SEANCE DU 13 DECEMBRE 2001


LIVRE FONCIER
EN ALSACE-MOSELLE

Adoption des conclusions modifiées
du rapport d'une commission
(Ordre du jour réservé)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 109, 2001-2002) de M. Daniel Hoeffel fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur la proposition de loi de MM. Hubert Haenel, André Bohl, Daniel Eckenspieller, Francis Grignon, Alain Hethener, Daniel Hoeffel, Jean-Louis Lorrain, Joseph Ostermann, Jean-Marie Rausch et Philippe Richert portant réforme de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, dans ses dispositions relatives à la publicité foncière (n° 421, 2000-2001).
Je rappelle au Sénat que cette discussion, comme celles qui suivront, intervient dans le cadre de l'ordre du jour réservé.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, les dispositions figurant dans la proposition de loi présentée par notre excellent collègue Hubert Haenel sont le résultat d'une démarche concertée et font l'objet d'un large consensus.
Elles ont été élaborées par un groupe de travail réunissant des représentants du GILFAM, le groupement d'intérêt public pour l'informatisation du livre foncier d'Alsace et de Moselle, de l'Institut du droit local, du ministère de la justice et du notariat, sous la présidence de M. Vallens, président du GILFAM, qui s'était vu confier cette mission par le garde des sceaux au mois de juillet 1999.
Exemple de survivance du droit local, le régime de la publicité foncière dans les trois départements d'Alsace et de Moselle plonge ses racines dans l'histoire et présente d'intéressantes spécificités en comparaison du régime juridique général applicable en matière de publicité foncière.
Le droit local s'est constitué par strates successives. Quant au droit français, il fut introduit sous réserve du maintien de certaines lois locales, maintien qui devait en particulier concerner le régime de la publicité foncière, caractérisé par une supériorité technique par rapport au droit général applicable en la matière.
Tenu par des services dédiés des tribunaux d'instance ou des bureaux fonciers rattachés à ces tribunaux dans les trois départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, le livre foncier s'appuie sur la structure judiciaire.
Il est tenu, sous la responsabilité de trente-sept juges du livre foncier, par quelque cent cinquante greffiers et agents. Le nombre de requêtes traitées chaque année est évalué à 200 000 et le nombre d'opérations d'inscription effectuées à 750 000.
Du point de vue matériel, le livre foncier représente plus de dix kilomètres linéaires d'archives.
Le livre foncier a en commun avec la conservation des hypothèques d'assurer la publicité des droits réels immobiliers, mais il présente surtout d'importantes différences avec celle-ci.
Première différence, l'institution du livre foncier, qui a des finalités exclusivement juridiques comme rendre les droits opposables aux tiers et informer sur la situation d'un propriétaire foncier ou d'un immeuble, est placée sous l'autorité du ministère de la justice.
L'inscription d'un droit est soumis à la décision d'un magistrat du tribunal d'instance. Les attributions du juge du livre foncier consistent dans la vérification des droits réels dont l'inscription est demandée, du caractère authentique des actes lorsque cette condition est exigée, de l'origine de propriété et de l'inscription préalable du propriétaire précédent, de la capacité et de la représentation des contractants.
L'autre différence principale avec la conservation des hypothèques réside dans le large accès au livre foncier ménagé au public.
Victime de son succès du fait de ses nombreux avantages, le livre foncier doit aujourd'hui relever le défi de sa modernisation pour garantir son efficacité et sa pérennité.
Tel est l'objet de la présente proposition de loi, qui, à la suite de la loi du 29 avril 1994 relative à l'informatisation du livre foncier dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, organise le cadre légal de cette informatisation.
L'autre objectif recherché est le toilettage d'un texte qui n'a guère été modifié depuis 1924 et l'harmonisation de certaines règles locales avec le droit général.
Examinons, tout d'abord, l'organisation du cadre légal de l'informatisation. Elle répond à une nécessité urgente, car le calendrier de réalisation du projet est défini et les marchés correspondants sont en cours.
Par ailleurs, l'informatisation implique une adaptation des règles d'accès au livre foncier pour concilier l'objectif d'information du public, qui est la raison d'être de la publicité foncière, et la nécessaire garantie du respect de la vie privée.
Le cadre législatif proposé établit des distinctions selon la nature des informations et la qualité des consultants.
Concernant les données, il y aurait les données essentielles, non attentatoires à la vie privée et susceptibles d'être connues de tous, et les autres. Seules les données essentielles pourront être librement consultées, sans qu'il y ait lieu désormais de faire valoir un intérêt quelconque.
Concernant les consultants, la proposition de loi distingue deux catégories : les personnes publiques et certains professionnels, d'une part, toute autre personne, d'autre part. Les premiers auront accès à l'ensemble des données de publicité foncière. Les seconds devront, pour accéder à l'ensemble des données inscrites relatives à un bien, justifier soit d'une autorisation délivrée par le propriétaire ou le juge, soit d'un titre exécutoire.
Le deuxième objectif de la proposition de loi est la réactualisation du régime de la publicité foncière en vigueur en Alsace-Moselle, laquelle passe par le « toilettage » de la loi du 1er juin 1924 et l'harmonisation du droit local avec le droit général.
Les principales modifications sont les suivantes : le juge du livre foncier se voit attribuer un nouveau pouvoir puisqu'il pourra désormais inscrire un droit de propriété acquis par usucapion ; les anciennes servitudes, antérieures à 1900, qui sont opposables malgré leur non-inscription au livre foncier, devront être reportées au livre foncier dans un délai de cinq ans à peine d'extinction ; les effets juridiques de l'inscription sont précisés ; enfin, une harmonisation du droit local des incapacités est proposée.
La commission des lois a par ailleurs apporté quelques modifications qui lui ont paru nécessaires et qui tendent principalement : à extraire les dispositions de nature transitoire pour les faire figurer dans des articles distincts de la proposition de loi ; à supprimer les mentions devenues inutiles ; à uniformiser les formulations juridiques avec celles qui sont dans les textes de loi en vigueur afin d'éviter, à l'avenir, les divergences d'interprétation et les contentieux inutiles ; à préciser la portée de certaines expressions pour éviter la survenance de difficultés d'interprétation ; enfin, à mieux délimiter le cadre légal de la consultation du livre foncier pour une plus grande sécurisation de l'accès et une meilleure garantie du respect de la vie privée.
La commission des lois vous propose en outre une refonte du dispositif relatif à l'entrée en vigueur des dispositions concernant l'informatisation du livre foncier.
Telles sont donc, mes chers collègues, les grandes lignes de la proposition de loi qui vous est présentée.
Le droit local alsacien-mosellan est ancien, il est le fruit de notre histoire tourmentée ; mais ce droit local auquel nous sommes profondément attachés est loin d'être dépassé.
M. Hubert Haenel. Très bien !
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Il reste même souvent d'avant-garde. Pour conserver cette qualité, il doit savoir évoluer et s'adapter, et non pas rester figé.
La réforme du livre foncier est un exemple de sa capacité à suivre les évolutions de son temps, et c'est la raison pour laquelle je vous recommande avec conviction l'adoption de la présente proposition de loi. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le rapporteur, votre présentation de la proposition de loi, précise et complète, me dispense d'un long discours.
Je voudrais simplement rappeler que ce texte est le fruit d'une étroite concertation entre, d'une part, les personnalités et organismes des trois départements d'Alsace et de Moselle intéressés par la publicité foncière et, d'autre part, la Chancellerie.
Après qu'eut été créé un groupement d'intérêt public, le GILFAM, chargé de procéder à l'informatisation du livre foncier, un groupe de travail composé de représentants de la Chancellerie, de l'Institut du droit local et du notariat a en effet élaboré des propositions afin de rénover et d'adapter, comme vous venez de l'exposer excellemment, monsieur le rapporteur, les dispositions de droit local relatives à la publicité foncière.
Ces propositions ont été soumises à la commission du droit privé alsacien-mosellan, qui, sous la présidence de M. le sénateur Hubert Haenel, en a approuvé les principales orientations.
M. Haenel a souhaité accélérer le processus en déposant la proposition de loi qui est aujourd'hui en discussion. Le Gouvernement s'associe pleinement à cette démarche, d'autant que le projet d'informatisation qui la sous-tend entrera très prochainement dans sa phase de réalisation et que les marchés publics y afférents vont être conclus. Il est, par conséquent, nécessaire d'adopter rapidement ce texte.
Aussi me féliciterai-je de constater que la réforme du droit local de la publicité foncière dont le Sénat va délibérer aujourd'hui recueille un large consensus. En témoigne, au demeurant, le dépôt à l'Assemblée nationale par M. Armand Jung, député, d'une proposition de loi tendant au même objectif.
Ce consensus relatif au droit local montre, s'il en était besoin, que certains particularismes peuvent se concilier avec l'unité de la République.
M. Jean-Pierre Masseret. C'est vrai !
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. La proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale comporte quelques dispositions qui ne figurent pas dans le texte examiné par la commission des lois du Sénat, mais qu'il me paraît utile de retenir. Aussi vous proposerai-je de nous en inspirer en adoptant des amendements sur deux points, qui permettront une accélération globale de l'examen du texte.
M. Hubert Haenel. C'est bien !
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Le premier point concerne les actes authentiquement légalisés.
Il s'agit d'actes sous seing privé dont la signature est authentifiée par un notaire. Actuellement, cette pratique est prévue par le décret d'application de la loi de 1924. L'insertion de ces dispositions dans la nouvelle rédaction de la loi de 1924 permettra de leur conférer valeur législative, leur fondement réglementaire paraissant juridiquement fragile. Cette disposition est d'ailleurs proche du droit général de la publicité foncière, qui admet la publication, à la conservation des hypothèques, du dépôt au rang des minutes d'un notaire d'actes sous seing privé dont l'écriture et la signature ont été reconnues.

Cette proposition fait l'objet d'un amendement qui complétera, si le Sénat y consent, l'article 24 de la loi du 1er juin 1924.
Les autres amendements du Gouvernement portent sur la création d'un établissement public.
En effet, le Gouvernement souhaite confier à un établissement public administratif, placé sous la tutelle du garde des sceaux, la mission de contrôle et de maintenance permanents des supports informatisés du livre foncier. Le système mis en place par le biais du présent texte doit pouvoir fonctionner de façon pérenne ; or les groupements d'intérêt public tels que le GILFAM ont, par définition, une durée d'existence limitée.
La structure de l'établissement public qu'il est proposé de créer ne devrait pas être très différente de celle de l'actuel groupement d'intérêt public dont il prendra la suite, puisqu'il est prévu que siégeront à son conseil d'administration, à parité avec des représentants de l'Etat, des représentants des trois départements concernés, de la région Alsace, du conseil interrégional des notaires et de l'Institut du droit local.
Il est également prévu que l'établissement reprenne tous les droits et obligations du GILFAM, notamment les contrats des personnels actuellement employés par ce dernier.
S'agissant de son financement, celui-ci sera assuré non seulement par les ressources habituelles des établissements publics, à savoir les subventions de l'Etat et des personnes publiques parties prenantes, mais aussi par une redevance qui sera affectée à l'entretien et à la maintenance du système.
Cette redevance est justifiée, ainsi que vous l'indiquez, monsieur Hoeffel, dans votre rapport, par l'amélioration du service rendu et la possibilité d'accéder à distance au livre foncier. L'ensemble de ces dispositions font l'objet d'amendements visant à insérer quatre nouveaux articles dans la proposition de loi.
Il reste à préciser quelle sera la date d'entrée en vigueur des dispositions relatives à l'établissement public. Le Gouvernement a choisi de la faire coïncider avec celle de l'entrée en application des dispositions de la proposition de loi qui concernent plus particulièrement le livre foncier informatisé.
En effet, l'établissement ne pourra pleinement remplir la mission que le Sénat va lui confier qu'à partir du moment où l'informatisation sera achevée, c'est-à-dire, selon les études prévisionnelles qui ont été réalisées, à compter du 1er janvier 2006.
Afin d'assurer la continuité entre le groupement et l'établissement public, il est donc nécessaire de proroger de quelques mois le GILFAM dont, en l'état, la convention constitutive prévoit la dissolution en mars 2005. Un arrêté approuvant cette prorogation devra être très rapidement signé par M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et par moi-même.
Rejoignant les propos, plus chaleureux que les miens, que M. le rapporteur a tenus sur cette belle région - il est vrai que, pour ma part, je n'en suis pas originaire (Sourires) -, je demande à la Haute Assemblée de bien vouloir adopter cette proposition de loi, tant attendue dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle. Je tiens à vous remercier, mesdames, messieurs les sénateurs, pour l'excellence du travail accompli en liaison étroite avec les services de la Chancellerie, et j'espère que l'Assemblée nationale pourra adopter rapidement ce texte. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui est, on peut le dire, une « coproduction » d'Alsace-Moselle, revue, corrigée et amendée par la commission des lois du Sénat. Si nous adoptons tout à l'heure les amendements du Gouvernement, nous serons allés jusqu'au bout de notre logique.
La réforme que nous proposons était nécessaire et urgente. Je ne reviendrai pas sur le rôle de la publicité foncière, qu'a rappelé brillamment et avec pertinence le grand juriste qu'est M. Daniel Hoeffel, mais je soulignerai que l'adaptation de la législation la concernant était indispensable à la réalisation de l'informatisation du livre foncier d'Alsace-Moselle.
Comme vous l'avez indiqué, madame la ministre, un groupe de travail a été mis en place, dont les propositions ont été approuvées par la commission d'harmonisation du droit local, que je préside. Les principales dispositions de cette proposition de loi ont trait à la mise en place d'un régime juridique de l'accès à la publication des mentions légales destinées à l'information du public, à la normalisation des requêtes et à la faculté donnée au juge du livre foncier de pouvoir constater la prescription acquisitive d'une parcelle.
Outre les modifications législatives strictement liées à l'informatisation, un « toilettage » du régime de la publicité foncière en vigueur en Alsace-Moselle était nécessaire. Ce travail a porté sur la loi du 1er juin 1924, qui n'avait encore jamais été modifiée, comme l'a rappelé M. le rapporteur voilà quelques instants, et, pour partie, sur une harmonisation du droit local avec le droit général.
Dans ses conclusions, la commission des lois a choisi de réécrire le chapitre III du titre II de la loi du 1er juin 1924, consacré au livre foncier et à la publicité foncière. Cette approche présente le mérite d'offrir au législateur et surtout aux futurs usagers de la loi une meilleure lisibilité. Elle permet une vue d'ensemble d'autant plus appréciable que la loi du 1er juin 1924 est largement méconnue. Par conséquent, la méthode choisie par M. le rapporteur et par la commission des lois est particulièrement bienvenue.
Je souscris aussi aux modifications apportées à la proposition de loi s'agissant de l'extraction des dispositions de nature transitoire pour les faire figurer dans des articles distincts de la proposition de loi ; de la suppression de mentions devenues inutiles, telles que celle selon laquelle le livre foncier désigne le livre foncier définitif, le livre foncier provisoire et le livre foncier de propriété ; de l'uniformisation des formulaires juridiques avec celles qui sont utilisées par des textes de loi en vigueur, afin d'éviter à l'avenir les divergences d'interprétation et les contentieux inutiles ; des précisions données sur la portée de certaines expressions pour prévenir la survenance de difficultés d'interprétation ; enfin de la meilleure délimitation du cadre légal de la consultation du livre foncier par une plus grande sécurisation de l'accès et une meilleure garantie du respect de la vie privée.
La réforme devenait urgente : c'est ce qui explique notre initiative commune et notre détermination. Comme l'a souligné M. le rapporteur, le calendrier de réalisation du projet est défini et les marchés correspondants sont en cours de passation.
Soulignons également que l'informatisation implique une adaptation des règles d'accès au livre foncier, pour concilier l'objectif d'information du public, qui est la raison d'être de la publicité foncière, et la nécessaire garantie du respect de la vie privée. A cet égard, si un texte n'était pas adopté dans de brefs délais, des problèmes pourraient se poser.
Tant sur le fond que sur la forme, le texte issu des travaux de la commission des lois permet d'atteindre les objectifs visés, s'agissant de la lisibilité et de l'harmonisation du dispositif, ainsi que de l'urgence qu'il y avait à procéder à la réforme et de répondre aux attentes fortes des professionnels et des usagers du livre foncier.
En ce que concerne la méthode, le projet de réforme, arrêté d'un commun accord - c'est pourquoi j'ai parlé de « coproduction », madame la ministre, à laquelle vous êtes maintenant vous aussi associée, avec vos services - piétinait, pour toutes sortes de raisons sur lesquelles il n'est pas nécessaire d'insister. Le temps pressait, et j'ai donc proposé à mes collègues de prendre l'initiative, avec le ferme espoir que, une fois adoptée par le Sénat, cette proposition de loi, revue, corrigée et amendée, serait examinée par l'Assemblée nationale avant la fin du mois de février pour adoption définitive. Il devrait d'ailleurs en être ainsi, puisque nos collègues députés d'Alsace-Moselle ont promis de tout faire pour que ce texte soit inscrit à l'ordre du jour réservé. Si cela n'était pas possible, on pourrait peut-être envisager de l'inscrire à l'ordre du jour prioritaire ; son examen ne prendrait guère de temps, il suffirait de l'adopter conforme ! (Sourires.) .
A cet égard, madame la ministre, vous avez donné en quelque sorte votre imprimatur au texte, comme l'on dit en d'autres lieux (Nouveaux sourires), ce dont nous ne pouvons que vous remercier. Les amendements que vous avez déposés permettent, à la suite de ceux de la commission des lois, d'aller jusqu'au bout de la logique retenue, ce qui évitera que l'on ait à y revenir un jour.
Voilà donc, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le résultat d'un travail de fond, pluridisciplinaire et consensuel, qui est l'illustration de la méthode efficace que nous avons mise au point entre Alsaciens et Mosellans.
Une étape décisive va être franchie aujourd'hui au Sénat. Cela mérite d'être souligné, de même que la qualité des travaux du GILFAM, dont je salue le président, présent au banc du Gouvernement. Le hasard veut d'ailleurs que le nouveau directeur des affaires civiles et du sceau s'occupait de ces questions quand il était substitut général à Colmar. Nous sommes donc entre Alsaciens ! Le personnel de la commission des lois est lui-même presque alsacien, pour avoir longuement élaboré et « mâchonné » ce texte ! (Sourires.)
Je voudrais également saluer le travail de l'Institut du droit local et celui des services du ministère, ainsi que la bonne volonté que vous avez manifestée, madame la ministre. Par ailleurs, je voudrais remercier les membres de la conférence des présidents pour l'accueil positif qu'ils ont réservé à cette proposition de loi.
Enfin, j'adresse mes remerciements à la commission des lois, à son président, M. René Garrec, et, à tout seigneur tout honneur ! à M. le rapporteur Daniel Hoeffel, dont le travail personnel et de très grande valeur a permis de « transformer l'essai ». Toutefois, le processus n'est pas encore parvenu à son terme, aussi restons vigilants et déterminés, afin de boucler la boucle avant que nous ne suspendions nos travaux en février. La bonne solution serait sans doute d'adopter le texte conforme, qu'on se le dise ! (Applaudissements.)
M. le président. Tout se présente apparemment sous les meilleures auspices ! Je voudrais saluer la participation à ce débat de sénateurs ne représentant pas les trois départements d'Alsace et de Moselle.
M. Hubert Haenel. Sous la présidence de M. Fischer ! (Sourires.)
M. le président. C'était calculé, monsieur Haenel ! (Nouveaux sourires).
La parole est à M. Todeschini.
M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à la suite du traité de Francfort du 10 mai 1871 officialisant l'annexion des provinces d'Alsace et de Moselle au IIe Reich, les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle continuèrent à être régis par le code civil et la loi du 23 mars 1855 relative à la transcription en matière hypothécaire. Ce système de publicité foncière faisant l'objet de nombreuses critiques, le Gouvernement et l'administration impériale envisagèrent d'entreprendre une grande réforme en introduisant la technique du livre foncier en Alsace et en Moselle.
Ainsi, le livre foncier fut introduit par la loi du 22 juin 1891 dans les communes dotées d'un cadastre rénové et qui fut maintenu jusqu'au 1er janvier 1900, date d'entrée en vigueur du code civil allemand qui modifia en profondeur le rôle de la publicité foncière.
A la suite du recouvrement de la souveraineté française sur les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, et après de nombreuses tergiversations, la République française admit l'existence d'un droit spécifique à l'Alsace-Moselle. Ainsi, contrairement à ce qui se fit en matière d'incapacités où il maintint purement et simplement les textes du droit allemand, le législateur élabora, en matière de publicité foncière, une législation originale en empruntant et en combinant harmonieusement les meilleurs éléments du droit français et du droit allemand pour former un nouveau droit alsacien-mosellan dénommé « troisième législation ».
Par cette méthode normative originale, le législateur a fait du livre foncier une véritable institution du droit français.
Le service du livre foncier dépend du ministère de la justice ; il remplit la mission dévolue dans les autres départements français aux conservations des hypothèques qui relèvent du ministère des finances et, au sein de cette administration, de la direction de l'enregistrement et du timbre.
Le livre foncier, composé de trois livres, est tenu au tribunal d'instance de la situation des biens par des magistrats et des fonctionnaires des greffes.
Depuis plus de dix ans, afin de répondre aux besoins de l'économie locale et au développement des échanges et des crédits hypothécaires transfrontaliers, la question de la modernisation du livre foncier par son informatisation s'est trouvée au coeur des préoccupations des forces vives d'Alsace-Moselle.
En effet, l'augmentation des volumes et des échanges, la mobilité des personnes, le développement des réseaux d'information ainsi que la multiplication des mentions destinées aux usagers, en matière de construction et d'environnement par exemple, ont conduit à un encombrement progressif des services tenant le livre foncier. Il est apparu également des différences de contenu entre le livre foncier et le conservatoire des hypothèques, d'où un besoin d'harmonisation entre les deux systèmes de publicité foncière.
Le projet d'informatisation s'appuie sur les expériences similaires menées en Allemagne et en Suisse, où il existe un système comparable.
C'est le groupement d'intérêt public pour l'informatisation du livre foncier d'Alsace et de Moselle - GILFAM - créé par la loi du 29 avril 1994 et regroupant l'Etat, les trois départements, la région Alsace, l'Institut de droit local et le conseil interrégional des notaires, qui a été chargé de l'informatisation.
L'informatisation doit permettre de faciliter et d'accélérer le traitement des requêtes, d'automatiser les échanges d'informations entre le cadastre et le livre foncier, d'optimiser le stockage des données et d'organiser la consultation à distance par un réseau de communication spécifique.
La procédure d'informatisation est en cours depuis 1994 et nécessite, pour sa mise en oeuvre, un cadre légal. C'est l'objet de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui et dont, comme élu d'un des départements concernés, je me félicite.
La proposition de loi telle que modifiée par la commission des lois précise le cadre légal dont l'objectif doit concilier information du public ainsi que garantie du respect de la vie privée et procède à un toilettage de la loi de 1924 ainsi qu'à une harmonisation de certaines règles locales avec le droit général.
Le livre foncier informatisé constitue une chance pour la France, qui disposera, à côté de la conservation des hypothèques, d'un système de publicité foncière donnant, par une information immédiate, une sécurité juridique aux propriétaires fonciers et aux tiers, tout en étant compatible avec les principes du droit français.
Sous réserve du sort qui sera réservé aux amendements du Gouvernement, le groupe socialiste votera bien entendu cette proposition de loi. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.

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