SEANCE DU 20 DECEMBRE 2001


CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DE L'ENFANT CONCERNANT L'IMPLICATION D'ENFANTS DANS LES CONFLITS ARMÉS

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 437, 2000-2001) autorisant la ratification du protocole facultatif à la convention relative aux droits de l'enfant concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés. [Rapport n° 140 (2001-2002).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées. Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, de nombreux conflits surviennent malheureusement en divers points de la planète. Ce sont le plus souvent des guerres civiles ou des affrontements armés internes, qui déstructurent toutes les composantes de la société, notamment les familles. Les populations civiles en sont les premières victimes, et des adolescents, voire des enfants, garçons et filles, sont contraints d'y participer : on les appelle les « enfants-soldats ».
La communauté internationale, qui a pris, à l'exception regrettable des Etats-Unis, avec l'adoption de la convention internationale des droits de l'enfant de 1989 et sa ratification presque universelle, l'engagement solennel de veiller à l'intérêt supérieur de l'enfant, a voulu renforcer la protection dont doivent bénéficier les enfants impliqués dans des conflits armés.
La convention de 1989 présentait cependant l'inconvénient de fixer à quinze ans, ce qui est trop jeune, l'âge minimal pour la participation des enfants aux conflits. En conséquence, la Commission des droits de l'homme a mené des négociations laborieuses, entre 1994 et 2000, pour parvenir au protocole facultatif aujourd'hui soumis à l'approbation du Sénat.
Ce protocole, adopté par l'Assemblée générale des Nations unies le 25 mai 2000, entrera en vigueur le 12 février 2002, la dixième ratification ayant été enregistrée le 12 novembre dernier.
Ce nouvel instrument instaure, pour les Etats, le devoir de prendre toutes les mesures possibles afin que les enfants et les adolescents de moins de dix-huit ans ne participent pas directement aux conflits.
En outre, une disposition prévoit que l'enrôlement obligatoire est lui-même limité aux adolescents ayant atteint l'âge de dix-huit ans.
Enfin, s'agissant de l'enrôlement volontaire, les Etats doivent relever d'un certain nombre d'années l'âge minimal de l'engagement par rapport à ce que prévoit la convention relative aux droits de l'enfant. Cette disposition est moins ambitieuse que ne le souhaitait la France, qui avait défendu l'idée selon laquelle le protocole devrait être plus précis et plus contraignant, en prévoyant que l'engagement volontaire ne pourrait avoir lieu avant dix-sept ans.
Les Etats sont tenus de déposer, au moment de la ratification, une déclaration contraignante indiquant l'âge minimal à partir duquel ils autorisent l'engagement volontaire. Une dernière garantie réside en l'obligation, pour l'Etat permettant l'engagement volontaire avant l'âge de dix-huit ans, de s'enquérir de la réelle volonté de l'enfant, de l'autorisation parentale, de la preuve de l'âge et, enfin, de la pleine et entière conscience des charges liées à la carrière militaire. Le suivi de l'application par chaque Etat partie sera assuré par le comité aux droits de l'enfant, dans les mêmes conditions que celles qui sont relatives à la convention des droits de l'enfant elle-même.
Il convient peut-être de préciser, pour répondre à certaines interrogations, que cet instrument de nature juridique n'est pas le seul à avoir été mobilisé par les Nations unies pour lutter contre le fléau des enfants-soldats.
Sur le plan politique, tout d'abord, à la suite du rapport de 1996 de Graça Machel, un représentant spécial du secrétaire général, M. Olara Otonnu, a été désigné pour coordonner l'action internationale en ce domaine. C'est aussi l'une des préoccupations constantes du Conseil de sécurité, qui a adopté, le 20 novembre dernier, une résolution très complète démontrant la détermination de la communauté internationale et laissant espérer d'autres étapes plus contraignantes.
Sur le plan opérationnel, ensuite, ce problème constitue l'un des sept domaines d'action prioritaires de l'UNICEF, le United Nations children's fund, qui pilote un programme spécial. C'est ainsi que 3 200 enfants-soldats ont été libérés au Soudan en mars dernier. La France, pour sa part, contribue à ce programme pour l'Afrique centrale et l'Afrique de l'Ouest.
Telles sont, monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle le protocole faisant l'objet du projet de loi aujourd'hui soumis à votre approbation. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Danielle Bidard-Reydet, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a bien entendu approuvé le projet de loi autorisant la ratification du protocole relatif aux enfants impliqués dans les conflits armés.
Nous constatons, hélas ! au travers de l'actualité des conflits, que les enfants sont de moins en moins épargnés par la guerre et ses conséquences. Ainsi, en Afrique, l'Angola ou la République démocratique du Congo comptent au nombre des exemples les plus frappants de cette situation catastrophique. Plus près de nous, dans les Balkans, les conflits de la dernière décennie ont aussi entraîné leur lot de victimes parmi les enfants.
Aux dommages directs subis par les enfants, atteints dans leur chair ou au travers de leurs proches, s'ajoute un impact plus durable sur les sociétés fragilisées par une situation de guerre chronique : profonde déstructuration de la famille et des communautés traditionnelles, du système éducatif, des services de santé et des institutions sociales.
Comme vous l'avez rappelé, madame la ministre, l'une des situations les plus difficiles est celle des « enfants-soldats » : d'après les estimations des Nations unies, 300 000 d'entre eux seraient actuellement engagés dans des forces armées, bien plus souvent par obligation que de leur plein gré.
Au regard des normes internationales actuellement en vigueur, le protocole que nous examinons aujourd'hui permet une avancée très significative, puisqu'il proscrit l'enrôlement obligatoire et la participation aux hostilités des enfants de moins de dix-huit ans. Il ouvre également la voie à un relèvement de l'âge minimal pour l'engagement volontaire dans les armées.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donc approuvé ce texte, qui s'inscrit dans un mouvement de mobilisation plus large de la communauté internationale en faveur des enfants touchés par les conflits armés. Il s'agissait, d'ailleurs, de l'un des principaux points à l'ordre du jour de la session extraordinaire des Nations unies qui devait précéder, au mois de septembre, l'ouverture de l'Assemblée générale, session finalement annulée du fait des attentats survenus la semaine précédente à New York.
La commission a cependant constaté que ce protocole venait après beaucoup d'autres textes portant sur le même sujet, que j'ai d'ailleurs énumérés dans mon rapport écrit. Ils ont été adoptés aussi bien dans le cadre des conventions de Genève que par l'Organisation internationale du travail ou par des organisations régionales, mais ils semblent malheureusement produire peu d'effets sur le terrain, le bilan des enfants victimes des conflits s'alourdissant chaque jour un peu plus.
Je crois que l'ONU elle-même a conscience de la difficulté. Ainsi, le représentant spécial du secrétaire général pour les enfants et les conflits armés, M. Otunnu, dressait voilà quelques mois le constat suivant : « Il existe un arsenal impressionnant d'instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme et au droit humanitaire qui tendent à protéger les enfants des conséquences de la guerre [...] mais les parties à un conflit n'en continuent pas moins à transgresser ces normes. Les règles internationales sont violées impunément [...] le moment est venu pour la communauté internationale de réorienter son énergie et de passer de la tâche juridique qui consiste à édicter des normes au projet politique qui est de veiller à leur application et à leur respect sur le terrain ».
La commission des affaires étrangères fait sien ce constat et insiste, madame la ministre, pour que cet appel soit entendu. Elle souhaite qu'un effort beaucoup plus accentué soit consenti afin d'instituer des mécanismes de contrôle efficaces et de traduire dans les faits les textes que nous votons.
Il est certes très important de réunir la communauté internationale autour de normes protectrices, mais il est indispensable de nous impliquer avec force dans leur mise en oeuvre, faute de quoi les instruments internationaux perdraient toute crédibilité.
C'est donc en souhaitant qu'un bilan plus approfondi du degré d'application des textes déjà en vigueur soit établi que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis un avis favorable à l'adoption de ce projet de loi. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée la ratification du protocole facultatif à la convention relative aux droits de l'enfant concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés, fait à New York le 25 mai 2000, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. Je constate que ce texte a été adopté à l'unanimité.

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