SEANCE DU 3 DECEMBRE 2001


« Crédits de paiement : 1 288 211 000 euros. »
La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Pour me prononcer sur ces crédits, j'ai besoin d'explications supplémentaires sur le financement des documents d'urbanisme.
La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains contient, outre les dispositions critiquables que je viens d'évoquer, une mesure que je qualifierai d'hypocrite ; en vertu de laquelle les services de l'Etat pourront être mis gratuitement à la disposition des maires pour l'élaboration des plans locaux d'urbanisme et des schémas de cohérence territoriale.
Voilà comment l'Etat s'exonère de ses responsabilités et contrevient aux principes posés par les lois de décentralisation en vertu desquels il ne saurait y avoir transfert de compétences sans un transfert de ressources !
Quinconque connaît le manque de moyens des services de l'équipement et les difficultés qu'ils rencontrent pour venir en aide aux communes comprendra notre étonnement. Celui-ci est d'autant plus grand que chacun connaît les relations parfois complexes entre les élus et les DDE.
On demande aux services déconcentrés d'être à la fois les rédacteurs des plans locaux d'urbanisme et les contrôleurs de leur légalité, autrement dit d'être auteurs et censeurs en même temps.
Mais, me direz-vous, madame le secrétaire d'Etat, des crédits sont consacrés par l'Etat à l'élaboration de ces documents d'urbanisme. C'est vrai ; ils s'élèvent, si j'en crois les informations dont je dispose, à 100 millions de francs inscrits au chapitre 41-56, à l'article 10, au titre du budget du ministère de l'intérieur. S'y ajoutent 66 millions de francs au chapitre 57-30-40, au titre de votre département ministériel.
Au total, ces crédits sont censés permettre - excusez du peu - non seulement la réalisation des sept directives territoriales d'aménagement, qui en sont à différents stades d'évolution, mais aussi des dizaines de schémas de cohérence territoriale, dont l'entrée en vigueur conditionne la constructibilité dans les communes situées à moins de quinze kilomètres d'une agglomération de plus de 15 000 habitants ou du rivage de la mer. Ces crédits devraient aussi pouvoir financer l'élaboration de centaines de PLU et de cartes communales.
Autant dire que les finances locales vont être rudement mises à contribution dans les mois à venir pour l'élaboration du document d'urbanisme.
Selon des informations concordantes, il semblerait que les sociétés de conseils et les cabinets d'urbanisme profitent de l'accroissement de la demande de documents d'urbanisme pour augmenter considérablement leurs prix. Cela leur est d'autant plus aisé que les collectivités locales ont besoin d'eux dans des délais très brefs puisqu'elles sont prises au piège de l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme, que nous avons évoqué tout à l'heure.
C'est pourquoi, madame le secrétaire d'Etat, j'aimerais connaître le coût moyen d'un SCOT, d'un PLU et d'une carte communale. J'aimerais connaître également l'estimation du surcoût occasionné aux collectivés locales par l'entrée en vigueur de la loi SRU. J'aimerais surtout connaître les mesures que vous entendez prendre pour venir en aide à ces collectivités. (Très bien ! et applaudissement sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Jean-Pierre Schosteck. Ça, c'est le droit public !
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat. J'ai déjà répondu sur ce point.
Il s'agit d'un principe de droit : depuis 1983, l'ensemble des crédits qui étaient affectés aux études nécessaires à l'élaboration des POS et autres documents d'urbanisme ont été décentralisés au sein de la dotation générale de décentralisation, la DGD.
Depuis lors, personne ne s'est bousculé pour réaliser des études ! Monsieur le sénateur, il faudrait être cohérent : on ne peut à la fois recevoir des crédits pour effectuer des études puis, quand ces études doivent être faites, demander à l'Etat de les financer, même si c'est lui qui modifie les règles globales !
Les collectivités locales doivent suivre l'évolution de leurs territoires grâce à des études régulières. Tout évolue : les préoccupations et les attentes de nos concitoyens en matière d'environnement, en matière d'urbanisme ont changé ; les projets se sont transformés.
Or il y a des POS qui n'ont pas été modifiés depuis quinze à vingt ans. Les crédits de la DGD ont été touchés sans que la moindre étude soit faite sur le terrain. Et au moment où une étude se révèle indispensable, il faudrait que l'Etat finance !
M. Ladislas Poniatowski. C'est l'Etat qui a fait la loi SRU !
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat. Evidemment, c'est l'Etat qui fait la loi, ou plus exactement le Parlement !
Si on demandait sans arrêt de nouvelles études, je pourrais admettre que les collectivités locales fassent des difficultés. Mais tel n'est pas le cas !
M. Jean-Pierre Schosteck. Si !
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat. Au demeurant, les services de l'Etat sont renforcés pour faciliter la mise en oeuvre de la loi SRU. Ainsi, quarante postes ont été créés dans les services de l'habitat et de l'urbanisme au sein des directions départementales et de l'équipement, pour permettre d'aider au mieux les collectivités territoriales. (M. Chérioux proteste.)
M. Jean-Pierre Schosteck. Ils ne répondent à rien !
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat. Vous demandez de la souplesse ; les collectivités locales réclament de l'indépendance. Eh bien, les SCOT et les PLU ne sont pas que de simples documents techniques ; ce sont de véritables projets de territoire !
Autant la DDE peut aider les collectivités locales dans la mise en oeuvre technique du projet de territoire,...
M. Jean-Pierre Schosteck. Non !
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat. ... autant ; pour effectuer les études nécessaires, elles ont intérêt à faire appel à des urbanistes, à des agences d'urbanisme. Avec ces professionnels, elles pourront librement organiser leur territoire. Ensuite, la DDE sera à même de donner des conseils techniques.
M. Jean-Pierre Schosteck. Non !
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat. Admettez qu'il n'est pas sain de demander à l'Etat d'avoir l'initiative du projet de territoire et d'en déterminer les éléments ! Vous auriez beau jeu ensuite, mesdames, messieurs les sénateurs, et à juste titre, de dire que c'est l'Etat qui décide de vos projets ruraux et urbains !
Parmi les pays de l'Union européenne, notre pays est l'un de ceux qui investit le moins dans les études d'urbanisme et de paysage. Nous y consacrons beaucoup moins de moyens que nos collègues allemands, et pourtant la France est si belle dans tous ses territoires !
M. Jean Chérioux. C'est peut-être pour cela !
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat. Voyons, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est une richesse pour les collectivités locales que de pouvoir réfléchir librement sur leurs projets d'avenir !
Je vous rappelle, par ailleurs, qu'il n'est pas indispensable que les SCOT soient achevés pour que l'urbanisation et l'évolution du territoire se mettent en oeuvre.
Il n'y a donc pas lieu de se précipiter au risque de mal établir le document. Il vaut mieux prendre du temps, ce qui rend possibles les ajustements dans l'intervalle. Dès lors, les effets sur les prix auxquels vous avez fait allusion devraient être réduits.
J'ai d'ailleurs demandé à la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de se montrer vigilante afin que les coûts de ces études ne connaissent pas une hausse anormale.
M. le président. Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les service communs, l'urbanisme et le logement.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures quinze.)