SEANCE DU 11 DECEMBRE 2001


M. le président. L'amendement n° II-6, présenté par MM. de Rohan, Oudin et les membres du groupe du Rassemblement pour la République, est ainsi libellé :
« Après l'article 56 septies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le titre IV du livre IV du code général des collectivités territoriales, il est inséré un titre V ainsi rédigé :
« Titre V. - Dispositions applicables aux départements métropolitains dont le territoire comprend des îles.
« Art. 3444-6. - Les départements métropolitains, dont le territoire comprend des îles définissent, dans le respect des principes de libre concurrence, sur la base du principe de continuité territoriale destiné à atténuer les contraintes de l'insularité, les modalités d'organisation des transports maritimes entre l'île et toute destination du département, en particulier en matière de desserte et de tarifs.
« Art. 3444-7. - L'Etat verse aux départements métropolitains, dont le territoire comprend des îles, un concours individualisé au sein de la dotation générale de décentralisation de ces départements, intitulé : "dotation de continuité territoriale", dont le montant évolue comme la dotation globale de fonctionnement.
« Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités de répartition de cette dotation. »
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par l'institution de taxes additionnelles aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. de Rohan.
M. Josselin de Rohan. Les départements littoraux comprennent des îles dont ils doivent assurer la desserte. Ils sont astreints à un service public dont le coût est très élevé pour le contribuable, car ces îles sont souvent éloignées du littoral jusqu'à seize kilomètres pour l'île d'Yeu. Si, en période estivale, les navettes sont évidemment très fréquentées, tel n'est pas le cas en période creuse, mais les charges restent identiques, et elles sont lourdes.
Les insulaires exigent bien évidemment le maintien d'un service public de qualité, parce qu'il est normal qu'ils puissent aller se faire soigner sur le continent ou bien y envoyer leurs enfants en pension et les commerçants doivent pouvoir se faire livrer des marchandises. Tout cela est extrêmement onéreux !
Or les insulaires du littoral atlantique ou méditerranéen savent que la Corse bénéficie d'une « dotation de continuité territoriale » destinée à effacer les coûts de l'insularité. Ils se demandent donc - et nous demandent - pour quelle raison ils ne bénéficieraient pas, eux aussi, des dispositions prises au titre de la continuité territoriale et s'il existe deux catégories d'insulaires, les Corses qui en bénéficieraient et les autres qui n'en bénéficieraient pas alors qu'ils ont exactement les mêmes contraintes que ces derniers.
C'est pourquoi nous demandons que ces îles, qui n'ont pas la chance d'être reliées au continent par un pont, puissent bénéficier d'une part de la dotation générale de décentralisation qui prendrait en charge la continuité territoriale.
M. Alain Joyandet. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. M. de Rohan vient d'exprimer une préoccupation importante et très concrète. Il est évident que des contraintes existent et que les services à prévoir pour les périodes creuses représentent des charges lourdes pour les départements concernés. Il suffit de se rendre en hiver sur les territoires insulaires qui ont été évoqués pour constater que leurs habitants ont effectivement besoin d'accéder à tous les services nécessaires à la vie ! Chacun peut imaginer, dans ces conditions, que des sacrifices importants sont réalisés par les collectivités de la côte atlantique.
Aux yeux de la commission, la question soulevée au travers de cet amendement est opportune. Je ne doute pas que le Gouvernement y répondra, tant est évidente la situation évoquée.
Il faut bien avoir à l'esprit que, selon les auteurs de l'amendement, cette dotation aurait vocation à s'appliquer à toute relation entre le corps principal du département et de petites îles situées le long du littoral, ce qui est aussi le cas, si je ne m'abuse, de petites îles et de certains îlots de Corse-du-Sud ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, vous proposez, par cet amendement, d'affirmer la compétence des départements dont le territoire comprend des îles pour organiser des liaisons avec, en contrepartie, un versement par l'Etat d'un concours individualisé au sein de la DGD, que vous intituleriez : « dotation de continuité territoriale ».
Cet amendement pose un certain nombre de difficultés. D'abord, parce que le cabotage maritime est, jusqu'à présent, une activité appartenant au secteur concurrentiel libre, dont l'organisation relève de l'initiative privée. Certes, lorsque l'initiative privée est absente ou défaillante, les départements disposent déjà de la faculté de pallier la carence de l'initiative privée en organisant eux-mêmes ce service. Mais votre amendement, qui confierait aux départements de manière générale et permanente le soin d'organiser cette activité commerciale, en les érigeant, en quelque sorte, en autorité organisatrice de transport maritime, poserait des difficultés au regard du droit européen de la concurrence.
Par ailleurs - et c'est, je crois, l'aspect essentiel de votre amendement - l'institution d'une dotation de continuité territoriale ne paraît pas justifiée car la DGD a pour objet d'assurer la neutralité financière des transferts de compétence entre l'Etat et les collectivités locales, et non de leur permettre de financer des activités qui relèvent normalement du secteur privé. De ce point de vue, la desserte de la Corse, à laquelle vous avez fait référence, était une compétence de l'Etat qui a été transférée à la collectivité territoriale de Corse avec les financements associés.
En outre, l'Etat finance déjà directement les dessertes maritimes des îles par le biais de la dotation globale d'équipement. Lorsque les départements métropolitains assument la charge financière de la liaison maritime entre les îles comprises dans leur territoire et la partie continentale, la distance qui sépare le littoral des ports insulaires est prise en compte pour le calcul de la DGE.
Enfin, votre amendement serait irrecevable dans la mesure où il conduirait à aggraver les charges de l'Etat.
Pour autant, la question du cadre juridique dans lequel peut s'exercer la concurrence entre armateurs ainsi que les aspects fiscaux et financiers des dessertes méritent d'être approfondis. Le Gouvernement est prêt à étudier ce problème et à modifier éventuellement certains textes, notamment la loi de 1982 qui régit l'organisation des transports intérieurs, afin d'accorder des compétences élargies aux collectivités locales.
Dans l'attente de ce réexamen, je souhaite, monsieur le sénateur, que vous retiriez cet amendement.
M. le président. Monsieur de Rohan, l'amendement n° II-6 est-il maintenu ? M. Josselin de Rohan. Avec élégance, Mme la secrétaire d'Etat m'a laissé entendre ce qu'il adviendrait de mon obstination. L'artillerie étant sortie, je risquerais de ne pas tenir très longtemps ! (Sourires.)
Pour autant, madame la secrétaire d'Etat, j'accueille avec intérêt votre souci de prendre en compte notre préoccupation dans un autre cadre. J'espère qu'il ne s'agit pas de propos de circonstance et que des propositions nous seront présentées très prochainement. D'ailleurs, vous pouvez compter sur nous pour vous aider à vous souvenir de notre détermination.
Le problème posé a trait, vous l'avez dit tout à l'heure, aux conditions dans lesquelles ces dessertes sont assurées. En effet, si on laissait au seul secteur privé concurrentiel le soin de desservir les îles, vous savez bien ce qui se passerait : en période estivale, les concurrents seraient très nombreux et, dans la période hivernale ou en basse saison, personne n'assurerait ces transports car ils ne sont alors pas rémunérateurs.
C'est pourquoi les départements sont bien obligés de prendre en charge cette situation et d'assurer le service public. Ils passent des conventions avec des armateurs mais, très souvent, elles sont difficiles à négocier et, surtout, comme les armateurs ne sont pas légion à se présenter pour assumer ce genre de service qui, il faut bien le dire, comporte beaucoup de contraintes, on est en réalité en situation quasi monopolistique sur notre littoral atlantique.
Enfin, s'agissant de la Corse, vous avez avancé beaucoup d'arguments, mais les Corses bénéficient, et c'est heureux, de la dotation de continuité territoriale. Vous n'arriverez pas à faire comprendre à un habitant de Groix, de l'île d'Yeu ou de Belle-Ile en quoi il est différent d'un Corse s'agissant des servitudes ou des contraintes auxquelles il est confronté !
Par conséquent, au nom de l'équité, il faut mettre en place un dispositif sinon exactement semblable à celui qui régit la Corse, du moins très voisin, car le problème est le même. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR. - M. Fréville applaudit également.)
M. le président. Si j'ai bien compris, monsieur de Rohan, vous retirez l'amendement n° II-6 ?
M. Josselin de Rohan. Oui, monsieur le président, car je n'ai pas le choix.
M. le président. L'amendement n° II-6 est retiré.
L'amendement n° II-86 rectifié, présenté par MM. Braye, Souvet, Dufaut, Lanier, Eckenspieller, Doublet, de Richemont, Murat, Cazalet, Calmejane, Valade, Guerry, César, Dubrule, Gournac, Besse, Gruillot, Demuynck, Gerbaud, Leclerc, Gaillard, Del Picchia et Ginésy et Mme Michaux-Chevry, est ainsi libellé :
« Après l'article 56 septies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'avant-dernier alinéa du II de l'article L. 5211-33 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée : "En outre, elle ne peut, au titre des troisième, quatrième et cinquième années d'attribution dans la même catégorie et sous réserve de l'application des 2° et 3° du présent article, percevoir une attribution par habitant inférieure, respectivement, à 95 %, 90 % et 85 % de la dotation par habitant perçue l'année précédente."
« II. - La perte de recettes pour l'Etat résultant du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. César.
M. Gérard César. Les communautés d'agglomération issues de la transformation d'un EPCI bénéficient d'une garantie d'évolution de la DGF pour atténuer les baisses trop brutales. Le même système existe pour la transformation des communautés urbaines en communautés à taxe professionnelle unique.
Seules les communautés d'agglomération créées ex nihilo ne bénéficient pas de ce système de garantie dégressive, et l'amendement proposé a pour objet de le leur appliquer également.
Cet amendement permet d'unifier les règles et n'entraînerait que de faibles modifications dans la répartition interne de l'enveloppe de la DGF des communautés d'agglomération.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mes chers collègues, cet amendement particulièrement intéressant tend à compléter le régime de garantie des communautés d'agglomération.
L'an dernier, le Gouvernement avait donné son accord à l'extension aux communautés d'agglomération créées ex nihilo du régime de garantie applicable aux établissements publics de coopération intercommunale issus d'une transformation. L'extension à laquelle il a été procédé l'an dernier ne portait que sur l'un des aspects du régime de garantie.
L'amendement n° II-86 rectifié tend à aligner complètement la garantie des communautés d'agglomération créées ex nihilo sur celle des établissements publics de coopération intercommunale issus d'une transformation.
A titre de conséquence pratique, l'adoption de cet amendement aboutirait à consacrer, au sein de la DGF des communautés d'agglomération qui représente 4 milliards de francs, environ 50 millions de francs de plus à la garantie et donc 50 millions de francs de moins à la répartition spontanée ; c'est une modulation qui serait équitable et tout à fait raisonnable en montant.
Pour l'ensemble de ces raisons, la commission a émis un avis tout à fait favorable sur cet amendement.
M. Gérard César. Merci, monsieur le rapporteur général !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, vous proposez d'étendre aux communautés d'agglomération créées ex nihilo le régime de garantie dégressive sur cinq ans aujourd'hui réservé aux EPCI qui se transforment et changent de catégorie.
Je ne suis pas favorable à cette proposition dans la mesure où ce régime de garantie dégressive sur cinq ans a pour objet d'éviter que la DGF des EPCI préexistants ne baisse brutalement alors qu'ils n'auraient pas encore eu le temps d'adapter leur politique fiscale du fait de ce changement de catégorie.
Cela se justifie d'ailleurs très bien par le fait que ces groupements avaient déjà souscrit un certain nombre d'engagements avant la transformation juridique qu'ils ont choisie. De ce fait, ils ont besoin d'un minimum de stabilité de leurs ressources.
En revanche, un groupement créé ex nihilo n'a pas, par définition, d'engagements antérieurs ; il n'est dès lors pas légitime de lui garantir le même niveau de DGF qu'à un groupement qui se transforme. Sa DGF doit ainsi directement dépendre de son intégration fiscale réelle selon les règles de droit commun.
Pour ces raisons, je vous invite à retirer votre amendement, monsieur le sénateur.
M. le président. Monsieur César, l'amendement n° II-86 rectifié est-il maintenu ?
M. Gérard César. J'ai bien sûr écouté le propos que vient de tenir Mme le secrétaire d'Etat, mais j'ai surtout entendu ce qu'a dit M. le rapporteur général, et je m'en tiens à sa réflexion. Je maintiens donc l'amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-86 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 56 septies.
L'amendement n° II-79 rectifié, présenté par M. Mercier et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :
« Après l'article 56 septies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le premier alinéa du 2° du II de l'article 1609 nonies C du code général des impôts, est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation aux dispositions de l'alinéa précédent, dans les établissements publics de coopération intercommunale qui décident d'appliquer les dispositions du 1°, et lorsqu'ils percevaient une fiscalité additionnelle l'année précédant celle de l'application de ces dispositions, les rapports entre les taux de taxe d'habitation et des taxes foncières établis par l'établissement public de coopération intercommunale peuvent être égaux aux rapports entre le taux de taxe d'habitation et de taxes foncières votés par lui l'année précédente. »
La parole est à M. Mercier.
M. Michel Mercier. Cet amendement a pour objet à la fois de remédier à une excessive rigidité quant à la fixation des taux de certains impôts des établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, et de responsabiliser les élus membres des conseils desdits EPCI.
Lorsqu'un EPCI perçoit la fiscalité classique, c'est-à-dire la fiscalité additionnelle à la fiscalité des communes, il dispose de la liberté de répartir la charge fiscale entre les contribuables aux quatre impôts directs locaux.
Lorsqu'un EPCI décide d'adopter le régime fiscal de la taxe professionnelle unique, la TPU, et que le produit de cette TPU est insuffisant pour assurer la couverture de ses charges, il doit alors voter des taux additionnels aux trois impôts reposant sur les ménages. Il n'a alors plus aucune latitude puisque le poids respectif de chacun de ces trois impôts dans le produit de la « fiscalité mixte » résulte obligatoirement d'une opération purement mathématique : c'est la moyenne des rapports entre les taux constatés dans les communes membres de l'EPCI qui est retenue.
L'amendement n° II-79 rectifié a donc simplement pour objet de permettre à l'EPCI à fiscalité additionnelle qui se transforme en EPCI à taxe professionnelle unique de conserver, pour la détermination du taux des impôts reposant sur les ménages, le poids respectif de chacun d'entre eux dans le produit total qui existait antérieurement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je veux saluer la clarté des explications données par M. Michel Mercier, orfèvre en ces matières, qui nous a montré l'effet pervers lié à certains aspects de la mécanique actuelle de passage à la taxe professionnelle unique.
Pour éviter cet effet pervers susceptible de se manifester dans certains cas, l'amendement n° II-79 rectifié vise à permettre à un EPCI adoptant le régime fiscal de la taxe professionnelle unique de conserver le rapport entre les taux des impôts reposant sur les ménages qu'il pratiquait lorsqu'il était soumis au régime de la fiscalité additionnelle.
La commission adhère à la solution ici préconisée et émet un avis très favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Si j'ai bien compris les explications très claires de M. Mercier sur un dispositif lui-même très complexe, je crains que l'avis du Gouvernement ne soit pas favorable. (Exclamations sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants. - M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général s'exclament également.)
M. Michel Mercier. Cela ne m'étonne pas !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. En effet, cette proposition, si je l'ai bien comprise, a pour objet de laisser le choix à un EPCI à taxe professionnelle unique, pour la première année de perception de la fiscalité mixte, de fixer les taux de taxe d'habitation et de taxe foncière soit selon le système actuel, soit de manière que les rapports entre ces taux soient égaux aux rapports entre ceux de la taxe d'habitation et des taxes foncières qui étaient votés par l'établissement public de coopération intercommunale l'année précédente.
M. Michel Mercier. Voilà !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Cet amendement remettrait donc en cause le dispositif adopté dans le cadre de la loi de juillet 1999. En effet, pour faciliter le passage des EPCI à taxe professionnelle unique, cette loi a permis d'opter pour la perception d'une fiscalité reposant sur les ménages. Mais le recours à cette fiscalité n'a pas été conçu pour constituer une sorte de complément de ressources, et elle n'est en aucun cas une continuité de la fiscalité additionnelle.
Si j'ai bien compris également, monsieur Mercier, votre proposition offrirait une sorte de liberté de choix dans les modalités de fixation des taux de taxe d'habitation et des taxes foncières pour les EPCI à taxe professionnelle unique qui sont issus d'EPCI à fiscalité additionnelle par rapport aux EPCI à taxe professionnelle unique, créés ex nihilo et qui, eux, ne pourraient pas recourir à votre proposition.
Enfin, si cette mesure peut effectivement conduire dans certains cas à diminuer la pression fiscale sur les ménages, dans d'autres cas, elle peut aussi aboutir, selon les choix opérés, à l'augmenter.
M. Michel Mercier. Pas du tout !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Dans ces conditions, il ne me semble pas opportun d'ajouter un nouveau dispositif de modalités de fixation des taux. La multiplication de ces règles est de nature à rendre encore plus complexe un dispositif qui l'est déjà considérablement, encore plus opaques les principes qui les motivent et encore plus instables les conditions de leur application.
Pour toutes ces raisons, monsieur le sénateur, je vous invite à retirer votre amendement.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est incroyable !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Madame le secrétaire d'Etat, le Gouvernement est-il, oui ou non, favorable à la taxe professionnelle unique ? Je pense que la réponse est « oui ».
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Effectivement !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Les établissements publics de coopération intercommunale ne veulent pas ou ne peuvent pas passer au régime fiscal de la taxe professionnelle unique, sauf, en effet, à percevoir un peu de fiscalité mixte, et ce pour deux raisons.
Tout d'abord, dans certains groupements, la taxe professionnelle unique ne suffit pas.
Par ailleurs, nous démantelons chaque année davantage cet impôt. Or, comment fonder l'avenir d'un établissement public de coopération intercommunale sur un impôt que l'on démantèle ? Dès lors, pourquoi ne pas comprendre que la « fiscalité mixte » est inévitable ?
A partir du moment où nous avons admis cet enchaînement, madame le secrétaire d'Etat, levons tout malentendu : il ne s'agit pas d'accroître la pression fiscale ; je voudrais que le Gouvernement soit aussi sage que les gestionnaires locaux !
M. Jean Chérioux. Oh oui !
M. Patrick Lassourd. Il y a du travail à faire !
M. Jean Chérioux. Surtout en ce moment !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce ne sont pas des cadeaux toutes les fins de semaine !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Dès lors, madame le secrétaire d'Etat, l'amendement tout à fait opportun de Michel Mercier vise à ce que le poids respectif de chacun des trois impôts reposant sur les ménages dans le produit de la fiscalité mixte ne résulte pas d'un rapport entre les taux différent de celui que connaissaient les contribuables précédemment.
M. Michel Mercier. Exactement !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je vous assure que les contribuables peuvent comprendre cette mesure. Ils la demandent même et l'attendent. Il reste à espérer que ce dispositif soit compris par l'élite de la nation.
M. Jean Chérioux. Et par les services du ministère des finances !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-79 rectifié.
M. Michel Mercier. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mercier.
M. Michel Mercier. Madame le secrétaire d'Etat, je n'ai pas dû être assez clair ! Je crois que, en matière d'établissements publics de coopération intercommunale, deux cas peuvent se présenter : soit l'établissement existait déjà, soit il n'existait pas.
Mon amendement a un objet tout simple : en matière fiscale, en effet, il n'y a rien de pire que le désordre !
Prenons donc le cas d'un établissement public qui existait déjà. Il avait une fiscalité additionnelle classique, et le rapport entre les poids respectifs de chaque impôt était librement déterminé par lui. S'il adopte le régime fiscal de la taxe professionnelle unique, il a alors tout intérêt à trouver la plupart ou même la totalité des ressources dont il a besoin dans cette TPU.
Mais si cette TPU est insuffisante, il lui faut accroître un peu la fiscalité pesant sur les ménages ; il a donc une fiscalité mixte. Si cette part complémentaire de fiscalité sur les ménages, en plus de la TPU, est répartie comme auparavant, le poids de l'impôt ne sera guère changé pour les contribuables. Mais si ce complément de fiscalité pesant sur les ménages est réparti d'une façon totalement différente - une commune membre de l'EPCI peut par exemple, du fait d'une richesse particulière, décider de bouleverser le taux de ses impôts -, un désordre s'ensuivra, qui aboutira à ce que l'EPCI soit mal accepté par les contribuables.
Si l'on peut concevoir d'imposer à un établissement public nouveau une règle de répartition, il paraît en revanche préférable, pour un EPCI déjà préexistant, de ne pas bouleverser la répartition de l'impôt. L'amendement n'a pas d'autre objet ; il vise simplement à donner le choix à l'EPCI préexistant : soit, s'il ne veut pas bouleverser la répartition de l'impôt, il conserve les rapports entre les taux de taxe d'habitation et de taxes foncières votés par lui l'année précédente, soit il accepte le bouleversement éventuel que décideront les communes. C'est une toute petite chose qui devrait permettre à l'EPCI de bien fonctionner, et je suis sûr, madame le secrétaire d'Etat, que, puisque, comme nous, vous êtes certainement attachée au succès de la loi du 12 juillet 1999, vous allez, à cette fin, soutenir notre amendement. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. Jean Chérioux. Très bien !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. MonsieurMercier, à vous entendre, il ne devrait pas y avoir, en France, d'EPCI à taxe professionnelle unique !
M. Michel Mercier. Pas du tout !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. On a le sentiment que les règles qui ont été édictées sont impropres au développement de l'intercommunalité et au développement de ce qui, je crois, nous a tous motivés ici, c'est-à-dire une taxe professionnelle unique correspondant à un principe d'intégration fiscale, laquelle était souhaitée par tous.
Si j'en crois les derniers chiffres publiés par le ministère de l'intérieur, la taxe professionnelle unique a été adoptée par 515 établissements publics de coopération intercommunale, ce qui touche près de 21 millions d'habitants, soit une multiplication par cinq en moins de deux ans.
M. Mercier nous dit que, pour les contribuables, le système qu'il propose serait plus simple dans la mesure où les taux de fiscalité se retrouveraient d'une année sur l'autre, indépendamment des modifications de structures apportées à l'EPCI. Je le comprends très bien. Mais, mesdames, messieurs les sénateurs, cela reviendrait, me semble-t-il - je suis moins spécialiste que vous de cette question - à nier la réforme qui a été souhaitée et qui va dans le sens d'une intégration fiscale accrue au sein de l'établissement public de coopération intercommunale.
Qu'un effort d'explication vis-à-vis des ménages qui habitent les communes regroupées à l'intérieur d'un EPCI soit nécessaire, c'est sûr, mais je ne crois pas qu'il faille aller contre le principe de la réforme.
M. Michel Mercier. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Mercier.
M. Michel Mercier. Madame la secrétaire d'Etat, je suis désolé que l'on ne parvienne pas à s'entendre sur cette affaire, qui est certes importante mais qui ne concerne tout de même qu'un détail.
Dans cette assemblée, nous sommes tous très attachés à l'intégration fiscale. J'ai présenté moi-même, en tant que rapporteur à l'époque, les dispositions relatives à la taxe professionnelle unique, qui ont été votées très majoritairement par le Sénat. On ne peut donc pas nous accuser de vouloir démanteler ce que nous avons mis en place !
En effet, il s'agit non pas de démanteler la taxe professionnelle unique mais de la rendre possible dans des établissements publics qui existent depuis longtemps, qui voient que la TPU ne fournira pas les recettes nécessaires à leur fonctionnement et qui devront recourir, pour une partie de leurs recettes fiscales aux impôts sur les ménages.
Il s'agit tout simplement, dans ce cas-là, de ne pas bouleverser la répartition entre les contribuables des impôts sur les ménages demandés par l'EPCI. Nous n'avons pas d'autre souhait. Aussi, je ne comprends pas, madame la secrétaire d'Etat, que vous n'acceptiez pas cette petite souplesse, qui devrait permettre à des EPCI qui n'ont encore pas pu le faire de recourir à la taxe professionnelle unique.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Madame le secrétaire d'Etat, sans être désobligeant, je vous pose la question : qui de vous, de votre entourage ou de nous rencontre le plus d'élus locaux ? Je pense que c'est nous ! (Mme le secrétaire d'Etat fait un geste dubitatif.)
Tout à l'heure, vous nous avez communiqué des statistiques qui, pardonnez-moi de vous le dire, ne reflètent en rien la réalité puisqu'on ne sait pas si les EPCI ayant fait le choix de la TPU avaient aussi opté pour une fiscalité mixte.
Nous, nous rencontrons surtout des élus qui veulent faire passer leur EPCI à la TPU à condition de pouvoir y ajouter la fiscalité mixte.
Ce qu'il serait utile de dénombrer, ce sont les EPCI qui ne peuvent pas passer à la taxe professionnelle unique parce qu'ils ne peuvent opter pour la fiscalité mixte en raison des modalités pratiques d'application de celle-ci.
Vraiment, madame le secrétaire d'Etat, nous nous trouvons dans une incompréhension mutuelle, qui confine à l'autisme. Franchement, prétendre que les modalités actuelles de passage à la taxe professionnelle unique sont parfaites fera sourire, voire rire, s'ils ne se retiennent pas, les élus locaux de la France entière !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Madame la secrétaire d'Etat, je vais, à mon tour, tenter de vous convaincre en espérant être un peu plus efficace que je ne l'ai été tout à l'heure.
Je suis, personnellement, neutre dans cette affaire, étant, sur le plan local, opposé et à la communauté d'agglomération et à la taxe professionnelle unique pour toutes sortes de raisons que j'assume pleinement.
Ce qui nous est proposé concerne les EPCI qui souhaitent se doter de la TPU et d'une fiscalité additionnelle. La loi le leur permet, vous ne pouvez dire le contraire. Comme le rappelait le président Alain Lambert, cette possibilité répond à la prudence : qui peut aujourd'hui nous dire quel sera l'avenir de la taxe professionnelle dans cinq, dix ou vingt ans ?
Vous n'êtes pas encore élue, madame la secrétaire d'Etat, vous n'avez pas encore le temps de vous investir dans les affaires locales ; mais, si vous étiez élue d'une commune quelconque - c'est-à-dire une commune autre que Paris -, vous reconnaîtriez la réalité du problème que nous évoquons et vous sauriez que, si l'on veut construire dans la durée en matière d'intercommunalité, il faut bâtir sur des bases stables. Il est donc normal que l'on se tourne vers la formule de la TPU avec fiscalité additionnelle si l'on fait le choix de cette intégration communale assez poussée, que, pour ma part, je le répète, je refuse pour Compiègne mais que d'autres approuvent et souhaitent : c'est la force de notre système d'institutions locales que de permettre aux différentes collectivités d'opérer librement des choix différents.
Actuellement, la fiscalité mixte n'est permise qu'à condition que le rapport entre les taux des différents impôts sur les ménages résulte de la moyenne des rapports entre les taux observés dans les différentes communes de l'intercommunalité.
M. Mercier vous demande d'ouvrir la possibilité d'une option entre cette formule, dont on ne nie pas l'opportunité dans tel ou tel cas, notamment pour les créations ex inhilo, et une autre formule qui s'inscrirait simplement dans la continuité de ce que faisait auparavant l'établissement public de coopération intercommunale concerné.
En outre, madame la secrétaire d'Etat, cette marge de liberté supplémentaire qui serait ainsi donnée aux EPCI ne coûterait rien à l'Etat.
Dans ces conditions, on peut penser que, si vous refusez, c'est peut-être parce que l'amendement n'émane pas tout à fait de la bonne source ! Ou alors ce serait une question d'amour propre d'auteur ? Je me perds en conjectures, parce que, vraiment, cette mesure a tout pour plaire ; elle a notamment la qualité principale de permettre aux élus locaux de trouver des modalités concrètes d'intégration pour leurs différents projets en conciliant l'inconciliable.
Vous le savez, madame la secrétaire d'Etat, l'intercommunalité n'est pas facile à mettre en oeuvre. Vous l'administrez d'en haut en envoyant des notes administratives très respectables. Mais, vu d'en bas, c'est autre chose ! Il faut d'abord décoder pour tous les élus locaux la multiplicité de textes inextricables. Avez-vous déjà essayé ? Non ! Cela n'entre pas dans la mission que vous avez exercée jusqu'ici. Faites-nous donc confiance ! Nous ne sommes pas ici pour vous piéger ; nous sommes ici pour vous faire part de notre expérience, en l'occurrence pour mettre le doigt sur les blocages techniques qui existent uniquement en raison de la manière dont les textes sont écrits.
Ces blocages ne résultent pas d'une volonté. Ils n'ont pas été voulus lors de la rédaction de la loi de juillet 1999. Tout simplement, la matière est compliquée et l'on n'a pas tout prévu. Le même cas s'est présenté pour le CIF ; grâce à vous, les problèmes relatifs aux modalités de calcul du CIF ont pu être réglés de façon satisfaisante. Faisons de même pour un élément de la loi de 1999 qui n'a pas été réglé au moment de son élaboration !
Je parle de cette loi devant notre collègue Daniel Hoeffel ; qui en a été le rapporteur ; et qui, notamment avec Michel Mercier, rapporteur pour avis de la commission des finances, a fait un travail extrêmement important ; ce travail a nourri, vous le savez, mes chers collègues, les débats d'une commission mixte paritaire pendant plusieurs jours, ce qui est très rare dans la vie parlementaire, surtout lorsque la majorité politique des deux assemblées est différente. En l'occurrence, nous avons voulu nous accorder entre gens d'expérience ; quelles que soient les sensibilités politiques des uns et des autres.
Nous l'avons fait d'autant mieux, allais-je dire, qu'au sein d'une commission mixte paritaire le Gouvernement ne siège pas. Seuls y participent les élus, aux termes de la Constitution.
La commission mixte paritaire est d'ailleurs le plus bel instrument de la Ve République, trop peu utilisé, mais, là, il a fonctionné comme il convient, comme un lieu d'expression de la volonté générale et il a abouti à un texte. Toutefois, ce texte, nous nous en apercevons au fur et à mesure de son application, comporte encore des lacunes. Aujourd'hui, nous pointons l'une d'elles : ce n'est pas pour porter un jugement de valeur, c'est pour prendre en compte la vie concrète de nos collectivités.
Bref, madame la secrétaire d'Etat, à notre souhait d'obtenir une petite marge de liberté supplémentaire pour régler le problème posé dans le sens des objectifs visés par le Gouvernement, puisqu'il veut, paraît-il, plus d'intercommunalité, plus d'intégration, vous répondez négativement. Croyez-moi, cette réponse suscite notre surprise, notre incompréhension, mais aussi notre déception.
Nous réitérons donc notre demande : réfléchissez à nouveau et revenez sur votre appréciation négative, vraiment incompréhensible.
M. Paul Blanc. Quelle plaidoirie !
M. Daniel Hoeffel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Je tiens à apporter le témoignage du rapporteur de la loi de juillet 1999 que je fus, avec M. Michel Mercier.
Nous avons voulu que la taxe professionnelle unique consacre la forme la plus élaborée des établissements publics de coopération intercommunale. Pour ma part, je la pratique sur le terrain. Mais, pour aboutir à cette forme d'intercommunalité, il faut, pendant les premières années qui suivent la création d'un EPCI, éviter les secousses fiscales incompréhensibles pour l'électeur et pour le contribuable de base, car ces secousses qui risqueraient d'être préjudiciables à la cause de l'intercommunalité.
J'ose espérer, madame la secrétaire d'Etat, que, souscrivant à notre souhait, vous accepterez qu'une fiscalité mixte appliquée dans les conditions que nous préconisons puisse s'ajouter à la TPU au cours des premiers exercices, ce qui fera mieux accepter par les élus et la population la forme la plus élaborée de l'intercommunalité.
C'est, je crois, l'unique objet de la proposition qui vous est présentée et qui est tout simplement réaliste. Madame la secrétaire d'Etat, je souhaite hardemment que vous acceptiez de la concrétiser pour une certaine durée.
M. le président. Madame le secrétaire d'Etat, maintenez-vous votre position ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-79 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 56 septies.
Je constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité !
L'amendement n° II-119 rectifié, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
« Après l'article 56 septies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 1638 quater du code général des impôts est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Lorsqu'il fait application des dispositions des I, II et III à la suite du rattachement volontaire d'une commune à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, le produit communiqué à l'établissement public en début d'exercice par les services fiscaux et qui découle de l'état de notification des bases tient compte du taux applicable dans la commune rattachée. »
Cet amendement n'est pas soutenu.

Article 56 octies