SEANCE DU 17 DECEMBRE 2001


M. le président. « Art. 1er. - Il est attribué en 2001 aux foyers qui ont droit à la prime pour l'emploi prévue par l'article 200 sexies du code général des impôts à raison de leurs revenus de l'année 2000 un complément égal au montant de cette prime. »
L'amendement n° 5, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
« Supprimer l'article 1er. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cet article 1er prévoit de doubler la prime pour l'emploi versée aux contribuables, au titre de l'année 2001. Beaucoup a déjà été dit sur cette mesure. Je tiens cependant à formuler de nouveau quelques remarques à son égard.
Tout d'abord, ce doublement n'était pas prévu dans le cadre défini lors de la conception de la prime pour l'emploi.
Je rappelle que cette prime constitue un élément d'un dispositif d'ensemble destiné à inciter les bénéficiaires de minima sociaux à la reprise d'une activité. Elle s'adresse à ceux qui ont un emploi pour contribuer à l'amélioration de leur situation salariale.
Dans l'esprit du Sénat, devait s'y ajouter, en direction des bénéficiaires de minima sociaux, une autre mesure complémentaire mais indissociable : le revenu minimum d'activité, dont notre assemblée avait voté le principe le 8 février 2001. Or ce texte n'a toujours pas été examiné, et l'Assemblée nationale n'envisage pas de l'inscrire à son ordre du jour d'ici à la fin de la législature.
Par ailleurs, le complément de prime pour l'emploi vise à soutenir la consommation des ménages. Or, lorsque l'on considère les statistiques sur la consommation et les indicateurs relatifs à l'activité économique au cours de cette période, il ne semble pas que la consommation doive être soutenue en priorité. La mesure s'explique, en réalité, par le contexte électoral.
Enfin, ce complément de prime prend la forme d'un chèque du Trésor public adressé à tous les bénéficiaires. Ces derniers ayant tous, par définition, acquitté leur impôt sur le revenu au titre de l'année 2000, il n'est plus possible d'imputer le complément sur la cotisation d'impôt sur le revenu. Cela colore assez particulièrement le dispositif. Mon homologue de l'Assemblée nationale, Didier Migaud, a indiqué, dans son rapport, qu' « on constate une déconnexion entre le complément de prime pour l'emploi et l'impôt sur le revenu ». L'impact conjoncturel de cette mesure est donc contestable : elle intervient trop tardivement pour constituer une incitation à l'activité.
Mes chers collègues, quelle est donc la justification d'une telle disposition, qui, en outre, coûtera 8 milliards de francs ? Vous connaissez le calendrier aussi bien que moi, et je ne vais pas avoir le mauvais goût de trop insister sur les prochaines échéances électorales !
Madame le secrétaire d'Etat, si la commission préconise la suppression de cet article 1er, c'est pour être cohérente avec ses positions. En effet, dans l'esprit de la majorité du Sénat, deux dispositions devaient être mises en oeuvre de manière symétrique : d'un côté, pour revaloriser les bas salaires, le mécanisme du crédit d'impôt ; de l'autre, pour inciter au retour à l'activité, le revenu minimum d'activité accompagné d'une vision plus ambitieuse, plus active des minima sociaux, c'est-à-dire des prestations d'assistance versées tant par l'Etat que par l'UNEDIC.
Pour nous, ces éléments sont indissociables : il s'agit, à la fois, de favoriser l'intégration dans le milieu du travail de tous ceux qui restent sur le bord de la route et de ne pas s'en remettre à des dispositifs déresponsabilisants d'assistanat, dont nous connaissons tous l'impact social et psychologique dans nos différentes collectivités.
Telles étaient les intentions auxquelles répondait la proposition de loi sur le revenu minimum d'activité.
Outre les aspects préélectoraux trop évidents que reflète le doublement de la prime pour l'emploi, je souhaitais insister sur la nécessaire cohérence qui voudrait que l'on s'occupe au moins autant de celles et ceux qui sont tenus à l'écart du marché du travail que de celles et ceux qui ont le bonheur d'y avoir déjà trouvé une activité.
Tel est l'ensemble des raisons qui justifie cet amendement, et je vous supplie, madame le secrétaire d'Etat, en donnant votre avis, de ne point caricaturer la position de la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget. Avant de donner cet avis, monsieur le président, je souhaite demander la priorité pour les articles 36 et 38 du projet de loi, de façon qu'ils soient examinés, ce soir, en début de séance, les ministres principalement concernés se tenant à la disposition du Sénat pour venir alors défendre eux-mêmes ces deux articles.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cette demande de priorité ?
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Dans la mesure où cela concourt au bon déroulement du débat, je n'y vois pas d'objection.
M. le président. Il n'y a pas d'opposition ?...
La priorité est ordonnée.
Veuillez poursuivre, madame le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Rassurez-vous monsieur le rapporteur général, je ne vais pas caricaturer votre position. Je rappellerai simplement que la prime pour l'emploi est destinée à favoriser le maintien ou le retour à l'emploi de personnes modestes en compensant une partie des prélèvements sociaux et des charges sociales qui pèsent sur les revenus d'activité et en améliorant ainsi la rémunération que procure le travail.
En proposant de verser un complément de prime dès la fin de l'année 2001, le Gouvernement souhaite renforcer l'effet attractif de la mesure par rapport à l'activité. Vous avez dit, monsieur le rapporteur général, qu'il s'agissait d'une mesure de circonstance, compte tenu des prochaines échéances électorales. Mais pensez aux 8,5 millions, voire 9 millions, de nos concitoyens qui attendent le versement de cette prime ! Comme je l'ai dit, ce sont des gens de condition modeste qui font souvent des métiers durs et faiblement rémunérés. Cette prime apportera donc à toutes ces personnes qui vivent dans des conditions difficiles un soutien qu'elles sont en droit d'attendre.
Pour cette raison, le Gouvernement est hostile à cet amendement de suppression.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 1er est supprimé.

Article 2