SEANCE DU 17 DECEMBRE 2001


M. le président. « Art. 26 septies . - I. - Le III de l'article 11 de la loi n° 80-10 du 10 janvier 1980 portant aménagement de la fiscalité directe locale est complété par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque dans un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, les bases d'imposition d'un établissement rapportées au nombre d'habitants du groupement excèdent vingt fois la moyenne nationale des bases de taxe professionnelle par habitant des groupements de la même catégorie, l'établissement public de coopération intercommunale est tenu d'instituer une dotation de solidarité intercommunautaire au profit du ou des établissements publics de coopération intercommunale limitrophes qui remplissent les deux conditions suivantes :
« - leur population est supérieure à 50 000 habitants ;
« - leur moyenne de bases de taxe professionnelle par habitant est inférieure à la moyenne nationale par habitant des groupements de la même catégorie.
« Le montant de cette dotation est conventionnellement défini par les établissements publics de coopération intercommunale concernés.
« Lorsque plusieurs groupements sont bénéficiaires de la dotation de solidarité intercommunautaire, sa répartition est effectuée selon des critères définis conjointement par les conseils des établissements publics de coopération intercommunale concernés. »
« II. - Le 2 du I ter de l'article 1648 A du code général des impôts est complété par un c ainsi rédigé :
« C. - A compter du 1er janvier 2002, les dispositions du b sont également applicables aux établissements publics de coopération intercommunale visés aux cinq derniers alinéas du III de l'article 11 de la loi n° 80-10 du 10 janvier 1980 portant aménagement de la fiscalité directe locale. »
Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune :
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 95 est présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° 34 rectifié est présenté par M. Le Grand et les membres du groupe du Rassemblement pour la République.
L'amendement n° 49 est présenté par MM. du Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud, Trucy et les membres du groupe des Républicains et Indépendants.
Tous trois sont ainsi libellés :
« Supprimer l'article 26 septies. »
L'amendement n° 37, présenté par M. Le Grand, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour compléter le III de l'article 11 de la loi n° 80-10 du 10 janvier 1980 portant aménagement de la fiscalité directe locale, remplacer le mot : "vingt" par le mot : "quatre". »
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n° 95.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je renvoie, pour les questions de principe, au rapport écrit. Je voudrais surtout insister sur le fait que l'article 26 septies nouveau est issu d'un amendement voté à l'Assemblée nationale pour traiter d'un problème vraiment très, très particulier. Il s'agit d'une disposition très, très ciblée, comme l'a d'ailleurs indiqué M. Jean-François Le Grand au cours de la discussion générale.
La disposition concernée est vraiment critiquable, en raison tant des conditions dans lesquelles elle est intervenue que du fond du sujet traité.
L'objectif est en apparence légitime : il s'agit de renforcer la péréquation entre établissements publics de coopération intercommunale. Mais, en vérité, il ne s'agit que de permettre à la communauté urbaine de Cherbourg de capter à son profit une partie de la taxe professionnelle d'un EPCI voisin, le district de La Hague. J'ai cité La Hague : chacun voit quelle est la réalité industrielle et quelle peut être la puissance de l'appât financier.
On ne saurait, madame le secrétaire d'Etat, recourir à la loi - à la loi générale - pour régler au profit de l'un et au détriment de l'autre un différend de caractère local. Ce n'est pas le rôle de la loi, et c'est encore moins celui de la loi de finances rectificative.
En outre, sur le plan technique, l'article présente bon nombre d'inconvénients : risque de déstabilisation du dispositif de péréquation de la taxe professionnelle en créant un précédent qui peut se révéler dangereux ; risque de soumission des communautés urbaines à taxe professionnelle unique à une double dotation du fait de l'obligation d'instaurer une dotation de solidarité communautaire, à laquelle s'ajouterait la dotation prévue par le présent article ; absence d'indication - je le dis à l'intention des auteurs de cet amendement à l'Assemblée nationale - sur ce qui se passerait en cas de désaccord des EPCI concernés sur le montant de la dotation ou sur sa répartition, nul arbitrage n'étant prévu ; fixation d'un seuil de cinquante mille habitants au minimum pour les EPCI bénéficiaires, seuil dont on voit mal l'utilité sauf, bien entendu, s'il s'agit simplement de faire une photographie fidèle de la communauté urbaine de Cherbourg.
Il convient donc de rejeter sans état d'âme un dispositif aussi ciblé, conçu quasiment ad hominem et qui pourrait, si nous avions la faiblesse de l'adopter, avoir des conséquences assez sérieuses sur les procédures de péréquation de la taxe professionnelle. Porter un coup de canif à ces procédures, qui sont déjà suffisamment complexes, serait certainement une mauvaise affaire et une mauvaise initiative. La commission souhaite donc le refus clair et net de cet article.
M. le président. La parole est à M. Oudin, pour défendre l'amendement n° 34 rectifié.
M. Jacques Oudin. Je retire l'amendement n° 34 rectifié et je me rallie à l'amendement n° 95 de la commission. Les explications de M. le rapporteur général ont été parfaitement limpides et la suppression de cet article est parfaitement justifiée.
M. le président. L'amendement n° 34 rectifié est retiré.
La parole est à M. Trucy, pour défendre l'amendement n° 49.
M. François Trucy. L'article 26 septies tend à instaurer une dotation de solidarité intercommunautaire entre des établissements publics de coopération intercommunale dont le potentiel est différent.
Sous couvert d'améliorer la péréquation, il ne vise, en réalité, qu'à régler un différend local entre deux EPCI particuliers.
De plus, le dispositif proposé apparaît contestable sur le plan technique. Il instaure en effet une dotation de solidarité intercommunautaire spécifique qui remplace l'actuel régime d'écrêtement au profit des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle auxquels sont soumis les communautés de communes et les districts à taxe professionnelle unique.
Il convient donc de supprimer l'article 26 septies , qui constitue un dangereux précédent et pourrait susciter de nouvelles demandes spécifiques, ce qui menacerait tout l'équilibre de la péréquation.
Cela dit, je me rallie à l'amendement n° 95 de la commission des finances et je retire l'amendement n° 49.
M. le président. L'amendement n° 49 est retiré.
L'amendement n° 37 n'est pas soutenu.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 95 ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Comme certains l'ont rappelé, c'est l'Assemblée nationale qui a institué une dotation de solidarité intercommunale versée par les EPCI dont les bases d'imposition à la taxe professionnelle sont particulièrement importantes à certains EPCI limitrophes dont les bases sont très faibles.
J'insiste sur le fait que ce mécanisme n'est pas d'origine gouvernementale. Certes je ne m'y suis pas opposée et je m'en suis remis à la sagesse de l'Assemblée nationale, tout comme je le fais ici, de temps en temps.
Mais venons-en au fond. Cette disposition peut se justifier dans le cadre des districts créés avant la loi du 6 février 1992, lesquels, comme vous le savez, contribuent très faiblement aux fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle.
Je tiens toutefois à préciser le champ de cette mesure dans l'hypothèse où cet article ne serait pas supprimé.
Il s'agit d'un aménagement du droit existant qui ne saurait préjuger une réforme, en effet très nécessaire, des mécanismes de péréquation fiscale entre les collectivités, comme vous le soulignez vous-même dans votre rapport, monsieur le rapporteur général. Je souhaiterais donc que vous puissiez retirer cette demande de suppression. Je ne conclus pas en m'en remettant à la sagesse du Sénat, mais je pourrais presque le faire... (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 95, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 26 septies est supprimé.

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