base de réflexion pour les objectifs locaux, dans un cadre large, et fournit une assise à la contractualisation en fonction d'un projet commun.
En 2000 a été promulguée la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains. Qui pourrait prétendre, là encore, que ce texte n'est pas important ? J'ai même plutôt le sentiment qu'il convient d'abord de le « digérer » avant d'aller plus loin,...
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. C'est vrai !
M. Jean-Claude Peyronnet. ... n'en déplaise aux esprits pressés.
Ce sont là les textes les plus fondamentaux, mais il y en a bien d'autres.
Ainsi, en 2000, la loi organique relative aux incompatibilités entre mandats électoraux a été prolongée. Que l'on approuve ou non ses modalités ou son ampleur, qui pourrait nier son importance et qui pourrait nier que, avec l'instauration de la parité, elle entraîne une évolution majeure pour le personnel politique du pays ?
Je citerai encore, au titre de 2001, l'aboutissement de la réforme du code des marchés - il s'agit plutôt ici du domaine réglementaire - la loi relative aux chambres régionales des comptes et à la Cour des comptes, la proposition de loi tendant à moderniser le statut des sociétés d'économie mixte locales et, enfin, la loi relative à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de travail dans la fonction publique territoriale.
Dans tous ces textes, des dispositions importantes permettent de faire progresser la décentralisation en complétant, en précisant ou en rectifiant les choses au vu de l'expérience.
Votre projet de loi, monsieur le ministre, se situe dans cette continuité. J'en ai évoqué les grandes lignes tout à l'heure, et je constate que lui aussi constitue une forte avancée.
Dans le cheminement suivi ces cinq dernières années, il existe une étape majeure : la mise en place, à l'automne 1999, de la commission sur l'avenir de la décentralisation, dite « commission Mauroy », dont j'ai eu le privilège de faire partie, comme deux de nos rapporteurs, MM. Hoeffel et Mercier, ainsi que d'autres collègues.
Quoi qu'on en ait dit, cette commission a travaillé, sous la houlette bienveillante mais ferme de son président, dans une grande sérénité, et elle a abouti à un large consensus. Ce n'est pas la péripétie politicienne des dernières semaines, alors que tout était déjà dit et approuvé, qui change quelque chose à l'importance des conclusions, très largement consensuelles - je le répète - rendues à l'automne 2000 sous la forme de cent cinquante-quatre propositions, auxquelles, monsieur le ministre, vous avez fait allusion.
Je me suis amusé à faire un décompte des mesures prises et de celles qui vont l'être. Ce décompte vaut ce qu'il vaut, car les mesures sont d'ampleur très inégale - certaines sont majeures, d'autres sont de détail - mais il indique néanmoins que vingt et une mesures sont déjà acquises, et, plus intéressant encore, que vingt-huit nouvelles mesures, issues des travaux de la commission Mauroy, sont reprises par vous, monsieur le ministre, dans le texte que vous nous présentez. Comme certains amendements parlementaires susceptibles d'être adoptés en ajouteront sans doute quelques autres à cette liste, on peut dire que, un peu plus d'un an après qu'elle eut remis ses conclusions, la commission Mauroy, qui avait annoncé, par la voix de son président, travailler à une échéance de dix ou quinze ans, aura vu passer dans le projet de loi un bon tiers de ses propositions.
Après ça, on nous dira que la décentralisation recule ! Elle avance, au contraire, avec ce gouvernement, et grâce à votre texte, monsieur le ministre.
Elle avance par le biais du rapprochement du citoyen de la gestion et de la prise de décision, que ce soit par l'instauration de mairies annexes ou, plus encore, par la constitution de conseils de quartier consultatifs, intéressante expérience au cours de laquelle il faudra veiller, cependant, à sauvegarder ce qui existe déjà ici ou là, ainsi que - je suis d'accord avec M. le rapporteur sur ce point - la primauté in fine du mandat électif, que le texte gouvernemental ne me semble toutefois pas remettre en cause.
La décentralisation avance aussi grâce à l'effort important consenti pour reconnaître et mettre en oeuvre le droit des minorités dans les assemblées territoriales. Nous sommes pleinement d'accord sur le principe, même si la fameuse séance annuelle consacrée à la minorité nous semble peu opérante. Sans doute le travail parlementaire nous permettra-t-il d'évoluer vers des dispositions plus raisonnables, mais surtout plus efficaces. Cependant, je n'ai pas la naïveté de penser que l'on peut s'en remettre purement et simplement au bon vouloir des exécutifs locaux : je suis beaucoup plus sceptique que M. le rapporteur sur ce point.
La décentralisation avance de façon considérable grâce au titre II, qui, incontestablement, facilitera l'accès à la fonction élective par un effort financier significatif en termes d'indemnités et de remboursement de frais, par un effort pour diversifier socialement l'accès à ces fonctions, comme pour favoriser les reconversions au terme du mandat et pour permettre une meilleure formation des élus. Cette section du texte représente un progrès considérable s'agissant des facilités accordées aux élus pour qu'ils puissent exercer pleinement et efficacement leurs mandats.
De la même façon, nous approuvons les dispositions issues des recommandations du rapport Fleury, que vous nous présentez en anticipation de l'examen du texte portant sur la modernisation de la sécurité civile et sur les services d'incendie et de secours, sous la réserve expresse que soient bien clarifiés les flux financiers entre les collectivités locales.
La règle fixée par les lois Defferre, et qui doit continuer à s'appliquer, veut que tout transfert de compétence soit financièrement neutre, au moins au début. Cela implique donc que les départements ne sauraient se passer de la contribution des communes. Que celle-ci soit gelée, soit, mais qu'elle existe sous une forme ou sous une autre, par transfert de DGF par exemple. Cela va de soi, nous dit-on ! Cela ira encore mieux en le disant !
Je m'en tiendrai là, ou presque, me réservant d'intervenir avec mes collègues du groupe socialiste lors de l'examen des articles.
Je n'évoquerai pas non plus, ou j'évoquerai peu, les amendements de la commission que nous voterons ; il en existe, par exemple celui qui porte sur les sondages électoraux. Je n'évoquerai pas non plus au fond ceux que nous déposerons, quelquefois parallèlement à d'autres, et qui concernent l'utilité et le débat publics, les réserves naturelles ou les facilités financières proposées aux élus handicapés pour l'exercice de leur mandat.
Je ne retiendrai qu'un amendement qui traite de la question du cadre électoral de l'élection des conseillers communautaires.
Monsieur le ministre, il y a là un problème de fond. Il n'est que temps de lever l'ambiguïté et de rassurer des maires de plus en plus inquiets.
Votre prédécesseur a fait voter une loi majeure, car, incontestablement, elle fait évoluer le paysage administratif français. Il a habilement joué d'un discours républicain qui mêlait, dans un cocktail dont il connaissait seul le dosage, le jacobinisme et la décentralisation, la défense de la commune et sa dissolution prévisible dans la mixture communautaire.
M. Louis de Broissia. C'est assez subtil !
M. Jean-Claude Peyronnet. Oserai-je dire qu'on n'était pas loin du double langage et que parmi nous, consciemment ou pas, certains n'y ont pas échappé ?
M. Charles Revet. C'est sûr !
M. Jean-Claude Peyronnet. Il faut lever les ambiguïtés ! Oui ou non, comme je le souhaite et le pense, est-il possible, tout en les faisant travailler ensemble, de conserver les 36 000 communes françaises ? Je le crois, mais il est vrai que les mécanismes mis en place, notamment le coefficient d'intégration fiscale, constituent une mécanique redoutable qui incite au transfert accéléré des compétences jusqu'à ce que les maires se rendent compte qu'ils sont tout nus.
M. Charles Revet. Absolument !
M. Jean-Claude Peyronnet. La carotte financière paraît tellement attractive qu'elle a pu masquer les inconvénients de la perte d'identité. Or, même si j'ai voté en conscience cette loi, j'ai à l'époque, et nombre de mes amis avec moi, attiré l'attention sur ces inconvénients-là, c'est-à-dire celui qu'il y aurait à voir disparaître ces lieux de démocratie, d'animation et de vie qui quadrillent de façon efficace, exceptionnelle et peu coûteuse l'ensemble du territoire français.
M. Charles Revet. Sur ce point, nous sommes d'accord !
M. Jean-Claude Peyronnet. Pourtant, ces lieux disparaîtront si la fonction de maire n'est plus attractive et n'attire plus des gens de qualité, comme c'est encore heureusement le cas aujourd'hui.
Un sénateur socialiste. Effectivement !
M. Jean-Claude Peyronnet. De ce point de vue, l'idée de l'élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires, qui s'imposera notamment dans les grandes agglomérations en raison du poids financier des établissements publics de coopération intercommunale, doit être clarifiée, afin, précisément, que l'identité communale soit sauvegardée. L'un des moyens, peut-être pas suffisant mais en tout cas nécessaire, est de procéder à l'élection des conseillers communautaires prévues par la future loi dans le cadre communal. C'est ce que nous proposons de préciser dès maintenant sans attendre ladite future loi.
Vous le constatez, monsieur le rapporteur, sur ces points-là, nous ne sommes pas très éloignés les uns des autres. D'ailleurs, sur les six principes que vous avez énoncés, je n'ai pas grand-chose à redire.
Reste que tout ne sera pas résolu pour autant. Je pense, notamment, à un aspect dont on parle peu : le rôle de la commune-centre. J'ai l'impression que certains maires de grandes villes n'ont pas complètement imaginé que le pilotage des communautés urbaines ou des communautés d'agglomération pourrait leur échapper, ou échapper à un représentant du conseil municipal de leur ville. Pourtant, en fonction du mode de scrutin retenu, c'est bien sûr une possibilité à ne pas écarter. Est-ce possible ? Est-ce souhaitable ? Est-il acceptable, par exemple, que la communauté urbaine de Lyon soit présidée par le maire d'une commune disons de 5 000 habitants, quand on sait - c'est le maire qui nous l'a dit - que les deux tiers des investissements de la ville de Lyon sont assurés par la communauté urbaine ?
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. C'est une chance que les autres paient !
M. Jean-Claude Peyronnet. Je pourrais, je suppose, dire la même chose pour Bordeaux, Lille, Toulouse ou Nantes. Prenons garde, mes chers collègues, à ne pas jouer les apprentis sorciers dans ce domaine comme dans d'autres. Il faut bien réfléchir.
Monsieur le ministre, je ne reviens pas sur la richesse de votre texte. Il est très attendu par les élus et très suivi par nos collègues. La masse des amendements le prouve. Il est évident qu'un très gros travail législatif va être effectué dans les semaines à venir. Je souhaite qu'il aboutisse à un accord entre les deux chambres et je ne doute pas des efforts de nos rapporteurs pour qu'il en soit ainsi. (Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Darniche applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Türk.
M. Alex Turk. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention sera très courte, et ce pour deux raisons. D'une part, parce que mon collègue Philippe Darniche interviendra sur l'ensemble du texte. D'autre part, parce que le rapporteur m'en a donné l'occasion puisque - il s'agit là d'un paradoxe - alors que je ne compte évoquer que le problème de l'élection au suffrage universel dans les structures intercommunales, j'ai constaté que M. Hoeffel a été dans l'obligation d'insérer cette question parmi les principes fondamentaux. En effet, à l'origine, celle-ci ne figurait pas dans le texte et elle ne fait l'objet que d'un amendement. Il est tout de même paradoxal que notre rapporteur en soit réduit à agir ainsi. Cela signifie tout simplement que nous sommes dans une situation ambiguë, puisque l'on nous demande de traiter une question fondamentale pour l'avenir au détour d'un amendement sur un texte.
Je ne reviendrai pas sur le problème de l'urgence, qui a été évoqué à de nombreuses reprises. Le problème de l'élection au suffrage universel dans les structures intercommunales subira donc le même traitement.
Je ne reviens pas non plus sur le fait que l'on recourt à une procédure consistant à passer par un amendement pour traiter une question qui est fondamentale. Je dirai simplement qu'il est un peu curieux - l'orateur qui m'a précédé pensait qu'il s'agissait là d'une excellente initiative ; pour ma part, je ne crois pas que ce soit le cas - de vouloir s'auto-conditionner ou de faire en sorte que le législateur conditionne un autre législateur, au-delà d'une alternance, en fixant un principe et en renvoyant le vote de ses modalités d'application dans l'avenir. En effet, c'est au minimum une manoeuvre politique et, à coup sûr, une ineptie sur le plan juridique.
Sur le fond, cette initiative me paraît totalement déconnectée des réalités.
D'abord, elle est déconnectée de la réalité du terrain parce qu'elle ne tient pas compte de la forte disparité qui existe aujourd'hui dans nos départements - notamment dans le Nord, département dont je suis originaire - par exemple entre les communautés urbaines et les communautés de communes.
Il me paraît très regrettable de prendre une telle initiative de manière aussi rapide et intempestive, alors même que nombre de communautés de communes sont très loin d'avoir acquis leur rythme de croisière. Alors même qu'elles n'ont pas encore trouvé leur équilibre, on pose déjà le problème du mode de recrutement de ceux qui participent à leurs organes délibératifs.
De la même manière, s'agissant du problème des budgets, il est bien évident qu'entre certaines communautés urbaines comme celle de Lille, dont le budget équivaut à lui seul à celui de plusieurs grandes villes de France, et certaines communautés de communes de points plus reculés de notre département, qui à elles seules ont un budget très inférieur à celui d'une petite commune, il n'y a rien de commun. Or on voudrait les associer dans un même traitement.
Cette initiative est également déconnectée de la réalité institutionnelle. En effet, il n'y a aucune réflexion globale sur le problème des échelons administratifs. Nous en avons cinq, sans compter l'échelon européen. Or, qu'on le veuille ou non, on décide d'instituer au suffrage universel un nouvel échelon, sans avoir réfléchi à l'ensemble du dispositif. D'ailleurs, il n'y a pas non plus eu de réflexion sur les conséquences inévitables quant à l'organisation de l'interdiction du cumul des mandats, qui posera des problèmes techniques considérables si ce texte est adopté en l'état.
On n'a pas non plus réfléchi au fait que, incidemment, on crée un semi-échelon ou un embryon d'échelon avec le système des conseils de quartier. D'une certaine façon, les communes seront prises dans un étau : elles seront, par le bas, poussées par les conseils de quartier et, par le haut, comprimées par les structures intercommunales issues du suffrage universel.
Telles sont les raisons pour lesquelles il me paraît extrêmement dangereux d'aller plus loin sur un texte comme celui-là.
De ce point de vue, je voudrais rendre hommage à M. le rapporteur. En effet, la proposition qu'il présente me semble pertinente. Au fond, elle permet de résoudre deux questions. D'une part, il refuse de dissocier le principe des modalités, ce qui, le moment venu, nous obligerait à prendre globalement nos responsabilités. D'autre part, il précise et conforte le faisceau des garanties. Telles étaient bien les questions que l'on pouvait au moins espérer régler dans le débat qui nous agite aujourd'hui !
Enfin, je conclurai par une remarque. Il est troublant de constater que, en général, ceux qui remettent en cause la légitimité à travers la représentativité du Sénat en voulant tirer le suffrage universel indirect vers le suffrage universel direct sont aussi ceux qui agissent à peu près dans les mêmes termes à l'égard de l'autonomie communale. Ils oublient un principe fondamental : la conjugaison du suffrage universel indirect et du suffrage universel direct est inscrite dans la tradition de nos républiques parlementaires depuis 1875 et elle est également, depuis les lois de la IIIe République, inscrite dans le principe de la liberté et de l'autonomie communales. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. de Raincourt.
M. Henri de Raincourt. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à vingt ans, on souhaite généralement acquérir son autonomie financière et sa liberté ; on souhaite assumer les choix de son existence. C'est vrai pour les personnes ; c'est vrai aussi pour les collectivités locales.
Dans quelques mois, la décentralisation aura vingt ans monsieur le Premier ministre Pierre Mauroy. Cela fera vingt ans que, grâce à vous et à Gaston Defferre, les collectivités territoriales décentralisées existent. Mais au fil du temps, on le voit bien, leur autonomie financière s'amenuise et leur liberté de décision s'effiloche.
Aujourd'hui, les collectivités territoriales voudraient pouvoir s'administrer librement au sein de la République. Ce principe simple doit avoir tout son sens. L'écrire est une chose : il y a la lettre, mais aussi l'esprit. Or l'esprit de la décentralisation mérite plus que d'être invoqué. Cet après-midi, mon propos est exclusivement celui d'un praticien du terrain ; il n'a rien à voir avec un engagement politique partisan.
Monsieur le ministre, votre projet de loi pourrait en apparence faire croire que nous sommes sur la bonne voie : un titre évocateur et alléchant, une multitude de dispositions concernant les droits des élus, les conditions d'exercice des mandats locaux, les transferts de compétences, la participation du public à l'élaboration de grands projets, etc.
Mais, à y regarder de près, les espoirs ne sont pas à la hauteur des enjeux, Ce texte, cela a été dit, a une ambition modeste, ce qui, selon moi, n'est pas forcément un défaut. Si, sur certains points, il réglera certaines questions, sur d'autres, il va singulièrement compliquer la situation.
En réalité, il ne donne pas à la décentralisation l'élan nouveau que nous attendons, il ne répond pas aux vraies questions que nous nous posons et il ne comporte que peu de propositions nouvelles, même si celles qui y figurent soulèvent de grandes questions.
Vous voulez accroître la participation de tous les citoyens à la démocratie, grâce aux conseils de quartier, au renforcement des droits de l'opposition dans les assemblées locales et aux nouvelles modalités de fonctionnement du débat public.
Quel est l'intérêt réel de ces mesures ? Un grand nombre d'élus et de nombreuses collectivités ont, depuis longtemps, pris l'habitude de consulter la population en instaurant, sous une forme ou sous une autre, adaptée à la réalité locale, une authentique culture du dialogue.
M. Jean-Paul Virapoullé. Bien sûr !
M. Henri de Raincourt. Ils n'ont pas eu besoin de loi pour le faire ! Pourquoi rigidifier encore en imposant une démarche identique sur l'ensemble du territoire ? Pourquoi ne pas laisser subsister cet espace de liberté en autorisant les collectivités locales à user de cette culture du dialogue comme elles l'entendent ?
M. Roland du Luart. C'est l'esprit partisan !
M. Henri de Raincourt. Aujourd'hui, dans les assemblées locales, rien n'empêche, me semble-t-il, l'opposition de poser des questions et de formuler des propositions. Le droit d'expression est une condition essentielle de la démocratie. Pourquoi l'enfermer dans une séance qui deviendra formelle, source de beaucoup de démagogie et d'exacerbation des oppositions ?
Remettre en cause la pratique actuelle pour figer dans la loi les droits des élus minoritaires présente le risque de créer des oppositions politiques là où elles n'existent pas nécessairement. Au conseil général de l'Yonne, par exemple, l'opposition pose des questions et dépose des motions quand elle le souhaite. Par ailleurs, les publications du conseil général ne sortent qu'après avoir reçu l'approbation d'un comité de rédaction représentatif de tous les groupes politiques siégeant au conseil général.
Cette pratique a le mérite d'exister. Je ne vois donc pas pourquoi la loi l'encadrerait, la formaliserait et, au fond, lui enlèverait de sa force et de son élan.
L'article 7 ter, qui est essentiel, arrête le principe de l'élection au suffrage universel des délégués aux établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, à fiscalité propre. A première vue, cette intention apparaît tout à fait louable. Mais, si l'on y regarde de plus près, on en vient à être plus réservé avant d'y devenir franchement hostile.
Ne nous y trompons pas : de notre point de vue, le franchissement de cette nouvelle étape représenterait un nouvel et peut-être décisif affaiblissement de la commune et de sa légitimité. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Philippe Darniche. C'est évident !
M. Henri de Raincourt. Est-ce opportun ?
Est-ce utile à la démocratie ? (Non, sur les mêmes travées.)
Est-ce favorable à l'équilibre même de notre société ?
M. Bruno Sido. Absolument pas !
M. Henri de Raincourt. Les Français sont viscéralement attachés à leurs communes. Il me semble même que cet attachement va grandissant.
M. Philippe Darniche. C'est vrai !
M. Henri de Raincourt. On peut le comprendre et partager ce sentiment. En effet, dans un monde ouvert où les frontières ont disparu, l'être humain se trouve désemparé par l'immensité de son environnement. Il a un très grand besoin, pour ne pas craindre ni rejeter cette réalité, de proximité et de sentir qu'il appartient à une communauté de destin.
C'est la commune et elle seule qui lui ouvre cet univers à sa dimension, rassurant et réconfortant. Déjà Tocqueville l'écrivait : « Si l'on ôte la force de la commune, on n'aura que des administrés et point de citoyens. »
Gambetta reprenait cette idée lorsqu'il écrivait ceci : « C'est à la mairie que tout commence. » Mais pas une mairie désincarnée, vidée de sa substance, une mairie alibi d'une démocratie qui aurait fui ! »
Je suis un partisan déterminé de l'intercommunalité et j'ai même le privilège d'en présider une qui a été créée en 1926.
M. Charles Revet. Ce n'est pas nouveau !
M. Roland du Luart. Vous ne paraissez pas votre âge ! (Rires.)
M. Henri de Raincourt. Ce n'est pas moi qui la préside depuis 1926, je vous rassure (Nouveaux Rires.)
M. Jean-Claude Peyronnet. C'était son ancêtre !
M. Henri de Raincourt. Non, ce n'était pas mon ancêtre non plus !
Mais, là comme ailleurs, il faut rechercher l'équilibre.
Mes chers collègues, après les lois Chevènement sur l'intercommunalité - notre collègue Jean-Claude Peyronnet y faisait référence - la loi Voynet sur les pays et la loi Gayssot plus récente sur les fameux SCOT, les schémas de cohérence territoriale, voici une nouvelle disposition proposée qui rompt cet équilibre et qui va inéluctablement éloigner l'élu de l'électeur, alors même que c'est à l'inverse qu'il faut tendre si l'on veut redonner confiance à nos compatriotes en la démocratie représentative.
Mes chers collègues, nous faisons fausse route, même si la volonté apparaît - je le répète - tout à fait louable. Je vous incite donc, à cet égard, à une grande réflexion et à une grande prudence.
Je n'aborderai que brièvement l'aspect pratique de la mise en oeuvre de cette disposition. Par exemple, l'organisation de trois élections le même jour - les élections municipales, intercommunales et cantonales - posera des problèmes énormes dans bon nombre de nos communes.
Par ailleurs, soyons réalistes : point n'est besoin d'être grand clerc pour deviner que, quand évolueront sur un territoire presque identique le maire, le président de l'établissement public de coopération intercommunale, le conseiller général, voire...
M. Bruno Sido. Les sénateurs !
M. Henri de Raincourt. ... le conseiller régional, il y aura trop de crocodiles dans le marigot ! (Sourires. - M. Jean-Paul Virapoullé applaudit.)
M. Bruno Sido. Eh oui !
M. Henri de Raincourt. Les ambitions et les rivalités de personnes paralyseront l'action.
M. Bruno Sido. C'est exact !
M. Henri de Raincourt. Encore une fois, c'est le développement même de l'aire géographique concernée qui s'en trouvera notablement et durablement affecté.
Pour développer les collectivités locales, il faut rassembler. Or si plusieurs personnes tirent, elles tireront forcément non pas dans le même sens mais à hue et à dia ! Le phénomène est naturel et, hélas ! inévitable.
Si la proposition contenue dans l'article 7 ter peut paraître séduisante et sympathique, elle n'est pas raisonnable. Ou alors - je rejoins à cet égard les propos qu'a tenus notre collègue Jean-Claude Peyronnet - que l'on définisse clairement la vision que la France a de son organisation territoriale, quels échelons elle veut conserver, ceux qu'elle veut supprimer, et le Sénat en débattra. Ce sera un processus tout à fait démocratique.
Telle est la raison pour laquelle le groupe des Républicains et Indépendants, s'il est très reconnaissant à la commission des lois d'avoir encadré le dispositif qui nous vient de l'Assemblée nationale, va cependant un cran plus loin, considérant que, aujourd'hui, le Sénat ne peut pas donner de lui aux maires de France l'image d'une assemblée favorable à l'élection des délégués au suffrage universel. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Charles Revet. Absolument !
M. Henri de Raincourt. J'en arrive maintenant au titre III traitant des compétences locales.
Je laisse le soin à mes collègues élus régionaux d'aborder les questions qui les concernent et dont vous avez parlé tout à l'heure, monsieur le ministre.
Je déplore la rédaction de l'article 43 A concernant l'aide aux entreprises. Je n'ai toujours pas compris la raison pour laquelle cette rédaction lie l'intervention des communes et des départements à la signature d'une convention obligatoire avec la région. L'obligation, là encore, n'est ni gage d'efficacité ni respectueuse de l'autonomie des collectivités locales.
L'article 43 I ouvre la possibilité d'une expérimentation relative à une intervention différente des collectivités territoriales dans le domaine du patrimoine. Sur le principe, je n'y vois pas d'objection. Dans la réalité, une nouvelle fois, la pratique me conduit à dire que, si l'on devait s'engager dans cette voie, il faudrait avoir réglé au préalable l'épineuse question des relations entre les collectivités territoriales, la direction régionale des affaires culturelles, la conservation des monuments historiques, sans même parler du statut - résurgence de l'ancien régime - des architectes en chef des monuments historiques !
Le chapitre II, qui aborde le fonctionnement des SDIS, les services départementaux d'incendie et de secours, retient plus particulièrement mon attention.
Je considère - je vous le dis franchement, monsieur le ministre - que l'on y fait du rafistolage sans aborder la question au fond. Cela signifie qu'il faudra réexaminer cette dernière. C'est dommage. C'est une occasion manquée. Je l'affirme d'autant plus librement que la situation défavorable d'aujourd'hui résulte d'une loi que j'ai votée. Je n'ai donc aucun scrupule à dire que cela ne fonctionne pas et qu'il faudrait essayer de clarifier les choses.
Comme vous l'avez dit vous-même tout à l'heure, monsieur le ministre, la reprise d'éléments contenus dans le rapport Fleury me paraît insuffisante.
L'application de la loi actuelle ne donne pas satisfaction. Il faudra bien qu'un jour l'on dise qui est l'autorité compétente pour diriger le SDIS, qui le finance, et comment il est financé. Ainsi, les choses seraient claires.
Ce choix n'est pas proposé dans le texte, sauf à alourdir encore les dépenses obligatoires des conseils généraux. Certes, on parle un jour, mais pas le lendemain, de compensation par l'Etat de la part communale qui serait supprimée en 2006. On parle de pourcentage des uns ou de pourcentage des autres. Je suis défavorable à tout cela.
On nous dit que le conseil général aura la majorité au sein du conseil d'administration du SDIS, avec 14 membres au moins sur 22. Mais la désignation des membres de ce dernier se faisant à la proportionnelle, il n'est pas certain que ce sera systématiquement un représentant de la majorité du conseil général qui sera élu à sa tête. Je crois qu'il y a là quelque chose auquel il conviendrait de faire attention.
Quant au système qui confie à un conseil d'administration le soin de fixer la dépense obligatoire incombant au conseil général, je le trouve, pour ma part, désagréable, déplorable et détestable. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.)
Peut-on imaginer qu'un jour on aura le courage d'aller plus loin que la « communication », jointe à l'avis d'imposition à la taxe d'habitation, du montant des contributions des collectivités locales rapporté au nombre d'habitants du département ?
Monsieur le ministre, la vraie mesure consisterait à dire clairement qui dirige le conseil d'administration. Si c'est le conseil général, on n'a pas besoin de conseil d'administration.
M. Bruno Sido. Bien sûr !
M. Henri de Raincourt. Le SDIS devient alors un service du département.
M. Bruno Sido. Bravo !
M. Henri de Raincourt. Quant au financement, soit il incombe aux communes et aux départements, et il est alors normal qu'il y ait un conseil d'administration, soit, comme je le souhaite moi-même, on aura un jour le courage de faire figurer clairement sur la feuille d'imposition locale une colonne supplémentaire...
M. Patrick Lassourd. Tout à fait !
M. Henri de Raincourt. ... intitulée « coût des services d'incendie et de secours ». Ainsi, comme pour les ordures ménagères, chaque contribuable connaîtrait alors le coût réel du service et le financerait directement. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.) Ce serait plus simple et plus clair !
Voilà pourquoi, sur ces deux points, le texte ne me paraît pas à la hauteur des enjeux et ne répond à mon avis pas suffisamment aux préoccupations locales. Il ne prend pas assez en compte la réalité telle que nous la percevons sur le terrain. Nombre de dispositions sont incomplètes. Elles mériteraient d'être précisées, et pourraient même à elles seules faire l'objet d'un texte spécifique.
Le transfert de nouvelles compétences aux collectivités locales par voie d'amendement lors de la première lecture à l'Assemblée nationale, sans véritable vision d'ensemble, constitue aussi, selon moi, une erreur de méthode.
Enfin, la procédure d'urgence appliquée à ce texte ne correspond pas à ce que nous pouvions attendre sur l'importante question de la décentralisation et va brider le débat parlementaire là où une discussion tout à fait approfondie s'impose. Mes collègues et moi-même appelons de nos voeux une vraie relance de la décentralisation, sans aucune arrière-pensée, une réforme qui poserait les vrais problèmes mais qui apporterait aussi les bonnes solutions. C'est une idée que, avec d'autres, avec beaucoup de modestie et d'humilité, croyez-le bien, nous avons toujours défendue et que nous continuerons à défendre, considérant que, dans ce domaine qui touche au coeur du fonctionnement de notre société et de notre pays, elle passe avant toutes les autres. (Très bien ! et vifs applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Barbier.
M. Gilbert Barbier. Comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre, lors des dernières élections municipales, les Français ont clairement manifesté leur volonté de peser directement sur les décisions qui engagent l'évolution de leur cadre de vie.
Le Gouvernement a confié à M. Pierre Mauroy la présidence d'une commission chargée de formuler des propositions sur l'avenir de la décentralisation. La vivacité des débats, mais aussi le caractère novateur et ambitieux de certaines revendications ou propositions sont révélateurs des frustrations, des impatiences, des lassitudes et surtout des attentes des décideurs locaux, conscients que la décentralisation française est désormais à un tournant de son histoire.
Le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui vise à replacer le citoyen au coeur d'une décentralisation plus légitime, plus efficace, plus solidaire.
L'ambition du Gouvernement est, certes, louable et justifiée, mais, malheureusement, le contenu du projet de loi laisse perplexe, notamment après l'intégration de nombreux amendements adoptés par l'Assemblée nationale. A vrai dire, il donne l'impression désagréable d'un texte fourre-tout, sans vision globale, incluant aussi bien l'organisation de conseils de quartiers que l'élection au suffrage universel des membres des EPCI, aussi bien des dispositions relatives au statut de l'élu que le fonctionnement des services d'incendie et de secours, aussi bien la réforme du recensement qu'un volet sur les grands projets d'utilité publique.
De nombreuses communes mènent depuis longtemps des expériences de démocratie de proximité qui reposent sur des règles souples, garantes de leur succès. Or le projet de loi introduit des dispositions formelles, comme l'obligation de créer des conseils de quartier dans les villes de plus de 20 000 habitants, qui risquent tout simplement de freiner ou de remettre en cause ces pratiques quotidiennes. Il est des villes et des quartiers où cette création se justifie, d'autres où ce n'est pas le cas.
On peut d'ailleurs s'interroger sur la pertinence du quartier comme unité de référence de la proximité. Comment rendre compte d'un espace à géométrie variable selon qu'il est vécu par la municipalité, par les habitants, par ceux qui y travaillent, par les services publics ou par les acteurs privés ?
La création de ces instances soulève également la question de leur légitimité. Il s'agit en effet de trouver un juste équilibre entre la démocratie représentative - celle des élus municipaux, qui jouissent de la légitimité du suffrage universel - et la démocratie participative issue d'une demande de la société locale. Ne risque-t-on pas de voir se constituer un contre-pouvoir se prévalant d'une légalité propre ?
Le projet de loi prévoit, de surcroît, la présence d'élus au sein de ces conseils de quartier. Si cette mesure peut permettre d'assurer un lien direct avec le conseil municipal, elle risque surtout de mettre l'élu présent dans ces conseils dans des situations souvent très difficiles à gérer.
Je crois, monsieur le ministre, qu'il vaudrait mieux laisser les expériences se poursuivre en fonction des réalités du terrain et non plaquer un modèle unique de participation des citoyens à la décision publique.
Autre point contestable de ce projet de loi : les transferts de compétences aux régions dans les domaines de l'aide directe aux entreprises, de l'enseignement supérieur, de la formation professionnelle ou de l'environnement, introduits par une série d'amendements déposés par le Gouvernement.
Si l'on peut se réjouir de ce nouveau pas vers une décentralisation accrue, on doit, néanmoins, regretter la méthode. Ces transferts de compétences auraient certainement mérité un débat plus approfondi. Par ailleurs, ils ne sauraient suffire à répondre aux attentes légitimes des collectivités locales et des Français.
Le volet relatif au SDIS n'échappe pas non plus à la critique. En ma qualité d'ancien président du SDIS du Jura, j'ai pu constater combien un transfert de charges ne signifiait pas nécessairement un transfert de responsabilités. L'Etat décide et impose par l'intermédiaire du préfet, le maire est responsable de la sécurité dans sa commune et les collectivités paient. Non seulement le projet de loi maintient cette ambiguïté, mais il confirme également le désengagement financier de l'Etat en matière de secours.
Je crois savoir que le Gouvernement prépare un autre texte sur les services de secours. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous dire où en est la réflexion ?
Enfin, comme nombre d'orateurs précédents, je reste réservé sur l'opportunité d'élire au suffrage universel les membres des EPCI.
En premier lieu, cette mesure ne manquera pas de politiser une institution où il n'y avait jusque-là pas trop de clivages politiques manifestes, mis à part une opposition entre petites, moyennes ou grandes communes.
En second lieu, l'organisation de cette élection me paraît relever d'un véritable casse-tête. Comment et par quel mode de scrutin garantir à la fois la représentation de chaque commune par au moins un siège et le respect du principe de parité entre les hommes et les femmes ? Ne craignez-vous pas de semer la confusion parmi les électeurs, amenés à voter le même jour pour les conseillers municipaux, les conseillers des EPCI et parfois aussi les conseillers généraux ? Cela ne va pas dans le sens de la simplification souhaitée !
En tout état de cause, je suis inquiet de voir les municipalités se vider petit à petit par le haut et par le bas. En quelques années, trois nouveaux niveaux de décision - l'intercommunalité, la région et l'Europe - ont été créés et de nombreuses autres structures ont émergé autour de la commune, comme les pays ou, demain, les conseils de quartier. Qui fera quoi ? Quelle sera l'organisation subsidiaire des fonctions et des pouvoirs de l'infra et du supra-communal ! Il faudra bien un jour avoir le courage de revoir ce « millefeuilles » et de le clarifier.
Le présent projet de loi comporte néanmoins quelques points positifs.
Le titre II apporte notamment une partie des réponses que nous attendions sur le statut de l'élu. Les élus pourront désormais exercer leur mandat sans être pénalisés comme ils l'étaient auparavant dans leur vie professionnelle ou familiale en raison du temps passé au service de leurs concitoyens.
Je note également avec satisfaction la possibilité ouverte par l'article 11 bis de délégation à des conseillers municipaux dès lors que l'ensemble des adjoints sont titulaires d'une délégation. Jusqu'à aujourd'hui, cela n'était possible qu'en l'absence ou en cas d'empêchement des adjoints.
Dans la pratique, de nombreux maires ont accordé des délégations à des conseillers municipaux en dehors de ces deux cas. Les services chargés du contrôle de légalité ont eu, à cet égard, des attitudes et des interprétations bien différentes. Certains maires n'ont jamais été inquiétés, d'autres, en revanche, ont été assignés devant le tribunal administratif.
C'est mon cas. J'ai pu, pendant dix-huit ans, désigner des conseillers délégués et leur verser une rémunération prise dans l'enveloppe globale. Or, dernièrement, le préfet de mon département a porté l'affaire devant le tribunal administratif, qui a annulé l'arrêté municipal en cause. Cet article 11 bis permettra, je l'espère, de clarifier les choses.
Pour conclure, on peut se demander s'il ne faudrait pas d'abord se préoccuper de redonner du souffle à la démocratie électorale en restaurant la confiance entre la classe politique, les institutions et les citoyens. A l'évidence, les bons sentiments et le volontarisme politique n'y suffiront pas. A faire l'économie d'une véritable réflexion sur les moyens de restaurer une réelle crédibilité démocratique, on prend le risque de voir la démocratie de proximité déboucher sur un voeu pieux et sur une pseudo-participation.
Ce que les auteurs du projet de loi appellent une « nouvelle étape de la décentralisation » manque un peu d'ambition. Nous aurions souhaité voir l'Etat se recentrer sur ses missions régulatrices, l'articulation des pouvoirs locaux clarifiée et simplifiée, leurs compétences s'élargir, la fiscalité locale rénovée dans le sens de l'autonomie, le droit à l'expérimentation reconnu.
M. Charles Revet. Exactement !
M. Gilbert Barbier. C'est pourquoi, monsieur le ministre, je ne peux approuver le texte que vous nous présentez. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Delevoye. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean-Paul Delevoye. Monsieur le président, monmonsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi quelques remarques sur ce texte, qui a déjà fait l'objet de nombreux débats et qui, pour utiliser une expression couramment employée, nous interpelle.
Je regrette pour ma part, après de nombreux orateurs, que ce même texte traite de plusieurs sujets très différents - la participation des habitants, le statut de l'élu, un pan de décentralisation - minorant ainsi la valeur de chacun de ces domaines, qui méritait à lui seul un débat.
En fait, il s'agit de savoir quelles nouvelles actions publiques nous voulons répartir entre l'Etat et les collectivités locales.
La décentralisation doit reposer sur un principe clair : « Qui paye commande », comme M. de Raincourt le disait à propos du service d'incendie,...
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Jean-Paul Delevoye. ... mais aussi sur la stabilité des règles.
Or je ne puis m'empêcher de remarquer que, texte après texte, les règles financières changent, les compétences changent, ce qui déstabilise chacun par rapport aux actions publiques. Revenons à une articulation plus stable, bien cadrée et surtout plus pérenne des relations entre l'Etat et les collectivités locales !
En réalité, nous avons l'impression, peut-être fausse, que, chaque fois que l'Etat cherche à précipiter un nouveau transfert de compétences, c'est plus pour lui permettre de se débarrasser d'un domaine dans lequel il a du mal à exercer financièrement ses compétences (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants),...
M. Louis de Broissia. Toujours !
M. Jean-Paul Delevoye. ... que pour rechercher l'efficacité dans l'action publique qu'attendent nos concitoyens.
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Jean-Paul Delevoye. S'agissant du statut de l'élu, vous avez parlé d'urgence, monsieur le ministre. A ce sujet, je répéterai les propos que nous tenions voilà quelques mois à cette tribune : si vraiment il y avait urgence, il fallait reprendre le texte voté par le Sénat...
M. Charles Revet. Exactement !
M. Jean-Paul Delevoye. ... et le mettre à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Ce texte serait adopté depuis quelques mois déjà. Il s'agissait d'un texte équilibré, complet et qui devrait permettre à chacun d'exercer à parité un mandat toujours plus difficile à remplir.
Pour la clarté de l'exposé, je concentrerai mon propos sur trois sujets.
Dès son intitulé, ce texte attire notre attention sur la démocratie de proximité. On ne peut s'empêcher de remarquer que le système démocratique s'impose partout dans le monde au moment même où le doute sur sa pratique s'installe.
En fait, le défi politique qui nous attend est celui de notre capacité à faire prévaloir l'intérêt général sur les intérêts catégoriels.
A partir du moment où l'Etat a souhaité légiférer sur la démocratie des collectivités locales, j'ai pensé qu'il devait avoir le souci de s'imposer à lui-même ce qu'il souhaitait exiger des collectivités locales.
Or, dès que j'ai vu une loi de finances votée par le Parlement être immédiatement transformée par un ministre, des mesures annoncées à la télévision avant d'être entérinées par ce même Parlement, j'ai compris que nous étions en train de remettre en cause la démocratie parlementaire et d'instiller le doute chez nos concitoyens sur l'efficacité de cette démocratie dite représentative. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. Charles Revet. C'est vrai !
M. Jean-Paul Delevoye. Ainsi, au moment même où l'Etat, en quelque sorte, se tire une balle dans le pied, il exprime de la méfiance à l'égard de la pratique politique des élus.
Je ne suis pas certain d'avoir raison, mais, pour moi, la démocratie n'est pas une affaire d'éloignement ou de proximité : c'est d'abord et avant tout une légitimité tirée du peuple ; c'est la capacité de faire participer le peuple à l'élaboration des décisions et à leur exécution. Or je constate qu'actuellement plus un seul élu n'imaginerait de prendre une décision, d'engager une action sur des travaux publics, par exemple, sans opérer au préalable une concertation, sans donner à la population la possibilité de s'approprier le projet sur lequel on lui demande de s'exprimer.
Je pensais, monsieur le ministre, qu'en vous interrogeant sur l'efficacité de la démocratie représentative, vous instilleriez un peu de démocratie directe dans votre projet de loi. Je m'aperçois, en fait, que vous semblez vouloir opposer à la légitimité conférée au conseil municipal par le suffrage universel une institutionnalisation du conseil de quartier qui enferme la population dans cette représentation. Pourtant, dans la pratique quotidienne, lorqu'un élu se rend dans un même quartier pour aborder des sujets politiques différents, il rencontre des habitants différents, les uns intéressés par la politique sportive, d'autres par la politique éducative, d'autres encore par la politique de sécurité. Ce qui est important, pour les habitants, c'est d'avoir un contact direct avec le décideur politique, sans barrage,...
M. Charles Revet. Bien sûr !
M. Jean-Paul Delevoye. ... sans avoir l'impression d'être instrumentalisé par l'élu ou par un organe représentatif, la notion de représentativité étant d'ailleurs aujourd'hui extrêmement difficile à cerner, certaines associations étant spontanément créées non pas pour apporter une contribution à l'intérêt général, mais surtout et avant tout pour défendre des intérêts particuliers.
L'Association des maires de France avait réfléchi à cette notion de conseil de quartier, et je me souviens avoir entendu M. Pierre Mauroy me dire : « Mais cela se pratique chez moi, il faut donc l'inscrire dans la loi. » Mais si cela se pratique, pourquoi légiférer ?
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Jean-Paul Delevoye. Il faut promouvoir la démocratie directe plutôt que d'inscrire la pratique dans la loi ! Laissons faire les choses, et l'exemplarité de l'action publique permettra d'éviter d'opposer demain la légitimité du suffrage universel à celle du conseil de quartier.
En même temps, nous avons réfléchi au renforcement des pouvoirs d'expression des minorités. Sur ce point, M. le rapporteur a eu raison, à mon avis, de ne pas donner suite à cette idée de séance réservée à l'opposition. En effet, l'opposition a la faculté d'intervenir tout au long de l'année dans les instances délibératives pour apporter sa capacité d'alternative ; on ne doit pas cantonner à une seule séance dans l'année son pouvoir d'expression !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Nous avons été vingt-trois ans dans l'opposition. Nous avons vu ce que cela donnait !
M. Henri de Raincourt. Nous, ça fait quinze ans !
M. Charles Revet. En fait, vous pensez à votre futur !
M. Didier Boulaud. Qu'est-ce que c'est que ces chasseurs d'ours ?
M. Jean-Paul Delevoye. Mais j'ai bien compris, monsieur le ministre, que vous souhaitiez renforcer les droits de l'opposition pour pouvoir mieux les exercer dans quelque temps.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Soyez prudent ! C'est la période des voeux, mais tout de même !
M. Louis de Broissia. C'est la bonne année !
M. Jean-Paul Delevoye. Quoi qu'il en soit, il m'apparaît vraiment important de réfléchir plus avant sur ce point et j'approuve à cet égard la commission d'avoir donné un caractère facultatif et incitatif à une pratique démocratique, plutôt que d'instituer une obligation, ce qui aurait faussé le débat démocratique.
J'en viens à l'élection au suffrage universel des délégués intercommunaux.
M. Henri de Raincourt. Ah !
M. Jean-Paul Delevoye. J'ai entendu l'argument selon lequel celui qui lève l'impôt doit être systématiquement élu au suffrage universel. Certes, la douleur du contribuable peut amener l'élu à un peu plus de sagesse, comme je le dis parfois, mais je demeure sceptique sur la valeur de cet argument dès lors que l'intercommunalité est fortement incitée à passer à la taxe professionnelle unique. Cela signifie-t-il, aux yeux de celles et ceux qui avancent cet argument, que seules les entreprises doivent participer à l'élection pour pouvoir contrôler l'usage de leur impôt ? Je ne le crois pas !
M. Roland du Luart. Ce serait louis-philippard !
M. Jean-Paul Delevoye. Cet argument ne tient donc pas, non plus que celui qui consiste à affirmer que le suffrage universel est le moyen de contrôler les élus. Je ne vois pas pourquoi ces derniers auraient un chèque en blanc pour six ans ! Il convient, au contraire, de mettre en place des pratiques qui permettent l'organisation de débats annuels sur les comptes administratifs ou sur les orientations budgétaires.
La vraie question, qu'évoquait M. le ministre et qui est dans l'esprit de chacun, est celle-ci : qu'est-ce que l'intercommunalité ?
Pour nous, l'intercommunalité, c'est d'abord et avant tout la volonté des communes de mettre en commun certains de leurs moyens pour être plus efficaces.
M. Jacques Legendre. Eh oui !
M. Charles Revet. Très bien !
M. Jean-Paul Delevoye. A l'évidence, vouloir faire élire des délégués intercommunaux sur l'espace de l'intercommunalité revient - allons jusqu'au bout de la réflexion - à annoncer la suppression d'une dimension de la commune. (Applaudissements sur les travée du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Charles Revet. Exactement ! C'est ce que veut le Gouvernement, mais il n'ose pas le dire !
M. Jean-Paul Delevoye. Il y a là un vrai débat : la commune est-elle le lieu d'application d'une politique intercommunale, ou bien l'intercommunalité est-elle la mise en commun des volontés des communes pour être plus efficaces et plus performantes, ce qui implique le contrôle de la mutualisation de ses moyens par la commune elle-même ?
Voilà pourquoi les délégués intercommunautaires ne peuvent être que des conseillers municipaux issus des communes sur le territoire communal, leur choix intervenant le même jour. Pour l'instant, je suis donc extrêmement réservé sur le fait de vouloir afficher un principe sans en discuter des modalités.
Les uns et les autres, nous devons dire très clairement que nous refusons la notion de supracommunalité, et il serait intéressant de vous entendre sur ce sujet, monsieur le ministre.
M. Roland du Luart. Oui !
M. Jean-Paul Delevoye. S'agissant des SDIS, j'ai entendu l'intervention de M. de Raincourt, je n'y reviens donc pas.
Il est cependant un troisième sujet que je souhaite évoquer, même si son importance est moindre au sein du présent projet de loi, à savoir les recensements et leurs conséquences.
Aux termes du projet du Gouvernement, nous devrions pouvoir disposer tous les ans d'une analyse chiffrée sur l'évolution de la démographie. J'ai déposé un amendement, peut-être un peu brutal, tendant à la suppression de cette disposition, parce que le franchissement de certains seuils démographiques entraîne nombre de conséquences pour les collectivités locales, qu'il s'agisse du statut des fonctionnaires, de certaines obligations légales de procédure, de délais de convocation, de l'application de la loi relative aux nomades, que sais-je encore : aujourd'hui, près de deux cents textes sont directement concernés par la notion de seuils démographiques.
Nous ne pouvons donc accepter ce principe sympathique qui consiste à disposer d'un instrument de lecture de notre évolution démographique que si vous prenez l'engagement, monsieur le ministre, de faire en sorte que soient analysées très clairement les conséquences directes des recensements ainsi opérés, aussi bien la première année d'application que les années suivantes.
Enfin, au moment où nous célébrons le vingtième anniversaire des lois de décentralisation, j'aurais souhaité que l'on ne nous soumette plus des textes qui, ajout après ajout, transfèrent des compétences sans en mesurer les conséquences et sans vision globale. Alors que M. Mercier a accompli un grand travail de réflexion sur l'articulation entre l'Etat et les collectivités locales, je regrette que vous n'ayez pas eu la volonté de mettre en place un chantier qui nous permette cette vision globale afin d'avoir une approche sereine de ce type de débat.
Pour ma part, je suis de ceux qui pensent que la participation du citoyen est un élément déterminant pour la vie démocratique, mais je considère en même temps qu'en aucun cas l'institutionnalisation de la démocratie ne donne du souffle à cette démocratie. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà quelques semaines, nous débattions de la police de proximité.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. De la sécurité urbaine !
M. Jean-Jacques Hyest. Certes, mais il s'agissait bien de police de proximité, grand thème cher au ministre de l'intérieur.
Aujourd'hui, voici maintenant la démocratie de proximité. Voilà quelques jours, au sujet d'un champion sportif que tout le monde connaît, un grand journal du soir évoquait, pour sa part, un « héros de proximité ».
C'est donc la saison de la proximité. (Sourires.)
Voilà quelques mois, c'était la modernité.
M. Charles Revet. Absolument !
M. Jean-Jacques Hyest. Toutes les lois étaient « de modernisation ». On modernisait ! C'était le maître mot du discours politique : je vous renvoie, à cet égard, à quelques titres pompeux de certains projets de loi.
L'effet de mode est intéressant d'un point de vue sociologique, mais il est peut-être moins pertinent sur le plan législatif.
Je ne reviendrai pas, monsieur le ministre - d'autres orateurs l'ont évoqué avant moi - sur la détestable manière dont nous sommes contraints de légiférer. On peut tenir de grands discours sur l'attachement que l'on manifeste vis-à-vis du respect du Parlement. On peut même préciser, comme plusieurs ministres l'ont fait ces dernières semaines, que le bicamérisme est utile pour améliorer la législation et approfondir les débats de société.
Force est cependant de constater, d'une part, que le projet de loi qui nous est soumis n'est pas débattu dans des conditions convenables, et, d'autre part, qu'il ne s'agit pas d'un texte fondateur, son contenu n'étant pas à la hauteur des promesses de son titre.
M. Charles Revet. Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest. Il fut un temps - mais c'était il y a une décennie - où la loi du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République faisait l'objet d'un examen approfondi, étalé sur plusieurs mois, après deux lectures dans chaque assemblée du Parlement. Etait-ce parce qu'il n'y avait qu'une majorité relative à l'Assemblée nationale, ce qui conduit à la sagesse, ou s'agissait-il plutôt de respecter le Sénat comme représentant légitime des collectivités territoriales de la République ?
On pourrait en dire autant des conditions dans lesquelles avait été élaborée la loi du 12 juillet 1999 sur l'intercommunalité.
Aujourd'hui, la précipitation, l'urgence à la fin d'une session parlementaire ne peuvent être le gage d'une bonne politique pour les collectivités locales, et le projet de loi qui nous est soumis, « enrichi » par une avalanche d'articles à l'issue du débat à l'Assemblée nationale, est, comme l'indiquait notre excellent rapporteur Daniel Hoeffel, un de ces trop nombreux projets portant « diverses dispositions d'ordre législatif » - devrais-je ajouter largement réglementaire ? - concernant cette fois-ci les collectivités territoriales.
Plusieurs de nos collègues du groupe de l'Union centriste interviendront sur les divers chapitres du projet de loi, et je n'évoquerai que quelques points particuliers dans cette discussion générale, en félicitant d'abord le rapporteur de la commission des lois - un expert ! - et les rapporteurs pour avis de la qualité de leurs analyses et de leurs propositions.
Notons tout d'abord que le titre II, relatif aux conditions d'exercice des mandats locaux, aurait dû faire l'objet d'un copyright - pardonnez-moi cet anglicisme - tant il semble inspiré d'une proposition de loi votée il y a quelques mois par le Sénat. Vous reprenez ainsi des textes adoptés par le Sénat mais non transmis à l'Assemblée nationale, sans toutefois le reconnaître.
Sans tomber dans le formalisme stérilisant qui semble être la marque de la législation proposée par le Gouvernement, encouragé en cela par la majorité de l'Assemblée nationale, au point de tout réglementer jusqu'à la liberté de formation des élus locaux, peut-on présenter une supplique aux pouvoirs publics et aux administrations en leur demandant de ne pas submerger indûment les emplois du temps des élus locaux sous le prétexte d'une amélioration de leur statut, par une succession de réunions insipides, non décisionnelles, où tous, élus et fonctionnaires, perdent largement leur énergie ?
N'y a-t-il pas de moyen plus moderne de gérer la concertation nécessaire, d'autant que, lorsqu'il s'agit de dossiers importants, les élus locaux demeurent bien souvent les derniers informés ?
Parfois, l'intitulé même de certaines dispositions ne manquerait pas, si elles étaient adoptées, de provoquer quelques articles humoristiques justifiés : il en est ainsi de ce « bureau des temps », censé favoriser l'harmonisation des horaires des services publics avec les besoins des usagers. Une telle institution, monsieur le ministre, devrait être d'abord préconisée dans les services de l'Etat, qu'ils soient déconcentrés ou non, tant l'application de la réduction du temps de travail a d'incidence sur l'ouverture des services au public, nous le constatons tous sur le terrain.
Mais venons-en aux principales dispositions qui concernent la participation des habitants à la vie locale, les compétences des collectivités locales, notamment en matière d'incendie et de secours, et la participation du public à l'élaboration de grands projets.
Sur le premier point, nous ne pouvons qu'approuver les conclusions de la commission des lois, qui visent à assouplir les mesures préconisées, notamment en ce qui concerne les conseils de quartier. M. Jean-Paul Delevoye vient d'en parler. Laissons se développer les expériences en cours et les traditions bien établies dans certaines métropoles régionales, et, surtout, laissons les conseils municipaux libres d'organiser comme ils l'entendent la concertation nécessaire au niveau des quartiers.
Mais - et ce n'est pas une proposition du Gouvernement - on ne peut que s'interroger sur la disposition introduite à l'Assemblée nationale relative à l'élection au suffrage universel direct des membres des organes délibérants des structures intercommunales à fiscalité propre.
A ce sujet, quelques observations doivent être présentées.
Tout d'abord - je m'interroge - quelle est cette nouvelle catégorie de lois qui renvoient à une loi ultérieure le soin de déterminer les conditions d'application d'un principe ? Depuis quand a-t-on vu le législateur faire une sorte de « pacte sur succession future » ? Le caractère normatif de la disposition présentée n'apparaît pas évident, et le débat ne sera en tout état de cause pas clos aujourd'hui.
Encore faut-il préciser que nous ne souhaitons en aucune manière que la « supracommunalité » se substitue à « l'intercommunalité », cela pour deux motifs essentiels.
M. Jacques Legendre. Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest. Il nous apparaît que la commune, à une époque où l'on parle de proximité, de la nécessité de trouver des lieux de solidarité et d'enracinement - on veut généraliser les conseils de quartier - demeure plus que jamais nécessaire, même si elle ne peut remplir toutes les fonctions de la cité. La loi sur l'intercommunalité, dont le succès a été, même pour ses promoteurs, une surprise, est une loi d'équilibre. Il s'agit de libre administration des communes et il serait dommage de stopper l'élan de cette loi en changeant les règles du jeu, surtout pour quelques secteurs où elle est difficile à mettre en oeuvre. C'est vraiment une erreur profonde de soulever à nouveau ce débat en ce moment.
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Jean-Jacques Hyest. Même si nous ne pouvons qu'approuver a minima, et dans une perspective de dialogue, les conditions précises fixées par la commission des lois pour envisager un jour cette élection au suffrage universel direct, nous aurions préféré que ce débat n'intervînt pas dans ces conditions, d'autant qu'il est faux à nos yeux d'affirmer que seul le suffrage universel direct est pertinent, au risque de mettre en cause l'article 3 de la Constitution, dont le troisième alinéa précise que : « Le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la Constitution. Il est toujours universel, égal et secret. » (MM. Michel Mercier, rapporteur pour avis, et Pierre Fauchon, approuvent vivement.) Veut-on changer la Constitution ?
La légitimité d'un maire est-elle contestable parce qu'il est élu - même si cela est formel dans les grandes villes - au suffrage indirect ?
M. Pierre Fauchon. Bien sûr !
M. Jean-Jacques Hyest. Mes chers collègues, voulez-vous saper définitivement le rôle constitutionnel de notre Haute Assemblée ? Personne ne le veut ici, ou si quelqu'un le souhaite, il faut qu'il quitte l'hémicycle.
Méfions-nous du faux syllogisme qui identifie légitimité et suffrage direct.
De surcroît, comment ne pas s'inquiéter de la concurrence entre assemblées élues au suffrage universel direct, pour des compétences partagées ? Entre le maire et le président de la communauté d'agglomération ou de communes - et leurs technostructures, il ne faut jamais l'oublier - ne manquera pas de se développer une compétition devant l'opinion publique. Comment éviter qu'une assemblée élue au suffrage universel direct ne revendique pas le statut de collectivité locale de plein exercice si les liens sont distendus avec les communes ?
Certains, sans le dire explicitement, ont condamné la commune et se réjouissent à l'avance de voir le département suivre le même sort. Il vaut mieux dire carrément qu'on envisage un bouleversement de nos structures locales plutôt que d'avancer masqué en mettant en avant le généreux principe de la participation des citoyens à la vie locale.
M. Pierre Fauchon. Ce n'est pas bien d'avancer masqué !
M. Jean-Jacques Hyest. Ce n'est pas vous, monsieur le ministre, mais certains le pensent et l'écrivent !
J'en viens au deuxième point : les compétences des collectivités locales. Elles visent essentiellement les transferts aux régions, qu'on ne peut qu'approuver en ce qui concerne la formation professionnelle, dans un souci de lisibilité. La limite entre les responsabilités de l'Etat et celles de la région n'étaient pas claires. C'est donc une bonne réforme.
Mais avouons franchement que le transfert de compétences en matière portuaire et aéroportuaire n'est peut-être pas le plus urgent et mérite en tout état de cause une vraie expérimentation. La nouvelle étape de la décentralisation pourtant annoncée en fanfare - n'est-ce pas monsieur Mauroy ? - est largement démentie par les faits, à moins que les transferts de charges qui ont été imposés...
M. Pierre Mauroy. Par vous !
M. Jean-Jacques Hyest. ... aux collectivités locales ces derniers mois en tiennent lieu ?
Venons-en maintenant au chapitre relatif aux services d'incendie et de secours.
J'entends les plaintes des présidents de conseils généraux, j'entends les plaintes des maires devant une augmentation sensible des dépenses afférentes non seulement à la prévention - dont les collectivités locales ne sont pas responsables, mais dont elles paient les moyens - mais aussi aux secours. On croit que ce sont les collectivités locales qui prennent les mesures. Ce sont les préfets qui les signent. Les collectivités paient !
Au risque d'être mal compris, qu'il soit permis de dire que la loi de 1996, loin d'être, comme certains l'ont prétendu, une loi pour les sapeurs-pompiers professionnels - dite « loi des colonels » - a eu au moins cet avantage de faire apparaître les dépenses réelles engagées et la nécessité pour certains de mettre à niveau leur équipement et leurs effectifs, surtout avec la RTT. Le décret du 31 décembre ne facilite pas la négociation ! Cela ne signifie nullement que le volontariat ne conserve pas toute sa place dans ce dispositif. Il faudra encore l'encourager plus fortement car, après la suppression de la conscription, il est une des seules occasions concrètes pour des jeunes de s'engager dans un service civique.
En outre, s'il faut se féliciter d'une disposition adoptée - et à préciser - concernant les secours à personne, on s'aperçoit d'une dérive en matière de secours médicaux d'urgence. La grève des urgences médicales et des ambulanciers a fait apparaître que les sapeurs-pompiers étaient sollicités indûment pour des missions ne relevant pas de leurs compétences - près de 50 % dans certains départements urbains. Faut-il parler de tâches indues ou au moins prévoir des compensations financières ?
Si la loi de 1992 avait prévu la départementalisation des services d'incendie et de secours, nous en sommes arrivés avec la loi de 1996, pour des motifs tenant à la complexité des situations selon les départements, à un système hybride, même si globalement cette étape a pu être utile pour convaincre les élus, mais aussi les volontaires sapeurs-pompiers, que l'échelon départemental était pertinent pour une meilleure harmonisation des secours et pour assurer une économie d'échelle, à condition que cet établissement public soit en lien étroit avec le conseil général, qui doit en être le principal financeur.
C'est pourquoi toutes les propositions allant dans le sens d'une réelle départementalisation - et notamment, celle de la commission des finances - ne peuvent que recueillir notre approbation. Le conseil général doit être responsable de la gestion des moyens des SDIS, même si la gestion opérationnelle, pour des raisons évidentes de coopération avec les services de l'Etat, doit demeurer au préfet. C'est pourquoi il est tout à fait regrettable que le texte annoncé sur la sécurité civile ne soit pas présenté parallèlement c'est une question de cohérence. Après les propositions de certains voulant faire des maires des « shérifs », ne tombons pas dans le ridicule en voulant faire du président du conseil général un Fire Chief Officer , comme l'on dit à New York !
M. Pierre Fauchon. Un pompier en chef !
M. Jean-Jacques Hyest. En revanche, il serait normal que l'Etat participe financièrement aux missions de prévention, qui sont régaliennes, et, comme je l'ai dit plus haut, que les services d'incendie et de secours soient au moins indemnisés pour les interventions ne relevant pas de leurs compétences.
Si l'on passe sur l'inclusion dans ce texte de l'abandon du recensement traditionnel - et cela aurait mérité un débat en soi - reste tout ce qui concerne la participation du public à l'élaboration des grands projets.
Si elle doit être encouragée, encore faut-il encadrer ce débat, comme le préconise la commission des lois, pour éviter que les groupes de pression ne paralysent tout grand projet. Nous le savons, parfois certains groupements se sont spécialisés pour empêcher toute nouvelle infrastructure, toute ouverture de carrière, etc., et masquent des égoïsmes et des intérêts particuliers sous couvert d'un intérêt général qu'ils prétendent défendre.
M. Pierre Fauchon Ce n'est pas possible !
M. Jean-Jacques Hyest. Telles sont les observations que je voulais faire et que mes collègues du groupe de l'Union centriste ne manqueront pas de compléter au cours du débat. Nous voterons les conclusions de nos commissions, tout en regrettant que ce débat intervienne à la toute fin de la législature et alourdisse un peu plus - mais je pense qu'on va l'alléger - une législation déjà trop touffue, là où la liberté des collectivités locales et leur capacité d'innovation seraient les plus fructueuses. Nous attendons encore d'avoir droit à l'expérimentation. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Mathon.
Mme Josiane Mathon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est avec un grand intérêt que le groupe communiste républicain et citoyen a pris et prend part aux travaux de notre assemblée consacrés au projet de loi relatif à la démocratie de proximité. En effet, l'opportunité d'une démarche législative sur ce thème est sans conteste.
L'aspiration des individus à mieux maîtriser leur environnement et à prendre part aux décisions les impliquant directement est aujourd'hui un moteur essentiel à la poursuite de la démocratisation de notre société. C'est pourquoi tout texte de loi se fixant comme belle ambition de promouvoir la démocratie est perçu avec un a priori très positif par notre groupe.
Notons toutefois qu'il aura fallu attendre la fin de cette législature pour qu'un tel texte nous soit soumis par le Gouvernement, et encore, dans des conditions restrictives, du fait de la déclaration d'urgence dont il fait l'objet.
En réalité, depuis cinq ans, la réforme de nos institutions n'aura pas été aussi profonde et rapide que la progression de la crise de confiance d'un nombre croissant de nos concitoyennes et concitoyens dans notre système politique.
Si l'abstention électorale et la distance envers les élus et les institutions progressent, les exigences des citoyens et citoyennes à être pris au sérieux, respectés et valorisés dans le processus démocratique quotidien ont également grandi. C'est pourquoi l'avenir de la démocratie élective, de notre système délégataire,...
M. Patrick Lassourd. Allons bon !
Mme Josiane Mathon. ... réside dans la recherche d'une démocratie participative où l'apport permanent de l'ensemble des individus enrichit la réflexion des élus pour la conduite des affaires de la cité.
M. Patrick Lassourd, rapporteur pour avis. Ah !
Mme Josiane Mathon. C'est bien ce que semble craindre la majorité sénatoriale - j'ai entendu des exclamations - qui s'effraye de voir les citoyens dotés de droits nouveaux pour interpeller les élus locaux, dialoguer en permanence avec eux. Les amendements adoptés au sein de la commission des lois en témoignent.
Pourtant, favoriser la démocratie participative, ce n'est pas dévaloriser le rôle des élus du suffrage universel ou nier la représentativité dont ils sont porteurs.
M. Patrick Lassourd. C'est juste l'écorner !
Mme Josiane Mathon. C'est au contraire leur donner des moyens supplémentaires de jouer leur rôle, de fournir des réponses précises, en adéquation avec les attentes de leurs administrés.
Mais attention ! Il s'agit bien de démocratiser nos institutions en partant des attentes des citoyennes et des citoyens. Or le présent projet de loi, avant même d'être vidé de sa substance par la majorité sénatoriale, est déjà restrictif de ce point de vue. Il encadre et réglemente plus qu'il ne libère et n'émancipe l'intervention citoyenne.
Aussi proposons-nous des amendements qui visent, dans le titre Ier traitant de la démocratie participative, à ne pas restreindre les expériences actuelles, à ne pas limiter les possibilités de développement de ces pratiques.
Il s'agit, par exemple, de faire bénéficier des conseils de quartier l'ensemble des habitants des communes de 3 500 habitants et plus. Ces espaces doivent non pas être imposés, mais réfléchis et élaborés par accord entre les élus et la population. Nous proposerons dans le débat des modifications du texte en ce sens.
Ni instruments de la gestion municipale ni lieux de contre-pouvoirs, les conseils de quartier doivent être des lieux d'où émerge la politique municipale.
Il serait en effet présomptueux de fixer par la loi des frontières à l'expression des citoyens, de décider à leur place des sujets et préoccupations qui leur tiennent à coeur. Une politique municipale se décide non pas quartier par quartier, mais dans une cohérence d'ensemble ; c'est une question de crédibilité.
Ces conseils doivent, par ailleurs, être ouverts à tous les habitants et pas seulement, comme le propose la majorité sénatoriale, aux seuls électeurs. En toile de fond se profile la question de la reconnaissance de la citoyenneté des étrangers non communautaires. Une partie de la population qui vit, travaille, participe à la vie sociale et associative de nos communes se trouve exclue au moment de débattre des choix municipaux. Pourtant, il est des quartiers où, sans eux, les conseils de quartier n'auront aucun sens.
Où est l'égalité ? Où est la fraternité dans ce déni de citoyenneté ? Quel danger plane sur la République et ses collectivités locales à reconnaître à chaque habitant la part de responsabilité qui est la sienne à oeuvrer pleinement à la construction de la société ? Oui, nous souhaitons que l'ensemble des habitants puissent participer aux conseils de quartier. Nous ne désespérons pas que nos initiatives pour obtenir le plus rapidement possible le droit de vote et l'éligibilité des étrangers non communautaires aux élections locales débouchent enfin ! Nous présenterons un amendement dans le présent débat : à chacun de prendre ses responsabilités !
Je dirai un dernier mot sur les conseils de quartier : leur composition, leur mode de fonctionnement et leur présidence ne doivent pas être figés par la loi. Celle-ci doit, certes, je viens de le rappeler, garantir des droits à l'ensemble des habitants, mais elle ne doit pas leur imposer un schéma unique, alors que nous nous accordons toutes et tous ici à reconnaître et à apprécier la diversité des expériences en cours. La loi doit alors avoir pour objet d'édicter des règles qui favorisent toutes les formes d'organisation citoyenne, que celles-ci soient dues à l'initiative des collectivités ou à celle des citoyens eux-mêmes, en leur reconnaissant des droits et en leur octroyant des moyens ; je pense ici à la notion de budget participatif.
La promotion de la démocratie participative ne s'oppose pas au développement des pratiques démocratiques au sein des institutions. Ainsi le projet de texte prévoit-il un renforcement des droits des élus minoritaires au sein des assemblées délibérantes des collectivités. Avec mon groupe, nous soutenons sans réserve les dispositions qui visent à permettre à tous les élus de jouer leur rôle en toute transparence par rapport aux citoyens. Nous proposons d'aller plus loin et de permettre la reconnaissance des groupes politiques dans les communes de plus de 3 500 habitants avec l'attribution de moyens correspondant à la taille de la commune.
Mon ami Gérard Le Cam interviendra au nom de notre groupe sur la partie du texte consacrée à l'intercommunalité, et notamment sur le suffrage universel direct. De même, ma collègue Marie-France Beaufils prendra la parole à propos du statut de l'élu. Aussi serai-je très brève sur ces deux points importants.
Le premier point ne peut être traité sans tenir compte des communes, qui doivent au contraire trouver dans l'intercommunalité une source supplémentaire de légitimité et d'efficacité de leur action. Il ne peut donc y avoir d'intercommunalité sans commune et de conseillers communautaires qui ne soient conseillers municipaux.
Le second point nous apporte la satisfaction de constater que le thème du statut des élus et de leurs droits est enfin devenu incontournable. Des avancées ont ainsi été adoptées par l'Assemblée nationale, que la commission des lois du Sénat cherche à descendre en flèche. Pourtant, ce texte devrait permettre une réflexion et une reconnaissance du statut de l'élu, tant politique que social ou associatif, ce qui favoriserait un essor puissant de la vie démocratique.
Le projet de loi qui nous est proposé organise de nouveaux transferts de compétences aux régions. Certes, ce texte trouve son origine dans les suites du rapport de la commission présidée par Pierre Mauroy. Mais, justement, la décentralisation ne saurait se faire petit bout par petit bout, sans avoir une vue d'ensemble. Aussi regrettons-nous que la méthode choisie soit celle de l'effilochage. En effet, fondamentalement, de quoi s'agit-il ? D'un réaménagement technique des compétences à tel ou tel niveau de la gestion publique ou d'un vrai projet d'organisation, au plus près des citoyens, des prises de décisions les concernant ?
Nous sommes convaincus qu'il faut rénover et approfondir les lois de décentralisation, mais en nous appuyant sur la participation des populations. Nous sommes favorables à un vrai mouvement de décentralisation qui aurait pour origine le droit des citoyens à gérer eux-mêmes leurs propres affaires, là où les questions se posent.
Cette vision renversée de la subsidiarité implique que le niveau territorial le plus élevé n'intervienne qu'en fonction des impératifs de cohérence et d'efficacité, d'une part, de mise en oeuvre des diverses formes de solidarité, d'autre part.
L'Etat ne doit pas disparaître ou être réduit au minimum : il doit donner les moyens aux citoyens et à leurs collectivités locales d'organiser, dans la cohérence nationale et européenne, le développement harmonieux de leur territoire. C'est la voie d'un aménagement solidaire et équitable des espaces géographiques et humains. Il ne s'agit pas, comme le proposent la droite et les tenants du tout-libéral, de transférer aux collectivités locales le coût et la responsabilité politique des carences de la puissance publique à répondre aux besoins sociaux.
Mes chers collègues, la décentralisation mérite non pas une déclaration d'urgence mais un grand débat public. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste, républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes et sur certaines travées du RPR.)
M. Bruno Sido. Sur ce point, nous sommes d'accord !
M. le président. La parole est à M. Mauroy.
M. Pierre Mauroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans la lettre de mission qu'il m'a adressée le 13 octobre 1999, le Premier ministre Lionel Jospin soulignait : « Les lois de décentralisation ont fait franchir des étapes décisives à notre pays.
« Elles ont créé de nouveaux foyers de responsabilité, favorisé la libération d'initiatives. Les collectivités locales sont devenues des acteurs majeurs de la vie économique, sociale et culturelle. Avec elles, l'action publique s'est enrichie et la démocratie a progressé. »
Il ajoutait : « De nouvelles étapes peuvent être franchies afin que la décentralisation soit plus légitime, plus efficace et plus solidaire. » Pour les préparer, il m'informait qu'il avait décidé d'instituer une commission pour l'avenir de la décentralisation, qu'il me demandait de présider.
Cette commission a été constituée de façon pluraliste. Plusieurs membres de notre assemblée y ont participé, notamment, et M. Hoeffel, rapporteur de la commission des lois, M. Mercier, rapporteur pour avis de la commission des finances, et je tiens à les en remercier. Ces travaux se sont déroulés dans une ambiance de travail cordiale, même si des arrière-pensées politiques ont toujours été présentes. (M. Sido s'exclame.)
M. Pierre Fauchon. Oh ! C'est consternant ! (Sourires.)
M. Pierre Mauroy. C'est la règle du jeu parlementaire !
Ce qui est important pour notre démocratie, c'est que la grande majorité des 154 propositions pour « refonder l'action publique locale » ont fait l'objet d'un consensus implicite. Mon ami Jean-Claude Peyronnet a montré en quoi celles-ci ont inspiré l'action du Gouvernement et particulièrement celle du ministre de l'intérieur, Daniel Vaillant. Il a même chiffré ces propositions. Je suis heureux, monsieur le ministre, que ce travail vous ait été utile et je vous remercie de l'intérêt que vous y avez porté.
Votre texte reprend nombre de ces propositions et bien d'autres. Il est dense, il va au-devant de diverses suggestions et de très nombreux amendements que vous avez déposés, mes chers collègues, sur l'ensemble des travées (M. Joyandet s'exclame) , ce qui signifie qu'en la matière il y a vraiment profusion. Dès lors, comment voulez-vous que le texte qui nous est soumis ne soit pas dense lui-même ? Je crois qu'il fallait aller jusque-là, mais à condition de rester cohérent et de garder à la politique de décentralisation tout son souffle.
Dans mon propos, je veux m'en tenir à votre cohérence, monsieur le ministre, et à l'ampleur de la politique de décentralisation du Gouvernement de Lionel Jospin. J'ai eu l'impression que certains ici en doutaient. Eh bien ! je veux leur démontrer qu'il faut sortir de ce doute existentiel ! (M. Fauchon s'exclame.)
On mesure que l'ambition de l'An II de la décentralisation va bien au-delà du projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui. Elle s'inscrit dans la longue liste des mesures importantes déjà adoptées dans ce sens : par exemple, la nouvelle loi d'orientation du 25 juin 1999 pour l'aménagement et le développement durable du territoire, préparée par Dominique Voynet, alors ministre de l'environnement, ou du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, présentée par Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de l'intérieur.
M. Alain Joyandet. Ils sont partis tous les deux !
M. Pierre Mauroy. J'inclus également dans ce mouvement, car il participe de l'esprit même de la décentralisation, l'important chantier de modernisation de la vie politique engagé par le Gouvernement au cours de la législature qui s'achève, je pense à l'abaissement de la durée des mandats, celui des conseillers régionaux comme celui du Président de la République.
Il ne tient qu'à vous, mes chers collègues, pour être en phase avec ce nouveau rythme de la démocratie, que le mandat des sénateurs soit ramené à six ans ! Cela pourrait faire l'objet d'un amendement au texte sur la décentralisation ! (M. Fauchon rit.)
Je pense aussi, malgré vos réticences ou votre opposition, à la limitation du cumul des mandats et à la loi sur la parité. Les résultats, notamment lors des élections municipales de mars 2001, témoignent du succès de cette dernière : la représentation féminine dans les conseils municipaux est passé de 21,5 % à 47,5 %. Il faut continuer !
Je pense aussi aux propositions de la commission sur l'avenir de la décentralisation.
On le voit, l'ampleur de l'action du Gouvernement en matière de décentralisation apparaît clairement si on regroupe l'ensemble de ces dispositions. Certes, la décentralisation sera au centre, avec d'autres thèmes, des prochaines campagnes électorales, mais elle est déjà au coeur de vos préoccupations, monsieur le ministre. Je constate que le Gouvernement de Lionel Jospin, avant même les rendez-vous majeurs avec les Français, a pris ses responsabilités et engagé résolument d'ores et déjà l'acte II de la décentralisation. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes. - Exclamations sur les travées du RPR.)
Pour autant, le texte proposé est-il le point d'orgue de votre démarche, monsieur le ministre ? Y en aura-t-il jamais un, d'ailleurs ? Je ne le pense pas. La décentralisation ne se résume pas à une addition de réformes : elle est avant tout une volonté d'aller toujours plus avant dans l'approfondissement de la démocratie. En la matière, le Gouvernement, sa majorité, et notamment les sénateurs socialistes, ont un mot d'ordre : aller jusqu'au bout de la démocratie progressivement et accompagner les attentes de la société.
Aujourd'hui, au point du processus où nous en sommes, la démarche décentralisatrice doit répondre à un double mouvement.
Tout d'abord, il est essentiel d'établir un équilibre entre le pouvoir central et les territoires, ce qui signifie un partage des compétences, un partage des moyens financiers et un partage de l'autorité. Ce partage est nécessaire mais pas suffisant.
Il est indispensable, par ailleurs, que le citoyen soit associé aux décisions. Cela fait tout de même des années que l'on entend cela ! En ce début de siècle, la liberté est inséparable de la responsabilité participative. Mais cette liberté n'est respectée qu'à la condition de respecter la démocratie de représentation. Sur ce plan, nous sommes formels !
En 1982, les lois de décentralisation ont largement engagé le premier mouvement en affirmant l'autorité de l'Etat et en faisant des communes, des départements et des régions des institutions autonomes et majeures. L'évolution des esprits commandait alors de rompre enfin avec la longue tradition d'un centralisme devenu excessif. Il a dominé la France pendant des siècles, mais, je ne l'oublie pas, il a permis à la Royauté de construire l'unité du pays, puis à la République de réaffirmer cette unité et d'imprimer alors nos valeurs nouvelles - la liberté, l'égalité, la fraternité - à l'ensemble du territoire.
La décentralisation de 1982 a fait souffler un vent de liberté et de renouveau sur nos institutions et a revitalisé notre démocratie. Incontestablement, cette démarche a été une réussite. La meilleure preuve en est que, après l'avoir tellement combattue, pratiquement tout le monde s'y est rallié.
M. Didier Boulaud. Eh oui !
M. Pierre Mauroy La commune, le département et la région sont aujourd'hui des repères forts pour les Français, pour leur mieux-être quotidien et pour leur usage de la démocratie.
Vingt ans après cette « première révolution » institutionnelle, qu'il faut amplifier, le moment est venu de mettre particulièrement l'accent sur le second mouvement de la décentralisation, celui qui rapproche, plus qu'aujourd'hui, les citoyens des décisions qui les concernent dans leur vie quotidienne.
Cette avancée va pouvoir se réaliser dans un climat beaucoup plus apaisé. La décentralisation bénéficie désormais d'un consensus. Alors qu'elle était âprement discutée il y a vingt ans, elle est aujourd'hui plébiscitée par l'opinion. Tous les sondages le démontrent, plus des deux tiers des Français souhaitent son approfondissement et désirent participer plus activement à son fonctionnement.
Je pense que le Gouvernement est ici en phase avec l'opinion.
M. Jean-Pierre Plancade. Tout à fait !
M. Pierre Mauroy. Monsieur le ministre, cette nouvelle avancée décentralisatrice, qui modèlera l'organisation politico-administrative de notre pays à l'horizon 2015, doit, pour produire tous ses effets, s'ordonner autour de trois grandes priorités ; elles sous-tendent votre texte.
Tout d'abord, il faut poursuivre hardiment la dynamique en cours de l'intercommunalité.
En effet, il est regrettable que la France ait laissé dépérir des milliers de communes. (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.) Vous le savez fort bien, des milliers de communes ne sont plus que l'ombre de ce qu'elles étaient il y a vingt ans, pour ne pas remonter plus loin, il y a cinquante ans. (Rires et nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Chers collègues, écoutez ceux qui vous ont précédés ! Alors que tous les gouvernements européens se sont rendu compte tout de même de cette réalité et ont su créer des collectivités locales viables, économiquement au moins, la France, loin de reprendre certaines des solutions mises en oeuvre, a voulu vivre la chose « à la française ». Je salue donc l'action du gouvernement de Lionel Jospin, qui a commencé à changer la donne grâce à cette révolution intercommunale dont le succès amorce enfin la rénovation de nos structures locales. Certes, nous comptons 36 000 communes, mais combien de communes de moins de 3 000 habitants ?
M. Henri de Richemont. Quel aveu !
M. Patrick Lassourd. Cela a le mérite d'être clair !
M. Pierre Mauroy. Chers collègues, ce que je dis ici, je peux le dire devant tous les Français, car ils savent bien le dépérissement dont souffrent ces communes qui perdent peu à peu les habitants qui leur restent, comme ils savent qu'il est absolument nécessaire de remédier à cette situation. C'est un levier très important de la réforme que vous proposez, monsieur le ministre.
M. Patrick Lassourd. Surtout celle-là !
M. Pierre Mauroy. Cette démarche doit progressivement modifier la carte des collectivités territoriales, celle de l'intercommunalité. (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Alain Joyandet. Et voilà !
M. Pierre Mauroy. Elle va permettre, dans le respect des communes existantes,...
M. Alain Joyandet. Respect ?
M. Pierre Mauroy. ... d'aboutir, d'ici à dix ans, à un maillage du territoire autour de quelques milliers de communautés de communes, d'environ cent trente communautés d'agglomération et d'une vingtaine de communautés urbaines. Ainsi regroupées, les petites communes, particulièrement les communes rurales, doivent retrouver leur vigueur perdue. (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean-Pierre Plancade. Bien sûr !
M. Louis de Broissia. C'est pitoyable !
M. Pierre Mauroy. Dans ce nouveau schéma, le rôle du département doit être maintenu,...
M. Patrick Lassourd. Tout et son contraire !
M. Pierre Mauroy. ... même s'il devra être redéfini et renouvelé par la mise en place de l'intercommunalité. (Exclamations sur les mêmes travées.)
M. Jean-Pierre Demerliat. Très bien !
M. Jean-Pierre Plancade. Oui, et dès maintenant !
M. Pierre Mauroy. Chers amis de la majorité sénatoriale, vous pouvez protester, mais, rappelez-vous que d'autres, avant vous, il y a vingt ans, ont protesté beaucoup plus fort, pour reconnaître aujourd'hui qu'ils avaient tort. D'ici à quelques années, ce que nous propose M. le ministre aujourd'hui sera peut-être devenu si banal et aura fait l'objet d'une telle adhésion de la part de l'ensemble des Françaises et des Français que vous y viendrez vous-mêmes. (Rires et exclamations sur les travées du RPR.) Ne doutez pas à ce point de vous ! (Marques d'approbation sur les travées socialistes.)
Toutefois, pour être pleinement accepté, ce processus de regroupement de communes doit être démocratique. Vous avez accepté l'intercommunalité. Faites un effort ! Ne vous contentez pas d'adhérer au début de la réforme pour mieux freiner sa mise en oeuvre par la suite. Non, il faut aller jusqu'au bout quand on avance dans une réforme !
M. Bruno Sido. Ils veulent supprimer les communes !
M. Pierre Mauroy. Mais non !
A l'horizon 2007, les différents établissements publics de coopération intercommunale devront être élus au suffrage universel direct. C'est évident, c'est la loi de la démocratie. Je me réjouis que l'Assemblée nationale ait introduit ce principe dans le projet de loi et que le Gouvernement l'ait accepté. Pour moi, cette proposition fait vraiment la différence entre ceux qui sont véritablement progressistes, et ce quelle que soit la travée sur laquelle on siège, et les conservateurs, c'est-à-dire ceux qui acceptent la réforme parce qu'ils ne peuvent pas faire autrement, mais qui s'emploient à la freiner, et à la freiner encore. Nous, nous ne freinons pas, nous avançons.
M. Jean-Pierre Bel. Très bien !
M. Louis de Broissia. Vous pédalez, oui !
M. Pierre Mauroy. Les modalités du mode de scrutin qui sera retenu pour l'élection des conseillers de communauté devront à la fois respecter la commune et rendre efficace l'intercommunalité.
L'avenir est en effet dans la mise en place, et en mouvement - c'est important, cela devrait nous rassembler - d'un couple interactif à la base de la République : la commune et l'assemblée intercommunale. D'où l'expression : « le suffrage universel dans le cadre communal ».
Plusieurs solutions sont possibles. Il suffira, le moment venu, d'opter. Mais vous n'y couperez pas, chers collègues, si vous voulez avancer sur ce plan-là !
A la base de la République, il nous faut 36 000 communes ? Soit ! C'est ce que vous voulez, c'est ce que veulent les Français, et c'est bien ainsi, mais il faut aussi l'intercommunalité et ce mouvement absolument indispensable pour les lier, je le répète, dans le cadrecommunal.
On parle moins de la deuxième priorité : il faut assigner à la région - vous l'évoquiez, monsieur le ministre - tout son rôle. Paralysée par un mode de scrutin inadapté - l'actuel gouvernement l'a d'ailleurs modifié - la région n'a pas pris la place que ses compétences, en matière de programmation notamment, auraient dû lui valoir. Interlocutrice de l'Etat pour la planification, pour la déclinaison de la politique nationale d'aménagement du territoire, elle doit faire la preuve de son excellence en fixant les orientations à moyen terme. Il serait en effet absurde d'engager les communes à bâtir des schémas directeurs ou autres projets pour les quinze ans à venir sans que cette vision s'insère dans celle d'un territoire plus large, qui est naturellement celui de la région.
Dans cette optique, la région apparaît comme l'institution la mieux à même de réaliser, par le dialogue et la concertation, la coordination avec les différentes institutions, sans toutefois que cela entraîne une quelconque subordination entre les collectivités territoriales ; ce serait contraire à l'esprit de la décentralisation et au principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales.
Pour assumer dans de bonnes conditions son rôle anticipateur et coordinateur, la région doit disposer de capacités de développement plus fortes, et donc bénéficier de compétences renforcées.
Dans la foulée de ce qui est prévu pour la Corse, le projet de loi relatif à la démocratie de proximité opère de nouveaux transferts dans le domaine économique et en matière d'environnement, d'infrastructures, de formation professionnelle et de culture - je ne détaille pas. Cela va dans le bon sens, monsieur le ministre. Cependant, ces transferts restent limités. Pour que la région prenne toute sa place dans la dynamique de la décentralisation, ils devront, demain, être amplifiés (M. le ministre opine), vous l'avez vous-même souligné, notamment dans les domaines du logement et - je m'avance un peu pour rejoindre presque certains d'entre vous, chers collègues, sur ce point-là - de l'enseignement supérieur et de la recherche ainsi que de l'équipement sanitaire, du tourisme... Mais ce ne sont que des exemples.
Il serait également bon d'encourager dès maintenant le développement de l'interrégionalité pour initier la réalisation de grands projets ou d'actions plus larges et pour préparer les échéances, à mon sens inéluctables, même si elles sont encore assez lointaines. Ces transferts de compétences, et donc d'autorité, de l'Etat aux collectivités territoriales doivent naturellement s'accompagner du renforcement de la démocratie pour conduire les citoyens à participer activement à la vie locale et pour améliorer le fonctionnement interne de ces collectivités.
Dans ce mouvement réside le nécessaire équilibre entre la démocratie représentative, qui est l'armature essentielle, et celle que certains nomment désormais « démocratie de proximité » et d'autres « démocratie participative ». Elle constitue la troisième priorité et l'originalité de ce texte. Je ne suis pas étonné, d'ailleurs, que ce soit la partie qui soit la plus discutée, car c'est aussi la plus novatrice. Le texte du Gouvernement la concrétise avec, notamment, la création obligatoire de conseils de quartier dans les ville de plus de 20 000 habitants, seuil retenu par le Gouvernement.
J'ai plaisir, avec tout le groupe socialiste, à soutenir cette mesure, pour la mise en place de laquelle je me suis beaucoup impliqué au fil des années. J'ai, en effet, été l'un des premiers, dès le début de mon mandat de maire de Lille, dans les années soixante-dix, à créer des « villages dans la ville ». J'en ai créé onze qui, depuis trente ans, n'ont cessé de rencontrer l'adhésion des élus et de la population.
Pour moi - je voudrais vous en convaincre, mais vous le savez bien - le quartier est le territoire le plus proche des citoyens, celui où il est plus facile de les informer et de leur demander leur avis sur des projets qui les concernent.
M. Patrick Lassourd. Comme la commune !
M. Pierre Mauroy. C'est à ce niveau que la puissance publique peut le plus rapidement apporter des réponses concrètes sur le plan sanitaire et social, en matière de logement, de propreté, ou sur celui, essentiel, de la sécurité.
Sur ce dernier point - vous le savez tous - la rue et les quartiers ont beaucoup changé au cours des dernières années : les problèmes de sécurité y sont devenus plus sensibles. C'est au niveau du quartier que le maire peut le mieux trouver, à condition de bien l'associer à cette politique, le point d'articulation entre l'action des différentes forces de sécurité, celle de la police de proximité, mise en place par le Gouvernement, qui reste du ressort de l'Etat, et celle de la police municipale.
Bref, les conseils de quartier doivent jouer, dans l'avenir, un rôle majeur pour améliorer la vie quotidienne des citoyens.
M. Jean-Pierre Plancade. Très bien !
M. Pierre Mauroy. Ils constituent en effet la jointure démocratique la plus sensible entre l'autorité du maire et celle, nouvelle, que nous voulons donner aux populations qui vivent dans le quartier. Par conséquent, on ne peut pas résumer l'action d'un conseil de quartier à la tenue de réunions avec les représentants des associations. C'est beaucoup plus que cela. Certes, les associations sont bien réunies, mais dans un cadre articulé avec le pouvoir du maire et du conseil municipal élus sur l'ensemble de la ville.
M. Jean-Pierre Plancade. Très bien !
M. Pierre Mauroy. La création, dans les villes importantes, à côté des conseils de quartier, de mairies de quartier dotées des services techniques appropriés, est un gage supplémentaire de bonne gouvernance municipale.
Le temps me manque, mais d'autres orateurs du groupe socialiste évoqueront l'ensemble des dispositions qui favorisent la participation accrue à la vie locale et l'implication dans le débat public, qu'il s'agisse des procédures de décentralisation, des enquêtes publiques et de la participation des usagers à la vie des services publics.
J'approuve les mesures affirmant les droits des élus au sein des assemblées locales, notamment de ceux de l'opposition, à condition que leur intervention ne tourne pas à la farce. (Sourires.) Que voulez-vous, chers collègues de la majorité sénatoriale, c'est cela, la démocratie ! Tantôt nous en sommes heureux, tantôt elle nous fait mal, mais il s'agit quand même du pouvoir assuré entre deux scrutins par une majorité qui s'est dégagée des urnes.
M. Jean-Pierre Demerliat. Très bien !
M. Pierre Mauroy. Eh oui, il n'y a pas d'autres solutions !
M. Jean-Pierre Plancade. Voilà !
M. Pierre Mauroy. Il faut donc adoucir le sort des oppositions, il faut les associer, les informer. Mais tous les gadgets qui tendraient à se substituer peu ou prou à des majorités seraient synonymes de désordres démocratiques.
M. Jean-Pierre Plancade. Très bien !
M. Pierre Mauroy. Ceux qui ont de l'expérience connaissent cela par coeur.
J'approuve aussi que l'on facilite l'accès aux fonctions électives de catégories plus diversifiées, telles que les femmes, les jeunes, les salariés du secteur privé.
M. Patrick Lassourd. Les fonctionnaires aussi !
M. Pierre Mauroy. Je me félicite également des dispositions qui tendent à définir les contours - dois-je le dire, monsieur le ministre ? - d'un « statut », même si le terme doit être censuré. Mais, finalement, toutes les mesures que vous prenez depuis un certain temps et qui sont contenues dans votre projet de loi vont dans le sens de l'élaboration d'un statut, qui a été réclamé sur toutes les travées depuis bien des années. Sur ce plan, on fait une avancée, et on a raison ! Ces dispositions conduisent à rapprocher du droit commun le sort de ceux qui dédient une partie de leur vie à la chose politique, en ce qui concerne notamment les droits sociaux et le retour à la vie professionnelle. Tout cela participe de l'esprit de la décentralisation et tend à moderniser et à faire évoluer notre démocratie.
J'évoquerai maintenant brièvement les services départementaux d'incendie et de secours. Comment avons-nous pu créer cette usine à gaz ? Si j'ai bonne mémoire, le dispositif est d'origine parlementaire...
Il était indispensable de revoir la loi sur les SDIS. Vous avez eu le courage de le faire, monsieur le ministre, et je m'en réjouis. La commission pour l'avenir de la décentralisation avait émis l'idée que ce service soit adossé au conseil général : c'est ce que vous avez prévu. Cette disposition doit donner satisfaction, à condition que les crédits soient abondés. C'est d'ailleurs une proposition que vous formulez pour les communes, et elle sera appréciée.
Mais la commission que j'ai présidée avait lancé une autre idée, qui n'avait pas recueilli l'accord de tous ses membres. Nous en avions longuement débattu et j'y étais assez favorable, je dois le dire. Il s'agissait de la création d'un grand service public de sécurité civile composé de personnels formés pour faire face aux catastrophes naturelles, aux attentats, aux risques industriels, notamment, bref toutes actions qui n'entrent pas directement dans les attributions de la police ou de l'armée de métier.
Il n'est pas possible de mettre des policiers partout, mais je pense qu'on serait bien inspiré de diversifier en ce domaine, d'autant que ce corps ne serait pas un autre corps de police. Il devrait être adapté aux collectivités territoriales. En tout cas, je ne fais qu'évoquer cette idée, persuadé que nous y reviendrons et qu'elle fera son chemin.
Au total, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis convaincu que ce texte et l'ensemble des dispositions déjà adoptées comme celles qui ont été annoncées constituent bien une nouvelle étape de la décentralisation dans notre pays.
Le vieux modèle français s'épuise. Les assemblées parlementaires, en particulier le Sénat, devraient toutes s'accorder à le constater.
Le moment était venu d'équilibrer dans la République le mouvement d'en haut, l'autorité de l'Etat, et celui d'en bas, les légitimes aspirations de nos concitoyens. Mais, pour prendre tout son sens et sa force, ce nouveau schéma doit être complété par deux réformes qui conditionnent la réussite de l'ensemble et qui restent à entreprendre. Compte tenu du lien unissant la décentralisation et la déconcentration, il est indispensable d'engager une nouvelle étape de la déconcentration des services et des missions de l'Etat au niveau des préfets, des régions, des départements et surtout de réaliser la nécessaire réforme de l'Etat. Mais c'est une autre histoire et tel n'est pas le sujet de notre débat.
La seconde réforme essentielle est celle des finances locales, dont on parle toujours, mais qui ne se fait pas. Je sais que le Gouvernement y travaille actuellement et qu'il devra formuler prochainement des propositions. Nous en reparlerons donc.
Telles sont les réflexions que m'inspire le projet de loi dont nous débattons. Je sais, monsieur le ministre, que vous partagez ma conviction que la démarche de décentralisation est un vrai projet de société et un vrai projet d'avenir, qui doit susciter dans la population, chez les élus, comme chez ceux qui ont choisi de servir l'Etat, enthousiasme et mobilisation.
Je pense que tous les fonctionnaires qui servent l'Etat doivent aussi servir la décentralisation. De la même façon, tous ceux qui animent des collectivités territoriales doivent être habités par l'esprit de la décentralisation, car il ne servirait à rien de demander la décentralisation à l'Etat si l'on n'acceptait pas de la pratiquer dans les communes, dans les départements et dans les régions.
L'enjeu est important. Nous nous félicitons, monsieur le ministre, qu'à travers ce projet de loi et l'ensemble des mesures déjà prises le gouvernement de Lionel Jospin nous livre ainsi, avant le grand débat démocratique des prochains mois, sa vision de la France de demain. Je ne doute point que cette France-là, c'est-à-dire la nôtre, sera républicaine et décentralisée. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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COMMUNICATION DE L'ADOPTION DÉFINITIVE
DE TEXTES SOUMIS AU SÉNAT
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4
DE LA CONSTITUTION

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 7 janvier 2002, l'informant de l'adoption définitive des soixante-douze textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution suivants :
N° E 193. - Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur les dessins ou modèles communautaires (adoptée le 12 décembre 2001).
N° E 1280. - Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (version codifiée) (adoptée le 6 novembre 2001).
N° E 1293. - Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 91/308/CEE du Conseil du 10 juin 1991 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux (présentée par la Commission) (adoptée le 4 décembre 2001).
N° E 1311. - Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil instituant un code communautaire relatif aux médicaments vétérinaires (version codifiée) (adoptée le 6 novembre 2001).
N° E 1619. - Proposition de décision du Conseil relative à l'association des pays et territoires d'outre-mer à la Communauté européenne (outre-mer) (adoptée le 27 novembre 2001).
N° E 1652. - Annexe 01. - Avant-projet de budget rectificatif et supplémentaire n° 1 au budget 2001. - Section III. - Commission (adopté suite à l'arrêt définitif du budget rectificatif et supplémentaire signé par la présidente du Parlement européen le 1er mars 2001).
N° E 1652. - Annexe 02. - Avant-projet de budget rectificatif et supplémentaire n° 2 au budget 2001. - Section II. - Conseil (adopté suite à l'arrêt définitif du budget rectificatif et supplémentaire signé par la présidente du Parlement européen le 17 mai 2001).
N° E 1654. - Initiative du Gouvernement de la République française visant à faire adopter par le Conseil un projet de décision du Conseil relative à la protection de l'euro contre le faux monnayage (adoptée le 7 décembre 2001).
N° E 1692. - Proposition de décision du Conseil concernant la signature de l'accord entre la Communauté européenne et la Roumanie établissant certaines conditions pour le transport de marchandises par route et la promotion du transport combiné. Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et la Roumanie établissant certaines conditions pour le transport de marchandises par route et la promotion du transport combiné :
1re proposition : adoptée le 18 juin 2001.
2e proposition : adoptée le 6 décembre 2001.
N° E 1705. - Demande de dérogation présentée par l'Espagne conformément à l'article 27, paragraphe 2, de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière de TVA (or d'investissement) : lettre de la Commission aux Etats membres (adoptée le 6 novembre 2001).
N° E 1712. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1267/1999 établissant un instrument structurel de préadhésion (adoptée le 4 décembre 2001).
N° E 1719. - Deux projets d'instruments juridiques prévoyant d'éventuelles modifications de la convention EUROPOL ainsi qu'une extension du mandat d'EUROPOL : initiative du Royaume de Suède en vue de l'adoption d'un acte du Conseil établissant, sur la base de l'article 43, paragraphe 1, de la convention EUROPOL, le protocole modifiant l'article 2 de ladite convention (participation d'EUROPOL à des équipes communes d'enquête, possibilités qu'a EUROPOL de demander aux Etats membres d'ouvrir des enquêtes). Initiative du Royaume de Suède en vue de l'adoption d'une décision du Conseil étendant le mandat d'EUROPOL à la lutte contre les formes graves de criminalité internationale énumérées à l'annexe de la convention EUROPOL et ajoutant des définitions de ces formes de criminalité à ladite annexe : note de la présidence au groupe EUROPOL.
1re proposition : devenue caduque suite à l'initiative du Royaume de Belgique, de la République française, du Royaume d'Espagne et du Royaume-Uni en vue de l'adoption d'une décision-cadre du Conseil (n° E 1832).
2e proposition : adoptée le 7 décembre 2001.
N° E 1734. - Proposition de règlement du Conseil concernant l'aide financière de préadhésion en faveur de la Turquie (adoptée le 17 décembre 2001).
N° E 1747. - Proposition de décision du Conseil accordant une garantie de la Communauté à la Banque européenne d'investissement pour les pertes résultant d'une action spéciale de prêt pour la réalisation de projets environnementaux sélectionnés dans la partie russe du bassin de la mer Baltique relevant de la « dimension septentrionale » (adoptée le 6 novembre 2001).
N° E 1754. - Proposition de décision du Conseil concernant une deuxième contribution de la Communauté européenne à la Banque européenne pour la reconstruction et le développement en faveur du fonds pour la réalisation d'un massif de protection à Tchernobyl (adoptée le 16 novembre 2001).
N° E 1757. - Proposition de règlement du Conseil portant application d'un schéma de préférences tarifaires généralisées (SPG) pour la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2004 (adoptée le 10 décembre 2001).
N° E 1759. - Proposition de règlement du Conseil portant organisation commune des marchés dans le secteur des viandes ovine et caprine (adoptée le 19 décembre 2001).
N° E 1764. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1493/1999 portant organisation commune du marché vitivinicole (adoptée le 19 décembre 2001).
N° E 1768. - Proposition de règlement du Conseil relatif aux modalités d'application de l'article 12, paragraphe 2, de l'accord sous forme d'échange de lettres entre la Communauté économique européenne et la Principauté d'Andorre (adoptée le 15 novembre 2001).
N° E 1769. - Proposition de décision du Conseil modifiant la décision 2000/24/CE afin d'étendre la garantie accordée par la Communauté à la Banque européenne d'investissement aux prêts en faveur de projets réalisés dans la République fédérale de Yougoslavie (adoptée le 6 novembre 2001).
N° 1772. - Communication du Royaume de Suède : initiative du Royaume de Suède visant à l'adoption par le Conseil d'une décision-cadre portant modification de la décision-cadre 2000/383/JAI du Conseil du 29 mai 2000 visant à renforcer par des sanctions pénales et autres la protection contre le faux monnayage en vue de la mise en circulation de l'euro. - Note de transmission de Gunnar Lund, représentant permanent de la Suède, à Javier Solana, Secrétaire général/Haut Représentant (adoptée le 7 décembre 2001).
N° E 1781. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion, entre la Communauté européenne et la République slovaque, d'un accord concernant les produits de la pêche sous la forme d'un protocole additionnel à l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République slovaque, d'autre part (adoptée le 17 décembre 2001).
N° E 1782. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion, entre la Communauté européenne et la République de Hongrie, d'un accord concernant les produits de la pêche sous la forme d'un protocole additionnel à l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Hongrie, d'autre part (adoptée le 17 décembre 2001).
N° E 1783. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion, entre la Communauté européenne et la République de Pologne, d'un accord concernant les produits de la pêche sous la forme d'un protocole additionnel à l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Pologne, d'autre part (adoptée le 17 décembre 2001).
N° E 1784. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion, entre la Communauté européenne et la République de Slovénie, d'un accord concernant les produits de la pêche sous la forme d'un protocole additionnel à l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Slovénie, d'autre part (adoptée le 17 décembre 2001).
N° E 1785. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion, entre la Communauté européenne et la République d'Estonie, d'un accord concernant les produits de la pêche sous la forme d'un protocole additionnel à l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République d'Estonie, d'autre part (adoptée le 17 décembre 2001).
N° E 1787. - Proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et la République démocratique de Madagascar concernant la pêche au large de Madagascar pour la période du 21 mai 2001 au 20 mai 2004 (adoptée le 17 décembre 2001).
N° E 1788. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CEE) n° 2204/90 établissant des règles générales complémentaires de l'organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers en ce qui concerne les fromages (adoptée le 19 décembre 2001).
N° E 1790. - Proposition de décision du Conseil autorisant la tacite reconduction ou le maintien en vigueur pour quatre ans, jusqu'au 30 avril 2005, des dispositions dont les matières relèvent de la politique commerciale commune, contenues dans les traités d'amitié, de commerce et de navigation et dans les accords commerciaux, ceux de l'annexe de la décision 95/133, conclus par les Etats membres avec les pays tiers (adoptée le 15 novembre 2001).
N° E 1791. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion, entre la Communauté européenne et la République de Lituanie, d'un accord concernant les produits de la pêche sous forme d'un protocole additionnel à l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Lituanie, d'autre part (adoptée le 17 décembre 2001).
N° E 1792. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion, entre la Communauté européenne et la République de Lettonie, d'un accord concernant les produits de la pêche sous la forme d'un protocole additionnel à l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Lettonie, d'autre part (adoptée le 17 décembre 2001).
N° E 1797. - Proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion de deux accords sous forme d'échanges de lettres relatifs à la prorogation du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues par l'accord conclu entre la Communauté économique européenne et le Gouvernement de la République du Sénégal concernant la pêche au large de la côte sénégalaise pour les périodes allant du 1er mai 2001 au 31 juillet 2001 et du 1er août 2001 au 31 décembre 2001 (adoptée le 15 novembre 2001).
N° E 1799. - Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les paiements transfrontaliers en euros (adoptée le 19 décembre 2001).
N° E 1801. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un protocole additionnel d'adaptation des aspects commerciaux de l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, agissant dans le cadre de l'Union européenne, d'une part, et la République de Slovénie, d'autre part, pour tenir compte des résultats des négociations entre les parties concernant l'établissement de concessions préférentielles réciproques pour certains vins et spiritueux, la reconnaissance, la protection et le contrôle des dénominations de vins, ainsi que la reconnaissance, la protection et le contrôle réciproques des appellations de spiritueux et de boissons aromatisées (adoptée le 4 décembre 2001).
N° E 1802. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un protocole additionnel à l'accord de stabilisation et d'association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Croatie, d'autre part, pour tenir compte des résultats des négociations entre les parties concernant l'établissement de concessions préférentielles réciproques pour certains vins et spiritueux, la reconnaissance, la protection et le contrôle réciproques des dénominations de vins, ainsi que la reconnaissance, la protection et le contrôle réciproques des appellations de spiritueux et de boissons aromatisées (adoptée le 3 décembre 2001).
N° E 1803. - Proposition de règlement du Conseil portant ouverture et mode de gestion d'un contingent tarifaire pour les importations de café soluble relevant du code NC 2101 11 11 (adoptée le 5 novembre 2001).
N° E 1804. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un protocole additionnel à l'accord intérimaire entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Croatie, d'autre part, pour tenir compte des résultats des négociations entre les parties concernant l'établissement de concessions préférentielles réciproques pour certains vins et spiritueux, la reconnaissance, la protection et le contrôle réciproques des dénominations de vins, ainsi que la reconnaissance, la protection et le contrôle réciproques des appellations de spiritueux et de boissons aromatisées (adoptée le 3 décembre 2001).
N° E 1805. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un protocole additionnel à l'accord de stabilisation et d'association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et l'ancienne République yougoslave de Macédoine, d'autre part, pour tenir compte des résultats des négociations entre les parties concernant l'établissement de concessions préférentielles réciproques pour certains vins et spiritueux, la reconnaissance, la protection et le contrôle réciproques des dénominations de vins, ainsi que la reconnaissance, la protection et le contrôle réciproques des appellations de spiritueux et de boissons aromatisées (adoptée le 3 décembre 2001).
N° E 1806. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un protocole additionnel à l'accord intérimaire entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et l'ancienne République yougoslave de Macédoine, d'autre part, pour tenir compte des résultats des négociations entre les parties concernant l'établissement de concessions préférentielles réciproques pour certains vins et spiritueux, la reconnaissance, la protection et le contrôle réciproques des dénominations de vins, ainsi que la reconnaissance, la protection et le contrôle réciproques des appellations de spiritueux et de boissons aromatisées (adoptée le 3 décembre 2001).
N° E 1807. - Projet d'accord entre EUROPOL et la Pologne : projet d'accord entre la République de Pologne et l'Office européen de police en matière de coopération dans la lutte contre la criminalité (adopté le 5 novembre 2001).
N° E 1808. - Projet d'accord entre EUROPOL et la Hongrie (adopté le 5 novembre 2001)
N° E 1809. - Projet d'accord entre EUROPOL et l'Estonie (adopté le 5 novembre 2001)
N° E 1810. - Projet d'accord entre EUROPOL et la Slovénie (adopté le 5 novembre 2001)
N° E 1812. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CEE) n° 404/93 portant organisation commune des marchés dans le secteur de la banane (adoptée le 19 décembre 2001).
N° E 1815. - Propositions de décisions du Conseil relatives à la conclusion d'un accord-cadre entre la Communauté européenne et respectivement les Républiques de Chypre, de Malte et de Turquie établissant les principes généraux de la participation des Républiques de Chypre, de Malte et de Turquie aux programmes communautaires. [Annexe financière concernant les contributions estimées de Chypre, Malte et la Turquie en vue de leur participation aux programmes communautaires, voir SEC (2001) 1576] (adoptées le 17 décembre 2001).
N° E 1817. - Accises : huiles minérales : Irlande : demande de dérogation en application de la directive 92/81/CE, article 8, paragraphe 4 : gazole en faible teneur en soufre (50 ppm) (adoptée le 4 décembre 2001).
N° E 1821. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le droit autonome du tarif douanier commun applicable à l'ail (code NC 0703 20 00) (adoptée le 15 novembre 2001).
N° E 1822. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 2666/2000 du Conseil relatif à l'aide à l'Albanie, à la Bosnie-Herzégovine, à la Croatie, à la République fédérale de Yougoslavie et à l'ancienne République yougoslave de Macédoine et abrogeant le règlement (CE) n° 1628/96 ainsi que modifiant les règlements (CEE) n° 3906/89 et (CEE) n° 1360/90 et les décisions 97/256/CEE et 1999/311/CE, et le règlement (CE) n° 2667/2000 du Conseil relatif à l'Agence européenne pour la reconstruction (adoptée le 10 décembre 2001).
N° E 1823. - Proposition de règlement du Conseil concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme international (adoptée le 27 décembre 2001).
N° E 1824. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un accord entre la Communauté européenne et la République de Malte concernant les poissons et les produits de la pêche sous la forme d'un protocole additionnel à l'accord établissant une association entre la Communauté européenne et Malte (adoptée le 10 décembre 2001).
N° E 1825. - Proposition de décision du Conseil modifiant la décision 1999/733/CE du Conseil portant attribution d'une aide macrofinancière supplémentaire à l'ancienne République yougoslave de Macédoine (adoptée le 10 décembre 2001).
N° E 1826. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 47/1999 relatif au régime d'importation pour certains produits textiles originaires de Taïwan (art. 4) (adoptée le 16 novembre 2001).
N° E 1833. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à l'application provisoire du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et la République du Cap-Vert concernant la pêche au large du Cap-Vert pour la période allant du 1er juillet 2001 au 30 juin 2004 (adoptée le 17 décembre 2001).
N° E 1840. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un accord entre la Communauté européenne et la République de Chypre concernant les poissons et les produits de la pêche sous la forme d'un protocole additionnel à l'accord établissant une association entre la Communauté économique européenne et la République de Chypre (adoptée le 10 décembre 2001).
N° E 1843. - Proposition de règlement du Conseil portant modification et mise à jour du règlement (CE) n° 1334/2000 instituant un régime communautaire de contrôle des exportations de biens et technologies à double usage (adoptée le 20 novembre 2001).
N° E 1844. - Proposition de décision du Conseil établissant certaines concessions autonomes et transitoires sous forme de contingents tarifaires communautaires applicables à l'importation dans la Communauté de tomates originaires du Royaume du Maroc (adoptée le 21 novembre 2001).
N° E 1845. - Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à l'application provisoire du protocole fixant, pour la période allant du 16 juin 2001 au 15 juin 2006, les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté économique europénne et le Gouvernement de la République de Guinée-Bissau concernant la pêche au large de la côte de Guinée-Bissau (adoptée le 10 décembre 2001).
N° E 1847. - Projet de décision 2001/.../CECA de la Commission modifiant l'annexe de la décision n° 244/2001/CECA de la Commission relative à l'administration de certaines restrictions à l'importation de certains produits sidérurgiques en provenance de la Fédération de Russie (avis conforme du Conseil adopté le 21 novembre 2001).
N° E 1848. - Proposition de règlement du Conseil abrogeant le règlement (CE) n° 926/98 concernant la réduction de certaines relations économiques avec la République fédérale de Yougoslavie (adoptée le 5 novembre 2001).
N° E 1849. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CEE) n° 2658/87 et suspendant, à titre autonome, les droits du tarif douanier commun sur certains produits industriels (préparation sous forme de gel pour être utilisée en médecine, plomb, simulateur pour entretien au sol des aéronefs) (adoptée le 6 décembre 2001).
N° E 1853. - Proposition de décision du Conseil modifiant la décision 2001/549/CE du 16 juillet 2001 portant attribution d'une aide macrofinancière à la République fédérale de Yougoslavie (adoptée le 10 décembre 2001).
N° E 1854. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1255/96 portant suspension temporaire des droits autonomes du tarif douanier commun sur certains produits industriels, agricoles et de la pêche (remplacement complet de l'annexe) (adoptée le 19 décembre 2001).
N° E 1855. - Proposition de décision du Conseil portant approbation de la conclusion, par la Commission, de l'accord entre la Communauté européenne de l'énergie atomique et l'Organisation pour le développement énergétique de la péninsule coréenne (KEDO) (adoptée le 7 décembre 2001).
N° E 1859. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion des accords sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne et, d'une part, la Barbade, le Belize, la République du Congo, Fidji, la République coopérative de Guyana, la République de Côte d'Ivoire, la Jamaïque, la République du Kenya, la République de Madagascar, la République du Malawi, la République de Maurice, la République du Suriname, Saint-Christophe-et-Nevis, le Royaume du Swaziland, la République unie de Tanzanie, la République de Trinidad-et-Tobago, la République d'Ouganda, la République de Zambie, la République du Zimbabwe, d'autre part, la République de l'Inde sur l'approvisionnement en sucre brut de canne à raffiner (adoptée le 3 décembre 2001).
N° E 1861. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à l'application provisoire du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord de coopération en matière de pêches maritimes entre la Communauté européenne et la République islamique de Mauritanie pour la période allant du 1er août 2001 au 31 juillet 2006 (adoptée le 17 décembre 2001).
N° E 1862. - Proposition de règlement du Conseil relative à la conclusion du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord de coopération en matière de pêches maritimes entre la Communauté européenne et la République islamique de Mauritanie pour la période allant du 1er août 2001 au 31 juillet 2006 (adoptée le 17 décembre 2001).
N° E 1863. - Proposition de décision du Conseil modifiant la décision 1999/325/CE du Conseil portant attribution d'une aide macrofinancière à la Bosnie-Herzégovine (adoptée le 10 décembre 2001).
N° E 1865. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 2505/96 portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires autonomes pour certains produits agricoles et industriels (annexe I : remplacement du tableau) (adoptée le 17 décembre 2001).
N° E 1869. - Projet d'accord entre les Etats-Unis d'Amérique et l'Office européen de police (EUROPOL) (adoptée le 7 décembre 2001).
N° E 1874. - Proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de la Communauté européenne, d'un accord sous forme de protocole d'accord (paraphé le 15 octobre 2001), entre la Communauté européenne et la République islamique du Pakistan, concernant des arrangements dans le domaine de l'accès au marché des produits textiles et d'habillement, et autorisant son application provisoire (adoptée le 17 décembre 2001).
N° E 1888. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 2820/98 portant application d'un schéma pluriannuel de préférences tarifaires généralisées pour la période du 1er juillet 1999 au 31 décembre 2001, afin d'inclure le Sénégal dans la liste des pays bénéficiant du dispositif spécifique d'aide en faveur des pays les moins avancés (adoptée le 19 décembre 2001).
N° E 1889. - Proposition de décision du Conseil relative à un échange de lettres entre la Communauté européenne et l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient (UNRWA) concernant un financement supplémentaire en 2001, pour la période 1999-2001, au titre de la convention CE-UNRWA actuellement en vigueur (adoptée le 19 décembre 2001).

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DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Louis Masson une proposition de loi tendant à ce que les services départementaux d'incendie et de secours soient financés à 100 % par les départements.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 165, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

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DÉPÔTS RATTACHÉS POUR ORDRE
AU PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE
DU 20 DÉCEMBRE 2001

TEXTES SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. M. le président du Sénat a reçu le 26 décembre 2001 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Accord sous forme d'échange de lettres concernant l'application provisoire de certains accords entre la Communauté européenne et la République d'Afrique du Sud relatif au commerce des vins et au commerce des boissons spiritueuses.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E 1894 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 26 décembre 2001 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision-cadre du Conseil concernant la lutte contre le racisme et la xénophobie.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E 1895 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 26 décembre 2001 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil portant suspension temporaire des droits autonomes du tarif douanier commun lors de l'importation d'un certain nombre de produits industriels et portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires autonomes lors de l'importation de certains produits de la pêche aux îles Canaries.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E 1896 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 26 décembre 2001 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative au régime d'impôt AIEM applicable aux îles Canaries.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E 1897 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 26 décembre 2001 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Projet de budget rectificatif et supplémentaire d'EUROPOL pour 2002.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-1898 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 26 décembre 2001 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Projet d'accord entre EUROPOL et la Confédération suisse.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-1899 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 26 décembre 2001 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Projet d'accord entre EUROPOL et la République tchèque.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-1900 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 26 décembre 2001 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social et au Comité des régions - Programme de travail de la Commission pour 2002.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-1901 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 4 janvier 2002 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant les procédures communautaires pour l'autorisation, la surveillance et la pharmacovigilance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire et instituant une agence européenne pour l'évaluation des médicaments. Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain. Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2001/82/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments vétérinaires.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-1902 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 4 janvier 2002 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à l'approbation, au nom de la Communauté européenne, du protocole de Kyoto à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et l'exécution conjointe des engagements qui en découlent.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-1903 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 4 janvier 2002 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion par la Communauté européenne de la convention sur la conservation et la gestion des ressources halieutiques de l'Atlantique Sud-Est.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-1904 et distribué.

DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président. M. le président du Sénat a reçu le 3 janvier 2002 de M. René Garrec un rapport d'information fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur la jurisprudence « Perruche ».
Ce rapport d'information sera imprimé sous le numéro 164 et distribué.

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ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 9 janvier 2002 :
Suite de la discussion du projet de loi (n° 415, 2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la démocratie de proximité.
Rapport (n° 156, 2001-2002) de M. Daniel Hoeffel, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Avis (n° 161, 2001-2002) de M. Michel Mercier, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Avis (n° 153) de M. Patrick Lassourd, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan.
Avis (n° 155) de M. Xavier Darcos, fait au nom de la commission des affaires culturelles.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD





QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Mise en valeur de la trufficulture

1237. - 21 décembre 2001. - M. Xavier Darcos appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur la mise en valeur de la trufficulture qui, notamment en Dordogne, représente une part importante de l'économie locale. La trufficulture repose sur la plantation d'arbres mycorhizés (chênes, noisetiers, charmes...), à raison de 300 arbres à l'hectare, concourant à la constitution de forêts qui se révèlent être d'excellents protecteurs contre les incendies. Il souhaite donc connaître les mesures susceptibles d'être prises afin de mieux associer, dans le cadre de la loi d'orientation de la forêt, valeur forestière et trufficulture qui apporte un revenu d'appoint pour le sylviculteur. A la suite des violentes tempêtes qui ont ravagé la Dordogne en décembre 1999, des plans de reboisement prenant mieux en compte les perspectives d'avenir de la trufficulture seraient un atout majeur pour l'économie de la Dordogne.

Utilisation des mines antipersonnel en Afghanistan

1238. - 21 décembre 2001. - Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention M. le ministre des affaires étrangères sur l'utilisation de mines antipersonnel en Afghanistan. Elle lui demande de lui confirmer que les bombardiers B 52 et B 1 auraient largué des munitions incluant des Gators 89, système mixte de mines antipersonnel et antivéhicules. Larguées en grappes, sans possibilités de ciblage précis sur des objectifs militaires, d'autres sous-munitions CBU 87 auraient également accompagné les bombardements, certaines explosant à l'impact, d'autres plus tardivement avec les mêmes effets que les mines antipersonnel. Elle lui fait remarquer que l'Afghanistan est déjà un des pays les plus touchés par les mines antipersonnel (5 à 7 millions de mines), et que dans ces conditions, compte tenu des importants déplacements de population, une recrudescence d'accidents est à prévoir. Elle lui rappelle que, en juin 1998, notre pays a ratifié le traité d'interdiction des mines qui, dans son article 1er, « interdit d'assister, encourager ou inciter de quelque manière quiconque à s'engager dans toute activité interdite à un Etat Partie ». Elle lui demande de lui confirmer que la France se désolidarise et exprime son opposition à toute utilisation de mines antipersonnel par l'armée américaine et refuse toute participation à une opération conjointe au cours de laquelle des mines antipersonnel ou munitions aux mêmes effets pourraient être utilisées. Elle lui demande de lui faire connaître également les mesures qu'il envisage pour soutenir l'adoption par l'OTAN d'une interdiction de ces mines dans toute opération ou exercice conjoint. Elle lui rappelle que dix-sept pays sur dix-neuf de l'OTAN sont liés comme la France par la signature du traité d'interdiction.

Seuils de passation d'une délégation
de service public

1239. - 31 décembre 2001. - M. Marcel-Pierre Cléach appelle l'attention M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur l'article L. 1411-12 du code général des collectivités territoriales. Il souhaite notamment que soient précisées les modalités de calcul des seuils de passation d'une délégation de service public selon la procédure simplifiée prévue par cet article du code. Il souligne qu'une certaine ambiguïté existe sur le mode de calcul à retenir en l'absence d'un texte d'application précis et en raison des contradictions des différents services de l'Etat consultés sur cette question. C'est pourquoi, il le remercie de bien vouloir lui indiquer s'il convient de prendre en compte le chiffre ou le résultat d'exploitation de la délégation de service public.

Décharge du Thot

1240. - 8 janvier 2001. - M. Gérard Delfau attire l'attention de M. le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur l'atteinte grave à l'environnement et à la santé publique que représente la décharge du Thot. Il s'agit de cette décharge publique à ciel ouvert, située sur la route de Villeneuve-lès-Maguelone à Palavas, où Montpellier continue à déverser en toute illégalité ses ordures ménagères. Il lui demande pendant combien de temps sera tolérée cette montagne d'immondices, d'une quarantaine de mètres de haut, dont les effluents ne peuvent manquer de polluer la nappe phréatique et d'être vecteurs de maladies à des kilomètres à la ronde. Il lui demande surtout comment, dans ces conditions, le représentant de l'Etat a pu prendre un arrêté de périmètre pour la nouvelle communauté d'agglomération de Montpellier, qui a pour effet de casser le syndicat mixte « Pic et étangs », dont les ordures ménagères étaient jusqu'ici traitées par l'incinérateur de Lunel-Vieil. Est-il raisonnable que les trente-huit communes le composant soient de facto obligées de renoncer aux services de l'incinérateur de Lunel-Vieil, qui vient d'être construit, pour venir apporter leurs déchets à cette même décharge du Thot ? Il souhaite connaître les mesures qu'il compte prendre pour faire respecter la législation sur les ordures ménagères et rendre au littoral languedocien un paysage en harmonie avec son ciel.