SEANCE DU 5 DECEMBRE 2001


SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Loi de finances pour 2002. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 1 ).

Outre-mer (p. 2 )

MM. Roland du Luart, rapporteur spécial de la commission des finances ; Daniel Raoul, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour les aspects sociaux ; MM. José Balarello, rapporteur pour avis de la commission des lois pour les départements d'outre-mer ; Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis de la commission des lois pour les territoires d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie ; Paul Vergès, Claude Lise, Rodolphe Désiré, Gaston Flosse, Jean-Paul Virapoullé.

Suspension et reprise de la séance (p. 3 )

PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER

3. Conférence des présidents (p. 4 ).

4. Loi de finances pour 2002. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 5 ).

Outre-mer (suite) (p. 6 )

MM. Dominique Larifla, Georges Othily, Mmes Lucette Michaux-Chevry, Anne-Marie Payet, MM. Simon Loueckhote, Robert Laufoaulu, Victor Reux.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Crédits des titres III à VI. - Rejet (p. 7 )

5. Rappel au règlement (p. 8 ).
MM. Jean-Paul Amoudry, Alain Richard, ministre de la défense.

6. Loi de finances pour 2002. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 9 ).

Défense (p. 10 )

MM. Maurice Blin, rapporteur spécial de la commission des finances pour l'exposé d'ensemble et les dépenses en capital ; François Trucy, rapporteur spécial de la commission des finances pour les dépenses ordinaires ; Alain Richard, ministre de la défense.
MM. Jean Boyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la section « Marine » ; Jean Faure, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour le nucléaire, l'espace et les services communs ; Philippe François, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la section « Gendarmerie » ; Serge Vinçon, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la section « Forces terrestres » ; Xavier Pintat, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la section « Air » ; le ministre.
MM. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères ; le ministre.
MM. Jean-Pierre Masseret, le ministre.
MM. Bernard Plasait, le ministre.

Suspension et reprise de la séance (p. 11 )

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL

MM. Georges Mouly, le ministre.
MM. Michel Caldaguès, le ministre.
Mme Jacqueline Gourault, M. le ministre.
MM. Jean-Yves Autexier, Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense, chargé des anciens combattants.
Mme Maryse Bergé-Lavigne, M. le secrétaire d'Etat.
MM. Philippe de Gaulle, le secrétaire d'Etat.
MM. Jean-Guy Branger, le secrétaire d'Etat.
Mme Hélène Luc, M. le secrétaire d'Etat.
MM. André Rouvière, le secrétaire d'Etat.
MM. Hubert Haenel, le secrétaire d'Etat.
MM. Robert Del Picchia, le secrétaire d'Etat.

Article 31 (p. 12 )

Amendement n° II-54 rectifié du Gouvernement. - MM. le secrétaire d'Etat, François Trucy, rapporteur spécial, Alain Lambert, président de la commission des finances, Mme Hélène Luc, MM. Jean-Pierre Masseret, Michel Caldaguès, Patrice Gélard. - Rejet par scrutin public.
Rejet des crédits du titre III.
Rejet, par scrutin public, de l'article.

Article 32 (p. 13 )

Amendement n° II-55 rectifié du Gouvernement. - MM. le secrétaire d'Etat, Maurice Blin, rapporteur spécial. - Rejet.
MM. Serge Vinçon, le secrétaire d' Etat, le président de la commission des finances.
Rejet, par scrutin public, des crédits du titre V.
Rejet des crédits du titre VI.
Rejet de l'article.

Article additionnel après l'article 64 ter (p. 14 )

Amendement n° II-78 rectifié de M. Gaston Flosse. - MM. Serge Vinçon, Maurice Blin, rapporteur spécial ; le secrétaire d'Etat. - Irrecevabilité.

Fonction publique et réforme de l'Etat (p. 15 )

MM. Gérard Braun, rapporteur spécial de la commission des finances ; Daniel Eckenspieller, Jean-Jacques Hyest, Mme Josiane Mathon, M. Jacques Mahéas.
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Services du Premier ministre (suite)

I. - SERVICES GÉNÉRAUX (suite) (p. 16 )

Crédits du titre III (p. 17 )

M. le rapporteur spécial.
Rejet des crédits.

Crédits du titre IV. - Rejet (p. 18 )

Crédits du titre V (p. 19 )

M. le rapporteur spécial.
Rejet des crédits.

Article 78 (p. 20 )

Amendement n° II-32 de la commission. - MM. le rapporteur spécial, le ministre, Jacques Mahéas, Bruno Sido. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

7. Texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 21 ).

8. Dépôt de projets de loi (p. 22 ).

9. Dépôt de rapports (p. 23 ).

10. Dépôt d'un rapport d'information (p. 24 ).

11. Ordre du jour (p. 25 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à onze heures quinze.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

LOI DE FINANCES POUR 2002

Suite de la discussison d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2002 (n° 86, 2001-2002), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 87 (2001-2002).]

Outre-mer

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant l'outre-mer.

La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, c'est avec plaisir, après trois années d'interruption, que je reviens à cette tribune pour présenter le point de vue de la commission des finances sur les crédits de l'outre-mer.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous nous présentez cette année un budget de plus de 1 milliard d'euros, qui augmente, à structure constante, de 3,1 % par rapport à celui qui a été proposé l'année dernière.
Avant de vous faire part de mes observations sur l'utilisation de ces moyens, je vous poserai une première question : comment se présente la négociation de votre contrat de gestion pour l'année 2002, si tant est qu'il y ait une négociation ?
Mes chers collègues, il s'agit là non pas de « cuisine budgétaire », mais d'un préalable destiné à mettre en perspective la portée de notre vote.
L'année dernière, le Parlement a autorisé le secrétariat d'Etat à l'outre-mer à dépenser une certaine somme - 1,04 milliard d'euros - mais, au titre du contrat de gestion, plus de 13 % de cette somme ont été mis en réserve, c'est-à-dire que le secrétariat d'Etat n'a pas eu le droit de dépenser ces 13 %.
Plus gênant : les mises en réserve portaient essentiellement sur les dépenses d'investissement, et sur 40 % de leur montant !
En sera-t-il de même en 2002, monsieur le secrétaire d'Etat ? Ne serait-il pas plus sincère que vous nous présentiez un budget moins imposant, mais qui sera exécuté, plutôt qu'un budget qui affiche un niveau de dépenses d'investissement supérieur de 40 % à ce que vous aurez effectivement le droit de dépenser ?
De même, ne serait-il pas plus sincère qu'avant d'accroître vos moyens vous résorbiez le stock important des reports de crédits dont, ces dernières années, le montant majore de 20 % les sommes à votre disposition au titre d'un exercice ?
Je voudrais maintenant évoquer des crédits dont la maîtrise ne semble pas constituer l'une des priorités du Gouvernement : les dépenses en faveur de l'emploi aidé, financées par le fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, le FEDOM.
Ces crédits constituent désormais près de la moitié de votre budget. Leur montant augmente plus que le total des crédits du secrétariat d'Etat à l'outre-mer.
Il faut préciser que cette augmentation résulte, en partie, de la mise en oeuvre des dispositions de la loi d'orientation et de la loi relative à Mayotte. Comme ce n'est pas si fréquent, il faut se féliciter que, sur ce point, le Gouvernement respecte ses engagements.
Cela ne signifie pas qu'il faille toujours partager ses orientations. Dans les dispositions de la loi d'orientation, je retiens que le projet initiative-jeunes, ou PIJ, est une bonne mesure, car il prévoit des aides pour les bénéficiaires d'emplois-jeunes souhaitant créer une entreprise.
Ce souci d'orienter les emplois-jeunes vers l'emploi marchand est louable. Mais sera-t-il suffisant compte tenu du nombre important d'emplois-jeunes créés ces dernières années ?
L'augmentation du coût des emplois-jeunes est, cette année, encore une fois, la principale explication de l'augmentation des crédits de l'outre-mer, alors même que les crédits disponibles ne sont pas tous consommés - je l'ai déjà dit - et que, si je ne m'abuse, plus d'un millier d'emplois-jeunes existants ont déjà été supprimés.
Monsieur le secrétaire d'Etat, dans le cadre de la mise en oeuvre des dispositions de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances, votre secrétariat d'Etat va devoir établir des indicateurs de performances. Je voudrais, si vous me le permettez, vous en suggérer un : que la baisse du chômage outre-mer, qui semble s'esquisser - nous nous en félicitons tous -, s'accompagne d'une diminution des crédits consacrés aux emplois aidés. Si tel était le cas, cela voudrait dire qu'un processus de création d'emplois est véritablement enclenché.
Ce sont les entreprises qu'il faut aider à créer des emplois marchands. Je rappelle que les exonérations de charges sociales décidées dans la loi d'orientation coûteront aux finances publiques 533 millions d'euros - près de 3,5 milliards de francs -, soit l'équivalent de plus de la moitié du budget du secrétariat d'Etat. A ce prix-là, je vous invite, monsieur le secrétaire d'Etat, à procéder au suivi fin de l'effet des exonérations de charges sur la création d'emplois, et à ne pas oublier d'en rendre compte au Parlement.
Il est un autre point qui constitue un handicap lourd pour le secteur marchand outre-mer : les surrémunérations des fonctionnaires. Outre-mer, il est globalement plus intéressant financièrement de travailler dans le secteur public que dans le secteur privé.
Ce régime de rémunération est particulièrement coûteux. En 1999, cela représentait plus de 5 milliards de francs. A ce sujet, monsieur le secrétaire d'Etat, je regrette vivement que vos services ne m'aient pas communiqué les chiffres pour 2000, et je vous poserai deux questions.
Pourquoi le décret qui devait supprimer les primes d'éloignement, dont la loi d'orientation prévoit qu'il devait intervenir dans les trois mois de la promulgation de la loi, n'est-il, près d'un an après, toujours pas paru ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer. Il arrive !
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Que pensez-vous de la proposition, formulée notamment par notre collègue Claude Lise, selon laquelle les majorations de traitement pourraient être progressivement supprimées, les crédits ainsi dégagés étant consacrés au développement économique ?
Je formulerai maintenant, monsieur le secrétaire d'Etat, quelques observations sur les dépenses d'investissement de votre budget.
Les dépenses en faveur du logement constituent, pour nous tous, une priorité absolue, car nos concitoyens d'outre-mer ont droit, comme tout le monde, à un logement décent. Or le parc immobilier outre-mer est, convenons-en, encore loin d'être « au niveau ».
Je voudrais, à cet égard, attirer votre attention sur les conséquences de la disparition de la créance de proratisation. En autorisations de programme, cette disparition a été compensée à due concurrence, ce qui est nécessaire. En crédits de paiement, la compensation a été inférieure, ce qui est normal, car la situation antérieure aboutissait à des reports de crédits.
Mais, attention ! En 2002, les engagements de crédits de paiement devraient absorber la quasi-totalité des reports disponibles, si bien que, faute d'une augmentation des crédits de paiement l'année prochaine, les moyens disponibles pour les aides au logement diminueront. Nous n'en sommes pas là, mais nous devons être très vigilants sur ce point.
Toujours en matière d'investissement, j'évoquerai les deux fonds, le FIDOM, le fonds d'investissement des départements d'outre-mer, et le FIDES, le fonds d'investissement pour le développement économique et social des territoires d'outre-mer. Vous le savez, j'ai effectué, à la suite de mon prédécesseur Henri Torre, un contrôle du fonctionnement du FIDOM, et j'ai été effaré de l'ampleur de la tâche qui reste à accomplir avant de pouvoir satisfaire aux obligations fixées par la nouvelle loi organique relative aux lois de finances en matière d'évaluation de l'efficacité des dépenses.
Dans ce domaine, l'information disponible est - je regrette d'avoir à le dire - inexistante. Comment allez-vous vous y prendre pour permettre aux parlementaires de savoir à quoi servent les crédits qu'ils votent chaque année, et si leur emploi est le plus adapté possible aux besoins constatés outre-mer ?
Quelles solutions envisagez-vous pour que les textes qui régissent le FIDOM et le FIDES soient en adéquation avec le mode de fonctionnement réel de ces fonds ?
Je poserai une autre question sur les dispositifs d'aide à l'investissement. Elle concerne les dispositifs fiscaux. L'année dernière, nous avons remplacé la loi Pons par un dispositif de crédit d'impôt, qui n'est toujours pas en vigueur, faute de décrets d'application. Pourquoi la France n'a-t-elle toujours pas obtenu le feu vert des autorités communautaires ? Quels sont les points d'achoppement ? Quand les investisseurs seront-ils fixés ?
Avant de conclure, j'évoquerai brièvement trois questions.
La première, c'est la mise en oeuvre du nouveau statut de la Nouvelle-Calédonie. Des transferts de compétences sont prévus, mais aucun n'est mis en oeuvre. Pendant ce temps, des crédits s'accumulent dans votre budget, sans être dépensés. Pourquoi ces blocages ? Un exemple m'intrigue : le vice-rectorat. Il n'y a pas plus de crédits pour le faire fonctionner au budget de l'éducation nationale, mais ceux qui ont été transférés à votre budget ne sont pas dépensés. Comment fonctionne-t-il ?
Autre sujet calédonien : les critères que vous avez fixés par décret pour la répartition de la dotation d'équipement des collèges sont inadaptés, et la province sud reçoit beaucoup moins d'argent qu'elle n'en dépense, ce que mon collègue Loueckhote m'a confirmé récemment. Comment comptez-vous résoudre ce problème ? Il est inquiétant que, dans ce territoire aujourd'hui apaisé grâce à une action positive du Gouvernement, 40 millions de francs manquent pour réaliser l'investissement que chacun appelle de ses voeux et qui est judicieux, afin que des jeunes ne soient pas en surnombre dans certains collèges de la province sud.
Je ne peux pas ne pas évoquer la question des ordonnances. La procédure des ordonnances est, dans son principe, un dessaisissement, au profit de l'exécutif, du pouvoir législatif du Parlement. Elle est donc à manier avec précaution.
Au minimum, les ordonnances publiées doivent être soumises à ratification au Parlement. Or, aujourd'hui, un stock très important d'ordonnances n'a pas été examiné par les assemblées. Quand envisagez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, d'inscrire à l'ordre du jour les projets de loi déposés sur le bureau du Sénat ?
Par ailleurs, un grand nombre d'ordonnances doivent être publiées avant le 30 mars 2002. Tiendrez-vous ce délai, monsieur le secrétaire d'Etat ? Peut-être le Sénat devra-t-il siéger jusqu'à la fin du mois de mars ?
Enfin, j'évoquerai les évolutions statutaires. Le développement économique de l'outre-mer passe par une adaptation des institutions aux réalités et aux nécessités locales, dans le sens d'une plus grande efficacité. Cependant, monsieur le secrétaire d'Etat, un trop grand activisme en ce domaine peut se révéler contre-productif, et je tiens à vous faire part de l'inquiétude des entreprises implantées outre-mer qui, pour être compétitives, ont besoin sinon de stabilité institutionnelle, du moins de savoir où elles vont.
Si j'en crois notre collègue Claude Lise, les congrès issus de la loi d'orientation sont un succès. Tant mieux ! Tout ce qui fonctionne doit être encouragé. Mais je vous avoue que je regarderais avec moins de bienveillance le retour éventuel de projets d'assemblées uniques, qui me semblent plein d'incertitude et, en tout cas, dangereux pour les entreprises.
Les plus hautes autorités de l'Etat se sont récemment exprimées sur les perspectives d'évolutions institutionnelles de l'outre-mer Qu'en retirez-vous ? Lesquelles vous semblent les plus susceptibles de favoriser le développement économique ?
Telles sont, mes chers collègues, les observations que je pouvais formuler sur le projet de budget de l'outre-mer qui nous est soumis. Il ne rompt pas avec les travers constatés depuis plusieurs années : une augmentation rapide de la dépense publique destinée au financement des emplois aidés et une hiérarchie des priorités qui n'est pas la nôtre, puisque 40 % des crédits d'investissement son gelés dans le cadre des contrats de gestion.
Pour ces raisons, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat de rejeter les crédits de l'outre-mer inscrits dans le projet de loi de finances pour 2002. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Raoul, rapporteur pour avis.
M. Daniel Raoul, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la présentation des crédits destinés à l'outre-mer pour 2002 s'inscrit dans un cadre économique et réglementaire profondément renouvelé, notamment par l'adoption de la loi d'orientation pour l'outre-mer.
Ce projet de budget, tout en prenant la mesure des rééquilibrages nécessaires, table sur les atouts et les capacités d'initiative de l'outre-mer. Mais il convient de ne pas oublier les handicaps structurels qui y subsistent, malgré la poursuite de l'embellie économique constatée depuis 1999. Ainsi, le chômage, toujours élevé, a continué de reculer et, au 30 septembre 2001 le nombre de demandeurs d'emplois s'élevait à 193 682 personnes, soit un taux de chômage, pour les quatre départements d'outre-mer de 26,6 %.
Ces handicaps structurels sont bien évidemment liés à l'insularité, ainsi qu'à un développement économique freiné par une trop faible accumulation du capital et reposant encore sur des activités de monoproduction, par définition fragiles et exposées à la concurrence internationale.
Compte tenu de leurs spécificités démographiques, les DOM-TOM doivent, en outre, consentir des efforts particulièrement importants en matière de formation initiale et professionnelle pour intégrer dans des conditions satisfaisantes l'afflux des jeunes sur le marché du travail. Il s'agit là d'un véritable défi qui conditionne l'avenir de l'outre-mer.
Dans le projet de loi de finances pour 2002, le budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer atteint 1 079 millions d'euros en moyens de paiement, soit une progression de 3,8 %, qu'il convient de saluer. Les autorisations de programme sont fixées à 443 millions d'euros, en hausse de 49 %.
Comme l'an dernier, les moyens budgétaires assurent le financement des mesures prévues par la loi d'orientation pour l'outre-mer. Il faut également souligner l'importance des moyens d'intervention et d'investissement en faveur de l'emploi, du logement et de l'action économique, qui constituaient les priorités de cette loi.
En ce qui concerne le financement de la loi d'orientation, 112,96 millions d'euros pérenniseront les mesures mises en oeuvre en 2001 et financeront des mesures nouvelles, qu'il s'agisse, par exemple, des 10 000 projets initiative-jeunes destinés à permettre aux jeunes de moins de trente ans soit de créer leur entreprise dans leur département d'outre-mer soit de suivre une formation professionnelle hors de celui-ci, ou encore des 3 000 congés solidarité à cinquante-cinq ans avec, en contrepartie, l'embauche de 3 000 jeunes.
A ce sujet, monsieur le secrétaire d'Etat, où en sont les négociations avec les collectivités locales et les entreprises, qui doivent financer 40 % de ce dispositif très attendu ?
Hors FEDOM, des dotations budgétaires sont également prévues pour financer la mise en place d'un office de l'eau dans chacun des DOM, pour renforcer les moyens de l'Agence nationale d'insertion des travailleurs d'outre-mer, pour abonder les fonds de coopération régionale et pour mettre en place des fonds régionaux d'aménagement foncier et urbain.
Enfin, bien que les crédits y afférents soient inscrits sur le budget de l'emploi et de la solidarité, il convient de ne pas oublier le dispositif pérenne et élargi d'exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale, qui se substitue au mécanisme de la loi Perben.
Au total, au-delà du financement des mesures de la loi d'orientation pour l'outre-mer, les crédits du FEDOM connaissent une augmentation significative pour compenser la disparition de la créance consécutive à l'alignement du RMI au 1er janvier 2002. Cela devrait permettre de mettre en oeuvre près de 100 000 mesures d'insertion, en particulier à travers le renforcement des contrats emploi-solidarité et des emplois-jeunes, avec 1 000 postes supplémentaires.
Je relève également que le budget de l'outre-mer consacre des crédits importants pour la politique du logement, répondant ainsi à des besoins importants et diversifiés ; M. le rapporteur spécial vient d'y faire allusion.
Il convient de souligner qu'à compter du 1er juillet 2001 la réforme tendant à l'unification des barèmes de l'allocation logement dans le secteur locatif est achevée, ce qui devrait faciliter la réhabilitation des logements les plus anciens, grâce à la fixation d'un seul barème correspondant à la période de construction la plus récente, ce qui est le barème le plus favorable.
La forte progression des crédits permet, comme l'an dernier, de compenser la suppression de la créance de proratisation, dont une partie venait abonder la ligne budgétaire finançant le logement.
Le programme physique pour 2002 a pour objectif de financer 10 700 logements neufs, de réhabiliter 6 000 logements locatifs sociaux et de favoriser les opérations de résorption de l'habitat insalubre, dont devraient bénéficier 2 400 familles.
S'agissant des interventions de l'Etat pour soutenir l'investissement, l'augmentation des crédits traduit la montée en charge des contrats de plan, mais leur mise en oeuvre effective connaît un démarrage encore lent.
En ce qui concerne le soutien public à l'investissement, le bilan établi chaque année par le ministère des finances chiffre l'aide apportée aux dossiers déposés en 2000 et agréés à près de 289 millions d'euros. Cela équivaut à un montant total d'investissement de près de 600 millions d'euros.
Quelque peu en marge de la discussion budgétaire, je voudrais enfin rappeler l'importance des fonds communautaires dont bénéficie l'outre-mer et me féliciter que les liens économiques soient toujours plus renforcés.
Ainsi, la révision, en juin 2001, du programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité des départements d'outre-mer, le POSEIDOM, permet des avancées substantielles.
En outre, la proposition de la Commission européenne s'agissant de l'évolution du régime d'association des pays et territoires d'outre-mer, ou PTOM, en cours d'adoption, permet une aide renforcée.
Les dotations attribuées dans le cadre du IXe Fonds européen de développement sont en progression, et les PTOM pourraient être éligibles à un nombre élargi de programmes communautaires.
Néanmoins, la commission des affaires économiques a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de l'outre-mer pour 2002. Cependant, à titre personnel, je voterai ce budget. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme Létard, rapporteur pour avis.
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour les aspects sociaux. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pour la commission des affaires sociales, le projet de budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer pour 2002 présente un caractère ambivalent. En effet, des moyens non négligeables sont certes mobilisés, mais les priorités retenues par le Gouvernement continuent à faire débat.
L'examen de ce budget - le dernier de la législature - sera donc l'occasion d'insister sur les voies d'avenir qui auraient mérité d'être empruntées avec davantage de détermination.
Il sera aussi l'occasion de nous interroger sur l'affectation des crédits du secrétariat d'Etat qui, avec une augmentation de 3,76 %, dépasse le milliard d'euros.
Les priorités retenues sont-elles judicieuses ? Les engagements ont-ils été honorés, notamment en ce qui concerne la compensation de la créance de proratisation ?
Les réponses à ces questions doivent être nuancées. La hausse des crédits consacrés à l'emploi a permis de compenser la part « insertion » de la créance de proratisation. Toutefois, l'essentiel des 100 000 mesures en faveur de l'emploi concernent principalement le secteur non marchand. Or, outre le fait que les contrats emploi-solidarité et les emplois-jeunes ne constituent pas des emplois pérennes, ils sollicitent financièrement des collectivités locales qui n'ont pas les moyens d'embaucher définitivement leurs bénéficiaires.
La question des moyens concerne aussi l'effort en faveur du logement, qui constitue le deuxième poste de dépenses du budget. Dans ce cas, on ne peut que s'étonner du décalage qui apparaît entre les autorisations de programme et les crédits de paiement : alors que les premières restent à un niveau important, les seconds baissent drastiquement, avec pour conséquence la non-compensation de la disparition de la part « logement » de la créance de proratisation.
Le budget présenté par le Gouvernement n'est donc sans doute pas aussi satisfaisant que celui-ci le suggère ! Par ailleurs, le montant des crédits disponibles ne saurait constituer le seul, ni même le principal critère pour apprécier sa qualité, il convient également d'examiner la justesse des orientations retenues.
Ce qui importe en cette fin de législature, en effet, c'est de savoir si la voie tracée pour l'outre-mer correspond aux véritables besoins des populations et territoires concernés, ou bien si les mesures engagées constituent davantage des solutions temporaires sans véritable effet sur le développement durable.
Or, si le chômage a commencé à baisser en 2000, il demeure deux à trois fois plus élevé qu'en métropole. Par ailleurs, le nombre de bénéficiaires du RMI ne cesse de croître avec une augmentation de 3,5 % en 2000, de même que le recours au traitement social.
La situation reste donc fragile. Les collectivités locales sont concernées, puisqu'elles interviennent souvent en cofinancement avec l'Etat. La brusque dégradation de l'activité ne va-t-elle pas peser gravement sur leurs moyens, qui sont déjà limités ?
En fait, ce que l'on peut regretter aujourd'hui - comme me l'ont fait remarquer les sénateurs de l'outre-mer que j'ai pu interroger - c'est qu'au terme de plusieurs années de croissance le Gouvernement n'ait pas fait le choix clair du développement économique durable des départements d'outre-mer en favorisant l'emploi dans le secteur marchand.
J'en veux pour preuve, par exemple, le montant des exonérations de charges sociales dans ces départements qui, inscrit au budget du ministère de l'emploi, s'élèvera en 2002 à 350,63 millions d'euros, contre 304,90 millions d'euros en 2001. Le caractère très bénéfique de ce dispositif pour les économies locales aurait sans aucun doute mérité une augmentation de crédits d'une tout autre ampleur.
Ce parcours rapide du projet de budget pour 2002 pour l'outre-mer débouche sur des sentiments mitigés. Il ne saurait, bien entendu, être question de mésestimer les efforts réalisés par le Gouvernement pour améliorer la situation de nos concitoyens ultramarins. Néanmoins, la nature des actions privilégiées ne peut emporter notre adhésion, compte tenu en particulier des difficultés qui s'annoncent du fait du ralentissement économique mondial, dont on peut déjà percevoir les effets sur l'important secteur du tourisme dans les Caraïbes et dans l'océan Indien.
Par ailleurs, rien de nouveau n'est prévu qui laisserait penser que l'Etat a pris conscience du défi démographique auquel devront faire face les départements d'outre-mer dans les années à venir.
Une véritable politique de développement durable et autonome des départements d'outre-mer reste donc encore à définir et à conduire. Elle demeure une priorité urgente, à laquelle le Gouvernement ne répond pas véritablement.
Dans ces conditions, vous comprendrez, mes chers collègues, que la commission des affaires sociales ait émis un avis défavorable à l'adoption des crédits du secrétariat d'Etat à l'outre-mer pour 2002, comme elle avait déjà eu le regret de le faire pour 2000 et 2001. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Balarello, rapporteur pour avis.
M. José Balarello, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale pour les départements d'outre-mer. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les départements d'outre-mer sont à la croisée des chemins. Aussi ce budget me paraît-il d'une importance capitale, car ces départements sont confrontés aux mêmes problèmes que la France métropolitaine - mais avec un caractère nettement plus aigu - ainsi qu'à des difficultés spécifiques.
Plusieurs membres de la commission des lois se sont rendus sur place. Ils ont pu y appréhender les problèmes, y constater les carences et y inventorier les efforts nécessaires afin que l'Etat puisse exercer efficacement ses missions régaliennes.
Nous citerons principalement les problèmes de sécurité et de maîtrise de la délinquance.
Les chiffres département par département montrent une aggravation de la délinquance de voie publique, qui progresse de 19,5 % en cinq ans en moyenne sur l'ensemble des départements d'outre-mer, et l'importance du trafic de drogue, qui est à l'origine de la majeure partie de la délinquance.
La Guyane est particulièrement concernée par le trafic de cocaïne, alors que le trafic et la consommation du crack se développent de manière inquiétante en Martinique.
La Guadeloupe, pour sa part, est dans une situation difficile du fait de certaines activités incontrôlées qui se développent à partir de la zone hollandaise de Saint-Martin, où sont installés - vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat - neuf casinos. Une démarche auprès des Pays-Bas doit être, à mon avis, effectuée dans le cadre d'Eurojust pour essayer de régler ce problème, ou du moins le minimiser.
De plus, les juridictions tant judiciaires qu'administratives sont installées pour la plupart dans des locaux vétustes et inadaptés qu'avec plusieurs membres de la commission des lois nous avons visités et pour lesquels un effort substantiel reste à faire.
Que dire des établissements pénitentiaires, dont le taux d'occupation est de 121,46 % ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, comme vous me l'avez encore confirmé voilà quelques jours, lors de votre audition en commission des lois, fort heureusement, la Réunion doit voir la fermeture de la prison de Saint-Denis, que j'ai visitée - aussi ne ferai-je aucun commentaire sur son état, que vous connaissez comme moi - et l'ouverture d'un nouvel établissement à Sainte-Marie, en 2006. Nous regrettons simplement que les travaux n'aient pas déjà commencé.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le problème récurrent, qui va malheureusement en s'aggravant, est celui de l'immigration clandestine dans nos départements d'outre-mer et à Mayotte. Cette immigration irrégulière s'explique par l'attraction suscitée par des niveaux de vie et de protection sociale considérablement plus élevés que dans les Etats environnants.
Vous trouverez, mes chers collègues, dans le rapport de la commission des lois, les tableaux comparatifs du produit intérieur brut par habitant dans chaque zone. Je ne citerai qu'un exemple : il est de 14 352 dollars en Martinique contre 737 dollars à Cuba et 422 dollars en Haïti.
La plus forte immigration clandestine se développe en Guyane, compte tenu d'une façade maritime qu'il est difficile de contrôler, avec d'importants fleuves frontaliers.
Il nous apparaît indispensable que les ministères de l'intérieur et de la défense mettent en place des structures adaptées beaucoup plus importantes en hommes et en matériels modernes afin de limiter cette immigration, qui déstabilisera complètement certains de nos départements d'outre-mer si une réaction de l'Etat ne se fait pas sentir, et, mes chers collègues, ce ne sont pas les modifications institutionnelles, quelles qu'elles soient, qui empêcheront cette dérive !
Que comptez-vous faire, monsieur le secrétaire d'Etat, pour y parvenir ?
Dans notre rapport, vous trouverez également présentés les problèmes liés à la coopération régionale, qui doit être renforcée, ne serait-ce que pour réorienter les flux commerciaux, qui ne se font pratiquement qu'avec la métropole et qui sont de l'ordre de 4,5 % par an.
Quelle peut être votre action en ce domaine ?
Quant à la consommation des crédits européens, elle n'est pas satisfaisante : sur la période 1994-1999, ils n'ont été engagés qu'à concurrence de 64,9 % et payés à concurrence de 42,66 %. En tant que rapporteur de la loi d'orientation sur l'outre-mer, j'ai fait voter la création d'une commission du suivi. A-t-elle été mise en place ?
Je terminerai en évoquant rapidement l'évolution constitutionnelle.
Comme nous avons eu l'occasion de le rappeler, les deux missions d'information de la commission des lois ont montré la volonté des départements français d'Amérique d'accéder à un statut à la carte ou, comme je l'avais écrit, à un statut cousu main.
Ces départements considèrent, à tort ou à raison, que le statut de département d'outre-mer constitue un carcan juridique.
Cela étant, après le rapport Lise-Tamaya de juin 1999, la déclaration de Basse-Terre du 1er décembre 1999 et la loi d'orientation pour l'outre-mer du 13 décembre 2000, la procédure du congrès s'est mise en place dans les différents départements, six mois après la promulgation de la loi d'orientation.
En Guyane, le congrès a délibéré par deux fois ; il préconise l'instauration d'une collectivité territoriale unique et d'un pouvoir législatif réglementaire local autonome.
En Martinique et en Guadeloupe, il s'est réuni également, et des projets sont en cours de rédaction.
Il est à noter, mes chers collègues, que tant le Président de la République que le Premier ministre ont posé comme condition à l'évolution des statuts des départements français d'Amérique, l'unité de la République, les liens avec l'Europe, l'égalité des droits de tous les citoyens et la consultation préalable des populations.
Nous craignons cependant que le congrès n'apparaisse comme un cénacle éloigné de la population et dépourvu de mandat précis. Peut-il vraiment engager les populations ? Il faudra les consulter le plus vite possible, ce qui est d'ailleurs prévu par la loi d'orientation pour l'outre-mer, en posant des questions non équivoques.
Quant à la Réunion et à Mayotte, mes chers collègues, les problèmes institutionnels y sont absents, la première voulant rester département français et la seconde voulant le devenir.
Au terme de cet exposé, je vous propose, mes chers collègues, au nom de la commission des lois, d'émettre un avis défavorable concernant les crédits de l'outre-mer consacrés aux départements d'outre-mer, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon, car ils ne permettent pas de régler les grands problèmes qui se présentent dans ces départements et qui nous paraissent relever principalement de quatre domaines : la non-maîtrise de l'immigration clandestine, qui ne fait que s'aggraver, la non-maîtrise des problèmes liés au trafic des stupéfiants et au blanchiment, la sécurité des personnes et des biens, qui est de plus en plus mise en péril, enfin, l'insuffisance de propositions permettant de régler les problèmes économiques qui se posent à l'outre-mer. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Hyest, rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale pour les territoires d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'hétérogénéité de la catégorie juridique des territoires d'outre-mer, dont la Nouvelle-Calédonie ne fait d'ailleurs plus partie et à laquelle n'appartiendra plus demain, je l'espère, la Polynésie, conduit à une présentation distincte de chaque collectivité pour l'examen des crédits pour 2002 et le bilan des réformes législatives.
Je ne rappellerai pas les chiffres qu'a exposés M. le rapporteur spécial. Je noterai simplement que, au sein du budget de l'outre-mer, qui augmente de 3,76 % - de 3,1 % à structure constante -, les crédits consacrés aux territoires d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie ne sont en augmentation que de 1,7 %. Ces crédits ne représentent donc que le cinquième du budget de l'outre-mer, ce qui nous semble insuffisant.
Il est vrai, monsieur le secrétaire d'Etat, que la part des crédits consacrés aux territoires d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie dans le budget de l'outre-mer ne représente que 11,6 % de l'effort global consenti en leur faveur, les trois autres principaux ministères contributeurs étant ceux de l'éducation nationale, de la défense et de l'intérieur.
A défaut de pouvoir passer en revue, dans les cinq minutes qui me sont imparties, l'ensemble du rapport et les sujets très divers qui concernent ces collectivités, monsieur le secrétaire d'Etat, j'évoquerai en particulier la sécurité et le fonctionnement de la justice.
Nous avons un sujet de satisfaction : l'aboutissement du processus de révision du statut d'association des pays et territoires d'outre-mer à l'Union européenne. J'espère, monsieur le secrétaire d'Etat que vous nous ferez part de sa confirmation, par une décision du Conseil des ministres européens. D'après les indications qui nous ont été fournies, les propositions faites par la Commission et par le conseil des affaires générales devaient lui être soumises le 1er décembre. Pourrez-vous nous confirmer ces bonnes nouvelles ?
Permettez-moi maintenant d'évoquer quelques sujets de préoccupation.
En ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie, je pense tout d'abord aux divisions qui s'exacerbent au sein du mouvement indépendantiste, déstabilisant l'exécutif et provoquant une cr ise de la collégialité. Qu'en est-il de la réunion du comité de suivi ?
Toujours en ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie, on constate un retard dans le versement des dotations de compensation des nouvelles charges liées aux transferts de compétences. Près de 25 millions de francs, correspondant au cumul des dotations de compensation pour 2000 et pour 2001, demeurent, à ce jour, une simple écriture.
S'agissant du fonctionnement des juridictions judiciaires, en Nouvelle-Calédonie comme ailleurs, une inquiétude pèse sur la mise en oeuvre de la loi du 15 juin 2000 relative à la présomption d'innocence, compte tenu du caractère restreint des effectifs des juridictions.
Je voudrais attirer votre attention sur la difficulté que nous avons eue à obtenir des informations sur le fonctionnement de ces juridictions et l'évolution des contentieux. Nous n'arrivons pas plus que vous sans doute à obtenir du Conseil d'Etat ou de la chancellerie les éléments, notamment les statistiques, qui nous seraient indispensables. Les seules données que nous avons obtenues nous sont parvenues directement par certaines juridictions, dont je tiens à remercier chaleureusement les présidents. Vous avouerez, monsieur le ministre, qu'il n'est pas normal que les rapporteurs ne puissent disposer des éléments indispensables pour effectuer leur mission.
Une inquiétude pèse sur l'avenir des relations entre la Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna.
En effet, si la conclusion d'un accord-cadre est intervenue le 1er juin 2001, au terme de négociations longues et difficiles - je rappelle que le butoir fixé par la loi organique, sur l'initiative du Sénat, était le 31 mars 2000 encore faudrait-il que cet accord soit signé. Par ailleurs, il ne s'agit que d'un accord-cadre : rien n'est dit sur le calendrier d'adoption des conventions nécessaires pour assurer sa mise en oeuvre concrète.
Enfin, j'en viens à mon dernier point : l'actualisation du droit applicable outre-mer.
Si, chaque année, le Gouvernement requiert une habilitation du Parlement pour procéder par voie d'ordonnances, le dernier train de dix-huit ordonnances prises sur le fondement de la loi du 25 octobre 1999 n'a pas encore fait l'objet d'une ratification expresse, au risque d'accroître la complexité d'un ordonnancement juridique déjà confus, ce qui est contraire à l'objectif affiché de modernisation du droit applicable. Alors, puisqu'il reste encore quelques semaines, peut-être pourrions nous les consacrer utilement à cela ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Quelques mois !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis. Lorsqu'il s'agit de moins de trois mois, on parle de semaines, monsieur le secrétaire d'Etat. ! (Sourires.) Quoi qu'il en soit, je crois qu'il serait utile que ces ordonnances soient examinées par le Parlement. Vous savez que, souvent, nous avons permis d'améliorer un certain nombre de dispositions en de telles circonstances.
En conclusion, mes chers collègues, en de telles circonstances, la commission des lois vous propose, avec regret, de rejeter les crédits consacrés aux territoires d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie dans le projet de budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer pour 2002. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 32 minutes ;
Groupe socialiste, 24 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 19 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 14 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 13 minutes.
Je rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est àM. Vergès.
M. Paul Vergès. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer est en forte augmentation ; cela est incontestable. Cette hausse sans précédent résulte pour une large part de l'inscription de crédits destinés à financer les mesures nouvelles prévues par la loi d'orientation pour l'outre-mer : 800 millions de francs y sont consacrés afin que les mesures nouvelles s'inscrivent rapidement dans le quotidien des citoyens d'outre-mer.
A l'évidence, la loi d'orientation conjugue les caractéristiques et les avantages des lois d'orientation comme des lois de programme, tout en dépassant chacune d'elles.
Elle est loi d'orientation, bien sûr, en ce qu'elle donne un sens et une cohérence aux politiques publiques conduites dans les régions d'outre-mer. Mais elle s'assimile aux lois de programmation puisqu'il en découle l'inscription de crédits importants. Le budget que nous avons à examiner en atteste.
Mais la loi d'orientation pour l'outre-mer va plus loin qu'une loi de programme dans la mesure où elle ne souffre pas du principal inconvénient des lois de programme, dont le financement et l'application sont limités dans le temps.
La loi d'orientation pour l'outre-mer offre la particularité d'être perfectible. Aussi devons-nous fixer des repères afin d'adapter les dispositifs à la réalité mouvante de l'outre-mer.
Le rôle du comité de suivi de la loi prend une importance particulière afin que l'avenir ne démente pas l'efficacité des dispositifs qui entrent progressivement en vigueur.
Ces repères sont connus. En 2025, date d'achèvement de la transition démographique de la Réunion, c'est-à-dire dans quatre législatures, la population de la Réunion atteindra un million d'habitants alors qu'elle en comptait 245 000 en 1950. Nous ne le répéterons jamais assez : la juste prise en compte de cette perspective conditionne la réussite des stratégies de développement envisagées pour la Réunion, notamment celles qui sont dirigées en faveur du soutien de l'emploi.
Quel que soit le dynamisme de l'économie réunionnaise, il est évident que le marché ne pourra intégrer la totalité des dizaines de milliers de chômeurs. Ils sont près de 125 000 aujourd'hui ; ils seront près de 180 000 en 2020.
Dans ces conditions, aucune piste créatrice d'emploi ne doit être négligée, et non seulement le développement du champ de l'économie sociale doit être poursuivi et amplifié, mais son caractère permanent doit être reconnu.
Dans les conditions spécifiques qui sont les nôtres, les activités de l'économie solidaire ne doivent pas être, au départ, synonymes de précarité. Le dispositif emplois-jeunes, qui concernera, en 2002, 14 000 jeunes dans les départements d'outre-mer, doit être pérennisé au-delà.
S'agissant du dispositif de congé-solidarité prévu par la loi d'orientation, il reste un peu moins de vingt-cinq jours pour faire surgir une solution avec l'ensemble des partenaires concernés. Les incertitudes sur les conditions de participation de l'UNEDIC dans la gestion du dispositif ajoutent à sa concrétisation une difficulté supplémentaire, qu'il est impérieux et urgent de lever.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'essor de la coopération régionale constitue un autre axe stratégique pour le développement de nos régions ; il est aujourd'hui favorisé par l'article 43 de la loi d'orientation.
La région Réunion a fait de l'ouverture de ses horizons l'une de ses priorités. Convaincue des bénéfices que la Réunion peut tirer d'une véritable politique de codéveloppement avec ses voisins dans le contexte de globalisation des échanges, elle a pris des initiatives avec l'Afrique, le Vietnam, l'Inde, la Chine et, bien sûr, avec Madagascar ou encore les Comores.
J'ai eu l'occasion de rappeler, à l'occasion des dernières assises nationales de la coopération décentralisée, l'importance d'une mise en cohérence des initiatives des acteurs engagés dans la coopération décentralisée.
Ainsi, la politique restrictive des visas vis-à-vis de nos voisins de l'océan Indien est l'exemple typique de mesures nationales qui ne favorisent pas le développement de la coopération régionale, alors même que nous en avons fait une priorité dans la loi d'orientation.
Je souhaite également attirer votre attention, monsieur le secrétaire d'Etat, sur l'initiative « Tout sauf les armes », qui lie l'Union européenne aux pays les moins avancés de notre environnement régional, qui sont également des pays ACP.
Le programme de travail de la Commission à propos de la mise en oeuvre de l'article 299-2 prévoit une étude d'impact des accords de Cotonou et de l'accord « Tout sauf les armes » qui inquiète nos producteurs. Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous indiquer où en est cette étude ? Le temps perdu n'est pas fait pour apaiser les inquiétudes, d'autant que, pour l'heure, nos régions ne sont pas officiellement associées à cette étude.
S'il est vrai qu'avec l'article 43 de la loi d'orientation le Gouvernement a ouvert une voie en ce domaine, en autorisant nos conseils régionaux à participer, au sein de la délégation française, aux négociations avec l'Union européenne relatives à l'article 299-2, dans quelles conditions, monsieur le secrétaire d'Etat, le Gouvernement entend-il appliquer cette disposition ? Je rappelle que nous sommes dans une phase délicate de la mise en oeuvre de cet article.
Vous connaissez l'espoir placé par les régions ultra-périphériques dans cet article. Qu'en est-il, un an après le Conseil européen de Nice et à la veille de celui de Laeken, du point d'étape que la Commission doit faire devant le Conseil ? Depuis que le débat sur le futur de l'Union a été lancé, nous craignons que la notion d'ultra-périphérie ne se trouve réduite à celle de « région à handicap permanent ». Cette inquiétude, nous l'avons exprimée à Lanzarote, à l'occasion de la conférence des présidents de régions ultra-périphériques.
L'année prochaine sera déterminante pour apprécier la volonté de la Commission à l'égard des régions ultra-périphériques, car nous serons face à l'échéance décisive de l'examen de dossiers aussi sensibles que l'octroi de mer. L'importance de cette question pour les collectivités et les acteurs économiques est connue. Le système actuel arrivera à échéance le 31 décembre 2002, ce qui signifie que le temps est à présent compté. Nous souhaitons vivement que la concertation annoncée par le Gouvernement débute sans tarder, et nous espérons, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous serez en mesure de nous apporter des précisions sur ce point.
Enfin, je ferai une dernière remarque sur les dossiers européens, au sujet des documents de programmation. Il y a un paradoxe à augmenter les aides tout en multipliant les obstacles et les contraintes réglementaires pour une consommation efficace des crédits.
Avant de conclure, je formulerai deux dernières remarques.
On ne pourra éluder plus longtemps le débat sur les difficultés - soulignées tant par le rapport de la commission des finances que par celui de la commission des lois - du rattrapage en matière de taux d'encadrement dans la fonction publique territoriale et dans la fonction publique d'Etat, ainsi que sur les difficultés de titularisation du personnel communal du fait de l'existence de sur-rémunérations, notamment à la Réunion. La seule sur-rémunération des fonctionnaires d'Etat pendant la durée du contrat de programme dépasse, à la Réunion, les quelque 20 milliards de francs d'investissement prévus. Ces chiffres parlent d'eux-mêmes.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. C'est vrai partout !
M. Paul Vergès. Par ailleurs, lorsque la commission des finances regrette que, près d'un an après la promulgation de la loi d'orientation, les décrets d'application des articles prévoyant la suppression de la prime d'éloignement et la création d'un observatoire des prix ne soient toujours pas parus, elle fait la même remarque que bien des élus réunionnais.
S'agissant des transports aériens, j'ai eu l'occasion, lundi, dans le cadre de la discussion du budget du tourisme, d'attirer l'attention du Gouvernement sur les graves conséquences qui résulteraient de la disparition d'Air Lib. Hier soir, lors d'une réunion de l'intergroupe des DOM et, ce matin encore, avant le début de cette séance, les parlementaires d'outre-mer ont examiné cette question. Transcendant les clivages politiques, l'unanimité, formalisée dans une motion commune, s'est faite pour reconnaître l'urgence qu'il y a à tout mettre en oeuvre pour sauver Air Lib et répondre ainsi à la double exigence de désenclavement de nos régions insulaires et de mobilité de nos populations.
Je formule à nouveau le souhait que la concertation engagée avec les collectivités et les élus d'outre-mer se poursuive sur les problèmes de maintien de la concurrence dans la desserte aérienne des DOM-TOM, des obligations de service public sur la ligne Paris-la Réunion, comme sur les conditions de réalisation de la continuité territoriale.
A l'heure de la mondialisation et des gains de temps dans les moyens de communication, à l'heure aussi de la liberté de circulation au sein de l'Union européenne, il serait pour le moins paradoxal que les populations insulaires d'outre-mer deviennent captives des frontières de leurs îles, et il est évident que, de ce point de vue, la Guyane a également un caractère insulaire.
Il s'agit de garantir dans les meilleures conditions aux 2 millions de citoyens d'outre-mer, à égalité avec les continentaux, leur droit de circulation dans l'espace français, dans l'espace de la République, dans l'espace européen.
C'est la même exigence de désenclavement au service du développement qui a conduit les élus de la Réunion à se battre pour l'accès des Réunionnais aux nouvelles technologies de communication en demandant que le câble SAFE reliant l'Afrique australe à l'Asie du Sud-Est passe par la Réunion. C'est le même souci qui nous a aussi conduits à demander l'égalité d'accès aux chaînes publiques de télévision nationales, aujourd'hui reconnue par la loi d'orientation.
Après l'ère de l'égalité politique, puis celle de l'égalité sociale, il s'agit d'ouvrir l'ère de l'égalité technologique. Le combat en faveur du désenclavement aérien s'inscrit dans ce cadre de la bataille générale pour l'égalité.
Enfin, mon collègue Robert Bret m'a chargé d'exprimer l'approbation du groupe communiste républicain et citoyen sur le présent projet de budget, ce que je fais volontiers, même si cette approbation doit être nuancée par le constat lucide de la gravité de la situation des DOM-TOM et l'absence de perspectives claires en matière d'évolutions institutionnelles. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, sur les travées socialistes et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Lise.
M. Claude Lise. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, s'il est un projet de budget qui, cette année, aurait dû faire l'unamité, c'est bien celui du secrétariat d'Etat à l'outre-mer !
D'abord, bien sûr, parce qu'il est en nette progression - de plus de 3 % à structure constante - par rapport au budget adopté pour 2001. Cette augmentation est d'autant plus remarquable qu'elle se situe dans le cadre d'un budget global de l'Etat qui, lui, n'augmentera que d'à peine 0,5 %.
Il faut bien reconnaître que cela tranche avec ce que l'on a parfois connu sous d'autres gouvernements : par exemple, en 1994, on voyait le budget de l'outre-mer diminuer, à structure constante, de 5,1 % ; en 1997, il ne progressait que de 0,1 %.
Cela me gêne de le rappeler, mais il faut quand même raviver la mémoire de ceux qui, après avoir émis, à l'époque, un vote favorable, et apparemment sans le moindre état d'âme, estiment devoir sanctionner l'actuel projet au motif qu'il ne traiterait pas suffisamment l'outre-mer comme une priorité !
M. Jean-Marc Pastor. Très bien !
M. Claude Lise. Ce grief est tout à fait injuste. Il l'est d'autant plus que l'effort budgétaire et financier qui, tous ministères confondus, est prévu pour l'outre-mer va progresser nettement plus que le budget de l'Etat.
Entre 1997 et 2001, il a d'ailleurs connu une augmentation de 35 %, contre 8,9 % pour le budget de l'Etat, le budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer ayant progressé, pour sa part, de 27 % à périmètre constant.
Mais ce qui mérite plus encore d'être unanimement salué dans le projet qui est soumis à notre examen, c'est le parti pris qu'il traduit de privilégier les mesures visant la création d'emplois : plus de 47 % des crédits y sont consacrés. Telle est, en effet, la priorité qui a été clairement affichée par Lionel Jospin dès son arrivée à Matignon.
Cette priorité n'est pas seulement bien mise en évidence dans votre projet de budget, monsieur le secrétaire d'Etat, elle l'est également dans les instruments opérationnels que sont les contrats de plan et le document unique de programmation des fonds européens, dans l'important dispositif de défiscalisation adopté voilà un an et, bien entendu, dans la loi d'orientation pour l'outre-mer.
Celle-ci va d'ailleurs trouver, notamment grâce à la forte augmentation des crédits du FEDOM, le financement nécessaire à la mise en oeuvre de nouvelles dispositions en faveur de l'emploi telles que le projet initiative-jeunes, qui est particulièrement apprécié, le congé solidarité ou l'allocation de retour à l'activité.
Une autre priorité concerne un domaine où les besoins sont toujours très importants outre-mer : le logement. Là, nous nous réjouissons de constater que l'effort budgétaire va au-delà de la simple compensation de la créance de proratisation.
En effet, les autorisations de programme augmentent de près de 40 % et les crédits de paiement de 11 %, ce qui, conjugué à toute une série de mesures mises en oeuvre au cours de cette année, devrait permettre d'améliorer les résultats obtenus jusqu'à présent.
Dans divers autres domaines, tels que l'action sociale, la culture et la coopération régionale, nous constatons également avec satisfaction une progression des crédits inscrits au projet de budget qui nous est présenté.
Tous ces éléments positifs ne trouvent pas pour autant grâce auprès de ceux qui ont décidé, une fois pour toutes, que ce gouvernement ne pouvait pas conduire une bonne politique pour l'outre-mer.
A défaut de pouvoir démontrer une réduction des moyens proposés dans ce budget, ils affirment que ceux-ci n'atteindront pas leurs objectifs. De là à laisser entendre que des crédits sont gaspillés, il n'y a qu'un pas, que franchissent allègrement ceux qui aiment bien considérer que les mesures destinées à promouvoir l'égalité des chances, voire à assurer l'égalité des droits, sont des mesures d'assistanat !
Mais, croyez-moi, ceux qui n'ont que trop subi les méfaits des authentiques politiques d'assistanat - je pense évidemment aux citoyens des départements d'outre-mer - ne peuvent se méprendre sur la question. Il ne leur a pas échappé qu'une véritable rupture s'était opérée depuis quelque temps dans la manière d'appréhender et de traiter les problèmes des départements d'outre-mer. La démarche qui a présidé à la conception et à l'élaboration de la loi d'orientation en est, à coup sûr, un éloquent témoignage.
Les résultats de la nouvelle politique menée sont déjà bénéfiques pour l'emploi. Pour la première fois, en effet, on assiste à une légère décrue - de 10 % - du chômage dans l'ensemble des départements d'outre-mer depuis 1999.
Les résultats seraient d'ailleurs déjà certainement plus significatifs si l'ensemble des mesures de la loi d'orientation avaient pu entrer en application beaucoup plus rapidement et toucher tous les bénéficiaires potentiels. Mais les décrets d'application se sont échelonnés tout au long de l'année et, surtout, la promotion des mesures s'est révélée difficile pendant les premiers mois, faute de moyens adaptés, et aussi du fait de l'action de ce que j'appelle le « cartel des opposants à la loi d'orientation pour l'outre-mer ».
Par ailleurs, il faut bien reconnaître que certains problèmes conjoncturels sont venus contrecarrer les effets positifs des différents dispositifs mis en oeuvre en faveur de l'emploi. Je pense, en particulier pour les Antilles, à la baisse d'activité du secteur touristique liée, pour une bonne part, à une véritable crise de la desserte aérienne. Mais je sais que vous vous en préoccupez, monsieur le secrétaire d'Etat.
Il reste que c'est avant tout sur la question institutionnelle qu'il est possible de prendre la mesure du changement qui s'est opéré pour les « différents outre-mer » - pour utiliser une nouvelle expression, ô combien chargée de sens ! -, et plus particulièrement pour les départements d'outre-mer.
On peut en effet considérer que, pour ceux-ci, une page est enfin tournée sur « cinquante ans d'embarras, de non-dits, voire de refus », pour reprendre vos propres termes, monsieur le secrétaire d'Etat. Permettez-moi d'ajouter : de refus de voir la réalité en face, d'admettre les différences là où elles existent et de sortir de catégories conceptuelles réductrices - à commencer par celle de « DOM » -, de refus d'entendre les légitimes aspirations des peuples à la dignité, à la responsabilité et à l'affirmation de leur personnalité propre.
Désormais, grâce à la loi d'orientation, une procédure d'évolution est à la disposition des populations d'outre-mer. Il s'agit d'une procédure parfaitement démocratique et radicalement opposée aux tractations obscures, se déroulant dans le secret de cabinets ministériels, entre groupes de pression politiques et hauts fonctionnaires, les uns et les autres s'arrogeant abusivement une légitimité pour décider, dans le dos des citoyens, de questions on ne peut plus déterminantes pour l'avenir de ces derniers.
M. Dominique Larifla. Très bien !
M. Claude Lise. Cette procédure vise, en fait, à garantir la maîtrise locale de l'initiative, à travers la réunion des élus en congrès, et à garantir la maîtrise locale de la décision finale, grâce à la consultation désormais possible - il s'agit là de l'apport fondamental de la loi d'orientation - des seuls citoyens concernés.
M. Jean-Marc Pastor. Très bien !
M. Claude Lise. Cette procédure s'est heurtée, bien entendu, au fameux cartel des opposants à la loi d'orientation pour l'outre-mer, au sein duquel le souci de cohérence intellectuelle et politique ne semble pas essentiel. N'a-t-on pas vu des leaders de ce cartel signer une saisine du Conseil constitutionnel qui visait à la censure des dispositions prévoyant la consultation locale, alors que les mêmes se prétendent partisans de celle-ci ?
De façon encore plus paradoxale, on les a vus aussi réclamer la censure de l'article 1er, qui affirme le droit à des évolutions institutionnelles et statutaires différenciées, alors qu'ils en font, par ailleurs, leur cheval de bataille !
Tout a été essayé pour contrer cette procédure, décidément très gênante pour certains. Les arguments les plus spécieux et les plus extravagants ont été utilisés ! On lui a reproché, dans le même temps, d'être sans intérêt et de constituer un très grand danger, de cadenasser toute issue permettant de sortir du statu quo et d'ouvrir largement la porte sur la voie de l'indépendance, de faire perdre du temps et de précipiter les choses !
On a surtout - et c'est plus grave - tenté d'en détourner les citoyens par des manoeuvres de diversion qui ont jeté l'opinion dans la plus grande confusion.
Il n'empêche, cette procédure est bel et bien enclenchée en Guyane, en Guadeloupe et en Martinique. Nombre de ses détracteurs finissent même par en reconnaître les mérites, ne serait-ce que parce qu'elle a permis de rétablir un indispensable dialogue entre les élus appartenant aux familles politiques les plus opposées.
Les citoyens, quant à eux, paraissent de plus en plus attentifs aux travaux qui se déroulent dans ces congrès, de plus en plus demandeurs d'informations en vue de la phase essentielle que constitue, pour eux, la consultation locale sur tout projet élaboré par leurs élus et pris en compte par le Gouvernement.
Ils souhaitent vivement, bien entendu, que tous les candidats à la prochaine élection présidentielle exposent très clairement leurs positions sur la question institutionnelle ouvertement posée en Guyane, en Guadeloupe et en Martinique.
Pour ma part, je ne vous cacherai pas que j'ai particulièrement apprécié la déclaration faite récemment à ce sujet devant les maires d'outre-mer par le Premier ministre, M. Lionel Jospin, dont il ne semble pas interdit de penser qu'il pourrait être candidat. (Sourires.)
Il s'est engagé à respecter scrupuleusement la procédure actuellement enclenchée et il a rappelé les quatre principes qui conditionnent pour lui la prise en compte d'un projet : le maintien dans la République et le respect des grands principes de son droit ; le maintien dans l'Union européenne ; la non-remise en cause de l'égalité des droits, notamment des droits sociaux ; enfin, l'approbation du projet par les populations avant toute éventuelle révision constitutionnelle.
J'ai l'intime conviction qu'il s'agit de principes auxquels mes compatriotes sont profondément attachés en Martinique.
C'est dire qu'ils ne sont prêts à accepter ni statut d'indépendance ni statut de territoire d'outre-mer, et, en toute hypothèse, aucun statut imposé.
Mais ce serait une grave erreur de croire, pour autant, qu'ils ne souhaitent pas un profond changement.
Ils sont, en effet, de plus en plus conscients des conséquences néfastes, notamment pour l'efficacité des politiques locales de développement, du système actuel de deux assemblées et de deux exécutifs aux compétences enchevêtrées.
Ils sont également de plus en plus conscients de la nécessité que soient prises sur place toutes les décisions qui, pour être efficaces, doivent être prises au plus près des réalités locales et dégagées des procédures paralysantes mises en oeuvre par des administrations parfois plus soucieuses de bloquer que de faciliter.
Ils désirent de plus en plus ardemment que soient créées les conditions d'une meilleure affirmation de l'identité martiniquaise et d'une meilleure insertion de la Martinique dans son environnement géographique naturel.
C'est dire que ceux qui s'imaginent que l'on pourra demain se contenter de plaquer dans les départements d'outre-mer de nouvelles réformes conçues ici pour donner un second souffle à la décentralisation dans l'Hexagone se trompent lourdement.
Ce serait recommencer la même erreur qu'en 1982 et se condamner à en revivre les conséquences.
En fait, les seuls choix réalistes qui s'offrent pour sortir d'une situation que bien peu trouvent acceptable se situent dans le cadre, depuis longtemps proposé par Aimé Césaire, de l'autonomie régionale.
Et peu importe que le mot autonomie ait été longtemps diabolisé - parfois même par certains de ceux qui, aujourd'hui, s'en réclament - s'il peut recouvrir un contenu conciliant au mieux les aspirations des Martiniquais et les contraintes du monde d'aujourd'hui.
Il faut parvenir - et telle doit être la tâche des élus du congrès - à en définir de façon précise le contenu, à faire en sorte qu'il rencontre une large adhésion populaire tout en répondant aux impératifs de développement de la Martinique et d'épanouissement de ses citoyens.
Alors, viendra pour les Martiniquais le temps de s'engager sur cette voie de la responsabilité à laquelle vous avez su, monsieur le secrétaire d'Etat, apporter votre contribution. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - André Boyer applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Désiré.
M. Rodolphe Désiré. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le budget pour 2002 du secrétariat d'Etat pour l'outre-mer s'inscrit, c'est vrai, dans un contexte qui fait suite à la mise en place, fin 2000, de la loi d'orientation pour l'outre-mer et de la loi d'incitation fiscale à l'investissement, dite « loi Paul ».
Avec 7,08 milliards de francs, ce budget progresse de 3,8 % parrapport à l'année précédente. Tous ministères confondus, les dépenses de l'Etat en faveur de l'outre-mer s'élèvent cette année à plus de 67 milliards de francs.
Sans m'adonner au traditionnel exercice d'analyse des lignes budgétaires, je soulignerai toutefois que l'effort financier consenti depuis plusieurs années par le Gouvernement en faveur de l'outre-mer est appréciable, voire considérable.
Néanmoins, quand on se penche sur les résultats de cet effort, on ne peut pas dire qu'on soit à la veille d'un New Deal , d'un nouveau départ visant à apporter des réponses fortes aux problèmes, nombreux et complexes, que rencontrent les départements d'outre-mer, sur le plan tant économique, social que politique. Faut-il rappeler qu'il est toujours préférable de faire mieux que de faire plus ?
En ce qui concerne le sujet préoccupant de l'emploi, je suis frappé par l'optimisme des statistiques officielles. Ces dernières font apparaître que, depuis 1999, le nombre des demandeurs d'emploi en Martinique aurait baissé de 10,5 points et celui des jeunes chômeurs de 21 points. A considérer ces seuls chiffres, on pourrait penser que la situation économique et sociale s'améliore. Pourtant, j'ai beau chercher dans quel secteur, je ne trouve pas ! C'est un mystère et j'aimerais être éclairé sur ce point.
Si l'on examine les différents secteurs de l'économie, que constate-t-on ? Pour ce qui est de l'agriculture, la filière de la banane, confrontée, comme vous le savez, à une rude concurrence internationale, est encore affaiblie par le niveau des cours, qui reste bas. Dans ces conditions il est étonnant, voire scandaleux, d'apprendre par la presse que la France aurait permis, par la délivrance excessive de licences d'importation, de surapprovisionner son marché en « bananes dollars ». Non seulement cela a été préjudiciable aux producteurs antillais, mais, en outre, cela a conduit notre pays devant la Cour européenne de justice.
La filière de l'ananas, en pleine convalescence après deux décennies de difficultés, a aujourd'hui besoin d'une subvention nationale de 30 millions de francs pour compenser les pertes engendrées par les nouvelles règles de calcul des aides européennes et par la non-rétroactivité du POSEIDOM au 1er janvier 2001. La survie de la seule unité de transformation d'ananas de la Communauté européenne en dépend.
Le tourisme subit un véritable désastre couplé à la crise du transport aérien. La disparition d'AOM et d'Air Liberté, compagnies désormais regroupées en une seule structure. Air Lib, en témoigne. Le moteur du transport aérien, tout le monde le sait, a toujours été le tourisme. La compagnie nationale, Air France, est désormais seule sur le réseau, et les prix grimpent sans cesse, sans contrôle.
En Martinique, le déclin du secteur touristique a commencé bien avant les événements du 11 septembre dernier, plus précisément en 1998, avec la mise à mal du dispositif de défiscalisation. Initié en 1986 par la loi Pons, celui-ci avait permis de drainer vers le tourisme d'importants capitaux qui, autrement, n'auraient jamais été investis outre-mer.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre loi d'incitation fiscale à l'investissement, dite « loi Paul », censée relayer la loi Pons, n'est toujours pas appliquée, faute du feu vert de la Commission européenne. Elle semble d'ores et déjà nettement insuffisante, notamment pour relancer le secteur touristique.
L'absence de fonds privés pour la construction d'hôtels et la suppression de la possibilité d'imputer des déficits sur les bénéfices industriels et commerciaux, les BIC, conduisent aujourd'hui tous les grands groupes hôteliers français, à l'image d'Accord, du Méridien et du Club Méditerranée, à se retirer des Antilles, plus particulièrement de la Martinique.
Que l'on ne vienne pas me dire que la crise actuelle est due au mauvais accueil et à la mauvaise qualité du nos produits. La vérité, c'est que le tourisme n'est plus rentable aux Antilles devant la concurrence de Cuba, de Saint-Domingue ou de Sainte-Lucie, et que l'on ne peut pas demander aux grands groupes hôteliers, fussent-ils philanthropes, d'aller perdre de l'argent chez nous. Ce secteur du tourisme français dans les Caraïbes, gros pourvoyeur d'emplois, nécessite aujourd'hui d'être totalement restructuré. Une intervention volontariste de l'Etat est nécessaire si l'on veut préserver ses chances de survie.
Notre inquiétude est également grande pour le secteur des nouvelles technologies de l'information et de la communication, les NTIC, qui pourrait, si l'on n'y prend garde, subir le même sort que le tourisme.
On encourage les entreprises, par toutes sortes d'incitations, à s'installer chez nous, et, une fois qu'elles y sont, on les abandonne en route. C'est ainsi que le Gouvernement et vous-même avez encouragé les investisseurs nationaux et locaux de la téléphonie mobile, à l'image d'Outremer Télécom, à investir lourdement dans ce secteur qui a connu un développement intense outre-mer, ces dernières années, nous laissant espérer un large accès aux nouvelles technologies.
Hélas ! force est de constater que, pour la téléphonie mobile, les 300 millions d'agréments demandés cette année par les opérateurs ont été refusés par le ministère de l'économie et des finances. Je signale que, compte tenu de la conjoncture, même France Télécom n'est pas en mesure de poursuivre ses investissements chez nous.
Dans le même temps, près de 2 milliards de francs d'agréments étaient consentis pour la construction d'une usine de nickel et l'acquisition de deux Airbus en Nouvelle-Calédonie.
Le Gouvernement aurait-il décidé que la défiscalisation est désormais réservée au Pacifique et à la Nouvelle-Calédonie ? Ce serait une vision à court terme, porteuse de grosses déceptions dans le futur. C'est pourquoi cette question devrait faire le plus rapidement possible l'objet d'un arbitrage du Premier ministre.
Monsieur le secrétaire d'Etat, compte tenu du temps qui m'est imparti, je ne ferai plus qu'esquisser les questions que je voulais soulever devant vous.
Avec une rémunération supérieure de 40 % à celle du secteur privé, comment croire qu'un pays puisse se développer sur le long terme ? Où en est l'application de la décision prise par le Parlement l'année dernière de supprimer la prime d'éloignement ?
Dans quel système une économie handicapée à la fois par la géographie et par l'histoire a-t-elle des chances de se développer, alors que ses taux d'intérêt sont supérieurs de trois points au moins à ceux dont bénéficient ses concurrents directs ? Je parle de la différence des taux d'intérêt entre la métropole et les DOM.
Pensez-vous que l'on puisse investir sans inquiétude dans un pays en proie à une insécurité grandissante et incontrôlée ? C'est le cas de la Martinique où cette insécurité, dont le moteur essentiel est la drogue, n'a cessé de croître ces dix dernières années. Il faut rappeler que la Martinique est en première ligne, à quelques encablures des côtes du Venezuela et de la Colombie. Ne pas en tenir compte serait une erreur lourde de conséquences pour l'avenir.
Dès lors, s'il convient de renforcer encore les moyens de la police, des douanes et de la gendarmerie, il faut certainement revoir aussi notre politique de coopération régionale avec nos voisins immédiats - Sainte-Lucie, Dominique, Saint-Vincent - en privilégiant les accords pour la sécurité, la police et le développement économique. Cela nous sera plus profitable que le strapontin que nous occupons à l'Association des Etats de la Caraïbe, l'AEC, qui ne nous sert à rien sinon à serrer la main de Fidel Castro, Vincente Fox ou Hugo Chavez. (Sourires.)
Monsieur le secrétaire d'Etat, quel est votre pouvoir sur les fonctionnaires de l'Etat en Martinique ? Alors que les services de la direction des services vétérinaires, la DSV, brûlent des mollusques - les lambis - rapportés des côtes d'Haïti par nos pêcheurs martiniquais, ils laissent rentrer sur nos marchés ces mêmes mollusques en provenance du Pérou et de la Jamaïque. M. Darsières et moi-même, nous vous parlons de ce problème depuis des mois, mais la situation perdure. Faut-il croire qu'un petit fonctionnaire a plus d'importance qu'un ministre de la République ? Il est vrai que ce n'est pas invraisemblable chez nous...
Il me semble que le processus d'évolution institutionnelle menace d'aboutir à une impasse. En effet, les avant-projets élaborés par les différents congrès des Antilles-Guyane tendent aujourd'hui à réclamer des nouvelles collectivités territoriales dotées de pouvoirs réglementaires et législatifs. Or, cela sort d'ores et déjà du cadre de la Constitution.
Je me souviens avoir parlé il y a quelques années du poisson de Tagore, celui qui fait des cercles dans un bocal sans pouvoir en sortir. (Sourires.) Cela avait beaucoup déplu... Je vois que la situation actuelle rejoint cette métaphore. Le poisson, c'est nous, et le bocal, c'est l'article 73 de la Constitution ! Ne serait-il pas plus judicieux de poser dès maintenant, sur le plan national, le principe de la révision de cet article, voire du titre XII de la Constitution ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Bien sûr !
M. Rodolphe Désiré. Comme disait Oscar Wilde « pour un homme ou une nation, le mécontentement est le premier pas vers le progrès ».
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous l'avez bien compris, ces quelques considérations étaient destinées, en ces temps de pré-campagnes présidentielles et législatives, à envoyer quelques signaux aux candidats potentiels afin qu'ils puissent en tenir compte dans leurs programmes.
Je voterai votre budget, considérant, par ailleurs, que vous vous êtes vous-même particulièrement investi pour faire avancer l'outre-mer. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Flosse.
M. Gaston Flosse. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ne m'attarderai pas sur les considérations générales qui ont fait l'objet de remarques particulièrement pertinentes de mes collègues rapporteurs.
Je dois cependant dire à ce sujet que j'aurais été heureux de vous féliciter de la croissance de votre budget, qui aurait pu marquer la sollicitude du Gouvernement pour l'outre-mer s'il n'apparaissait que cette croissance était incertaine. En effet, les reports de crédits représentent des parts de plus en plus importantes du budget : 20 % en 2001.
Quant aux « contrats de gestion », qui sont une nouvelle forme de régulation budgétaire, ils peuvent atteindre 40 % des dépenses en capital. Le vote de la loi de finances initiale n'a donc plus de sens.
J'ai noté par ailleurs que la progression des effectifs rémunérés par vous était liée à la disparition du service national, qui a entraîné l'ouverture de postes pour 500 volontaires sur votre budget. Cela m'amène à m'interroger sur les inscriptions budgétaires concernant le SMA, le service militaire adapté.
En effet, monsieur le secrétaire d'Etat, vous savez qu'en Polynésie française la prise en charge des dépenses du SMA est assurée par un prélèvement sur notre fonds de reconversion. Pourriez-vous nous indiquer comment s'effectue le transfert entre le ministère de la défense, où figure notre fonds, et votre département ?
C'était là l'un des points de contentieux entre le territoire et l'Etat, compte tenu du coût très élevé de chaque stagiaire du SMA par rapport aux cycles civils de formation professionnelle. Mais ce n'est pas là le problème essentiel du fonds de reconversion, qui, comme vous le savez, a servi de réserve au ministère de la défense pour un certain nombre de dépenses, dont celles du 5e régiment étranger basé à Hao jusqu'à sa dissolution.
Cette dissolution a eu comme conséquence l'abandon de la base militaire et des installations correspondantes, dont la piste long courrier. Ces équipements doivent être transférés à la Polynésie française, comme convenu, et j'ai à cet effet déposé un amendement qui viendra prochainement en discussion.
Indépendamment des problèmes que je viens d'évoquer, la mise en oeuvre du fonds de reconversion continue à s'effectuer de manière pour le moins cahotique.
Alors qu'était annoncée, lors de la signature de la convention accordant à la Polynésie française une compensation de reconversion, une manne de 990 millions de francs par an pendant dix ans, la réalité n'a rien à voir avec ces sommes : au 31 octobre 2001, soit plus de cinq ans après la signature, les liquidations s'élevaient seulement à 680 millions de francs !
Les prélèvements dont j'ai parlé précédemment ont en effet été très élevés. Par ailleurs, la procédure de décision et de mise en oeuvre des moyens financiers atteint des sommets de lourdeur. Enfin, les crédits prévus par la convention, selon des mécanismes très précis, ne sont pas mis en place en totalité !
Lors de la dernière réunion du comité de gestion du fonds de reconversion, le 29 novembre, il manquait environ 250 millions de francs d'autorisations de programme, sur les 465 millions de francs dus. Quant aux crédits de paiement, ils étaient quasiment épuisés !
Je passe sur les étranges épisodes où l'on nous indique qu'un projet est éligible et bénéficie du soutien de l'Etat, mais où, en définitive, de condition supplémentaire en condition supplémentaire, la Polynésie française doit se contenter du mirage d'une subvention.
Ce fut le cas pour l'hôpital central de la Polynésie, que M. le ministre délégué à la santé vient de rappeler à notre bon souvenir à la tribune de l'Assemblée nationale, alors même que le territoire a été contraint de le financer intégralement.
La mission d'expertise en cours entre l'Etat et la Polynésie française permettra, je l'espère, monsieur le secrétaire d'Etat, de mettre au point un dispositif plus efficace et plus respectueux de la philosophie qui inspirait la convention de reconversion et la loi d'orientation.
Je dois également vous signaler, à l'occasion de la discussion budgétaire, deux des soucis de la Polynésie française liés à la sécurité des citoyens.
L'insécurité, même dans nos îles paradisiaques, grandit avec l'urbanisation croissante. Les forces de police sont manifestement insuffisantes, et le concours de recrutement qui vient d'être organisé ne permettra que de rattraper partiellement le retard.
De plus en plus, les entreprises et les individus font assurer le gardiennage de leurs installations ou de leurs logements par des sociétés privées. Le territoire, de son côté, doit assurer par lui-même celui de ses propres bâtiments et équipements, ce qui ne cesse de poser le problème des limites de son action en matière d'ordre public.
Il faut que l'Etat se dote des moyens nécessaires ou qu'il laisse le territoire et les municipalités assumer ce qu'il ne peut assumer.
A cela s'ajoute la situation qui découle des conditions de détentions dans les établissements pénitentiaires de Polynésie, qui ont été qualifiées d'« inhumaines » et « d'un autre temps » par le secrétaire général du syndicat national pénitentiaire FO lors d'une visite sur place au mois de septembre dernier.
Ce syndicaliste a d'ailleurs adressé un rapport circonstancié à Mme la ministre de la justice à ce sujet. Le problème de la titularisation des quatorze agents territoriaux en service à la maison d'arrêt de Nuutania n'est toujours pas réglé. Quand pensez-vous les titulariser ? Quand ouvrirez-vous les postes supplémentaires indispensables ?
Enfin, je rappelle, monsieur le secrétaire d'Etat, au nom des communes de Polynésie, que la contribution de l'Etat au fonds intercommunal de péréquation, telle que fixée dans la loi d'orientation, est chaque année en retard. C'est ainsi que le versement au titre de l'année 2000 vient seulement d'être effectué et qu'aucune disposition ne semble prise dans le projet de loi de finances pour 2002.
Bien que les subventions de l'Etat ne constituent qu'une petite partie du budget des communes, essentiellement alimentées par le territoire pour un montant de 700 millions de francs, ces retards entraînent des tensions insupportables pour les budgets communaux. Il conviendrait d'y porter remède.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je regrette d'avoir à apporter de si nombreuses critiques à votre budget et aux interventions de l'Etat en Polynésie française. Je le regrette d'autant plus que vous venez d'accepter d'assouplir les conditions inacceptables qui avaient été mises à l'octroi d'une subvention pour l'achat d'un Airbus par notre compagnie aérienne internationale, Air Tahiti Nui, ce dont je vous remercie.
A ce sujet, je me fais l'écho de tous mes collègues parlementaires de l'outre-mer pour vous dire à quel point la situation de notre desserte aérienne nous préoccupe.
Nous souhaitons - je le redis ici pour qu'aucune ambiguïté ne subsiste -, qu'Air Lib vive et assure de manière pérenne nos liaisons.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer. C'est bien !
M. Gaston Flosse. C'est pourquoi, en ce qui concerne la Polynésie, nous mettons au point un accord de coopération entre Air Lib et Air Tahiti Nui. J'ose espérer que cette participation financière de la Polynésie confortera Air Lib et vous permettra de faire accorder à Air Tahiti Nui les droits de trafic jusqu'à Paris qui n'auraient pas dû lui être contestés et qui lui sont refusés.
Mais vous savez que vous avez avec moi un interlocuteur vigilant et exigeant, pour la Polynésie française et pour la République. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Et réciproquement !
M. le président. La parole est à M. Virapoullé.
M. Jean-Paul Virapoullé. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je tiens à dire, au nom du groupe de l'Union centriste que je représente à cette tribune avec ma collègue Anne-Marie Payet, que nous n'allons pas jouer à ce jeu puéril qui consiste, selon que l'on appartient à l'opposition ou à la majorité, à être l'avocat excessif ou le procureur du Gouvernement.
Cette année, comme les deux années précédentes, l'Etat fait un effort substantiel, un effort de solidarité à travers ce budget, même si ce dernier ne représente que 11 % de l'effort global de l'Etat à l'égard de l'outre-mer.
En écoutant les rapporteurs et les orateurs, on s'aperçoit que, apparemment - je dis bien « apparemment » - ce n'est pas seulement un manque de moyens financiers qui s'oppose à notre volonté commune d'atteindre une nouvelle phase de développement de l'outre-mer. A la limite j'aurais même envie de dire que ce n'est pas d'abord un manque de moyens financiers qui s'y oppose puisque, si l'on ajoute les contrats de plan, les DOCUP, les documents uniques de programmation, et les efforts des divers ministères du Gouvernement, les sommes dégagées sont globalement importantes. C'est là que le bât blesse.
Certains diront qu'il faut nous donner plus de responsabilités, qu'il faut rénover les institutions et réviser la Constitution, qu'il faut « changer la baraque » et renforcer notre identité. D'autres diront au contraire que le mal est peut-être dans une mauvaise utilisation du pouvoir qui nous est déjà confié.
Je fais mon mea culpa à cette tribune : nous sommes de mauvais ouvriers. Nous avons pourtant de bons outils : les sondages qui sont faits outre-mer montrent que plus de 60 % de nos concitoyens estiment que nous, élus locaux, n'utilisons pas suffisamment bien les moyens et les responsabilités qui nous sont donnés. Pourtant, on en veut encore plus.
Nous assistons à une fuite en avant institutionnelle qui masque les réalités et empêche de voir les vrais problèmes. L'Union centriste considère donc que l'outre-mer a beaucoup plus d'avantages à s'intégrer harmonieusement à un socle constitutionnel unique en procédant à certaines adaptations législatives ou à certaines adaptations de directives communautaires dans le cadre du traité d'Amsterdam, qu'à jouer des partitions différentes et à se disperser, à perdre son unité face à l'ensemble européen et à l'ensemble national.
Que pèserait chaque département d'outre-mer séparément, avec un statut différencié ? Le traité d'Amsterdam fait d'ailleurs bien référence aux Açores, aux Canaries, à Madère et aux départements d'outre-mer. Si, demain, chaque département d'outre-mer devient une collectivité particulière à l'exception de la Réunion qui a fait, en mars, le choix d'une intégration plus poussée et plus harmonieuse à l'ensemble national et à l'ensemble communautaire, nous courrons le risque que, sinon le Gouvernement français, du moins les instances européennes nous disent : « messieurs, vous ne pouvez pas avoir le beurre et l'argent du beurre ! ».
Il faut respecter le principe d'harmonisation. Aucun élu des départements d'outre-mer ne pourra déroger à ce principe sous prétexte de respect de son identité.
Le problème de l'adaptation constitutionnelle n'est pas seulement - même si c'est déjà un grand problème - une question de responsabilité nationale. C'est aussi et avant tout, aujourd'hui, un problème de cohérence communautaire.
C'est d'ailleurs une circonstance aggravante quand on sait que les pays de l'Est vont frapper à la porte de l'Europe, y entrer et devenir, en matière de consommation des crédits de la cohésion, de l'extension du marché européen et de la complémentarité économique dans le développement européen, des pôles beaucoup plus importants que les quatre départements d'outre-mer.
C'est la raison pour laquelle notre groupe estime qu'il faut agir avec discernement, prudence, et hiérarchiser nos priorités.
Pour débloquer la situation outre-mer, notre première priorité est de relever le défi de la qualification professionnelle des jeunes, afin de les ouvrir sur leur environnement et sur l'Europe. Que ce soit par des crédits provenant de l'Etat ou de l'Europe, il faut mettre le paquet, si vous me permettez l'expression, monsieur le secrétaire d'Etat, pour que tout jeune domien s'intègre dans la société grâce à l'éducation, à la qualification professionnelle, au travail, en un mot, avec dignité.
S'agissant de la loi d'orientation, je souhaite qu'à l'occasion du débat d'aujourd'hui vous nous apportiez deux précisions, monsieur le secrétaire d'Etat.
La première porte sur les projets initiative-jeunes, dont nous sommes grands consommateurs, à la Réunion. Nous souhaiterions l'être davantage mais, comme je vous en ai informé dernièrement, lors de notre rencontre, nous nous heurtons à des blocages.
Le premier est d'ordre procédurier et financier. Pourquoi faut-il six mois, voire plus, pour débloquer la moitié des 4 000 francs alloués actuellement aux PIJ ?
Le Comité national d'accueil des Réunionnais en métropole, le CNARM, passe actuellement une convention avec les chambres de métiers et les chambres de commerce de métropole pour signer un maximum de contrats de qualification. Monsieur le secrétaire d'Etat, seriez-vous d'accord pour rendre éligibles les PIJ au CNARM, de telle sorte que nous puissions, en 2002, démultiplier le nombre de vrais contrats de qualification ? Pourquoi en métropole ? Tout simplement parce que dans les départements d'outre-mer, en tout cas à la Réunion, les entreprises ne sont pas assez nombreuses pour absorber la masse des jeunes qui sont en droit de demander un contrat de qualification.
La Réunion est un précurseur des congés de solidarité, qui constituent, avec les PIJ, deux mesures phares de la loi d'orientation pour l'outre-mer. Les deux grandes collectivités, région et département, ont déjà budgété et voté les crédits complémentaires nécessaires à la mise en oeuvre de 3 000 congés. Mais le dossier est bloqué à la fois par les PME et les syndicats.
Les PME, elles, veulent obtenir un délai plus long pour verser la part des crédits qui leur est demandée. Quant aux syndicats, ils veulent un relèvement de la dotation pour la prime de départ. A quinze jours de la date de la signature du contrat, le Gouvernement peut-il nous aider à trouver une solution ?
J'en viens au problème du transport aérien. Plusieurs collègues sont déjà intervenus, et d'autres le feront encore, pour vous dire notre inquiétude face à la situation d'Air Lib. Nous ne voulons pas tirer une sonnette d'alarme inutilement, mais il n'en est pas moins vrai que cette compagnie connaît des difficultés dues à la faillite de Swissair. Une délégation d'élus souhaiterait vous rencontrer pour examiner ensemble la façon dont la compagnie Air Lib pourrait être sauvée. On vole mieux avec deux ailes qu'avec une, si vous me permettez cette image pour dire que deux compagnies valent mieux qu'un monopole dans ce domaine.
La desserte aérienne des départements d'outre-mer constitue notre deuxième grande priorité, aussi bien pour le fret que pour la mobilité de nos jeunes, ou encore pour notre tourisme en pleine extension, avec, c'est vrai, des phases de crises comme en Martinique. Sans liaisons aériennes, il nous est impossible de développer notre économie, monsieur le secrétaire d'Etat.
Où en sont les négociations que vous menez actuellement, au nom de l'Etat français, avec la Commission pour que soient appliquées concrètement les dérogations prévues dans le traité d'Amsterdam en matière économique, en matière de lutte contre les handicaps liés à la distance, ou encore les adaptations des règlements en ce qui concerne tant les droits d'accises que l'octroi de mer, etc. ?
Dans les départements d'outre-mer, les crédits européens sont versés avec retard, ce qui constitue un autre facteur de blocage. Aujourd'hui, le différentiel entre le conseil général de la Réunion et l'Etat s'élève à 420 millions de francs de crédits non versés. Lorsque nous travaillons avec le représentant de l'Etat sur place ou avec votre trésorier-payeur général, nous mesurons, monsieur le secrétaire d'Etat, la lourdeur de la procédure de mise en oeuvre de ces crédits.
Accepteriez-vous que, soit à Paris, soit sur place - nous préférerions sur place, mais c'est à vous de décider - nous recherchions une solution ? Si cette procédure lourde et complexe, en raison des pièces trop nombreuses, n'était pas allégée, les quatre départements d'outre-mer risqueraient d'être accusés, au fil des années, de ne pas avoir été capables de consommer les crédits concernés. Je vous prie de nous aider dans ce domaine, cette procédure faisant obstacle à la bonne mise en oeuvre des contrats de développement.
Tels sont les quelques points que je voulais évoquer.
S'agissant des institutions, M. le Président de la République a déclaré ceci à Fort-de-France : « Les institutions, les statuts, ne sauraient, à eux seuls, résoudre les problèmes d'une société. Un projet économique et social est un support indispensable à un statut rénové, qui ne saurait produire d'effet positif dans une société où l'Etat de droit ne serait ni garanti ni respecté. »
Cette déclaration me convient. Elle me rappelle la définition que le doyen Hauriou donnait de l'institution : c'est l'homme qui crée les mauvaises institutions et gâte les bonnes. Par ricochet, sans doute, les institutions mauvaises gâtent les hommes. Le principe fondamental est donc que le mal n'est pas dans la société, il est dans l'homme ! Dès lors, avant de nous lancer dans des aventures institutionnelles qui risquent de mettre en péril la solidarité tant nationale qu'européenne, conjuguons mieux nos efforts et les moyens dont nous disposons. Nous réussirons ainsi une nouvelle phase de développement ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. GuyFischer.)

PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS

M. le président. La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
Du jeudi 6 au mardi 11 décembre 2001 :

Ordre du jour prioritaire

Suite du projet de loi de finances pour 2002 (n° 86, 2001-2002).
(Le scrutin public à la tribune est de droit lors du vote en première lecture du projet de loi de finances de l'année.)
En outre :
Jeudi 6 décembre 2001, à 15 heures :
Questions d'actualité au Gouvernement :
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance, avant 11 heures.)
Mardi 11 décembre 2001, à 15 h 15 :
Eloge funèbre de Martial Taugourdeau.
Mercredi 12 décembre 2001 :

Ordre du jour prioritaire

A 15 heures et le soir :
Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la Corse (n° 111, 2001-2002).
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 11 décembre 2001, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à trois heures, la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort, et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 11 décembre 2001.)
Jeudi 13 décembre 2001 :

Ordre du jour réservé

A 9 h 30 :
1° Conclusions de la commission des lois (n° 109, 2001-2002) sur la proposition de loi de M. Hubert Haenel et de plusieurs de ses collègues portant réforme de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, dans ses dispositions relatives à la publicité foncière (n° 421, 2000-2001).
(La conférence des présidents a décidé de fixer au mercredi 12 décembre 2001, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.) ;
2° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à accorder une priorité dans l'attribution des logements sociaux aux personnes en situation de handicap ou aux familles ayant à leur charge une personne en situation de handicap (n° 325, 2000-2001).
(La conférence des présidents a décidé de fixer au mercredi 12 décembre 2001, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
A 15 heures :
3° Questions d'actualité au Gouvernement ;
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance, avant 11 heures.) ;
4° Question orale avec débat n° 38 de M. Henri Revol à M. le ministre de la recherche sur l'avenir de la politique spatiale française et européenne à l'issue de la conférence interministérielle de l'Agence spatiale européenne du 15 novembre 2001.
(En application des premier et deuxième alinéas de l'article 82 du règlement, la conférence des présidents a fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
(L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort, et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 12 décembre 2001.)
Vendredi 14 décembre 2001 :

Ordre du jour prioritaire

A 9 h 30, à 15 heures et, éventuellement, le soir :
Nouvelle lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi de modernisation sociale (AN, n° 3316).
( La conférence des présidents a fixé :
- au jeudi 13 décembre 2001, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le jeudi 13 décembre 2001.)
Lundi 17 décembre 2001 :

Ordre du jour prioritaire

A 10 h 30, à 15 heures et le soir :
Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances rectificative pour 2001 (AN, n° 3384).
(La conférence des présidents a fixé au vendredi 14 décembre 2001, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
Mardi 18 décembre 2001 :
A 9 h 30 :
1° Dix-huit questions orales ( l'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement) ;
- n° 1139 de M. Alain Gournac à M. le ministre délégué à la ville (Coût des réparations des tags et graffitis) ;
- n° 1163 de M. Yves Dauge à Mme le ministre de la culture et de la communication (Code des marchés publics et conditions d'établissement des plans de sauvegarde) ;
- n° 1167 de M. Jean Bizet à M. le ministre délégué à la santé (Installation des médecins en milieu rural) ;
- n° 1179 de M. André Vallet à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Politique de sécurité routière) ;
- n° 1181 de M. Gérard Dériot à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (Bilan de la mission interministérielle pour l'élimination des farines animales) ;
- n° 1182 de M. Francis Grignon transmise à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie (Transport des déchets nucléaires allemands dans le Bas-Rhin) ;
- n° 1183 de M. Nicolas About à M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat (Indemnité de résidence des fonctionnaires) ;
- n° 1186 de M. Roland Muzeau transmise à M. le ministre de la défense (Fermeture du site Thomson-Thalès de Gennevilliers) ;
- n° 1188 de M. Bruno Sido à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie (Recherches sur la gestion des déchets radioactifs) ;
- n° 1189 de M. Georges Mouly à Mme le secrétaire d'Etat aux personnes âgées (Situation financière des associations prestataires d'aide à domicile) ;
- n° 1190 de M. Claude Biwer à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie (Prix de l'énergie) ;
- n° 1191 de M. Serge Vinçon à M. le ministre de la défense (Avenir de la Société nationale des poudres et explosifs) ;
- n° 1192 de Mme Nicole Borvo à M. le ministre délégué à la santé (Situation des médecins à diplôme extra-Union européenne) ;
- n° 1193 de M. Jean-Pierre Masseret à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (Retraite complémentaire des agriculteurs) ;
- n° 1195 de M. Jean-Claude Carle à M. le ministre de la défense (Recrudescence de l'insécurité dans la vallée de l'Arve) ;
- n° 1196 de M. Jacques Legendre à M. le ministre de la défense (Dissolution du 58e régiment d'artillerie de Douai) ;
- n° 1198 de M. Jean Chérioux à M. le ministre délégué à la santé (Situation de l'hôpital Saint-Michel à Paris) ;
- n° 1200 de M. Michel Sergent à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie (Organisation du service public de distribution d'énergie électrique) .
A 16 heures et le soir :

Ordre du jour prioritaire

2° Suite, sous réserve de sa transmission, du projet de loi de finances rectificative pour 2001 (AN, n° 3384) ;
3° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2002.
(La conférence des présidents a fixé à l'ouverture de la discussion générale ; le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.).
4° Sous réserve de sa transmission, projet de loi autorisant l'approbation de la décision du Conseil de l'Union européenne du 29 septembre 2000 relative au système des ressources propres des Communautés européennes (AN, n° 3423).
Mercredi 19 décembre 2001 :

Ordre du jour prioritaire

A 15 heures et, éventuellement, le soir :
1° Suite éventuelle de l'ordre du jour de la veille ;
2° Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi rénovant l'action sociale et médico-sociale (n° 110, 2001-2002) ;
3° Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la sécurité des infrastructures et systèmes de transport et aux enquêtes techniques après événement de mer, accident ou incident de transport terrestre (n° 83, 2001-2002).
Jeudi 20 décembre 2001 :

Ordre du jour prioritaire

A 10 h 30 :
1° Eventuellement, conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi tendant à moderniser le statut des sociétés d'économie mixte locales ;
2° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Singapour relatif à la coopération de défense et au statut de leurs forces (n° 238, 2000-2001) ;
3° Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention d'assistance administrative mutuelle internationale du 10 septembre 1985 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire visant la prévention, la recherche et la répression des fraudes douanières par les administrations douanières des deux pays (n° 289, 2000-2001) ;
4° Projet de loi autorisant l'approbation d'un accord de protection et d'encouragement réciproques des investissements entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Cambodge (n° 330, 2000-2001) ;
5° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Cuba relative au transfèrement de personnes condamnées aux fins d'exécution de la peine (ensemble un échange de lettres) (n° 431, 2000-2001) ;
6° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République dominicaine (n° 432, 2000-2001) ;
7° Projet de loi autorisant la ratification du protocole facultatif de la convention relative aux droits de l'enfant concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés (n° 437, 2000-2001) ;
8° Projet de loi autorisant la ratification du protocole facultatif à la convention relative aux droits de l'enfant, concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (n° 438, 2000-2001) ;
A 15 heures et le soir :
9° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2001 ;
(La conférence des présidents a fixé à l'ouverture de la discussion générale le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.) ;
10° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l'Etat (n° 352, 2000-2001).
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 18 décembre 2001, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- d'attribuer un temps d'intervention de dix minutes au représentant de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les femmes et les hommes.) ;
11° Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif aux musées de France (n° 58, 2001-2002) ;
12° Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à la création d'établissements publics de coopération culturelle (n° 112, 2001-2002) ;
13° Navettes diverses.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents s'agissant de l'ordre du jour réservé ?...
Ces propositions sont adoptées.

4

LOI DE FINANCES POUR 2002

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2002, adopté par l'Assemblée nationale.

Outre-mer (suite)

M. le président. Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'outre-mer.

Dans la suite de la discussion, la parole est àM. Larifla.
M. Dominique Larifla. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la loi d'orientation pour l'outre-mer a engagé les départements d'outre-mer sur la voie d'un avenir fait de responsabilités, de solidarité et de développement. Un an plus tard, le budget que vous nous présentez s'efforce de donner les moyens d'atteindre ces objectifs.
Un bilan rapide depuis le mois de décembre 2000, même si l'on peut regretter la persistance de difficultés - et non des moindres - nous permet de constater des améliorations : un nombre de demandeurs d'emploi qui s'inscrit à la baisse, marquant au 30 septembre 2001 un recul de 6,7 % en Guadeloupe ; une diminution du chômage chez les jeunes ; la résorption de l'habitat insalubre qui se poursuit.
Objectif assigné à la loi d'orientation, l'effort de solidarité nationale et d'égalité sociale sera concrétisé cette année avec l'alignement du RMI sur le niveau national au 1er janvier 2002. Peu de chiffres, des tendances, mais pleines de promesses.
Le budget global pour l'outre-mer est, cette année, en augmentation de 3,8 %, augmentation qui s'accompagne d'un renforcement des mesures en faveur des secteurs prioritaires : l'emploi, le logement. Rappelons que le budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer ne traduit, en outre, que 11 % de l'effort de la nation en faveur de nos régions. On serait tenté de dire : « promesses tenues ». Mais toute politique d'aujourd'hui construit une société de demain. En cela, chaque action ponctuelle est un engagement pour les générations à venir. Il convient, dès lors, de bâtir un futur en tenant compte des forces et des faiblesses de notre société.
Ainsi, au-delà de la loi d'orientation, le Gouvernement a engagé des réformes d'envergure des structures sociétales. La réduction du temps de travail est de celles-là, et elle devra être mise en oeuvre dans une économie où le tissu des entreprises est caractérisé par la prédominance des petites entreprises. Celles-ci représentent en effet 95 % de l'ensemble. Ces petites structures vont devoir organiser dans le même temps, au 1er janvier 2002, la réduction du temps de travail et le passage à la monnaie unique. Ces deux événements signifient pour elles deux dynamiques contradictoires : réduction simultanée du temps de travail et augmentation des contraintes.
Déjà handicapées par un marché dont la taille est limitée par l'insularité, elles risquent, de plus, de subir le ralentissement de la conjoncture mondiale, ne disposant pas d'une assise financière qui leur permettrait de supporter un accroissement des charges fixes, notamment en termes de masse salariale.
Permettez-leur d'assurer le passage à la monnaie unique sans que les consommateurs en soient les premiers perdants, mais non les seuls. Il est devenu impératif que soit reporté au 1er juillet 2002 le passage aux 35 heures. Cette mesure volontariste et structurelle pour la baisse du chômage pourra, à cette condition, accélérer les dispositifs instaurés par la loi d'orientation pour l'outre-mer.
Lorsqu'on parle d'emploi, s'il est une population qui mérite toute notre attention, ce sont les jeunes.
Le projet initiatives-jeunes leur offre le choix entre une formation professionnelle et la création d'une activité d'entreprise. Soutenons-les compte tenu des contraintes de développement et, surtout, de maintien de ces activités qu'ils doivent affronter. L'économie de marché suppose des règles, auxquelles la Guadeloupe ne déroge pas ; l'Etat est correcteur des défaillances de ce marché. Dans ce cadre, ces jeunes, qui sont notre avenir, ont besoin d'atouts pour s'y maintenir.
Dans l'ensemble, la mise en oeuvre des mesures contenues dans la loi d'orientation a permis une amélioration de la situation de l'emploi en Guadeloupe. Ce sont au total 12 000 jeunes qui ont bénéficié de ces emplois aidés en 2001, que le budget 2002 prévoit d'augmenter de 100 000 bénéficiaires, pour l'ensemble des départements d'outre-mer.
En Guadeloupe, la concertation est engagée sur l'instauration du dispositif congé solidarité entre l'Etat, les collectivités territoriales et les entreprises. L'issue positive des discussions complétera le volet de la loi d'orientation en faveur de l'emploi. Ainsi, la solidarité jouera pleinement au travers du congé solidarité pour nos jeunes. Par ces mesures, le Gouvernement a impulsé des créations d'emplois pour cette catégorie vulnérable. La pérennisation de ces emplois devient un impératif pour cimenter l'avenir.
Nous parlions de responsabilité : elle est le lien nécessaire pour qu'un soutien ne se transforme pas en assistance, voire en assistanat.
J'attire maintenant votre attention sur le secteur de l'hospitalisation publique, pièce maîtresse du développement. Dans ce domaine, pour répondre à une prise en charge globale de pathologies parfois spécifiques et au développement de pôles d'excellence, le Gouvernement a consenti des efforts financiers importants. La quasi-totalité des établissements de santé de la Guadeloupe fait l'objet de restructurations lourdes ou de reconstructions totales.
Couvrant deux contrats de plan, ces opérations représentent 930 millions de francs. A la faveur de ces contrats, les établissements de santé bénéficient d'apports de fonds européens et de l'Etat.
Si ces mesures très positives rendent réalisables ces investissements en termes de financement, il ne semble pas que les budgets dévolus à l'agence régionale d'hospitalisation autorisent le financement des surcoûts qui en découlent. De plus, d'une façon générale, le groupe 4 des budgets hospitaliers est très bas en raison de la vétusté qui rend aujourd'hui nécessaires les investissements. Il est donc souhaitable d'anticiper dès 2002, par une enveloppe spécifique, la neutralisation de ces surcoûts intolérables.
Enfin, une fois réunies les conditions d'une population qui travaille, en bonne santé, j'en arrive à ce qui constitue la seconde priorité du Gouvernement au travers de ce budget : le logement. Car pas d'égalité sociale sans égalité devant le logement.
La Guadeloupe se situe encore dans une dynamique de rattrapage qui s'oganise en fonction de contraintes spécifiques : des besoins importants compte tenu d'une croissance démographique plus rapide qu'en France hexagonale, un parc de logements insalubres, un revenu moyen bas, reflet d'une proportion élevée de bas salaires.
Le processus d'unification des barèmes de l'allocation logement visant à réduire les inégalités entre les allocataires s'est poursuivi et a conduit au maintien, au 1er janvier 2001, d'un seul barème pour l'allocation logement en secteur locatif.
Le dispositif « logement en accession différée » expérimenté en Guadeloupe vient combler un vide qui excluait de l'accession à la propriété certaines catégories de revenus. Il permet de prévoir un progrès en matière d'accession, puisque deux mille attributions sont d'ores et déjà prévues pour 2002.
Mais cette mesure risque, à terme, de voir ses effets limités si une recherche d'espaces constructibles n'est pas rendue possible. A cet égard, il faut saluer les études menées par l'agence foncière de la Guadeloupe, qui évalue à plusieurs centaines d'hectares les espaces potentiellement constructibles, en particulier les « dents creuses » dans les centres bourgs. Dans cette perspective, une réflexion sur la question des indivisions persistantes qui constituent une entrave à une urbanisation harmonieuse doit être menée.
Vous l'avez compris, ce budget a été un prétexte pour poser les jalons d'une réflexion sur l'avenir de notre société.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre budget est le produit d'une méthode fondée sur la concertation et l'écoute, seule à même d'apporter des réponses à des difficultés bien comprises par ailleurs. Conçu dans le prolongement de la loi d'orientation pour l'outre-mer, il se veut en rupture avec une logique du coup par coup pour s'inscrire dans une démarche de développement durable.
Répondant à notre volonté, le gouvernement de Lionel Jospin nous a engagés sur la voie de la réforme de nos institutions, occasion pour nous de proposer un véritable projet de société. La réunion prochaine du congrès des élus départementaux et régionaux marquera une étape importante, mais ce ne sera pas l'ultime, car notre projet se doit surtout d'être élaboré avec la sagesse. Or, comme dit Confucius, « le sage s'applique à être lent dans ses paroles et diligent dans ses actes ». (Sourires.)
Monsieur le secrétaire d'Etat, je soutiens la politique que traduit votre budget, je voterai donc vos crédits. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, dans le temps qui m'est imparti, je ne pourrai pas vous raconter la Guyane d'aujourd'hui. Vous l'avez d'ailleurs lue et vue déjà suffisamment !
La Guyane de demain, la Guyane du futur, ce sont les femmes, les hommes, les jeunes et les vieux de ce grand et magnifique pays qui l'écriront avec nous. D'ailleurs, pour vous mettre au parfum, nous avons déjà commencé à écrire une autre histoire, monsieur le secrétaire d'Etat !
C'est donc dans ce futur que je me situe et, pour le préparer, je ne pense pas pouvoir me contenter de me réjouir de budgets, certes, en progression, mais qui n'atteignent aucun objectif défini.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous savez l'ambition que les élus de Guyane nourrissent pour leur pays.
Le 19 septembre 2001, vous exposiez comment le projet de budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer exprime les orientations et les engagements du gouvernement de M. Lionel Jospin pour l'ensemble des départements, territoires et collectivités d'outre-mer. « Ce nouveau pacte républicain voulu pour l'outre-mer s'accompagne, disiez-vous, de moyens comme il n'y en a jamais eu jusqu'ici pour l'outre-mer. » Vous êtes né dans les années soixante. J'ai donc le privilège de l'âge, et l'occasion m'a été donnée plus d'une fois d'entendre ce même discours. Si, autrefois, quand j'avais votre âge, j'en éprouvais quelque agacement, aujourd'hui, je préfère en sourire car, après vous, les discours seront toujours les mêmes, assortis quelquefois de nuances circonstancielles.
Pendant le temps qui vous reste, vous tenterez de faire de votre mieux pour que les fonds mis à votre disposition soient utilisés convenablement et rapidement. Mais, hélas ! pour réaliser, il faut de l'audace. Or, si l'audace des hommes d'Etat de la France et celle des décideurs élus des pays d'outre-mer ne convergent pas, il n'y aura pas les réalisations qu'attendent les peuples d'outre-mer.
Sans une loi de programme pour chacun des pays d'outre-mer, définissant les objectifs clairs, à moyen et à long terme, en matière économique et sociale, comportant des prévisions de dépenses chiffrées, et notamment en autorisations de programme, pour la réalisation de ces objectifs, il n'y aura pas de développement économique réel et durable.
Ce budget, dites-vous, et c'est votre droit de le penser, vous assure de pouvoir mener à bien une politique dont les dimensions institutionnelles et sociales ne sont pas indissociables.
Cette politique pour l'outre-mer que vous nous proposez est la vôtre ; elle est continuelle depuis cinq ans ; mais laissez-moi douter de son efficacité.
Le chômage, l'insécurité, l'immigration, les fermetures d'entreprises, la dégradation de la santé, les mauvais résultats au baccalauréat, bref, pourriez-vous nous dire si les fonds votés au titre du budget de 2001 pour l'outre-mer ont été utilisés ou, à tout le moins, quel aura été leur taux d'utilisation ?
Quand bien même les budgets augmenteraient régulièrement tous les ans, ils n'ont jamais permis, dans le passé, d'embellir la situation économique et sociale de l'outre-mer.
C'est le système politico-administratif qui ne le permet pas !
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous n'allons pas nous quereller, en cette fin de législature, sur les sommes mises à la disposition de l'outre-mer, et nous n'allons pas non plus faire « zouker » les chiffres que vous nous proposez. (Sourires.)
Mon regard sur l'outre-mer est bien plus lointain, car je pense à cette jeunesse, inquiète, le dos au mur, obligée de choisir l'exil et le déracinement, d'autant que l'Etat, en ne prenant pas les dispositions qu'impose la situation sociale, se rend complice, en Guyane, d'un génocide par substitution.
La population est composée à plus de 50 % de communautés étrangères qui immigrent avec insolence et qui constituent une des causes du non-développement de la Guyane.
Monsieur le secrétaire d'Etat, les Guyanais français de Guyane ont démontré depuis des siècles combien ils savaient accueillir d'autres peuples. Ce fut le cas pour les Martiniquais, en 1902, après l'éruption de la montagne Pelée ; ce fut le cas pour les Saint-Luciens, les Chinois, les Haïtiens, les Hmongs, les Surinamais, les Guyaniens...
Ce pays de Guyane, à qui l'on a imposé pendant des années les rebuts de la société française en y instaurant le bagne, voit aujourd'hui des Roumains venir mendier dans les rues de Cayenne en exhibant des cartes de séjour délivrées par les services de l'Etat !
Non, monsieur le secrétaire d'Etat, trop, c'est trop !
Nous préférerions une autre forme d'immigration, celle qui serait décidée par les élus de Guyane pour concourir au développement, et non pas celle qui vient conquérir l'assistanat pour profiter de prestations sociales versées sans retenue.
La Guyane n'est pas la poubelle du monde, monsieur le secrétaire d'Etat. Expliquez-moi pourquoi ces gens-là ne se sont pas installés dans la commune de Lormes ou dans des villes comme Rennes ou Rouen ?
Roumanie, Colombie, Brésil, Guyane ? Non, trop, c'est trop ! Il vous appartient de les embarquer et de les remettre là où ils étaient ! Je connais l'humanisme de la France, mais un humanisme sans retour est un mauvais humanisme.
S'agissant de la filière pêche, le syndicat des pêcheurs et armateurs de la pêche artisanale poisson, le PAPAP, et le syndicat de la pêche semi-industrielle et artisanale de Guyane, le SPSIAG, ont voulu récemment réaliser un blocus au large des côtes de Kourou pour empêcher l'envol de la fusée Ariane.
Vous êtes conscient des difficultés tant financières que de développement de la filière pêche. Le pillage des côtes guyanaises par les bateaux coréens, brésiliens, surinamais et guyaniens ne permet pas de stabiliser la ressource dans la limite de la zone économique exclusive, la ZEE. La conséquence majeure en est que les entreprises de pêche sont dans une situation financière insoutenable.
La production pour 2000 a chuté à 2 647 tonnes, soit un différentiel de 1 438 tonnes par rapport à une année moyenne et un manque à gagner de 87 millions de francs. Cette situation a progressivement fragilisé la filière. L'année 2001 a été aussi désastreuse que la précédente, et toutes les compagnies de pêche crevettière sont actuellement confrontées à une situation de trésorerie très difficile.
La filière artisanale de la pêche n'est pas mieux lotie.
L'indemnité pour préjudice, à verser d'urgence, qui est réclamée par la filière doit être impérativement suivie de la réalisation de l'étude bio-économique permettant de restaurer la rentabilité économique des entreprises par la mise en place de mesures de gestion durable de la ressource. Quelle réponse pouvez-vous apporter pour résoudre les difficultés de ce secteur ?
La loi d'orientation pour l'outre-mer a confié une compétence aux collectivités dans le cadre de la gestion de la ressource maritime, mais vous avez oublié de transférer les moyens financiers et les compétences nécessaires pour assurer la protection et la défense de la zone. Il nous faut à chaque fois demander le secours de l'Etat, notamment de sa vedette : ce n'est pas avec nos pirogues que nous pourrions défendre notre zone exclusive !
Il n'est pas non plus inutile de rappeler que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales de la République et que l'une de ses missions premières est d'assurer aussi leur défense.
Monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi de vous interroger - et d'attendre une réponse - sur les différentes démarches effectuées par le président du conseil général et par moi-même pour le remboursement de la dotation de la couverture maladie universelle, qui a supprimé l'aide médicale des compétences départementales.
Vous n'ignorez pas, en effet, que les modalités financières de ce transfert ont été vivement contestées par de nombreux départements, dont les quatre départements d'outre-mer.
Pour mon département, le prélèvement de la dotation générale de décentralisation, la DGD, s'élève à 92,13 millions de francs. Du fait de cette pénalisation, le conseil général de la Guyane accuse un déficit qui le place dans une situation difficile.
Je vous sais très sensible à cette préoccupation ; vous devez donc rester vigilant, et efficace, pour que justice soit rendue à ce département qui souffre d'une immigration non contrôlée et à qui la loi fait obligation de rembourser les dépenses de santé occasionnées, il est vrai, par une très large partie de la population immigrée.
Sachant que vous ne serez peut-être pas présent, l'année prochaine, pour nous parler de l'exécution de ce budget, je ne m'attarderai pas sur les augmentations que vous avez programmées pour soutenir le développement économique et social, pour rénover l'habitat, pour contribuer au fonctionnement et au programme d'investissements des collectivités et territoires d'outre-mer. Si, par impossible, vous étiez encore là, nous ferions alors une évaluation, sinon un bilan.
Afin de renforcer et de diversifier les interventions en faveur de l'emploi et du logement, vous avez l'intention de poursuivre également la mise en oeuvre de la loi d'orientation pour l'outre-mer. Aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite que nous puissions nous retrouver pour tirer le bilan, le moment venu, des actions que votre gouvernement a menées depuis cinq ans et qui auraient pu permettre aux pays d'outre-mer de quitter, enfin, la catégorie des pays en retard de développement, ce qui est l'objectif numéro un.
Avec ce budget, certes des sommes importantes seront affectées dans le domaine de l'action économique ; mais pour quelle économie ? Dans le domaine de l'emploi ; mais pour quel métier ? Dans le domaine social ; mais pour quelle société ? Dans le domaine culturel ; mais pour quelle culture ?
Oui, vous avez accepté d'introduire, dans votre loi d'orientation pour l'outre-mer, le congrès. Il est vrai que les élus guyanais n'ont pas attendu la loi d'orientation pour se réunir en congrès.
Depuis cinq ans, après les états généraux et leur rapport final, qui a été remis officiellement à votre prédécesseur, après le pacte de développement et, aujourd'hui, le projet d'accord politique dont le contenu est soumis à vos observations, le processus est engagé.
Nous espérons la signature, avant la fin de l'année, d'un accord politique entre le Gouvernement et la délégation guyanaise, avec l'engagement ferme du dépôt du projet de loi de consultation du peuple guyanais assorti de la révision constitutionnelle du titre XII de la Constitution, notamment de son article 73 permettant à notre collectivité d'initier des lois de pays.
Vous souhaitez rompre avec l'assistanat, monsieur le secrétaire d'Etat, et vous avez raison. Vous proposez la solidarité : quelle farce ! Votre budget n'est qu'un budget d'assistance pour un peuple assisté. Nous aurions souhaité un budget de responsabilité pour entreprendre une autre politique. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ne suis pas ici pour évoquer les futures campagnes électorales, présidentielle ou législative. Je ne suis pas ici non plus pour parler du statut de l'outre-mer, encore que j'aurai l'occasion de démontrer que nous avons un projet pour notre pays et que nous sommes suffisamment responsables et fiers pour présenter ce qui nous paraît nécessaire pour son développement, son rayonnement et sa dignité. Nous sommes ici pour examiner le budget de l'outre-mer.
J'avais pensé - j'avais espéré, j'avais rêvé - que la situation de l'outre-mer connaîtrait une embellie. Mais que dire de ce budget ? L'effet d'annonce est certes extraordinaire : le budget de l'outre-mer s'élève à 7 milliards de francs, en progression de 3,8 %. C'est très beau !
Mais figurez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, que nos compatriotes ont évolué. Ils savent comment on peut jongler avec les chiffres, et nous nous chargeons de bien leur expliquer ce que sont une autorisation de programme et un crédit de paiement. L'important pour nous est de savoir non pas si votre budget augmente, mais s'il donnera les résultats que la population en attend. C'est la raison pour laquelle je vous poserai un certain nombre de questions, et je vous lance un défi : je n'obtiendrai pas de réponse !
Ma question, monsieur le secrétaire d'Etat, est claire : que reprochez-vous à la région que je préside ?
J'évoquerai, par exemple, le prix de l'essence, qui a baissé de 15 centimes à la Martinique, alors qu'à la Guadeloupe le préfet vient de l'augmenter de 30 centimes. Sans doute est-ce pour pouvoir critiquer ma gestion à l'occasion des prochaines élections ! Mais je saurai me défendre, et sachez que je le ferai.
Savez-vous pour quelle raison le prix de l'essence a augmenté ? Uniquement pour permettre à une société capitaliste, en l'espèce la SARA, la Société anonyme de la raffinerie des Antilles, de réaliser sur le dos des seuls Guadeloupéens des investissements, prévus par l'Europe, qui doivent être achevés d'ici à 2006, alors que leur nécessité ne se fait pas encore sentir.
J'en viens au remboursement des fonds européens. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous ne pouvez pas le contester - le représentant européen a été très clair sur ce point -, les fonds de formation professionnelle accordés en 1998 à la Guadeloupe au titre du fonds social européen, le FSE, seront remboursés en juin 2002. Bercy nous doit donc 68 millions de francs, puisque - nous en avons la preuve - ces sommes ont été versées par Bruxelles. Que pouvez-vous répondre à cela ?
Selon une expertise menée conjointement par le secrétariat d'Etat au budget et votre secrétariat d'Etat, l'Etat doit à la région Guadeloupe 27 millions de francs au au titre du FIDOM, le fonds d'investissement pour l'outre-mer. Que pouvez-vous me répondre ?
On a beaucoup parlé de la loi d'orientation pour l'outre-mer. Vous vous êtes permis de prélever 3 % des recettes régionales au profit des communes de plus de 50 000 habitants ; or il n'existe qu'une seule commune de plus de 50 000 habitants : Les Abymes, dont le député-maire est l'un de vos amis. De ce fait, vous prélevez 24 millions de francs sur les impôts payés exclusivement par les compatriotes guadeloupéens. Que pouvez-vous me répondre ?
Vous avez également prélevé 30 % sur la taxe sur les passagers, qui sert au développement et à la promotion touristique, au profit des seules marinas de Gosier et de Saint-François. Enfin, vous avez enlevé 8 millions de francs au budget de la région.
Quant aux dégâts provoqués par le cyclone Lenny, alors là, c'est extraordinaire ! Le cyclone Lenny a détruit toute la Côte Sous-le-Vent. Les dommages ont été estimés par la direction départementale de l'équipement, ou DDE, sous le contrôle du préfet, à 48 millions de francs. On nous a dit de commencer les travaux ; nous avons donc commencé les travaux en 1998, la DDE étant le maître d'oeuvre. Et aujourd'hui, vous annoncez que vous ne rembourserez que 36 millions de francs - nous les attendons d'ailleurs encore, mes chers collègues ! Nous perdons donc 12 millions de francs. Et pourquoi ? Parce que, comme vous n'avez pas de crédits, vous recourez aux subventions, ce qui nous fait perdre la TVA. Nous savons aussi calculer ! (Sourires.)
Pour ce qui est du transport, vous refusez de reconnaître à la Guadeloupe le caractère d'archipel. L'agriculture de Marie-Galante ne vit que de la canne. Il est vrai que, sur ce point - je vous donne raison -, nous sommes parvenus à un protocole et que vous avez accordé des crédits ; mais une part importante reste à notre charge. Or vous refusez aux agriculteurs de Marie-Galante la possibilité d'aller à Pointe-à-Pitre faire des courses. Un habitant de Saint-Martin doit payer 1 800 francs un billet d'avion pour venir se faire hospitaliser !
Mais ce niveau des prix des transports intérieurs de la Guadeloupe nous coûte 26 millions de francs, car l'Etat n'apporte aucune contribution ! Et là où les choses deviennent extraordinaires, c'est quand vous faites parvenir au conseil général de la Guadeloupe une ordonnance réglant le transport intérieur !
Les choses bougent depuis des années, dans le domaine du transport intérieur ; ce problème mérite d'être réglé, vous avez raison. Mais, comme vous aimez agir avec l'argent d'autrui, vous expliquez au conseil général que vous allez prélever 10 % sur le fonds d'investissement routier pour les transports, soit 80 millions de francs, pour les transformer en subventions destinées au transport. Que pouvez-vous me répondre ?
Ainsi donc, même en mettant de côté les fonds européens du FSE - que vous avez encaissés, mais que vous gardez - et ceux du FIDOM, même en mettant de côté toutes ces sommes, savez-vous combien, aujourd'hui, l'Etat doit à la région Guadeloupe, en recettes propres ? Faites l'opération : 21 + 8 + 12 + 26 + 80, on arrive à 147 millions de francs !
Alors, vous pouvez nous annoncer que votre budget augmente de 10 %, de 15 % ou de 20 % ! Je vous répondrai : remboursez-nous d'abord ces 147 millions de francs, ensuite j'examinerai votre budget. C'est ce que j'ai dit à la population de ma région, n'en déplaise à ceux qui ne croient pas à ma puissance sur le terrain. Mais la politique consiste à essayer de me mettre à genoux ! (M. le secrétaire d'Etat sourit.)
Vous pouvez sourire, monsieur le secrétaire d'Etat ! Vous avez utilisé des fonds publics pour financer la venue de trois inspecteurs de la direction générale des finances dans ma région afin qu'ils contrôlent une association, et ces inspecteurs se sont permis de me convoquer devant un juge d'instruction, comme si j'allais à l'école le jeudi et que je ne connaissais pas la loi française ! De telles méthodes relèvent du grand spectacle !
Vous offrez 23 millions de francs au maire de Vieux-Habitants pour qu'il puisse résorber son déficit, le bruit courant, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il serait candidat aux élections législatives.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer. C'est le déficit de son prédécesseur !
Mme Lucette Michaux-Chevry. Mais parlons du déficit de nos prédécesseurs ! Lamentin : déficit de votre ami ; Baillif : déficit de votre ami ; Saint-Louis-Marie-Galante : déficit de votre ami ; Terre-de-Bas : déficit de votre ami ; Saint-Anne : déficit de votre ami... Voilà ce dont nous avons hérité en gagnant les élections dans des communes en déficit chronique.
Les 23 millions de francs que vous avez offerts à l'un de vos amis, monsieur le secrétaire d'Etat, pourquoi ne pas les avoir donnés au PACT, association chargée de l'amélioration de l'habitat, dont le trésorier était un fonctionnaire de la DDE et travaillait sous le contrôle du trésorier-payeur général. Il a laissé un déficit occulte - je pèse bien mes mots - de 27 millions de francs. L'Etat aurait dû aider à remettre cette structure sur pied : le PACT a disparu, nul n'en a plus entendu parler !
Aujourd'hui est survenue à l'hôpital de Pointe-à-Pitre une panne d'électricité : on ne sait pas ce qui s'est passé, mais il y a eu des morts.
J'aborderai maintenant le problème de la sécheresse. Tout le monde - ami ou ennemi - a bien ri quand le ministre de l'agriculture a annoncé la construction d'une usine de dessalement de l'eau de mer. Elle a été installée. En réalité, son débit en eau dessalée correspondait à des biberons d'eau ! Elle a disparu.
Vous n'avez encore rien payé pour la sécheresse, alors que 3 600 dossiers ont été déposés. Certes, quelques petits versements ont été consentis aux planteurs de canne : 25 francs pour le différentiel entre la production de l'année dernière et celle d'aujourd'hui. Je peux vous citer tous les chiffres !
Après cette catastrophe sont arrivées les chenilles. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous n'êtes pas présent ! Vos services ne viennent pas sur le terrain pour constater cette catastrophe qui accable les Guadeloupéens !
Mes compatriotes me disent qu'ils ne tirent aucun bénéfice de l'augmentation de votre budget.
On a beaucoup parlé de la loi d'orientation. J'ai déjà signalé qu'un cadeau avait été fait aux marinas et un autre aux transports, tous deux au détriment de la région.
Pouvez-vous nous indiquer le montant des dégrèvements fiscaux accordés à ce jour ? Nous connaissons les chiffres, nous aussi : 127 800 francs, d'après le trésorier-payeur général de Basse-Terre.
On avait dit de la loi d'orientation qu'elle représentait un effort considérable qui se compterait en millions de francs. Pour le moment, c'est la procédure prévue par le code général des impôts qui est appliquée, si bien que l'on avance à la vitesse d'une tortue.
Les remises accordées par la sécurité sociale sont importantes, c'est vrai, puisqu'elles s'élèvent à 350 millions de francs ; mais elles n'ont servi qu'à éponger les cotisations dues par le département de la Guadeloupe et par la ville de Pointe-à-Pitre !
S'agissant du RMI, nous pensons qu'il faut faire preuve de respect.
Monsieur le secrétaire d'Etat, la France a été assignée devant les instances européennes pour une irrégularité concernant l'octroi de mer ; le service des douanes a déposé un mémoire que, d'un point de vue juridique, j'appelle un « petit zéro » ; la France a perdu ; et qu'a fait votre directeur général des douanes à la Guadeloupe ? Il m'a écrit pour me dire que le montant de l'amende à laquelle a été condamné l'Etat serait prélevé sur le budget de la région !
Je suis restée très calme, mais je n'ai perdu ni mes forces ni ma vitalité, et je saurai encore me faire respecter. Je ne peux pas voter un budget qui n'est que du vent ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Payet, dont je salue la première intervention à la tribune. (Applaudissements sur l'ensemble des travées.)
M. Anne-Marie Payet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon intervention n'envisagera pas la totalité des mesures définies pour l'outre-mer dans ce projet de loi de finances 2002, afin de pouvoir mieux analyser l'une des priorités que vous vous êtes fixées.
Les trois priorités sur lesquelles est axé ce projet de budget sont l'emploi, le logement et l'effort en direction des collectivités locales. Elles sont évidemment nécessaires tant pour le développement économique et social des départements d'outre-mer que pour leur attachement à l'identité d'une République dont la diversité culturelle révèle toute la richesse.
Monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi de vous exposer mes préoccupations sur une seule de ces priorités : l'accès au logement et la réhabilitation des logements pour les plus démunis.
Commençons par un constat. A l'instar des autres départements d'outre-mer, la Réunion souffre de handicaps chroniques. La croissance démographique est bien supérieure à celle de la métropole. Le revenu moyen est peu élevé, ce qui reflète une forte proportion de bas salaires. Le taux de chômage, de 36,5 %, est supérieur à celui des autres départements d'outre-mer.
Par ailleurs, les disponibilités foncières sont limitées, compte tenu de notre environnement insulaire et du choix difficile qui nous est proposé entre l'application stricte du schéma d'aménagement régional, le développement de l'urbanisation et la protection des terres agricoles.
En outre, les communes n'ont pas les moyens de participer aux opérations portant sur les logements et, surtout, le parc de logements insalubles est très important puisqu'il est estimé à 20 980 habitations, soit 10 % du parc total de la Réunion et près de 50 % de l'ensemble des logements insalubres des départements d'outre-mer.
Ces obstacles, que vous connaissez, monsieur le secrétaire d'Etat, et que vous avez pu mesurer lors de vos déplacements dans notre département, appellent un effort financier qui doit être davantage soutenu.
Entrons un peu plus avant dans le détail des mesures que vous comptez prendre. J'évoquerai d'abord le logement social.
Depuis 1998, les dotations abondant la ligne budgétaire unifiée, la LBU, se situent aux environs de 75 millions d'euros, en comptant la créance de proratisation du RMI. En 1997, ce sont 4 412 logements qui avaient ainsi pu être financés, contre 3 129 seulement en 2000 ; 5 477 logements étaient programmés en 2001, dont 92 % de logements sociaux.
Mais les dernières statistiques que j'ai pu obtenir auprès des professionnels de ce secteur dans mon département font ressortir que, sur 2 225 appels d'offres lancés entre 2000 et 2001, seuls 58 dossiers ont été traités, ce qui a permis la réalisation effective de 400 nouveaux logements seulement en 2001. Je note par conséquent une grande différence entre ce qui est programmé et ce qui est effectivement réalisé !
Compte tenu des handicaps que je vous ai déjà exposés, les objectifs fixés en matière de programmation du logement social à la Réunion font apparaître la nécessité de construire ou d'améliorer un minimum de 6 000 logements par an. Par ailleurs, pour l'ensemble des DOM, ce sont près de 15 360 logements qui doivent faire l'objet d'une aide. Ces besoins représentent par conséquent un tiers de plus que ce que vous prévoyez dans ce budget.
En définitive, le projet de loi de finances pour 2002, qui prévoit pour l'ensemble de l'outre-mer la réalisation de 10 700 logements nouveaux et l'amélioration de 6 000 autres, n'est à l'évidence pas assez ambitieux.
Les représentants des départements d'outre-mer savent très bien que l'augmentation de la LBU inscrite dans ce projet de loi compense en réalité la suppression progressive de la créance de proratisation du RMI. Il aurait été judicieux de consacrer davantage de crédits à la seule politique du logement social afin de compenser intégralement la disparition de cette créance.
Au-delà de ces chiffres - même s'ils sont en progression -, les crédits d'aide au logement ne sont pas entièrement consommés et sont en partie reportés d'une année sur l'autre. En effet, les constructeurs de logements sociaux rencontrent de plus en plus de difficultés dans le montage de leurs opérations. Les contraintes administratives ou économiques retardent, parfois même empêchent la réalisation de certains projets.
Plusieurs opérations programmées par les maîtres d'ouvrages ont dû être différées, voire abandonnées, en raison de difficultés liées à la maîtrise foncière ; on ne peut que le déplorer.
Laissons-là les mesures en faveur du logement social pour nous pencher sur les difficultés concernant la politique d'amélioration de l'habitat insalubre.
L'amélioration de l'habitat et la résorption de l'habitat insalubre sont essentielles dans notre île, qui ne dispose pas, comme je l'ai déjà indiqué, de réserves foncières extensibles. Près de 21 000 habitations, où vivent 90 000 personnes, doivent être améliorées à la Réunion. Aussi faut-il tout mettre en oeuvre pour que l'accès aux subventions et aux crédits soit simplifié. Savez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il faut attendre de seize mois à quatre ans entre le dépôt d'un dossier et la réalisation des travaux ?
Comme tous les DOM, notre département souffre de ce problème mais il en souffre d'une manière plus aiguë que les autres puisque la moitié de l'ensemble des logements précaires et insalubres des DOM s'y trouve.
Une autre difficulté tient au champ d'application de la TVA au taux réduit de 2,1 %. En effet, les règles applicables à certaines réalisations outre-mer semblent avoir été calquées sur les priorités de la métropole puisqu'elles sont ciblées sur l'aménagement intérieur de l'habitation. L'amélioration de l'habitat, à la Réunion et dans les DOM, est au contraire surtout centrée sur l'extérieur. Ce sont essentiellement des travaux d'extension et de reconstruction partielle qui doivent être engagés. Or ces travaux n'entrent pas dans le champ d'application du taux réduit de 2,1 %.
C'est pourquoi je souhaite que vous apportiez une attention toute particulière à cette question de l'élargissement du champ d'application de la TVA au taux réduit de 2,1 % afin que celui-ci soit applicable aux travaux d'amélioration de l'habitat dans les DOM.
Monsieur le secrétaire d'Etat, les crédits consacrés au logement dans le projet de budget de l'outre-mer sont, c'est vrai, en progression, et vous ne manquez pas de le souligner. Toutefois, dans ce domaine, qui constitue pourtant l'une de vos priorités, comme dans les autres, vous ne proposez que des solutions temporaires qui ne seront d'aucun effet en termes de développement durable. Les mesures envisagées et les crédits accordés permettront sans doute quelques améliorations à court terme mais en aucun cas une politique à long terme.
Pour le logement comme pour l'emploi, les effets d'annonce et les chiffres en progression cachent mal un manque d'ambition général de la part de votre gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Loueckhote.
M. Simon Loueckhote. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce débat budgétaire me donne l'occasion de vous rendre compte de la situation en Nouvelle-Calédonie.
En juillet 1998 et en mars 1999, la Haute Assemblée a soutenu massivement les Calédoniens en adoptant la loi constitutionnelle et la loi organique qui leur permettent de forger leur destin commun.
Depuis lors, la mise en place des institutions nées de l'accord de Nouméa s'est faite sans difficulté majeure, en dépit de quelques divergences de points de vue sur leur fonctionnement.
C'est pourquoi, mes chers collègues, je tiens à vous rassurer pleinement sur l'expression du jeu démocratique au sein de notre archipel et à vous réaffirmer notre certitude d'avoir choisi la bonne voie.
Grâce à sa stabilité institutionnelle, la Nouvelle-Calédonie peut désormais non seulement s'efforcer de consolider ses bases économiques, mais aussi s'engager dans de grands projets de société.
L'un d'eux, dont le principe est inscrit en toutes lettres dans l'accord de Nouméa, est la couverture sociale généralisée, seul moyen de préserver un niveau de santé concevable.
La Nouvelle-Calédonie bénéficie, rappelons-le, d'un système de soins équivalent à celui d'un pays développé. Les collectivités assument une grande part de la charge financière, mais ce dispositif a largement atteint ses limites en termes de financement.
Le congrès de la Nouvelle-Calédonie est donc sur le point d'adopter une loi du pays ayant pour objet la mise en oeuvre d'une généralisation de la couverture sociale à toutes les composantes de la population calédonienne, projet qui est le fruit d'un travail de très longue haleine.
Si je souhaite appeler votre attention sur cette question, c'est en raison de la défaillance d'un maillon de ce dispositif basé sur la solidarité globale. Ce maillon, c'est l'Etat.
En effet, l'affiliation des fonctionnaires de l'Etat en poste en Nouvelle-Calédonie, qui est une condition essentielle de l'équilibre du système, n'est malheureusement pas acquise, le Conseil d'Etat ayant relevé que cette disposition ne peut être votée par le Congrès de la Nouvelle-Calédonie.
C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous sollicite une nouvelle fois, au nom des Calédoniens, et j'en appelle à votre soutien, mes chers collègues, pour que soient adoptées, à l'occasion de prochains travaux parlementaires, des dispositions permettant d'instituer le principe de cette affiliation des fonctionnaires de l'Etat à la sécurité sociale calédonienne, simultanément à la mise en place de ce régime par les autorités calédonniennes.
Autre sujet d'inquiétude, qui est lié au transfert des compétences de l'Etat à la Nouvelle-Calédonie et constitue également un des fondements de l'accord politique que nous avons signé en mai 1998 : les « ratés » du processus relevés dans son rapport par notre collègue Roland du Luart. Et, à en croire les observations formulées par nos collègues députés, ces derniers portent sur la question un jugement tout aussi sévère.
Nous avons obtenu le transfert au 1er janvier 2000 des compétences relatives aux services des mines, du commerce extérieur, de l'enseignement primaire et du travail, sans que ce mouvement soit accompagné des ressources financières correspondantes dans les lois de finances pour 2000 et pour 2001.
S'agissant de l'enseignement primaire public, une fraction de la dotation de l'Etat, désormais versée aux provinces, devait continuer à être versée à la Nouvelle-Calédonie pour contribuer à la formation des maîtres. Or, en 2001, ces crédits n'ont pas été versés, du fait de la non-signature d'une convention entre l'Etat et la Nouvelle-Calédonie.
Nous sommes donc, depuis le démarrage de ce processus de transfert, dans l'obligation de négocier avec les représentants de l'Etat chaque étape de la participation financière de ce dernier, alors que le principe même de la compensation des charges a été communément admis par les signataires de l'accord de Nouméa et qu'il est clairement inscrit dans la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie.
L'enseignement du second degré, qui est actuellement une compétence exercée par l'Etat en Nouvelle-Calédonie, soulève un problème du même ordre.
Depuis 1990, les collectivités provinciales assument la responsabilité de la réalisation, de l'entretien et du fonctionnement des collèges, la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie adoptée le 19 mars 1999 ayant confirmé que cette attribution leur revenait.
En contrepartie, la représentation nationale a adopté le principe du versement par l'Etat d'une dotation globale de construction et d'équipement des collèges au profit des provinces de Nouvelle-Calédonie. Inscrite au chapitre 41-56, cette dotation devait évoluer, à compter de 2001, en fonction de la population scolarisée.
Dans la pratique, le dispositif de financement mis en place par l'Etat en application de la loi organique ne tient pas compte des disparités constatées dans l'évolution des besoins en scolarisation identifiés dans chacune des provinces.
Les besoins se situent, en effet, essentiellement dans l'agglomération de Nouméa, où les collèges sont en sureffectifs croissants.
La province Sud a donc été contrainte de s'engager dans un programme ambitieux de construction de collèges, mais sans être suffisamment soutenue financièrement par l'Etat, qui couvre à peine la moitié des dépenses engagées à cette fin, comme l'a noté M. le rapporteur spécial.
Ainsi, au regard de son obligation d'accueillir la population scolaire du Sud, la collectivité ne bénéficie pas d'un niveau de financement acceptable. Pourtant, chacun sait l'importance des moyens consacrés à l'éducation dans la construction d'une société harmonieuse et responsable.
C'est pourquoi je souhaite vivement, monsieur le secrétaire d'Etat, d'une part, que vous acceptiez le principe d'une révision du montant de cette dotation globale et de ses modalités de répartition entre les trois provinces, d'autre part, que l'Etat mette tout en oeuvre pour compenser les transferts de charges.
Nous sommes parfaitement conscients de l'effort consenti par la nation en faveur de l'outre-mer et, en particulier, de la Nouvelle-Calédonie. Je tiens ici à vous exprimer, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au nom de nos compatriotes, notre profonde reconnaissance pour ce soutien, qui nous est indispensable, car il engage notre avenir.
Le processus d'émancipation, choisi par les Calédoniens, a pour fondement un équilibre politique auquel vous avez adhéré et pour objectif constant l'essor économique, social et culturel d'une population dont la France est l'unique patrie. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Laufoaulu.
M. Robert Laufoaulu. Il y a moins d'une semaine, monsieur le secrétaire d'Etat, vous visitiez pour la deuxième fois Wallis-et-Futuna, témoignant de l'intérêt que vous portez à notre territoire. Vous avez ainsi pu rencontrer les responsables locaux et la population, et aussi faire le tour des principaux chantiers en cours. Vous avez pu constater les besoins et entendre les aspirations des Wallisiens et des Futuniens, auxquels vous avez directement répondu. Je tiens, monsieur le secrétaire d'Etat, à vous en remercier.
Nous voici aujourd'hui à nouveau réunis sous d'autres cieux - ceux du Parlement -, ce qui me permet d'évoquer devant la représentation nationale différents points qui me tiennent à coeur.
Je ne reviendrai pas sur l'économie générale du projet de budget de l'outre-mer, déjà largement présenté par nos excellents rapporteurs. Aussi, je me concentrerai sur les crédits alloués à Wallis-et-Futuna.
Les crédits du secrétariat d'Etat à l'outre-mer pour le territoire passent de 54,86 millions de francs en 2001 à 56,88 millions de francs en 2002, soit une augmentation de 3,5 %. L'effort budgétaire global de l'Etat en faveur de Wallis-et-Futuna augmente donc de plus de 4 %.
Nous sommes, bien entendu, sensibles à ce geste. Il n'en demeure pas moins que, derrière l'apparence flatteuse des chiffres, la participation de l'Etat à l'outre-mer reste réduite à la portion congrue : cet effort se situe très en deçà de nos espérances et des besoins d'un territoire à l'économie exsangue.
C'est ainsi qu'un certain nombre de nos attentes restent insatisfaites. La subvention d'équilibre au budget territorial pour la desserte aérienne inter-îles est certes maintenue, mais elle n'a pas été augmentée comme cela avait été demandé.
Les élus du territoire avaient également souhaité un renforcement de l'équipe des ingénieurs des travaux publics pour réaliser les travaux de renforcement des infrastructures, comsommer les crédits et créer quelques emplois. Nous l'attendrons encore.
Je suis cependant satisfait par certaines mesures inscrites dans votre projet de budget, comme l'augmentation du financement accordé à l'agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer, l'ANT.
Quant au fonds d'aide de 1,6 million de francs, il constitue une intéressante initiative, que nous espérons voir poursuivie sur plusieurs années.
Comme cela vous a été signalé au cours de votre visite, monsieur le secrétaire d'Etat, notre grande préoccupation demeure bien évidemment le développement économique et la création d'emplois sur un territoire sans ressources, très réduit géographiquement et où le taux de chômage est en forte progression.
Les élus et responsables coutumiers, tout comme la population, espéraient beaucoup - peut-être trop - du rapport de l'institut de recherche pour le développement, l'IRD.
Ce rapport décrit surtout nos faiblesses, qui sont connues depuis longtemps, et présente des propositions dont la plupart ont déjà été formulées ou même expérimentées. Je dois dire qu'il suscite un peu de déception et n'apaise pas les inquiétudes quant à l'avenir.
Il y a pourtant dans ce rapport un constat essentiel : l'absence de statistiques et d'enquêtes permettant d'étayer les études et les décisions. C'est un indice particulièrement parlant du fait que le développement du territoire n'est pas une réelle préoccupation de fond.
L'éducation est elle aussi une priorité du territoire, car elle constitue un enjeu majeur pour son avenir. Or, disons-le franchement, le domaine de l'éducation doit être sérieusement et globalement repensé. L'état des bâtiments est lamentable, voire non conforme aux normes de sécurité en certains endroits, me disait un spécialiste voilà quelques jours. L'organisation pédagogique est à revoir très attentivement, notamment pour le secondaire, en particulier dans l'enseignement professionnel.
C'est ainsi qu'une réflexion s'impose en ce qui concerne le centre d'éducation aux technologies appropriées au développement, le CETAD. Nous nous heurtons à des problèmes récurrents, qui ont des conséquences en termes d'échec scolaire, dans le paiement des bourses de l'Etat, lesquelles sont d'ailleurs en nombre gravement insuffisant.
En 1994, le ministre de l'éducation nationale avait estimé que toutes les conditions étaient réunies pour que Wallis-et-Futuna soit déclaré zone d'éducation prioritaire, ZEP. Or, sept ans plus tard, ce dossier est toujours au point mort. Il est pourtant indispensable de le faire aboutir, quitte à adapter la réglementation applicable aux ZEP à la situation spécifique du territoire.
Enfin, je souhaite m'exprimer brièvement sur le problème de l'indexation, car il s'agit d'un sujet d'actualité très sensible. Des incohérences passées dans l'application des indices de correction, des revendications déconnectées des réalités, un territoire sans ressources propres : telle est la situation de Wallis-et-Futuna. J'approuve votre très récente proposition d'indexer à hauteur de 1,4 le personnel de l'agence de santé, monsieur le secrétaire d'Etat, mais - nous avons évoqué ce problème à Wallis - ses retombées locales seront difficiles à gérer. Par conséquent, je réitère mon cri d'alarme : les élus et les membres du conseil territorial prendront, je le sais, leurs responsabilités, mais l'Etat devra nous aider et assumer les siennes.
Je voudrais d'ailleurs m'attarder sur ce sujet de l'agence de santé, laquelle va enfin pouvoir être mise en place grâce à la signature du décret ad hoc.
Je ne ferai aucun commentaire supplémentaire sur le recours aux ordonnances, ayant déjà dit en d'autres occasions que, sans l'approuver, je le comprenais dans la mesure où il y avait urgence. Je m'étonne donc que dix-huit ordonnances, parmi lesquelles celle qui est relative à l'agence de santé, soient toujours en instance de ratification par le Parlement. La prise du décret relatif à l'agence de santé a bien trop tardé, laissant subsister, de fait, un flou qui a sans aucun doute été exploité lors des conflits sociaux des semaines passées.
Je tiens également à souligner que je fais pleinement miennes les préoccupations exprimées hier par l'intergroupe parlementaire de l'outre-mer en ce qui concerne la question de la desserte aérienne et la nécessité de désenclaver l'outre-mer.
Ce problème est spécialement criant pour Wallis-et-Futuna. Notre liaison avec Nouméa ou Papeete, assurée par Air Calédonie International, est sans doute l'une des plus chères du monde. De plus, les horaires fluctuants traduisent un manque de considération pour les habitants du territoire. Je dois vous avouer que nous comptons beaucoup sur un soutien total et particulièrement énergique de votre part, monsieur le secrétaire d'Etat, sans lequel nous ne pourrons jamais faire évoluer la situation, du fait du monopole exercé par Air Calédonie international.
Pour terminer, je souhaiterais revenir sur deux points que je remercie M. Jean-Jacques Hyest d'avoir soulevés dans son rapport.
Tout d'abord, en ce qui concerne l'accord particulier entre la Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna, vous nous avez annoncé, monsieur le secrétaire d'Etat, une signature possible de celui-ci en janvier prochain à Paris. A cet égard, nous demandons une aide financière de l'Etat pour la prise en charge des déplacements à Paris des participants, comme cela avait été le cas lors des premières négociations avec la Nouvelle-Calédonie et l'Etat.
Enfin, s'agissant du statut du territoire, nous reconnaissons qu'une obligation nous incombe, celle de réfléchir pour anticiper les événements et l'édification d'une société qui tend aux dimensions du village mondial. La balle est dans notre camp, monsieur le secrétaire d'Etat, celui du territoire. Là aussi, j'espère que nous saurons enfin prendre nos responsabilités. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. Lise applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Reux.
M. Victor Reux. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, n'ayant pas à revenir sur les excellentes analyses des rapporteurs, auxquelles je souscris globalement, je voudrais évoquer quelques sujets d'une importance majeure pour la collectivité insulaire à laquelle j'appartiens.
Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'Etat, pouvoir comme vous regarder l'avenir de Saint-Pierre-et-Miquelon avec le sourire, mais je considère pour le moment que le fossé économique creusé par l'effondrement de la pêche industrielle, au début de la décennie précédente, n'a pas été comblé, même si des actions positives ont été entreprises en divers secteurs.
Notre déficit commercial est en progression et dépasse les 52 millions d'euros, tandis que notre taux de couverture import-export est environ du tiers de ce qu'il était dix ans auparavant.
Certes, l'Etat a assumé la plus grosse part du financement de la construction d'un complexe aéroportuaire moderne, ce qui a permis de soutenir l'emploi durant quelques années, tout en endettant la collectivité territoriale... L'année 2001 se termine sans que les opérations de transbordement douanier interrompues par Bruxelles - cette interruption nous a coûté cher - aient pu reprendre. Vous savez, monsieur le secrétaire d'Etat, que cette reprise éventuelle, prévue sur le papier, se heurtera à de nombreux obstacles technocratiques réglementaires qui risquent, hélas ! de repousser bien loin ladite reprise et les rentrées fiscales correspondantes, l'exécutif local n'entrevoyant pas sa concrétisation avant la fin de 2002,au plus tôt.
L'année 2001 aura aussi été marquée par la saisine de la cour régionale des comptes d'Ile-de-France à propos du budget de notre collectivité.
En contrepartie, vous accordez des subventions à vos amis, mais peuvent-elles remplacer une saine gestion des deniers publics ? Sont-elles toutes destinées à financer des réalisations frappées au coin du bon sens ? J'avais pour ma part souhaité, l'an passé, une prise en charge au moins partielle par l'Etat de la dette de la collectivité territoriale.
Dans le sentiment de marasme qui prévaut, il est donc normal que la question des hydrocarbures suscite des espoirs, pourtant accompagnés d'interrogations multiples.
A ce sujet, on nous dit que le Gouvernement est très attentif à ce qui se prépare et que la plus grande transparence est de rigueur. Je veux bien le croire, du moins en ce qui concerne les communications provenant de la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement d'Ile-de-France, qui a suivi les travaux. Cependant, ce qui nous intéresse, c'est d'abord l'accès aux informations à la source, ainsi que la transparence et l'authenticité de celles émanant d'Exxon-Mobil, plus particulièrement quand elles concernent le forage sous-marin intervenu en avril dernier ou les forages futurs.
Par ailleurs - c'est un point capital compte tenu de l'exiguïté de notre zone économique exclusive à la hauteur des champs d'hydrocarbures potentiels - pouvez-vous m'indiquer quelle est la distance transfrontalière maritime dont le Gouvernement se fera l'avocat dans les négociations avec la partie canadienne qui doivent se poursuivre prochainement ? C'est là une question non pas technique, monsieur le secrétaire d'Etat, mais fondamentale. Avec celle du cabotage entre les deux zones, qui devrait être traitée dans l'accord d'unitisation à venir, il s'agit d'un élément crucial qui engagera très fortement l'avenir et sur lequel nous devons absolument, en tant que parlementaires, être informés.
Or l'expérience que nous avons vécue en 1992 à New York nous a instruits sur la conception qu'avait notre très grand voisin de notre minime importance dans la région et, par conséquent, du peu d'exigences auxquelles nous pouvions prétendre.
Penser que la question est devenue indifférente à nos interlocuteurs serait une méprise. En effet, pas plus tard que la semaine passée, elle a été clairement évoquée devant le tribunal de Fredericton, dans la province du Nouveau-Brunswick, où est débattu le contentieux relatif à la délimitation frontalière maritime entre les provinces de Nouvelle-Ecosse et de Terre-Neuve, avec, en toile de fond, la question des hydrocarbures sous-marins.
Pour défendre sa cause, la province de Terre-Neuve argue du fait - et c'est inouï - qu'elle a été pénalisée en 1992 à New York lors de la fixation des limites de la zone économique exclusive française au large de Saint-Pierre et Miquelon.
Ces réalités doivent, par conséquent, être bien prises en considération dans la réflexion de la partie française, et le Gouvernement doit s'armer de la plus grande vigilance, car il s'agit pour nous de la seule perspective économique à long terme qui puisse nous redonner un avenir, hors de l'assistanat tous azimuts.
Enfin, sur ce chapitre, aurons-nous une réponse claire à la question, maintes fois posée, visant le transfert à la collectivité territoriale des compétences de l'Etat en matière d'exploration et d'exploitation des ressources naturelles ? Où en est-on de l'élaboration du cahier des charges et de son approbation par le Conseil d'Etat ?
Je voudrais évoquer maintenant le secteur de la pêche et le soutien dont celui-ci a besoin.
Comme vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, une flotille de pêche artisanale a vu le jour petit à petit au cours de la dernière décennie et des entreprises ont été mises sur pied pour traiter de nouvelles espèces. Les navires sont là, tout comme l'énergie et l'ambition des personnes. Le problème essentiel est non pas celui des subventions, mais bien celui des fluctuations de la ressource, dont on ne peut cerner les causes. Les marchés ne font pas défaut non plus, mais l'évolution des résultats de la dernière campagne pose la question de l'absence de données scientifiques valables.
Or, c'est au moment où la France obtenait enfin une zone économique propre autour de l'archipel et où tous les compteurs économiques étaient à zéro que l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer, l'IFREMER, a décidé de nous abandonner et de réduire sa présence à la plus infime des structures, nous rendant ainsi davantage dépendants des Canadiens. Les inconnues scientifiques sont un obstacle à un développement concerté du secteur de la pêche dans son ensemble : seuls les pouvoirs publics peuvent nous aider à les lever en diligentant les missions appropriées de l'IFREMER dans les eaux environnantes. Etes-vous décidé à agir sans tarder en ce sens, afin que la diversification permette de faire revivre dans de meilleures conditions le coeur économique traditionnel de l'archipel ?
En ce qui concerne la loi d'orientation pour l'outre-mer, quelques projets initiative-jeunes ont vu le jour, ainsi que des formations en mobilité. Les entreprises éligibles aux exonérations de charges sociales en bénéficient, de même que celles pouvant prétendre aux primes à la création d'emplois, ce qui amplifie le dispositif mis autrefois en place par la loi Perben.
Il n'en reste pas moins que 2002 approche et que de sérieuses difficultés s'opposent à la mise en oeuvre du congé-solidarité.
Dans le même temps, les textes réglementaires relatifs à l'assurance-invalidité et à la coordination effective entre les divers régimes de prestations sociales semblent se faire attendre, ainsi que l'application de la loi de 1975 visant les handicapés.
S'agissant toujours du domaine social, j'attire votre attention, monsieur le secrétaire d'Etat, sur la situation des retraités du secteur privé, dont le pouvoir d'achat, comme celui des retraités des fonctions publiques territoriale et hospitalière ou des marins pensionnés, a été mis à mal ces dernières années. Seriez-vous favorable, monsieur le secrétaire d'Etat, à un réajustement automatique de ce pouvoir d'achat, donc de l'assurance-vieillesse, sur la base de critères objectifs locaux intégrant les fluctuations réelles des prix ? Je fais ici allusion à une loi de 1987.
A propos de la loi d'orientation, j'aimerais encore savoir, monsieur le secrétaire d'Etat, où en est l'application des mesures prévues par son article 38 relatif aux nouvelles technologies d'information et de communication, les NTIC, qui engagent l'Etat à mettre en place à Saint-Pierre-et-Miquelon, au plus tard au 1er janvier 2002, un dispositif compensant le coût de la surtaxe satellitaire ?
Cette mesure est très attendue, vous le savez, par les nombreux internautes du territoire. Ils la considèrent comme essentielle au désenclavement de l'archipel, eu égard aux coûts pratiqués sur place et aux diverses conditions d'accès et d'utilisation du réseau, qu'ils comparent avec ceux, bien plus légers, pratiqués dans tout notre environnement canadien ou nord-américain.
Enfin, je souhaiterais évoquer un aspect particulier de la vie dans la République des citoyens que nous sommes, celui de l'insécurité, qui ne peut être exclue, vous en conviendrez, du pacte républicain.
Si nous ne connaissons pas la grande délinquance des banlieues, nous avons nos victimes de la circulation routière, dont le nombre, toutes proportions gardées, est assez proche de celui que l'on constate dans l'Hexagone. En outre, il survient des affaires graves avec mort d'homme ou encore dégradations de biens personnels ou publics.
A cet égard, est-il normal que, au mois de mai dernier, le radiologue de l'hôpital de Saint-Pierre ait été soumis à la vindicte populaire lors de son évacuation via l'aéroport de Saint-Pierre en présence du président du conseil général, du préfet et des forces de l'ordre ? Personne n'a fait un geste pour s'interposer et lui éviter d'être humilié publiquement, frappé et blessé. Est-ce normal, monsieur le secrétaire d'Etat ?
Cette affaire touchant aux droits élémentaires de la personne humaine, décrite comme un lynchage dans la presse nationale, a suscité localement émotion et protestations. Je vous ai alors alerté, monsieur le secrétaire d'Etat, ainsi que le représentant local de l'Etat, en stigmatisant le laxisme et la faiblesse démontrés à nouveau par les pouvoirs publics en cette occasion.
Or, à ce jour, mon appel est demeuré sans réponse. J'ignore également si vos collègues de la défense et de l'intérieur, sollicités pour diligenter une enquête administrative, se sont intéressés à cette question. Elle ne me paraît pourtant pas banale, sauf à admettre que, de temps à autre, nous puissions constituer une zone de non-droit dans la République, ce qui n'est pas admissible, a fortiori dans un si petit territoire.
Doit-on banaliser et tolérer impunité et insécurité ? Vous me direz peut-être votre sentiment sur ce point, monsieur le secrétaire d'Etat.
Telles sont, mes chers collègues, les quelques réflexions dont je voulais vous faire part dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, vous présentant aujourd'hui le projet de budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer pour 2002, je suis heureux de la possibilité qui m'est offerte d'exprimer les orientations et les engagements du gouvernement de Lionel Jospin pour l'ensemble des départements, territoires et collectivités d'outre-mer. J'entends aussi aujourd'hui mettre en perspective ces choix budgétaires, en d'autres termes en dresser le bilan et montrer surtout l'effet durable, pour l'avenir, des décisions prises depuis 1997 et une nouvelle fois pour 2002.
Je voudrais bien sûr remercier Mme et MM. les rapporteurs pour le soin avec lequel ils ont analysé les dispositions du projet de loi de finances pour 2002 relatives au budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer.
Je me réjouis de retrouver la plupart des sénateurs représentant l'outre-mer, venus des trois océans, au-delà des différences et des sensibilités.
Le nouveau pacte républicain pour l'outre-mer, voulu depuis 1997, s'accompagne de moyens comme il n'y en a jamais eu dans notre histoire, et, monsieur Othily, je ne crains pas d'être démenti, y compris dans cet hémicycle. En effet, les crédits inscrits au budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer sont passés de 4,8 milliards de francs en 1997 à plus de 7 milliards de francs pour 2002, ce qui représente une progression de 46 %, et de 27 % à structure constante.
Durant cette période, tous ministères confondus, les dépenses budgétaires de l'Etat sont passées de 45,3 milliards de francs à 67 milliards de francs. La part de l'outre-mer dans les dépenses publiques a ainsi progressé de moins de 3 % à près de 4 %.
Cet effort considérable, que vous avez d'ailleurs tous bien voulu souligner, témoigne aussi de la mise en place d'outils nouveaux et d'orientations fortes en faveur de l'outre-mer. En d'autres termes, il ne s'agit pas uniquement d'une progression et de chiffres, il s'agit aussi d'orientations nouvelles, et peut-être davantage encore d'un regard renouvelé sur l'outre-mer. Je pense ici à la mise en oeuvre des accords de Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, et je remercie M. Loueckhote d'avoir donné une photographie exacte de la situation dans cette île. Je pense également à la nouvelle génération des contrats de plan ou de développement, aujourd'hui signés, et qui valent bien toutes les lois de programme que l'on peut évoquer ici ou là. Je pense encore à l'égalité sociale désormais acquise, au renouvellement du dispositif du soutien fiscal à l'investissement, à l'évolution statutaire à Mayotte et, bien sûr, à la loi d'orientation pour l'outre-mer. Comme l'a souligné M. Vergès, cette loi vaut beaucoup plus qu'une loi de programmation.
C'est dans cette dynamique que s'inscrit la progression du budget du secrétariat d'Etat pour 2002. S'il fallait résumer en quelques mots le projet qui vous est soumis, je dirais qu'il s'agit d'un budget de croissance, d'un budget de confiance et d'un budget pour l'action.
D'abord, c'est un budget de croissance - c'est manifeste ; les chiffres le prouvent -, car, pour la première fois, il s'élève à plus de 7 milliards de francs - 7,081 milliards de francs exactement - soit plus de 1 079 millions d'euros en dépenses ordinaires et crédits de paiement et près de 443 millions d'euros en autorisations de programme.
En réponse à M. du Luart, je voudrais préciser que le contrat de gestion, défini au printemps dernier, pour l'ensemble des départements ministériels permet d'adapter, en cours de gestion, les moyens financiers. Cet outil nous donne les moyens de répondre rapidement et efficacement à des besoins urgents et aux rythmes de consommation observés, en définissant, si besoin est, les montants de reports prévisionnels. Il convient également de répéter ici que cette pratique budgétaire, fondée sur la responsabilisation des différents acteurs de la dépense, s'inscrit dans la logique qui a présidé à la réforme de la loi organique relative aux lois de finances. J'ai été un peu étonné d'entendre le contraire ce matin. Très précisément, s'agissant de l'outre-mer, le contrat de gestion avait - vous l'avez justement rappelé - conduit à « réserver »...
M. Roland du Luart, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. 13 % !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. ... provisoirement plus de 10 % des crédits initiaux du secrétariat d'Etat à l'outre-mer. Rassurons ceux qui, à tort, s'alarment : les moyens alloués dans le cadre de la loi de finances rectificative me permettent de dégager pour l'exercice 2001 des crédits supérieurs à ceux qui avaient été prévus par la loi de finance initiale. L'outre-mer n'aura rien perdu dans cet exercice, bien au contraire. En effet, la procédure du contrat de gestion ayant été mise en oeuvre, les moyens figurant au budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer ont été plus importants que ceux qui avaient été inscrits en loi de finances initiale. C'est un bon emploi du contrat de gestion. Je voulais le préciser en réponse à M. le rapporteur spécial.
Ce budget est aussi un budget de confiance dans le potentiel des outre-mers. Trop souvent, on a semblé tenir pour une fatalité des déséquilibres qu'on renonçait à corriger ; cela s'appelle la résignation, mesdames, messieurs les sénateurs. Notre projet de budget au contraire, tout en prenant la mesure des rééquilibrages nécessaires, table sur les atouts, les apports et la capacité d'initiative de tous les acteurs d'outre-mer et procède au rééquilibrage nécessaire.
C'est, enfin, un budget pour l'action - je tenterai de le démontrer - qui s'organise autour de quelques grands axes prioritaires, complémentaires et solidaires.
Je voudrais identifier les priorités du projet de budget pour le secrétariat d'Etat à l'outre-mer.
Le soutien à l'emploi et à l'activité économique constitue, une nouvelle fois, la priorité majeure du Gouvernement, comme cela a été le cas depuis 1997.
C'est encore plus vrai outre-mer, là où le chômage reste, selon les départements et les territoires, deux à trois fois plus élevé qu'en métropole. Là-bas aussi, la politique menée par ce Gouvernement a porté ses fruits dans le domaine de l'emploi. Ainsi, depuis 1999, le nombre de demandeurs d'emploi a baissé de plus de 10 % et le nombre des jeunes demandeurs de près de 21 %. En Martinique, pour répondre à M. Désiré, la baisse est respectivement de 14 % et de 25 % pour la même période. On ne peut à la fois s'alarmer quand les chiffres sont mauvais et continuer à s'inquiéter quand, enfin, et c'est heureux, les tendances s'inversent.
L'augmentation substantielle de 25 % des crédits du FEDOM, soit 505 millions d'euros au total, permet à la fois de renforcer les dispositifs d'insertion traditionnels, d'accompagner la montée en puissance des mesures de la loi d'orientation pour l'outre-mer et de faire un effort sans précédent au bénéfice de Mayotte, qui bénéficiera de nouveaux dispositifs d'insertion. Au total, près de 100 000 mesures individuelles seront mises en oeuvre en 2002.
J'ai noté avec plaisir que tous les intervenants ont souligné l'aspect positif des projets initiative-jeunes. Certes, ici ou là, divers retards ont pu être constatés dans le traitement des dossiers de jeunes stagiaires du « PIJ mobilité ». La plus grande partie des dossiers qui ont été signalés ont d'ores et déjà été réglés localement. Des ajustements seront effectués pour raccourcir les délais d'instruction et, surtout, de versement des fonds. S'agissant de la demande d'agrément du comité national d'accueil des Réunionnais de métropole, je vous réponds favorablement, monsieur Virapoullé, sous réserve que cet organisme respecte les conditions du cahier des charges.
Parallèlement, la politique d'appui au développement économique et de soutien à la croissance est également renforcée.
Le développement des entreprises et des emplois du secteur marchand reste bien sûr notre priorité, même si j'ai entendu, ce matin, des appréciations différentes. Les exonérations massives de cotisations patronales de sécurité sociale en faveur des petites entreprises et des secteurs exposés à la concurrence ainsi que les allégements importants de charges sociales pour les artisans et les commerçants représentent un coût annuel de 3,5 milliards de francs, relevant du budget du ministère de l'emploi et de la solidarité. Cette somme est à rapprocher des 800 millions de francs, qui représentaient le coût budgétaire de la mesure qu'avait réussi à arracher à l'époque - et je lui rends hommage - mon prédécesseur, M. Dominique Perben, lequel n'avait pas été réellement suivi par le Gouvernement et la majorité d'alors quand il demandait un effort plus ambitieux. Mesdames, messieurs les sénateurs, le gouvernement auquel j'appartiens et la majorité qui le soutient ont donné à l'outre-mer les moyens de cet effort plus ambitieux.
La nouvelle loi sur le soutien fiscal à l'investissement constitue un autre levier de cette stratégie de dynamisation du secteur privé. Vous le savez, ce dispositif a été profondément renouvelé l'an dernier, par un texte adopté à l'unanimité à l'Assemblée nationale mais également au Sénat, et je vous en remercie. Il est, d'abord, plus transparent et plus juste en étant réorienté résolument vers les investissements créateurs d'emploi et vers de nouveaux secteurs éligibles porteurs d'activité. Il est, ensuite, mieux adapté aux besoins locaux en mettant au coeur du dispositif les entrepreneurs de l'outre-mer, peut-être davantage que les gros contribuables de la métropole. C'est en tout cas le choix que nous avons fait, et vous l'avez accepté. Ce dispositif est en vigueur depuis le 1er janvier 2001. Conformément au traité sur l'Union européenne, la France avait notifié, le 13 octobre 2000, ce nouveau dispositif à la Commission.
Plusieurs d'entre vous m'ayant interrogé ce matin sur ce point, je suis également heureux d'annoncer à cette tribune que cette procédure contradictoire avec la Commission européenne est aujourd'hui achevée. Le nouveau dispositif de soutien fiscal a été approuvé par la Commission européenne le 28 novembre dernier. Cette procédure est en effet relativement longue, d'autant plus que la Commission nous reprochait - pas à moi ! - de ne pas avoir notifié en son temps le dispositif de la loi Pons, et nous avons donc dû, pour cela, répondre entre décembre 2000 et septembre 2001 à de multiples questionnaires. Cette étape est heureusement derrière nous. Le décret d'application de ce dispositif de soutien fiscal est actuellement soumis à l'avis des collectivités d'outre-mer et il doit être publié avant la fin de l'année.
Les dispositions de la loi se suffisant à elles-mêmes dans la plupart des cas, la direction générale des impôts a pu instruire les très nombreux dossiers - plusieurs centaines - qui ont été déposés depuis le 1er janvier de cette année. Les premiers éléments de bilan laissent supposer une augmentation très forte du volume des investissements aidés par rapport à l'année 2000, pour laquelle la dépense fiscale est évaluée à 280 millions d'euros pour un volume d'investissements aidés de 680 millions d'euros. C'est un vrai démenti à tous ceux qui, outre-mer comme en métropole, se font les apôtres de la morosité de l'activité économique. En tout cas, outre-mer, la croissance se porte bien, l'investissement productif l'atteste, et nous sommes heureux de l'encourager.
Les contrats de plan et de développement, avec les moyens sans précédent qui leur sont consacrés - plus de 1,7 milliard d'euros - constituent un levier important pour le renforcement des économies locales. Pour 2002, le secrétariat d'Etat à l'outre-mer a prévu d'inscrire dans son budget le montant correspondant aux tranches annuelles théoriques de ses engagements contractuels : plus de 48 millions d'euros pour les départements d'outre-mer, Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte, et 69 millions d'euros pour les territoires d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie.
La volonté du Gouvernement et sa priorité budgétaire sont donc clairement axées sur le développement économique. J'ai bien entendu et lu les remarques soulignant que le secteur non marchand était privilégié ou, pis, laissant entendre que l'argent public était mal orienté car exclusivement axé sur des emplois aidés. Mesdames, messieurs les sénateurs, ces remarques ne me semblent pas justifiées. Elles traduisent une lecture erronée de l'effort budgétaire de l'Etat. Le Gouvernement entend, en effet, outre-mer comme ailleurs, répondre à la nécessité sociale, relayée par les élus toutes tendances politiques confondues, tout en ayant une stratégie forte de développement économique et de l'emploi. C'est cette politique équilibrée que je vous propose, c'est cette politique équilibrée que je défends devant vous.
Je reviens un instant sur les emplois aidés pour l'outre-mer, que j'entends parfois moqués ou tournés en dérision par leur nom ou par leur nature. Dans la période de crise que vient de connaître notre pays, qui n'a pas épargné l'outre-mer, ils constituent une réponse tout à fait adaptée, que les élus souhaitent défendre sur le terrain, à l'exception de quelques-uns : la très grande majorité d'entre eux souhaitent en effet que nous puissions maintenir cet effort en direction des emplois aidés, et je mets en tout cas au défi les élus d'outre-mer qui sont présents dans cet hémicycle de dire le contraire.
Le logement est également, avec le développement économique et l'emploi, la priorité de la politique menée par le Gouvernement.
Cette année encore, le projet de loi de finances pour 2002 traduit la constance de l'engagement de l'Etat. Avec plus de 287 millions d'euros pour les autorisations de programme et 161 millions d'euros pour les crédits de paiement, l'effort financier de l'Etat renforce celui qui a été consenti les années précédentes. Il permettra de réaliser, cette année, environ 10 700 nouveaux logements et d'en améliorer plus de 6 000.
Les engagements de l'Etat en matière de logement sont clairement réaffirmés et amplifiés puisqu'ils vont au-delà, avec 39 millions de francs supplémentaires, de la simple compensation de la créance de proratisation, comme l'a très justement fait remarquer M. Claude Lise.
Les collectivités territoriales constituent un maillon essentiel du développement et de la démocratie locale outre-mer.
Le dynamisme des collectivités territoriales est à part entière un facteur de développement économique et social et de vitalité culturelle et démocratique. Elles doivent, pour cela, être dotées des moyens qui leur permettent d'assumer les choix qui leur sont propres. Ainsi, les subventions de fonctionnement aux collectivités et les dotations globales pour la Nouvelle-Calédonie inscrites sur le budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer progressent globalement de près de 13 % et atteignent, pour 2002, près de 95 millions d'euros.
Mais le souci du Gouvernement de conforter la démocratie locale et de soutenir les collectivités outre-mer ne s'arrête pas à l'alignement de ces chiffres.
Vous le savez, la plupart des dotations affectées aux collectivités sont intégrées au budget du ministère de l'intérieur. Au total, en 2001, cela représente un montant de plus de 1 500 millions d'euros.
Le Gouvernement a également voulu solder certains dossiers ouverts depuis plusieurs années. Je pense, notamment, au règlement des dettes contractées au titre du FIDOM décentralisé : plus de 25 millions d'euros auront été versés à ce titre d'ici au premier trimestre 2002. Je pense également, plus largement, aux dispositions législatives communes à toutes les collectivités, ou spécifiques à celles de l'outre-mer, visant à assurer le renforcement des moyens financiers propres des collectivités.
Enfin, j'ai toujours considéré que la réforme communale en Polynésie devait constituer une priorité. Dès 1998, le Gouvernement avait déposé un projet de loi permettant d'engager enfin une réelle décentralisation en Polynésie ; chacun sait ici pourquoi l'examen de ce texte n'a pu être mené à son terme !
Plusieurs avancées significatives ont pu néanmoins être concrétisées : la pérennisation de la contribution de l'Etat au Fonds intercommunal de péréquation, à hauteur de près de 8 millions d'euros par an, par l'ordonnance de janvier 2000 ; l'introduction du scrutin proportionnel, c'est-à-dire l'alignement sur le droit commun, dans le cadre du projet de loi relatif à la démocratie de proximité, du mode de scrutin pour les communes polynésiennes comptant plus de 3 500 habitants ; enfin, le Gouvernement a repris le dossier, enfoui depuis dix ans, de la détermination du domaine des communes : ce dossier sera réglé pour toutes les communes avant le printemps prochain et, d'ores et déjà, le Conseil d'Etat a été saisi des projets de décret pour dix-sept d'entre elles, et un décret, relatif à la commune de Tahaa, a déjà été publié.
Le Gouvernement n'abandonne cependant pas la perspective d'une réforme globale des communes de Polynésie française et j'espère, pour ma part, que, dès le début de la prochaine législature, le Parlement pourra enfin l'adopter.
Permettez-moi maintenant, mesdames, messieurs les sénateurs, de revenir, comme c'est l'usage - et j'y souscris bien volontiers - sur quelques-unes des préoccupations ou des interrogations qui ont émergé à l'occasion de nos débats d'aujourd'hui.
En matière de transports, la desserte aérienne est vitale pour l'outre-mer, car elle est garante de la liberté de déplacement de ses populations et du développement de son économie. Mais, vous le savez, le Gouvernement n'est pas resté inactif lorsque cette desserte s'est dégradée compte tenu des difficultés qu'a connues la compagnie Air Lib.
J'ai entendu souvent Mme Michaux-Chevry parler au futur des actions à mener en matière de transports aériens ; ce gouvernement agit, madame la sénatrice, au présent !
Mme Lucette Michaux-Chevry. Au présent ? Moi aussi !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Je veux rappeler, à cet égard, les décisions récentes les plus fortes. Ainsi, la nouvelle loi de défiscalisation permet d'en étendre le bénéfice aux dessertes régionales. Les compagnies comme Air Caraïbes et Air Guyane peuvent donc y avoir recours pour renouveler leur flotte aérienne pour les dessertes intradépartementales ou interdépartementales.
Cela a permis, par exemple, à la compagnie Air Calédonie International d'acquérir deux Airbus afin d'assurer la desserte entre le Japon et Nouméa, ce qui représente, je le dis au passage, une aide de l'ordre de 370 millions de francs Et ce sont des francs français, pas des francs Pacifique !
La compagnie Air Tahiti Nui bénéficiera d'une subvention d'un montant proche de 250 millions de francs du Fonds pour la reconversion économique de la Polynésie française, afin d'acquérir un Airbus et de renforcer ainsi ses capacités de desserte vers le Japon et vers les Etats-Unis. J'ai enregistré les remerciements de M. Flosse sur ce dossier et je lui en donne acte, car ce n'est pas si fréquent.
En Guyane, à la demande de la région, la desserte intérieure bénéficie de subventions du Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, le FIATA, pour un montant supérieur à 10 millions de francs.
L'intervention de ce fonds pourrait également être étudiée pour certaines liaisons depuis la Guadeloupe, si le conseil régional en faisait la demande.
Plus généralement, le Gouvernement a fait réaliser un certain nombre d'expertises dans les départements d'outre-mer (Mme Michaux-Chevry s'exclame) afin de définir les conditions d'une desserte aérienne pérenne et de qualité. Je souhaite que nous puissions nous inspirer de leurs conclusions pour renforcer cette desserte.
Là aussi - je le dis sans esprit polémique -, j'avais quelque plaisir à voir ce matin côte à côte dans cet hémicycle M. Flosse, qui souhaitait interdire les vols Air Lib vers Papeete, et Mme Michaux-Chevry, qui se déclarait haut et fort partisan de la survie d'Air Lib. Et Dieu sait si elle a raison ! (Mme Michaux-Chevry s'exclame à nouveau.)
Sans pousser le paradoxe, je constate cependant que Mme Michaux-Chevry n'a toujours pas dépensé un franc sur ce sujet, alors que M. Flosse, quant à lui, a négocié un accord entre Air Lib et Air Tahiti Nui. Vous comprendrez que j'éprouve quelque plaisir à voir ces chassés-croisés !
Mme Lucette Michaux-Chevry. C'est de l'enfantillage ! Si je m'assieds à côté de vous, cela ne prouvera rien !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Je voudrais également revenir sur l'activité économique dans le secteur du tourisme, qui demeure fragile car elle dépend de nombreux facteurs tels le transport, l'environnement international ou encore, bien sûr, la qualité du produit offert.
Aux Antilles, mesdames, messieurs les sénateurs, le tourisme représente un poids économique majeur : 23 milliards de francs en Guadeloupe entre 1990 et 1999, 15 milliards de francs en Martinique depuis 1991. Les acteurs socioprofessionnels - et les élus, bien sûr - m'ont fait part à de nombreuses reprises de leurs préoccupations, auxquelles j'attache la plus grande importance.
Que pouvons-nous faire ensemble dans ce domaine ? Tout d'abord, les crédits prévus dans les contrats de plan sont considérables ; la loi d'orientation pour l'outre-mer a par ailleurs rendu éligibles à l'exonération des charges sociales patronales les entreprises de ce secteur, sans limitation du nombre de salariés ; les investissements touristiques bénéficient, en outre, des mesures de soutien fiscal à l'investissement, en particulier - et c'est nouveau -, pour la rénovation des structures hôtelières, je souhaitais le rappeler, monsieur Désiré.
Tout cela témoigne de la volonté de l'Europe, de l'Etat et, bien sûr, des collectivités locales d'accompagner cette activité touristique. Pourtant, chacun exprime, à juste titre, une inquiétude pour l'avenir de la destination touristique des Antilles. Il s'agit là d'un sujet que je veux aborder avec beaucoup de gravité.
Les problèmes que connaissent ces destinations relèvent de différents facteurs et la réussite en matière de tourisme peut se décomposer en trois tiers : un tiers dépend du transport, un tiers dépend de la qualité du produit touristique offert et un tiers dépend, bien sûr, de notre action collective de promotion et de soutien à ce secteur.
Chacun doit ici prendre ses responsabilités et ne pas se limiter à des incantations ou à des déclarations d'intention.
Du côté de l'Etat, le secrétaire d'Etat au tourisme, M. Brunhes, et moi-même avons confié aux préfets de Guadeloupe et de Martinique, le 9 novembre 2001, une mission auprès des exécutifs locaux - qui en ont été informés - et des socioprofessionnels du secteur touristique.
Il s'agit de définir avec ces partenaires une initiative commune. J'ai envie de dire, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'il nous faut organiser un véritable sursaut collectif, sous peine de voir ces destinations connaître une crise grave.
Cette initiative commune est destinée à mettre un terme aux difficultés actuelles, à la dispersion des efforts que chacun constate pour la dénoncer parfois. Il s'agit d'inscrire l'activité touristique dans un cadre maîtrisé susceptible de lui garantir une place durable dans les économies des Antilles.
Les conclusions de ces discussions me seront fournies dans le courant de ce mois et je souhaite évoquer ce sujet avec les exécutifs régionaux et départementaux et les partenaires concernés lors de mon prochain voyage en Guadeloupe et en Martinique.
MM. du Luart et Désiré, ainsi que plusieurs autres orateurs, m'ont demandé pourquoi le Gouvernement n'a pas encore pris les décrets relatifs à l'indemnité d'éloignement.
Comme vous le savez, cette mesure a un fort impact outre-mer. Son élaboration a nécessité une concertation en profondeur avec les organisations syndicales : je ne sais pas, pour ma part, travailler autrement. A l'issue des échanges menés avec ces organisations, parallèlement à la suppression de l'indemnité d'éloignement - suppression voulue par le Parlement et sur laquelle nous n'entendons évidemment pas revenir - il est apparu possible et souhaitable de mettre en place pour les fonctionnaires affectés dans les départements d'outre-mer un dispositif spécifique transitoire pour les zones dans lesquelles le pourvoi des postes de fonctionnaires de l'Etat est délicat : je pense à la Guyane, aux îles du nord de la Guadeloupe, ou à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Par ailleurs, pour rester en cohérence avec l'esprit de la loi d'orientation et pour encourager la mobilité des fonctionnaires des départements d'outre-mer vers la métropole, il est prévu de mettre en place un dispositif financièrement incitatif qui ne soit pas en régression par rapport à l'actuelle indemnité d'éloignement. Les projets de décret, dans ce domaine, sont en cours de contreseing et seront, je m'y engage, publiés avant la fin de cette année.
MM. du Luart, Hyest et Loueckhote ont également interpellé le Gouvernement sur les moyens dont dispose la Nouvelle-Calédonie pour les collèges.
L'Etat verse annuellement aux provinces, hors contrats de développement, une dotation globale de construction et d'équipement des collèges répartie après avis des assemblées de province.
Je sais que la province Sud connaît des difficultés pour faire face aux besoins de construction des collèges...
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. C'est parce que les enfants du Nord y viennent !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Certes, mais il faut considérer globalement cette question.
J'ai annoncé la semaine dernière, à l'occasion de mon déplacement en Nouvelle-Calédonie, l'envoi d'une mission d'inspection générale pour évaluer ces besoins. C'est, à mes yeux, le prélude nécessaire à un effort supplémentaire de l'Etat.
Les transferts financiers accompagnant les transferts de compétences seront réalisés dès que les conventions seront signées. Je souhaite, là aussi, qu'elles le soient le plus rapidement possible, et j'ai donné des instructions dans ce sens.
Enfin, dans le domaine de la sécurité, évoqué par MM. Balarello, Hyest et Désiré, les situations sont contrastées outre-mer.
Si l'on constate une tendance à la stabilisation en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie, ce dont je me réjouis, on observe, en revanche, aux Antilles, en Guyane et à la Réunion, une augmentation de la délinquance, notamment de cette délinquance de voie publique qui - c'est vrai - pourrit la vie d'un certain nombre de nos concitoyens.
Outre-mer comme en métropole, l'Etat entend bien exercer totalement sa responsabilité dans ce domaine.
A ce titre, les effectifs de la police nationale ont progressé de près de 19 % depuis 1997. Le nombre total de policiers était, au 1er septembre 2001, de 3 515. A la fin de cette année, 112 fonctionnaires de police supplémentaires seront affectés outre-mer, et nous allons bien sûr, dans les principales circonscriptions de police d'outre-mer, mettre en oeuvre, dès le début de 2002, la police de proximité.
Quant à la gendarmerie, elle a, pour sa part, vu ses effectifs croître de 20 % pendant la même période.
Les efforts du Gouvernement sont donc - vous pouvez en juger - considérables et se conjuguent sur place pour mettre en oeuvre cette politique avec les élus locaux, en développant notamment les contrats de sécurité.
S'agissant de la décision d'association des pays et territoires d'outre-mer à l'Union européenne, évoquée notamment par M. Vergès, je vous confirme qu'elle a été adoptée lors du Conseil européen des ministres du 27 novembre. L'échéance du 1er décembre a donc été respectée.
S'agissant des relations des départements d'outre-mer avec l'Europe, évoquées notamment par M. Virapoullé, le Gouvernement a tout mis en oeuvre pour qu'interviennent les mesures d'application de l'article 299-2 du traité d'Amsterdam, mesures attendues par l'outre-mer. L'augmentation des taux d'intervention des fonds structurels, le régime des aides au fonctionnement, l'intervention dérogatoire des fonds sur la forêt outre-mer, ainsi que le nouveau cadre du POSEIDOM en sont bien la concrétisation. Vous le savez, le Gouvernement a travaillé d'arrache-pied pour obtenir ces décisions.
S'agissant de l'octroi de mer, la concertation annoncée et qui a été mise en oeuvre dans les quatre régions au cours de l'année 2001 se poursuivra dans les jours qui viennent. En effet, je saisirai les quatre exécutifs régionaux d'un document de travail et de réflexion qui sera, je l'espère, la base d'une négociation que nous aurons à coeur de mener ensemble auprès de Bruxelles.
En ce qui concerne les ratifications des ordonnances, en réponse à M. Hyest, je rappellerai que le Gouvernement avait proposé au Sénat leur inscription à l'ordre du jour au mois de juin dernier. Eu égard à un agenda chargé, votre assemblée ne l'avait pas souhaité. Le Gouvernement veut néanmoins que cette discussion ait lieu, et il proposera son inscription à l'ordre du jour du début de l'année 2002.
S'agissant de la dernière loi d'habilitation, les neuf ordonnances seront prises avant le 31 mars prochain. Plusieurs d'entre elles, notamment les ordonnances relatives à la protection sociale et à l'emploi à Mayotte, ont déjà fait l'objet d'une décision interministérielle et ont été transmises au Conseil d'Etat et à l'assemblée locale pour avis.
M. Flosse a attiré mon attention sur les conditions de gestion du fonds de reconversion. Je rappelle que les sommes destinées à ce fonds sont comptabilisées de manière scrupuleuse et en toute transparence. Il est donc hors de question que les engagements de l'Etat ne soient pas respectés à l'égard de la Polynésie. Cela dit, les dépenses du fonds obéissent à une gestion paritaire, selon des procédures dont l'évaluation est en train d'être réalisée par plusieurs inspections générales. Il reste que de nombreuses opérations ont été et seront financées sur le fonds, comme le montre, par exemple, l'accord récent intervenu en comité de gestion du fonds sur l'achat d'un avion par la compagnie Air Tahiti Nui.
J'en arrive maintenant au domaine institutionnel, très présent dans vos interventions.
Il s'agit non pas de réaliser des changements statutaires pour eux-mêmes, mais, plus fondamentalement, un demi-siècle après la refondation des statuts de l'outre-mer, intervenue en 1946, de réfléchir ensemble à leur adaptation pour qu'ils soient plus proches de la diversité des outre-mers - j'emploie à dessein le pluriel - et répondent mieux à l'aspiration à plus de responsabilités et à un développement économique plus autonome qui se fait sentir.
C'est bien dans cette perspective que se sont inscrits les accords de Nouméa, mais également le nouveau statut de Mayotte, qui fait droit aux préoccupations exprimées depuis vingt-cinq ans par les Mahorais.
Pour les départements d'outre-mer, le Gouvernement a voulu fixer, dans la loi d'orientation, une procédure, une méthode permettant, là où les élus le souhaitent et surtout là où la consultation des populations le confirmera, une évolution institutionnelle.
Le choix, heureusement, ne sera jamais - en tout cas pour ce gouvernement - entre le statu quo et l'aventure, alternative que je crains de voir se dessiner ici ou là...
Mme Lucette Michaux-Chevry. C'est le chapitre VI du programme commun !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. C'est le terme « aventure » qui vous fait réagir, madame la sénatrice ? En effet, vous êtes parmi les tenants de l'aventure : je l'ai souvent dit.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Non, je rappelle l'histoire !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Cette évolution doit respecter quatre principes rappelés par le Premier ministre devant l'ensemble des maires de l'outre-mer, voilà quinze jours.
Premier principe : l'unité de la République, à laquelle les populations des départements d'outre-mer sont profondément attachées.
Deuxième principe : le maintien au sein de l'Union européenne, qui implique notamment le respect des règles européennes dans les conditions prévues par les traités.
Troisième principe : l'égalité des droits et la préservation des acquis sociaux. Il est clair que ce gouvernement n'acceptera jamais une évolution institutionnelle pour l'outre-mer qui conduirait à une régression des droits sociaux.
Enfin, quatrième principe : l'exigence d'une consultation préalable des populations, car on ne saurait préjuger la volonté des populations.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Il faut l'appliquer à la Corse, alors !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Qui renvoie à plus tard ou à jamais ces consultations ? Au fond, qui a peur du peuple dans ce domaine ? (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Lucette Michaux-Chevry. Pas moi !
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Personne n'a peur du peuple !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Qui souffle le chaud puis le froid ? J'entends ici ou là qu'il faudrait réviser la Constitution, puis, après seulement - peut-être ne le ferait-on jamais... - consulter la population. Ce n'est pas la voie que nous proposons : nous n'avons pas peur du peuple.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Nous non plus !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Nous souhaitons le consulter. Nous estimons, en effet, que le peuple doit donner son point de vue avant toute évolution du statut des départements d'outre-mer, dans le respect des principes que je viens de rappeler.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Ce programme, c'est celui du RPR !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Le débat public fait aujourd'hui apparaître d'heureuses convergences en Guyane comme aux Antilles. Le temps passé, ces derniers mois, à rapprocher les points de vue et permettre une confrontation dans un cadre démocratique et transparent, sous le regard de l'opinion publique, n'aura pas été, mesdames, messieurs les sénateurs, du temps perdu.
Dans le cadre du congrès et, là où l'initiative locale l'a voulu, un mouvement est engagé. En Guyane, notamment, il a abouti à un ensemble de propositions auxquelles le Gouvernement et moi-même venons d'apporter une première réponse.
Oui, un accord est possible en Guyane si nous parvenons à trouver un compromis. Le moment venu, une large majorité se dégagera parmi la population guyanaise.
Oui, une réforme est possible en Guyane, comme dans les deux autres départements qui s'engagent dans ce processus, si la population y adhère.
Ce gouvernement et sa majorité, qui, les premiers, ont rendu possible cette évolution, entendent bien respecter leurs engagements.
Sans remettre en cause les acquis de la départementalisation, sans mépriser ce qu'elle a eu de bon, il s'agit bien d'ouvrir, avec les élus du suffrage universel et avec les populations, une nouvelle étape qui pourrait comprendre, si nécessaire - M. le Premier ministre l'a rappelé - des réformes constitutionnelles si les populations le demandent.
M. Othily a abordé le problème de la couverture maladie universelle et de la dotation générale de décentralisation.
Le secrétariat d'Etat à l'outre-mer et le ministre de l'intérieur partagent, bien sûr, les préoccupations exprimées par les élus de nombreux départements, parmi lesquels les quatre départements d'outre-mer, quant aux modalités financières de la création de la CMU et de ses incidences sur la dotation globale de décentralisation.
En effet, dans les comptes administratifs de 1997 des départements d'outre-mer, sont incluses des dépenses qui régularisent des dettes antérieures à 1997. Par ailleurs, les dépenses non médicales ont été comptabilisées à concurrence de 4,7 millions de francs pour le département de la Réunion.
Après décision du Premier ministre, les dépenses non médicales ont pu être déduites du montant contesté lors de l'examen de la loi de finances restificative pour 2000. Les dettes anciennes et les intérêts moratoires qui figurent dans les comptes administratifs de 1997 doivent néanmoins faire l'objet d'un réexamen. La Commission nationale consultative des charges sera saisie, le 13 décembre prochain, du projet d'arrêté portant répartition de la dotation globale de décentralisation au titre de l'exercice 2001. Elle doit examiner, en particulier, les bases de calcul de la dotation. La question de la CMU sera également abordée. J'ai attiré l'attention du Premier ministre sur ce dossier très important pour les finances des conseils généraux de l'outre-mer.
Vous avez également abordé, monsieur Othily, le problème de la pêche en Guyane.
La raréfaction de la ressource en crevettes est une réalité. Les causes en sont multiples. Le Gouvernement, pour apporter une réponse concrète et prendre des mesures de soutien à la profession, va financer une étude qui est en cours de réalisation par l'IFREMER.
Enfin, Mme Michaux-Chevry a évoqué un certain nombre de sujets. Je souhaite bien sûr lui apporter des réponses, même si, je le crains - et mes propos s'inscrivent dans la tonalité habituelle de nos rapports -,...
Mme Lucette Michaux-Chevry. Face à face !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Face à face, cela va de soi, mais avec une totale courtoisie. De toute façon, la vigueur de l'interpellation ne remplace jamais la rigueur de la démonstration !
Sur le prix de l'essence, je voudrais rappeler que la taxe sur les carburants est supérieure en Guadeloupe à ce qu'elle est en Martinique. Or cette taxe est fixée par la collectivité régionale. Comme vous le savez, la mise aux normes de la raffinerie de la SARA, que vous avez évoquée, est indispensable pour satisfaire aux normes européennes.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Vous dites que c'est nous qui fixons la taxe ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. La présence de la SARA en Martinique permet de sécuriser durablement l'alimentation en carburant aux Antilles. Fallait-il, dans ce domaine, pratiquer la politique de l'autruche ?
Mme Lucette Michaux-Chevry. Voyons, monsieur le secrétaire d'Etat, la taxe sur les carburants est fixée par le ministre ! J'ai entre les mains la lettre de M. Fabius ! (Mme Michaux-Chevry brandit un document.) Ce que vous dites est grave.
M. le président. Poursuivez, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. S'agissant des transports intérieurs, le conseil général de Guadeloupe a, comme vous le savez, délibéré sur un projet d'ordonnance qu'il a d'ailleurs lui-même contribué à établir et qu'il a ensuite transmis au Gouvernement. C'est ce projet, qui prévoit le prélèvement de 10 % du fonds d'investissement routier pour les transports, le FIRT, que vous avez évoqué, madame la sénatrice. Il n'est donc pas illégitime d'affecter une partie de ce fonds à l'agence départementale des transports prévue par cette ordonnance, puisque le FIRT représente une ressource destinée au financement du transport.
Enfin, en ce qui concerne la sécheresse en Guadeloupe, je rappellerai que 76 millions de francs ont été mobilisés pour remédier à ses conséquences ; ils seront versés au fur et à mesure de la présentation des dossiers par les professionnels.
Je soulignerai également que le PACT, le pacte d'aménagement concerté du territoire, a été restructuré en un nouvel organisme, qui a bénéficié d'une aide de l'Etat de 7 millions de francs.
S'agissant des dégrèvements fiscaux permis par la loi d'orientation pour l'outre-mer, dont vous sous-estimez l'effet concret sur le terrain, peut-être parce que vous n'avez pas voté cette loi, 125 plans d'apurement ont été conclus, mais plusieurs centaines sont en train d'être examinés et plusieurs millions de francs de dettes fiscales ont été annulés ou seront étalés dans le temps.
Vous avez également attiré mon attention sur le FIDOM décentralisé. Comme vous le savez, le Gouvernement a ordonné une expertise. D'ores et déjà, 100 millions de francs avaient été inscrits dans les lois de finances rectificatives pour 1999 et 2000 ; le solde, 66 millions de francs, est prévu dans la loi de finances rectificative pour 2001.
Voilà, madame la sénatrice, j'ai répondu en conscience, l'esprit très libre, aux questions que vous m'avez posées, même si je ne m'attends pas à ce que ces explications trouvent totalement grâce à vos yeux.
L'ambition qui doit être la nôtre est bien de faire vivre avec et pour l'outre-mer une politique de la fierté.
L'augmentation de ce budget est en effet indissociable, selon moi, d'une ambition pour l'outre-mer revue à la hausse depuis 1997, car ces moyens accrus qu'il vous est demandé d'approuver aujourd'hui traduisent un véritable changement de perspective.
Ce gouvernement revendique pour les outre-mers une politique de la fierté. Fierté d'avoir, dans l'histoire, plus souvent résisté que subi et, dans bien des circonstances, volé au secours du pays en danger ou de la République menacée ; de ce point de vue, c'est vrai, je préfère Delgrès au général Richepanse. (Mme Michaux-Chevry s'exclame.) Fierté d'avoir, de longue date et bien plus qu'on ne le mesure d'ordinaire en métropole, contribué à faire la France telle qu'elle est et oeuvré à son rayonnement. Fierté pour les collectivités d'outre-mer d'être aujourd'hui moteurs et acteurs de leur destin. Cette fierté ne saurait être celle de quelques-uns sans être celle de tous, dans l'Hexagone comme outre-mer.
Ces quelques considérations légitiment tout particulièrement, à mon sens, les moyens consacrés à la mobilité des jeunes, à la culture, à la vie associative et à la coopération régionale. Elles justifient très directement la progression, à périmètre constant, de plus de 20 % des crédits consacrés à ces domaines.
Je tiens à insister sur le lancement de deux actions nouvelles qui me paraissent essentielles.
D'une part, la modernisation du dialogue social dans les départements d'outre-mer doit prolonger une expérience réussie en Martinique ; je sais que d'autres départements et territoires d'outre-mer souhaitent qu'elle leur soit étendue.
D'autre part, nous avons entamé une action en faveur du développement des nouvelles technologies de communication. Cette action répond, je le sais, à une aspiration des départements d'outre-mer dont M. Reux s'est fait l'écho.
J'ai souhaité la création d'un fonds de développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication, principalement au bénéfice du secteur non marchand, qui pourra mobiliser 1,52 million d'euros en 2002, les entreprises de ce secteur étant aidées - c'est aussi une décision récente - au titre du dispositif de soutien fiscal.
A cet égard, l'action des pouvoirs publics privilégie l'égalité d'accès et la continuité des communications outre-mer, comme le comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire de juillet dernier, qui s'est tenu à Limoges, l'a prévu et comme je l'ai indiqué en différentes occasions. Cette volonté vaut tant pour le développement de l'internet que pour celui de la téléphonie mobile. Cela permettra de faciliter, je le crois, l'« égalité technologique » que M. Vergès, comme nous tous, appelle de ses voeux.
Je rappellerai, pour conclure, que, durant cette législature, le Parlement a voté de grandes lois qui concernent directement l'outre-mer, ménageant des possibilités inédites d'évolution statutaire dans la République. Le budget que je vous présente prolonge ces impulsions majeures et les inscrit dans la durée, en même temps qu'il ouvre de nouvelles voies dans des domaines que je crois essentiels pour le devenir des outre-mers.
Le temps des injonctions impérieuses ou des alternatives schématiques n'est plus. Selon les époques, on a voulu les outre-mers tantôt trop différents pour être égaux, tantôt trop uniformes pour être eux-mêmes. Nous apprenons aujourd'hui à mieux conjuguer ce que l'on tint longtemps pour inconciliables : l'aspiration à davantage de reconnaissance, davantage de liberté de s'administrer et de maîtriser son propre destin, et l'aspiration profonde à une égalité des droits mieux affirmée et à des solidarités plus efficaces.
Dans cette perspective, il me semble important qu'il y ait, à Paris, un lieu emblématique des outre-mers qui rendrait enfin possible le partage des cultures. C'est pourquoi le Premier ministre a fait part, le 19 novembre dernier, de l'engagement du Gouvernement de soutenir le projet d'une « cité des outre-mers », devant le maire de Paris, Bertrand Delanoë, et les maires de l'outre-mer réunis à l'Hôtel de Ville. Dès 2002, le Gouvernement prévoit les moyens nécessaires pour engager la création de cette cité, qui symbolisera la présence forte et irréversible des outre-mers dans l'Hexagone.
Je vous ai dit ma volonté de mettre en oeuvre, pour l'outre-mer, une politique de la fierté. Ma propre fierté, aujourd'hui, serait que le budget que vous examinez et qui sera, je l'espère, voté par nombre d'entre vous traduise la vitalité des liens unissant les différents outre-mers à la République et apporte à l'Etat les moyens de promouvoir plus efficacement, pour les outre-mers et avec eux, un développement choisi et durable, une identité respectée et une égalité non pas formelle mais réelle.
Cette promesse de la République, il faut la respecter. C'est le combat auquel ce gouvernement a fait franchir une étape sur laquelle personne ne pourra revenir, avant que vienne le temps de poser ensemble d'autres pierres. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant l'outre-mer et figurant aux états B et C.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 9 210 231 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)

M. le président. « Titre IV : 11 937 252 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 5 992 000 euros.
« Crédits de paiement : 2 482 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 436 932 000 euros.
« Crédits de paiement : 128 933 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'outre-mer.

5

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. Jean-Paul Amoudry. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. Amoudry.
M. Jean-Paul Amoudry. Monsieur le président, je m'appuie sur l'article 75 bis du règlement pour interroger M. le ministre de la défense - et, à travers lui, l'ensemble du Gouvernement - sur un problème dont la gravité et l'urgence justifient qu'il soit soulevé dès aujourd'hui.
L'incapacité des pouvoirs publics à endiguer l'insécurité dans notre pays fait payer un lourd tribut aux forces de l'ordre, notamment à la gendarmerie.
Pour cette raison, à laquelle s'ajoutent des décisions gouvernementales récentes très mal ressenties, la gendarmerie nationale connaît une crise sans précédent.
Les membres du groupe de l'Union centriste, auquel j'appartiens, sont en contact et aux côtés, sur le terrain, des services de la gendarmerie. Connaissant et appréciant, comme tous les élus, comme tous les parlementaires, leur sens du devoir et du sacrifice, ils tiennent à leur rendre un hommage tout particulier.
Ils appellent solennellement le Gouvernement à prendre sans délai les mesures appropriées pour rétablir la confiance et le climat de sérénité indispensables à la poursuite du maintien de l'ordre dans notre pays.
Ils exhortent aussi les gendarmes à ne pas céder au découragement et à continuer de se montrer exemplaires.
La gendarmerie est une armée d'élite, une référence pour la nation et l'un des piliers de notre République.
M. Claude Estier. Ce n'est pas un rappel au règlement !
M. Alain Richard, ministre de la défense. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Monsieur le président, il ne m'appartient pas d'interpréter le règlement du Sénat, mais j'en ai quelques souvenirs et je crois que l'intervention que nous venons d'entendre s'est située sur un autre plan.
Si M. Amoudry veut bien avoir la patience d'entrer avec nous dans le débat sur le budget de la défense qui va commencer dans quelques instants, il pourra m'entendre expliquer la position du Gouvernement sur le sujet qu'il a évoqué.

6

LOI DE FINANCES POUR 2002

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2002, adopté par l'Assemblée nationale.

Défense

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant le ministère de la défense.

J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a opté pour la formule expérimentée l'an dernier et fondée sur le principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants, rapporteurs ou orateurs des groupes.
Ainsi, M. le ministre répondra immédiatement et successivement aux deux rapporteurs spéciaux, puis aux cinq rapporteurs pour avis, puis au président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, et enfin à chaque orateur des groupes.
Ces réponses successives se substitueront à la réponse unique en fin de discussion.
Chacune des questions des orateurs des groupes ne devant pas dépasser cinq minutes, le Gouvernement répondra en trois minutes à chaque orateur ; ce dernier disposera d'un droit de réplique de deux minutes au maximum.
Mes chers collègues, dans ce débat très important, je compte sur votre concours pour que les temps de parole attribués aux rapporteurs et aux orateurs des groupes soient respectés.
Je compte également sur votre compréhension et votre grande expérience parlementaire, monsieur le ministre, pour que cette nouvelle procédure permette un véritable dialogue avec les sénateurs, dans le cadre des contraintes horaires qui ont été fixées par la conférence des présidents.
La parole est à M. Blin, rapporteur spécial.
M. Maurice Blin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation pour l'exposé d'ensemble et les dépenses en capital. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget pour 2002 que nous allons examiner correspond au dernier des exercices couverts par la loi de programmation 1997-2002. Cette discussion doit donc être pour nous tous l'occasion de faire le bilan de cette loi de programmation.
Pour être bref, et pour répondre au voeu de M. le président de la commission des finances, je limiterai mon intervention à cinq observations.
Première observation, le budget des armées pour 2002 est globalement - les chiffres le confirment - en stagnation, sinon, sur certains points, en déclin : en 1997, il représentait 2,36 % du produit intérieur brut ; l'an prochain, il en représentera moins de 1,9 %, et encore faut-il inclure dans ce calcul les 2,7 milliards de reports dits « autorisés ». J'espère que M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie tiendra cet engagement, puisque ce report dépend de lui seul.
Je constate, avec regret que le budget de la défense n'a pas profité de la croissance. En 2002, le budget général augmente de 2,5 %, alors que celui des armées ne progresse que de 0,2 %, compte non tenu des reports.
Je rappelle pour mémoire que les crédits d'équipement non consommés se montent, chaque année, en moyenne à 5, à 6, voire à 7 milliards de francs. Il faut donc conclure, selon une formule trop convenue - mais, hélas ! toujours valable -, que le budget des armées a servi de variable d'ajustement au budget général. Pourquoi, monsieur le ministre, ne s'est-il pas vu reconnaître un caractère plus prioritaire ?
Deuxième observation, le déséquilibre entre le titre III et le titre V va s'accroître une fois encore l'an prochain. Cette évolution comparée des crédits de fonctionnement et d'équipement reproduit, en l'aggravant, celle du budget général.
Quelques chiffres en témoignent. Les dépenses de fonctionnement des budgets civils augmentent en 2002 de 5,1 % contre 2,3 % dans les armées. Les crédits d'équipement des budgets civils régressent de 1,7 %, contre 2,5 % pour le budget des armées. Pour plus de précisions, je vous renvoie au tableau qui figure à la page 39 de mon rapport écrit.
Certes - reconnaissons-le, car c'est important - le projet de budget de l'an prochain comporte un effort de revalorisation de la condition militaire, notamment pour la gendarmerie ; mais cette revalorisation s'exerce aux dépens du titre V.
Or, et vous le savez mieux que quiconque, monsieur le ministre, cette dérive ne peut que s'aggraver avec le temps, puisqu'une sorte de compétition oppose désormais l'armée et la société civile pour attirer les meilleurs et, surtout, pour les conserver.
L'armée emploie de plus en plus de personnels civils. Or les conditions de travail des civils et des militaires diffèrent à bien des égards, en particulier pour la réduction du temps de travail.
Si l'armée professionnelle compte moins de soldats, leur fonctionnement et leur équipement coûtent nettement plus cher. Le militaire français est aujourd'hui l'un des moins dotés des armées de l'OTAN.
Certes, la professionnalisation a été réussie. Son calendrier est respecté. C'est un hommage qu'il convient de rendre à votre ténacité, monsieur le ministre, et à la capacité d'adaptabilité des armées.
Mais une armée professionnelle coûte cher, et les coûts de fonctionnement de la nôtre sont inférieurs à ceux des armées américaine ou britannique. Dans le futur, elle risque donc, si l'on entend seulement conserver sa valeur, de nous coûter effectivement de plus en plus cher. Monsieur le ministre, quel est votre sentiment sur ce sujet qui engage l'avenir ?
Troisième observation, le bilan de la loi de programmation qui s'achève fait hélas ! apparaître un constat : l'équipement aura été le grand perdant.
Parce que nous en avons souvent parlé, je sais, monsieur le ministre, que, sur ce point, nos analyses divergent. Mes chers collègues, je vous renvoie à mon rapport écrit, pages 28 à 32. Les chiffres qui en ressortent sont clairs. Le budget pour 2002, même en tenant compte de l'effet report, ne permet pas de financer l'annuité prévue par la loi de programmation, même révisée. Elle devait être l'an prochain de 86 milliards de francs ; elle sera de 81,4 milliards de francs en crédits demandés et de 84 milliards de francs en crédits disponibles.
En fin de compte, le bilan de la loi de programmation se solde par une année de dépenses d'équipement en moins et une détérioration des matériels plus importante que prévue. Certes, on peut en débattre selon les références choisies ; mais je crois tout de même pouvoir le dire, après étude faite sous l'autorité des plus hauts responsables des armées et en accord avec les conclusions analogues de mon collègue rapporteur du budget des armées à l'Assemblée nationale.
Ces responsables reconnaissent qu'il y aura, sinon ruptures de capacités d'ores et déjà avérées, du moins « érosion des matériels », « dégradation du modèle d'armée 2015 » et « inquiétude sur la cohérence des forces ».
Au terme des retards successifs - parlons-en, parce qu'ils engagent notre avenir immédiat - pris dans les commandes au cours de l'actuelle programmation, la plupart des programmes majeurs ne seront pas livrés avant 2008-2011.
C'est le cas du quatrième SNLE-NG, sous-marin nucléaire lance-engins de nouvelle génération, équipé directement du missile M 51, qui ne sera admis au service actif qu'en 2008 au plus tôt.
Quant à la mise en service des missiles ASMP-A, air-sol moyenne portée, sous Mirage 2000 et sous Rafale, elle n'interviendra pas avant 2007-2008.
Le premier satellite successeur de Syracuse II ne sera lancé qu'en 2013.
Les premiers Tigre version antichar de l'armée de terre, ainsi que les premiers hélicoptères NH90 ne seront livrés qu'en 2011.
Le premier escadron opérationnel de Rafale au standard F2 n'entrera en service qu'en 2006. Et je pourrais citer bien d'autres exemples.
Les armées françaises vont donc aborder la prochaine loi de programmation militaire - qui commencera dès 2003 - avec un triple handicap : une réalisation en termes physiques moins favorable que prévu, c'est-à-dire moins de matériel neuf qu'il n'avait été envisagé ; une dotation en autorisations de programme, comme en crédits de paiement, qui présente un écart sensible avec les dotations prévues pour 2003, première année de la future loi de programmation ; enfin - et ceci découle de cela -, des coûts d'entretien accrus en raison du vieillissement du matériel.
Cela signifie, en clair, qu'au cours de cette loi qui sera non plus d'études et de conception mais de fabrication et de livraison des matériels, il faudra nécessairement procéder à un rattrapage très lourd sur le plan financier. Cette évidence, monsieur le ministre, ne cesse de nous poursuivre : la partagez-vous ?
Ma quatrième observation concernera un sujet mieux connu, les charges indues que supporte le budget des armées. Laissant de côté les charges annexes comme le financement du BCRD, le budget civil de recherche et de développement, ou les compensations apportées à la Polynésie, soit un milliard de francs par an jusqu'en 2005, je m'en tiendrai aux plus importantes.
Il s'agit, d'abord, des opérations extérieures, les OPEX, dont le coût se monte, bon an mal an, à 3 milliards de francs.
Il s'agit, ensuite, de la restructuration des industries d'armement d'Etat - dont certaines sociétés conservent un statut remarquablement archaïque - restructuration qui passe par une mutation coûteuse, à forte connotation sociale.
Cette mutation difficile, notamment parce qu'elle exige d'abord celle des personnels, ne se fera pas sans une nouvelle et forte contribution budgétaire.
Je citerai deux exemples : sur la période 1997-2002, le coût de restructuration de la direction des constructions navales, la DCN, a représenté 3,3 milliards de francs. Depuis sa création en 1990, le groupe GIAT Industries a totalisé 24 milliards de francs de pertes, et l'Etat, actionnaire unique, aura versé 18,5 milliards de francs au titre de sa recapitalisation - dont 11,7 milliards de francs depuis 1996 -, au prix d'un prélèvement important sur le titre V. Une nouvelle recapitalisation, de l'ordre de 4 milliards de francs, avait, en principe, été annoncée d'ici à la fin de l'exercice.
Il s'agit, enfin, des dépenses mises en oeuvre sur le FRED, le Fonds de restructuration de la défense et sur le FAI, le Fonds d'adaptation industrielle.
Au total, entre 1997 et 2002, le ministère de la défense aura consacré 16,4 miliards de francs à sa restructuration : 5,3 pour les aides au départ et à la reconversion des personnels militaires, 6,6 pour le personnel civil, 3,3 pour la DCN et 3 pour limiter l'impact économique local des restructurations.
Certes, la plupart de ces dépenses ont été utiles, mais pourquoi faire supporter par le seul budget des armées des actions dont la finalité, éminemment politique ou sociale, le dépasse ?
M. Jean-Guy Branger. Eh oui !
M. Maurice Blin, rapporteur spécial. En bonne logique, c'est au budget des charges communes qu'elles devraient être inscrites, comme l'est le déficit des sociétés nationalisées, dans la mesure où tous ces éléments servent à l'évidence l'intérêt tout à fait général de la nation. Que pensez-vous de cette suggestion, monsieur le ministre ?
Ma cinquième observation concerne l'avenir de l'industrie européenne d'armement. Les disparités entre les budgets militaires des nations occidentales s'accroissent et la menacent de dislocation.
L'écart se creuse entre le continent et la Grande-Bretagne, dont l'armée est professionnelle de longue date, il est vrai, mais, de ce fait même, a valeur de référence. En 2002, le budget militaire de la Grande-Bretagne représentera 2,3 % du PIB contre 1,77 % pour la France et 1,40 % pour l'Allemagne. Je cite ces chiffres avec beaucoup de perplexité et une grande inquiétude.
Comparée à la France et par soldat, en Grande-Bretagne, la dépense de fonctionnement est deux fois et demie supérieure, et la dépense de l'équipement, deux fois supérieure.
Au train où vont les choses, l'industrie britannique dominera dans dix ans l'Europe et jouera immanquablement le rôle d'arbitre incontournable entre l'Europe et les Etats-Unis. C'est ce qu'elle veut, et elle s'en donne les moyens.
M. Jean-Guy Branger. Hélas !
M. Maurice Blin, rapporteur spécial. Quant aux Etats-Unis, ils mettent depuis le 11 septembre dernier - passez-moi l'expression - les « bouchées doubles ». Après de longues hésitations, ils viennent de prendre la décision de lancer le Joint strike fighter, le JSF, le futur avion de chasse multimissions, qui devrait être fabriqué à 3 000 exemplaires plus 3 000 autres à l'exportation.
Si ce grand dessein voit le jour - et tout indique que tel sera le cas - il risque de compromettre les chances du Rafale, celles de l'Eurofighter, voire celles de leur éventuel successeur.
Autre exemple, la firme Boeing va recevoir du pouvoir fédéral 18 milliards de dollars pour la soutenir face aux difficultés provoquées par la chute du marché des avions civils et à l'échec qu'elle a subi, face à Lockheed sur le projet du JSF.
C'est dire l'ardeur et la vigueur des moyens que les Etats-Unis mobilisent au service de leur effort d'armement.
Que penser de ce grave problème qui nous soucie, vous comme nous, de l'A 400 M, l'avion de transport futur dont l'Europe voudrait se doter ? Le report de la décision que nous devions prendre du fait de l'Allemagne, des hésitations de l'Italie, de la défection possible à terme de la Grande-Bretagne nous laissent penser que cette affaire n'est pas encore acquise.
Si ce grand projet, symbole de l'autonomie de l'Europe de la défense, devait avorter, ce serait sur le plan politique, technique et social, le signe de son définitif abaissement. La plupart de mes collègues rapporteurs, qui partagent cette inquiétude, vous interrogeront certainement sur ce sujet, monsieur le ministre.
Enfin, que faut-il penser de la réalisation effective de la Force de réaction rapide européenne ? Elle devait être opérationnelle à l'horizon 2003. Une première conférence réunie à Bruxelles le 20 novembre 2000, avait souligné un certain nombre de lacunes à combler. Où en sommes-nous, monsieur le ministre, un an après, avec le bilan dressé par la conférence du 19 novembre 2001 ? Nous serons, vous le devinez, exceptionnellement attentifs à vos réponses.
Mais, quelles qu'elles soient, vous comprendrez, mes chers collègues, que face aux nombreuses et graves interrogations que laisse ouvertes le budget pour 2002, face aux charges budgétaires qui ne manqueront pas de s'accumuler sur les prochains exercices, la commission des finances, une fois de plus et à regret, aujourd'hui comme hier, se trouve dans l'incapacité de recommander l'adoption du budget des armées pour 2002. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Trucy, rapporteur spécial.
M. François Trucy, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation pour les dépenses ordinaires. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, conformément à la méthode qui préside à notre débat, je vais vous poser plusieurs questions sur le titre III du budget de la défense.
Elles seront moins nombreuses que mes interrogations à l'égard du projet de budget de la défense pour 2002 et du bilan que nous avons le devoir de faire sur l'évolution de ce budget tout au long de la législature qui s'achève et de l'exécution de la loi de programmation militaire 1997-2002.
Les motifs d'interrogation et d'inquiétude sont nombreux, comme en a témoigné l'intervention de M. Maurice Blin et comme le montreront celles de mes autres collègues rapporteurs.
L'objectif premier de la loi de programmation qui s'achève, la « professionnalisation » des armées, a été atteint, dites-vous, de manière « globalement » satisfaisante.
Il faut effectivement saluer l'ampleur de cette réforme - le mot est faible. Assise sur des suppressions massives d'emplois et d'unités, sur la reconversion et l'incitation au départ, elle a porté ses fruits. A ce jour, aucun ministère civil n'a été en mesure de tenter ou de réussir une telle démarche.
Il faut vous en donner acte, monsieur le ministre, c'est l'illustration de votre total investissement dans cette révolution.
Dans la même optique, le ministère de la défense donne l'exemple en étant le premier à achever les négociations syndicales relatives à l'application des 35 heures pour les effectifs civils, et le premier à mettre en oeuvre, enfin, la jurisprudence Berkani visant à intégrer, sauf décision contraire, les personnels contractuels des catégories C et D dans les effectifs de la fonction publique.
A moins de 1 % près, ce qui est négligeable, l'objectif global des effectifs budgétaires est donc respecté, et la défense emploiera, en 2002, 436 221 personnes, soit le cinquième des effectifs civils.
Mais, au regard de ce critère, il faut souligner des déficits réels qui, s'ils perdurent, constitueront des facteurs de perturbation au regard du « modèle d'armée 2015 » : davantage de militaires du rang que prévu, beaucoup plus de gendarmes, et beaucoup moins de personnels civils et de volontaires. Par ailleurs et surtout, certains postes bien spécifiques - ceux de médecin, d'informaticien, d'atomicien ou de plongeur-démineur - sont franchement déficitaires.
Pensez-vous, monsieur le ministre, que l'exercice 2002 suffira à combler ces lacunes avant d'aborder la prochaine loi de programmation ?
En réalité, les motifs d'inquiétude concernent les perspectives. Certes, la professionnalisation est « accomplie ». Mais elle n'est pas consolidée pour autant. Monsieur le ministre, vous reprenez d'ailleurs les mêmes mots, la même phrase, dans les projets de loi de programmation militaire futurs.
Seulement pour préserver l'acquis, il faudra consentir un effort budgétaire supplémentaire considérable. En d'autres termes, pour avoir le même résultat et donc pour donner le sentiment qu'on ne fait pas mieux, il faudra payer davantage.
Au-delà des soucis ponctuels, mais réels et permanents, de recrutement, apparaissent surtout des difficultés de fidélisation. Cette dernière se heurte en effet à la concurrence forte d'un marché de l'emploi civil conjoncturellement à la hausse - et c'est tant mieux - mais aussi, de façon plus structurelle, à la moindre attractivité du métier militaire : des conditions de vie moins agréables et des rémunérations inférieures.
La comparaison est renforcée par la mixité désormais fonctionnelle des effectifs civils et militaires, qui ne vivent pas au même rythme, même au sein d'un même bureau.
A cet égard, la loi sur les 35 heures constitue un écueil redoutable ; nous en reparlerons ultérieurement.
La comparaison avec les militaires des armées de l'OTAN n'est pas favorable à la France. La dépense de fonctionnement consentie - rémunération et charges sociales comprises - pour un soldat français est près de deux fois moins élevée que pour un soldat britannique, et près de trois fois moins élevée que pour un soldat américain.
Au cours des derniers exercices, les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont quant à eux augmenté de 2 % en termes réels leurs dépenses annuelles de rémunération et de fonctionnement. Cela ne leur a pas permis pour autant de combler totalement leurs propres lacunes de recrutement.
En réalité, il serait illusoire de penser que le pouvoir d'achat du titre III pourra rester constant dans la durée. Les personnels ayant fait le choix de servir dans une armée professionnelle ont le droit d'être plus exigeants à l'égard du fonctionnement de l'équipement des forces, et, au fond, du métier qu'ils exercent. Et je ne vois aucune raison pour que ce niveau d'exigence cesse de s'élever à l'avenir.
Monsieur le ministre, je souhaiterais connaître votre sentiment sur l'écart qui nous sépare, en termes de dépenses de fonctionnement par tête de soldat, de nos partenaires britanniques et américains, ou même sur l'écart que vous pourriez concevoir entre le niveau actuellement atteint et le niveau minimal d'un soldat professionnel, allais-je dire.
L'analyse de l'évolution du titre III au cours de l'exécution de la programmation fait apparaître un dérapage des dépenses qui sont systématiquement financées en loi de finances initiale comme en exécution, par un prélèvement sur les crédits d'équipement du titre V.
Les facteurs de ce dérapage ne pourront que se maintenir, voire se renforcer au cours de la prochaine législature et de la prochaine loi de programmation.
Sur l'ensemble de l'actuelle programmation, la mise en oeuvre de la professionnalisation a représenté un coût d'accompagnement, sans doute plus lourd que prévu, de l'ordre de 17 milliards de francs. Nous vous donnons toutefois acte que ce n'est pas ce qui a pesé le plus lourd dans la forte progression du titre III. Mais la consolidation de la professionnalisation au cours de la prochaine loi de programmation imposera des mesures au moins équivalentes.
Monsieur le ministre, oui ou non, la France doit-elle continuer à être présente dans les opérations extérieures ?
Si oui, à combien estimez-vous leur coût moyen annuel et, surtout, pourquoi diable vous refusez-vous à inscrire cette dépense dans la loi de finances initiale ?
Oui ou non, tirant la leçon de ce qui vient de se passer, et qui rappelle les techniques - pardonnez-moi le mot - du sapeur Camember, inscrirez-vous ces crédits dans la loi de programmation militaire à venir ?
Ce refus constant d'inscrire dans la loi de finances initiale les dépenses de fonctionnement correspondant à la participation de la France à des opérations extérieures bien connues, notamment dans les Balkans, est incompréhensible.
Ces opérations, dont le coût annuel total a été constamment de l'ordre de 3 milliards de francs, sont prévues et répertoriées. Elles n'en ont pas moins constamment été financées en cours d'exécution seulement et uniquement par prélèvement sur les crédits d'équipement du titre V.
Les observations de M. Blin quant à la programmation militaire et à l'équipement n'ont rien d'étonnant. Non conforme à l'esprit du droit budgétaire, le procédé a en effet largement contribué au non-respect de la loi de programmation, s'agissant des crédits d'équipement.
En tout état de cause, pour la prochaine législature, nécessité fera loi, car les reports du titre V, largement utilisés au cours de l'actuelle législature, seront alors vraisemblablement épuisés pour faire peut-être place à une crise des paiements.
Les crédits d'entretien programmé et de fonctionnement courant ont été soumis à la portion congrue au sein du titre III pendant toute la durée de la programmation. Il en résulte un pourcentage sans précédent de matériels non opérationnels : bâtiments de la marine nationale, hélicoptères, chars Leclerc.
La baisse la plus sensible concerne les moyens liés à l'activité des forces, qui sont amputés de plus d'un milliard de francs sur la période de programmation, soit 10 % du montant initial de 1997.
De fait, les taux d'activité des armées françaises sont aujourd'hui inférieurs aux objectifs arrêtés par la loi de programmation militaire.
Le projet de budget pour 2002 prévoit bien une majoration des crédits de fonctionnement, hors rémunérations et charges sociales. Mais les deux tiers de cet effort sont en réalité financés par des mesures d'économie et de transfert ; ils ne correspondent donc pas véritablement à des moyens nouveaux. Le tiers du montant ainsi globalement disponible bénéficiera à la gendarmerie.
Au total, les taux d'activité de nos forces armées seront légèrement améliorés, certes, mais pas dans une proportion de nature à leur permettre d'atteindre l'objectif de l'OTAN, dont il faut respecter les critères, et moins encore celui des forces britanniques.
Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, l'ampleur de l'effort qui reste à faire pour atteindre ces normes ?
Après tout, aviez-vous vraiment l'intention de les atteindre ou les trouvez-vous, au fond, sans signification ? A vous de nous le dire.
J'en viens au cinquième point. Le projet de budget pour 2002 comporte un incontestable effort en faveur de la condition militaire. Cet effort étant réalisé bien tardivement, il ne saurait être suffisant pour répondre à des demandes qui ne peuvent être qualifiées que de légitimes. Par ailleurs, il reste globalement inférieur de moitié à celui qui est consenti pour les budgets civils : le titre III de la défense progresse en effet de 2,3 %, alors que ceux des budgets civils augmentent en moyenne de 5,1 %.
En outre, il comprend pour partie l'incontournable prise en compte des « mesures Sapin » relatives au point d'indice et à la revalorisation des bas salaires, qui représentent un total de 1,3 milliard de francs, soit la moitié du total des moyens nouveaux du titre III.
Certes élargi cette année à l'ensemble des forces armées, et non plus seulement, comme en 2001, à la gendarmerie, au service de santé et à la délégation générale pour l'armement, l'effort ne concerne toutefois que les sous-officiers et il laisse totalement de côté les officiers.
Vous venez par ailleurs de déposer un amendement important tendant à abonder des crédits du titre III. Mais je pense que ce n'est pas le moment de l'aborder puisque le débat s'instaurera tout à l'heure.
Pour conclure, mes chers collègues, la commission des finances constate qu'au terme de la loi de programmation qui s'achève la professionnalisation des armées françaises a été accomplie à peu près conformément aux objectifs.
Mais parce qu'un certain nombre de dépenses, notamment celles qui portent sur les opérations extérieures, n'ont pas été prises en compte, tout cela s'est fait au prix d'une ponction constance sur les dépenses d'équipement.
L'amendement que vous nous proposerez tout à l'heure pour financer la mise en oeuvre des mesures relatives au temps d'activité et d'obligation professionnelle des militaires, ne sera pas financé autrement. En d'autres termes, nos soldats professionnels sont aujourd'hui sous-équipés.
Surtout, le caractère manifestement non prioritaire du budget de la défense pour le Gouvernement tout au long de l'actuelle législature fait qu'un effort minimal a en réalité été consenti pour les moyens de fonctionnement de nos armées. De fait, les charges qui pèseront sur la prochaine législature pour seulement conserver le niveau acquis seront très supérieures à celles que nous avons connues, et cela dans un contexte conjoncturel sans doute moins favorable. Le risque n'est pas négligeable de voir une remise en cause de la professionnalisation par ceux qui, sans arrêt, veulent oublier l'instabilité et les dangers récurrents de la conjoncture.
Il est dommage que le Gouvernement n'ait pas profité de trois années très favorables sur le plan économique pour donner à la réforme des armées les moyens nécessaires à la réussite de la professionnalisation.
Pour toutes ces raisons, et comme M. Blin à l'instant, je vous informe, mes chers collègues, que la commission des finances a décidé de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits du titre III.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Je tiens à remercier MM. les rapporteurs spéciaux pour leur travail d'analyse et leurs présentations. Pour respecter pleinement le mode d'organisation opportun qui a été retenu pour ce débat, je me limiterai, dans cette première intervention, à des observations strictement financières.
Le projet de loi de finances pour 2002 adopté en conseil des ministres donne à la défense les moyens d'achever la mise en oeuvre de l'actuelle loi de programmation militaire et de préparer efficacement la prochaine.
Le montant des crédits dont disposera le ministère de la défense en 2002, soit 29,264 milliards d'euros, progresse de 1,6 %.
En dehors de l'amendement proposé, dont nous débattrons plus tard, le projet de budget fait apparaître un titre III en croissance de 2,3 %, représentant 16,457 milliards d'euros.
Je signale, pour l'information du Sénat, que ces crédits ont été majorés par l'Assemblée nationale de 608 540 euros dans le cadre de la réforme des fonds spéciaux proposée par le Gouvernement.
Ce budget donne les moyens d'achever la professionnalisation des armées. La mutation engagée en 1997 a été menée à bien, comme l'a noté M. Trucy. Les étapes prévues ont toutes été respectées. Certaines ont même été anticipées, comme la suspension du service national.
Les restructurations - elles étaient importantes - ont été conduites en étroite concertation avec nos interlocuteurs, ce qui a permis d'en maîtriser les conséquences économiques, sociales et financières.
Le niveau des effectifs qui sera réalisé au sein des forces armées à la fin de 2002 a été fixé par la loi de programmation militaire 1997-2002. Sur cette période, les effectifs s'élèvent à 436 221, ce qui représente 99 % de la prévision initiale, et, s'agissant des personnels militaires sous statut ou sous contrat, plus de 99,5 %.
MM. les rapporteurs spéciaux ont souligné la faiblesse de cet écart. Pour respecter ce format, le projet de budget 2002 qui vous est présenté prévoit le recrutement, au total, compte tenu des renouvellements, de 35 900 militaires et 3 750 civils, ce qui représente un nombre encore jamais atteint.
Un peu plus de 8 000 postes de militaires du rang seront créés pour atteindre un effectif de 92 180 personnels. Les volontaires verront leur nombre porté à près de 25 000, soit une augmentation de 6 500. L'objectif-cible sera atteint en 2003. Le service de santé des armées bénéficiera de 371 emplois supplémentaires.
Comme l'a souligné M. Trucy, l'accord signé dès le mois de juillet 2001 sur l'aménagement et la réduction du temps de travail prévoit le recrutement de 2 200 agents civils et ouvriers d'Etat. Le recrutement de 900 ouvriers d'Etat supplémentaires constitue une réponse au souci des armées de renforcer les moyens humains de soutien que justifie leur activité.
Concernant les mesures inscrites au titre III, je rappellerai simplement que les quelque 16,6 milliards d'euros qui y figurent permettent d'achever la professionnalisation, de garantir l'efficacité de nos forces et de renforcer les moyens de la sécurité intérieure. A cette fin, le Gouvernement, en cohérence avec les objectifs de la loi de programmation militaire, souhaite se donner les moyens de revaloriser la fonction militaire - je réponds ainsi aux observations qui m'ont été faites. En particulier, le projet de budget prévoit un volet catégoriel représentant un effort de 38,11 millions d'euros, qui complète les mesures destinées aux militaires dont les revenus sont les plus modestes, en application du « plan Sapin », qui s'élève, pour les armées, à 198 millions d'euros.
Ces mesures concernent, pour l'essentiel, la revalorisation des bas salaires, la revalorisation indiciaire des jeunes sergents, l'augmentation du contingent de primes de qualification des sous-officiers diplômés, le contingent de primes pour les atomiciens de la marine, la revalorisation de l'indemnité spéciale pour les maîtres contrôleurs aériens de l'armée de l'air et de la marine, l'amélioration du régime de garde pour les médecins hospitaliers du service de santé et la revalorisation de l'indemnité journalière d'absence temporaire pour la gendarmerie mobile.
Ces mesures seront complétées. Nous engagerons les travaux dès janvier 2002, avant les premières conférences budgétaires pour prolonger cette approche sur 2003, en nous fixant comme priorités : la solde à la mer, la prime des officiers brevetés et des sous-officiers diplômés, la revalorisation du traitement des personnels du service de santé, la revalorisation des débuts de carrière des officiers, et la poursuite du plan indemnitaire bénéficiant à la gendarmerie.
Le Gouvernement a décidé de rechercher une harmonie entre les temps d'activité des militaires et ceux qui sont observés par l'ensemble de la société civile. Les mesures décidées, que vous connaissez, s'articulent autour de trois principes simples : donner du temps libre aux militaires chaque fois que cela est possible, mettre en place une compensation financière forfaitaire et non hiérarchisée, et reconnaître et valoriser certaines contraintes très particulières.
L'ensemble des mesures qui ont été présentées au Conseil supérieur de la fonction militaire et adoptées par le Gouvernement répondent, selon moi, à ces besoins.
Ce plan est important, puisqu'il représente, sous son seul aspect indemnitaire, 198 millions d'euros en année pleine. La charge pour l'année 2002 est entièrement financée. Tel est l'objet de l'amendement qui vous est soumis. Ce sont 122 millions d'euros qui s'ajouteront aux 370 millions d'euros déjà affectés à l'augmentation des rémunérations et des moyens de fonctionnement figurant dans le projet de budget qui vous est soumis.
En outre, dans le cadre de l'effort de sécurité engagé, le Gouvernement étudie des mesures exceptionnelles de recrutement de sous-officiers de gendarmerie qui seront présentées lors du conseil de sécurité intérieur en janvier prochain. Nous y reviendrons dans la suite du débat.
Ce projet de budget place l'entraînement des forces au coeur de ses priorités, parce qu'il conditionne la réussite de nos missions.
Je confirme à M. Trucy que l'objectif du Gouvernement est bien d'atteindre les normes d'activité fixées dans la loi de programmation, et nous en serons très proches en fin de programmation. Je lui fais observer par ailleurs que le calcul arithmétique qui consiste à comparer les dépenses de fonctionnement aux effectifs de 1996 à la fin de 2002 ne prend pas en compte la suppression de près de 100 000 postes. En réalité, le niveau des dépenses de fonctionnement par effectif augmentera donc en 2002 par rapport au début de la programmation.
Nous consacrons plus de 30 millions d'euros supplémentaires à l'augmentation du taux d'activité. Ce taux atteindra, en 2002, 89 jours d'entraînement pour l'armée de terre et 97 jours pour la marine. Nous serons donc très proches de l'objectif final de cent jours. Quant à l'armée de l'air, le taux d'activité de 180 heures de vols est conforme aux standards internationaux.
S'agissant du maintien et de la fidélisation des effectifs une fois les personnels engagés dans l'armée professionnelle, je signale à M. Trucy que le taux de renouvellement des contrats des personnels engagés arrivant à terme est supérieur aux prévisions, ce qui démontre dans les faits - il ne s'agit pas d'une interprétation - que 80 % des personnels qui ont la possibilité de renouveler leurs contrats après trois ou quatre ans d'expérience le font, ce qui était l'objectif recherché.
Monsieur Trucy, les comparaisons relatives aux effectifs et aux possibilités de recrutement entre armées professionnelles sont quelque peu périlleuses ! Permettez-moi de vous faire observer que la totalité des postes créés sur le plan budgétaire pour les militaires dans les armées sont pourvus, et cela a été vrai chaque année.
En revanche, au Royaume-Uni, et malgré l'organisation très efficace de nos amis britanniques, une proportion substantielle d'emploi de militaires n'est pas pourvue chaque année ! Par conséquent, si toutes les observations chiffrées que vous avez faites, et qui me paraissent incomplètes, étaient conformes à la réalité, c'est le contraire qui devrait se produire. Voilà l'observation toute simple que je voulais vous faire, qui est fondée sur la réalité et non sur des suppositions, monsieur le rapporteur spécial.
M. Michel Caldaguès. Les chiffres sont quand même vrais !
M. Alain Richard, ministre de la défense. Mais les chiffres que je viens de citer le sont aussi, monsieur le sénateur, et ce que je viens de dire est la réalité. Il y a donc quelque chose qui ne colle pas tout à fait !
Les moyens financiers disponibles pour l'équipement des armées ont été élaborés en continuité avec ceux de la loi de finances initiale pour 2001. Les dotations des titres V et VI financeront l'annuité 2002 de la loi de programmation.
Les autorisations de programme s'élèvent à 13,009 milliards d'euros, en progression de 0,7 %. La loi de finances rectificative que vous examinerez dans quelques jours inscrit en outre 457,35 millions d'euros d'autorisations de programme nouvelles au titre des actions ciblées de lutte contre le terrorisme.
Ces dotations permettront notamment de poursuivre la politique de commandes pluriannuelles développée avec succès depuis quatre ans. Le montant correspondant de ces commandes pluriannuelles, qui étaient attendues depuis si longtemps, atteindra 9 milliards d'euros à la fin de l'année 2001 et doublera presque avec la prise en compte de l'ATF, l'avion de transport futur, qui est entièrement financé dans les autorisations de programme disponibles.
Le montant des crédits de paiement inscrits aux titres V et VI dans le projet de budget pour 2002 s'élève à 12,396 milliards d'euros. Il faut y ajouter la mobilisation de reports de crédits, qui est logique en fin de programmation, à hauteur de 411 millions d'euros. Cela revient à un total de 84 milliards de francs, comme M. Blin a bien voulu le noter.
Je suis, là encore, obligé de m'interroger sur la véracité de vos calculs. En effet, M. Blin a parlé de 84 milliards de francs - il profite des dernières semaines pendant lesquelles on peut encore parler en francs ! - de crédits inscrits dans ce projet de loi de finances, alors que, selon lui, l'objectif devrait être de 86 milliards de francs.
Monsieur Blin, pour être totalement honnête avec vous, permettez-moi de vous dire que, s'il fallait prendre en compte les résultats de la revue de programme et l'actualisation, l'objectif issu de la loi de programmation serait, en réalité, supérieur : de l'ordre de 88,5 milliards de francs. Mais si, même pour cette année, on ne trouve qu'un écart de 4 milliards de francs, il y a quelque chose de mystérieux au fait de constater un écart total de plus de 60 milliards de francs, avez-vous dit, monsieur le rapporteur, sur les lois de programmation. En tenant scrupuleusement compte de l'actualisation, d'après les indices officiels, des crédits qui avaient été prévus à la loi de programmation, le chiffre réel est de 32 milliards de francs de manque sur plus de 520 milliards de francs qui étaient programmés.
Cela aboutit bien à constater que cette loi de programmation, dans les lois de finances successives, aura été appliquée à 94 % ; c'est incontestable ! Depuis trente ans, aucune loi de programmation - je le dis pour ceux qui ont de la mémoire - n'a été réalisée à un tel niveau.
Les autorisations de programme successives des six années auront représenté presque 104 %, j'y insiste, des chiffres qui ont été inscrits. Je regrette donc que ces chiffres n'aient pas été cités pour l'information du Sénat ; heureusement que je suis en mesure de les donner ! Les engagements réels de crédits, c'est-à-dire les passations de contrats, auront été, au 31 décembre de cette année - nous parlons en effet des engagements réels, c'est-à-dire de chiffres qui sont vérifiables par la Cour des comptes et qui seront vérifiés -, de 108 % des chiffres programmés. Là encore, monsieur le rapporteur spécial, je regrette que ce chiffre ait échappé à votre attention. Il faut que l'information du Sénat soit complète ! Encore une fois, ce niveau d'exécution d'une loi de programmation n'a jamais été atteint.
M. Maurice Blin, rapporteur spécial. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le ministre ?
M. Alain Richard, ministre de la défense. Oui, mais je crois que M. le président Lambert souhaite que nous allions vite...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Vous savez admirablement vous adapter, monsieur le ministre !
M. le président. La parole est à M. Blin, rapporteur spécial, avec l'autorisation de M. le ministre.
M. Maurice Blin, rapporteur spécial. Je serai très bref. Nous n'allons pas engager une bataille de chiffres, M. le président de la commission des finances nous ayant demandé d'être brefs.
Les affirmations que je faisais tout à l'heure à la tribune sont conformes aux constats multiples des plus hauts responsables des armées, d'une part, et de mon collègue de l'Assemblée nationale, d'autre part. Il est regrettable, monsieur le ministre, que vous vous satisfassiez d'avoir raison tout seul ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. C'est possible, monsieur le rapporteur spécial, mais allez-vous contester les chiffres que je viens de vous donner ? Oui ou non, les engagements de crédits, c'est-à-dire les passations de commandes de ce ministère, ont-ils été largement supérieur aux chiffres de la programmation ? Il faut être concret !
Nous avons rattrapé le retard massif dû au gouvernement précédent et à sa majorité ! (Protestations sur les travées du RPR.)
M. Hilaire Flandre. On ne le dirait pas !
M. Alain Richard, ministre de la défense. En 1996, les engagements de commandes du ministère de la défense ont été de 61 milliards de francs. Ce fut une année désastreuse, dont chacun se souvient. Les chiffres complets de l'année 2000, les derniers connus, s'établissent à 107,4 milliards de francs. Il est regrettable, monsieur le rapporteur spécial, que ces chiffres n'aient pas été rappelés au Sénat.
Quant au satellite successeur de Syracuse, il entrera en service non pas en 2013, comme vous l'avez dit - je suis au regret de vous contredire, mais en 2003 ! Il vaut mieux vérifier de telles informations !
En conclusion, certaines des critiques que vous avez faites sont non fondées, comme je viens de le démontrer. En revanche, d'autres le sont. Quoi qu'il en soit, celles qui concernent, par exemple, la non-prise en compte des opérations extérieures dans le budget initial, la contribution de la défense au BCRD ou encore au soutien à la Polynésie auraient dû être faites, et avec encore plus de vigueur, au gouvernement précédent. Mais la majorité de droite du Sénat votait les budgets... (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. André Boyer, rapporteur pour avis.
M. André Boyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour la section « Marine ». Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, faute de temps, mon propos aura pour seul but d'attirer, s'il en était nécessaire, votre attention sur le renouvellement et l'entretien de la flotte : flotte de surface, flotte sous-marine et aviation embarquée.
Aujourd'hui se prépare la marine des années 2010, que nous souhaitons moderne et efficace. C'est donc surtout en terme d'investissements, qui représentent 60 % de son budget, qu'il faut programmer son évolution.
Une grande partie des bâtiments aujourd'hui en service devra être remplacée : six sous-marins nucléaires d'attaque, dix-sept frégates multimissions, quatre frégates antiaériennes avec le programme Horizon et deux transports de chalands de débarquement. Pour l'aéronautique navale, il s'agira de l'acquisition des Rafale et des hélicoptères NH 90.
Vous avez déjà engagé un grand nombre de ces programmes, monsieur le ministre, mais il reste encore beaucoup de chantiers à ouvrir.
Dans cette perspective et au titre de l'année 2002, les crédits d'équipement s'avèrent insuffisants et il sera nécessaire, pour tenir le cap, d'accomplir un effort très important dans les années qui viennent.
De ce fait, le budget global alloué à la marine, s'il protège le titre III, induit au chapitre V des interrogations structurelles qui peuvent comporter des remises en cause difficiles, sauf à imaginer que des majorations budgétaires très importantes se haussent à l'avenir à la hauteur des espérances.
Existe-t-il d'autres moyens de faire face à ces problèmes ?
Tel sera, monsieur le ministre, le sens des deux interrogations que je souhaite vous soumettre.
La première concerne le recours à la sous-traitance ou l'appel à des entreprises industrielles dans trois domaines différents.
Le premier consisterait à faire appel à des entreprises de services pour des missions qui n'ont pas de caractère proprement militaire telles que la restauration ou l'entretien des bâtiments.
La professionnalisation des armées, dit-on de toute part, est une réussite, et nous nous en réjouissons. Le dernier conscrit s'en est allé, mais déjà son départ crée un vide dans certains domaines.
Pourtant, dans le budget 2002, il n'y aura pas d'augmentation des crédits de sous-traitance et les armées désormais professionnelles, et considérées comme telles, continueront à remplir des tâches qui ne font pas partie de leur coeur de métier.
Pouvez-vous nous donner votre opinion à cet égard, monsieur le ministre ?
Le deuxième champ d'application pourrait être de confier, beaucoup plus largement qu'aujourd'hui, l'entretien des matériels, aéronautiques notamment, et la gestion des rechanges à des industriels privés. On cite comme exemple de réussite en ce domaine le contrat de maintenance des Falcon 50 de la marine avec la société Dassault Falcon Service, qui assure un taux de disponibilité des matériels à près de 90 %.
Faut-il continuer dans cette voie ?
Pour mettre fin rapidement à l'effondrement des taux de disponibilité des matériels, la restructuration du soutien s'imposait. N'y a-t-il pas lieu de s'interroger, cependant, sur la pertinence du transfert de l'entretien de l'aéronautique et de la flotte à des structures administratives centralisées qui buteront rapidement sur les contraintes lourdes du code des marchés publics ?
Quel est, monsieur le ministre, dans ce domaine où vos compétences économiques reconnues guident sûrement un jugement lucide, le choix le plus opportun ?
Le troisième domaine concerne l'acquisition de certains équipements. Nos amis britanniques ont choisi un contrat de service pour s'assurer la disponibilité du matériel voulu, en fonction des besoins, par une simple participation à l'achat, en laissant la maintenance au prestataire privé, qui peut utiliser ces équipements lorsque la marine n'en a pas besoin. C'est ainsi que la Royal Navy va disposer de six navires de transport supplémentaires à moindre coût.
Cet exemple pourrait-il inspirer la défense française ou la future force de réaction rapide européenne pour répondre à ses besoins de transport stratégique maritime en complément des bâtiments militaires ?
Ce dernier point me conduit, monsieur le ministre, à vous poser, mais brièvement malgré l'importance du sujet, ma seconde question : qu'en est-il de la mise en place, dans le cadre de la construction de la défense européenne, d'une gestion commune des moyens de transports maritimes comparable à ce qui se fait en matière de ravitaillement en vol ou de transport aérien ?
Telles sont, monsieur le ministre, puisque telle est désormais la règle, les quelques interrogations que le rapporteur pour avis du budget de la marine est en mesure de formuler à propos du budget 2002... pour vous soumettre à la question. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Faure, rapporteur pour avis.
M. Jean Faure, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour le nucléaire, l'espace et les services communs. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le domaine nucléaire, après plusieurs années d'érosion continue, nous enregistrons une forte augmentation des crédits. Elle correspond à la poursuite des grands programmes de modernisation de nos deux composantes et au programme de simulation.
Notre commission se félicite de la préservation des crédits du nucléaire, bien que la dégradation du budget de la défense ne la rende malheureusement possible qu'au détriment de l'équipement classique. La dissuasion demeure, y compris dans le contexte que nous connaissons aujourd'hui, la garantie ultime de nos intérêts vitaux. Nous avons sur ce point été très attentifs aux propos tenus le 8 juin dernier par le Président de la République, qui a démontré comment notre dissuasion s'adaptait aux menaces nouvelles, notamment la prolifération des armes de destruction massive.
Nous sommes cependant très réservés face au décalage de deux ans de l'admission au service actif du quatrième sous-marin nucléaire lance-engins de nouvelle génération. Lié à des contraintes budgétaires, ce décalage remet en cause un calendrier soigneusement réaménagé voilà trois ans, qui prévoyait notamment d'avancer de deux ans la livraison du missile M 51 pour la coordonner avec la mise en service du lance-engins. Tout cela ne nous semble pas cohérent, sans parler des problèmes d'organisation pour l'industriel. Par ailleurs, qu'advient-il des importantes économies annoncées par la direction générale pour l'armement, la DGA, il y a trois ans sur ce programme ?
Dans le domaine spatial, nos ambitions se limitent désormais aux programmes d'observation optique Hélios II et de télécommunications Syracuse III dont vous avez annoncé la mise en place pour 2003. L'acquisition d'une capacité d'observation tout temps est désormais suspendue à un partenariat avec l'Allemagne et l'Italie. Mais quel est le degré réel d'engagement de ces deux pays dans ces programmes, en particulier sous l'angle financier ? A quelle échéance pourrait fonctionner un système européen d'observation spatiale organisé autour d'Hélios II et des équipements radars italiens et allemands ?
S'agissant de la Délégation générale pour l'armement, nous regrettons la stagnation, année après année, des dotations d'études-amont, inférieures de 25 % à leur niveau de 1996. L'écart se creuse non seulement avec les Etats-Unis, mais aussi avec notre voisin britannique. Peu visibles aujourd'hui, les conséquences de cette politique sur nos capacités technologiques face à nos concurrents se feront sévèrement sentir à l'avenir.
Ma question suivante porte sur la Direction des constructions navales, la DCN. Le calendrier de sa transformation en société et le maintien du capital aux mains d'un seul actionnaire, l'Etat, permettront-ils réellement à la DCN de faire valoir ses atouts dans les restructurations européennes en cours ? Par ailleurs, comment le projet de société commune avec Thalès s'articule-t-il avec ce changement de statut ?
Ma dernière observation concerne le service de santé des armées. En 2002, l'effort portera sur un recrutement d'infirmiers, qui vient compenser l'application des 35 heures dans les hôpitaux militaires. En revanche, nous sommes très inquiets face à la détérioration des effectifs de médecins des armées, faute de succès du recrutement direct. Le plan de revalorisation mis en place cette année apparaît tardif et insuffisant. Une action beaucoup plus vigoureuse s'impose pour renforcer l'attractivité de la carrière médicale militaire et conserver ainsi la haute qualité du soutien médical de nos armées.
En conclusion, malgré quelques motifs de satisfaction, en particulier dans le domaine nucléaire, ce budget souffre du renouvellement d'opérations aussi contestables que la ponction sur le titre V au profit du budget civil de recherche et développement, et surtout du non-respect, pour la troisième année consécutive, des engagements de stabilisation des crédits d'équipement pris par le Premier ministre en 1998.
Le recul de notre investissement de défense fragilise considérablement les objectifs retenus par le projet de programmation pour les années 2003-2008. Il nous entraîne à contresens, face aux exigences d'un environnement international incertain, ce qui nous conduit à émettre un avis défavorable sur ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. François, rapporteur pour avis.
M. Philippe François, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour la section « Gendarmerie ». Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il se trouve que la gendarmerie traverse aujourd'hui une crise sans précédent dans son histoire, et l'on est amené à penser que le projet de budget pour 2002 ne répond malheureusement pas à l'insatisfaction des personnels, dont les signes se multiplient sous des formes que je ne saurais d'ailleurs toujours approuver.
Certes, nous mesurons, monsieur le ministre, les efforts que vous avez déployés pour obtenir certaines améliorations significatives, présentées lors du Conseil supérieur de la fonction militaire la semaine dernière. Mais ces mesures apparaissent trop tardives.
Je regrette vivement que les dispositions nécessaires n'aient pas été prises, alors même que les signaux annonciateurs d'une grave crise se sont accumulés au cours des derniers mois sous l'effet de nombreux facteurs : des brigades débordées et fragilisées par la substitution de volontaires aux professionnels ; des infrastructures vétustes, souvent indignes du logement que l'Etat se doit de fournir à ses serviteurs ; une gendarmerie mobile suremployée et accaparée, comme la territoriale, par des tâches extérieures à sa mission première de sécurité ; enfin, un climat d'insécurité marqué par la multiplication d'actes de violence contre les forces de l'ordre elles-mêmes !
Dans ce contexte, trois motifs de préoccupation doivent être soulignés : les effectifs, les rémunérations et le statut militaire.
Le premier sujet de préoccupation concerne l'évolution des effectifs. Les besoins dans ce domaine doivent s'apprécier au regard de missions qui ne cessent de s'alourdir. Faut-il le rappeler, la gendarmerie s'investit toujours davantage dans les zones périurbaines. Mais le renforcement du dispositif dans ces zones dites « sensibles » entraîne souvent un déplacement de la délinquance, devenue de plus en plus mobile, vers les zones rurales. En tant que maire d'une commune de Seine-et-Marne, je peux en témoigner. C'est pourquoi la nécessité d'un fort maillage territorial conserve toute sa pertinence.
Par ailleurs, la présence de la gendarmerie sur les théâtres extérieurs tels que les Balkans constitue aussi une contrainte au moment où l'augmentation des effectifs suffit à peine à couvrir les besoins de sécurité nationale.
Face à des missions accrues et de plus en plus difficiles, la gendarmerie a aujourd'hui un besoin impératif de personnels professionnels supplémentaires. Or, aux termes de la loi de programmation qui s'achève, l'augmentation des effectifs de l'armée a exclusivement reposé sur des volontaires destinés à prendre progressivement la place des appelés du service national. A l'évidence, il est aujourd'hui nécessaire de stabiliser le nombre de ces volontaires et d'accroître les effectifs des professionnels.
La future loi de programmation ne donne aucune indication précise sur l'évolution des effectifs. Vous avez cependant annoncé, monsieur le ministre, lors du conseil supérieur de la fonction militaire, un plan de recrutement de 3 000 sous-officiers sur trois ans, à compter de l'année prochaine. Pouvez-vous nous préciser les conditions de financement de ce programme qui apparaissent aujourd'hui bien imprécises ?
Le deuxième motif de préoccupation a trait aux rémunérations. Depuis 1989, la revendication d'une indemnité destinée à compenser la disponibilité permanente des gendarmes est récurrente mais reste non satisfaite. Naturellement, les attentes se sont aiguisées alors que, avec la mise en oeuvre des 35 heures, l'écart entre les conditions civile et militaire s'élargit. La pression s'est encore accrue cette année avec la mise en place de l'euro et la réactivation du plan Vigipirate renforcé. Quant à la menace terroriste, ne risque-t-elle pas de mobiliser les forces de gendarmerie sur une période dont il n'est pas possible de prévoir le terme ?
Les aspirations des personnels se sont cristallisées autour du treizième mois. Les mesures annoncées devant le conseil supérieur de la fonction militaire traduisent une avancée qui, hélas ! est cependant en deçà de la demande et ne paraît pas de nature à apaiser le malaise des personnels. En outre, elles sont financées par un prélèvement inadmissible sur un titre V déjà particulièrement contraint. Dans ces conditions, monsieur le ministre, quelles dispositions complémentaires envisagez-vous pour mettre fin à la crise actuelle ?
L'exercice, certes, est difficile, car les armées regardent du côté de la gendarmerie qui, elle-même, regarde du côté de la police ! Il peut donc y avoir des effets de contagion très lourds pour les finances publiques. Faudrait-il, dès lors, comme d'aucuns en ont exprimé le voeu, séparer la gendarmerie du ministère de la défense, avec, pour conséquence, une remise en cause du statut militaire de l'institution ? ( M. le ministre marque son intérêt. )
Ce serait, à notre sens, une faute, et une faute historiquement grave, car la dualité des forces de police constitue un élément fondamental de l'Etat de droit.
M. Jean Chérioux. Bien sûr !
M. Philippe François, rapporteur pour avis. Par ailleurs, les personnels de la gendarmerie sont, nous le savons, fondamentalement attachés au statut militaire. Aussi est-il essentiel, monsieur le ministre, que vous réaffirmiez ici, solennellement, la position du Gouvernement sur ce sujet crucial pour notre démocratie.
Pour conclure, les crédits prévus dans le projet de loi de finances marquent manifestement une sous-estimation des besoins de la gendarmerie. C'est la raison pour laquelle je me joindrai aux autres rapporteurs de la commission des affaires étrangères pour vous inviter, mes chers collègues, à rejeter le budget de la défense.
La crise actuelle ne trouvera pas sa solution dans des mesures de circonstance, car elle traduit aussi des inquiétudes plus profondes sur la place et sur les missions dévolues aux forces de sécurité. C'est pourquoi il me paraît indispensable et urgent de fixer un cap clair à notre politique de sécurité en engageant, avec l'ensemble des acteurs intéressés, une large concertation sur les objectifs et les moyens de l'action de l'Etat dans ce domaine. Sachez, monsieur le ministre, que le Sénat apportera sa contribution à ce débat essentiel pour l'avenir de la République. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Vinçon, rapporteur pour avis.
M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour la section « Forces terrestres ». Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères et de la défense trouve, au titre III du budget des forces terrestres, certains motifs de satisfaction avec, d'une part, la poursuite du redressement des crédits de fonctionnement et, d'autre part, les premières mesures spécifiques d'amélioration de la condition militaire depuis 1997. J'avais insisté, l'an passé, sur les risques d'une évolution divergente entre les conditions de vie et de travail des militaires et celles des civils. Ces mesures, bien que modestes encore et limitées aux sous-officiers, sont positives.
Confirmez-vous, monsieur le ministre, qu'il ne s'agira là que d'une première étape et qu'il faudra aller plus loin, notamment pour les jeunes officiers ?
Au-delà des aspects budgétaires, la commission des affaires étrangères estime que l'armée de terre a relevé avec succès le principal défi de sa professionnalisation, à savoir le recrutement d'engagés. Pour autant, elle aura connu, ces dernières années, un sous-effectif permanent, qui n'est pas seulement conjoncturel et lié à la fin du service national. Des déficits préoccupants subsistent non seulement pour les personnels civils, alors même qu'un millier de postes auront été supprimés par rapport à la loi de programmation, mais aussi pour les militaires, dans la catégorie des volontaires. Cette situation pèse lourdement sur des unités très sollicitées.
S'agissant des personnels civils, ma première question, nous avons quelques difficultés à avoir un point précis de la situation. Chaque année, on nous assure que les recrutements du dernier trimestre et ceux de l'année suivante résorberont bientôt le déficit. Mais, pour l'armée de terre, la situation ne s'est pas améliorée et s'est même plutôt dégradée. Des mesures précises sont-elles envisagées pour 2002 ou faudra-t-il continuer à s'accommoder longtemps encore de cette situation très pénalisante ?
Ma deuxième question concerne les volontaires. Face aux difficultés à pourvoir la totalité des postes, ne croyez vous pas que la cible de la loi de programmation est trop ambitieuse et qu'il faudrait tout simplement transformer un certain nombre de postes de volontaire - entre 1 000 et 2 000 - en postes d'engagé ?
J'en viens aux crédits d'équipement. Pour l'armée de terre, ils reculent de plus de 7 %. Pour sa dernière année d'exécution, c'est un décrochage définitif par rapport aux objectifs de l'actuelle loi de programmation. Cet affaissement de l'effort d'équipement va accentuer des retards déjà très préoccupants dans la modernisation des matériels. Compte tenu des échéances tardives de remplacement, il faudra compter, pour de nombreuses années encore, sur des équipements vieillissants, donc coûteux en entretien et en remise à niveau. La situation de nos capacités aéromobiles est particulièrement inquiétante, le NH 90 n'étant pas prévu avant 2011, et nous craignons un réel affaiblissement de nos capacités opérationnelles. Cette situation tendue fait peser de lourdes contraintes sur la gestion du titre V.
Je regrette ainsi qu'en raison du contexte budgétaire la question du renouvellement de nos capacités antichar soit laissée en suspens. Face au risque de perte, en France, de la capacité industrielle dans ce domaine, envisagez-vous, monsieur le ministre, de relancer le programme Trigan pour le remplacement de nos actuels missiles Milan, avec les fortes perspectives à l'exportation qui en résulteraient ?
Ma troisième question concerne l'hélicoptère Tigre. Les besoins de l'armée de terre comme ceux d'éventuels acheteurs étrangers plaident aujourd'hui très fortement pour le développement d'une version polyvalente dite « HAD », au lieu et place de nos deux versions, conçues dans un tout autre contexte. Les moyens financiers nécessaires à ce développement utile seront-ils mis en place ou peuvent-ils être transférés ?
En conclusion, nous constatons que, pour les crédits de paiement, le niveau prévu pour 2002, conjugué aux très fortes annulations décidées en cette fin d'année, risque de provoquer des reports de charges et des difficultés de paiement l'an prochain. Quant à l'enveloppe accordée pour les autorisations de programme, elle oblige à reporter plusieurs commandes, amplifiant ainsi les retards accumulés ces dernières années.
C'est pourquoi la commission des affaires étrangères et de la défense a émis un avis défavorable sur ce projet de budget. ( Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE. )
M. le président. La parole est à M. Pintat, rapporteur pour avis.
M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour la section « Air ». Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits affectés à l'armée de l'air par le projet de budget de la défense pour 2002 se montent à 5,202 milliards d'euros, soit une croissance d'environ 1,8 % par rapport au budget voté en 2001.
Cette croissance correspond globalement au taux de l'inflation et le montant des crédits affectés à l'armée de l'air doit donc être considéré comme stable.
Alors que l'armée de l'air, comme les autres armées, a réussi sa professionnalisation, il est toutefois dommage de constater qu'elle est sous-dotée au regard de ses besoins, notamment pour ses équipements.
Rappelons que la part du budget de la défense dans le produit intérieur brut a chuté, passant de 2,6 % à 1,8 % entre 1991 et 2001.
Deux aspects du budget de l'armée de l'air me semblent particulièrement susceptibles de porter préjudice à son bon fonctionnement : le premier tient aux tensions affectant les recrutement de certains corps qui la composent, le second porte sur les difficultés prévisibles de constitution de son parc de matériel de transport et de combat aérien.
S'agissant des recrutements, l'armée de l'air a le privilège de ne pas rencontrer, du moins jusqu'à présent, de difficultés pour s'attacher les services des futurs officiers. En revanche, comme dans l'ensemble du ministère de la défense, des tensions d'inégale importance sont apparues dans les recrutements des militaires techniciens de l'air, des volontaires et des personnels civils. Pour faire court, les contraintes inhérentes à la condition militaire détournent de nombreuses vocations.
Ma question est donc d'ordre général, et rejoint les inquiétudes déjà exprimées par plusieurs de mes collègues : comment « compenser » les contraintes de la vie militaire et rendre ce métier attractif dans une société dont les conditions générales de vie s'éloignent de ces contraintes de façon croissante ?
Je m'interroge également sur les équipements. Là encore, de nombreuses questions inquiètent très légitimement les parlementaires, comme vous l'avez déjà perçu, monsieur le ministre.
Ainsi, le projet d'avion A 400M, destiné à remplacer nos Transall à l'horizon 2007, traverse, en ce moment même, une passe très difficile. Les incertitudes italiennes et, surtout, allemandes risquent de mettre en péril un projet capital y non seulement sur le plan opérationnel, mais aussi sur le plan industriel.
La politique européenne de défense serait gravement atteinte dans sa crédibilité si un projet aussi emblématique venait à être compromis. Nous vous serions reconnaissants, monsieur le ministre, de faire le point sur ce dossier devant la Haute Assemblée.
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Très bien !
M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis. Par ailleurs, l'avenir de l'industrie européenne en matière d'aviation de combat s'annonce problématique.
Au moment où le Rafale tente de s'insérer dans la difficile compétition ouverte par le renouvellement des flottes de nombreux pays, le projet américain de JSF, ou Joint Strike Fighter - il porte sur un total de 6 000 appareils dont les premiers exemplaires arriveront à l'horizon 2009, soit à peine trois ans après la livraison du premier escadron de Rafale à l'armée de l'air - ne risque-t-il pas de marginaliser notre industrie, tant nationale qu'européenne, dans un secteur stratégique pour la décennie future ?
Dans ce contexte, monsieur le ministre, l'initiative du 19 novembre dernier prise par six pays européens, dont le nôtre, de s'engager à financer et à réaliser le développement de nouveaux systèmes d'armes aériennes est-il de nature à compenser la pression qui s'exerce sur nos équipements aériens majeurs ?
Monsieur le ministre, pour conclure, va-t-on assez vite pour adapter notre outil militaire à un environnement très dangereux, traversé par des menaces nouvelles et multiformes dues au terrorisme international ? Tel est le grand défi que nous devons relever ensemble, et ce projet de budget, par ses insuffisances du point de vue des équipements, n'est pas de nature à nous rassurer.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donc émis un avis défavorable à l'adoption de ce budget, et son président vous expliquera les raisons de cet avis en détail tout à l'heure. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Répondant aux rapporteurs spéciaux, j'ai indiqué tout à l'heure les grandes lignes du projet de loi de finances.
Bien naturellement, les orateurs qui se sont exprimés au nom de la commission des affaires étrangères et de la défense se sont préoccupés de l'adéquation du projet de budget à l'évolution de la situation internationale et intérieure.
Nous savons que le budget du ministère est conçu pour donner au pays les moyens de faire face à ces défis. C'est pourquoi des adaptations limitées sont nécessaires chaque année, tant dans la gestion que dans les prévisions mêmes. Nous en aurons confirmation dans le projet de loi de finances comme dans la loi de finances rectificative.
Je ne reviendrai pas sur les questions catégorielles, qu'ont évoquées certains orateurs, puisque je les avais déjà abordées tout à l'heure, en réponse aux rapporteurs spéciaux. Je souhaite en revanche commenter les remarques de M. François sur la gendarmerie.
Je tiens à souligner les mesures importantes que le Gouvernement a prises pour répondre aux besoins de l'arme et aux attentes de ses personnels. Ainsi, la rémunération des militaires de la gendarmerie départementale augmentera de 1 275 euros par an, et les gendarmes des unités mobiles bénéficieront de 870 euros supplémentaires et de huit jours de temps libre. Ces mesures sont donc beaucoup plus substantielles que celles que contenaient tous les plans précédents.
Le Gouvernement a par ailleurs manifesté sa volonté de poursuivre la concertation, dès les semaines à venir, sur des sujets concrets répondant, une fois encore, aux préoccupations qui se sont exprimées, en particulier, en matière d'effectifs supplémentaires ; c'est bien là, en effet, la première réponse à apporter au problème de la surcharge de travail.
Monsieur François, les budgets qui vous ont été présentés pour 2000 et pour 2001 n'ont pas été adoptés par le Sénat. Celui qui vous est soumis aujourd'hui prévoit au total la création de 1 700 postes de sous-officiers. Il faut, en effet, faire un bref retour sur ce point de la loi de programmation.
M. François a eu l'honnêteté de le reconnaître, la loi relative à la programmation militaire pour les années 1997 à 2002 - qui avait été, en revanche, adoptée par la majorité sénatoriale - ne prévoyait aucune création de poste de sous-officier dans la gendarmerie. Au cours des deux dernières années, 1 700 postes de gendarmes ont été créés, et le Gouvernement arrêtera dans les semaines qui viennent un plan comportant la création de 3 000 postes de sous-officiers supplémentaires.
Cet effort était nécessaire et, assurément, la situation aurait été bien meilleure s'il avait été engagé plus tôt.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Nous arrivons à la fin d'une législature !
M. Alain Richard, ministre de la défense. C'est possible, mais la dernière n'a pas disparu des mémoires, monsieur le président de la commission !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Certes, mais il faut aussi accepter son propre bilan !
M. Alain Richard, ministre de la défense. Je regrette que cela vous dérange...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Cela ne me dérange pas !
M. Alain Richard, ministre de la défense ... et provoque de telles réactions de votre part, mais c'est un simple fait objectif que M. François a bien voulu rappeler : il n'y avait aucune création de poste de sous-officier - 0,0 - dans la loi de programmation adoptée par la majorité du Sénat en 1996 !
M. Philippe François, rapporteur pour avis. Nous n'avions pas prévu les 35 heures, à l'époque !
M. Alain Richard, ministre de la défense. Je suis désolé de déranger en rappelant ce simple fait ! (Vives protestations sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean Arthuis. C'était avant les 35 heures !
M. Alain Richard, ministre de la défense. C'est possible, mais il y avait déjà des besoins de sécurité qui n'avaient pas été pris en compte.
M. Jean Chérioux. Vous comparez l'incomparable !
M. Alain Richard, ministre de la défense. Je suis désolé de provoquer des réactions aussi vives, mais c'est un fait que j'énonce ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Je vous laisse vous exprimer, messieurs, mais vous savez bien que c'est un fait !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Pas du tout !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Le sujet mérite un peu d'attention et de sérénité !
M. Jean Chérioux. Pas de provocation !
M. Alain Richard, ministre de la défense. Mais vous devez être capable d'y résister, monsieur le sénateur, avec votre pondération bien connue !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Vous aussi !
M. Alain Richard, ministre de la défense. C'est ce que je fais : je n'ai interrompu personne, alors que j'étais en désaccord avec nombre d'orateurs.
Ces mesures ont été adoptées à l'issue d'un processus de concertation, et je veux insister sur le rôle central qu'ont joué les représentants statutaires des personnels et les représentants élus des unités : tout au long de la concertation, ils ont exprimé fidèlement les aspirations de leurs collègues, et je sais qu'ils entendent conserver ce rôle essentiel de représentation, dans le respect de l'éthique militaire.
Je soumettrai au Sénat trois réflexions sur cette situation difficile.
D'abord, le Gouvernement est convaincu que les personnels de gendarmerie sont motivés par la volonté loyale d'avoir les moyens de bien mener leur mission au service des Français, justifiant ainsi leur confiance.
Ensuite, le Gouvernement a déjà fait beaucoup, par les mesures qu'il a prises, et il exprime clairement son intention de poursuivre son effort pour répondre mieux encore aux aspirations des personnels et aux besoins de l'arme.
Enfin, le Gouvernement - et je suis tout à fait clair dans ma réponse à M. François sur ce point - tient au statut militaire de la gendarmerie, qui est à la fois un cadre de travail et une garantie. Ce statut doit rester la règle pour tous, dans l'éthique et dans le comportement.
C'est sur la base de ces trois réflexions que le Gouvernement a le devoir de conduire son action.
La situation du service de santé a également été mentionnée, à juste titre. Je confirme à M. Jean Faure que le projet de budget assure le financement de la deuxième étape du plan de revalorisation de la situation des médecins et organise le recrutement de personnels militaires et civils permettant le bon fonctionnement de ce service.
Le recrutement dans le corps des médecins des armées continuera de reposer sur l'augmentation du nombre de places offertes, notamment à l'entrée dans les écoles de formation. Je voudrais insister sur le fait que le nombre de places offertes sera passé de 120 postes en 1998 à 150 postes en 2001 et autant en 2002.
M. Jean Faure, rapporteur pour avis. Il n'y a pas de candidats !
M. Alain Richard, ministre de la défense. Bien sûr que si ! Ne dites pas de choses inexactes, monsieur Faure.
M. Jean Faure, rapporteur pour avis. Il y a un déficit de candidats !
M. Alain Richard, ministre de la défense. Pas du tout ! Les postes de médecins ouverts au concours de l'Ecole de santé sont pourvus par les meilleurs candidats. Je ne voudrais pas que vous laissiez le Sénat ignorer ce fait, monsieur le rapporteur pour avis !
M. Michel Moreigne. Très bien !
M. Alain Richard, ministre de la défense. C'est vrai depuis des dizaines d'années, et cela reste vrai aujourd'hui. Il faut rester, autant que possible, fidèle aux faits !
Je voudrais préciser à M. Vinçon, qui s'interrogeait sur le recrutement des volontaires, que l'armée de terre, assez naturellement, a fait porter l'essentiel de son effort, au cours des deux dernières années, sur le recrutement des engagés volontaires de l'armée de terre. Ce fut un succès, puisque 2001 a vu le plus grand nombre d'engagements de toute la période contemporaine. Bien entendu, ces engagements se sont aussi appuyés sur le vivier que constituaient les jeunes volontaires de l'armée de terre ; c'est, me semble-t-il, une évolution professionnelle logique.
L'armée de terre va donc pouvoir accentuer maintenant son effort de recrutement en direction des volontaires de l'armée de terre, et le Gouvernement pense que la catégorie des volontaires prendra à l'avenir toute sa place.
Il faut préciser, et je réponds là à M. Boyer, que des postes de personnels civils ont été gelés dans la perspective d'une externalisation, ce qui procure à l'armée de terre des moyens supplémentaires pour répondre à ses objectifs. En outre, s'agissant de la proportion de postes pourvus pour les personnels civils de l'armée de terre, nous étions à un peu plus de 4 200 postes vacants à la fin de l'année 1999, et la fin de l'année présente verra le déficit réduit à moins de la moitié, c'est-à-dire entre 1 800 et 2 000 postes non pourvus. Toutefois, 1 100 postes seulement sont effectivement vacants, puisqu'il faut tenir compte de ceux dont le financement est venu soutenir l'effort d'externalisation.
Ces dernières années, nous avons rapidement progressé dans la voie de l'externalisation. Cette démarche, pour être réussie, doit être acceptée par les personnels civils titulaires. Cela suppose une analyse rigoureuse des activités externalisables, la préparation de cahiers des charges précis et conformes aux règles de la concurrence et l'appropriation par les personnels concernés des outils de contrôle de l'exécution des marchés de prestations concernés. Un effort déjà important a été accompli, et il nous a semblé utile de consolider les acquis dans le projet de budget pour 2002.
J'apporterai maintenant quelques précisions sur les différents programmes d'armement.
S'agissant de la dissuasion - je poursuis ainsi le dialogue avec M. Faure -, la décision de décaler de deux ans le sous-marin lance-engins de nouvelle génération a été prise dans le cadre de l'élaboration de la prochaine loi de programmation militaire, approuvée par le conseil des ministres sous la présidence du Président de la République.
Au titre du système de forces « commandement, communication, conduite d'opérations et renseignements », objet d'une autre question de M. Faure, l'engagement de la France dans une mutualisation de l'observation spatiale relève pour nous d'un engagement politique déterminé. (M. Faure, rapporteur pour avis, s'entretient avec M. le président de la commission des finances.) Je rappelle, monsieur Faure, que le programme Hélios II...
Mais vous ne m'écoutez pas, monsieur Faure !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Nous vous écoutons ! Même sur les médecins, nous ne sommes pas d'accord !
M. Alain Richard, ministre de la défense. Vous me permettrez néanmoins de répondre à M. Faure sur une question qui, voilà quelques minutes, paraissait l'intéresser !
M. Michel Caldaguès. Oui, mais le ton est déplaisant !
M. Alain Richard, ministre de la défense. Je me passe de votre appréciation, monsieur Caldaguès. Vous faites mieux dans ce domaine !
M. Michel Caldaguès. Vous le verrez tout à l'heure !
M. Alain Richard, ministre de la défense. Excusez-moi, mais vous ne devriez pas adopter une telle attitude. Ce n'est pas à la hauteur du débat du Sénat.
M. André Rouvière. Ah oui !
M. Alain Richard, ministre de la défense. Je choisis le ton respectueux, objectif et assuré de mes convictions qui convient quand on s'adresse à une assemblée de la République.
M. Claude Estier. Très bien !
M. Alain Richard, ministre de la défense. Je voulais donc dire à M. Faure que la réalisation du programme Hélios II incombant à la France est exactement conforme aux prévisions et aux engagements financiers qui ont été pris.
Le lancement du programme italien de satellites d'observation radar a fait l'objet d'un accord formel lors du dernier salon du Bourget, et nous pensons que les premières données seront disponibles en 2004. Tous les contacts que nous entretenons avec nos partenaires italiens démontrent leur détermination à mener à bien un programme dans lequel ils se sont fortement engagés.
J'ai déjà apporté les précisions souhaitables sur le système de forces « Projection mobilité ».
Je reviens sur le système de forces « frappe dans la profondeur ». Les principaux programmes sont poursuivis pour que nous puissions nous rapprocher de l'objectif capacitaire fixé pour 2015. Ces capacités reposent notamment sur l'avion de combat Rafale, dont la première flottille au standard F1 prévue par la programmation sera opérationnelle en 2002. Une tranche conditionnelle de vingt Rafale sera notifiée cette année même. Le programme connaîtra une nouvelle étape avec le développement du standard F2, capable de missions air-sol. De même, les premiers missiles de croisière antipistes Apache seront livrés aux forces avant la fin de cette année et seront pleinement opérationnels à la mi-2002.
Les programmes relevant du système de forces « maîtrise du milieu aéroterrestre » se déroulent conformément aux objectifs fixés par la loi de programmation militaire. Le Gouvernement a lancé la commande du nouveau programme de véhicules de combat de l'infanterie. Il fait tous les efforts nécessaires, en concertation avec l'entreprise titulaire du marché, c'est-à-dire GIAT Industries, pour que ce programme atteigne son objectif et, surtout, respecte la date de sa livraison. Il a notifié dès l'été 2001 la commande des 52 chars Leclerc qui permettront de compléter intégralement la cible de 406 chars fixée par la loi de programmation militaire. Il ne me paraît pas inutile de rappeler cette information. Concernant le Trigan, monsieur Vinçon, vous connaissez la position sans ambiguïté que j'ai exprimée au nom du Gouvernement. Le dialogue avec l'industriel a été poursuivi, et un projet de marché de 61 millions d'euros a été proposé à l'entreprise.
Quant au programme Tigre - qui, à l'issue d'une compétition, a été retenu par l'Australie, il faut le souligner -, l'Espagne a fait part de son intérêt pour ce nouvel hélicoptère. Les Etats parties, la France et l'Allemagne, ainsi que l'industriel, étudient la possibilité de développer une nouvelle version de cet hélicoptère répondant au mieux aux différents pays acheteurs potentiels.
L'observation sur la date de livraison des NH90, qui résulte d'un choix de priorité, appelle deux remarques de ma part : d'abord, le projet de loi de programmation militaire pour 2003-2008, qui a été adopté par le conseil des ministres le 31 juillet dernier, prévoit un effort de modernisation à mi-vie des hélicoptères Puma, ce qui augmentera le potentiel d'aéromobilité de l'armée de terre ; ensuite, le projet de loi de finances rectificative pour 2001, qui vous sera soumis dans les jours qui viennent, prévoit, l'augmentation de la mobilité de nos forces étant conçue comme l'une des réponses aux défis posés par la lutte contre le terrorisme, la commande de huit hélicoptères supplémentaires pour l'armée de terre et de cinq hélicoptères pour les autres armées.
En ce qui concerne le système de forces « maîtrise du milieu aéromaritine », je veux, en réponse à M. André Boyer, souligner que la mise en commun de moyens de transports maritimes dans le cadre de la force de réaction rapide européenne fait l'objet d'une coopération étroite avec nos partenaires néerlandais. Cette mise en commun sera, en effet, l'un des moyens de combler des déficiences européennes. La France joue là son rôle d'impulsion de la défense européenne. Je n'évoque pas maintenant l'A400M puisque je sais qu'il fera l'objet de plusieurs autres questions.
Je veux, à propos de la disponibilité opérationnelle des matériels, indiquer également à M. André Boyer que notre système de forces « préparation et maintien de capacité opérationnelle » connaît une réorganisation pour mieux répondre aux besoins. Il est fondé sur la création de structures spécialisées : le service de soutien de la flotte, le service de maintien des matériels aéronautiques de la défense et, bientôt, la structure de maintenance des matériels terrestres.
Il s'agit là, monsieur Boyer, de structures qui oeuvrent pour les besoins de l'Etat et qui passent des commandes au nom de celui-ci. Je ne vois donc pas comment nous pourrions les dispenser de respecter le code des marchés publics, même s'il faut, bien entendu - et c'est logique -, que le ministère de la défense fasse, au travers de ces structures spécialisées, la meilleure exploitation des dispositions de ce code. Faire appel à la concurrence et comparer aussi objectivement que possible les différentes propositions fait de toute façon aussi partie des missions de l'Etat, et mon ministère doit naturellement se conformer à la règle.
Une question portait sur l'instruction aéronautique.
Alors qu'elles avaient échoué sous les gouvernements précédents, les réorganisations industrielles menées par ce gouvernement ont permis de constituer en Europe un géant de taille mondiale, l' European aeronautic defense and space company, autrement dit EADS, qui est présent sur tous les marchés, qu'ils soient militaires ou civils. C'est le meilleur représentant de l'Europe sur la plan aéronautique.
Le lancement du programme d'études SCAFE concernant la réalisation des études pour le futur avion de combat européen démontre par ailleurs la volonté politique partagée de conserver en Europe toutes les capacités industrielles nécessaires. A M. Pintat, qui constate l'existence d'un projet américain, je veux rappeler que, depuis cinquante ans, les produits de l'aviation de combat française ont toujours été en compétition avec des aéronefs de fabrication américaine. Les Etats-Unis étaient confrontés à un problème de remplacement de génération de matériels et, pour leur nouveau projet, ils ont attribué le marché à l'un des grands constructeurs en compétition : Lockheed Martin.
Sachant que le projet Joint Strike fighter , ou JSF, est encore sur le papier et que de nombreux obstacles devront sans doute être franchis avant sa réalisation, je ne vois pas pourquoi on considérerait que cette concurrence menace davantage le Rafale que les F 15 ou les F 16, non menacés, et les Mirage, qui ont obtenu des marchés importants dans la génération en cours d'emploi.
Sur l'Europe de la défense, j'ajoute une observation, à savoir que l'Union européenne dispose aujourd'hui - et c'est un accomplissement de ce gouvernement - des structures nécessaires pour conduire une opération militaire.
Ces structures fonctionnent. Leurs procédures de travail ont été validées, et l'Union européenne déclarera ses capacités opérationnelles à la réunion du Conseil européen qui se tiendra la semaine prochaine à Laeken.
L'harmonisation et le renforcement des capacités militaires de l'Union européenne se poursuivent. La France y contribue pour environ 20 % et elle impulse le comblement d'un ensemble de déficiences objectivement constatées par nos partenaires et nous-mêmes.
En cette fin de période de programmation, la construction d'une armée européenne, l'engagement de nos armées, tant à l'extérieur que sur notre territoire national, la mise en place de l'Europe de la défense, sont autant de réels accomplissements qui montrent que la politique de la défense menée par ce gouvernement et financée par les budgets successifs a atteint des résultats essentiels.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement estime justifié que le présent projet de budget soit adopté. (Applaudissements sur les travées socialistes. - Mme Luc applaudit également.)
M. Jean Faure, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Faure, rapporteur pour avis.
M. Jean Faure, rapporteur pour avis. Avec la même courtoisie que celle dont M. le ministre a fait preuve pour me répondre, je tiens à lui dire que nous ne parlons pas de la même chose s'agissant des services de santé.
J'ai parlé d'un déficit réel de médecins et de recrutements insuffisants pour le combler. M. le ministre me répond en annonçant des ouvertures de postes visant à recruter de jeunes étudiants en première année, qui ne seront médecins que dans huit ou neuf ans. Ces ouvertures de postes ne changent donc rien au problème actuel.
De quarante à cinquante postes de médecin sont à pourvoir chaque année et, sur une douzaine de candidatures, seules cinq donnent lieu à une embauche. Le déficit se creuse donc d'année en année, et, sur ce point, vous ne pouvez, me semble-t-il, qu'être d'accord avec moi, monsieur le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Monsieur Faure, vous avez pu observer, même si vous ne l'avez pas mentionné dans votre intervention, ce qui est regrettable - je vous le dis toujours avec la même courtoisie -, que la compétition pour ces postes est ouverte à des médecins civils en cours de carrière que l'on voudrait recruter dans les armées.
La transformation des armées, qui a été décidée en 1996 avec votre approbation, s'est fondée sur une période de transition de six années. Les conscrits représentaient plus de 30 % des moyens humains des services de santé. Il n'était naturellement du pouvoir de personne de recruter des médecins en nombre suffisant pour la fin de la période de transition, alors que leur durée de formation est de neuf ou dix ans !
Il a donc fallu s'adapter et procéder à des revalorisations - certes tout à fait justifiées - des postes de médecin, de manière à les rendre attractifs. C'est ce qui a, par exemple, conduit le Gouvernement à augmenter très substantiellement la rémunération des gardes des médecins du service de santé.
Je pense donc qu'il y aurait là, si la majorité sénatoriale voulait l'examiner objectivement, un motif de plus pour voter le projet de loi de budget de la défense.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Elle l'a examiné attentivement !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget de cette dernière annuité de la programmation appelle un jugement contrasté.
Il comporte un titre III positif, qui fait droit à des demandes formulées ici depuis longtemps en faveur de l'amélioration de la condition militaire et de l'activité des forces. Cet effort est en cohérence avec le principe d'une armée professionnelle, qui repose sur l'attractivité du métier des armes, nécessaire à un recrutement de qualité, ainsi que sur sa disponibilité, que conditionne un entraînement de haut niveau. Mais une armée professionnelle suppose aussi des matériels performants et pleinement opérationnels. Or, à l'exception du nucléaire, judicieusement conforté, les crédits d'équipement, cette année encore, sont excessivement contraints.
Ce projet de budget conclut, en termes d'équipements, une programmation qui, au fil des encoches et des annulations, aura manqué, même si l'on prend en compte la revue des programmes, de l'équivalent d'une annuité de crédits consommés. Ainsi, en 2001, les annulations en cours d'année de crédits de paiement ont atteint 6 milliards de francs.
C'est enfin par une réduction de 800 millions de francs sur le titre V du présent projet de budget que vous proposerez tout à l'heure au Sénat de financer l'allégement du temps d'activité des militaires.
Malgré cela, cette programmation, nous dit-on, a bénéficié d'un des taux d'exécution les plus élevés par rapport aux précédentes lois de même nature. Rappelons-nous cependant que les dotations d'équipement prévues par l'actuelle programmation étaient elles-mêmes, initialement, en retrait de 20 milliards de francs par an par rapport à celles qui l'ont précédée et que, en contrepartie, lors de la revue de programmes, l'engagement avait été pris par le Premier ministre de maintenir la dotation constante à 85 milliards de francs de 1999. Or cette dotation n'aura en définitive été reprise dans aucune des lois de finances initiales de ces trois dernières années.
Les conséquences négatives sur la modernisation de certains équipements, sur leur entretien et sur leur disponibilité ont été décrites par les rapporteurs. Je n'y reviendrai pas. Elles fondent cependant, pour une très large part, l'avis défavorable émis par la majorité de la commission.
Le projet de budget pour 2002 parachève aussi la réforme de la professionnalisation. Cette réforme majeure, nécessaire et courageuse, a justifié et conforté l'adaptation de nos forces au nouveau contexte stratégique, et les attaques du 11 septembre n'ont pas affecté sa pertinence générale. Il convient, je crois, de rendre hommage aux membres de la communauté militaire, qui, malgré les bouleversements engendrés par cette réforme, ont été les artisans de son succès.
M. Michel Caldaguès. Très bien !
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. La professionnalisation ne signifie cependant pas que ceux qui ne choisissent pas le métier des armes doivent être tenus à l'écart de l'action de sécurité et de défense conduite par nos unités d'active. Le volontariat et la réserve sont indissociables de la professionnalisation : ils l'enrichissent et la complètent. L'apport de la réserve, en particulier -, M. le Premier ministre l'a d'ailleurs rappelé -, est nécessaire, dans le cadre des opérations extérieures comme dans celui de la sécurité intérieure.
Pourrez-vous, monsieur le ministre, nous préciser les grandes lignes du plan d'action décidé par le Gouvernement pour atteindre les objectifs d'effectifs requis par la réserve opérationnelle et les moyens qui lui seront associés ?
Ma seconde question concerne l'avenir de notre industrie d'armement. Vous avez parlé avec fierté - et c'était justifié - de EADS, mais qu'en est-il de GIAT Industries ? L'aménagement du statut de la DCN est actuellement en débat au Parlement. Une adaptation du statut de GIAT Industries serait également nécessaire. Chacun connaît les graves difficultés du secteur : elles ne facilitent pas une transition statutaire souple. Cependant, les atouts technologiques existent et les compétences humaines sont là.
Compte tenu aussi de l'urgence à procéder aux évolutions indispensables, pourriez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer les résultats de votre réflexion sur cette question pour permettre à GIAT Industries, structure sous-capitalisée, de trouver une logique industrielle et commerciale qui favorise son insertion dans l'ensemble européen ?
M. Jean-Guy Branger. Très bien !
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. En conclusion, nous constatons que le projet de budget de cette année est déséquilibré au détriment des équipements. En rendant illusoire la transition avec la prochaine loi de programmation, il risque de compromettre l'avenir et notre progression vers le modèle d'armée de 2015 que nous nous sommes, tous ensemble, donné voilà cinq ans et qui se voulait l'instrument d'une influence internationale ambitieuse pour la France et pour l'Europe. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Je focaliserai mon propos sur quelques-unes des questions soulevées par M. de Villepin, sans revenir sur les appréciations politiques qu'il a, bien naturellement, portées de façon globale sur ce projet de budget. Il est tout à fait normal que l'opposition joue son rôle, mais le Gouvernement a déjà répondu sur ce point.
Je sais gré à M. de Villepin d'avoir relevé l'effort réalisé en faveur de la condition militaire. Ce dernier s'inscrit dans la logique de notre politique volontariste de professionnalisation des armées et répond à notre souci de préserver l'attractivité des carrières militaires.
Cette action porte ses fruits, puisque les recrutements s'effectuent de façon satisfaisante pour l'ensemble des spécialités. Nous recrutons en effet des candidats dans tous les domaines d'intervention, ce qui représente une très large gamme de métiers, avec un taux de sélection conforme à nos attentes. Cela nous permet d'atteindre les objectifs fixés dans la loi de programmation militaire.
En outre, je souhaiterais souligner, comme l'a fait M. de Villepin, que les volontaires ont leur place dans les armées. Cette innovation figurait dans la loi de programmation militaire de 1996, que le Sénat avait approuvée, mais le statut des volontaires n'avait pas encore été précisément défini. Il avait été alors imaginé de les indemniser à hauteur de 2 000 francs par mois - je vous renvoie au texte de la loi sur ce point -, ce qui ne rendait sans doute pas cette fonction très attirante.
Depuis lors, la réflexion s'est réorientée vers la mise en place d'un statut professionnel de courte durée pour ces jeunes volontaires, dont la rémunération est maintenant équivalente au SMIC et qui bénéficient d'un important effort de formation, lequel prolonge une tradition particulièrement riche en la matière. En effet, les armées françaises ont mené au fil des générateurs et continuent de mener avec beaucoup de coeur une action très profonde de formation et d'insertion. Je suis persuadé que la catégorie des volontaires rendra de grands services aux différentes armes et sera pleinement adoptée par la communauté militaire.
S'agissant de la réserve, elle voit bien sûr ses missions et sa conception même renouvelées, comme l'a souligné M. de Villepin, dans l'optique de la réforme des armées.
A cet égard, 2002 sera une année charnière pour la nouvelle réserve militaire : les derniers appelés ont achevé leur temps de service actif et la réserve doit jouer pleinement son rôle de complément des forces d'active et de trait d'union avec la société civile. A l'occasion du séminaire sur les réserves, le Premier ministre a annoncé un certain nombre de priorités, parmi lesquelles figurent notamment le développement de l'intérêt des jeunes pour la nouvelle réserve grâce à des activités attractives et à l'élaboration d'une formule de transition entre la préparation militaire et un premier stage dans la réserve au cours de l'été suivant, ainsi que la création d'une prime de fidélité au bénéfice des réservistes, à laquelle avait déjà travaillé mon ami Jean-Pierre Masseret lorsqu'il servait à mes côtés. Pour 2002, 8,3 millions d'euros supplémentaires sont de nouveau alloués à la réserve, dont les crédits seront, au total, légèrement supérieurs à 67 millions d'euros.
En ce qui concerne GIAT Industries, le marché auquel il s'adresse tend aujourd'hui à se stabiliser, c'est-à-dire que la baisse du chiffre d'affaires enregistrée au titre des armements terrestres, qui a été le grand obstacle à l'adaptation de l'entreprise, est maintenant enrayée. GIAT Industries poursuit sa réorganisation industrielle, qui lui permet de mieux se mesurer, en termes de productivité, à ses principaux concurrents. Nous achevons la mise en oeuvre du plan stratégique d'adaptation des effectifs de GIAT Industries, qui s'est déroulée sans rupture, sans entraîner de conflits graves sur les plans social et territorial. Il reste maintenant à GIAT Industries à chercher à établir les partenariats internationaux qui lui permettront d'élargir ses perspectives et d'atteindre de nouveaux marchés : un certain nombre de contacts ont été pris à cet égard, qui sont prometteurs.
M. le président. Nous allons maintenant passer aux questions.
La parole est à M. Masseret.
M. Jean-Pierre Masseret. Je vous poserai une rafale de questions, monsieur le ministre ! (Sourires.)
Comme vous l'avez souligné, les problèmes de sécurité et de défense doivent être envisagés selon une approche européenne. Il est donc indispensable que la prochaine loi de programmation militaire s'inscrive dans cette perspective, mais la mise en place de forces de réaction rapide et l'acquisition de capacités stratégiques seront-elles possibles avec des dépenses militaires d'un niveau tel que celui que l'on observe actuellement dans les différents Etats membres de l'Union ?
En outre, comment parvenir à harmoniser les programmations militaires européennes sans avoir procédé à une analyse stratégique commune ? Autrement dit, peut-on réaliser un Livre blanc européen ? Existe-t-il, sur ce plan, une réelle volonté commune des Etats membres de l'Union européenne ?
Par ailleurs, peut-on envisager - faut-il envisager - une inflexion dans la politique d'équipement militaire, afin de donner une plus grande place, demain, aux programmes liés au renseignement, aux missiles de croisière, à l'espace ?
Quant à la dissuasion nucléaire, son poids budgétaire s'accroît sensiblement après des années de décrue. Les programmes prévus, que je ne rappellerai pas ici, car ils sont connus, sont lourds : à l'horizon 2015-2020, peut-on envisager que cette charge budgétaire ne soit plus exclusivement nationale ?
Enfin, les gendarmes formulent, selon des modalités contestables, à mon sens, au regard de leur statut militaire, deux catégories de revendications : ils réclament plus de temps libre, pour être au diapason des autres salariés dans notre société et, surtout, un système indemnitaire mieux adapté à la diversité et aux difficultés spécifiques de leurs missions.
A cet égard, je voudrais souligner, monsieur le ministre, que, sous votre impulsion, ce gouvernement a fait davantage progresser ce dossier que n'importe lequel de ses prédécesseurs. Cependant, pour permettre un traitement plus global de ce sujet, ne serait-il pas pertinent de faire évoluer la loi de 1903 ? Par conséquent, est-il envisageable de préparer une nouvelle loi organique, plus adaptée aux réalités d'aujourd'hui ? Ne serait-ce pas là un signal positif à adresser aux gendarmes ? (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Hilaire Flandre. Il a bien fait de quitter le Gouvernement !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. L'Europe est présente dans le projet de loi de programmation militaire, monsieur Masseret. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles cette dernière prévoit des crédits supérieurs aux budgets actuels, car il faut bien que certains pays, à l'instar de la France, fassent preuve de volontarisme pour amener l'Union européenne à se doter notamment de capacités stratégiques de haut niveau, déficitaires chez la plupart de nos partenaires.
Dans cette optique, nous avons donné la priorité aux missiles de croisière, dont les premiers exemplaires nous seront livrés en 2003, sur la base du seul programme de ce type en Europe, franco-britannique en l'occurrence.
De même, nous avons anticipé cette année le lancement du navire de renseignement MINREM - moyens interarmées navals de renseignements électromagnétiques - qui constitue un élément de réponse au défi du terrorisme.
Plus globalement, le « catalogue de capacités », dont la négociation a été entamée entre les Européens et qui décrit les potentiels militaires que ceux-ci veulent mettre en place ensemble pour atteindre leurs objectifs, constitue une amorce de loi de programmation européenne et permet d'engager la discussion, bien entendu purement politique, sur le niveau de contribution des différents pays.
Certes, nous ne sommes pas encore parvenus à instaurer un dispositif aussi rigoureux et exigeant que les critères de convergence qui ont été mis en place sous l'impulsion de plusieurs pays, dont le nôtre, pour réaliser l'union monétaire, mais il existe déjà ce que l'on appelle, dans notre jargon, la « comparaison par les pairs ». Une certaine pression politique s'exerce donc, jusqu'au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement, quant aux efforts de défense consentis par les uns et les autres.
Nous agissons ainsi de façon progressive, mais avec une forte volonté politique, pour que les différents Etats membres de l'Union partagent l'effort de défense plus équitablement. Quand ce partage concernera-t-il jusqu'aux moyens de dissuasion ? Une telle évolution ne peut être envisagée qu'à moyen ou à long terme, mais il apparaît tout de même que, du fait de la mise en commun de nombreuses idées et de nombreux projets en matière de défense, le regard de nos amis européens sur la force de dissuasion nucléaire française a sans doute déjà changé : le sentiment d'incompréhension, voire la réticence, éprouvé jusqu'à présent par certains de nos partenaires tend à s'effacer.
S'agissant de la gendarmerie, je formulerai simplement deux observations.
Tout d'abord, comme l'a relevé M. Masseret, le budget de la gendarmerie a fortement augmenté, mesdames, messieurs les sénateurs, pour passer de 21,5 milliards de francs en 1997 à 25 milliards de francs en 2002.
Par ailleurs, il est en effet nécessaire de réfléchir sur l'avenir de la gendarmerie. La loi de programmation de 1996 avait mis l'accent, ce que je comprends très bien, sur la transformation complète de nos armées, et ses dispositions visant la gendarmerie étaient inspirées par une certaine continuité.
Toutefois, devant les défis de sécurité intérieure qui s'imposent maintenant à nous et eu égard à l'exposition internationale de la gendarmerie qui a été évoquée par d'autres orateurs, une réflexion doit être menée sur un projet d'avenir pour cette arme. M. le Premier ministre y a d'ailleurs récemment fait allusion. Dans cette perspective, qui doit permettre de mobiliser les énergies et de nouer une relation confiante avec les représentants des personnels, la question de l'adaptation du statut traditionnel de la gendarmerie sera nécessairement ouverte.
M. le président. La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais revenir sur ce fait sans précédent qui a été déjà mentionné, à savoir la manifestation hier matin, dans la région de Montpellier, de 400 gendarmes en uniforme. Les policiers, qui expriment depuis plusieurs semaines leur mécontentement, sont donc désormais rejoints par leurs collègues de la gendarmerie nationale.
Nous ne pouvons guère nous en étonner, puisque le Sénat a mis depuis plusieurs années en évidence la dégradation du climat général dans la gendarmerie. Cela étant, à défaut de nous en étonner, nous devons nous inquiéter de cette évolution, car nous connaissons leur attachement à leur statut et à ses obligations : il faut que la coupe ait été bien pleine pour que les gendarmes décident de manifester publiquement, tout en trouvant le moyen de le faire avec dignité !
Quelles sont les causes profondes de cette grave crise ? L'activité de cette arme est très intense : ses missions, qui sont tant intérieures qu'extérieures, se multiplient ; 65 000 gendarmes seront mobilisés pour assurer le passage à l'euro dans de bonnes conditions ; tous les personnels sont concernés par le plan Vigipirate, et plus d'un millier d'entre eux sont engagés hors de nos frontières.
Mais c'est surtout dans les secteurs sensibles que les responsabilités de l'arme sont de plus en plus lourdes, puisque la délinquance explose sur l'ensemble du territoire, y compris, bien sûr, dans les zones de compétences traditionnelles de la gendarmerie. Les gendarmes sont donc sur tous les fronts.
L'accroissement considérable des missions ne peut se concevoir que si les effectifs sont accrus, mais la seule ressource supplémentaire réelle réside principalement dans le volontariat. Toutefois, encore faut-il que les gendarmes adjoints soient convenablement formés, comme l'ensemble des personnels, au demeurant ! Mais cette nécessité est aujourd'hui battue en brèche par les contraintes imposées aux unités : c'est en particulier le cas pour les escadrons de gendarmerie mobile, qui consacrent de moins en moins de temps à la formation pour préserver leurs capacités opérationnelles.
Cette insuffisance des effectifs engendre, naturellement, une surcharge de travail. Ainsi, les intéressés accomplissent soixante-dix heures par semaine en moyenne, ce qui est une distorsion avec la société civile très difficile à supporter à l'heure de la réduction du temps de travail.
Les personnels effectuent toujours plus d'heures, dans des conditions de moins en moins bonnes. Par ailleurs, les logements des gendarmes et de leurs familles sont en nombre insuffisant, l'équipement individuel et celui des unités ne suivent pas, et certains types de véhicules ne sont pas adaptés à la poursuite des véritables bolides que possèdent les délinquants.
Si les gendarmes s'expriment désormais au grand jour, alors qu'ils ont toujours supporté des conditions de travail difficiles, c'est bien parce qu'ils souffrent de la grande inadaptation de leur situation à l'accomplissement de leurs missions !
Monsieur le ministre, j'ai entendu tout à l'heure votre réponse aux préoccupations exprimées par notre éminent collègue Philippe François : le Gouvernement a déjà beaucoup fait, avez-vous dit, et il compte poursuivre ses efforts. Je souhaiterais cependant savoir jusqu'où vous comptez aller en matière de contreparties financières à accorder aux gendarmes, compte tenu du passage aux 35 heures de l'ensemble des personnels civils de votre ministère. A tout le moins, quelles mesures de valorisation envisagez-vous pour tenir compte des charges particulières dont sont investies certaines catégories de gendarmes ?
Monsieur le ministre, depuis le 11 septembre, le monde a changé, et je suis convaincu qu'il faudra revoir bien des choses, dans le domaine tant de la sécurité extérieure que de la sécurité intérieure. Il faudra demander durablement des efforts importants à tous ceux qui sont engagés dans ces missions de première importance, mais on ne peut imaginer que ce soit sans contrepartie, sans la reconnaissance de la nation, aussi bien morale que matérielle. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Dans le temps qui m'est imparti, je serai obligé de concentrer ma réponse sur certains des aspects de la question très large de M. Plasait.
A cette occasion, je veux rendre hommage au rôle joué par les parlementaires de cette assemblée comme par ceux de l'Assemblée nationale : relayant les préoccupations légitimes des militaires en général et des militaires de la gendarmerie en particulier, ils permettent à notre vie démocratique de prendre pleinement en compte les aspirations et les besoins des intéressés.
M. Plasait a évoqué les jeunes gendarmes adjoints volontaires. Les 14 000 postes créés à cet effet représentent un potentiel humain important au service de la gendarmerie nationale. La durée de formation de ces jeunes gendarmes adjoints a déjà été allongée et, dans les unités où ils servent, les gendarmes professionnels font un effort remarquable pour soutenir leur intégration. Ces jeunes représentent en tout cas une ressource humaine supplémentaire, et leur nombre va encore augmenter au cours des mois qui viennent.
Le travail de concertation mené avec les représentants de l'arme au sein de la réunion exceptionnelle du conseil de la fonction militaire gendarmerie, qui s'est tenue le 28 février 2000, a permis de prendre des mesures au cours de l'année 2000. J'ai d'ailleurs vérifié de nombreuses fois au cours de mes déplacements qu'un certain nombre de charges avaient été allégées.
L'Observatoire social de la défense, qui est totalement indépendant de la hiérarchie, indique ainsi que, en moyenne, entre le début de l'année 2000 et le début de l'année 2001, la charge de travail des personnels de gendarmerie dans les unités territoriales a pu être soulagée de trois heures hebdomadaires environ.
Il faut poursuivre cet effort et, comme je l'ai dit tout à l'heure, le Gouvernement le fera en s'appuyant sur le rôle essentiel que jouent les représentants statutaires des militaires au sein du conseil de la fonction militaire et les représentants élus des unités.
Nous avons déjà décidé et financé la création de 1 700 postes de sous-officiers et décidé la création de 3 000 postes supplémentaires, ce qui représentera, au total, une ressource humaine de près de 5 000 personnels supplémentaires.
Il convient d'y ajouter un gain d'environ 3 000 postes, grâce à l'achèvement du programme d'intégration des volontaires. Cela représentera un véritable allégement des charges de travail importantes que supporte la gendarmerie.
Le Gouvernement, je le répète, est convaincu que les personnels de la gendarmerie sont motivés par leur volonté de bien mener leur mission au service de la sécurité publique, mais il faut qu'ils en aient les moyens. C'est sur cette base que nous pousuivrons nos efforts financiers... à condition, bien entendu, que le Parlement les soutienne.
M. Philippe Richert. C'est insuffisant !
M. Bernard Plasait. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait. Je prends acte des réponses de M. le ministre et je le remercie de m'avoir répondu de manière détaillée.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Daniel Hoeffel.)

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la défense.
Je rappelle que chacune des questions des orateurs des groupes ne doit pas dépasser cinq minutes ; le Gouvernement répond en trois minutes à chaque orateur, et ce dernier dispose d'un droit de réplique de deux minutes au maximum.
Compte tenu de l'ordre du jour prévu pour ce soir et demain, je compte sur chacun des intervenants pour respecter à la fois l'esprit de la procédure et les temps de parole. D'avance, je les en remercie.
M. Gérard Braun. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly. Monsieur le ministre, j'ai bien entendu la question de M. de Villepin concernant GIAT Industries et j'ai entendu votre réponse. C'est néanmoins sur ce sujet que je veux vous interroger.
En effet, vos réponses seront peut-être plus détaillées, plus précises, que celles que vous avez faites en quatre points à M. de Villepin. Par ailleurs, ma question comportera un aspect local. En outre, recevant régulièrement les représentants des syndicats, je me sens tenu d'être leur interprète. Enfin, je me reconnais quelque attachement spécial à GIAT Industries, ayant participé à son acte de naissance ; ce n'était pas évident à l'époque.
Un cabinet d'experts fut chargé d'étudier, en début d'année, la restructuration du site de GIAT Industries à Tulle.
« Ce comité est en panne d'objectifs » proclame un syndicat, qui pense que l'on pouvait capitaliser et valoriser les compétences existantes de GIAT Industries dans les métiers de la mécanique. Un autre syndicat, faisant référence au rapport de la Cour des comptes, n'est pas plus tendre.
Plus localement et plus concrètement, monsieur le ministre, certains considèrent sur place qu'il est urgent de faire le point sur l'intégration du pôle de soutien logistique aux armées sur une partie du site de Tulle. De même, ils considèrent que la revalorisation du site industriel restant demande la plus grande attention.
Monsieur le ministre, de ce double point de vue, je crois pouvoir avancer, en tant que président du syndicat mixte du pays de Tulle, que cet organisme, pour ce qui est de sa compétence, met tout en oeuvre afin que les dossiers le concernant évoluent dans les meilleures conditions.
Les choses avancent chaque fois que c'est possible et, à côté d'autres sources de financement, nous bénéficions du fonds de restructuration de la défense, le FRED.
Pour ce qui est de la situation générale de GIAT Industries, je ne reviendrai pas en détail sur les précisions que m'ont apportées les représentants des syndicats touchant à la fourniture des chars Leclerc à la fédération des Emirats arabes unis, à l'insuffisance de la production des cinquante-deux chars Leclerc, aux véhicules blindés de combat d'infanterie dont il faudrait accélérer la production. J'arrête là mon énumération, mais je pourrais citer d'autres exemples. Ces problèmes ayant été abordés par d'autres avant moi, je n'y insiste pas.
Un autre volet de l'activité de l'entreprise porte sur la reconstruction des matériels, la remise à hauteur des véhicules et autres équipements, y compris peut-être les premiers chars Leclerc. Selon mes interlocuteurs, le travail requis pour ce faire serait estimé à 3 millions d'heures. Qu'en est-il précisément ?
Des remarques pourraient être faites également sur les matériels militaires.
La Cour des comptes indique que, face à la situation critique de l'entreprise, deux attitudes sont possibles.
La première consiste à continuer dans la voie suivie jusqu'à maintenant consistant à garder des centres d'activité surabondants et des personnels excédentaires, que l'on résorbe lentement grâce à des plans sociaux successifs.
La seconde hypothèse consiste à se poser le problème de la taille optimale que la société doit avoir pour retrouver l'espoir d'une certaine rentabilité.
Elle suppose que les inévitables difficultés qui résulteront dans les bassins d'emplois concernés seront à traiter dans le cadre de l'aménagement du territoire.
Si une telle proclamation est aisée à faire, la réalisation pratique est plus difficile.
Cette voie passerait par une contraction forte des moyens de la société, par la fermeture ou la reconversion des centres aujourd'hui reconnus comme excédentaires.
Quatre centres pourraient subsister, selon la Cour des comptes. Le mien, si j'ose dire, n'y figure pas.
Il est vrai que la Cour des comptes n'est pas le Gouvernement. Son rapport n'en suscite pas moins l'émotion et l'inquiétude que vous pouvez supposer sur le terrain. J'insiste, monsieur le ministre, le moral n'y est plus !
Bref, monsieur le ministre, quid de l'avenir de GIAT Industries et de son aspect plus local ? (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. M. Mouly, qui connaît fort bien le contexte dans lequel évolue GIAT Industries a soulevé une série de questions d'ordre stratégique mais aussi local sur l'activité de cette entreprise.
Tout d'abord, pour me situer tout à fait dans la logique de son propos, je voudrais insister sur le fait que les commandes de l'Etat pour les différents types de matériels sont parvenues en temps et en heure. Pour ce qui relève des besoins de l'armée de terre, l'Etat a donc alimenté le carnet de commandes conformément aux prévisions.
Nous nous sommes efforcés d'échelonner les commandes de manière à assurer une continuité de charges aussi satisfaisante que possible.
Tout récemment encore, j'ai chargé la délégation générale pour l'armement d'entrer en discussion avec GIAT Industries pour définir un schéma pluriannuel de commandes de munitions, lesquelles faisaient encore l'objet d'une certaine discontinuité.
Par ailleurs, monsieur le sénateur, la croissance des activités de services, de réparations et de modernisation de matériels est régulière à GIAT. Le Gouvernement a décidé de transférer progressivement aux industriels, en l'occurrence à GIAT - mais c'est vrai aussi pour ses concurrents - une partie des missions les plus lourdes de réparations et de rénovation des matériels, ce qui leur assurera une régularité de chiffre d'affaires et un fonds de commerce dans la durée.
En ce qui concerne les observations formulées par la Cour des comptes dans son rapport, je m'éloignerai un peu des commentaires auxquels vous vous êtes livré, monsieur le sénateur. Les rôles sont bien définis : le Gouvernement gouverne et la Cour des comptes fait des observations, ce qui est utile, mais n'oublions pas que c'est a posteriori . En l'occurrence, le Gouvernement a opéré des choix pour ce qui est de la réorganisation de GIAT Industries dans le contexte dans lequel se trouvait l'entreprise en 1997-1998, et ces choix, il les assume.
Il est facile de venir dire plus tard que l'on aurait pu procéder à des réductions d'effectifs de façon plus drastique en supprimant plus de sites. En fait, nous avons, de façon méthodique et par la négociation, tenté de trouver la taille optimale de l'entreprise. De 10 600 au printemps 1998, les effectifs seront tombés à 6 100, si je tiens compte du périmètre comparable au deuxième semestre 2002 ; et cela s'est produit sans crise, sans rupture industrielle et en poursuivant une tâche de rénovation et de rajeunissement industriel de l'entreprise.
Enfin, je voudrais faire deux observations concernant le site de Tulle. Comme vous le savez, le pôle logistique à vocation inter-armées est en cours de création, suivant les conclusions du comité interministériel d'aménagement du territoire.
Il sera opérationnel courant 2002 et centré sur les nouvelles technologies de l'information et des télécommunications au service des armées. Il y aura, en particulier, un atelier d'impression à haut débit et un atelier à vocation numérique. Il aura cinquante-neuf employés, pour la plupart des ouvriers reconvertis de GIAT, et sera situé sur un terrain cédé par GIAT au ministère de la défense.
Quant à la construction du bâtiment abritant l'atelier d'impression, elle sera achevée à l'automne 2003, ce qui permettra au personnel de GIAT, qui est à l'heure actuelle en formation de reconversion, de retrouver une activité durable.
A ce propos, je tiens à remercier l'ensemble des partenaires locaux, dont le syndicat que vous présidez, monsieur le sénateur, pour leur excellente contribution à cette reconversion.
M. le président. La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi de programmation militaire, dont nous allons aborder la dernière année de réalisation, s'était fixé pour objectif de restructurer notre outil de défense en poursuivant la modernisation de nos équipements.
Elle nous était présentée comme la première étape d'une planification sur vingt années et s'efforçait, sans toujours y parvenir complètement, de ménager la disponibilité permanente des pièces maîtresses de notre appareil militaire aérien, naval et terrestre, nonobstant les importantes mutations qu'il avait à subir.
Si elle n'y était pas parvenue à 100 %, c'est parce qu'elle avait été élaborée et votée dans un environnement économique encore très défavorable et donc dans une conjoncture budgétaire extrêmement serrée, en raison même des pertes de recettes fiscales et des dépenses de solidarité impliquées par la dépression du marché du travail, alors à son maximum.
Malgré ces contraintes très fortes, elle avait cependant tenu à formaliser le montant de l'effort annuel d'équipement militaire en le fixant à 86 milliards de francs, valeur 1995, précision qui est souvent oubliée dans certaines analyses fallacieuses. Je tiens à la mentionner ici, car elle est importante.
Compte tenu du redressement de la conjoncture mondiale qui, lié aux fruits de la politique d'assainissement financier initiée par Alain Juppé, avait permis une vive reprise de la croissance dans notre pays, on pouvait espérer que le Gouvernement issu des élections de 1997 aurait à coeur, puisqu'il en avait les moyens, de respecter au moins les annuités fixées dans un climat beaucoup plus difficile par le législateur.
Eh bien, c'est exactement le contraire qui s'est produit !
D'abord, la revue de programme de 1998 s'est fixé des objectifs en retrait de ceux qui avaient été arrêtés en 1996 tout en procédant à un tour de passe-passe qui faisait sauter quatre années d'indexation.
Mais, surtout, le Gouvernement n'a respecté ni l'échéancier qu'avait fixé la loi de programmation ni même celui qui résultait de sa propre revue de programme.
Je m'attends à ce que vous contestiez mes affirmations, monsieur le ministre, comme vous l'avez fait tout à l'heure à l'égard d'autres orateurs. Si tel est le cas, je démontrerai au Sénat en quoi cette contestation serait artificieuse, car les chiffres dont je dispose ont été vérifiés et revérifiés tant sur la base de données fournies par M. le rapporteur général que sur celle provenant de nos rapporteurs spéciaux et rapporteurs pour avis. Par parenthèse, si j'ai réagi tout à l'heure, monsieur le ministre, c'est parce qu'il m'a semblé qu'une sorte de mauvaise note était attribuée à nos commissions ; or, elles ne le méritent pas, car elles travaillent très sérieusement.
Il n'y a aucun doute, les ressources affectées en fin de compte à notre équipement militaire sur la période 1997-2002 seront inférieures de plus de 16 % aux prescriptions formelles de la loi de programmation, ce qui signifie quelque 80 milliards de francs en moins.
Reportons-nous, mes chers collègues, aux carences, intermittences et insuffisances en équipements militaires telles qu'elles ont été répertoriées par nos rapporteurs et imaginons toutes celles auxquelles cette somme aurait permis de remédier.
Ne me dites pas, monsieur le ministre, que la pénurie budgétaire était trop cruelle pour faire face aux besoins criants de nos armées, car je vous ferai observer que, loin de manquer de ressources, le Gouvernement a enregistré sur la période 1997-2001 une augmentation du produit fiscal de 190 milliards de francs.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que le budget militaire n'en a pas eu sa part ! Or, ce qui est plus grave, c'est que le Gouvernement était conscient de cette mise en pénitence. Bien plus, il s'en vantait si j'en juge par cette déclaration du ministre de l'économie des finances et de l'industrie, le 2 juillet dernier : « Quand j'entends l'opposition, y compris à un niveau assez élevé » - suivez mon regard, et c'est pourquoi, monsieur le ministre, vous ne devriez pas invoquer le Président de la République - « qui nous réclame une augmentation lourde des dépenses de défense, je dis non parce que non seulement ce n'est pas nécessaire, mais c'est incompatible avec nos grands équilibres économiques et financiers ».
Vous avez bien entendu, mes chers collègues, « ce n'est pas nécessaire ». C'est toute une mentalité qui est ici résumée et c'est ce que nous condamnons !
Dans ces conditions, m'adressant non pas au ministre de la défense, en particulier, et encore moins à titre personnel mais au Gouvernement qu'il représente ici à lui tout seul, je demande ce que sont devenus les 80 milliards de francs que le Parlement avait affectés à la programmation des moyens de défense de la France et qui manquent aujourd'hui à l'appel. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Répulicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Le Sénat l'aura bien compris, la question posée par M. Caldaguès à la fin de son intervention n'est que la conclusion d'un propos qui est d'abord un plaidoyer, celui d'une formation politique d'opposition qui essaie d'expliquer, quelque peu laborieusement, que la politique de financement de la défense du gouvernement Juppé était exemplaire, cela mériterait d'être pris avec un peu plus de distance ! - et que celle du gouvernement actuel est tout à fait condamnable.
Sans reprendre l'assez longue discussion que nous avons eue cet après-midi, je dirai à M. Caldaguès des choses simples et concrètes. Pendant toute la décennie quatre-vingt-dix, aucun navire de la Marine nationale n'a été mis en chantier. Aujourd'hui, deux frégates anti-aériennes et deux nouveaux transports de chalands de débarquement sont en chantier. Nous travaillons sur le projet de frégate multimissions. Nous lançons le programme du bateau de renseignement. Ce sont des exemples concrets qui concernent la marine.
Passons à l'armée de l'air. Nous sommes en train d'assurer la régularité des commandes du programme Rafale. Qu'était devenu ce programme Rafale, au cours des années précédentes ? Aucune commande n'avait été passée par les gouvernements que vous souteniez, monsieur Caldaguès ! Le programme d'Avion de transport du futur, l'ATF, qui est l'un des plus grands programmes structurants que nous aurons à soutenir, fait l'objet d'une inscription de 43 milliards de francs dans les autorisations de programmes.
Et je pourrais poursuivre. J'ai rappelé à M. Vinçon que le Gouvernement aura réalisé l'intégralité de la commande du char Leclerc en quelques années.
Je vois donc que vous avez choisi votre option politique. Vous contestez ce gouvernement et vous défendez l'action du gouvernement Juppé, en oubliant toutefois qu'il a annulé 20 milliards de francs sur les crédits des budgets que sa majorité avait votés quelques mois auparavant.
Quant à la crédibilité de notre engagement pour la continuité de la politique de défense, vous restez sur votre opinion, mais le Gouvernement n'a vraiment pas de mal à rester sur la sienne ! (Très bien et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Michel Caldaguès. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès. Monsieur le ministre, vous m'avez dit que j'ai fait un plaidoyer politique. Il se trouve que la défense nationale est une affaire politique ! Le passé nous l'a montré en différentes circonstances, notamment comme dans les circonstances dramatiques qui ont conduit à la défaite de 1940. Or, cette défaite, nous sommes nombreux à ne pas l'avoir oubliée. Nous ne voulons pas voir se renouveler les fruits amers des carences et de l'insouciance passées. Tel est le sens de mon plaidoyer politique.
Je n'ai guère cité de chiffres, mais vous ne les avez pas contestés. Comment l'auriez-vous pu ?
M. Alain Richard, ministre de la défense. Je l'avais fait cet après-midi !
M. Michel Caldaguès. En effet ! Mais j'aurais alors pu vous opposer les déclarations du chef d'état-major devant les commissions et celles qui ont été prononcées à l'Assemblée nationale par l'un de vos amis, que je tiens pour un spécialiste sérieux et scrupuleux des questions militaires.
Vous avez reproché au gouvernement précédent de ne pas avoir fait beaucoup après les années quatre-vingt-dix. Mais comment vous y prenez-vous donc pour dépenser moins, tout en prétendant faire beaucoup ? Cela me plonge dans la plus grande perplexité, monsieur le ministre.
Je vais vous apporter la réponse que vous n'avez pas donnée à ma question : où sont passés les 80 milliards de francs qui manquent pour l'équipement militaire ? C'est très simple : pendant la période considérée, l'ensemble des dépenses civiles ont augmenté de 19 %, alors que les dépenses militaires de fonctionnement n'augmentaient, elles, que de 5 % et que les dépenses d'équipement diminuaient. Voilà où sont passés les 80 milliards de francs qui nous manquent. Ils ont été engloutis dans des dépenses civiles inconsidérées !
M. Philippe Richert. C'est grave !
M. Alain Richard, ministre de la défense. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Monsieur Caldaguès, si je n'ai pas contesté à nouveau vos chiffres - qui sont totalement erronés ! - c'est parce que j'avais passé une bonne partie de l'après-midi à expliquer que mes appréciations et celles des commissions divergeaient. Les chiffres que j'ai cités n'ont pas été contestés.
M. Philippe Richert. C'est trop facile !
M. le président. La parole est à Mme Gourault.
Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mes deux questions porteront sur de possibles blocages qui, à terme, pourraient altérer la traduction budgétaire de la nouvelle donne stratégique que nous vivons actuellement.
Ma première question concerne le pôle sécurité renseignement formé par les trois directions de la DGSE ou direction générale de la sécurité extérieure, de la DRM, ou direction du renseignement militaire, et de la DPSD, ou direction de la protection et de la sécurité de la défense.
Nul n'ignore qu'à leur mission d'information et d'analyse, de contre-espionnage et de contre-ingérence, s'ajoutent aujourd'hui, avec une acuité très grande, des missions de contre-terrorisme menées en liaison avec la gendarmerie nationale et les services de la police nationale.
J'ajouterai à ce tableau des charges et des missions de ces services la nécessaire et la très difficile lutte contre la grande criminalité, qui menace sournoisement des pans entiers non seulement de notre économie mais aussi de notre société et de nos institutions.
A cet égard, je n'ignore pas, monsieur le ministre, l'augmentation d'environ 4,5 % des crédits de la DGSE ainsi que l'augmentation du volume de ses personnels, notamment civils.
De même, les crédits d'infrastructures ont augmenté de 42 % en raison notamment du nouveau quartier Mortier.
Cependant, on peut noter dans le budget de cette année un léger fléchissement des dépenses en matériel dont il n'est pas souhaitable qu'il perdure trop longtemps, compte tenu des circonstances internationales.
Il en va de même pour la direction du renseignement militaire, dont les effectifs sont en augmentation mais dont le titre V régresse, en revanche de 8 %, alors qu'il faudrait rehausser ces crédits très vite pour ne pas hypothéquer l'avenir d'une direction récente, mais qui est devenue fondamentale dans la communauté du renseignement.
Enfin, la situation de la DPSD offre un spectacle inversé : diminution constante des effectifs, conformément certes aux voeux du Livre blanc sur la défense, mais augmentation des crédits d'investissement due à la rénovation de l'informatisation et à la mise en place de moyens nouveaux pour lutter contre le cyberterrorisme.
Il convient - faut-il le redire ? - d'inverser la décrue des effectifs de ce service peu connu, qui assure la défense de la défense et dont le fonctionnement doit demeurer l'une des grandes priorités du pôle sécurité défense.
Sur ce pôle de cohérence, ne pensez-vous pas que lors de la prochaine loi de programmation militaire, ainsi que dans les prochaines lois de finances, il serait bon de mettre en place un dispositif budgétaire spécifique, regroupant le financement de ces missions vitales, ainsi qu'une mini-planification pour tous ces services qui assurent, dans la discrétion, l'indépendance et la force du pays ?
Ma deuxième question concerne les retards juridiques, administratifs et financiers pris par les programmes afférents au missile M 51. Devant la prolifération accélérée des armes nucléaires et balistiques dans le monde, notamment en Asie, n'est-il pas de la première urgence que la pointe de diamant de la dissuasion nucléaire française, ce missile de longue portée, doté d'une tête nucléaire durcie et perfectionnée, puisse entrer, quoi qu'il en coûte, le plus vite possible en service dans les sous-marins nucléaires lanceurs d'engins ? Pour ce faire, ne faut-il pas multiplier les essais, quitte à mettre en place, sans délai et comme le suggèrent certains experts, une piscine spécifique au Centre d'essais des Landes.
Monsieur le ministre, ces deux remarques qui viennent au momentou nous examinons la dernière annuité budgétaire de la programmation militaire, expriment ma certitude qu'il faut, pour la sécurité de notre pays, lui assurer tous les moyens en matière de renseignements et de dissuasion nucléaire.
Je ne doute pas que, dans les semaines, les mois à venir, la prochaine loi de programmation que vous ne tarderez pas à soumettre à la Haute Assemblée saura tenir compte de ces remarques. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Je remercie très sincèrement Mme Gourault d'aborder ces questions qui ne donnent lieu qu'à peu de débats et suscitent peu d'interrogations collectives, alors qu'elles sont en effet tout à fait au coeur de notre système de défense.
Je tiens à abonder dans votre sens, madame, pour dire que la consolidation et la modernisation des moyens de notre appareil de renseignement extérieur, que ce soit le renseignement militaire ou la direction générale de la sécurité extérieure, sont une priorité que le Gouvernement entend poursuivre.
Nous savons tous que les efforts de coordination de renseignements se sont révélés d'autant plus nécessaires après les attentats du 11 septembre. En même temps, les contacts intensifiés avec les services de renseignement d'autres pays ont révélé que, sur un certain nombre de préoccupations et de menaces, la capacité d'anticipation de nos services de renseignement avait été effective et que nos agents avaient fait du bon travail.
Par ailleurs, on a souvent fait ici état d'analyses d'observateurs extérieurs opposant le renseignement humain et le renseignement technique. Je saisis donc cette occasion pour souligner une fois encore que cette opposition est factice. En effet, nous devons d'autant plus apporter notre soutien aux femmes et aux hommes qui sont sur le terrain qu'ils prennent des risques importants. Mais nous avons également besoin d'outils de détection, de déchiffrage qui soient d'un haut niveau technique qui fait en grande partie la force et l'efficacité de la DGSE et de la DRM.
Je souligne à ce sujet que les crédits d'investissement dont vous avez pu prendre connaissance ne figurent pas tous sur le compte de la DGSE ou de la DRM puisque certains outils lourds qui doivent être acquis sont pris en compte par l'état-major des armées.
De même, et pour illustrer l'effort consenti dans ce domaine, j'insiste sur le lancement du navire MINREM, dont la notification du contrat intervient en ce mois de décembre, en avance donc de huit mois sur les prévisions.
En effet, le renseignement d'origine électromagnétique à grande portée est l'une des priorités que nous devons poursuivre.
En ce qui concerne par ailleurs le développement de la nouvelle génération de notre force de dissuasion, je tiens à souligner, après les interrogations qui se sont élevées tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, que le contrat de développement du missile M 51 a bel et bien été conclu fin 2000, au terme d'une discusion financière difficile avec l'industriel. ll nous lie maintenant, et nous allons développer les phases successives de ce programme qui est en effet un élément clé du renouvellement des capacités de la force de dissuasion.
S'agissant du programme d'expertise et d'essais, la DGA a accompli un travail approfondi pour savoir quel devrait être le niveau optimal et crédible des moyens nécessaires au déroulement du programme lui-même, de sorte qu'il soit synchronisé avec la nouvelle génération de sous-marins nucléaires lanceurs d'engins. La loi de programmation a enfin prévu la construction d'un quatrième sous-marin nucléaire lanceur d'engins et son équipement en missiles M 51.
Monsieur le président, la séance de cet après-midi ayant été décalée, je ne pourrai répondre aux derniers orateurs car je dois me rendre à l'Assemblée nationale pour le débat sur la modification du statut de la direction des constructions navales, dans le cadre de la loi de finances rectificative.
C'est donc mon collègue et ami M. Floch qui répondra à ma place aux dernières questions.
Naturellement, je fais confiance à la sagesse du Sénat pour soutenir l'effort budgétaire du Gouvernement en faveur des militaires.
M. le président. La parole est à M. Autexier.
M. Jean-Yves Autexier. Vous avez rappelé, à bon droit, monsieur le ministre, que le budget pour 2002 était le dernier de la loi de programmation militaire et en épousait les orientations.
Les nombreuses critiques qui ont été formulées cet après-midi et au début de cette soirée sont en réalité des critiques qui s'opposent aux orientations de la loi de programmation militaire que la majorité du Sénat a adoptée et dont je rappelle que les grands traits étaient la professionnalisation et la fin du service national, ainsi que la priorité donnée aux capacités de projection des forces à l'extérieur.
Nous constatons aujourd'hui le coût de ces deux orientations et, surtout, celui de la professionnalisation, qui est double.
Naturellement, il faut rémunérer les professionnels au lieu et place des appelés. Mais il y a aussi un coût militaire.
Les menaces changent de nature, le terrorisme fait peser de nouvelles menaces sur la France, et nous nous trouvons fort dépourvus pour protéger les points sensibles, car les effectifs manquent.
Le coût des opérations extérieures liées à la priorité donnée à la projection des forces est également élevé.
Toutes ces dépenses se font naturellement au détriment du titre V. Ce qui était inscrit en filigrane dans la loi de programmation de 1996 se réalise.
Je prendrai des exemples sur dix ans, pour ne pas faire de la polémique politicienne.
M. Gérard Braun. Sur dix ans !
M. Jean-Yves Autexier. Il y a dix ans, les crédits du titre V s'élevaient à 103 milliards de francs ; aujourd'hui, ils sont de 85 milliards de francs. Il y a dix ans, les dépenses d'équipement des forces représentaient 1,5 point du PIB ; aujourd'hui nous en sommes à 0,8 point du PIB.
M. Philippe Richert. Que fait le Gouvernement ?
M. Jean-Yves Autexier. Il applique la programmation militaire que vous avez votée en 1996 !
Je demande donc aujourd'hui au représentant du Gouvernement s'il n'estime pas nécessaire de tirer les leçons de l'application qu'il a dû faire des orientations de la loi de programmation de 1996 et des choix qui ont été opérés. Après le 11 septembre, n'est-il pas opportun s de rappeler à Bercy que le temps d'empocher les dividendes de la paix est révolu ?
M. André Dulait. Eh oui !
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. Très bien !
M. François Trucy, rapporteur spécial. Bravo !
M. Jean-Yves Autexier. Je crois que le Gouvernement qui a eu à appliquer pendant quatre ans les orientations d'une loi de programmation que je juge néfaste est mieux placé que quiconque pour en tirer les meilleures leçons et pour proposer les redressements qui s'imposent.
M. Maurice Blin, rapporteur spécial. On va voir !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense, chargé des anciens combattants. Monsieur le sénateur, il est vrai qu'on peut reprendre le débat général sur l'organisation de nos armées et sur l'orientation qui a été prise il y a quelques années de professionnaliser nos armées, c'est-à-dire de professionnaliser la défense de la France.
Ce choix a été fait par les représentants de la nation à l'époque et suivi par les plus hautes autorités de l'Etat. On aurait pu trouver une autre formule, on aurait pu faire autre chose. On peut toujours le dire a posteriori de tous les choix politiques, surtout lorsqu'il s'agit de choix politiques majeurs.
Toujours est-il que ce choix a été fait. Il correspondait, je crois, à une nécessité pour la défense de notre pays. Et ce qui a été voté en 1996 a été poursuivi par ce gouvernement et sa majorité, pour la bonne raison qu'il y a continuité de l'Etat en matière de défense et que cette règle de la continuité de l'Etat est l'une des conditions de fonctionnement des gouvernements de la République.
M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat. Pour ce qui est des éléments chiffrés, je crois que vous les connaissez. Par ailleurs, je pense que le débat général pourra être repris à un autre moment. Nous allons d'ailleurs entrer dans une période où chacun pourra proposer à la nation les choix qu'il aura faits en conscience.
M. Jean-Yves Autexier. Merci, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. le président. La parole est à Mme Bergé-Lavigne.
Mme Maryse Bergé-Lavigne. Monsieur le secrétaire d'Etat, mon intervention portera sur l'A 400 M dont il a été souvent question au cours de ce débat.
Le futur gros transporteur militaire est un programme emblématique de la volonté commune des Etats européens en matière d'armement.
Au total, neuf nations se sont associées à ce processus lancé en 1996 avec la définition d'un cahier des charges commun. En 2000, lors de la rencontre de Farnborough, puis en juin 2001, l'accord entre les participants a été formalisé et les quantités achetées par chacun ont été précisées.
En grande partie grâce à l'action du Gouvernement, la France s'est placée en tête du mouvement.
En effet, les autorisations de programme nécessaires ont été disponibles dès l'année dernière et il a été procédé, en loi de finances rectificative pour 2001, à une inscription complémentaire des crédits donnant à l'Etat les moyens d'acquérir les 50 appareils que la France avait prévus dès le départ.
Mais, aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'Etat, nous sommes inquiets.
La signature du contrat engageant tous les pays associés au programme qui devrait avoir lieu à la mi-novembre a été repoussée à la fin de l'année.
Nous savons par ailleurs que nos amis allemands sont divisés sur cette question. Certes, le chancelier Schröder a confirmé son engagement de principe pour 73 appareils, mais l'effort financier autorisé par le parlement allemand n'en concernerait que 46 au prix actuel.
Si, avec une commande de 73 avions, les Allemands peuvent obtenir la direction du programme et une part plus importante de la charge de travail de recherche et développement, en deçà, les conditions de réalisation du programme changent radicalement.
De plus, l'Italie, tout en renouvelant son intérêt pour cet appareil, attend la décision allemande pour se décider, et la Grande-Bretagne, si la décision n'était pas prise avant la fin de l'année, retirerait sa parole.
Les autorités de l'EADS ont signalé à la presse récemment que si l'Allemagne ne commande que 46 appareils, le programme n'est pas viable !
Après l'échec d'un tel programme, il sera plus difficile de parler de l'Europe de la défense, et la force de projection européenne serait en difficulté.
Notre seul choix serait dès lors d'acheter des avions « sur étagère » aux Etats-Unis. Le revers serait cuisant pour la défense et pour notre industrie aéronautique.
M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis. Absolument !
Mme Maryse Bergé-Lavigne. Monsieur le secrétaire d'Etat, qu'est-ce qui fait réellement obstacle au lancement de l'A 400 M ?
Ma deuxième question porte sur les systèmes futurs de combat aérien.
Les ministres de la défense de six pays - la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Italie, l'Espagne et la Suède - ont récemment publié une déclaration sur la coopération dans le domaine des capacités et des technologies pour les systèmes de combat aérien.
Avec cette déclaration, ils s'engagent à développer conjointement, dans le cadre du programme ETAP, l'European Technology and Acquisition Programme, et avec le concours de l'industrie européenne de l'armement, les technologies et les capacités nécessaires dans ce secteur.
Le programme ETAP couvre des avions de combat, développés à partir des appareils existants - Eurofighter, Gripen et Rafale -, des engins aériens inhabités sol-air et air-air et des appareils de combat aérien sans pilote, des missiles de croisière conventionnels et, enfin, les systèmes informatiques, de commandement, de communication et de renseignement contribuant à l'interface entre les différents moyens opérationnels.
Une première étude portant sur les besoins à l'horizon 2020 sera réalisée au cours de l'été 2002. Elle identifiera les systèmes et les technologies nécessaires pour répondre à ces besoins.
Monsieur le secrétaire d'Etat, quelle sera la participation des ministères de la défense et des industriels à cette tâche et, plus généralement, comment les industriels seront-ils associés au projet ETAP ?
M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat. Madame le sénateur, il est vrai que, comme vous l'avez souligné, le programme A 400 M répond à un besoin fondamental des armées dans la fonction opérationnelle de projection et qu'il est un préalable évident à l'ensemble de nos actions militaires.
Il s'agit pour notre armée de l'air d'assurer la relève du Transall C 160 dont le remplacement est prévu à compter de 2005.
Sur le plan européen, l'A 400 M permettra de consolider les capacités industrielles et opérationnelles des huit pays partenaires dont le besoin global est de 212 avions, le nombre d'avions restant le même que celui qui avait été annoncé il y a quelque temps.
Le 19 juin 2001, neuf nations ont négocié et signé ce contrat. En France, une première dotation de 20 milliards de francs a été inscrite au budget de la défense en loi de finances rectificative fin 2000 et un complément de 23,7 milliards de francs est prévu dans la loi de finances rectificative pour 2001. L'ensemble permettra de disposer des ressources suffisantes.
Ce faisant, le premier appareil sera livré à l'armée de l'air fin 2007, les deux suivants en 2008.
Vous savez par ailleurs qu'il y a eu une discussion avec nos amis allemands dernièrement et que le Chancelier Shröder a donné des assurances quant à la signature par l'Allemagne de ce contrat. Aussi, nous espérons que la signature aura effectivement lieu dans les semaines à venir.
En ce qui concerne la question que vous avez posée sur l'industrie aéronautique, il est vrai que, là aussi, des inquiétudes ont pu naître à un moment donné. Il n'en reste pas moins que l'action des Etats européens a permis de créer ici une véritable industrie qui est aujourd'hui une des premières au monde.
Le lancement du programme SCAFE concerne la réalisation des études pour le futur système de combat européen. Il démontre la volonté politique des gouvernements européens, particulièrement de la France, de consolider l'ensemble du spectre industriel en matière aéronautique. Je pense donc que vous pouvez être rassurés sur les programmes qui seront développés dans notre industrie aéronautique, surtout dans les usines françaises.
Mme Maryse Bergé-Lavigne. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Bergé-Lavigne.
Mme Maryse Bergé-Lavigne. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse.
Je suis élue d'une région où, après la catastrophe liée à la chimie, l'aéronautique risque de rester l'unique activité industrielle d'importance. Vous comprendrez donc, monsieur le secrétaire d'Etat, que je me soucie de la difficile gestation du programme de l'Airbus A 400 M.
Comme Boeing, Airbus subit la crise liée au transport aérien commercial. L'A 400 M apporterait une diversification bienvenue dans l'activité d'Airbus, d'autant plus que Boeing vient d'obtenir des autorités fédérales américaines, de gré à gré et développement payé, une commande de cent avions ravitailleurs.
La fin de l'année est rituellement le moment des cadeaux. (Sourires.) J'émets le voeu, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'annonce de la signature du contrat pour l'A 400 M soit collectivement pour l'Europe le plus beau des cadeaux ! (Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Vinçon, rapporteur pour avis, applaudit également.)
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat. Il s'agit d'un enjeu essentiel, madame le sénateur. Je suis moi-même issu d'une région où se trouvent deux usines aéronautiques importantes. Aujourd'hui, il faut à la fois s'assurer de la signature de contrats et, en même temps, rassurer notre industrie : cette dernière n'a pas besoin, en particulier s'agissant de la région de Toulouse, d'un malheur supplémentaire.
M. le président. La parole est à M. de Gaulle.
M. Philippe de Gaulle. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le titre III du budget, s'il comprenait un peu plus de jours et d'heures d'entraînement, et sensiblement moins que les vingt mille hommes en garnison ou en opérations diverses et coûteuses outre-mer, serait presque satisfaisant.
Nous avons eu raison de passer à la professionnalisation. J'ai toujours en mémoire - contemporain de cette époque, j'en ai été témoin - la déroute de 1940, qui a bien été celle d'une armée de conscription.
En notre temps où il faut se battre avec l'esprit commando et utiliser un matériel aussi sophistiqué que coûteux, nous ne pouvions plus conserver une armée permanente de conscription, qu'aucune puissance militaire véritable n'a maintenue dans le monde. La campagne dite du Golfe, sous François Mitterrand, en a d'ailleurs sonné le glas.
Bien sûr, les anciens capitaines et les citoyens patriotes en ont conservé la nostalgie. La conscription, disent-ils, avaient valeur d'éducation, d'amalgame et de cohésion nationale. Ils oublient qu'elle mobilisait des générations encore à forte proportion rurale et, en tout cas, déjà éduquées au service militaire, perçu comme un destin obligatoires pour tous dès la famille et l'école primaire.
Dans notre urbanisation moderne massive, des populations flottantes, trop multiples, sans racines françaises et sans frontières bien déterminées, fournissent une masse grandissante d'inaptes au service national. Les récents incidents du Stade de France en sont l'une des démonstrations.
Je ne dis pas qu'il faille s'y résigner, mais il faut reprendre le problème bien en amont de notre armée et notamment par la stabilisation de la société qui passe, en particulier, par un contrôle digne de ce nom de l'immigration.
En définitive, la professionnalisation s'effectue tant bien que mal, en dépit de soldes probablement calculées trop juste pour attirer un flot d'engagés malgré un taux de chômage et d'assistance parmi les plus élevés du monde occidental.
C'est le budget de la gendarmerie qui, malgré quelques ajustements à reprendre, est le plus favorisé, comme tous les ans depuis longtemps, puis-je même dire. Le malaise de cette élite de l'armée, qu'on appelait autrefois la Maison du Roi, c'est-à-dire la charge ou le carré ultime, provient sans doute d'autres causes.
La publicité médiatique de minables histoires de paillotes et d'enquêtes d'Etat qui n'aboutissent pas y contribue sans doute ; mais aussi, certainement, le peu de considération dont on entoure les gendarmes, lorsque leur parole n'a pas plus de valeur que celle du délinquant étranger, qu'ils n'ont même plus le droit de désigner ce dernier sous peine d'être taxé de xénophobie ou de racisme, qu'ils sont bafoués lorsque ceux qu'ils appréhendent, même multirécidivistes, sont relâchés aussitôt, qu'on leur interdit d'établir des fichiers - c'est pourtant la base même de toute identification et de toute enquête - et qu'on leur oppose la présomption d'innocence, alors qu'il s'agit de plus en plus souvent d'un flagrant délit, immédiatement réductible sans procédure.
Le général de Gaulle rappelait cette vérité millénaire : « La fonction de l'Etat consiste tout à la fois à assurer le succès de l'ordre sur l'anarchie et à réformer ce qui n'est plus conforme aux exigences de l'époque. »
Mais, depuis qu'ils existent, ce ne sont pas des gouvernements dits de gauche, lesquels traditionnellement, amènent leurs partisans dans la rue, fussent-ils étrangers et pour cause, pour invectiver contre l'interdiction d'interdire et la manie sécuritaire qui sont les plus aptes à apporter la considération et le soutien juridique et moral dont les forces de l'ordre en général, et la gendarmerie en particulier, ont aujourd'hui le plus besoin.
Ce que je viens de dire à propos de la professionnalisation, de la gendarmerie, des procédures trop lourdes contre la délinquance et de la stabilisation nécessaire de la société pose par votre intermédiaire, monsieur le secrétaire d'Etat, une question d'éthique fondamentale à votre gouvernement et à sa majorité. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat. M. le sénateur de Gaulle vient de prononcer un exposé général d'importance qui mériterait une réponse de plus de quelques minutes.
Il est vrai que l'on a pu, comme l'a d'ailleurs rappelé M. Autexier tout à l'heure, s'opposer sur la conception de l'armée : armée de métier ou armée de conscription ? Certes, en 1940, l'armée française était une armée de conscription et il y a eu défaite ; mais en 1914-1918 la France disposait aussi d'une armée de conscription et il y a eu victoire.
L'histoire permanente de la nation et de son armée, de ce que j'appelle aujourd'hui son « grand système public de défense nationale », mérite que l'on examine attentivement les moyens que l'on peut lui donner - c'est ce que vous faites ce soir - et que, dans le même temps, on procède à une analyse de la nature de notre société actuelle.
De grands mouvements d'histoire ont traversé le XXe siècle, des débats importants ont eu lieu. La France a payé largement le prix de sa reconstruction, de sa rénovation, à la suite des deux grandes guerres mondiales et des guerres coloniales, qui l'ont appauvrie. Mais, à chaque fois, la nation française a fait montre de volonté. Je crois que nous pouvons, les uns et les autres, convoquer au banc de l'histoire les responsabilités des uns et des autres, mais nous pouvons aussi faire l'effort de retrouver quelques notions qui nous rassemblent.
M. Philippe de Gaulle. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. de Gaulle.
M. Philippe de Gaulle. Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne répondrai pas aux propos que vous venez de tenir et dont je vous suis obligé. En revanche, je me permettrai d'intervenir ultérieurement en explication de vote sur le titre V.
M. le président. La parole est à M. Branger.
M. Jean-Guy Branger. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ma question concernera une arme qui demeure - et j'espère pour toujours - sous votre autorité : la gendarmerie. Cette arme connaît aujourd'hui un certain nombre de problèmes. En raison de la gravité de la crise et de la difficulté de la mise en place des solutions, je ne souhaite pas me lancer dans des analyses polémiques. Mais je souhaite attirer votre attention sur un aspect peu connu des questions sociales qui se posent à la gendarmerie, une arme où les instances de dialogue social avaient été jusqu'ici performantes.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous demande de considérer mon intervention comme une réelle réflexion et non pas comme une attaque dans le cadre d'un examen budgétaire conformiste.
Le pays le sait, le pays le pensait depuis longtemps, les gendarmes ont une vie dure ; mais précisément parce qu'ils ont une vie dure en termes d'horaires, de danger, de contraintes familiales, morales et psychologiques, ma question se centrera sur le moment où les gendarmes, très attachés à leur arme, doivent quitter celle-ci.
Lors du passage à la retraite, dont nous savons qu'au sein de la gendarmerie il peut s'effectuer à des âges très différents - et plus nous avançons, plus je constate que des sous-officiers, voire des officiers, quittent l'arme - s'est-on bien assuré que tous les moyens pour permettre à ces fonctionnaires qui n'ont pas compté leurs heures, qui n'ont pas compté leurs contraintes et leurs frustrations ont bien été mis en oeuvre pour que leur transition vers le monde civil s'effectue dans les meilleures conditions ?
Autrement dit, monsieur le secrétaire d'Etat, n'y a-t-il pas lieu, parmi les mesures d'apaisement et de modernisation à prendre en faveur de la gendarmerie, d'assurer aux retraités, qu'ils soient encore presque dans la force de l'âge ou qu'ils atteignent l'âge normal de la retraite, qu'ils rentrent dans une vie pratiquement différente avec le maximum de protection, d'assurance et de bienveillance de leur ancienne autorité qu'est la gendarmerie nationale ?
La question ne se pose pas seulement en termes de formation professionnelle complémentaire ou d'insertion préretraite : elle se pose en termes de mise au point d'un suivi psychologique et humain des futurs retraités de la gendarmerie.
Vous le savez comme moi, monsieur le secrétaire d'Etat, les personnels militaires qui quittent la gendarmerie la quittent sur le plan administratif sans la quitter sur le plan affectif.
Comme élu local depuis très longtemps et en tant qu'élu national depuis presque aussi longtemps, j'ai toujours pensé qu'il y avait là une caractéristique qui valait enseignement non seulement pour l'ensemble de la fonction publique, mais, pourrait-on dire, pour la société en général.
La fidélité aux années passées au service d'une administration, fût-elle militaire, doit se voir, en quelque sorte, non pas récompensée, mais entérinée et acceptée par la mise en place de mesures nouvelles où, au-delà de la fin administrative d'une carrière, l'employeur continue à veiller sur le devenir de ceux qui l'ont servi.
En un mot, monsieur le secrétaire d'Etat, ma question est fort simple : la crise actuelle de la gendarmerie n'est-elle pas l'occasion d'un défi pacifique et démocratique dans lequel on pourrait trouver de nouvelles solutions, y compris à l'égard de ce problème dont je vous parle ce soir, à savoir le passage de la vie militaire à la retraite pour des milliers de gendarmes chaque année ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat. Je remercie M. Branger de la qualité de sa question, car, au moment où l'on débat du problème de la gendarmerie, il faut savoir, surtout à l'heure actuelle, garder sagesse et sérénité.
Ainsi, les gendarmes sont des militaires, et je pense que nous sommes nombreux ici à penser qu'ils doivent garder ce statut. (Marques d'approbation sur différentes travées).
M. Philippe Richert. Oui !
M. Jean-Guy Branger. Toujours !
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat. Ce faisant, les gendarmes devraient pouvoir bénéficier de tout ce qui a été mis en place au niveau de nos armées en matière de reconversion. En effet, la professionnalisation de nos armées nous a obligés à créer des cellules de reconversion et à mettre en oeuvre les moyens financiers et techniques permettant d'assurer cette reconversion de manière efficace, car débouchant sur des emplois effectifs. Or peu de gendarmes utilisent cette faculté. Peut-être souffrent-ils ici d'un manque d'informations. Or, actuellement, 17 000 militaires ont bénéficié de ces moyens de reconversion. Aussi et comme nous allons entrer dans une phase importante d'information de la gendarmerie, il faudra peut-être insister auprès des gendarmes sur cette possibilité qui leur est accordée.
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le secrétaire d'Etat, sans vouloir être désobligeante, j'aurais apprécié que M. le ministre de la défense soit présent pour me répondre. Je me console en pensant que mon ami Jean-Claude Sandrier, député, doit lui poser ce soir la même question à l'occasion de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2001 ! (Sourires.) En juin dernier, le projet de transformation de la direction des constructions navales, la DCN, en société anonyme était largement remis en cause par les personnels et par différents élus des sites concernés.
Les élus communistes l'ont également contesté ; ils soutiennent qu'une entreprise publique peut devenir de plus en plus efficace.
Devant ce mécontentement unanime des personnels et des syndicats, M. le ministre de la défense avait indiqué sa volonté de repenser le projet, et il était revenu à l'idée d'une entreprise nationale détenue par l'Etat. Il avait ainsi annoncé l'ouverture d'une négociation d'ensemble avec les différents acteurs concernés, en particulier les syndicats.
Cependant, alors que cette négociation semble pour le moins laborieusement engagée, brusquement, un article - l'article 36 - du projet de loi de finances rectificative pour 2001, examiné ce soir par l'Assemblée nationale, vient provoquer inquiétudes, incompréhension et oppositions.
Hier encore, sur tous les sites concernés avait lieu une journée d'action ; elle a rencontré un vif succès. Par exemple, à Lorient, sur un effectif de 2 000 salariés, 1971 personnes ont observé un arrêt de travail. C'est que réduire la discussion à un article unique d'une loi de finances rectificative n'apparaît pas à la mesure du problème et, à notre avis, n'est pas convenable. Ainsi, trop peu de précisions sont apportées sur la nature même du contrat entre la direction des constructions navales et l'Etat.
Non, monsieur le secrétaire d'Etat, il nous semble souhaitable que le sort de la direction des constructions navales fasse l'objet d'un projet de loi à part entière, examiné par le Parlement.
Mais, outre la forme, le fond pose également problème.
Il s'agit de savoir en quoi le changement de statut qui est proposé pour la direction des constructions navales peut véritablement aboutir. Voici ce à quoi il devrait conduire selon le groupe communiste républicain et citoyen.
Tout d'abord, il devrait permettre le maintien des emplois pour les personnels d'aujourd'hui et de demain, dans cette branche d'activité comme dans les entreprises de sous-traitance.
Ensuite, il devrait favoriser une gestion plus démocratique de l'entreprise. Or, je vous pose la question, monsieur le secrétaire d'Etat, en quoi les cadres et les salariés seraient-ils plus une partie prenante motivée et associée aux orientations majeures de l'entreprise avec le statut que vous préconisez ?
De plus, un tel changement de statut devrait conduire à une consolidation industrielle de la construction navale militaire française, un secteur pour lequel nous devons avoir de l'ambition et une volonté nationale, comme l'a dit précédemment mon ami M. Autexier.
Il est donc possible, dans le cadre d'une société nationale d'Etat, de changer le statut de l'entreprise. Mais un tel changement ne peut pas être discuté sans être accompagné de garanties pour le statut des personnels. Encore faut-il aussi que l'Etat s'engage à commander les armements à cette entreprise.
Enfin, ce changement devrait, selon nous, privilégier un développement des coopérations utiles et nécessaires avec d'autres industriels français et européens, notamment. Sur ce point, justement, où en est-on de l'alliance entre la direction des constructions navales et Thales dans la mise en place de la SSDN, la société de systèmes de défense navale ? Plus globalement, monsieur le secrétaire d'Etat, en quoi le changement de statut que vous voulez mettre en oeuvre peut-il rendre plus cohérente et plus efficace notre industrie d'armement naval ? En quoi permet-il à la France de mieux réorienter ses choix dans le cadre d'une politique de sécurité et de défense tout à la fois nationale et européenne ?
Cette réorientation par rapport aux grandes orientations définies en 1996 par le Président de la République lors de la suppression du service militaire - mesure que nous avons, pour notre part, largement désapprouvée - nous apparaît d'autant plus nécessaire au vu des évolutions récentes et des défis nouveaux qui apparaissent en ce début de xxie siècle.
Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d'Etat, alors que nous sommes à la veille d'une fin de session parlementaire qui prendra fin en février et que le temps manque pour organiser la véritable concertation que tous les syndicats réunis demandent, ne serait-il pas souhaitable de retirer cet article du projet de loi de finances rectificative pour 2001 ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat. Madame la sénatrice, je vais m'efforcer d'être à la hauteur de la tâche. (Sourires.)
Mme Hélène Luc. Mais vous n'êtes pas en cause, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat. Certes, madame. D'ailleurs, vous avez posé un problème qui m'intéresse au plus haut point, celui de la transformation d'une entreprise très ancienne - Colbert en parlait déjà ! - en société, certes détenue à 100 % par l'Etat, mais société tout de même, soit une forme juridique qui lui permette d'être au goût du jour pour ce qui est de ses possibilités de performances industrielles. Et peut-on parler de performances industrielles sans, dans le même temps, aborder le problème du statut des personnels, c'est-à-dire de ceux qui, en fait, permettent la création de richesse ?
Vous avez raison, la transformation du statut de cette entreprise particulière exige, bien évidemment, des garanties supplémentaires fortes pour les personnels.
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat. A cet égard, M. Alain Richard s'était, dès l'annonce du 6 juillet, engagé formellement sur le principe du maintien de leurs statuts à l'ensemble des personnels, qu'ils soient ouvriers d'Etat, fonctionnaires ou contractuels. D'ailleurs, la mise à disposition des ouvriers et des fonctionnaires est le gage absolu de la continuité de statut.
Quant aux contractuels, M. Alain Richard avait décidé qu'ils conserveraient pendant une période de cinq ans, à compter de leur recrutement par la société d'Etat, le droit de revenir sur un emploi vacant correspondant à leur qualification dans un établissement du ministère de la défense.
En fait, l'essentiel des dispositions applicables aux personnels relève des textes réglementaires que le ministre souhaite être en mesure de présenter aux organisations syndicales dans les prochains jours. Nous continuons en effet à travailler, madame Luc, même si nous arrivons à la fin de la session parlementaire et à la fin de la législature. Nous continuons !
Mme Hélène Luc. Je n'ai pas dit le contraire !
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat. J'avais cru comprendre que cette circonstance particulière de fin de session signifiait, pour vous, l'interruption des discussions. Il n'en est rien : le Gouvernement a encore jusqu'au mois de juin pour travailler !
M. Jacques Mahéas. Et même après !
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat. Et même après, en effet !
M. Gérard Braun. Ça, c'est moins sûr !
M. Michel Caldaguès. Je ne prendrais pas les paris, monsieur le secrétaire d'Etat !
Mme Hélène Luc. Nous l'espérons, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat. C'est quasiment certain !
Donc, le Gouvernement va continuer à travailler à la transformation de l'entreprise en entreprise nationale détenue à 100 % par l'Etat. Il est évident que les bénéfices de l'histoire de l'entreprise nous permettent d'assurer et d'assumer la continuité industrielle. Notre objectif est de garantir l'autonomie industrielle de l'Europe dans ce secteur stratégique. Ainsi, l'entreprise nationale pourra participer au mouvement de consolidation de l'industrie navale de défense européenne en créant des filiales, et des sociétés communes, qui lui permettront de développer, grâce, notamment, à un partenariat avec des industriels français et étrangers du secteur, de nouveaux produits et des projets de coopération.
Le programme qui est prévu actuellement pour la transformation de la DCN nous permet d'espérer - nous le souhaitons ardemment - que cet ensemble industriel puisse assurer la continuité d'une construction navale d'importance et de qualité.
Mme Hélène Luc. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le secrétaire d'Etat, je continue à penser que cette transformation ne peut pas se faire dans de bonnes conditions, non pas pour des raisons de calendrier parlementaire, mais parce que la méthode choisie n'est pas la bonne : ce n'est pas d'un article introduit dans un projet de loi de finances rectificative que nous avons besoin ; nous réclamons un projet de loi à part entière ! La concertation n'est pas du tout au niveau désiré. Mais les salariés jugeront !
M. le président. La parole est à M. Rouvière.
M. André Rouvière. Monsieur le secrétaire d'Etat, mon propos se limitera au budget de la gendarmerie qui, pour 2002, fait apparaître des avancées très importantes, et dans de nombreux domaines.
M. Jean-Jacques Hyest. On s'en aperçoit !
M. André Rouvière. M. le ministre les a expliquées et commentées : c'est un bon budget, et c'est même l'un des meilleurs de ces dernières décennies.
Logiquement, il devrait entraîner un large consensus, ici et dans le pays. Paradoxalement, il n'en est rien. Les gendarmes et leurs épouses manifestent leur mécontentement d'une façon inhabituelle.
Les revendications exprimées ne sont pas toutes, il est vrai, d'ordre budgétaire. Elles puisent souvent leur origine dans l'accumulation de faits, de comportements, de situations mal comprises et, surtout, mal vécues.
Il faut bien constater qu'un bon budget ne peut pas être la seule réponse au malaise actuel.
J'évoquerai trois problèmes, qui peuvent paraître mineurs, mais qui compliquent parfois beaucoup l'existence des gendarmes et de leur famille. Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous puissiez m'indiquer si vous pensez pouvoir leur apporter une réponse.
Le premier problème tient au non-remplacement des gendarmes absents. Dans les petites brigades rurales, cette situation est souvent vécue de manière dramatique, car ceux qui restent voient leur charge de travail alourdie, au point de rendre difficiles et parfois impossibles les départs en congé ainsi que le respect du temps normal de repos.
Le deuxième problème vient de ce que la mobilité nécessaire ignore trop souvent les contraintes du calendrier scolaire. Il me semble qu'il serait facile de mieux coordonner le tout.
Le troisième problème est dû au découragement que ressentent les gendarmes face à des délinquants qui ne sont pas poursuivis avec le même état d'esprit par la justice et par la gendarmerie. Cette situation, qui n'est hélas ! pas exceptionnelle, crée chez les jeunes délinquants un sentiment d'impunité qui ne favorise ni le travail du gendarme ni le respect du gendarme.
La peur du gendarme est remplacée aujourd'hui, et de plus en plus, par la peur du délinquant. Ce dernier n'hésite plus à frapper plus fort et plus souvent. Le sentiment d'impunité est comme une drogue qui conduit parfois à l'irréparable.
Face à cette situation, les gendarmes ont de plus en plus le sentiment d'être seuls, incompris et impuissants, quand ils ne se considèrent pas comme des victimes potentielles.
Il me paraît indispensable de mettre en place des instances de dialogue et de concertations entre les représentants respectifs de la justice et de la gendarmerie. La complémentarité des actions en sortirait très certainement renforcée. Qu'en pensez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat ?
En conclusion, je précise, au nom du groupe socialiste, que j'approuve vos propositions budgétaires, car ce sont de bonnes propositions. Et je regrette très sincèrement que ce budget positif ne soit pas reconnu comme tel par la majorité sénatoriale. C'est une grave erreur, à mes yeux, de banaliser, par un rejet, un budget qui devrait apparaître comme un signe fort en direction de la gendarmerie.
Ce budget, exceptionnel par son importance, le groupe socialiste le soutient. C'est, pour lui, le moyen d'apporter son appui aux gendarmes et de rendre, d'une façon positive, hommage à leur travail, à leur mission et à leur responsabilité.
M. Philippe François, rapporteur pour avis. Nous n'avons pas encore voté !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, vous posez une question d'une actualité brûlante qui nous invite à réfléchir une fois encore à l'organisation des services chargés de la protection des citoyens, c'est-à-dire les services de police et les services de gendarmerie.
Il est vrai que le fonctionnement de la gendarmerie, notamment les remplacements, ne va pas sans difficultés, particulièrement dans les petites brigades ou dans les brigades du monde rural. Même si on a procédé à des recrutements qui sont importants vus de Paris, ils peuvent s'avérer insuffisants sur le terrain, dans nos provinces. Pourtant, 500 gendarmes ont été recrutés en 2000 et 500 en 2001 ; il y en aura 700 en 2002, sans compter le programme 2002-2004, qui permettra d'engager 3 000 gendarmes.
Est-ce suffisant ? Peut-être pas, si nous ne réorganisons pas en même temps le fonctionnement des compagnies et des brigades de gendarmerie. Une nouvelle concertation est également nécessaire, c'est vrai, et, ce soir, le Premier ministre, Lionel Jospin, a demandé à Alain Richard, ministre de la défense, de reprendre les discussions avec les représentants des gendarmes. Des instances de concertation existent ; peut-être devraient-elles être utilisées mieux et davantage.
Les instructions données par le Premier ministre nous permettront assurément de relancer le nécessaire dialogue, car, pas plus que vous, nous ne pouvons supporter que des militaires en uniforme manifestent dans la rue ; en même temps que des avantages, leur statut particulier comporte des contraintes.
M. Jacques Mahéas. Tout à fait !
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat. Il n'empêche que la discussion sur les conditions de travail, mais aussi sur les conditions de rémunération, est devenue nécessaire. En effet, l'une des revendications des gendarmes porte sur les primes qui pourraient être ajoutées à leur solde. Un effort a déjà été consenti ; s'il faut un effort supplémentaire, comme l'a demandé tout à l'heure le Premier ministre, il faudra le faire.
Enfin, monsieur le sénateur, vous avez porté une appréciation sur la société d'aujourd'hui et sur le développement de la délinquance. Les causes en sont connues, partiellement du moins en effet, si elles étaient bien connues, il y a longtemps qu'on aurait mis fin à ce phénomène !
Notre société est une société de liberté, mais aussi une société dans laquelle certains citoyens méconnaissent leurs devoirs ; c'est le cas notamment de certains jeunes, mais pas seulement : les délinquants arrêtés par la police et la gendarmerie parce qu'ils brûlaient des voitures - cela s'est passé dans une ville de ma région que je connais bien - étaient non pas des jeunes gens de quinze ou dix-huit ans, mais des jeunes adultes de près de trente ans. C'est bien le signe d'un problème tout à fait particulier, propre à notre société.
Pour en revenir à la gendarmerie nationale, il faut reprendre les discussions, notamment au sein des instances prévues à cet effet que Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de la défense, avait mises en place lorsqu'il s'était heurté - déjà ! - à cette difficulté. Elles avaient porté leurs fruits peut-être faut-il maintenant les rénover.
M. le président. La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, siégeant depuis quinze ans au Sénat, je crois pouvoir dire que ce débat sur la gendarmerie nous donne l'illustration que la formule « liturgie, litanie et léthargie » - et j'ajouterai « langue de bois » ! - peut s'appliquer à certaines de nos discussions budgétaires !
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat. Ne dites pas cela !
M. Hubert Haenel. Monsieur le secrétaire d'Etat, je me demande sincèrement si le Gouvernement a conscience de la gravité de la situation et du danger qu'elle comporte. C'est pourquoi je trouve notre discussion assez surréaliste.
Voilà en effet une institution qui est un modèle républicain de professionnalisme, de réactivité, d'adaptabilité, qui fait preuve du meilleur esprit ; voilà des personnels assurant leur mission en tout temps, en tout lieu et en toute circonstance ; voilà un modèle considéré en Europe et dans le monde. Et puis, patatras ! Cela se transforme en gâchis, il faut bien le dire !
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous ne me connaissez peut-être pas, mais je ne suis pas de ces politiciens qui jettent de l'huile sur le feu. Je connais parfaitement bien cette arme, et depuis fort longtemps. La situation est d'une gravité exceptionnelle.
Pourquoi les gendarmes en sont-ils arrivés là ? D'abord, parce que le Gouvernement et les milieux politiques, notamment, ont manqué de discernement et ont cru que les gendarmes tiendraient, qu'ils n'iraient pas jusqu'à descendre dans la rue.
Or, aujourd'hui, on estime à près de 15 000 le nombre des gendarmes qui ont défilé dans les différentes villes de France, avec leur matériel, leur armement, en uniforme, parfois même le képi sur la tête. (Murmures sur les travées socialistes.) C'est absolument inadmissible !
M. Maurice Blin, rapporteur spécial. C'est le moins que l'on puisse dire !
M. Hubert Haenel. Quel est le contexte ? Le contexte, c'est le matérialisme, le corporatisme, l'ambiance molle des 35 heures, la contagion, la braderie des avantages, des statuts et des primes que l'on obtient dans la rue, le sentiment que les braillards, les porteurs de pancartes et ceux qui tiennent le haut du pavé obtiennent ce qu'ils veulent parce qu'ils sont dans la rue et qu'ils empêchent les trains de circuler...
M. François Trucy, rapporteur spécial. C'est sûr !
M. Hubert Haenel. Les gendarmes sont fatigués depuis longtemps, usés, lassés ; ils ont perdu confiance. La gendarmerie, cette belle institution, est entraînée dans une spirale dépressive grave qu'il faut absolument arrêter, et non pas seulement parce que les gendarmes sont dans la rue ! Vous ne pouvez pas laisser la chienlit s'installer. Aucun d'entre nous, sur quelque travée qu'il siège, ne peut admettre un seul instant pareille chose. Cela me rappelle une autre époque et les comités de soldats !
La gendarmerie, cette si belle institution, a été maltraitée, elle est en danger. Il faut se demander pourquoi les gendarmes ont franchi la ligne blanche.
Bien sûr, ils ont des revendications tout à fait légitimes, notamment pour ce qui concerne les primes. Mais, surtout, on leur montre le mauvais exemple ! Laisser des magistrats annoncer qu'ils n'appliqueront pas la loi,...
M. François Trucy, rapporteur spécial. Eh oui !
M. Hubert Haenel. ... une loi antiterroriste que nous avons adoptée à la quasi-unanimité, c'est inadmissible !
M. Jacques Mahéas. C'était un seul magistrat !
M. Hubert Haenel. N'oublions pas que les magistrats sont les supérieurs hiérarchiques des gendarmes pour leurs compétences de police judiciaire. Comment voulez-vous, dès lors, pouvoir rappeler la gendarmerie à l'ordre ?
Il est d'autres causes, plus profondes. On a introduit une certaine hétérogénéité dans la gendarmerie en créant, parce qu'on n'avait pas les moyens de recruter de vrais gendarmes, le corps des gendarmes adjoints. On a fidélisé les escadrons - j'aurai d'autres occasions de revenir sur ce sujet. On a l'impression que, insidieusement, on est en train de démilitariser la gendarmerie. Peut-être pourrez-vous me prouver le contraire, monsieur le secrétaire d'Etat, et prendre des engagements sur ce point.
Je ne reviendrai pas sur le thème de l'insécurité grandissante, qui a déjà été abordé ; mais ce sont trop souvent les policiers et les gendarmes qui paient le prix de ce que l'on pourrait appeler le désarmement de l'Etat.
J'ai évoqué les magistrats. Dans un rapport que j'ai rédigé il y a trois ans, je dénonçais certains comportements de suzerain à vassal que l'on pouvait observer entre quelques magistrats et les gendarmes ou les policiers. Le malaise d'aujourd'hui tient aussi à cela : appelons un chat un chat ! Il faudra bien qu'un jour nous nous saisissions de ces questions.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ne croyez pas que l'on réglera les problèmes de la gendarmerie, comme de la police, d'ailleurs, par de simples mesures statutaires et par le budget. Il faut étudier le problème au fond et définir ce que l'on attend de la gendarmerie, l'organisation que l'on met en place, les moyens qu'on lui octroie. Le problème essentiel est là.
A force de ne plus porter l'estime et la considération que l'on doit à ceux qui exercent les fonctions les plus éminentes, les plus complexes et les plus dangereuses de l'Etat, voilà à quelle situation on arrive.
Cela signifie, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, que, dans notre pays, l'Etat est en piteux état. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, nous nous sommes déjà croisés dans différentes commissions mixtes paritaires, nous avons travaillé sur des sujets communs, et vous savez très bien que la langue de bois n'est pas tout à fait mon fort !
M. Hubert Haenel. Le mien non plus !
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat. Alors, ne me faites pas ce reproche-là !
Il peut arriver que l'on s'égare dans certaines analyses politiques ou économiques ; mais là, ce n'est pas le cas. Vous avez parlé d'un sujet sérieux, qui préoccupe le Gouvernement, les assemblées parlementaires et l'ensemble des Français.
Il est vrai que ce n'est pas en inscrivant une prime supplémentaire au budget que l'on réglera les problèmes, car il s'agit de problèmes de fond, de problèmes de société.
M. Jean Arthuis. Les 35 heures !
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat. C'est pourquoi le Gouvernement va tout de même répondre favorablement à l'une des demandes prioritaires des gendarmes, l'amélioration de leur solde, ne serait-ce que pour améliorer le niveau de vie de leurs familles.
M. Jean Arthuis. Ils travaillent cinquante heures, sinon soixante !
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat. C'est à vérifier, monsieur Arthuis ; ce n'est pas le cas partout, dans toutes les brigades, ni dans toutes les compagnies.
Le Gouvernement a donc déposé un amendement visant à majorer de 800 millions de francs les crédits déjà inscrits dans le projet de loi de finances au titre des mesures salariales et indemnitaires.
Nous voulons également réduire le temps d'obligation professionnelle de tous les militaires appartenant à des unités qui peuvent bénéficier d'une telle mesure. Car, si un certain nombre de gendarmes effectuent des horaires qui peuvent paraître indignes - et ce sont eux que l'on met en avant - on ne parle pas des autres, de ceux dont les heures de travail sont convenables.
Un plan catégoriel de grande ampleur a été mis en place. Les gendarmes observeront avec intérêt ce qui se passe ce soir au Sénat, et, compte tenu de ce que vous avez dit, je crois, monsieur le sénateur, que vous voterez le titre III qui vous sera proposé tout à l'heure !
M. Hubert Haenel. Sans commentaire !
M. le président. La parole est à M. Del Picchia.
M. Robert Del Picchia. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, si, parlant le dernier, je devais faire un bilan ultra-rapide, ce serait le suivant.
Pour le matériel : insuffisance notoire. Et si je devais ajouter un commentaire : doit absolument mieux faire.
Pour les hommes : malgré des améliorations, mauvaise humeur manifeste et inquiétude pour l'avenir.
Alors, insuffisance des crédits ? Certes !
Monsieur le secrétaire d'Etat, répondant à Mme Luc, vous avez confirmé la transformation de la DCN en 2003, comme l'avait annoncé M. Richard. D'ici là, que va-t-il se passer ? Nous ne sommes qu'en 2001 !
Aujourd'hui, je crois même en ce moment se discute à l'Assemblée nationale la réforme du statut de la DCN. Mais que faire d'une DCN qui a des hommes, mais pas de contrat de vente à l'exportation ?
A ce sujet, nous savons qu'un marché vital pour elle est sur le point d'aboutir - ou peut-être d'échouer -, je veux parler de la vente de deux sous-marins Scorpène à la Malaisie.
Kuala Lumpur pose à la France, pour autant que nous soyons informés, une condition simple à satisfaire : l'obtention de deux créneaux aériens supplémentaires par semaine, à Roissy, pour sa compagnie d'aviation. Pour l'instant, à notre connaissance, c'est toujours un « non » de la direction générale de l'aviation civile et du ministre des transports, votre collègue M. Gayssot.
On peut lire dans les journaux qu'une solution serait en vue avec l'attribution d'un slot - c'est-à-dire d'un créneau aérien - cette année, et peut-être d'un second l'année prochaine. Monsieur le secrétaire d'Etat, nous aimerions beaucoup savoir ce qu'il en est réellement et, si un accord est intervenu, quel il est. Les Malaisiens le disent et le répètent : ils ne veulent plus de promesses, ils veulent des gestes concrets.
Or, monsieur le secrétaire d'Etat, vous le savez, ce marché est très important pour la DCN : il représente 1 500 emplois pendant cinq ans.
Il faut faire vite, car la Malaisie risque de se tourner vers le concurrent allemand, qui n'attend que cela. HDW est un concurrent très sérieux, vous le savez, auquel la DCN tient tête, pour l'instant en tout cas. C'est d'autant plus important que le marché des sous-marins classiques constituera à l'avenir la majeure part des ventes d'équipements navals.
Je n'ai malheureusement pas eu l'occasion de poser la question à M. Gayssot, qui, cependant, ne semble avoir aucune bonne raison de refuser. Où en est la solidarité gouvernementale ? L'avez-vous convaincu, ou faudrait-il l'arbitrage du Premier ministre ?
Pour ce qui est de l'équipement, monsieur le secrétaire d'Etat, la bonne nouvelle du sommet de Nantes a été la confirmation par les Allemands de leur participation à la réalisation de l'avion de transport A 400 M et l'annonce de l'achat de soixante-treize exemplaires. Mais le « oui » des Allemands, décisif pour le projet, semble subordonné au prix.
Le Chancelier Schröder l'a dit aux autorités françaises à Nantes : l'Allemagne estime que le prix d'EADS est surfait, et elle est en train de le négocier à la baisse. Risque-t-on un échec, qui serait très grave pour un projet, irréalisable sans l'Allemagne ?
Quant aux hommes, monsieur le secrétaire d'Etat, sans revenir sur l'actualité - mes collègues l'ont fait beaucoup mieux que je ne pourrais le faire - on ne peut qu'être inquiet, et vous devez l'être aussi. Les manifestations d'hier et d'aujourd'hui sont à prendre avec beaucoup de gravité. Le gendarme est un repère pour la population, pour la société. La complainte du gendarme s'est transformée en révolte. Aujourd'hui, la situation est grave, et même très grave.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'indiquerai en conclusion que, pour cette dernière année de la professionnalisation des armées, l'insuffisance des crédits, mais aussi leur utilisation discutable, font qu'aujourd'hui les moyens présentés ne sont pas à la hauteur des ambitions.
Le projet de budget de la défense pour 2002 ne permet pas à la France de préparer la prochaine loi de programmation militaire, de garantir la sécurité de son territoire et d'assurer le respect de ses engagements internationaux. C'est pourquoi je le rejetterai, à regret. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat. Le marché porte sur la vente d'un sous-marin d'occasion et de deux sous-marins neufs. Les négociations avec la Malaisie sont en cours, et vous connaissez, monsieur le sénateur, les contraintes qui s'imposent à nous.
A cet égard, nous ne vendons pas que des navires, nous vendons aussi des services. Ainsi, je puis vous assurer que le problème lié à l'octroi d'un créneau d'atterrissage à la compagnie aérienne malaisienne que vous avez évoquée est en voie de trouver une issue favorable. Nous y travaillons actuellement avec le ministère de l'équipement, des transports et du logement.
En fait, c'est tout un ensemble de négociations que nous menons avec la Malaisie. Le ministère de la défense malaisien a ainsi retenu la DCN et son partenaire espagnol IZAR pour la construction du sous-marin Scorpène, après avoir examiné les offres allemande et néerlandaise. Les négociations financières et techniques s'achèveront bientôt, et je crois que nous pourrons signer le contrat correspondant avec la Malaisie dans le courant du premier trimestre de 2002.
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère de la défense et figurant aux articles 31 et 32.

Article 31



M. le président.
« Art. 31. - I. - Il est ouvert au ministre de la défense, pour 2002, au titre des mesures nouvelles de dépenses ordinaires des services militaires, des autorisations de programme s'élevant à la somme de 56 788 021 EUR, applicables au titre III "Moyens des armes et services".
« II. - Pour 2002, les crédits de mesures nouvelles de dépenses ordinaires des services militaires applicables au titre III "Moyens des armes et services" s'élèvent au total à la somme de 247 442 269 EUR. »
L'amendement n° II-54 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Dans le II de cet article, majorer les crédits des services militaires applicables au titre III de 122 000 000 EUR. »
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat. Il s'agit d'inscrire 122 millions d'euros supplémentaires au titre III, afin de financer des mesures indemnitaires négociées avec les représentants des militaires. Je demande un scrutin public sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Trucy, rapporteur spécial. Il s'agit, monsieur le secrétaire d'Etat, compte tenu de la gravité de la situation et de l'importance de votre proposition, j'interviendrai assez longuement.
L'amendement n° II-54 rectifié du Gouvernement prévoit donc une majoration de 122 millions d'euros des crédits inscrits au chapitre relatif aux indemnités des personnels militaires, intégralement financée par une réduction à due concurrence des crédits d'équipement militaire, ce second point faisant l'objet de l'amendement n° II-55 rectifié.
Adopter la mesure proposée reviendrait à doubler, notons-le, le montant des crédits nouveaux inscrits à ce titre au projet de budget pour 2002.
Cependant, cet amendement, monsieur le secrétaire d'Etat, présente toutes les caractéristiques d'un « pavé dans la mare » ! En effet, il est inopiné, spectaculaire dans l'importance du montant de la majoration prévue, inhabituel dans sa forme, et il est présenté en première lecture au Sénat sans l'avoir été à l'Assemblée nationale. De plus, il est imprécis en termes d'affectation, car nous ignorons quels seront exactement les postes et les catégories de personnels militaires concernés par ces crédits.
Le Gouvernement entend ainsi, pour l'essentiel, répondre à la dégradation de la situation de la gendarmerie. Il attend le 5 décembre 2001 pour ce faire, alors que cette dégradation est constatée et dénoncée par le Sénat depuis bientôt trois ans, par la voix des rapporteurs spéciaux des crédits de la gendarmerie ou par celle des nombreux membres de cette assemblée qui se sont exprimés sur ce sujet à l'occasion de questions au Gouvernement. Il n'y a guère eu de mois, depuis trois ans, où cette question n'ait pas été abordée dans cet hémicycle.
A nos yeux, la réponse du Gouvernement relève donc de l'improvisation. Celui-ci - M. Richard l'a dit tout à l'heure - est soucieux d'améliorer les moyens de fonctionnement de la gendarmerie devant la dégradation de la situation sécuritaire, mais cet amendement ne vise à majorer que les indemnités et en aucune façon les moyens de fonctionnement. En outre, cette majoration ne semble même pas répondre aux aspirations que les gendarmes expriment - c'est un fait absolument nouveau sous la Ve République - dans la rue, en uniforme et à visage découvert, et ce encore aujourd'hui, paraît-il, à Rennes, dans des conditions inacceptables.
En réalité, il s'agit là d'une réponse « en catastrophe » aux effets du passage aux 35 heures, dont la commission des finances a constamment dénoncé le risque majeur qu'il présentait pour les finances publiques, dès lors que le Gouvernement se refusait absolument à évaluer sa décision, et plus encore à en financer la mise en oeuvre dans la fonction publique.
De fait, le Gouvernement se trouve, comme prévu, conduit à procéder à des arbitrages désastreux. Les deux amendements présentés ce soir - qui n'en font qu'un en réalité - illustrent parfaitement ce fait : il s'agit d'accorder davantage d'indemnités aux gendarmes, essentiellement, et moins d'équipements à nos soldats, ce qui ne pallie nullement les défauts majeurs de ce projet de budget.
Nous avons déjà critiqué le recours constant au titre V pour financer les opérations extérieures. Par cet amendement, monsieur le secrétaire d'Etat, le Gouvernement récidive. Ce n'est pas acceptable !
La commission des finances, qui travaille avec conviction et dans un souci de cohérence, émet un avis défavorable sur l'amendement n° II-54 rectifié.
Mme Hélène Luc. Ce n'était pas la peine de vous lamenter sur le sort de la gendarmerie !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. S'agissant de la défense de notre pays, la solennité n'est pas déplacée. La gendarmerie est l'une de nos armées ; elle est aujourd'hui dans la rue. Est-ce la faute du Sénat, monsieur le secrétaire d'Etat ?
Les besoins à financer apparaissent-ils ce soir, à la suite d'un événement imprévisible ? Non. Par conséquent, pourquoi n'avez-vous pas présenté cet amendement à l'Assemblée nationale ? Les besoins étaient-ils alors moins criants, ou les aviez-vous oubliés ? Mais peut-être aviez-vous surtout honte du mode de financement qui nous est soumis ajourd'hui...
En effet, vous proposez de désarmer ceux à qui, dans l'urgence, vous vouliez offrir davantage de moyens. Le Gouvernement est-il venu solliciter le courage du Sénat, pour avoir lui-même manqué de courage lorsqu'il en fallait ? Votre proposition serait-elle un piège, une tentative démagogique, monsieur le secrétaire d'Etat ? Je me suis exprimé dans les mêmes termes devant la commission des finances, cet après-midi : mes collègues rapporteurs spéciaux et commissaires des finances en sont témoins.
Lorsqu'il s'agit de la défense de notre pays, le piège de la démagogie n'est rien. Si nous n'avons pas le courage de défendre nos armées, de leur donner les moyens de remplir leur mission au service de la nation, alors renonçons à celle qui nous a été confiée par le peuple français !
Monsieur le secrétaire d'Etat, je suis fier de rejeter votre proposition ; elle n'est pas digne du gouvernement de la France ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jacques Mahéas. Il n'y a pas de quoi être fier !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-54 rectifié.
Mme Hélène Luc. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Je veux tout d'abord souligner que je connais bien les problèmes de la gendarmerie.
En effet, depuis de très nombreuses années, sur le plan tant local, à la brigade de Choisy-le-Roi, que départemental, dans le Val-de-Marne, ou national, j'ai eu à maintes reprises l'occasion de dialoguer avec des gendarmes et avec leurs épouses, qui sont très solidaires entre elles et rencontrent de nombreux problèmes en raison des très fréquentes absences de leurs maris.
En outre, le conseil général du Val-de-Marne, au sein duquel je siège, a énormément investi pour construire des gendarmeries et les entretenir.
Les gendarmes me font part, depuis longtemps, des problèmes croissants qu'ils rencontrent dans leurs vies professionnelle et familiale. On peut dire que leur apport est très précieux en matière de sécurité, par exemple quand ils mènent des enquêtes qui aident beaucoup la police. Il en est de même pour ce qui concerne les militaires.
C'est pourquoi les membres du groupe communiste républicain et citoyen approuvent l'amendement présenté par le Gouvernement et visant à augmenter les crédits indemnitaires au profit de l'ensemble des forces armées, notamment de la gendarmerie.
Cela est tout à fait justifié, car il n'y a aucune raison que les militaires soient maintenus à l'écart du progrès de la société. A ce propos, j'aimerais savoir, monsieur le secrétaire d'Etat, si les pompiers de Paris, qui sont des militaires, sont concernés par ces mesures. En effet, ils rencontrent eux aussi de grandes difficultés pour prendre leurs jours de congé, alors même que leur travail devient de plus en plus difficile. A la caserne Masséna, par exemple, que j'ai visitée récemment, on m'a expliqué qu'il arrive trop souvent que les pompiers ne puissent se consacrer suffisamment à la pratique du sport, qui leur est pourtant indispensable. Il me semble qu'ils mériteraient eux aussi d'être mieux indemnisés.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous voterons cet amendement, mais le redéploiement de crédits que vous proposez au détriment du titre V nous pose problème.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Eh oui ! Tout le problème est là !
M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis. Mais c'est précisément cela, le gage !
Mme Hélène Luc. Cela revient à remettre en cause un programme que nous avons élaboré à grand-peine avec les états-majors de l'armée et de la gendarmerie. Vous connaissez notre position s'agissant des forces nucléaires : peut-être pourrait-on faire une exception pour les 26 millions d'euros prévus à ce titre ?
Par ailleurs, ce projet de budget a été discuté à l'Assemblée nationale, et il aurait été préférable que cet amendement soit présenté pour la première fois à cette occasion.
M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis. Eh oui !
M. Robert-Denis Del Picchia. Très bien !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Vous avez raison !
Mme Hélène Luc. Quoi qu'il en soit, l'augmentation des crédits indemnitaires est nécessaire, et nous la voterons. Le Gouvernement estime qu'il faut consentir un effort, et nous en sommes d'accord. Il faudrait prévoir des crédits suffisants pour ne pas être contraints de les réduire sur un autre titre ; ou alors, monsieur le secrétaire d'Etat, dites-nous comment nous pourrions réinscrire, en cours d'année, les crédits nécessaires pour les équipements militaires. Peut-être serait-il possible d'opérer un prélèvement sur un autre titre ? Tous les crédits figurant au titre VI sont-ils indispensables, par exemple ?
M. Jean-Pierre Masseret. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Masseret.
M. Jean-Pierre Masseret. Je voudrais rappeler, à cet instant, deux dictons très connus dans notre pays : « c'est au pied du mur qu'on voit le maçon » et « il n'est jamais trop tard pour bien faire ».
M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis. Cela prouve la manoeuvre !
M. Jean-Pierre Masseret. Il n'y a aucune manoeuvre, monsieur Vinçon ! Il s'agit de traiter un problème.
Cet après-midi, vous avez tous évoqué, mes chers collègues, la situation de la gendarmerie. Nous considérons tous à juste titre le travail des gendarmes, et nul ne conteste leurs qualités professionnelles, humaines et leur fonction dans notre société : nous l'avons tous souligné. Cependant, les gendarmes expriment actuellement un certain nombre de revendications, qui sont de deux ordres.
Premièrement, ils veulent bénéficier eux aussi du temps libre offert à l'ensemble de nos concitoyens et des dispositions qui ont été prises dans le passé. La mesure financière de 8 300 et quelques francs qui est proposée ici correspond à la traduction du fait qu'ils ne peuvent pas réduire leur temps de travail dans le cadre des 35 heures.
Deuxièmement, le régime indemnitaire est au coeur, aujourd'hui, de la revendication de nos gendarmes, et je suis très satisfait que le Premier ministre, ait invité, ce soir, le ministre de la défense à continuer le dialogue, et qu'il ait notamment évoqué la question de ce régime indemnitaire, car c'est la clef de la sortie du conflit que nous connaissons.
Cela étant, je tiens à rappeler à mon collègue et ami Hubert Haenel que les gendarmes ne manifestent pas avec leur matériel, mais avec le matériel de la République !
M. Gérard Braun. Et les pompiers, que font-ils lorsqu'ils manifestent ?
M. Jean-Pierre Masseret. Mais j'en viens à mon second dicton : « il n'est jamais trop tard pour bien faire ».
Nous sommes saisis ce soir d'un amendement qui vise à répondre à une partie du problème. Pourquoi ne pas prendre en compte cette proposition ? Elle n'a aucun caractère démagogique : nous sommes comptables devant nos concitoyens d'une situation rencontrée par telle ou telle catégorie, et nous y apportons tranquillement des réponses.
Enfin, en ce qui concerne le mode de financement sous forme de prélèvement sur crédits de paiement, je dirai au Gouvernement qu'il existe une astuce... ou du moins une procédure...
M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis. Le terme « astuce » est bien choisi !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Voilà la manoeuvre !
M. Jean-Pierre Masseret. Que va chercher le président de la commission des finances ? Nous nous connaissons assez pour qu'il sache que je ne mange pas de ce pain-là !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est exact !
M. Jean-Jacques Hyest. Mais vous déshabillez Pierre pour habiller Paul !
M. Jean-Pierre Masseret. Cette procédure consisterait à accepter que le ministère des finances majore les reports de crédits de paiement, qui sont toujours disponibles dans le département ministériel de la défense, de sorte que les moyens figurant initialement dans la loi de finances telle qu'elle a été acceptée à l'Assemblée nationale seraient intégralement maintenus. Ainsi, tout le monde aurait satisfaction : on ne diminuerait pas les capacités du titre V en crédits de paiement, et on aurait suffisamment d'argent pour donner partiellement satisfaction à la revendication des gendarmes. Notre vote serait alors utile !
Cela étant, j'indique au président de la commission des finances et à la majorité du Sénat que, s'ils repoussent cet amendement, il leur faut aussi repousser le titre III pour être cohérents !
Quant à nous, nous voulons prendre en compte la situation des gendarmes et nous voterons, par conséquent, cet amendement qui nous paraît excellent.
M. Michel Caldaguès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès. Monsieur le président, mes chers collègues, durant toute cette discussion, nous avons constaté, bien que cela ait été contesté par le Gouvernement, à quel point le budget d'équipement de nos armées avait été pillé au cours des dernières années. Je dis bien « pillé », car c'est le mot qui convient : 80 milliards de francs au total !
Je rejoins donc le président de la commission des finances, car on nous propose maintenant un marché odieux qui consiste à accepter d'améliorer la condition militaire, à condition d'affaiblir l'équipement militaire.
C'est un marché que nous ne pouvons pas accepter. Il est indigne, il est injurieux pour les militaires, et nous demandons que l'on nous propose un autre mode de financement, qui ressortisse à la solidarité nationale, car l'équipement militaire de la France, c'est aussi la solidarité nationale. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis. Tout à fait !
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat. J'ai entendu avec grand intérêt le président de la commission des finances, et je viens d'écouter M. Caldaguès.
S'il vous plaît, monsieur le président, s'il vous plaît, monsieur le sénateur ! le Gouvernement n'est pas composé de pilleurs de fonds, de pleutres, de démagogues ! Essayez de trouver d'autres mots que ceux-là pour exposer votre point de vue politique !
M. Michel Caldaguès. Je n'ai pas dit cela !
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat. Vous avez employé le mot « pillé » !
Pourquoi le Gouvernement propose-t-il cette inscription supplémentaire ? Simplement parce que les représentants élus des militaires, donc des gendarmes, se sont réunis le 30 novembre, alors que le débat budgéraire à l'Assemblée nationale avait eu lieu le 15 novembre, donc antérieurement. La discussion budgétaire ayant lieu ce soir au Sénat, nous soumettons donc cet amendement à la Haute Assemblée, et il sera ensuite examiné à l'Assemblée nationale. Ne soyez pas choqué, monsieur le président de la commission des finances, qu'il soit discuté d'abord au Sénat !
Enfin, si le Gouvernement souhaite un scrutin public, c'est parce que, les uns et les autres, vous avez déclaré des choses importantes à propos de la gendarmerie et qu'au moment où nous vous proposons d'accorder quelques moyens supplémentaires pour les militaires et pour les gendarmes - même si vous prétendez que nous pillons...
M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis. Oui : le titre V !
M. Michel Caldaguès. On pille l'équipement des armées !
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat. ... les crédits d'investissement de nos armées - nous voulons que chacun prenne position publiquement.
La minoration du titre V à raison de 122 millions d'euros sera compensée, avec l'autorisation du ministre des finances, par une reprise équivalente sur les reports de crédits habituellement constatés en fin d'exercice. Vous savez bien, en effet, monsieur le président de la commission des finances que l'on constate, chaque année, des reports importants de crédits sur le titre V ! Dans le cas présent, nous avons demandé au Premier ministre et au ministre des finances la faculté de consommer effectivement ces crédits pendant l'exercice 2002, et ils resteront donc à l'intérieur du budget du ministère de la défense. Voilà pourquoi ces crédits ne sont pas gagés : nous en disposons déjà et les conserverons. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Patrice Gélard. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. M. le secrétaire d'Etat vient de parler de représentants élus des gendarmes. Je pense qu'il s'agit d'un lapsus car, si cela n'en était pas un, ce serait alors une dénaturation de l'armée française, et je ne peux pas l'accepter en tant que membre de la représentation nationale.
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, il existe aujourd'hui des représentants choisis par leurs pairs au sein de nos armées. Choisis ou élus, peu importe, mais ils sont désignés par leurs pairs pour être leurs représentants auprès du ministre.
M. Alain Lambert, président de la commisison des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Après avoir écouté la réponse de M. le secrétaire d'Etat, je tiens à confirmer le vote qu'au nom de la commission des finances je recommande à l'ensemble de nos collègues.
Monsieur le secrétaire d'Etat, allouer des moyens supplémentaires peut sans doute réunir une unanimité ; mais, dans un monde de responsabilités, il faut dire comment on les finance.
M. Michel Caldaguès. Voilà !
M. Alain Lambert, président de la commision des finances. Or le mode de financement que vous proposez est inadmissible : il désarme les gendarmes !
M. Michel Caldaguès. Tout à fait !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Vous ne pouvez pas demander à une armée qui - nous pouvons l'affirmer, nous, élus territoriaux - a un sens aussi élevé de son devoir d'accepter que l'amélioration de ses conditions soit financée par la détérioration de ses équipements. Une telle proposition a un caractère déshonorant !
Monsieur le secrétaire d'Etat, ne demandez pas au Sénat de soutenir un gouvernement qui formule une telle proposition !
Mes chers collègues, en votant contre l'amendement n° II-54 rectifié, vous honorerez le Sénat et la République (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-54 rectifié, repoussé par la commission.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 25:

Nombre de votants 314
Nombre de suffrages exprimés 314
Majorité absolue des suffrages 158
Pour l'adoption 114
Contre 200

Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'ensemble de l'article 31.
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat. Je demande un scrutin public sur l'ensemble de l'article 31, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'ensemble de l'article 31.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 26:

Nombre de votants 293
Nombre de suffrages exprimés 270
Majorité absolue des suffrages 136
Pour l'adoption 82
Contre 188

Article 32



M. le président.
I. - Il est ouvert au ministre de la défense, pour 2002, au titre des mesures nouvelles sur les dépenses en capital des services militaires, des autorisations de programme ainsi réparties :
« Titre V "Equipement" 12 482 020 000 EUR
« Titre VI "Subventions d'inves- tissement accordées par l'Etat" 527 364 000 EUR

« Total 13 009 384 000 EUR

« II. - Il est ouvert aux ministres de la défense, pour 2002, au titre des mesures nouvelles sur les dépenses en capital des services militaires, des crédits de paiement ainsi répartis :
« Titre V : "Equipement" 2 127 544 000 EUR
« Titre VI : "Subventions d'inves- tissement accordées par l'Etat" 340 363 000 EUR

« Total 2 467 907 000 EUR. »

L'amendement n° II-55 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Dans le II de cet article, réduire les crédits de paiement au titre des mesures nouvelles sur les dépenses en capital des services militaires sur le titre V de 122 000 000 euros. »
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement, par cet amendement de minoration des crédits du titre V, assure le financement du précédent amendement.
Contrairement à ce qui a été affirmé par certains, il n'est pas dans l'intention du Gouvernement de réduire les moyens disponibles pour financer les armements. Je confirme au contraire que le montant des crédits de paiement qui seront disponibles sur les titres V et VI dans le projet de budget pour 2002 s'élève à 12,396 milliards d'euros. Il faut y ajouter la mobilisation prévue en construction budgétaire de reports de crédits à hauteur de 411 millions d'euros, qui au total conduit à augmenter de 0,7 % les moyens disponibles du titre V.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Maurice Blin, rapporteur spécial. Tout a été dit en termes excellents au cours des minutes précédentes. Je n'ajouterai donc pas grand-chose pour justifier la décision que nous allons devoir prendre concernant la fameuse disposition contenue dans l'amendement n° II-55 rectifié. Je limiterai mon propos à deux constats.
Le premier constat touche aux conséquences, que l'on n'a pas fini de mesurer, de cette décision irréaliste qu'a été le passage aux 35 heures.
Nous vivons ce soir très exactement ce que nous pouvions redouter ; c'est la gendarmerie qui va en faire les frais, mais c'est évidemment un problème national qui est posé.
Comment notre pays va-t-il pouvoir, à la fois, maintenir son niveau d'investissement, qui, seul, assure l'avenir, et satisfaire aux revendications des uns et des autres en matière d'emploi ? Indiscutablement, nous sommes, comme disait M. Masseret tout à l'heure, au pied du mur. Et ce mur, il faut le regarder en face. Le Gouvernement ne l'a pas fait, il risque de le payer très cher, et nous le ferons savoir à qui de droit.
Par ailleurs, je répondrai très cordialement à notre collègue M. Masseret, que je fréquente depuis longtemps dans cette noble assemblée, que, si le Gouvernement n'a pas utilisé la procédure bien connue des reports de crédits, c'est parce qu'il en a usé et abusé au cours des dernières années et qu'il vient encore, dans le projet de loi de finances pour 2002, d'en user. Trop, c'est trop !
Par conséquent, il est obligé, pour la clarté des choses - il faut respecter un minimum - de vous demander d'amputer une nouvelle fois les crédits d'équipement au bénéfice de dépenses de fonctionnement. Nous avons toujours dit « non » ! Redisons « non » clairement et fortement, aujourd'hui comme demain. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-55 rectifié, repoussé par la commission.
Mme Hélène Luc. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix les crédits figurant au titre V.
M. Serge Vinçon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vinçon.
M. Serge Vinçon. Ce sont justement les crédits qui figurent au titre V et qui sont destinés à l'équipement de nos forces qui posent un problème.
Je rappellerai que la loi de programmation militaire, votée en 1996, fixait à 86 milliards de francs le niveau des crédits d'équipement de nos armées, niveau qui devait être réévalué du montant de l'inflation année après année. Ces crédits devraient donc avoisiner 93 milliards, voire 95 milliards de francs aujourd'hui.
Or, en 1998, le Gouvernement a procédé à une revue de programme en vue d'abaisser le niveau des crédits d'équipement à 85 milliards de francs, l'engagement étant pris de maintenir ce niveau jusqu'au terme de la loi de programmation.
En réalité, que s'est-il passé ?
Dès 1998, ces crédits ont été réduits à 81 milliards de francs. En 1999, ils furent certes réévalués, conformément à la loi de programmation, à 86 milliards de francs. Mais, en 2000, ils n'atteignaient plus que 82,9 milliards de francs, en 2001, 83,4 millions de francs et, cette année, ils s'élèvent à 82,9 milliards de francs. Autrement dit, le Gouvernement a lui-même décidé de ne pas tenir le chiffre qu'il s'était fixé après la révision de la loi de programmation militaire.
En conséquence, si l'on fait le bilan de ces six années de programmation, on constate que, en gros, nous avons perdu en crédits l'équivalent d'une annuité d'équipement, c'est-à-dire entre 80 milliards et 85 milliards de francs, ce qui est évidemment inacceptable.
Il en résulte que l'activité opérationnelle de nos forces se trouve réduite - et je suis gentil - à environ 65 % de sa capacité, c'est-à-dire que nos chars circulent à 65 %, que nos avions volent à 65 %, que nos bateaux naviguent à 65 %, ce qui est en dessous de tous les critères de qualification opérationnelle requis pour les forces occidentales de l'OTAN.
Qui plus est, comment pouvons-nous adopter ces crédits du titre V alors que, dans une dizaine de jours, à l'occasion du projet de loi de finances rectificative, ils vont encore être réduits de 2,4 milliards de francs ? Nous ne pouvons pas entrer dans ce jeu de dupes qui consiste à réduire les crédits au prétexte de satisfaire, dans l'immédiat à une mesure catégorielle relative aux conditions de vie de nos militaires, alors que les uns et les autres nous avons mis en garde le Gouvernement sur le risque que faisait courir ce que l'on a appelé « l'esprit des 35 heures ». La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, au printemps dernier, a justement rédigé un rapport sur l'état d'esprit qui régnait dans certaines forces. Il n'y a pas que la gendarmerie qui est concernée ; le sont aussi l'armée de terre, la marine et l'aviation.
Nous ne pouvons donc admettre que, le 5 décembre, on nous présente un amendement de réévaluation des crédits du titre III, alors que, depuis l'année dernière, nous avons mis en garde le Gouvernement sur les risques que nous sentions venir.
Dès lors, ce soir, nous ne pourrons pas voter les crédits du titre V, parce qu'ils sont plus faibles que ce qui nous était annoncé et parce que nous ne pouvons admettre la manoeuvre qui consiste à les diminuer aujourd'hui, alors qu'ils le seront encore dans le collectif budgétaire, le 20 décembre prochain. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat. Je souhaite simplement citer trois chiffres qui devraient vous faire réfléchir, mesdames, messieurs les sénateurs.
En 1996, 61 milliards de francs de crédits ont été engagés ; en 2001, 120 milliards de francs de crédits ont été engagés ; sur l'ensemble de la loi de programmation, cela fait 94 % des crédits de paiement.
M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis. Non, 84 % !
M. Michel Caldaguès. On vous l'a répété dix fois et on l'a prouvé : c'est un mensonge !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Un chiffre pour comparer, monsieur le secrétaire d'Etat : vous trouverez plus de 100 milliards de francs pour financer les 35 heures dans le privé ! (Protestations sur les travées socialistes.)
M. Jean-Pierre Masseret. C'est une obsession !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Non, c'est la réalité !
M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RPR.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 27:

Nombre de votants 313
Nombre de suffrages exprimés 290
Majorité absolue des suffrages 146
Pour l'adoption 89
Contre 201

Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'ensemble de l'article 32.

(L'article 32 n'est pas adopté.)

Article additionnel après l'article 64 ter



M. le président.
En accord avec la commission des finances, nous allons maintenant examiner l'amendement n° II-78, tendant à insérer un article additionnel après l'article 64 ter.
Cet amendement, présenté par MM. Flosse et Vinçon, est ainsi libellé :
« I. - Après l'article 64 ter , insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Les biens immobiliers et mobiliers appartenant aux services du ministère de la défense, situés dans le périmètre de l'île de Hao (Polynésie française) et qui seraient reconnus définitivement inutiles par ces services, peuvent, par dérogation aux articles L. 53, L. 54 et L. 67 et suivants du code du domaine de l'Etat, être cédés gratuitement.
« II. - En conséquence, faire précéder cet article additionnel par une division nouvelle ainsi rédigée : "Défense". »
La parole est à M. Vinçon.
M. Serge Vinçon. Cet amendement concerne la Polynésie. Le ministère de la défense disposait sur l'île de Hao d'installations nécessaires au fonctionnement de la base de Mururoa.
Après la fermeture du centre d'expérimentation du Pacifique, ces installations, devenues inutiles à la défense, pourraient être affectées à des opérations de reconversion économique, telles que la pêche et les entreprises de transformation du poisson.
Afin de rentabiliser ces investissements, la mise à disposition de ces biens devrait être effectuée à un coût symbolique, ce qui implique leur cession gratuite, soit à la Polynésie française, soit à la commune de Hao.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Maurice Blin, rapporteur spécial. La commission souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat. J'invoque l'article 40 de la Constitution à l'encontre de cet amendement, qui s'apparente à un cavalier budgétaire et qui est de nature à imposer des charges supplémentaires à l'Etat.
J'indique que le Gouvernement s'est engagé à traiter ce problème dans le cadre d'une loi particulière pour la Polynésie.
M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, l'article 40 de la Constitution est-il applicable ?
M. Maurice Blin, rapporteur spécial. Il l'est, monsieur le président.
M. le président. L'article 40 étant applicable, l'amendement n° II-78 rectifié n'est pas recevable.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la défense.

Fonction publique et réforme de l'Etat

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant la fonction publique et la réforme de l'Etat.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Gérard Braun, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je souhaiterais tout d'abord souligner la nette amélioration, par rapport à l'année dernière, de la transmission par le Gouvernement des informations que j'avais demandées dans mon questionnaire budgétaire. Je rappelle à ce propos qu'à partir du 1er janvier prochain ce questionnaire aura valeur organique, de même que le délai de réponse, fixé au début du mois d'octobre.
L'examen des crédits de la fonction publique appelle deux analyses distinctes.
La première est juridique et porte sur la présentation des crédits du ministère de la fonction publique, qui sont individualisés dans le budget des services généraux du Premier ministre au sein de l'agrégat « Fonction publique ». Ces crédits s'élèvent à 216,92 millions d'euros en 2002, soit un niveau stable par rapport à 2001.
La seconde analyse est économique et concerne l'ensemble des charges de personnel de l'Etat, c'est-à-dire les crédits de rémunération, les charges sociales et les pensions, qui s'établissent à 112,5 milliards d'euros en 2002, soit 43,3 % des dépenses du budget général, après 42,2 % en 2001.
Les dépenses de fonction publique stricto sensu s'élèvent à environ 109 milliards d'euros de plus que l'année dernière, soit une progression de 4,6 %, alors que les dépenses du budget général progressent seulement de 2 % en 2002.
Surtout, la fonction publique de l'Etat induit des dépenses qui vont bien au-delà des seules charges liées aux fonctionnaires. Hors modifications de périmètre, ces dépenses induites étaient, en 2000, de 115,10 milliards d'euros, soit une progression à champ constant de 3 % par rapport à l'année précédente.
Après cette présentation rapide des grandes masses budgétaires, je souhaiterais vous faire part de trois observations que m'inspirent les dotations allouées à la fonction publique et à la réforme de l'Etat pour 2002, en tentant de présenter le bilan de l'action du Gouvernement au cours de la législature.
Première observation, la fonction publique a été la première priorité du Gouvernement tout au long de la législature.
D'abord, depuis 1997, le nombre de fonctionnaires a considérablement augmenté, puisque près de 28 000 nouveaux emplois budgétaires ont été créés. Le « gel » de l'emploi public, un temps mis en avant par le Premier ministre, n'est donc qu'un mythe !
Ces créations massives d'emplois publics ont repris l'année dernière, et s'amplifient en 2002, puisque le présent projet de loi de finances prévoit la création de 15 892 emplois supplémentaires, dont 14 611 au sein des services de l'Etat et 1 281 dans les établissements publics.
Une fois encore, le ministère de l'éducation nationale bénéficie de la majorité de ces créations d'emplois, soit plus de 7 700, alors que le nombre des élèves et des étudiants continue de diminuer. Jusqu'où va-t-on aller ainsi ?
Comme d'habitude, le Gouvernement préfère différer la réflexion qu'il convient pourtant d'engager d'urgence sur la façon d'adapter le format de l'Etat, compte tenu des très nombreux départs à la retraite de fonctionnaires au cours des prochaines années.
Ensuite, sont prévues un certain nombre de mesures destinées à « remettre en ordre » les personnels de l'Etat, notamment au titre de la résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique et de la régularisation de surnombres.
Au total, ce sont donc plus de 29 000 emplois budgétaires supplémentaires qui sont créés par le projet de loi de finances pour 2002, après plus de 20 800 en 2001.
Le devenir des emplois-jeunes n'est en rien réglé, en dépit du « battage » médiatique orchestré à la fin du printemps par le Gouvernement sur le plan de « consolidation » de son dispositif.
Il convient de relever que le Gouvernement a régulièrement modifié ses objectifs en matière d'emplois-jeunes. Il a cru pendant un moment pouvoir atteindre fin 2000, et non fin 2002, la création de 350 000 de ces emplois.
En outre, son objectif a changé de nature, puisqu'il s'agit de le mesurer non plus en stock, mais en flux. Au 30 juin dernier, on comptait 328 000 jeunes embauchés dans ce dispositif, alors que le Gouvernement note que ledit dispositif vise à « porter à 360 000 à la fin 2002 le nombre des jeunes qui auront bénéficié du programme depuis sa création ». Avec ces différentes formulations ambiguës, on finit par ne plus savoir si les chiffres fournis doivent être compris en stock ou en flux !
Si les emplois doivent être consolidés, les dépenses seront aussi pérennisées. Bien que, pour la première fois, les dotations allouées aux emplois-jeunes diminuent de 3,6 %, soit 3,23 milliards d'euros, il convient de noter que le chapitre budgétaire concerné fait l'objet d'une importante surdotation, puis d'une régulation non moins importante en cours d'année. En tout état de cause, on ne sait toujours pas ce que deviendront les jeunes ainsi embauchés, ce qui ne manque pas de susciter leur inquiétude, comme l'a montré la récente manifestation des aides-éducateurs.
Sur le plan budgétaire également, la fonction publique aura été la véritable priorité du Gouvernement depuis 1997.
D'une part, les rémunérations publiques sont de plus en plus coûteuses. Le coût de l'accord salarial du 10 février 1998 s'est établi à 6,30 milliards d'euros pour l'ensemble des trois fonctions publiques sur la période 1998-2000.
L'échec des négociations salariales visant à couvrir la période suivante a conduit le Gouvernement à prendre des mesures unilatérales, dont le coût, pour la seule fonction publique d'Etat, s'élève à près de 3 milliards d'euros, et à 5,20 milliards d'euros pour les trois fonctions publiques.
En outre, afin de maintenir le pouvoir d'achat des fonctionnaires, compte tenu d'une inflation plus importante que prévue, M. le ministre a annoncé un « coup de pouce » supplémentaire de 0,4 % au 1er mars prochain, pour un coût de 445 millions d'euros.
Par ailleurs, il semble que le budget général ne va plus servir qu'à assurer la rémunération des fonctionnaires. La part croissante des dépenses de personnel accentue, en effet, la rigidité du budget de l'Etat, d'autant plus que cette croissance est largement automatique. Les dépenses liées à la fonction publique ont augmenté d'environ 16 % depuis le début de la législature ; elles représentent plus de 70 % de la progression des dépenses au titre des dix premiers postes du budget général, soit, depuis 1997, 15 milliards d'euros sur 21 milliards.
Enfin, il semble bien que les 35 heures dans la fonction publique deviennent un piège dans lequel le Gouvernement s'est lui-même enfermé. Ayant affirmé à plusieurs reprises, notamment au Sénat l'année dernière, que la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat serait réalisée à effectifs constants, le Gouvernement se trouve aujourd'hui confronté à d'extrêmes difficultés pour négocier le passage aux 35 heures. Les discussions engagées, particulièrement longues et laborieuses, donnent lieu à de multiples conflits sociaux.
Pour sortir de ces difficultés, le Gouvernement se voit contraint de s'affranchir de la réglementation qu'il a lui-même édictée - au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie en particulier - et de créer des emplois, malgré tout. C'est ainsi que Mme la ministre de la justice a déclaré devant la commission des finances que la création de 700 emplois de gardien de prison résultait directement du passage aux 35 heures.
Deuxième observation, aucune réforme structurelle n'a été engagée dans la fonction publique depuis le début de la législature.
Le dossier des retraites publiques constitue, bien sûr, l'exemple le plus emblématique mais aussi le plus dramatique de l'immobilisme du Gouvernement. Sur ce point, le vide de son bilan est particulièrement inquiétant.
Je rappelle que l'explosion du coût des pensions de la fonction publique est déjà programmée. Le Conseil d'orientation des retraites, créé en juillet 2000 pour gagner du temps, a fait le même constat. Il a noté, en outre, que les disparités entre les retraites publiques et privées vont s'accroître en l'absence de modification législative. Il a exprimé son souhait, comme je le fais depuis plusieurs années, de procéder à un alignement de la durée de cotisation des fonctionnaires, qui est aujourd'hui de 37,5 années, sur le droit commun applicable aux salariés du secteur privé, soit 40 ans.
Le Gouvernement n'a quasiment rien fait non plus en matière de gestion des ressources humaines dans la fonction publique. Les conclusions du premier rapport public particulier de la Cour des comptes, publié en janvier 2000, ont malheureusement été confirmées par le deuxième, qui date d'avril dernier : l'Etat est un employeur accablant.
De surcroît, la Cour des comptes note que les mesures prises par le Gouvernement à la suite de ses premières enquêtes « ne concernent que quelques ministères et sont de portée limitée ».
Troisième observation, depuis 1997, l'Etat n'a fait l'objet que de simples « réformettes ».
Se contentant d'affichage, notamment au travers d'un nombre impressionnant de circulaires particulièrement complexes, le Gouvernement se limite dans les faits à prendre un ensemble de micro-décisions, sans élaborer de projet d'ensemble. Parce qu'il a supprimé la fiche individuelle d'état civil ainsi que la certification conforme de copies de documents, il croit avoir réformé l'Etat !
Ces décisions en disent surtout long sur l'archaïsme de notre administration et paraissent peu ambitieuses au regard des réformes, parfois profondes, entreprises par les principaux pays développés, dont la France ferait bien de tirer quelques enseignements.
Quant aux instruments dont notre pays s'est doté pour impulser la réforme de l'Etat, ils manquent bien souvent d'ambition, à l'exemple du Fonds pour la réforme de l'Etat, qui se contente de saupoudrer des crédits sur l'ensemble du territoire afin de cofinancer des opérations qui ont un lien pour le moins ténu avec la réforme de l'Etat.
Le Gouvernement ferait bien, pourtant, de s'attacher à véritablement améliorer la qualité des services publics. C'est ainsi que le rapport annuel de l'Inspection générale des affaires sociales, consacré aux liens entre les institutions sociales et leurs usagers, a montré qu'il restait de très amples efforts à fournir pour améliorer la qualité de l'accueil et du service rendu.
Je terminerai en rappelant que « le préalable à la réforme de l'Etat », c'est-à-dire la réforme de l'ordonnance organique de 1959, résulte, en revanche, d'une initiative du Parlement. Or la loi du 1er août 2001 relative aux lois de finances permettra de réformer le cadre de la gestion publique pour l'orienter vers les résultats et la recherche de l'efficacité et de renforcer la transparence des informations budgétaires ainsi que la portée de l'autorisation parlementaire.
Monsieur le secrétaire d'Etat, lorsque je vous écoute, je crois à votre sincérité et à votre bonne volonté ; mais lorsque je vois le bilan du Gouvernement, je ne puis que constater son échec. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, dix minutes ;
Groupe socialiste, treize minutes ;
Groupe de l'Union centriste, huit minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, dix minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, cinq minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le rapporteur spécial, M. Gérard Braun, a excellemment souligné les interrogations essentielles que ne manque pas de soulever le projet de budget de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
J'évoquerai d'abord son volume financier, qui croît d'année en année dans des proportions préoccupantes alors même que ne sont pas prises en compte les répercussions progressives, mais inéluctables, du passage aux 35 heures, l'intégration d'un grand nombre d'emplois-jeunes et les créations de postes effectivement indispensables dans certains secteurs très spécifiques.
Mais s'il convient de se préoccuper du poids financier de la structure étatique, il convient bien davantage encore de se poser la question de son efficacité par rapport aux objectifs qui lui sont assignés.
Se poser cette question-là, c'est y répondre en décrivant une technostructure de plus en plus lourde et complexe qui n'a pas, face aux formidables mutations de notre société et face à son environnement économique et international, la réactivité qui lui serait indispensable.
Ce constat ne met nullement en cause les acteurs de ce dispositif, dont la compétence est généralement remarquable, qui sont animés d'un authentique dévouement au service public, mais qui sont conduits à remplir leur mission dans un environnement législatif d'une extraordinaire complexité : environ 8 000 lois, 110 000 décrets, de multiples textes internationaux, un foisonnement de réponses aux questions écrites ou orales, une abondante jurisprudence.
Comment s'étonner, dès lors, qu'il faille chaque année environ 20 000 pages du Journal officiel pour publier des circulaires interprétatives, chaque échelon de l'administration craignant obsessionnellement de s'écarter, ne serait-ce que d'un pouce, de l'orthodoxie réglementaire ?
Le dispositif fonctionne comme un dispositif de procédure et non comme un dispositif de responsabilité. Les conséquences en sont souvent gravissimes.
J'en citerai un exemple, parmi des centaines : les entreprises d'insertion, qui jouent pourtant un rôle essentiel dans l'un des axes prioritaires du Gouvernement, ne reçoivent qu'au mois d'octobre le premier acompte pour les actions qu'elles conduisent et financent, dans la difficulté et dans l'angoisse, depuis le début de l'année.
Cette inertie structurelle de l'administation a une conséquence plus grave encore. Elle confisque, en réalité, le pouvoir politique. Le rythme d'entrée en application des lois votées par le Parlement en est sans doute l'exemple le plus saisissant, ainsi d'ailleurs que la part faite aux décrets d'application par rapport au cadre général défini par le législateur.
Il est vrai que des réformes ont été engagées pour lesquelles, il faut bien le reconnaître, la capacité de négociation de l'Etat ne s'est pas révélée particulièrement performante. L'échec spectaculaire de la réforme de Bercy, renvoyée à l'échéance de 2007, en apporterait, s'il le fallait, l'illustration.
Dans les autres secteurs également, la négociation n'est partie d'aucun constat, ne s'est appuyée sur aucun principe clairement affirmé, s'est très rapidement trouvée éclatée administration par administration et ne parvient guère, apparemment, à passer d'une logique de moyens à une logique de résultats.
Dans cette perspective, la méthode mise en oeuvre pour mettre en place des contrats d'objectifs et de moyens avec certains services publics - l'audiovisuel notamment - avait pourtant ouvert une voie intéressante. Il s'agit, en fait, d'anticiper, d'évoluer, d'établir des stratégies à long terme et de se donner les moyens de mesurer réellement l'impact des actions conduites par l'administration.
Pour faire mieux, il faudrait nécessairement plus de moyens. Il y aurait, sur ce point, beaucoup de choses à dire, le service public de l'éducation nationale représentant, à ce titre, sans mauvais jeu de mots, « un cas d'école ».
Et il serait sans doute cruel de comparer le rapport qualité-prix des compétences exercées aujourd'hui par les régions et les départements avec le rapport qualité-prix de celles qui relèvent des missions régaliennes de l'Etat.
Certes, des efforts ont été accomplis pour simplifier les relations des citoyens avec leur administration. Les fiches d'état civil et les certifications conformes ont été supprimées. Le vocabulaire de certains formulaires a été simplifié. Pour appréciables qu'elles soient, ces réformes constituent le volet le plus facile d'une réforme qui doit dorénavant s'attaquer aux structures elles-mêmes, plus qu'à l'écume des choses.
Vous avez déclaré à la presse ceci, monsieur le ministre : « quand nous avons supprimé les fiches d'état-civil, nous avons gagné du temps. Certains maires sont donc passés aux 35 heures sans augmenter leur personnel ». Les maires qui se débattent au milieu des difficultés soulevées par le passage aux 35 heures ont diversement apprécié, surtout ceux qui ont à leur service un unique secrétaire de mairie et un seul ouvrier communal, d'autant plus qu'ils sont censés améliorer la qualité du service offert à leurs concitoyens tout en s'inscrivant dans les contraintes de la loi.
Cette transition me donne l'occasion d'évoquer, pour terminer, les énormes difficultés que connaissent les élus locaux dans la gestion de leurs agents. Ils sont sans doute les seuls employeurs à ne participer à aucune négociation relative à la rémunération et aux conditions de travail de leur personnel. Mieux encore, l'Etat exerce sur ces employeurs une tutelle paralysante, les forçant à respecter des règles que, beaucoup moins vertueux, il est loin de s'appliquer à lui-même.
Les collectivités territoriales sont donc confrontées à des problèmes d'une complexité croissante en matière de marchés publics, d'urbanisme, d'informatique, d'environnement, de prévention des risques, d'ordre public. Mais quand les filières normales de recrutement ne leur permettent pas de répondre à leurs besoins, il leur est interdit de recourir à des contractuels alors que, dans le même temps, l'Etat fait massivement appel à ce type de recrutement.
Les communes engagent avec le grade d'ouvriers d'entretien, d'agents administratifs, d'agents sociaux, c'est-à-dire à l'échelon le plus modeste, des hommes et des femmes ayant niveau de bac + 2 à bac + 5. J'ai vainement proposé, à deux reprises, à l'occasion de la discussion du projet de loi relatif à la modernisation sociale, que l'on puisse prendre en compte l'expérience professionnelle au moment du recrutement, non pour l'accès à un grade, non pour une prise en compte au titre de la retraite, mais simplement afin qu'un candidat externe qui réussit le concours de rédacteur à trente-deux ans puisse être titularisé en tenant compte de ses années d'expérience professionnelle et qu'un électricien de trente-cinq ans, victime d'un licenciement économique, puisse être recruté à un autre niveau que le jeune venant tout juste d'achever son cursus de formation.
Il y a là un obstacle facile à supprimer, et qui prive, dans la situation actuelle, les collectivités territoriales de collaborateurs dont elles auraient le plus grand besoin.
Il y aurait beaucoup à dire, également, sur l'inadaptation de la loi sur la résorption de l'emploi précaire, qui, en particulier dans les régions et les départements, ne répond que très imparfaitement aux situations des personnels concernés et, lorsqu'elle s'applique à eux, les pénalise gravement, pour la même raison que celle que j'ai évoquée précédemment, c'est-à-dire la non-prise en compte des années d'expérience professionnelle.
Quant aux règles régissant les seuils et les quotas, elles représentent une survivance archaïque qui s'oppose à tout management dynamique du personnel.
Un Etat moderne a besoin de structures souples, efficaces, réactives.
Le projet de budget qui nous est proposé ne s'inscrit ni dans une telle logique ni dans une telle perspective. Je ne pourrai donc, avec mes collègues du groupe du Rassemblement pour la République, qu'émettre un vote défavorable. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à cette heure matinale, nous traitons d'un budget important, et même, comme l'a dit M. le rapporteur spécial, du budget le plus important de l'Etat.
Depuis un certain nombre d'années, avec la Cour des comptes d'ailleurs, nous mettons en garde le Gouvernement contre la progression des dépenses de fonctionnement et la diminution des dépenses d'investissement.
Une telle pratique ne peut que renforcer la rigidité du budget de l'Etat et constituer une atteinte au principe de l'équité entre les générations. Les nouvelles générations devront en effet faire face à l'explosion des pensions et aux retards liés au sous-investissement, retards dont il a été également question cet après-midi lors de la discussion du budget de la défense.
Monsieur le ministre, c'est exact, la part des dépenses de la fonction publique dans le budget de l'Etat augmente régulièrement. Elle est ainsi passée de 40,7 % en 1997 à 43,3 % en 2002 et, depuis 1980, l'augmentation est de 22 %.
En 1997, au début de la législature, le Gouvernement avait pourtant fait du principe de la stabilité des effectifs dans la fonction publique le pivot de sa politique budgétaire, ce qui était de bonne gestion. D'ailleurs, de 1997 à 2000, 247 emplois budgétaires ont été créés. Mais il y eut 11 337 créations d'emplois en 2001 et 15 892 en 2002. C'est de mieux en mieux !
M. Jacques Mahéas. Vous demandez tout le temps plus de fonctionnaires !
M. Jean-Jacques Hyest. Le Gouvernement avait indiqué que des redéploiements seraient réalisés dans les secteurs qui en avaient le plus besoin. Nous ne les avons pas vus.
M. Jacques Mahéas. Où les supprimez-vous ?
M. Jean-Jacques Hyest. C'est au Gouvernement de le faire !
Permettez-moi de vous expliquer un certain nombre de choses. Des missions ont été confiées en application des lois de décentralisation. Certains ministères, qui réalisaient un travail énorme, comme le ministère de la culture, ont vu leurs effectifs augmenter de manière considérable. Mais on peut s'interroger sur la nécessité de ces augmentations.
En revanche, nous avons réellement besoin de surveillants de prison et de policiers supplémentaires. C'est d'autant plus vrai que l'on a modifié leurs conditions de travail. Il faut donc bien trouver des postes quelque part.
Certaines des réformes au sein de la fonction publique n'ont pas abouti. M. Christian Sautter avait défendu un excellent projet tendant à fusionner un certain nombre de services du ministère des finances dans un souci de modernisation. Certains élus locaux sont en partie responsables de la non-application de cette réforme. Mais il y a eu également la réaction des syndicats.
Le rapport Hyest-Carraz sur la police et la gendarmerie a subi le même sort. J'avais d'ailleurs prévenu le ministère de l'économie et des finances de ce risque.
A défaut de réforme, on pourrait au moins procéder à des redéploiements. La préfecture de Seine-et-Marne compte trois fois moins d'agents par rapport à la population que d'autres préfectures. Certes, elle est sous-administrée, mais certaines préfectures sont sur-suradministrées. Cela ouvre des perspectives.
Il faut aussi tenir compte des possibilités énormes qu'offrent les nombreux départs en retraite.
Ce n'est pas être contre l'emploi public que de dire que, comme tous les autres pays, la France aurait pu procéder à cette réforme, d'autant plus que la décentralisation a créé beaucoup d'emplois publics : près de 500 000 emplois supplémentaires en vingt ans !
Je me réjouissais des bonnes intentions de 1997. Malheureusement, la politique a été complètement modifiée depuis.
L'explosion programmée du coût des pensions pose également un problème extrêmement inquiétant, pour reprendre les remarques de la Cour des comptes. Nous passerons de 30,53 milliards d'euros à 53,31 milliards d'euros en 2015. Sans réforme, nous « allons dans le mur » !
Est-il possible d'envisager que le Gouvernement prenne des mesures ? Certainement pas cette année ! Nous serons donc contraints de résoudre ce problème tous ensemble.
Monsieur le ministre, j'ai eu l'occasion de lire que 35 heures dans la fonction publique seraient un levier pour la réforme de l'Etat. On nous avait dit aussi que les 35 heures permettraient d'améliorer le service public sans augmenter les effectifs. Je suis désolé de le dire, mais ce n'est pas exact !
Un certain nombre de postes qui seront créés dans certaines administrations serviront en fait non pas à améliorer le service public, mais à appliquer cette fameuse réduction du temps de travail.
Par ailleurs, monsieur le ministre, et c'est une bonne chose, vous avez parlé d'unification de la durée du travail dans la fonction publique. Les préfets aussi ne manquent pas de nous parler des 1 600 heures dans la fonction publique territoriale.
Monsieur le ministre, pouvez-vous m'affirmer que les fonctionnaires du ministère de la culture et de la communication ou ceux du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, par exemple, travaillent effectivement 1 600 heures ? Je ne parle pas de ceux qui effectuent des travaux pénibles ou qui ont des sujétions spéciales ! Si vous pouvez me l'affirmer, je serai heureux de constater qu'il n'y a pas d'« astuces » et que l'on ne tient pas compte du fait que certains travaillaient déjà moins de 35 heures.
On dit qu'il n'y aura pas d'augmentation des effectifs liée à la réduction du temps de travail et à l'amélioration du service public. Ce n'est pas vrai, vous le savez bien, pour tous les services qui doivent fonctionner 24 heures sur 24 et 365 jours pas an ! D'ailleurs, dans la fonction publique hospitalière, il est prévu de créer 45 000 emplois ; et je ne parle pas de ceux qui devront être créés dans les collectivités locales non seulement dans les services d'incendie et de secours, mais aussi dans de nombreux autres services, notamment au sein des établissements liés à l'enfance et aux personnes âgées. On sait que le coût induit sera extrêmement important pour l'ensemble des collectivités locales, donc pour tout le pays.
Telles sont les réflexions que je voulais faire sur ce sujet. Monsieur le ministre, le passage aux 35 heures, levier de la réforme de l'Etat ? Faites attention que la masse entière ne vous retombe pas sur les pieds ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Mathon.
Mme Josiane Mathon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la fonction publique et de la réforme de l'Etat est à apprécier à l'aune des attentes légitimes des citoyens et des agents publics. L'actualité internationale et nationale vient en effet de rappeler la nécessaire intervention de la puissance publique pour protéger, accompagner et soutenir le développement d'une société harmonieuse.
L'examen attentif de votre budget, monsieur le ministre, est pour les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen non pas un exercice comptable, mais un acte politique fort.
Nous notons avec satisfaction la progression de votre budget, qui permet notamment de mieux assumer les charges de pensions. De même, un effort sensible est réalisé pour les actions de formation, de perfectionnement, d'insertion et de modernisation des administrations.
Nous soutenons sans réserve cette politique qui cherche à permettre aux agents publics de se former à appréhender l'environnement social et humain dans lequel ils sont appelés à exercer leurs missions ; cela est surtout le cas pour les quartiers en difficulté.
Construire un Etat capable de s'adresser à l'ensemble des citoyens est donc une nécessité pour la cohésion sociale, le doublement de la dotation du fonds interministériel pour l'insertion des personnes handicapées l'illustrant de façon positive.
Les services publics sont des outils précieux pour favoriser et soutenir les projets de nos concitoyens. Ils doivent donc être à même d'assurer leurs missions.
Or, monsieur le ministre, deux points appellent notre critique.
Le premier a trait à la réduction du temps de travail. Les organisations syndicales vous ont dit, dans leur diversité, leurs craintes que le passage aux 35 heures sans création d'emplois n'entraîne de facto une réduction des missions assurées par les services publics. Nous partageons ces craintes.
De plus, le décret du 29 août 2000 est paradoxal : vous confiez à chacun des départements ministériels le soin de négocier les 35 heures sans leur donner de marges de négociation en termes de création d'emplois. En fait, très peu d'accords sont signés.
Une loi de progrès social comme celle des 35 heures doit créer des emplois, même si l'avancée que représentent les 45 000 emplois nouveaux dans le secteur hospitalier demeure en deçà des besoins réels.
Ma seconde critique concerne les emplois-jeunes.
Certes, les mesures annoncées par Mme Guigou le 6 juin dernier offrent à ces jeunes des perspectives avec l'organisation de concours d'accès à la fonction publique territoriale. Mais cela suffira-t-il pour les emplois-jeunes dans les collectivités locales ? De même, quel est le devenir des aides-éducateurs ?
Il nous semble regrettable de ne pas profiter pleinement de l'apport de ces jeunes salariés, de leurs capacités d'innovation, de leur dévouement et de leur créativité pour mener plus loin la modernisation des services publics.
Monsieur le ministre, pour faire place aux jeunes générations, il faut permettre aux agents justifiant du nombre requis d'annuités de service de cesser progressivement leur activité.
Au nom du groupe communsite républicain et citoyen, je demande le maintien de l'article 78 du projet de budget afin de garantir cette possibilité cette année encore.
Le congé de fin d'activité des fonctionnaires doit être reconduit.
Monsieur le ministre, si, pour vous, votre budget va dans le bon sens, nous craignons que vous ne déceviez les attentes de milliers de fonctionnaires dévoués à leurs missions d'intérêt général, dont le rôle n'est pas reconnu comme il le devrait.
Ainsi, le protocole d'accord de résorption de l'emploi précaire, qui honore ses signataires, n'a pas empêché la reprise d'embauches non statutaires.
Monsieur le ministre, au moment où les Françaises et les Français expriment avec force leur inquiétude, leurs attentes envers les pouvoirs publics, au moment où, secteur par secteur, les fonctionaires demandent justement les moyens nécessaires pour exercer leurs missions, vous nous proposez de voter un budget trop timide encore.
Notre abstention traduira donc notre appréciation.
M. le président. La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour ce cinquième et dernier budget de la législature, les crédits alloués à la fonction publique et à la réforme de l'Etat enregistrent, après une augmentation de 8 % en 2001, un accroissement de 0,38 %, pour atteindre 224 millions d'euros.
L'effort accompli sur l'action sociale interministérielle - premier poste de dépenses de ce budget avec 128 millions d'euros - est maintenu.
De plus, cette année, il faut souligner l'engagement volontariste du Gouvernement en faveur des handicapés. Je suis extrêmement satisfait de constater que les administrations se donnent les moyens d'atteindre, enfin, l'objectif quantifié de 6 % d'emplois de travailleurs handicapés. En effet, outre le doublement de la dotation globale du fonds interministériel pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique - 4,57 millions d'euros - un protocole d'accord a été signé prévoyant que le non-respect du ratio de 6 % sera sanctionné par le gel d'emplois ou la diminution des crédits de fonctionnement.
Sur l'action sociale, si personne ne conteste la légitimité de mesures comme les aides au logement ou le service « crèches », sans doute faudrait-il veiller plus attentivement à la bonne gestion de ces crédits, car il semble qu'il y ait des retards dans leur engagement. Peut-être pourriez-vous, monsieur le ministre, nous éclairer sur cette question.
En ce qui concerne les crédits affectés à la réforme de l'Etat, s'ils affichent une baisse sensible, c'est, semble-t-il, parce qu'il a été tenu compte de la non-consommation des crédits antérieurs, par anticipation des dispositions de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. Celle-ci rénove, en profondeur, la gestion publique. Ses incidences seront très importantes, car elle substitue à une logique de moyens une logique de résultats.
L'Etat fait donc peau neuve, comme le proclame fièrement une brochure distribuée il y a peu par votre ministère, monsieur le ministre. Cette mutation passe par des mesures qui trouvent une traduction concrète dans le quotidien de nos concitoyens. Il en est ainsi de la politique de simplification administrative, qui, depuis un an, connaît un nouvel essor.
Et comme nous avons tous, un jour ou l'autre, pesté devant la sombre perspective d'une demi-journée perdue à des paperasseries, nous ne pouvons qu'apprécier l'allégement des démarches administratives courantes. En supprimant les fiches d'état civil, les justificatifs de domicile et la certification conforme de copies de documents, ce sont des millions de tâches fastidieuses évitées aux agents et autant de déplacements épargnés à nos concitoyens.
Je tiens également à saluer le travail du comité d'orientation pour la simplification du langage administratif. Le jargon technico-juridique est totalement abscons pour le non-initié, et il était urgent de réécrire les formulaires et les courriers courant en langage simple et clair. (M. Hyest s'exclame.)
La modernisation de l'Etat passe également par Internet, devenu, en quelques années, un instrument indispensable. Or l'internet public peut se vanter de comprendre déjà plus de 4 200 sites. Le portail de l'administration française et de ses téléservices, service-public.fr, permet aux internautes d'effectuer des démarches aussi diverses qu'une demande d'extrait de casier judiciaire ou les déclarations fiscales et sociales d'une entreprise.
Lors du comité interministériel pour la réforme de l'Etat, le CIRE, du 15 novembre dernier, vous nous annonciez « la deuxième étape de l'administration électronique ». Il s'agit de développer les téléprocédures accessibles en quelques clics. Dès lors, chacun pourra, en ligne, payer ses impôts et contraventions, inscrire ses enfants à l'école, commander ses papiers d'identité, remplir un dossier d'allocations familiales...
Seulement, sans vouloir le moins du monde jouer les rabat-joie passéistes, je crois censé de tempérer l'enthousiasme, en rappelant qu'il est illusoire de penser que tout peut être dématérialisé. Je vous sais attentif aux risques d'une « administration à deux vitesses », et j'en appelle donc à votre vigilance, monsieur le ministre. Etre à l'écoute suppose des moyens humains, donc des emplois, afin de s'adapter avec souplesse et efficacité aux besoins du citoyen. Or le citoyen, avant de recourir à des téléservices, souhaite souvent, tout simplement, que ses appels téléphoniques aboutissent et que les guichets soient moins pris d'assaut.
Au-delà des crédits directement alloués à votre ministère, cette discussion budgétaire nous invite, monsieur le ministre, à envisager de manière plus large les perspectives qui s'offrent à la fonction publique.
Comme pour 2001, le projet de loi de finances pour 2002 prévoit une augmentation sensible des effectifs de l'Etat : 0,94 %. Ce n'est quand même pas une flambée de fonctionnaires, monsieur Hyest !
M. Jean-Jacques Hyest. Près de 1 % par an, ce n'est pas négligeable !
M. Jacques Mahéas. Aucun ministère ne connaît de baisse d'effectifs ; 45 000 postes seront créés sur trois ans dans les hôpitaux, et ce sont 15 892 nouveaux agents qui seront affectés aux ministères prioritaires - vous l'avez souvent réclamé, monsieur Hyest - ...
M. Jean-Jacques Hyest. Je n'ai pas dit le contraire !
M. Jacques Mahéas. ... afin de poursuivre les efforts entrepris depuis le début de la législature.
Quatre ministères concentrent ainsi 85 % des créations nettes totales : l'éducation nationale, avec 7 627 emplois supplémentaires ; la justice, avec 3 092 recrutements, soit une hausse de plus de 12 % depuis 1997 ; l'intérieur, avec 1 988 emplois de plus, les effectifs de policiers et de gendarmes ayant augmenté de 8,7 % depuis 1997 ; enfin, l'environnement, avec 309 emplois de plus.
Ce budget poursuit sa lutte pour la résorption de l'emploi précaire, en créant pour ordre 11 265 emplois budgétaires et en titularisant 3 550 contractuels rémunérés sur les ressources propres d'établissements publics. Notons que ce gouvernement est le premier à transformer des crédits de rémunération de vacataires et de contractuels en emplois, ce qui constitue la meilleure garantie contre la reconstitution de l'emploi précaire.
M. Jean-Jacques Hyest. Cela, on en reparlera !
M. Jacques Mahéas. Résorber la précarité, c'est aussi offrir une insertion professionnelle durable aux personnels bénéficiaires de contrats aidés et aux emplois-jeunes. Dans cette optique, le Gouvernement a présenté, le 6 juin dernier, toute une série de mesures adaptées à la situation des différents employeurs, afin de définir les voies d'insertion professionnelle pour les jeunes concernés.
Il est évident que, dans la décennie à venir, l'enjeu majeur concerne les ressources humaines, car, sur cette période, l'Etat va devoir faire face au départ à la retraite de la moitié de ses agents.
Ce gouvernement a pris des mesures nécessaires pour y faire face. Elles sont de deux ordres.
La mise en place de l'observatoire de l'emploi public permettra, pour la première fois, de connaître le nombre exact des emplois et non plus des seuls emplois budgétaires. Les différents ministères pourront donc mener une politique adaptée de gestion prévisionnelle des effectifs, emplois et compétences, dès 2002.
Dès 2002 également auront lieu des prérecrutements, afin de susciter des vocations pour le service public. Ce système, qui a déjà fait ses preuves par le passé, emporte notre adhésion. Toutefois, j'aimerais avoir quelques précisions à cet égard, monsieur le ministre.
Chaque ministère a-t-il procédé à une évaluation en termes non seulement de besoins, mais aussi de formation ?
Quels métiers seront concernés, car les réalités différent, pour le moins, d'un institut universitaire de formation des maîtres, un IUFM, à une école de police ou d'infirmières ?
Comment et à quel niveau d'études comptez-vous sensibiliser les jeunes ?
Parallèlement, la diversification des voies de recrutement par le développement des « troisièmes concours », des concours sur titres, de la validation des acquis professionnels, se poursuit, ce qui permettra de dynamiser la gestion des carrières et d'encourager la mobilité.
A ce propos, je voudrais attirer votre attention sur la nécessaire adéquation entre le contenu de ces concours ou examens et l'objectif recherché.
Des perspectives de carrière attractives supposent une politique salariale motivante. Depuis 1997, le Gouvernement veille à garantir le pouvoir d'achat de tous les fonctionnaires et à améliorer, aussi substantiellement que possible, la situation des agents dont les rémunérations sont les plus modestes.
Pour 2001 et 2002, le pouvoir d'achat des fonctionnaires est maintenu ; le Gouvernement s'y est attaché, malgré l'absence regrettable d'accord.
S'agissant des primes, je veux saluer le travail entrepris. Pour la première fois, en effet, les ministères doivent publier leurs textes indemnitaires. Ce sera chose faite en juin 2002. Il conviendra ensuite de les harmoniser, ce qui ne sera pas une mince affaire, si l'on en juge à la multiplicité incroyable des rémunérations accessoires. En attendant, il serait utile et intéressant que vos services publient un tableau récapitulatif de l'état des lieux en la matière.
Enfin, je voudrais dire un mot sur la réduction du temps de travail et la prorogation du congé de fin d'activité.
Dans la fonction publique, la réduction du temps de travail sera effective en janvier 2002. Toutefois, il aurait été préférable d'aboutir à un accord-cadre plutôt qu'à une solution négociée ministère par ministère. Je crains que cela n'entraîne, à terme, des disparités, voire des incompatibilités nuisibles à la mobilité professionnelle.
Quant au congé de fin d'activité, il s'agit d'un dispositif particulièrement favorable à l'emploi des jeunes qui connaît un réel succès. Nous ne pouvons donc pas suivre la commission des finances, qui a déposé un amendement tendant à supprimer cette mesure très attendue des agents.
Pour conclure, je tiens à me faire l'écho des organisations syndicales que nous avons rencontrées. En effet, dans une belle unanimité, elles se montrent particulièrement « avides » d'un dialogue social renouvelé. Cependant, monsieur le ministre, je vous crois très disposé à construire cette « relation sociale de confiance » que vous appeliez de vos voeux lors d'un colloque européen, l'an passé. C'est avec cet espoir que le groupe socialiste apporte son soutien à votre budget.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le travail de présentation fait par votre rapporteur, quand bien même il comprendrait un certain nombre d'observations, plutôt critiques - trois principalement -, de même que les interventions que vous venez d'entendre me dispensent de présenter dans le détail les dispositions de ce budget qui ont été fort bien analysées.
Je vais donc tenter d'apporter quelques éclairages ou quelques éléments de réponse à vos questions, au demeurant légitimes, ou à critiques, toujours bienvenues.
Je le dis chaque année, j'ai le plus petit budget - presque moitié moins que ce dont pouvait disposer le président de la région Centre ! (sourires) mais les dispositions qui peuvent être prises dans mon département ministériel ont un effet sur 40 % environ du budget de l'Etat. Mais restons-en aux crédits qui sont plus spécifiquement et très directement sous mon autorité.
Les crédits pour 2002 sont marqués par deux éléments nouveaux.
Il s'agit, d'abord, comme M. Mahéas vient de le souligner, de la politique en faveur des handicapés dans la fonction publique de l'Etat.
Un protocole d'accord a été signé avec la plupart des organisations syndicales pour que le « quota » de 6 % applicable dans le secteur privé soit également respecté dans le public. Il était applicable dans son principe, mais n'était pas respecté dans la pratique, faute de dispositions coercitives pouvant s'appliquer à l'Etat.
Sans vouloir entre dans le détail, deux dispositions inciteront désormais très fortement les administrations et les gestionnaires à respecter le quota de 6 % du nombre total des embauches.
D'une part, une pénalisation financière est prévue, sur le modèle de ce qui existe pour les entreprises qui ne respectent pas ce quota.
D'autre part, ce que je crois beaucoup plus efficace encore, les emplois qui n'auront pas été pourvus par des handicapés seront gelés jusqu'à ce que des handicapés les occupent effectivement. Dès lors, je pense que ce quota de 6 % sera respecté.
Mais - et c'est là que des crédits importants sont proposés à votre vote - il faut savoir adapter les postes. Avoir un quota incitatif, c'est une chose ; adapter les postes aux handicapés eux-mêmes en est une autre. Il est vrai que celui qui se déplace en fauteuil roulant n'exerce pas comme celui qui se tient sur ses deux jambes, et que celui qui est aveugle ne travaille pas dans les mêmes conditions que celui qui y voit.
Telle est donc la principale nouveauté qui marque les crédits d'action sociale interministérielle. L'augmentation est tout à fait remarquable et, je crois, remarquée. Ces crédits permettront ainsi de mieux adapter les postes occupés par des handicapés dans la fonction publique de l'Etat.
Il s'agit, ensuite, au titre des éléments nouveaux de ce budget, de l'orientation que nous souhaitons donner à l'utilisation des crédits du fonds pour la réforme de l'Etat.
Je souhaite que les crédits disponibles pour l'année prochaine, qui augmenteront fortement par rapport à ceux de cette année, viennent principalement à l'appui de la seconde étape de l'administration électronique que nous avons lancée il y a quelques semaines.
Après avoir franchi une première étape, plutôt réussie aujourd'hui, qui a consisté à mettre le plus d'informations possibles en ligne, nous devons passer à la seconde, et mettre le plus possible de procédures en ligne. Nous le faisons avec beaucoup d'ambition, car mettre en ligne ces procédures, c'est alléger d'autant les contraintes qui pèsent sur les usagers et les tâches des agents, mais nous le faisons aussi avec beaucoup de modestie, car ce n'est pas par ce seul mécanisme que nous pourrons rendre le service nécessaire à l'ensemble de la population. Si, dans les années qui viennent - j'en suis persuadé, je le souhaite et j'agirai en ce sens - le nombre des internautes, et donc des utilisateurs de services publics présents sur le web, augmente, je sais cependant qu'il en restera une grande proportion, peut-être même une majorité, qui n'utiliseront pas les services en ligne et qui devront être mieux accueillis encore qu'aujourd'hui.
L'un des objectifs est d'ailleurs de pouvoir réorienter une partie des personnels qui verront leur tâche allégée par cette dématérialisation des procédures pour accroître la présence sur tout le territoire et la capacité d'écoute, avec la volonté de rendre un service humain en ménageant un contact direct avec les usagers.
J'apporterai maintenant quelques éléments de réponse sur des aspects qui touchent plus largement aux politiques de la fonction publique.
D'abord, s'agissant du nombre des fonctionnaires, oui, le budget pour 2002 prévoit des emplois supplémentaires pour l'éducation nationale, pour la police, pour la justice et, en moins grand nombre, pour le ministère de l'environnement. Or je n'entends pas beaucoup d'élus, surtout lorsque je les rencontre dans leur circonscription, me dire qu'il faut moins de professeurs, moins de policiers, moins de magistrats ou moins de personnels affectés à la protection de l'environnement.
M. Jean-Jacques Hyest. L'environnement...
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Je n'en connais pas, pas même M. Hyest qui ne considère pas que, dans sa préfecture, l'administration préfectorale de son département souffre de sous-administration et qu'il faudrait, en conséquence, augmenter le nombre des personnels, au moins ceux qui sont affectés à cette préfecture-là, peut-être au détriment des autres, d'ailleurs,...
M. Jean-Jacques Hyest. Je n'ai pas dit cela !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. ... mais en tous les cas à cette préfecture-là !
M. Jean-Jacques Hyest. J'ai dit que les autres, ailleurs, étaient « sur-suradministrées ».
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Je sais, monsieur Hyest, votre préfecture est sous-administrée, parce que les autres sont sur-administrées, et vous voudriez bien un rééquilibrage.
Il n'empêche que, lorsque je me rends dans un département, je n'ai droit qu'à des doléances : chacun est « sous-sous-sous », et jamais « sur-sur-sur », et toutes tendances politiques confondues ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest. Ce n'est pas vrai !
M. Jacques Mahéas. Dans les Hauts-de-Seine, peut-être ?
M. Jean-Jacques Hyest. Plutôt dans le Sud !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. C'est toute la difficulté : il faudrait toujours moins de fonctionnaires, mais toujours plus d'infirmières, toujours plus de policiers, toujours plus de magistrats. Je ne dis cela ni par démagogie ni par volonté, surtout à cette heure-ci, de relancer la moindre polémique, mais parce que, aujourd'hui comme hier, ou comme avant-hier, ce refrain-là vous l'entonnerez les uns et les autres, quel que soit par ailleurs le ministre présent à cette tribune pour vous répondre.
Monsieur le rapporteur spécial, vous avez souligné combien vous auriez préféré constater, dans ce budget, une diminution des emplois budgétaires. Ce qui m'importe le plus, je vous l'ai déjà dit souvent, c'est que, lorsqu'un ministre présente son budget, il ne vous parle plus simplement en termes d'affichage des emplois budgétaires, mais avant toute chose en emplois réels. Enfin ! Je connais - et je pourrais vous les citer très précisément - des ministres ou même des premiers ministres qui ont fièrement annoncé, parce que telle était leur politique - nous les condamnions, à l'époque - une diminution du nombre des emplois autorisés par la loi de finances par exemple, pour l'année 1996,...
M. Jacques Mahéas. Eh oui !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. ... diminution qui devait se traduire, en fin d'année, par une augmentation du nombre des fonctionnaires !
Des discours qui vont dans un sens, la réalité constatée, dans un autre : est-ce vraiment la bonne manière de faire de la politique ? Est-ce la bonne manière d'administrer la France ? Je ne le crois pas. Que l'on débatte sur plus ou moins de fonctionnaires, c'est un classique du genre en France. Mais qu'il y ait de telles disparités entre ce que l'on annonce à la tribune et ce que l'on constate, en réalité à la fin de l'année, ne me paraît pas être une bonne chose. Mon objectif est d'en finir avec ces pratiques, notamment dans le cadre de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances. Nous débattrons désormais sur des emplois réels, à l'intérieur d'un nombre de postes autorisés...
M. Jean-Jacques Hyest. C'est bien cela !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. ... et à l'intérieur d'une masse salariale elle-même autorisée.
Aujourd'hui, le budget que je vous présente est un budget de vérité : nous disons les emplois dont nous avons besoin et nous pourrons vérifier, à la fin de l'année prochaine, la réalité des choses et constater que ce que j'aurai dit aujourd'hui correspondra à ce que nous aurons fait demain, à la différence de ce qui a pu se pratiquer dans le passé.
M. Bruno Sido. Oui, mais vous n'êtes plus là pour longtemps !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Monsieur le sénateur, vous êtes aussi bien placé que moi pour savoir que le préjugement est, en ce domaine, la pire injure que l'on puisse faire à la démocratie.
M. Jean-Jacques Hyest. C'est vrai !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Il est un deuxième élément sur lequel je voudrais apporter quelques précisions : la question des emplois-jeunes. Je comprends tout à fait et je trouve légitime qu'ils vous préoccupent, que vous les appréciez dans leur principe ou que vous les critiquiez. Cela étant, j'ai le sentiment qu'aujourd'hui personne, ou presque, ne conteste leur utilité et que, en tout état de cause, il faut s'inquiéter de leur avenir.
Sur cette question, qui a été soulevée en particulier par Mme Mathon, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, le Gouvernement a apporté des réponses, qui ne sont pas simplement des réponses de principe puisqu'il s'attache, en quelque sorte, à les « mettre en musique ».
Quelle est la politique suivie ? Elle est simple. Nous distinguons, d'une part, la question de la pérennité des emplois, qui dépend de la volonté des collectivités locales, des associations ou encore de l'Etat - il s'agit principalement des aides-éducateurs pour l'éducation nationale - et, d'autre part, la question de l'avenir des garçons et des filles qui les occupent.
Concernant les emplois eux-mêmes, des décisions seront prises par les uns et les autres pour faire en sorte que le service rendu aujourd'hui puisse continuer à l'être demain. Mais, chacun en conviendra avec moi, un emploi-jeune aujourd'hui ne rendra pas exactement le même service dans dix ans, quinze ans, vingt ans ou trente ans. La question qui se pose aujourd'hui est double : que fait-on des postes eux-mêmes et quelles perspectives peut-on offrir aux garçons et aux filles qui les occupent aujourd'hui ?
Nous proposons à ceux qui le souhaitent de passer des concours dans des conditions qui soient adaptées à leur situation, et ce grâce à deux mécanismes : d'une part, la validation des acquis professionnels, grande nouveauté que nous sommes en train d'introduire dans le droit français et qui vaudra dans les secteurs aussi bien privé que public ; d'autre part, les « troisièmes concours », déjà en place pour un certain nombre de cadres d'emploi dans la fonction territoriale.
A ce sujet, je peux vous préciser qu'avant-hier le Conseil supérieur de la fonction publique a discuté les dispositions qui seront applicables à l'éducation nationale et que les troisièmes concours seront ouverts, en particulier, aux aides-éducateurs.
Le troisième concours n'est pas réservé aux emplois-jeunes et sera encore en place quand ceux-ci auront disparu : c'est une grande nouveauté, c'est un élément fondamental de modernité dans notre fonction publique. Il nous permet de sortir du système binaire opposant un concours externe à un concours interne, et il apportera une diversification tant des modalités d'entrée dans la fonction publique que de l'origine des candidats.
Ces concours sont en voie de création. Ils seront ouverts aux emplois-jeunes, à qui ils donneront la possibilité - dès lors qu'ils feront l'effort légitime, normal pour quelqu'un qui veut entrer dans la fonction publique, de les passer - de trouver un avenir comme fonctionnaires.
Ainsi, méthodiquement, point par point, nous prenons les décisions, nous les appliquons, nous les mettons en oeuvre. Nous sommes donc en mesure, aujourd'hui, d'ouvrir aux emplois-jeunes qui le souhaitent des perspectives dans la fonction publique - mais aussi dans d'autres métiers - compte tenu de l'expérience qu'ils y auront acquise.
La question des rémunérations a été peu abordée, sauf par M. le rapporteur spécial, qui a souligné le poids des augmentations de salaire. Il est vrai qu'en 1996 et en 1997 ce poids a été faible, et pour une raison simple : les salaires de la fonction publique n'ont pas été augmentés.
M. Jean-Jacques Hyest. Il y avait eu 1994 et 1995, où ils avaient fortement augmenté !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. En 1995, ils avaient fortement augmenté, mais et je ne sais pas pourquoi, monsieur Hyest ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest. C'est M. Rossinot qui avait tout lâché !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Ah, oui ?... J'ai le sentiment qu'il y avait une échéance électorale...
M. Jean-Jacques Hyest. Non, non !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Il me semblait pourtant, monsieur Hyest ! Mais je ne veux pas m'engager dans cette discussion !
M. Jean-Jacques Hyest. Et en 2002, il n'y a pas d'échéance électorale ?
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. En 1996 et en 1997 - vous vous en souvenez fort bien, monsieur le président, et pour cause ! - il n'y a pas eu d'accord dans la fonction publique et les salaires n'ont donc pas été augmentés.
Le choix du Gouvernement, aujourd'hui, s'est fixé non pas sur une augmentation dispendieuse comme alors, mais sur la garantie à tout fonctionnaire de la stabilité de son pouvoir d'achat, ceux qui bénéficieront d'un avancement d'échelon, d'un avancement à l'ancienneté, voyant leur pouvoir d'achat augmenter.
J'en viens aux 35 heures. Je comprends tout à fait qu'elles vous préoccupent et suscitent chez vous certaines questions.
On peut être contre les 35 heures dans le privé comme dans le public - je pense que c'est le cas de certains d'entre vous - et il y a une logique à cela.
M. Jean-Jacques Hyest. Les 35 heures, c'est fait !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Ceux qui se sont prononcés contre et qui, parfois, peuvent critiquer l'application qui en est faite aujourd'hui reviendraient-ils dessus si l'occasion leur en était donnée ? J'attends que la réponse soit exprimée fortement, et à l'extérieur de cet hémicycle.
Mais laissons les questions de principe. Les 35 heures sont désormais appliquées, et je ne vois pas pourquoi elles le seraient partout sauf dans la fonction publique. Nous les mettons donc en oeuvre. Comme dans les entreprises, cela suscite des débats, soulève un certain nombre de problèmes, crée un certain nombre de difficultés. Nous les surmonterons.
Voilà quelques mois, on me prédisait que nous n'y parviendrions pas pour le 1er janvier 2002. Eh bien si ! Le 1er janvier 2002, la fonction publique de l'Etat, la fonction publique hospitalière et, avec l'aide des élus locaux, la fonction publique territoriale, toutes seront passées aux 35 heures.
On m'a également reproché - j'ai entendu cette critique encore aujourd'hui - de mal m'y prendre, de ne pas négocier dans les conditions les plus efficaces. Comme beaucoup d'entre vous, j'aurais préféré qu'un accord-cadre fixe les grands principes pour l'ensemble des fonctions publiques.
M. Jacques Mahéas. C'est moi qui ai dit cela !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. M. Mahéas a raison, je suis comme lui : j'aurais préféré un accord !
J'avouerai donc que nous avons été non pas aussi mauvais, mais aussi « peu bons » que le privé, où les négociations en vue d'un tel accord général ont échoué et où ce sont donc les lois Aubry qui ont défini le cadre du passage aux 35 heures.
Dans la fonction publique non plus, il n'a pas été possible de parvenir à un accord-cadre. Alors, la Constitution exigeant pour la fonction publique de l'Etat de passer par la voie du décret, un décret a été pris que certains appellent décret « Sapin » et qui fixe le cadre général du passage aux 35 heures.
M. Bruno Sido. Très bon décret !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Cela signifie-t-il qu'il n'y a pas eu de négociations par la suite !
Madame Mathon, vous avez affirmé que les accords dans les fonctions publiques avaient été très peu nombreux. Je me permets de n'être pas d'accord, non par un jugement subjectif, mais sur la base d'une comptabilisation précise.
Au début, on me disait qu'il n'y aurait pas d'accord. Mais un accord a été conclu avec les personnels de la défense : on m'a opposé que la défense, c'était très particulier ; un autre accord a été signé à l'environnement : c'était une administration très spéciale. Et puis les accords ont continué de pleuvoir. Voilà quelques jours encore ont été signés un accord concernant les personnels de la protection judiciaire de la jeunesse, un accord concernant l'ensemble des personnels des greffes, un accord concernant l'ensemble des personnels de l'administration centrale de la justice, un accord concernant l'ensemble des personnels ATOS - administratif, technicien, ouvrier et de service - de l'éducation nationale...
Aujourd'hui - je le dis pour votre information - 80 % des personnels de l'Etat et de la fonction publique hospitalière peuvent être couverts par un accord national - je ne parle pas des collectivités locales, puisque les négociations sont du ressort de chacune ; mais elles sont très avancées - ...
M. Bruno Sido. grâce à votre décret, monsieur le ministre !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. ... grâce à mon décret, qui fixe un certain nombre d'orientations et permet de négocier dans de bonnes conditions.
M. Bruno Sido. Excellentes !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Je vous remercie des félicitations que vous m'adressez, monsieur le sénateur !
Aujourd'hui, 80 % des personnels sont donc couverts par des accords signés avec des organisations sociales majoritaires. Cela ne signifie pas que toutes les organisations ont signé : certaines n'ont signé aucun accord.
M. Jean-Jacques Hyest. Certaines ne signent jamais, par principe !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Et encore, je n'en suis même pas sûr ! A l'éducation nationale, par exemple, plusieurs organisations syndicales, dont certaines ont parfois du mal à apposer leur paraphe, ont signé l'accord relatif aux ATOS.
On nous prédisait donc qu'aucune négociation ne serait engagée : des négociations ont eu lieu ; on nous prédisait qu'il n'y aurait pas d'accord : des accords ont été conclus. Aujourd'hui, la majorité des personnels de l'Etat passe aux 35 heures en application d'accords-cadres signés au sein de chaque ministère.
Par ailleurs, le chiffre de 1 600 heures est la traduction sur l'année de 35 heures hebdomadaires, compte tenu de la moyenne annuelle du nombre de jours de fêtes. Cette référence vaut pour le privé et pour le public, et c'est par rapport à elle que l'on doit organiser l'ensemble du travail.
M. Hyest m'a demandé si je pouvais garantir que personne, nulle part, n'est en deçà de ces 1 600 heures. Pouvez-vous vous-même m'affirmer que, dans votre collectivité locale,...
M. Jean-Jacques Hyest. Ah oui, dans ma commune, c'est 1 600 heures !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. ... personne n'est en deçà des 1 600 heures ? Je ne suis pas certain que vous puissiez m'apporter une telle garantie ! En tant qu'ancien maire d'Argenton-sur-Creuse, je puis le faire ; mais je ne pense pas que beaucoup soient dans ce cas.
Plus sérieusement, monsieur Hyest, les 1 600 heures ont servi de base à l'ensemble des négociations et à l'organisation du passage aux 35 heures. N'y a-t-il pas, me demanderez-vous, quinze emplois par ci, quarante emplois par là, dans tel ou tel service, où l'on effectuait moins de 35 heures ?
C'est vrai, certaines catégories travaillaient moins de 35 heures, et nous n'avons pas voulu augmenter leur temps de travail. Parfois, ces fonctionnaires trouvaient même désagréable de ne pas voir réduire leur temps de travail en même temps que celui des autres catégories... Nous leur expliquons que nous ne pouvons pas réduire leur horaire, qui est déjà inférieur ! C'est ainsi que les choses se passent.
Cependant, comme dans les collectivités locales - et vous y avez fait allusion -, il existe des sujétions particulières, prévues dans le décret Sapin : le travail le samedi, le dimanche ou la nuit, le travail pendant une longue durée, le travail posté... Un certain nombre de conditions particulières rendent tout à fait légitime, dans le public comme dans le privé, une compensation par la diminution du temps de travail.
La situation de l'ensemble des administrations de l'Etat sera demain, au 1er janvier prochain, après le passage négocié aux 35 heures, beaucoup plus ordonnée, beaucoup plus homogène que celle que nous connaisions auparavant, où n'existait aucune réglementation sur le temps de travail. Car, ne l'oublions pas, autant dans le privé cette question était au coeur de la relation entre l'employeur et l'employé, autant la force de travail se vendait ou s'achetait en temps de travail, autant dans le public la question ne se posait pas : ce n'était pas un sujet de discussion, ce n'était pas un objet de réglementation. Le passage aux 35 heures permet donc une modernisation tout à fait légitime et bienvenue.
J'aimerais pour terminer répondre aux questions portant sur la réforme de l'Etat.
On peut qualifier ces réformes de « réformettes ».
M. Gérard Braun, rapporteur spécial. C'est un début !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Je préfère en effet, monsieur le rapporteur spécial, qu'on me parle de réformettes plutôt que d'absence de réformes ; c'est plus positif. Quant aux diminutifs, ils sont affaire d'appréciation !
On peut considérer que la politique de simplification administrative, qui est, je crois, d'une ampleur rarement atteinte depuis plusieurs années,...
M. Jacques Mahéas. Tout à fait ! C'est très bien !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. ... est une « réformette ».
M. Jacques Mahéas. C'est parce qu'ils ne demandent jamais de fiche d'état civil !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. On peut considérer qu'elle est sans grandes conséquences sur l'organisation de l'Etat ou sur le service rendu aux usagers.
On peut considérer que l'ensemble de l'administration électronique - j'en ai dit un mot, et je n'y reviens donc pas - est une « réformette » sans grandes conséquences sur la productivité à venir de l'administration. Je crois qu'une telle appréciation n'est pas juste.
On peut considérer aussi que la révision de l'ordonnance de 1959 est une petite réforme. Vous ne l'avez pas considérée comme telle, parce que le Parlement y a été associé.
M. Gérard Braun, rapporteur spécial. Il en a été à l'origine !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. C'est même lui qui a été à l'origine de cette initiative. Cette réforme est le fruit d'un travail à trois, d'un travail commun de l'Assemblée nationale, du Sénat et du Gouvernement.
M. Gérard Braun, rapporteur spécial. Tout à fait !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Car une telle réforme ne se fait pas contre le Gouvernement : elle se fait avec le Gouvernement et parce que le Gouvernement souhaite, en particulier, prendre les mesures d'organisation nécessaires.
C'est un travail immense, auquel nous nous attelons. Les décisions sont prises, et nous sommes en train de nous organiser afin de respecter la date que vous nous avez fixée : le budget pour 2006, qui est préparé en 2005. Nous serons prêts.
Les conséquences de cette réforme sont considérables sur la culture même de l'administration et de la gestion publiques : travailler en termes d'objectifs et non pas seulement de moyens ; travailler en termes de résultats et non pas seulement de crédits et d'effectifs : c'est une révolution pour notre administration, que nombre d'autres pays ont d'ailleurs déjà connue.
Il ne s'agit pas d'une « réformette » : il s'agit d'une réforme puissante, profonde, qui doit servir pour tous, où qu'ils siègent dans cet hémicycle, de modèle à la réforme de l'Etat.
On peut aussi dire qu'il ne s'est rien passé en termes de gestion des ressources humaines. Je ne le crois pas.
M. Gérard Braun, rapporteur spécial. Il ne s'est pas passé grand-chose !
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. J'évoquais le débat qui a eu lieu voilà deux jours au Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat : nous avons adopté un décret qui permet de supprimer la plupart des obstacles à la mobilité des fonctionnaires. L'avenir, dans la fonction publique, c'est la mobilité : on changera de métier ou de lieu d'exercice au cours de sa carrière. C'est là une modernisation considérable.
S'agissant de la déconcentration de l'organisation des concours, plusieurs ministres avaient échoué sur ce problème, mais nous sommes en train de la mettre en place.
Quant au prérecrutement, auquel il a été fait allusion, il s'agit aussi d'une question très importante. Il sera différencié par ministère et par métier et s'adressera donc à des publics variés. Les jeunes seront prérecrutés avant ou après le baccalauréat, selon le métier auquel ils se destineront.
Il me semble donc, sans vouloir en tirer une fierté particulière, que nous avons, les uns et les autres, au Gouvernement et au Parlement, réussi à faire en sorte que soient prises un certain nombre de décisions qui, mises bout à bout et appliquées dans la durée - le temps, nous le savons tous, est le facteur qui, en politique, est le plus difficile à maîtriser - se renforceront mutuellement et permettront à la réforme de l'Etat de se poursuivre et de porter ses fruits.

Services du Premier ministre (suite)



I. - SERVICES GÉNÉRAUX (suite)

M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant les services du Premier ministre : I - Services généraux.
Je rappelle que le Sénat a déjà examiné le vendredi 30 novembre les crédits relatifs aux services généraux du Premier ministre, et, le samedi 1er décembre, les crédits relatifs à la communication.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 10 540 760 euros. »
Je vais mettre aux voix les crédits figurant au titre III.

M. Gérard Braun, rapporteur spécial. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Gérard Braun, rapporteur spécial. Je souhaite simplement indiquer que la commission des finances a émis un avis défavorable sur les crédits du titre III.
M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. « Titre IV : 99 775 316 euros ».
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.


(Ces crédits ne sont pas adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 44 972 000 euros ;
« Crédits de paiement : 22 105 000 euros ».
Je vais mettre aux voix les crédits figurant au titre V.

M. Gérard Braun, rapporteur spécial. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Gérard Braun, rapporteur spécial. La commission a émis un avis défavorable sur les crédits du titre V.
M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. J'appelle en discussion l'article 78, qui est rattaché pour son examen aux crédits affectés à la fonction publique et à la réforme de l'Etat.

Article 78



M. le président.
« Art. 78. - I. - Au premier alinéa de l'article 12 de la loi n° 96-1093 du 16 décembre 1996 relative à l'emploi dans la fonction publique et à diverses mesures d'ordre statutaire, la date : "31 décembre 2001" est remplacée par la date : "31 décembre 2002".
« II. - Aux articles 14, 31 et 42 de la même loi, l'année : "2001" est remplacée par l'année : "2002".
« III. - L'article 2 de l'ordonnance n° 82-298 du 31 mars 1982 relative à la cessation progressive d'activité des agents titulaires des collectivités locales et de leurs établissements publics à caractère administratif est ainsi modifié :
« 1° Au cinquième alinéa, le taux : "0,3 %" est remplacé par le taux : "0,5 %" ;
« 2° Après le sixième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les besoins de trésorerie du fonds de compensation de cessations progressives d'activité peuvent être couverts pour l'année 2002 par des ressources non permanentes dans la limite de 150 millions d'euros. »
L'amendement n° II-32, présenté par M. Braun, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Gérard Braun, rapporteur spécial. La commission des finances propose de supprimer l'article 78.
Je rappelle que le congé de fin d'activité, ou CFA, permet aux agents publics, titulaires ou non, âgés d'au moins cinquante-huit ans ou de cinquante-six ans s'ils justifient de quarante annuités de cotisation et de quinze années de service de prendre une retraite anticipée.
L'année dernière, la commission des finances avait déjà attiré l'attention du Sénat sur les deux points suivants.
En premier lieu, ce dispositif étant reconduit chaque année depuis 1997, il convient de s'interroger sur les raisons pour lesquelles il n'est pas soit pérennisé, soit inscrit dans la version initiale du projet de loi de finances. Il semble qu'il constitue, pour le Gouvernement, un élément important dans l'optique de ses négociations avec les organisations syndicales de fonctionnaires.
En second lieu, la reconduction du CFA apparaît de plus en plus en contradiction avec l'allongement nécessaire des durées d'activité, qui permettra de faire face aux évolutions démographiques, dont les conséquences seront extrêmement importantes pour le financement des systèmes de retraite. Nous estimions donc, l'année dernière, que le dispositif ne devrait plus être reconduit à l'occasion de la discussion budgétaire de l'année suivante.
Le Gouvernement n'ayant rien modifié de ses habitudes passées, la commission des finances vous propose, mes chers collègues, de mettre en oeuvre les principes qu'elle avait affirmés l'année dernière et, par conséquent, de supprimer l'article 78.
Je voudrais ajouter que le taux d'activité des personnes âgées de plus de cinquante-cinq ans est déjà extrêmement bas en France, plus faible que dans tous les autres pays européens. Il nous paraîtrait donc tout à fait illogique de persister à ouvrir la possibilité de ne plus travailler à partir de cet âge, voire plus tôt, surtout eu égard aux difficultés démographiques qui nous attendent. Nous ne pouvons plus continuer dans cette voie.
Enfin, le Gouvernement prévoit que, dans la fonction publique, il sera possible de prendre sa retraite lorsque l'on a travaillé pendant quarante ans, alors qu'il a rejeté une proposition émanant de certaines composantes de la majorité plurielle et visant à ouvrir cette même faculté aux salariés du privé.
M. Jean-Jacques Hyest. Ce n'est pas bien !
M. Gérard Braun, rapporteur spécial. Quelles sont les raisons d'une telle différence de traitement ?
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. C'est l'adoption d'un amendement du Gouvernement présenté en première lecture à l'Assemblée nationale qui a permis de reconduire le CFA pour l'année prochaine.
Je relève d'ailleurs que plusieurs membres de cette assemblée, certains d'entre eux siégeant sur les travées de droite de l'hémicycle, ont manifesté, par des courriers qu'ils m'ont adressés, leur attachement à ce dispositif.
Si le CFA n'a pas été pour l'heure pérennisé, c'est parce que nous souhaitons que la pérennisation éventuelle d'un tel dispositif intervienne dans le cadre d'une négociation globale et d'un remodelage de l'ensemble de nos systèmes de retraites.
Quoi qu'il en soit, le CFA existe depuis quelques années dans le secteur public, et nous ne voyons pas aujourd'hui de raison valable de l'abroger. Inversement, nous ne voyons pas non plus de raison de l'appliquer dans le secteur privé. Il en ira peut-être différemment demain, mais une telle décision sera prise dans la perspective de la négociation d'une architecture nouvelle des retraites, permettant principalement de conforter le principe de solidarité, qui est fondamental dans le secteur privé comme dans le secteur public, cette solidarité s'exprimant par le biais de l'inscription au budget de l'Etat des crédits nécessaires au paiement des retraites.
Le Gouvernement est donc bien entendu défavorable à l'amendement de la commission, et je demande au Sénat de reconduire le CFA, ce qui serait peut-être conforme à la teneur des courriers qui m'ont été adressés par les uns et par les autres !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-32.
M. Jacques Mahéas. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Voici venu le moment de prendre ses responsabilités. J'annonce d'ailleurs dès à présent que le groupe socialiste demande un vote par scrutin public sur cet amendement.
La commission des finances nous demande de supprimer le congé de fin d'activité. Or cette prise de position radicale est assez illogique, car, l'année dernière, elle nous proposait soit d'inscrire le financement du dispositif dans le projet de budget, doit d'abroger le CFA : l'alternative restait ouverte.
Dans la mesure où la situation budgétaire générale le permettrait, le groupe socialiste du Sénat ne serait pas défavorable à la pérennisation. Il est nécessaire qu'un gouvernement qui assume ses responsabilités opère des choix en fonction du contexte, qui évolue bien évidemment chaque année. La conjoncture économique est une réalité dont il faut quand même tenir compte !
Cela étant, je trouve difficile de ne pas accorder à des personnes âgées d'au moins cinquante-six ans et comptant quarante annuités un petit avantage par rapport à celles qui auront commencé à travailler plus tard mais qui pourront partir en retraite après trente-sept ans et demi de service. A cet égard, le congé de fin d'activité me semble permettre de compenser quelque peu une injustice.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste ne votera pas cet amendement de suppression de l'article 78. J'ajoute que l'on peut comprendre que certains fonctionnaires aient du mal à assumer la fin de leur carrière. Leur remplacement par des personnels plus jeunes irait d'ailleurs dans le sens de nos collègues de la majorité sénatoriale, qui réclament souvent des fonctionnaires motivés et disponibles. N'allez donc pas à l'encontre de vos propres désirs, mes chers collègues !
M. Bruno Sido. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Sido.
M. Bruno Sido. Je ne voudrais pas laisser ce débat se terminer sans vous avoir remercié, monsieur le ministre, pour le décret que vous avez pris,...
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. C'est gentil !
M. Bruno Sido. ... le « décret Sapin », qui a permis d'encadrer les négociations qui se déroulent au sein de nos collectivités locales, en particulier dans les conseils généraux. Nous avons ainsi pu expliquer à nos collaborateurs, avec beaucoup de bonheur, que nous n'étions pas des « moins-disants sociaux » et que nous aurions fait davantage si M. le ministre, avec son décret, ne nous en avait pas empêchés. (M. le ministre sourit.) Or nous sommes légalistes !
M. Jacques Mahéas. Démagogie !
M. Bruno Sido. Nous avons précisé que le principe selon lequel des embauches interviendraient à la suite du passage aux 35 heures ne serait finalement pas plus respecté par les collectivités locales que par l'Etat.
Cela étant, nous connaissons du moins, pour notre part, le nombre de nos collaborateurs et celui des fiches de paie que nous établissons en fin de mois. Je vous ai entendu dire, monsieur le ministre, que nous examinerions la situation à la fin de l'année 2002 ; or il sera impossible de faire le point puisque vous êtes incapable de nous préciser combien la France compte de fonctionnaires d'Etat aujourd'hui.
M. Jacques Mahéas. Et Tiberi ?
M. Bruno Sido. En ce qui concerne les emplois-jeunes, leurs titulaires se trouvent dans une position assez dramatique dans la mesure où ils ignorent ce que sera leur avenir.
S'agissant du CFA, enfin, le Gouvernement prévoit d'accorder - et c'est à mon sens une bonne chose - la retraite après quarante années de cotisation, mais cela ne vaut que pour le secteur public. Son attitude est donc des plus ambiguës.
En conclusion, j'indique que je voterai l'amendement de la commission des finances.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-32, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 28:

Nombre de votants 300
Nombre de suffrages exprimés 299
Majorité absolue des suffrages 150
Pour l'adoption 187
Contre 112

En conséquence, l'article 78 est supprimé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la fonction publique et la réforme de l'Etat.

7

TEXTE SOUMIS AU SÉNAT
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4
DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Avant-projet de budget rectificatif et supplémentaire n° 5 au budget 2001. - Section I. - Parlement.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1652 et distribué.

8

DÉPÔT DE PROJETS DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant la ratification de la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée.
Le projet de loi sera imprimé sour le n° 117, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant la ratification du protocole additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 118, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant la ratification du protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 119, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

9

DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président. J'ai reçu de M. Paul Girod un rapport fait au nom de la commission spéciale sur le projet de loi adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la Corse (n° 111, 2001-2002).
Le rapport sera imprimé sous le n° 115 et distribué.
J'ai reçu un rapport déposé par M. René Garrec, président de l'Office parlementaire d'évaluation de la législation, sur la législation applicable en matière de prévention et de traitement des difficultés des entreprises, établi par M. Jean-Jacques Hyest, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation de la législation.
Le rapport sera imprimé sous le n° 120 et distribué.

10

DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu de MM. Alain Lambert, Philippe Marini et Michel Charasse un rapport d'information fait au nom du comité d'évaluation des politiques publiques et de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur l'évaluation de l'action des services départementaux d'incendie et de secours.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 116 et distribué.

11

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, jeudi 6 décembre 2001 :

A dix heures quinze :
1. Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2002, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 86 et 87, 2001-2002). - M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Education nationale :
I. - Enseignement scolaire (+ article 65) :
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial (rapport n° 87, annexe n° 15) ;
M. Philippe Richert, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (avis n° 88, tome IV) ;
Mme Annie David, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (enseignement technique, avis n° 88, tome VI).
II. - Enseignement supérieur :
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial (rapport n° 87, annexe n° 16) ;
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (avis n° 88, tome V).
Emploi et solidarité :
III. - Ville (+ articles 71 et 72) :
M. Eric Doligé, rapporteur spécial (rapport n° 87, annexe n° 19) ;
M. Pierre André, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 89, tome XXIII) ;
Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (avis n° 91, tome III).
Aménagement du territoire et environnement :
I. - Aménagement du territoire :
M. Roger Besse, rapporteur spécial (rapport n° 87, annexe n° 4) ;
M. Jean Pépin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 89, tome XI).
A quinze heures et le soir :
2. Questions d'actualité au Gouvernement.
3. Suite de l'ordre du jour du matin.

Délai limite pour les inscriptions de parole
dans les discussions précédant
l'examen des crédits de chaque ministère

Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements
aux crédits budgétaires pour le projet
de loi de finances pour 2002

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2002 est fixé à à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles
de la deuxième partie, non joints à l'examen
des crédits du projet de loi de finances pour 2002

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 2002 est fixé au vendredi 7 décembre 2001, à seize heures.

Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la Corse (n° 111, 2001-2002).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 11 décembre 2001, à seize heures.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 11 décembre 2001, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des lois (n° 109, 2001-2002) sur la proposition de loi de M. Hubert Haenel et de plusieurs de ses collègues portant réforme de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle dans ses dispositions relatives à la publicité foncière (n° 421, 2000-2001) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 12 décembre 2001, à dix-sept heures.
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à accorder une priorité dans l'attribution des logements sociaux aux personnes en situation de handicap ou aux familles ayant à leur charge une personne en situation de handicap (n° 325, 2000-2001).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 12 décembre 2001, à dix-sept heures.
Question orale avec débat n° 38 de M. Henri Revol à M. le ministre de la recherche sur l'avenir de la politique spatiale française et européenne à l'issue de la conférence interministérielle de l'Agence spatiale européenne du 15 novembre 2001.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 12 décembre 2001, à dix-sept heures.
Nouvelle lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi de modernisation sociale (AN, n° 3316).
Délai limite pour le dépôt des amendements : jeudi 13 décembre 2001, à douze heures.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : jeudi 13 décembre 2001, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 6 décembre 2001, à une heure quinze.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD





ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES DU SÉNAT
établi par le Sénat dans sa séance du mercredi 5 décembre 2001 à la suite des conclusions de la conférence des présidents

Du jeudi 6 au mardi 11 décembre 2001 :

Ordre du jour prioritaire

Suite du projet de loi de finances pour 2002 (n° 86, 2001-2002).
(Le scrutin public à la tribune est de droit lors du vote en première lecture du projet de loi de finances de l'année.)

*
* *

En outre :
Jeudi 6 décembre 2001, à 15 heures :
Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance, avant 11 heures.)
Mardi 11 décembre 2001, à 15 h 15 :
Eloge funèbre de Martial Taugourdeau.

*
* *

Mercredi 12 décembre 2001 :

Ordre du jour prioritaire

A 15 heures et le soir :
Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la Corse (n° 111, 2001-2002).
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 11 décembre 2001, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;

- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 11 décembre 2001.)
Jeudi 13 décembre 2001 :

Ordre du jour réservé

A 9 h 30 :
1° Conclusions de la commission des lois (n° 109, 2001-2002) sur la proposition de loi de M. Hubert Haenel et de plusieurs de ses collègues portant réforme de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, dans ses dispositions relatives à la publicité foncière (n° 421, 2000-2001).
(La conférence des présidents a décidé de fixer au mercredi 12 décembre 2001, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
2° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à accorder une priorité dans l'attribution des logements sociaux aux personnes en situation de handicap ou aux familles ayant à leur charge une personne en situation de handicap (n° 325, 2000-2001).
(La conférence des présidents a décidé de fixer au mercredi 12 décembre 2001, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
A 15 heures :
3° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance, avant 11 heures.)
4° Question orale avec débat n° 38 de M. Henri Revol à M. le ministre de la recherche sur l'avenir de la politique spatiale française et européenne à l'issue de la conférence interministérielle de l'Agence spatiale européenne du 15 novembre 2001.
(En application des premier et deuxième alinéas de l'article 82 du règlement, la conférence des présidents a fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 12 décembre 2001.)
Vendredi 14 décembre 2001, à 9 h 30, à 15 heures et, éventuellement, le soir :

Ordre du jour prioritaire

Nouvelle lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi de modernisation sociale (AN, n° 3316).
(La conférence des présidents a fixé :
- au jeudi 13 décembre 2001, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;

- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le jeudi 13 décembre 2001.)
Lundi 17 décembre 2001 :

Ordre du jour prioritaire

A 10 h 30, à 15 heures et le soir :
Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances rectificative pour 2001 (AN, n° 3384).
(La conférence des présidents a fixé au vendredi 14 décembre 2001, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
Mardi 18 décembre 2001 :
A 9 h 30 :
1° Dix-huit questions orales (l'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement) :
- n° 1139 de M. Alain Gournac à M. le ministre délégué à la ville (Coût des réparations des tags et graffitis) ;

- n° 1163 de M. Yves Dauge à Mme le ministre de la culture et de la communication (Code des marchés publics et conditions d'établissement des plans de sauvegarde) ;

- n° 1167 de M. Jean Bizet à M. le ministre délégué à la santé (Installation des médecins en milieu rural) ;

- n° 1179 de M. André Vallet à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Politique de sécurité routière) ;

- n° 1181 de M. Gérard Dériot à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (Bilan de la mission interministérielle pour l'élimination des farines animales) ;

- n° 1182 de M. Francis Grignon transmise à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie (Transport des déchets nucléaires allemands dans le Bas-Rhin) ;

- n° 1183 de M. Nicolas About à M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat (Indemnité de résidence des fonctionnaires) ;

- n° 1186 de M. Roland Muzeau transmise à M. le ministre de la défense (Fermeture du site Thomson-Thalès de Gennevilliers) ;

- n° 1188 de M. Bruno Sido à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie (Recherches sur la gestion des déchets radioactifs) ;

- n° 1189 de M. Georges Mouly à Mme le secrétaire d'Etat aux personnes âgées (Situation financière des associations prestataires d'aide à domicile) ;

- n° 1190 de M. Claude Biwer à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie (Prix de l'énergie) ;

- n° 1191 de M. Serge Vinçon à M. le ministre de la défense (Avenir de la Société nationale des poudres et explosifs) ;

- n° 1192 de Mme Nicole Borvo à M. le ministre délégué à la santé (Situation des médecins à diplôme extra-Union européenne) ;

- n° 1193 de M. Jean-Pierre Masseret à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (Retraite complémentaire des agriculteurs) ;

- n° 1195 de M. Jean-Claude Carle à M. le ministre de la défense (Recrudescence de l'insécurité dans la vallée de l'Arve) ;

- n° 1196 de M. Jacques Legendre à M. le ministre de la défense (Dissolution du 58e régiment d'artillerie de Douai) ;

- n° 1198 de M. Jean Chérioux à M. le ministre délégué à la santé (Situation de l'hôpital Saint-Michel à Paris) ;

- n° 1200 de M. Michel Sergent à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie (Organisation du service public de distribution d'énergie électrique).

A 16 heures et le soir :

Ordre du jour prioritaire

2° Suite, sous réserve de sa transmission, du projet de loi de finances rectificative pour 2001 (AN, n° 3384).
3° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2002.
(La conférence des présidents a fixé à l'ouverture de la discussion générale le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
4° Sous réserve de sa transmission, projet de loi autorisant l'approbation de la décision du Conseil de l'Union européenne du 29 septembre 2000 relative au système des ressources propres des Communautés européennes (AN, n° 3423).
Mercredi 19 décembre 2001 :

Ordre du jour prioritaire

A 15 heures et, éventuellement, le soir :
1° Suite éventuelle de l'ordre du jour de la veille.
2° Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi rénovant l'action sociale et médico-sociale (n° 110, 2001-2002).
3° Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la sécurité des infrastructures et systèmes de transport et aux enquêtes techniques après événement de mer, accident ou incident de transport terrestre (n° 83, 2001-2002).
Jeudi 20 décembre 2001 :

Ordre du jour prioritaire

A 10 h 30 :
1° Eventuellement, conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi tendant à moderniser le statut des sociétés d'économie mixte locales.
2° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Singapour relatif à la coopération de défense et au statut de leurs forces (n° 238, 2000-2001).
3° Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention d'assistance administrative mutuelle internationale du 10 septembre 1985 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire visant la prévention, la recherche et la répression des fraudes douanières par les administrations douanières des deux pays (n° 289, 2000-2001).
4° Projet de loi autorisant l'approbation d'un accord de protection et d'encouragement réciproques des investissements entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Cambodge (n° 330, 2000-2001).
5° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Cuba relative au transfèrement de personnes condamnées aux fins d'exécution de la peine (ensemble un échange de lettres) (n° 431, 2000-2001).
6° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République dominicaine (n° 432, 2000-2001).
7° Projet de loi autorisant la ratification du protocole facultatif de la convention relative aux droits de l'enfant concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés (n° 437, 2000-2001).
8° Projet de loi autorisant la ratification du protocole facultatif à la convention relative aux droits de l'enfant concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (n° 438, 2000-2001).
A 15 heures et le soir :
9° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2001.
(La conférence des présidents a fixé à l'ouverture de la discussion générale le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
10° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l'Etat (n° 352, 2000-2001).
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 18 décembre 2001, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;

- d'attribuer un temps d'intervention de dix minutes au représentant de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les femmes et les hommes.)

11° Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif aux musées de France (n° 58, 2001-2002).
12° Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à la création d'établissements publics de coopération culturelle (n° 112, 2001-2002).
13° Navettes diverses.

A N N E X E I
Question orale avec débat inscrite à l'ordre du jour
du jeudi 13 décembre 2001

M. Henri Revol appelle l'attention de M. le ministre de la recherche sur la nécessité d'un véritable débat relatif à la politique spatiale. La conférence interministérielle de l'Agence spatiale européenne qui va se réunir le 15 novembre prochain à Edimbourg devra trancher un certain nombre de questions essentielles pour l'avenir de l'Europe spatiale, dont la France a traditionnellement été le moteur. Il s'agit en particulier de la poursuite du programme Ariane 5 Plus destiné à lutter contre la concurrence des autres lanceurs, de la mise en place du système européen de positionnement et de navigation Galileo, de la coopération entre l'Europe et la Russie (avec, notamment, la possibilité d'envoyer des Soyuz dans l'espace depuis la base de Kourou), etc. Il lui paraît éminemment souhaitable que les sénateurs puissent, à l'issue de cette conférence, obtenir des informations précises et débattre des questions spatiales qui reposent souvent sur des choix politiques plus que technologiques (n° 38).

A N N E X E I I
Questions orales inscrites à l'ordre du jour
du mardi 18 décembre 2001

N° 1139. - M. Alain Gournac souhaite à nouveau attirer l'attention de M. le ministre délégué à la ville sur le triste spectacle des façades de nos bâtiments tant publics que privés. Le tag ronge nos villes, portant atteinte à notre environnement, à l'image de notre pays et à son moral. Il y a les bâtiments, il y a également les transports en commun : bus, trains, RER, banquettes, vitres, sols et plafonds, quais, abribus, etc. C'est une agression permanente, un décor honteux où s'affichent de manière provocatrice l'impunité et la conscience qu'en ont les auteurs de ce vandalisme. Il a vu cette semaine un Transilien tout neuf complètement tagué à l'intérieur, du sol au plafond. C'est inacceptable ! Inacceptable en soi d'abord. Inacceptable ensuite pour nos concitoyens qui sont, il le rappelle, les contribuables. Il est inacceptable que l'Etat ne puisse garantir aux usagers la propreté du bien public, de leur bien. Il lui demande combien coûtent chaque année ces déprédations aux collectivités locales, à la RATP, à la SNCF, aux différentes sociétés de transport, en un mot, à la nation.
N° 1163. - M. Yves Dauge attire l'attention de Mme le ministre de la culture et de la communication sur les conséquences, pour les professionnels chargés de l'établissement des plans de sauvegarde, de l'application, par le ministère de la culture, du code des marchés publics. L'élaboration et le suivi de ces plans dans les villes possédant un secteur sauvegardé sont assurés par des professionnels spécialisés. Ils réalisent un travail qui est, par définition, très long. Or, sous prétexte d'une application rétroactive du code des marchés, 10,5 MF d'études déjà effectuées ne sont toujours pas réglés à ces professionnels. Ce blocage des crédits de la part des services financiers met en péril l'existence même des équipes chargées des plans de sauvegarde, comme le travail accompli dans chaque ville. Faute d'une solution urgente, la situation risque, en outre, de faire perdre tout crédit à une politique d'Etat, d'autant que, pour la poursuite des missions dès 2002, aucun cadre contractuel n'est fixé et que l'ensemble des travaux engagés risque de se trouver suspendu. En conséquence, il lui demande quelles mesures sont prévues pour remédier à cette situation regrettable.
N° 1167. - M. Jean Bizet interpelle, depuis le mois de novembre 2000, M. le ministre délégué à la santé sur l'évolution préoccupante de l'installation des médecins en milieu rural. La réponse qui lui a été faite en octobre, après que les termes de sa question écrite ont dû être renouvelés faute de réponse dans les délais impartis, ne lui semble pas totalement satisfaisante. En effet, monsieur le ministre se réfère à l'analyse présentée dans le rapport sur la démographie médicale qui a été transmis le 20 juin dernier. M. Jean Bizet prend volontiers acte de l'évolution positive du nombre de médecins d'un point de vue purement statistique et se réjouit que le Gouvernement ait souhaité relever le numerus clausus pour les prochaines années. Cependant, une caractéristique majeure semble être passée sous silence lorsque l'on se limite à une seule analyse chiffrée du problème. Il s'agit de la forte disparité de la répartition des praticiens entre les zones urbaines et rurales. Bien qu'il le regrette, force est de constater que les jeunes médecins sont peu enclins à s'installer en zone rurale. Il lui semble indispensable, en complément de cette décision, de prendre des mesures incitatives claires en direction des jeunes médecins. Bien que l'exercice de la médecine prenne le plus souvent la forme libérale, il est de la responsabilité du Gouvernement de préserver un égal accès aux soins pour la population sur tout le territoire. Il serait certainement pertinent d'envisager des mesures spécifiques sur le plan fiscal pour parfaire un aménagement harmonieux du territoire au regard de la santé publique. Il le remercie donc de bien vouloir lui préciser les mesures concrètes que le Gouvernement envisage de prendre pour répondre à l'inquiétude des élus et de la population de ces zones rurales.
N° 1179. - M. André Vallet attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les choix déterminés par le Gouvernement en matière de sécurité routière. Il constate ainsi une augmentation inquiétante du nombre des accidents de la route depuis le début de l'année et s'interroge sur les causes de cette importante aggravation. Par ailleurs, il constate l'insuffisance de l'action menée par les forces de police à l'encontre des auteurs d'infraction. Il se demande si cette quasi-inaction est le fait d'une mansuétude hors de propos ou d'un laxisme coupable. Pour toutes ces raisons, il souhaite la mise en place rapide de voitures de gendarmerie banalisées et de fonctionnaires en civil pour lutter plus efficacement contre ce fléau.
N° 1181. - M. Gérard Dériot attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les problèmes très préoccupants constatés dans plusieurs départements par le stockage et l'élimination des farines animales résultant de leur interdiction dans l'alimentation des animaux d'élevage. Compte tenu des risques présentés par le transport et le stockage de ces produits, notamment pour l'environnement et la santé publique, des difficultés rencontrées pour trouver de nouveaux sites difficilement acceptés par les populations, il lui demande de faire le bilan de l'action de la mission interministérielle pour l'élimination des farines animales (MIEFA) et de lui indiquer les mesures nouvelles qu'il compte mettre en oeuvre pour parvenir à une élimination satisfaisante des farines animales dans des conditions optimales pour la sécurité de nos concitoyens.
N° 1182. - M. Francis Grignon souhaite appeler l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le problème relatif au transport des déchets nucléaires allemands dans le Bas-Rhin. Il souligne tout d'abord les efforts d'information faits par le préfet de la région Alsace, préfet du Bas-Rhin, auprès des élus locaux, et l'en remercie. Néanmoins, et malgré les assurances qui lui ont été données, la population reste vraiment très inquiète des risques que peuvent comporter de tels transports, notamment en matière de radioactivité, à leur passage, en cas d'accident ou d'actes criminels. Par ailleurs, un très grand nombre de ces déchets nucléaires allemands traverse la bande rhénane nord, sans utiliser le chemin le plus court, puisqu'il évite la Hollande et la Belgique. De plus, ces transports posent d'énormes problèmes de sécurité, plus cruciaux encore dans le contexte international actuel alors que les forces de l'ordre sont mobilisées par les problèmes de sécurité intérieure. Elles sont donc en trop petit nombre attachées à la protection de ces convois. Il lui demande donc si le transport maritime de ces déchets pourrait être examiné sérieusement : il aurait l'énorme avantage d'éloigner les populations des risques encourus. Il lui demande s'il peut envisager une telle alternative.
N° 1183. - M. Nicolas About attire l'attention de M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat sur la situation des nombreux fonctionnaires travaillant en Ile-de-France qui subissent l'injustice des zones de salaires créées en 1945. Cette différence de traitement est particulièrement ressentie en zone rurale, où le coût de la vie ne semble pas toujours être moindre qu'en certaines zones urbaines, particulièrement dans le département des Yvelines. Il lui rappelle que l'indemnité de résidence des fonctionnaires a été créée en 1945 pour tenir compte des variations du coût de la vie d'un secteur géographique à un autre. A l'origine, l'écart de traitement pouvait atteindre 20 % selon le lieu de travail. Actuellement, il existe encore trois zones : - zone 1 : 3 % du salaire brut ; - zone 2 : 1 % du traitement brut ; - zone 3 : pas d'indemnité de résidence. Des disparités existent donc entre des fonctionnaires territoriaux rémunérés au même indice et dont le lieu de travail n'est parfois distant que de quelques centaines de mètres. Cette disparité concerne non seulement les « territoriaux », mais également l'ensemble des agents de l'Etat exerçant sur la commune et rémunérés sur une échelle indiciaire de la fonction publique comme les enseignants ou le personnel de La Poste. Aujourd'hui, le contexte qui avait conduit à instaurer ces zones est différent et le coût de la vie en Ile-de-France, y compris dans les zones rurales, ne peut être comparé à celui des autres régions. Depuis l'origine du classement des communes en zones, certaines ont réussi à obtenir le classement en zone 1. C'est pourquoi, dans un souci de justice, il lui demande de bien vouloir faire procéder au classement de la commune de Bouafle, située au coeur du département des Yvelines, en zone 1.
N° 1186. - M. Roland Muzeau attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à l'industrie sur le projet de Thalès de fermer son site de Gennevilliers. Cette décision, prise unilatéralement par la direction, va une nouvelle fois pénaliser l'emploi dans un secteur, la « Boucle Nord », où les communes coopèrent avec l'Etat pour revitaliser les zones d'activités en friche. Elle est d'autant plus choquante que cette société, engagée alors dans des objectifs de redéveloppement de son site, a obtenu ces dernières années le concours plein et entier de la ville de Gennevilliers pour ses demandes de démolition de bâtiment, d'achat de terrain pour extension, de projet de construction de bureaux. La ville de Gennevilliers a mobilisé ses moyens et son savoir-faire pour accompagner cette démarche positive de développement en gelant des terrains limitrophes, destinés initialement à la venue d'autres sociétés, pour améliorer l'accès et la sécurité du site, et en réalisant plus de dix millions de francs de travaux lourds de voirie et de réseaux aux abords de Thomson. Cette fermeture serait lourde de conséquences. Elle viendrait ruiner les efforts d'arrêt des délocalisations mis en oeuvre par les communes engagées dans le redéveloppement de la « Boucle Nord » et heurter la politique d'aménagement durable décidée par le Gouvernement. Par ailleurs, l'Etat détient toujours une minorité de blocage au sein du conseil d'administration de cette société nationale. Aussi, il lui demande quelles sont les mesures envisagées pour stopper le processus d'abandon des efforts engagés de relance des activités du site pour empêcher les conséquences prévisibles de la fermeture en termes d'augmentation du chômage, de désertification urbaine, de vie sociale rendue encore plus difficile dans ce secteur du nord des Hauts-de-Seine, et pour en revenir au projet initial de redéveloppement du site acté par la ville.
N° 1188. - M. Bruno Sido appelle l'attention de M. le secrétaire d'Etat à l'industrie sur la mise en application de la loi n° 91-1381 du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs. Celle-ci, dans son article 4, prévoit, d'une part, que des travaux devront être menés simultanément pour conduire entre autres une « étude sur les possibilités de stockage réversible ou irréversible dans les formations géologiques profondes, notamment grâce à la réalisation de laboratoires souterrains ». Laboratoires souterrains figurant au pluriel, il devrait y en avoir au moins deux. Or, à ce jour, un seul est en fonctionnement. D'autre part, à l'article 4 toujours, il est précisé qu' « à l'issue d'une période qui ne pourra excéder quinze ans à compter de la promulgation de ladite loi, ce qui nous amène à décembre 2006, le Gouvernement adressera au Parlement un rapport global d'évaluation sur ces recherches, accompagné d'un projet de loi autorisant, le cas échéant, la création d'un centre de stockage des déchets radioactifs à haute activité et à vie longue et fixant le régime des servitudes et des sujétions afférentes à ce centre ». Or, M. le secrétaire d'Etat n'est pas sans savoir qu'à ce jour ces travaux n'ont toujours pas démarré et que les recherches ne commenceront pas, en tout état de cause, avant 2003, voire 2004. Son constat est donc le suivant : ce texte de loi n'est actuellement pas respecté (un seul laboratoire est en fonctionnement) ; ce texte de loi est inapplicable ; le retard considérable pris dans les recherches rend impossible la remise d'un rapport sur des travaux qui n'auront commencé que trois ans plus tôt et impensable l'élaboration d'un nouveau dispositif légal en 2006 dans ce domaine encore mal exploré. Il lui demande, par conséquent, de bien vouloir lui indiquer les mesures qu'il compte prendre afin de remédier à cette situation.
N° 1189. - M. Georges Mouly attire l'attention de Mme le secrétaire d'Etat aux personnes âgées sur la situation financière critique des associations prestataires d'aide à domicile pour personnes âgées, situation générée par l'impossibilité de répercuter les augmentations du coût de revient du personnel d'aide à domicile sur les bénéficiaires des prises en charge. Avec la mise en oeuvre de l'allocation prestation autonomie et la professionnalisation souhaitée du maintien à domicile, il lui demande donc si les légitimes revendications des associations peuvent être satisfaites, à savoir une rallonge budgétaire immédiate pour faire face au déficit des comptes d'exploitation, une augmentation de l'enveloppe des heures correspondant aux besoins réels constatés ainsi qu'une revalorisation du taux de remboursement horaire prenant en compte l'augmentation du SMIC et la mise en place des 35 heures, afin de s'engager concrètement vers une reconnaissance de la qualité du service rendu.
N° 1190. - M. Claude Biwer attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à l'industrie sur le très vif mécontentement suscité auprès de ses abonnés par la récente décision prise par EDF de majorer les tarifs du kWh de 1 % et bien plus encore par le refus opposé par Gaz de France de diminuer les prix du gaz à usage domestique. Il lui rappelle que ce dernier est indexé sur les prix du pétrole, lesquels ont baissé de plus de 30 % en quelques mois. Il lui demande de préciser les initiatives qu'il compte prendre visant à obtenir de cette entreprise publique qu'elle baisse, sans attendre, ses tarifs.
N° 1191. - M. Serge Vinçon souhaite interroger M. le ministre de la défense sur l'avenir de la Société nationale des poudres et explosifs (SNPE). Longtemps tournée vers le domaine militaire, elle est actuellement à vocation civile fortement majoritaire, soit 70 % du chiffre d'affaires en 2000. Elle s'est recentrée sur deux types principaux d'activités, les matériaux énergétiques et la chimie fine. Cependant, bien qu'ayant opéré une mutation réussie, la SNPE reste un petit groupe qui n'a pu trouver à ce jour de partenaire industriel, ni en France, ni en Europe, et ne peut poursuivre seule sa politique de croissance. C'est pourquoi, et afin que le succès de la mutation opérée soit confirmé, il convient de chercher pour chacun des deux secteurs principaux de l'entreprise, civil et militaire, des partenaires. Tel paraît être le sens des rapprochements que la société étudie actuellement avec la SNECMA, pour les activités militaires, et avec une entreprise à déterminer, pour les activités civiles, ce qui permettra ensuite une restructuration plus ample, nationale ou européenne. Il lui demande de bien vouloir lui indiquer, d'une part, l'état d'avancement des projets d'alliance de la SNPE, notamment Héraclès, et, d'autre part, la façon dont se répartira le pouvoir entre la SNPE et la SNECMA au sein d'Héraclès. Il aimerait savoir, enfin, comment il compte assurer, à terme, l'intégrité de la SNPE dans une politique de rapprochement et d'alliance par métier.
N° 1192. - Mme Nicole Borvo attire l'attention de M. le ministre délégué à la santé sur la situation des médecins à diplôme extra-Union européenne, et en particulier ceux ayant un statut d'attaché associé. Alors que ceux-ci assurent environ 60 % des gardes et des urgences, taux qui peut approcher les 100 % dans les hôpitaux généraux, ils sont placés sous des statuts spéciaux, précaires, sous-payés et discriminatoires. Si la situation des praticiens adjoints contractuels s'est améliorée, celle de plusieurs milliers de médecins, attachés associés, n'a pas changé. Elle a même empiré. Ils ont été nommés par les chefs de service et les directeurs des hôpitaux et exercent uniquement à l'hôpital. Ils ne sont pas inscrits au conseil de l'ordre des médecins. N'y a-t-il pas là une contradiction fondamentale avec le code de la santé, et en particulier avec l'article sur la pratique illégale de la médecine (ancien article codifié 372) ? Cette situation paraît d'autant plus contradictoire que cette catégorie de médecins a effectué plus de cinquante millions d'actes médicaux depuis vingt ans (diagnostic, traitement et suivi) qu'existe ce statut. Le professeur Amiel, dans le rapport officiel qu'il a remis au ministre de la santé en 1997, indiquait « qu'ils occupent des responsabilités cliniques de fait qui les mettent en position équivalente avec les médecins français ». Ils ont par ailleurs un diplôme reconnu équivalent scientifiquement par le ministère de l'éducation avec les diplômes français. Tout le monde se félicite de leurs compétences et de leur apport déterminant pour le bon fonctionnement du système de santé. Ils exercent comme médecin senior, forment les internes et externes et leurs actes sont facturés par les hôpitaux sur la base d'actes de médecins spécialistes. Ils sont responsables de leurs actes de médecin devant les tribunaux. La non-reconnaissance de cette réalité par leur ministère de tutelle n'a-t-elle pas pour résultat une surexploitation de ces médecins ? Ne faut-il pas au contraire redonner la plénitude de droit à ces médecins et reconnaître officiellement leur travail ? La loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 qui a été votée ne semble pas rétablir la plénitude de droit, la plénitude d'exercice sur la base d'un examen de chaque cas prenant en compte la réalité, les diplômes et l'expérience. Ceci est pourtant indispensable pour rétablir une situation de droit, de non-discrimination à l'hôpital. Par ailleurs, il faut savoir que la jurisprudence de la Cour de justice européenne permet aux médecins ressortissants français et européens une prise en compte de l'ensemble de leurs diplômes et de leur expérience en comparaison de l'exigence française sans les obliger à repasser examens et concours. A quel moment cette jurisprudence appliquée dans les autres pays européens pour l'ensemble des médecins ressortissants européens connaîtra une application en France ? Enfin, un arrêté du mois de février met en place, de fait, une différenciation et une diminution du montant des gardes de ces médecins vis-à-vis de leurs collègues. Cette mesure est ressentie comme une mesure humiliante et discriminatoire par ces médecins qui perçoivent un revenu de 9 000 F par mois au maximum, hors gardes. Elle lui demande ce qu'il compte faire pour revenir sur cette mesure et assurer un salaire digne à ces praticiens.
N° 1193. - M. Jean-Pierre Masseret appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur la faiblesse des retraites agricoles, malgré les efforts conséquents décidés par le gouvernement Jospin sur la proposition du ministre. La loi d'orientation agricole n° 99-574 du 9 juillet 1999 fait obligation d'améliorer chaque année le niveau des retraites agricoles : le ministre a plusieurs fois indiqué que le minimum vieillesse serait atteint en 2002. Qu'en est-il ? Au-delà, la question qui reste en suspens est celle de la création d'une retraite complémentaire obligatoire, qui est une nécessité. Des propositions existent. La meilleure solution serait un régime financé par répartition et par une contribution de l'Etat, eu égard à la situation démographique de l'agriculture. Il existe une proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale mais qui révèle quelques faiblesses qu'il faudra corriger. Quelles sont les intentions du Gouvernement pour permettre la création de la retraite complémentaire au bénéfice des agriculteurs et de leur conjoint ?
N° 1195. - M. Jean-Claude Carle appelle l'attention de M. le ministre de la défense sur la recrudescence de l'insécurité dans la moyenne vallée de l'Arve en Haute-Savoie et sur l'insuffisance des effectifs en gendarmerie. Dans ce secteur, quatre quartiers cumulent des difficultés urbaines et sociales et dix autres quartiers sont en voie de fragilisation sociale. Pour les brigades territoriales de Bonneville, Cluses et Scionzier, le diagnostic local de sécurité fait apparaître une augmentation globale de la délinquance entre 1999 et 2000. Pour l'année 2001, cette hausse serait supérieure encore. Le nombre d'actes de vols et de recels dépasse la moyenne nationale. La délinquance sur voie publique, c'est-à-dire celle qui touche le plus de citoyens, a augmenté. Sans compter les difficultés rencontrées par les pompiers pour intervenir, ni les dommages dont sont l'objet certains clubs sportifs. Dans le domaine de la prévention, les communes ont pris leurs responsabilités. C'est l'objet du contrat de ville, pour lequel les sept communes signataires de la moyenne vallée de l'Arve font un effort très important. C'est également le sens du recrutement de policiers municipaux supplémentaires. Tel n'est pas le cas de l'Etat, comme le montre l'insuffisance des effectifs de gendarmerie. Seule la commune de Cluses est couverte par une zone de police. Certes, des renforts ont été affectés à Bonneville mais sous la forme de renforts saisonniers, donc temporaires. Certes, une brigade a été créée à Marignier. Mais elle a eu pour conséquence de diminuer les effectifs de la brigade de Bonneville alors que la charge des transfèrements liée à la maison d'arrêt et aux audiences au tribunal mobilise les gendarmes. Pourquoi le Gouvernement ne prend-il pas en compte les statistiques officielles de la délinquance pour affecter les moyens de la force publique là où résident les besoins ? Pourquoi le Gouvernement ne tient-il pas compte des efforts réalisés par les communes et les maires pour renforcer la prévention ? Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour renforcer les effectifs en gendarmerie dans la moyenne vallée de l'Arve à la mesure des besoins d'un secteur dont la population a augmenté de 1 000 habitants par année depuis dix ans.
N° 1196. - M. Jacques Legendre attire l'attention de M. le ministre de la défense sur le projet de dissolution du 58e régiment d'artillerie, stationné à Douai. Ce projet a été annoncé brutalement et sans aucune discussion préalable fin juillet dernier. Une vive émotion et une profonde consternation en ont résulté, tant au sein de la population que parmi les élus qui la représentent. Or, dans le cadre du plan Armées 2000, la loi de programmation militaire n° 96-589 du 2 juillet 1996 prévoyait une augmentation nette des emplois militaires dans le Douaisis, grâce à la professionnalisation et au renforcement du 58e RA. Par ailleurs, une telle décision entraînerait des conséquences catastrophiques pour le Douaisis. Ainsi, 900 militaires, dont beaucoup venaient d'être recrutés, quitteront la région, soit en fait le départ de plus de 2 000 personnes, compte tenu des familles de ces derniers. L'économie locale se verra amputée d'un manque à gagner qui peut être évalué à plus de 100 millions de francs, tant en ce qui concerne les commerces que les entreprises (consommation, travaux maintenance...). 17 classes d'école devront fermer... Ces raisons ont poussé de nombreux élus locaux et parlementaires, dans une démarche consensuelle, à s'élever contre la disparition du 58e RA. Il lui demande donc si le Gouvernement entend revenir sur une décision dont les effets seraient dramatiques et désastreux localement, à un moment où l'actualité nous montre par ailleurs et malheureusement toute la pertinence pour notre pays de disposer d'un outil militaire de qualité.
N° 1198. - M. Jean Chérioux appelle l'attention de M. le ministre délégué à la santé sur la situation préoccupante de l'hôpital Saint-Michel, hôpital privé à but non lucratif participant au service public hospitalier, situé dans le XVe arrondissement de Paris, qui est aujourd'hui menacé de démantèlement et à brève échéance de fermeture. Il se permet de lui rappeler qu'il avait été saisi de cette situation en mars dernier par une délégation de Saint-Michel venue faire part de ses craintes quant à l'avenir de l'établissement. En effet, la commission exécutive de l'agence régionale de l'hospitalisation d'Ile-de-France (ARH-IF) avait refusé à Saint-Michel, le 18 octobre et le 20 décembre 2000, les autorisations d'activité relatives à la néonatologie et à la chirurgie qui représentaient 60 % de l'activité de l'hôpital. Il convient de souligner que l'hôpital Saint-Michel, avec un effectif de 700 personnes, accueille chaque année 10 000 malades en hospitalisation, 18 000 urgences et 100 000 consultations. Il rend donc un service irremplaçable à la population du sud-ouest de Paris, qui reste en conséquence particulièrement attentive à l'évolution de la situation. A la suite de l'entretien précité avec la délégation de Saint-Michel, le ministre avait pris un double engagement : prendre en considération « les craintes exprimées par les représentants de l'établissement » ; mettre à l'étude, dans un délai de deux mois, « un projet sur la base du maintien d'une partie des activités chirurgicales et de l'évaluation d'un projet de développement d'un pôle mère-enfant ». Il en est résulté une instruction du ministère au directeur de l'ARH-IF, en date du 22 juin, demandant d'inscrire la restructuration de l'hôpital Saint-Michel « dans une complémentarité renforcée et équilibrée » avec les établissements de l'APSPH du sud de Paris. Aussi, il lui demande quelle a été la suite donnée à cette instruction.
N° 1200. - M. Michel Sergent appelle l'attention de M. le secrétaire d'Etat à l'industrie sur les décisions prises dans le Pas-de-Calais par les services d'EDF. Il lui rappelle que la loi du 8 avril 1946, toujours en vigueur et portant sur la nationalisation de l'électricité et du gaz, a désigné sur l'ensemble du territoire national un opérateur unique et « obligé » pour assurer cette mission de service public, mission qui ne peut se faire que sous forme de concession. Il précise que, dans le Pas-de-Calais, un des dix-sept départements français dits « en régime urbain », la fédération départementale d'énergie exerce au nom de toutes les communes son rôle d'autorité concédante en déléguant sous forme de contrat de concession le service public de distribution d'énergie électrique au concessionnaire EDF. Il estime qu'aujourd'hui ce concessionnaire EDF ne respecte pas les obligations en n'assumant pas la maîtrise d'ouvrage de tous les travaux, notamment dans le cadre des effacements de réseaux voulus et financés totalement par les collectivités. Il lui demande donc si EDF est en droit de refuser cette maîtrise d'ouvrage, sachant notamment que la collectivité ne peut pas assurer une maîtrise d'ouvrage indépendante puisque EDF garde le droit de regard sur les études, le choix des entreprises, le tracé des ouvrages et les schémas d'exploitation des réseaux.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON

ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mercredi 5 décembre 2001


SCRUTIN (n° 25)



sur l'amendement n° II-54, présenté par le Gouvernement tendant à majorer les crédits du titre III du ministère de la défense, inscrits à l'article 31 du projet de loi de finances pour 2002, adopté par l'Assemblée nationale.


Nombre de votants : 313
Nombre de suffrages exprimés : 313
Pour : 114
Contre : 199

Le Sénat n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Pour : 23.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (20) :

Pour : 7. _ MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré et François Fortassin

Contre : 13.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (95) :

Pour : 1. _ M. Philippe François.
Contre : 93.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat.

GROUPE SOCIALISTE (83) :

Pour : 83.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (53) :

Contre : 52.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Daniel Hoeffel, qui présidait la séance.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (41) :

Contre : 41.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (6) :

N'ont pas pris part au vote : 6.

Ont voté pour


Nicolas Alfonsi
Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Yvon Collin
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Guy Fischer
François Fortassin
Thierry Foucaud
Philippe François
Jean-Claude Frécon
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber

Ont voté contre


Nicolas About
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Xavier Darcos
Robert Del Picchia
Jean-Paul Delevoye
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Yves Détraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Alain Joyandet
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kerguéris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto

N'ont pas pris part au vote


MM. Philippe Adnot, Philippe Darniche, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. Hubert Durand-Chastel, Bernard Seillier et Alex Türk, Christian Poncelet, président du Sénat, et Daniel Hoeffel, qui présidait la séance.



Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 314
Nombre des suffrages exprimés : 314
Majorité absolue des suffrages exprimés : 158
Pour : 114
Contre : 200

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.

SCRUTIN (n° 26)



sur l'article 31 du projet de loi de finances pour 2002, adopté par l'Assemblée nationale (budget de la Défense, titre III).


Nombre de votants : 312
Nombre de suffrages exprimés : 289
Pour : 90
Contre : 199

Le Sénat n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Abstentions : 23.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (20) :

Pour : 8. _ MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, François Fortassin et Daniel Soulage.

Contre : 12.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (95) :

Contre : 94.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat.

GROUPE SOCIALISTE (83) :

Pour : 82.
N'a pas pris part au vote : 1. _ Mme Marie-Christine Blandin.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (53) :

Contre : 52.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Daniel Hoeffel, qui présidait la séance.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (41) :

Contre : 41.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (6) :

N'ont pas pris part au vote : 6.

Ont voté pour


Nicolas Alfonsi
Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Didier Boulaud
André Boyer
Yolande Boyer
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Yvon Collin
Gérard Collomb
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
François Fortassin
Jean-Claude Frécon
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Daniel Soulage
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber

Ont voté contre


Nicolas About
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Xavier Darcos
Robert Del Picchia
Jean-Paul Delevoye
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Yves Détraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Alain Joyandet
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kerguéris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bruno Sido
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto

Abstentions


François Autain
Jean-Yves Autexier
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Nicole Borvo
Robert Bret
Yves Coquelle
Annie David
Michelle Demessine
Evelyne Didier
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Gérard Le Cam
Paul Loridant
Hélène Luc
Josiane Mathon
Roland Muzeau
Jack Ralite
Ivan Renar
Odette Terrade
Paul Vergès

N'ont pas pris part au vote


MM. Philippe Adnot, Marie-Christine Blandin, Philippe Darniche, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. Hubert Durand-Chastel, Bernard Seillier, Alex Türk, Christian Poncelet, président du Sénat, et Daniel Hoeffel, qui présidait la séance.



Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 293
Nombre des suffrages exprimés : 270
Majorité absolue des suffrages exprimés : 136
Pour : 82
Contre : 188

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.

SCRUTIN (n° 27)



sur l'article 32 du projet de loi de finances pour 2002, adopté par l'Assemblée nationale (budget de la Défense, titre V).


Nombre de votants : 312
Nombre de suffrages exprimés : 289
Pour : 89
Contre : 200

Le Sénat n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Abstentions : 23.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (20) :

Pour : 7. _ MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré et François Fortassin.

Contre : 13.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (95) :

Contre : 94.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat.

GROUPE SOCIALISTE (83) :

Pour : 82.
N'a pas pris part au vote : 1. _ Mme Marie-Christine Blandin.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (53) :

Contre : 52.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Daniel Hoeffel, qui présidait la séance.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (41) :

Contre : 41.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (6) :

N'ont pas pris part au vote : 6.

Ont voté pour


Nicolas Alfonsi
Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Didier Boulaud
André Boyer
Yolande Boyer
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Yvon Collin
Gérard Collomb
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
François Fortassin
Jean-Claude Frécon
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber

Ont voté contre


Nicolas About
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Xavier Darcos
Robert Del Picchia
Jean-Paul Delevoye
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Yves Détraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Alain Joyandet
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kerguéris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto

Abstentions


François Autain
Jean-Yves Autexier
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Nicole Borvo
Robert Bret
Yves Coquelle
Annie David
Michelle Demessine
Evelyne Didier
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Gérard Le Cam
Paul Loridant
Hélène Luc
Josiane Mathon
Roland Muzeau
Jack Ralite
Ivan Renar
Odette Terrade
Paul Vergès

N'ont pas pris part au vote


M. Philippe Adnot, Mme Marie-Christine Blandin, M. Philippe Darniche, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. Hubert Durand-Chastel, Bernard Seillier , Alex Türk, Christian Poncelet, président du Sénat, et Daniel Hoeffel, qui présidait la séance.



Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 313
Nombre des suffrages exprimés : 290
Majorité absolue des suffrages exprimés : 146
Pour : 89
Contre : 201

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.

SCRUTIN (n° 28)



sur l'amendement n° II-32 , présenté par M. Gérard Braun au nom de la commission des finances, à l'article 78 du projet de loi de finances pour 2002, adopté par l'Assemblée nationale (budget de la fonction publique et de la réforme de l'Etat).


Nombre de votants : 313
Nombre de suffrages exprimés : 312
Pour : 199
Contre : 113

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Contre : 23.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (20) :

Pour : 13.
Contre : 7. _ MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré et François Fortassin.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (95) :
Pour : 94.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat.

GROUPE SOCIALISTE (83) :

Contre : 83.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (53) :

Pour : 51.
Abstention : 1. _ M. Jean-Jacques Hyest.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Daniel Hoeffel, qui présidait la séance.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (41) :

Pour : 41.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (6) :

N'ont pas pris part au vote : 6.

Ont voté pour


Nicolas About
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Xavier Darcos
Robert Del Picchia
Jean-Paul Delevoye
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Yves Détraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Jean-François Humbert
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Alain Joyandet
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kerguéris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto

Ont voté contre


Nicolas Alfonsi
Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Yvon Collin
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Guy Fischer
François Fortassin
Thierry Foucaud
Jean-Claude Frécon
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber

Abstention


M. Jean-Jacques Hyest.

N'ont pas pris part au vote


MM. Philippe Adnot, Philippe Darniche, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. Hubert Durand-Chastel, Bernard Seillier et Alex Türk, Christian Poncelet, président du Sénat, et Daniel Hoeffel, qui présidait la séance.



Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 300
Nombre des suffrages exprimés : 299
Majorité absolue des suffrages exprimés : 150
Pour : 187
Contre : 112

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.