SEANCE DU 30 NOVEMBRE 2001


M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant l'industrie (et La Poste).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean Clouet, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite commencer mon propos comme un conte de fée : « Il était une fois... » Il était une fois, dans la structure gouvernementale française, un ministère parmi les plus importants. Ce ministère a eu comme ministres des hommes remarquables et il comptait, comme débouché, pour l'un des plus grands corps de l'Etat. Ce ministère, nous le cherchons en vain de nos jours : c'était celui de l'industrie. Mais il a été progressivement phagocyté par le ministère des finances. Il n'a donc plus ni budget ni, en dépit des qualités des hommes qui en ont la charge, le même prestige qu'autrefois. De ce fait, ses services risquent de devenir moins attirants.
J'ai noté cette perte d'expertise, que vous semblez en voie de combler, si mes informations sont exactes, en créant un nombre important de postes d'ingénieurs des mines, qui devraient donc en renforcer la capacité technique. Par ailleurs, un Conseil de développement économique et de stratégie industrielle vient d'être créé - mais il n'a pas encore fait ses premières armes - auprès du secrétaire d'Etat à l'industrie et du secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises. Nous verrons ce qu'il en adviendra !
En l'absence du budget, il est difficile d'avoir un rapporteur du budget : il y a donc des chasseurs d'agrégats.
On va à la chasse aux agrégats dans le budget du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, et l'on trouve quatre agrégats spécifiques à l'industrie. Cette année, cependant, un cinquième agrégat apparaît, qui n'est pas spécifiquement industriel puisqu'il est partagé avec les PMI et l'environnement : c'est celui qui finance les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, les DRIRE.
Si je mets de côté ce demi-agrégat, en quelque sorte, par rapport à l'année dernière, les quatre agrégats spécifiques sont en recul d'environ 3,6 %, ce qui en soi n'est pas considérable et, de surcroît, n'a guère de signification, notamment parce que les reports de crédits sont particulièrement importants. Même dans le cas de l'Agence nationale de valorisation de la recherche, l'ANVAR, on a pu constater qu'ils représentaient, avec le produit du remboursement des avances, à peu près autant que les crédits prévus pour cette année.
On constate donc d'importants reports et - vous nous éclairerez sans doute à cet égard, monsieur le secrétaire d'Etat - des transferts du budget de la défense en cours d'exercice. Ces transferts ne sont pas chiffrés, mais ils atteindraient 150 millions à 160 millions d'euros.
De surcroît, ces agrégats sont extrêmement évolutifs en cours d'année et, par rapport à l'année dernière, ils ont un périmètre « déformable ». On a vu ainsi apparaître un médiateur de La Poste : je n'ai rien contre les médiateurs ni contre La Poste, mais je me demande en quoi c'est un problème industriel.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. C'est à la mode !
M. Jean Clouet, rapporteur spécial. Ensuite, en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection, des transferts de crédits ont été opérés en provenance du budget de la défense, et le secrétariat d'Etat aux petites et moyennes entreprises a reçu des crédits de l'Agence pour la création d'entreprises.
Alors, que reste-t-il dans ces agrégats ? Naturellement, le rapport écrit en donne des tableaux tout à fait complets, mais il est frappant de constater que les crédits sont consacrés plutôt à l'apurement du passé qu'à la construction du futur. En effet, la seule subvention octroyée aux Charbonnages de France atteint un quart du total des crédits, qui s'établit à 16 milliards de francs.
Par ailleurs, certains crédits ne concernent pas vraiment l'industrie : je ne comprends pas pourquoi on s'obstine à vous faire financer les transports de presse pour une somme relativement importante, puisqu'elle doit approcher les 300 millions d'euros.
En conclusion - et ce n'est pas une surprise, nous en avons déjà parlé - les crédits du secrétariat d'Etat à l'industrie m'apparaissent comme une sorte de tirelire d'appoint circonstancielle : on y importe des crédits venus d'ailleurs, par exemple de la défense, et on en exporte d'autres, de sorte qu'il est très difficile, à partir de ces quatre agrégats, de se faire une idée de la politique industrielle de la France et de la façon dont elle est financée. Je me répète d'une année sur l'autre, mais peut-être un jour aurons-nous vraiment connaissance du total de la participation publique à la politique industrielle. C'est une lacune que vous comblerez certainement, monsieur le secrétaire d'Etat, et je vous en remercie.
M. le président. La parole est à M. Grignon, rapporteur pour avis.
M. Francis Grignon, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan pour l'industrie. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, malgré l'optimisme de M. le secrétaire d'Etat, les crédits demandés au titre de l'industrie dans le projet de loi de finances pour 2002, qui s'établissent à 1 958 millions d'euros, sont en baisse de 4,9 %.
Comme l'an dernier, on nous annonce des reports en cours d'exercice pour préserver les capacités d'engagement de l'Etat. Cette argumentation me laisse personnellement sceptique, la présence de ces reports montrant davantage l'incapacité de l'Etat à mettre en oeuvre des politiques efficaces pour consommer les crédits budgétaires que la conduite d'une véritable stratégie industrielle. Pourtant, les sombres perspectives pour 2002 s'agissant de l'industrie manufacturière incitent moins que jamais à baisser les bras.
J'aimerais insister sur l'importance des masses budgétaires dont nous discutons. Parmi celles-ci figurent les crédits « offensifs » de soutien à l'innovation, comme ceux de l'ANVAR, qui voit sa dotation budgétaire stagner ; ou encore les crédits « défensifs » de réindustrialisation, particulièrement vitaux pour les territoires actuellement touchés par les restructurations industrielles : je pense non seulement au cas Moulinex, aux salariés et au département concernés, auxquels je m'associe, mais aussi à l'hémorragie silencieuse de certains secteurs industriels comme le textile, l'habillement et la chaussure.
Avec la mise en oeuvre des accords de Marrakech et l'accord envisagé avec le Pakistan, le phénomène de délocalisation observé dans ce secteur risque de s'amplifier. La commission des affaires économiques s'inquiète d'ailleurs vivement de la perte d'attractivité économique du territoire français, constat désormais partagé dans tous les rangs, des rapports du Sénat au rapport Charzat.
Dans la construction navale, fragilisée par le dumping sud coréen, quelle position défendra le Gouvernement lors du prochain Conseil « industrie » sur le mécanisme défensif temporaire proposé pour la construction navale française et européenne ?
Dans le secteur automobile, à l'échéance de septembre 2002, le système actuel de distribution sera réformé, le règlement européen arrivant à échéance. La Commission européenne entend distendre les liens entre la vente et l'après-vente automobile, car elle estime qu'il en résulte des entraves concurrentielles sur le marché automobile européen. La France est particulièrement concernée, car, sans parler de la construction automobile, la distribution automobile y représente 4 200 concessionnaires et 15 000 agents, soit 230 000 emplois, largement répartis sur le territoire. Le Gouvernement entend-il défendre à Bruxelles le lien entre la vente et l'après-vente automobile ?
Pour conclure, permettez-moi d'évoquer la mise en place du brevet communautaire et la réforme du brevet européen.
La France souffre d'un déficit en matière de brevets, qui est désormais reconnu. La commission des affaires économiques s'est prononcée pour la réforme linguistique du brevet européen et pour la création d'un brevet communautaire. Ces réformes n'auront cependant d'effet que si elles sont accompagnées d'un vaste plan national de sensibilisation des chercheurs, des industriels et des juridictions à l'importance de la propriété industrielle.
Au-delà de la mise en musique technique, qui est du ressort de l'Institut national de la propriété industrielle, l'INPI, de l'ensemble de ces mesures, c'est sur l'élan politique de ce « plan brevets » - un plan que nous appelons de nos voeux - que j'aimerais vous entendre, monsieur le secrétaire d'Etat. Quels sont vos projets et quelle est votre détermination ?
Peu convaincue par ce budget, la commission des affaires économiques a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de l'industrie inscrits dans le projet de loi de finances pour 2002. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Besson, rapporteur pour avis.
M. Jean Besson, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan pour l'énergie. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la commission des affaires économiques du Sénat s'est toujours montrée soucieuse d'une ouverture raisonnée des marchés de l'énergie, dans l'intérêt des consommateurs. C'est compte tenu de cette orientation générale que j'ai, en son nom, examiné le budget qui nous est soumis.
A titre personnel, vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, je l'approuve sans réserve.
Dans cette courte intervention, je souhaite vous faire part de quelques-unes des préoccupations de notre commission qui concernent les principales sources d'énergie consommées par les Français : l'électricité, le gaz, le pétrole et les énergies renouvelables.
S'agissant du secteur électrique, notre attention s'est portée cette année sur la nécessité de voir fonctionner rapidement le fonds du service public de la production d'électricité. Ce fonds doit servir à compenser les surcoûts qui résultent, pour l'opérateur historique, de l'obligation d'achat prévue par la loi de février 2000. Cette question est d'autant plus importante qu'un récent décret a fixé un prix de rachat très favorable pour l'électricité d'origine éolienne.
Notre commission souhaite que ce fonds fonctionne dès que possible. J'ai relevé avec intérêt que, devant la commission de la production et des échanges de l'Assemblée nationale, vous aviez, monsieur le secrétaire d'Etat, évoqué la possibilité de faire figurer sur les factures adressées aux consommateurs le coût exact qui leur est imputé au titre du développement des énergies renouvelables. Cette innovation pourrait-elle entrer en vigueur prochainement ?
Un autre grand chantier est également ouvert dans le secteur électrique, celui de la « mise à plat » des relations entre les collectivités concédantes et le réseau de transport d'électricité. Comme vous le savez, les autorités concédantes ont quelque peine à obtenir l'inventaire des réseaux qui leur appartiennent puisque Electricité de France considérait jusqu'à récemment encore que les lignes concédées étaient sa propriété. Que comptez-vous faire, monsieur le secrétaire d'Etat, pour soutenir les légitimes revendications des communes et des collectivités concédantes ?
Dans le secteur pétrolier, c'est principalement la desserte de notre pays en carburants qui nous préoccupe. Nous observons, en effet, une diminution du nombre de stations-service. Je vous le demande solennellement, au nom de notre commission, les fonds dont dispose le comité professionnel de la distribution des carburants sont-ils suffisants pour enrayer une évolution que d'aucuns considèrent comme inéluctable ?
Permettez-moi, enfin, d'évoquer le secteur des énergies renouvelables.
Notre attention a été appelée par le rapport d'activité de la Commission de régulation de l'électricité, la CRE, sur l'intérêt du système dit des « certificats verts ». Ces certificats permettent de payer plus cher de l'électricité produite à partir d'énergies renouvelables. Envisagez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, de recourir en France à ce système plus transparent que les mécanismes en vigueur ?
Nous souhaitons également que les pouvoirs publics prennent en compte la nécessité de combler le retard qui commence à se creuser, en France et à l'étranger, dans le secteur de la pile à combustible. L'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a présenté récemment, sur ce point, des conclusions fort éclairantes que nous nous devions d'évoquer à l'occasion de la discussion de ce budget.
Enfin, s'agissant des éoliennes, je tiens à vous faire part d'interrogations exprimées par plusieurs de nos collègues. La construction de fermes éoliennes s'accélère, souvent sans être souhaitée par la population, qui trouve à redire lorsqu'elle se trouve dans leur voisinage. Ces machines seraient bruyantes et dangereuses pour les oiseaux. Ne conviendrait-il pas, en conséquence, de revoir les conditions dans lesquelles il est loisible de les construire, le cas échéant après une enquête publique ?
En conclusion, permettez-moi de préciser, monsieur le secrétaire d'Etat, que, contrairement à la proposition de son rapporteur pour avis, la majorité de la commission des affaires économiques a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de l'énergie inscrits dans le projet de loi de finances pour 2002. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Hérisson, rapporteur pour avis.
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan pour les technologies de l'information et La Poste. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les crédits consacrés à La Poste et aux technologies de l'information s'élèvent à 438 millions d'euros, en hausse de 2,2 %, auxquels il faut ajouter 4 milliards d'euros de prise en charge - en totalité pour France Télécom et en partie pour La Poste - des retraites. On y cherche en vain les 500 millions de francs que l'Etat, lors du comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire qui s'est tenu à Limoges, le 9 juillet dernier, a annoncé vouloir affecter à la couverture du territoire en téléphonie mobile !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Oh !
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. Les crédits demandés pour l'Autorité de régulation des télécommunications, l'ART ; soit 16 millions d'euros, classent la France au dernier rang européen. Il en coûte, en France, pour la régulation des télécommunications, 1,75 franc par an et par habitant, contre 2,25 francs en Espagne, 2,95 francs en Italie, et 3,51 francs en Grande-Bretagne, soit deux fois plus.
Je souligne, au passage, monsieur le secrétaire d'Etat, que la question de la retraite des membres du collège de l'ART, maintes fois soulevée auprès de la direction du budget, n'est toujours pas réglée.
Or le besoin de régulation est croissant, qu'il s'agisse du « dégroupage » de la boucle locale, confiné aux grandes villes faute de tarifs attractifs malgré de nombreux effets de manche, ou des forfaits d'accès illimité à Internet, pour ne citer que les deux cas les plus voyants.
Dans le secteur postal, attendons-nous, en 2001 et en 2002, à une forte dégradation des résultats de l'opérateur, à l'image du véritable effondrement du résultat d'exploitation - moins 29 % - et du résultat net - moins 38 % - en 2000. Quelle est la cause de ces résultats ? C'est le coût du passage aux 35 heures !
Il faut aussi noter, en prime, des indicateurs de qualité de distribution du courrier dégradés : 73 % seulement à J + 1, contre un objectif de 80 %.
Quels artifices, quels « événements exceptionnels » allez-vous trouver, en 2001 et en 2002, pour maquiller la déconfiture des comptes postaux ? A coup sûr, vous allez mettre en avant la vente de l'immobilier postal, sur l'air de Tout va très bien, madame la marquise, avec l'objectif d'atteindre les 180 millions d'euros de résultats déclenchant le mécanisme d'intéressement signé avec les personnels. Belle avancée sociale, mais gare aux risques de conflit si le mécanisme venait à s'enrayer !

Sur le même air du « tout va très bien », l'ouverture à la concurrence, que vous auriez si bien négociée à Bruxelles, réduira, au-delà de 2006, le monopole au courrier de 50 grammes, une « étape décisive » de libéralisation étant prévue en 2009, ce qui signifie, pour beaucoup d'Etats membres, une ouverture totale à la concurrence. Il est vrai que, d'ici là, les échéances seront passées... A résister trop obstinément, la France a dû lâcher prise plus qu'il n'aurait été souhaitable. Que cela serve de leçon pour le gaz !
Ma question est simple : qu'avez-vous fait et que comptez-vous faire pour préparer La Poste ?
Je ne cite plus que pour le compte rendu officiel de nos travaux la loi postale « virtuelle », à la discussion de laquelle vous vous étiez, un temps, engagé dans cet hémicycle : c'était en février 1999.
Quant à nous, nous avons pris nos responsabilités et fait nos propres propositions dans plusieurs rapports et propositions de loi. Je rappellerai, notamment, le rapport du sénateur Gérard Larcher, que vous aviez taxé de vouloir privatiser La Poste, monsieur le secrétaire d'Etat, alors qu'il n'en est pas question, en tout cas dans ce rapport.
L'immobilisme condamne La Poste. Les charges de retraites sont une véritable bombe à retardement puisque, à compter de 2010, le rapport retraités sur actifs égalera puis dépassera 1 ; le tabou de la sociétisation et de la filialisation des services financiers condamne l'opérateur à une solitude fatale ; l'aménagement postal du territoire fait peser sur lui et, de plus et plus, sur les communes, 3,5 milliards de francs de surcoût par an, alors que le besoin d'adaptation du réseau est patent : 2 000 bureaux ont moins d'une heure d'activité par jour, alors que les zones urbaines et périurbaines sont mal couvertes par le réseau postal.
Pourquoi refuser obstinément la fixation du prix du timbre à 50 centimes d'euro ? Ce serait une mesure de simplification pour les consommateurs et une bouffée d'oxygène pour La Poste qui en a le plus grand besoin ? Il va de soi que la marge de manoeuvre dégagée devrait, à mon sens, être affectée au financement de l'aménagement postal du territoire.
Quant au secteur des technologies de l'information, il est affecté par l'éclatement de la « bulle Internet ».
Les conditions d'introduction de l'UMTS en Europe ont une lourde responsabilité dans ce marasme. Je ne reviendrai pas sur le prix des licences en France, que nous avons modifié avant hier, dans cet hémicycle, dans une optique d'aménagement du territoire et de solidarité.
L'expérience de la téléphonie mobile de deuxième génération nous montre que des zones d'ombre subsistent, même à maturité du marché, puisque, aujourd'hui, ce sont au moins 1 500 communes, soit 8,2 % du territoire, qui ne sont pas couvertes. Je ne parle pas en termes de population, car nous ne pouvons mettre en parallèle des populations sédentaires et une téléphonie mobile.
Les mesures réelles, réalisées par l'ART, font apparaître, d'ailleurs, un taux inférieur : 20 % environ du territoire ne seraients pas couverts.
Vous avez pris la liberté d'annoncer, le 9 juillet dernier, 500 millions de francs de financement des collectivités locales pour parfaire cette couverture. C'est de la péréquation inversée : les collectivités les plus riches ont eu le GSM immédiatement, et sans débourser un sou ; les départements ruraux devront attendre, et payer !
Vous avez, depuis, précisé, monsieur le secrétaire d'Etat, que les opérateurs s'étaient engagés à payer plus, et à alléger d'autant la facture pour les collectivités. Oui, mais... seuls deux opérateurs sur trois auraient, selon nos informations, pris de tels engagements, et encore s'appliquent-ils, selon eux, non pas exclusivement à la couverture des zones d'ombre, mais bien à l'amélioration du réseau en général. Alors, monsieur le secrétaire d'Etat, qui a raison, qui a tort ? Où se situe la vérité ? Que contiennent ces fameuses lettres des opérateurs, dont le Gouvernement semble si friand ces derniers temps ?
Vous comprendrez, dans ces conditions, que la commission des affaires économiques et du Plan ait émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de La Poste et des technologies de l'information. (M. le rapporteur spécial applaudit.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 24 minutes ;
Groupe socialiste, 25 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 13 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 6 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 10 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'évoquerai moins les chiffres de ce budget que des préoccupations concernant des aspects de la tutelle du secrétaire d'Etat.
Tout d'abord, le potentiel des écoles qui dépendent de votre département ministériel, monsieur le secrétaire d'Etat, est-il suffisamment connu et reconnu ? Il s'agit, en effet, des écoles des Télécom, réunies dans le cadre du groupe des écoles des télécommunications, le GET, et des écoles des Mines, qui constituent ensemble, probablement, le fleuron de l'enseignement supérieur français et dont la capacité et les qualités sont universellement connues, tant du point de vue pédagogique que du point de vue de la recherche. Leur compétence, dans ce domaine, est probablement plus large que leur nom ne le laisse deviner puisqu'elle s'étend, notamment, à toutes les nouvelles technologies de l'information et de la communication et à des domaines aussi prioritaires que celui des matériaux. Même si cela paraît un petit peu « rétro » de le souligner, ces matériaux sont indispensables : on ne fait rien sans matériaux, en particulier les ordinateurs, les puces et autres.
On peut citer également le domaine de l'environnement, notamment industriel.
Pourtant, et malgré une stratégie de création d'entreprises et de développement de l'innovation largement reconnue, le taux d'augmentation de leur budget est nettement inférieur, d'après ce que nous en savons, à celui, par exemple, qui est consacré, dans le budget pour 2002, à l'enseignement supérieur universitaire au titre de la recherche : le taux d'augmentation serait, là, de l'ordre de 10 %. Il y a là une anomalie.
Peut-être, monsieur le secrétaire d'Etat, pourrait-on compenser d'une certaine façon cette anomalie en ménageant un lien plus fort, avec, par exemple, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME : ses crédits ont été fortement augmentés, mais les rapporteurs, dans leurs rapports écrits, font part d'une incertitude quant à la capacité de l'Agence à utiliser valablement cette augmentation de crédits. Il y a là une synergie possible, qui pourrait, de surcroît, nous garantir la qualité de l'emploi de ces moyens.
Pour ma part, je me félicite de constater que des organismes oeuvrant dans des domaines aussi essentiels que le développement durable, question qui nous concerne au premier chef, ont les moyens de leur action.
Ma deuxième remarque porte sur la stagnation des crédits de la recherche industrielle et de l'innovation. De ce point de vue, l'évolution du chapitre 66-01 est inquiétante, car ses crédits, qui passent de 279 millions à 282 millions de francs, enregistrent une augmentation bien moindre que l'inflation. C'est d'autant plus préoccupant que l'innovation reste la pierre angulaire de touche du processus qui pourra nous faire rebondir vers une dynamique industrielle, donc vers des créations d'emplois.
M. Jean Clouet, rapporteur spécial. Nous en avons vraiment besoin !
M. Pierre Laffitte. Or celle-ci est actuellement fort menacée, cela a été rappelé tout à l'heure, par l'éclatement de la « bulle Internet » et par la timidité d'un certain nombre de fonds de capital-risque.
L'innovation en France a donc besoin d'être soutenue. A cet égard, monsieur le secrétaire d'Etat, je m'inquiète de constater que les crédits de l'ANVAR, eux aussi, restent stables.
Or, grâce notamment à la loi sur l'innovation et la recherche, pour laquelle le Sénat a beaucoup fait - nous avions même arrêté la pendule en fin de session pour pouvoir l'adopter conforme, malgré nos réserves sur des points comme le manque de percée dans le domaine des stock-options - nous assistons actuellement, Dieu merci ! à un indiscutable changement de climat, et c'est très important !
Nous observons désormais, dans les milieux de la recherche et de l'innovation, un mouvement assez fort. Les jeunes générations manifestent la volonté de créer des entreprises et, par conséquent, ont le besoin d'être appuyées, y compris du point de vue de la recherche industrielle. C'est là une préoccupation majeure ! Or l'ANVAR - entreprise publique que la plupart des pays européens nous envient et commencent à imiter - est fondamentale dans le système mis en place.
C'est donc avec plaisir que je constate que vous êtes favorable à la création de bons de souscription en actions de l'ANVAR, qui permettront à cet organisme d'assurer une forme de « capital-amorçage ». Et c'est bien ce qui manque le plus cruellement aux jeunes entreprises. Comme l'ANVAR a des compétences d'ordre beaucoup plus scientifique, technique et industriel que financier, cette forme de structure financière d'appui aux entreprises nous engage, j'en suis convaincu, dans la bonne voie.
Cependant, le budget reste en stagnation. Je sais bien que des avances remboursables arrivent à échéance, et c'est tant mieux, mais il me paraît positif que celles-ci puissent également devenir des sources de profits considérables pour l'Agence : cela incitera ses cadres à se montrer plus incisifs, et probablement à prendre davantage de risques lorsque se dessinera la perspective de recettes élevées. C'est donc une très bonne formule.
J'en viens à la gestion des licences UMTS. Je tiens tout d'abord à féliciter le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie d'avoir largement étalé dans le temps les prélèvements en matière d'UMTS, contre lesquels, à cette même tribune, je m'élevais voilà exactement un an. Il a eu raison de faire marche arrière - perseverare diabolicum, même si errare humanum est - et le Sénat, notamment par la voix de M. Hérisson, est d'accord sur ce point.
Pourtant, il faudrait aller plus loin encore dans la gestion des fréquences. J'avais souhaité que nous ayons une vision globale dans ce domaine et que cette question fasse l'objet d'un débat.
Je n'ignore pas que nous ferons pousser des cris d'orfraie à certains si nous leur expliquons que, pour utiliser la télévision numérique hertzienne terrestre, il faudra payer les fréquences, surtout si l'on ajoute que les prix varieront selon qu'il s'agira de consacrer ces fréquences aux télécommunications ou à de nouvelles chaînes destinées éventuellement à faire s'exprimer davantage de baladins. Il ne me paraîtrait pas normal, en tout cas, de ne pas demander un paiement ; ce point mérite réflexion.
Dans cette perspective, j'organise à Sophia-Antipolis, le 17 décembre prochain, une grande réunion internationale sur le spectre. Il sera bon que l'ensemble des régulateurs réfléchissent, à l'échelon européen, aux solutions que l'on peut apporter à ce problème des fréquences.
Je conclus, parce que mon temps est limité, mais je voudrais tout de même insister sur le fait que les points que j'ai évoqués, même s'ils sont relativement mineurs en termes budgétaires, ne sont pas négligeables. (Applaudissements sur l'ensemble des travées.)
M. le président. La parole est à M. Marest.
M. Max Marest. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, quelle est notre ambition industrielle ? Telle est la question qui se pose tout naturellement à travers le projet de loi de finances pour 2002.
L'industrie est l'un des piliers majeurs de notre économie. En effet, ce secteur représente une part importante du produit intérieur et, en termes d'emplois directs, occupe 18 % de la population active.
Le budget que vous nous présentez aujourd'hui, en baisse pour la première fois depuis quatre ans, manque d'ambition et reflète le caractère essentiellement défensif de la politique industrielle française, alors même que notre industrie est désormais entrée dans une zone d'incertitude liée au ralentissement économique.
Ce ralentissement a été illustré récemment par les difficultés d'entreprises appartenant à de grands groupes, tels Danone et Bata, mais aussi de bien d'autres entreprises plus modestes ; il est lié au prix de la main-d'oeuvre non qualifiée.
Sur ce point précis, le commissaire européen chargé des affaires économiques reconnaît que la période actuelle « est l'une des plus incertaines que l'on ait connue au cours des trente dernières années ». Or la France affronte le ralentissement économique sans aucune réserve ni aucun degré de liberté.
Pour 2002, le Gouvernement a retenu trois priorités pour le secteur de l'industrie : la préparation de l'avenir par le soutien des programmes de recherche ; la modernisation dans l'accompagnement des mutations industrielles et de la formation des PMI ; la mise en oeuvre d'une politique énergétique indépendante, équilibrée et transparente.
Mais ces priorités affichées, louables sur le fond, sont dotées de moyens budgétaires en diminution. On notera par exemple que, en matière de recherche et d'innovation, véritables moteurs de la compétitivité de notre industrie, l'effort consenti est très insuffisant. En effet, il semble que, au motif d'une sous-utilisation des crédits de 2001 - due à la non-utilisation des crédits destinés à l'innovation et au développement industriel local, non-utilisation dont il serait intéressant de connaître les raisons - la dotation en crédits de paiement diminue de 9,68 %.
Par ailleurs, au-delà de l'effort réel en faveur de la formation des nouveaux ingénieurs dont la France manque cruellement - effort que nous ne pouvons que saluer, monsieur le secrétaire d'Etat -, les crédits de l'industrie semblent plus généreusement tournés vers l'accompagnement des conséquences des mutations industrielles.
Plus particulièrement, dans le domaine énergétique, malgré la priorité affichée, les objectifs du Gouvernement sont de moins en moins lisibles : alors qu'il est primordial de mener et de développer une politique cohérente dans ce domaine, l'attentisme du Gouvernement apparaît de plus en plus irresponsable.
En effet, dans le contexte actuel d'accroissement des coûts énergétiques, la politique énergétique de la France doit permettre aux entreprises et aux citoyens d'accéder à l'énergie la plus sûre et la plus compétitive possible.
Cet objectif peut être en partie atteint - nous le savons - grâce au recours à l'énergie nucléaire, véritable pilier de l'indépendance énergétique de la France, qui respecte les impératifs de l'écologie en permettant notamment de réduire chaque année, en Europe, les émissions de gaz à effet de serre de quelque 700 millions de tonnes.
Dans ce contexte, l'attentisme du Gouvernement, accentué par les réticences affichées au sein de sa majorité sur ce dossier, est plus que contestable. En effet, aucune action n'a été menée pour exporter notre savoir-faire dans ce domaine, et aucune mesure n'a été prise pour le lancement du prototype de l'EPR - European Pressurized Reactor -, plus sûr et produisant moins de déchets, et ce malgré les perspectives favorables en Europe du Nord ou en Asie.
De plus, les ambiguïtés, les contradictions du Gouvernement fragilisent la position française sur les questions énergétiques au sein de l'Union européenne, notamment en raison du retard pris par notre pays pour libéraliser le marché du gaz.
Or la France ne peut continuer à faire cavalier seul dans un marché mondial énergétique en pleine ébullition, marqué par de fortes évolutions structurelles et commerciales chez les acteurs du secteur, lesquelles rendent indispensables les fusions-acquisitions et, éventuellement, les extensions d'activités.
Vous me permettrez également de dire quelques mots sur l'industrie textile, qu'a évoquée M. Grignon tout à l'heure et qui est vitale en termes d'emplois et particulièrement fragilisée par la concurrence de pays bénéficiant d'un moindre coût du travail. En effet, un grand nombre d'entreprises de la filière ont disparu du territoire français depuis 1998, et ce phénomène de délocalisation, dénoncé par le Sénat depuis plusieurs années, s'est poursuivi ces derniers mois par le recours à une production située au Maghreb, en Europe de l'Est et en Turquie.
Ces difficultés sont aujourd'hui accentuées par les évolutions parfois inquiétantes de la conjoncture internationale. Ainsi, la conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce, qui s'est déroulée à Doha du 9 au 13 novembre, a vu la conclusion d'un accord textile, certes spécifique, avec le Pakistan - accord qui s'inscrit dans le contexte géopolitique actuel - et l'adhésion formelle de la Chine à l'OMC. Ces deux éléments vont renforcer la concurrence internationale de manière significative.
Face à de telles évolutions, il est primordial que notre pays rétablisse la compétitivité et l'attractivité du site « France ». En effet, depuis ces deux dernières années, certaines analyses ont pu montrer une dégradation de la compétitivité relative du territoire français pour l'accueil des investissements, notamment industriels.
Cette dégradation de l'attractivité du territoire français a également été mise en lumière par un sondage effectué l'année dernière pour le MEDEF auprès d'un échantillon de 350 dirigeants de filiales françaises de groupes internationaux, représentant tous les types d'entreprises.
Les atouts de la France tiennent aux caractéristiques structurelles du marché français. Mais, en termes d'image, la France recueille un solde d'opinions négatives plus important que celui des opinions positives, contrairement à ses voisins européens. Ainsi, les principaux handicaps identifiés sont le poids des prélèvements obligatoires, les rigidités sociales et les 35 heures, cités par plus de 85 % des personnes interrogées.
Cette étude montre que les deux tiers des chefs d'entreprise ne choisiraient pas la France si leur entreprise avait à faire aujourd'hui le choix d'une implantation en Europe, et que 44 % des personnes interrogées envisagent une délocalisation d'une partie des activités françaises de leur groupe.
Cette analyse a été également reprise dans de nombreux travaux du Sénat, non seulement dans le rapport sur « la fuite des cerveaux, mythe ou réalité » ou dans le rapport d'information sur la mondialisation, mais aussi et surtout dans le rapport sur l'attractivité du territoire français de Michel Charzat,...
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Excellent rapport !
M. Max Marest. ... parlementaire socialiste, qui liste les faiblesses de la France, en particulier en matière d'attractivité économique, et propose quelques solutions pour y remédier, solutions auxquelles nous adhérons.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Moi aussi ! Je suis d'ailleurs le seul membre du Gouvernement à y adhérer !
M. Max Marest. Hélas, monsieur le secrétaire d'Etat !
Que chacun d'entre nous se reporte ne serait-ce qu'au résumé de ce rapport !
Tous ces travaux ont permis d'élaborer une multitude de propositions, dont la plupart sont restées lettre morte.
Force est de constater qu'il est aujourd'hui devenu essentiel de tenir compte de toutes ces évolutions et de les anticiper en améliorant notre environnement juridique, fiscal et économique.
En effet, aucune mesure fiscale n'est prise pour renforcer la compétitivité de la France. Pourtant, le ministre des finances lui-même a rappelé ces derniers temps, à juste titre, que « ce sont les entreprises qui créent les emplois et qu'il faut donc, dans notre politique générale, les inciter et non les dissuader ».
Le projet de budget de votre secrétariat d'Etat ne retranscrit pas les recommandations préconisées et dissuade en quelque sorte les entreprises, que ce soient les grands groupes ou les PMI.
Les dépenses publiques s'accélèrent et le déficit s'accroît. Les dernières informations diffusées ce matin par la presse et la radio le confirment, le chômage progresse. Les moteurs de la croissance sont éteints et le recul des investissements est patent.
En conclusion, votre ambition pour l'industrie nous paraît plus que modeste : vous n'incitez pas, monsieur le secrétaire d'Etat.
Quelle ambition industrielle pour la France ? « D'une part, consolider l'enracinement national de nos entreprises. D'autre part, renforcer la vocation mondiale de la France ; cela signifie en faire un lieu d'accueil attractif pour les investisseurs étrangers à la recherche d'une implantation durable, créatrice d'emplois et de richesses. » Je viens de citer M. Charzat, monsieur le secrétaire d'Etat : c'est lui qui, dans son rapport, écrit ces lignes sous le titre « Améliorer notre image et la promouvoir ».
Vous n'incitez pas : c'est une des raisons essentielles pour lesquelles le groupe du RPR ne votera pas ce budget. (M. le rapporteur spécial et M. Chérioux applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Coquelle.
M. Yves Coquelle. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de budget de l'industrie pour 2002, hors La Poste et les télécommunications, enregistre une baisse de 3,6 % par rapport à celui de 2001. Ce repli accuse le caractère restrictif des crédits consacrés à un secteur d'activités qui représente, pourtant, 17 % de la population active et 21 % de la valeur ajoutée brute.
Cette faiblesse des moyens, qui vous contraint, monsieur le secrétaire d'Etat, à vous limiter à quelques priorités, réduit le champ d'intervention de la politique de l'Etat.
Soulignons à cet égard la hausse de 3,7 % des autorisations de programme en faveur de la reconversion des bassins miniers et sidérurgiques à travers le fonds d'industrialisation des bassins miniers et le comité de pilotage de l'industrie, qui favorisent l'implantation de nouvelles industries, la création de centres de transferts technologiques et la promotion de programmes de formation dans les zones fortement sinistrées.
Toutefois, on ne peut que regretter la diminution du soutien public en direction de la construction navale, conséquence de l'interdiction des aides à la commande à l'intérieur de l'Union européenne.
En matière de construction navale, la France et d'autres pays européens disposent de capacités de production importantes et d'une main-d'oeuvre qualifiée, capable de concevoir, comme sur les chantiers de Saint-Nazaire, des pétroliers et des chimiquiers de type E3, c'est-à-dire économiques, écologiques et européens.
Ces pays sont soumis à une concurrence déloyale des Etats-Unis, du Japon, de la Corée, voire de la Norvège, qui continuent à financer directement leurs propres chantiers navals et, ainsi, à soutenir l'emploi.
Seule une véritable politique industrielle menée en collaboration avec d'autres pays européens permettrait de faire face à cette concurrence. C'est d'autant plus nécessaire qu'il est urgent de renouveler une partie de la flotte afin de sécuriser nos océans et d'éviter de nouvelles catastrophes maritimes ainsi que de nouveaux drames écologiques, comme ceux qui ont été causés par le naufrage de l' Erika .
Au rang des priorités - et nous nous en félicitons -, figurent la formation ainsi que la recherche industrielle, l'innovation et les nouvelles technologies de communication. Ce sont autant d'actions de nature à améliorer la compétitivité des entreprises et, indirectement, à favoriser l'emploi.
Il n'en demeure pas moins que ces mesures principalement incitatives ne peuvent se substituer à une véritable politique industrielle capable, par les moyens de régulation appropriés, de conforter notre industrie. Le secteur de l'énergie, comme celui de La Poste et des télécommunications, est révélateur d'une orientation politique qui, loin d'être contrainte par le mouvement actuel de libéralisation des économies, semble, au contraire, en épouser la logique.
La loi de modernisation et de développement du service public de l'électricité du 10 février 2000 ne laisse pas au seul marché le soin de réguler un secteur aussi stratégique, mais elle n'est pas respectée. Elle nous donne pourtant, dans un contexte dominé par l'idéologie libérale, quelques moyens permettant, aussi limités soient-ils, de préserver un service public de l'électricité. Nous attendons ainsi toujours la mise en place d'une tarification spéciale à destination des foyers les plus modestes.
L'échec californien de la libéralisation du secteur de l'électricité devrait pourtant nous inciter à plus de prudence et à reconnaître la nécessité de préserver le statut public d'EDF.
Nous ne nions pas que, dans le contexte actuel, le développement international d'EDF soit une nécessité. Encore faut-il que l'ouverture du marché de l'électricité ne débouche pas sur une impitoyable guerre des prix ! Or, malgré les baisses de tarifs qu'elle leur a consenties, EDF a encore perdu de nombreux gros clients industriels cette année.
Les conséquences en termes de diminution des recettes de cette situation ne doivent pas être négligées : entrave à la programmation des investissements et accroissement de la facture d'électricité des petits consommateurs.
Ces remarques resteraient également pertinentes appliquées à d'autres secteurs comme celui du gaz ou de La Poste et des télécommunications. Je n'ai malheureusement pas le temps de m'y attarder aujourd'hui.
Nous attendons toujours que soit entrepris le programme de construction de l'EPR, le réacteur de nouvelle génération, qui conforterait notre indépendance énergétique. Ce serait là une mesure forte et concrète !
Monsieur le secrétaire d'Etat, dans la mesure où la conjoncture économique donne des signes d'essoufflement inquiétant, où les plans sociaux se multiplient, où l'emploi industriel se détériore, où les industriels révisent à la baisse leurs investissements pour 2002, nous aurions besoin d'un réel volontarisme politique s'appuyant sur un budget suffisant pour soutenir la croissance et développer l'emploi. Le présent projet de budget n'est pas suffisant, et le groupe communiste républicain et citoyen s'abstiendra donc. (Mme Terrade applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Trémel.
M. Pierre-Yvon Trémel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous abordons l'examen du dernier projet de budget de l'industrie, de La Poste et des télécommunications de la légistature. C'est la raison pour laquelle il ne m'apparaît pas pertinent de nous limiter à discuter des crédits qui leurs sont affectés pour l'exercice 2002.
D'une part, ceux-ci témoignent, en réalité, du maintien des capacités du secrétariat d'Etat à poursuivre les orientations prioritaires d'une politique industrielle ambitieuse pour la France ; d'autre part, à l'heure du bilan, il convient de mettre toute évaluation en perspective sur l'ensemble des cinq années de ce gouvernement.
A ce titre, monsieur le secrétaire d'Etat, je l'affirme, votre bilan est bon.
De 1997 à 2002, les crédits consacrés à l'industrie ont augmenté de plus de 3,5 % sur la période quand, à périmètre comparable, ils diminuaient de plus de 5 % lors de la législature précédente. D'ailleurs, le résultat est là : la courbe de l'emploi industriel, après plusieurs années de déstructuration, s'est inversée à partir de 1999. Elle demeure positive avec, par exemple, un solde de plus de 70 000 emplois salariés en 2000, hors BTP et agroalimentaire, ce qui est sans précédent depuis 1974.
Pour autant, nous déplorons encore récurremment de grandes restructurations industrielles. Leur traitement social autant qu'économique doit retenir toute notre attention.
Monsieur le secrétaire d'Etat, quatre axes ont constitué l'armature de votre politique : l'économie et l'innovation, qui orientent résolument l'industrie française vers l'avenir et la mettent en situation de relever les défis de la modernité et d'une compétition internationale toujours plus vive ; un Etat plus proche, comme en témoignent les contrats de plan Etat-régions ; une énergie moins chère et plus diversifiée ; des services publics pour tous, et je tiens à dire que vous avez assuré avec énergie leur défense et leur adaptation au niveau européen, dans le sens d'un véritable ressourcement des principes qui les animent
Nous notons avec satisfaction que votre projet de budget pour 2002 comporte 33 millions d'euros de mesures nouvelles en dotations ordinaires et crédits de paiement, correspondant à vos quatre priorités pour cette année : la formation, l'innovation, la restructuration et la sécurité.
La croissance et l'emploi sont les priorités affirmées du gouvernement de Lionel Jospin depuis 1997.
A ce titre, l'innovation a constitué et constitue encore le fer de lance de votre politique industrielle. Vous parlez à cet égard, avec raison, de « bataille de l'innovation ». Seule l'innovation, en effet, permet de créer l'environnement le plus favorable à l'initiative, à l'investissement, au développement des compétences et des qualifications de ceux et de celles qui entreprennent et réussissent, de ceux et de celles qui contribuent à l'avènement d'une « société de l'intelligence ».
Nous ne pouvons qu'approuver une telle politique, tournée vers l'avenir et qui intègre une réflexion stratégique globale, notamment sur les technologies clés de demain, en se préoccupant de leur transposition aux niveaux régional et microéconomique.
Dans le projet de budget pour 2002, je me félicite donc que le soutien à l'innovation soit maintenu, particulièrement en ce qui concerne les PME et les PMI. Les crédits publics représentent 12 % de l'effort d'innovation de notre pays et se situent largement en « amont », c'est-à-dire là où les financements externes sont plus difficilement mobilisables. L'ANVAR, dont on parle beaucoup ce matin, disposera à cet égard d'une capacité d'engagement accrue.
Peut-être serait-il néanmoins opportun de reprendre la réflexion sur la possibilité d'instituer un crédit d'impôt innovation, sur le modèle du crédit d'impôt recherche, qui existe depuis 1982 et dont nous connaissons le succès.
M. Pierre Laffitte. Tout à fait !
M. Pierre-Yvon Trémel. La formation des ingénieurs, qui est une autre de vos priorités, participe naturellement du soutien à l'innovation. La hausse de 12,5 % des subventions à Supélec, celle de 13 % au groupement des écoles de télécommunications comme l'augmentation des bourses dans les écoles des mines vont dans le bon sens.
Votre politique énergétique, monsieur le secrétaire d'Etat, pourrait être qualifiée de « complète ». Elle est basée sur la diversification et la maîtrise de l'énergie, ce qui constitue une stratégie sage, même si les cours mondiaux ont retrouvé un niveau supportable. Le nucléaire conserve une place importante dans notre production électrique.
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. Tant mieux !
M. Pierre-Yvon Trémel. A ce titre, nous nous devons de saluer la restructuration intervenue avec la naissance, cette année, d'un pôle français à dimension mondiale, AREVA, regroupant Framatome, la Gogema et CEA-Industrie.
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Pierre-Yvon Trémel. Il n'en demeure pas moins que l'accent doit être mis sur les énergies renouvelables afin d'atteindre l'objectif de 12 % de la consommation énergétique totale de l'Union européenne. Nous n'en sommes encore qu'à 2 % en France !
Je veux soulever deux questions relatives au gaz, et tout d'abord celle de la desserte gazière.
L'amélioration de la desserte gazière est un enjeu d'aménagement du territoire, notamment pour les communes rurales. La loi du 2 juillet 1998 a institué un plan triennal visant à parfaire le raccordement en gaz naturel des communes non encore desservies et qui en font la demande.
Lors de l'examen de ce texte, notre groupe avait fait adopter un amendement invitant le Gouvernement à remettre chaque année au Parlement un rapport sur l'état de la desserte du territoire en gaz. A défaut de rapport, pourriez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous dresser un premier bilan sur ce point ?
Le Gouvernement a préparé un projet de loi relatif à la modernisation du service public du gaz naturel dont l'objectif est de transposer la directive gazière. Ce texte traduit bien l'ambition de conjuguer une ouverture maîtrisée à la concurrence et un service public performant et de qualité. Toutefois, le Gouvernement a choisi d'introduire d'ores et déjà certaines dispositions de ce texte concernant la cession du réseau de transport dans le projet de loi de finances rectificative. Pourriez-vous nous indiquer l'architecture qui vous semble devoir être retenue à ce stade ?
J'en viens à présent au budget de La Poste et des télécommunications, dont les dotations augmentent de 2,2 %, nouvelle hausse qui intervient, rappelons-le, après celles qui avaient été décidées en 2000 et en 2001 et qui atteignaient respectivement 4,6 % et 1,6 %.
Je saluerai tout d'abord l'accord politique intervenu lors du Conseil européen des ministres du 15 octobre dernier sur la directive postale, qui constitue un compromis au regard des impératifs croisés que nous avons de progresser raisonnablement sur le volet de la libéralisation, afin de faire face aux contraintes internationales tout en maintenant un service universel et un service public de qualité. Nous devons pour une grande part à votre pugnacité, monsieur le secrétaire d'Etat, que la programmation du « tout libéral » dans le secteur postal ait été écartée, de même que la libéralisation totale et immédiate des nouveaux services.
M. Jean-Pierre Raffarin. C'est pourtant plus libéral !
M. Pierre-Yvon Trémel. A la place, nous avons obtenu une ouverture progressive et maîtrisée du marché postal, qui permet le maintien d'un service de qualité en termes tant de prestations fournies aux usagers que de présence territoriale. Ainsi ont été préservés un niveau et un périmètre de services réservés compatibles avec le maintien d'une péréquation tarifaire suffisante pour assurer la sauvegarde du service public.
La position commune adoptée à Bruxelles doit maintenant être soumise au Conseil de l'Union européenne, puis au Parlement européen. Je suis certain que vous tiendrez, monsieur le secrétaire d'Etat, à nous fournir ce matin des éléments sur les suites à attendre, à court et à moyen termes, de cette donne nouvelle.
Bien entendu, l'accord obtenu ne saurait nous faire oublier la nécessité de chercher à améliorer toujours davantage la qualité de notre service public. C'est l'une de vos préoccupations constantes.
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. En effet ! (Sourires.)
M. Pierre-Yvon Trémel. L'été dernier, certains dysfonctionnements locaux ont été constatés,...
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. Oh oui !
M. Pierre-Yvon Trémel. ... mais ils restent fort heureusement ponctuels au regard de l'ensemble.
Or que nous révèle cet ensemble ? La Poste, qui couvre trois métiers - courrier, colis et logistique, services financiers - a réalisé d'importants efforts d'adaptation et d'innovation. Elle est devenue le premier opérateur postal européen pour le trafic et le deuxième pour le chiffre d'affaires, ce dernier ayant augmenté de 5 % par an entre 1996 et 2000.
Par ailleurs, depuis 1997, La Poste n'a pas, fait rarissime ! relevé ses tarifs de base.
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. Vous laissez cette initiative à d'autres !
M. Pierre-Yvon Trémel. Sous votre tutelle, monsieur le secrétaire d'Etat, le prix du timbre est resté inchangé, quand il avait augmenté de 7 % entre 1993 et 1996.
En outre, La Poste a embauché 4 000 agents supplémentaires, elle résorbe l'emploi précaire, elle a assuré l'instauration de la réduction du temps de travail sans aide de l'Etat, elle entretient sur notre territoire un maillage exceptionnel de 17 000 points de contact, elle a ouvert de nouveaux bureaux dans les zones urbaines sensibles et, enfin, elle apporte ses services à deux millions de titulaires de revenus sociaux.
Au total, le contrat d'objectifs et de progrès 1998-2001 passé entre La Poste et l'Etat, dont l'exécution arrive maintenant à son terme, débouche sur un bilan positif.
Certes, et je suis d'accord sur ce point avec M. le rapporteur pour avis, la situation financière de La Poste appelle la vigilance et la contrainte extérieure est très prégnante.
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. Absolument !
M. Pierre-Yvon Trémel. Le rôle de l'Etat est donc bien de continuer à veiller à ce que La Poste reste à la pointe de l'innovation dans un climat international qui restera difficile.
Nous devrons aussi nous interroger sur la nouvelle relation qui s'établira entre l'Etat et La Poste dans l'optique du contrat d'objectifs et de progrès qui est actuellement en préparation. Je sais, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous avez souhaité procéder à une large consultation à propos de ce futur contrat, mais j'aimerais que vous nous présentiez d'ores et déjà quelques grandes orientations, tant les questions touchant aux retraites, à l'aide à la presse ou à la présence territoriale méritent de faire l'objet d'un débat.
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. Bonne remarque !
M. Pierre-Yvon Trémel. En ce qui concerne les télécommunications, monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais vous dire tout l'intérêt que nous portons au problème de l'égalité des territoires devant l'internet à haut débit et la couverture en relais de téléphonie mobile. Le thème a déjà été évoqué ici à de nombreuses reprises : pourriez-vous nous dire, à la suite des annonces faites par deux des opérateurs concernés, de quelle manière l'Etat entend prendre en considération la donne nouvelle et répartir le financement, s'agissant notamment des collectivités locales ?
En ce qui concerne le développement commercial de l'internet à haut débit pour les particuliers, celui-ci passe par l'accès forfaitaire illimité, qui fait l'objet d'une demande insistante. Pouvons-nous espérer apporter très bientôt une solution à cette question, monsieur le secrétaire d'Etat ? Ne serait-il pas possible, par exemple, d'envisager de mettre en place un forfait d'un coût inférieur à deux cents francs ?
Je conclurai mon intervention en évoquant les équipementiers. Ces derniers se trouvent actuellement dans une situation très difficile. Ainsi, hier encore, de nouvelles suppressions d'emplois ont été annoncées dans le département des Côtes-d'Armor. Vous avez organisé une table ronde sur ce sujet voilà quelques jours, monsieur le secrétaire d'Etat : pourriez-vous nous en présenter les conclusions ?
Enfin, j'aimerais que vous m'indiquiez si vous entendez rechercher une solution pour remédier à la situation de blocage que connaissent certains fonctionnaires de France Télécom ayant choisi de conserver leur grade de reclassement en 1993. Ce problème ne peut perdurer et je souhaiterais donc que nous puissions le résoudre.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous portons un jugement positif sur le projet de budget que vous nous présentez. Le groupe socialiste le votera, car les orientations que vous avez défendues au cours de ces dernières années et que vous défendrez encore en 2002 permettront, nous en sommes convaincus, de conclure la législature sur un bon bilan pour l'industrie, La Poste et les télécommunications françaises. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je voudrais indiquer en préambule que j'approuve entièrement le travail de qualité qui a été présenté par nos rapporteurs, MM. Clouet, Grignon et Hérisson.
MM. Francis Grignon, Jean Clouet, rapporteur spécial et Pierre Hérisson, rapporteurs pour avis. Merci !
M. Jean-Pierre Raffarin. J'estime que deux mots sont insuffisamment pris en compte dans votre projet de budget, monsieur le secrétaire d'Etat : « territoire » et « création ».
En ce qui concerne le territoire, je voudrais dire que, en tant qu'élu de terrain, je vois évoluer notre économie de manière préoccupante.
Voilà quelques années, quand je souhaitais me pencher sur les perspectives de l'emploi en Poitou-Charentes, je demandais aux responsables des grands groupes quelle était leur stratégie pour leurs établissements situés dans ma région.
Aujourd'hui, de très grandes unités y sont implantées, mais je n'en connais pas les actionnaires. Certaines d'entre elles sont à vendre et cherchent à rejoindre un autre groupe ; nous rencontrons beaucoup de difficultés pour enraciner dans notre région un certain nombre d'activités économiques, sociales et industrielles.
Cette nouvelle donne fait qu'il est de plus en plus nécessaire de construire des réseaux territoriaux autour de nos grosses PMI, lesquelles sont, en réalité, le moteur de notre croissance régionale. Or, de ce point de vue, je crois que l'on sous-estime le rôle des chambres de commerce et d'industrie. Il conviendrait, à mon sens, d'orienter leur action et de les aider à se développer, afin qu'elles puissent être des têtes de réseau pour nos PME, tant il est vrai que leur vocation et leur enracinement territoriaux sont plus affirmés que ceux des organisations professionnelles.
De plus, le réseau des chambres de commerce et d'industrie est performant quand il s'agit d'aider les PME à se tourner vers l'international, à se moderniser et à former leur personnel. Nous devons donc lui permettre de se renforcer et de s'adapter aux évolutions.
Or, pour la cinquième année consécutive, l'encadrement du budget des chambres de commerce et d'industrie aboutira, par la stabilisation du niveau de l'impôt additionnel à la taxe professionnelle, à une réduction de leurs moyens d'action. Comment peut-on leur demander de jouer leur rôle quand elles ont à supporter les conséquences du passage aux 35 heures et l'augmentation de leurs charges ?
En effet, leurs recettes stagnent mais leurs charges sont de plus en plus lourdes ! Cela entraîne une asphyxie, et je crains beaucoup que les PME ne perdent le bénéfice d'un réseau de compétences important et bien ancré dans la région. Je tenais, monsieur le secrétaire d'Etat, à attirer votre attention sur ce sujet.
S'agissant encore du territoire, je voudrais, à la suite de l'un des orateurs qui m'ont précédé à cette tribune, demander que La Poste prenne davantage en considération les élus locaux. Trop souvent, des maires ne sont informés d'un changement dans les activités postales exercées sur le territoire de leur commune que le jour même où celui-ci intervient. Que l'on respecte ces représentants de la République, qui se trouvent en première ligne ! Certes, je comprends que la modernisation ait ses exigences, mais adopter une attitude d'ouverture et de concertation s'impose.
En ce qui concerne maintenant la création, ce point a été fort bien développé par M. Laffitte tout à l'heure. Dans ce domaine, on voit bien quelle peut être aujourd'hui la stratégie de la France dans l'optique de la mondialisation : au rebours de la banalisation, de la standardisation, de la globalisation, du gigantisme auquel la taille de notre marché intérieur ne nous destine pas, nous devons miser sur l'intelligence, l'innovation, la création, la valeur ajoutée. Si l'on veut que la France puisse exister dans cette économie qui est en train de muer, il convient de jouer la carte de l'intelligence, de l'innovation, et de tous nous mobiliser ! (M. Hérisson, rapporteur pour avis, ainsi que M. Pelletier applaudissent.)
M. Pierre Laffitte. Très bien !
M. Jean-Pierre Raffarin. Comment accepter que, en période de croissance, le taux de création d'entreprises baisse dans ce pays ? Les derniers chiffres sont encore catastrophiques à cet égard ! Les créateurs sont démotivés, démobilisés. Nos universités ne sont pas en mesure aujourd'hui d'attirer les créateurs du monde entier qui pourraient choisir la France comme lieu où s'incarne la société de l'intelligence. Dans l'histoire, lorsque notre pays a été rayonnant, cela a toujours tenu à la force des idées, à la promotion de l'intelligence !
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous vous trouvez au coeur d'une stratégie d'une importance essentielle, qui doit viser à faire en sorte que la création dans le domaine industriel soit, pour la France, un vecteur de développement. Nous pourrons, je le crois, remobiliser les créateurs et les forces vives de l'économie, mais ce sera en offrant un horizon, en fondant, sur ces valeurs de l'humanisme qui rassemblent les habitants de notre pays, un dynamisme plus créateur qui permettra aux individus de se libérer, d'entreprendre !
M. Pierre Laffitte. Très bien !
M. Jean-Pierre Raffarin. Pour cela, la recherche et l'innovation doivent vraiment apparaître comme des priorités pour l'avenir dans notre stratégie nationale.
Par conséquent, le rôle que vous avez à jouer, monsieur le secrétaire d'Etat - même si je souhaite que ce soit pour une durée limitée (Sourires) - est très important. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous examinons pour la dernière fois de cette législature le budget de l'entreprise publique La Poste, et il serait tentant d'esquisser un bilan.
Le résultat serait contrasté. A l'actif figureraient une progression importante du chiffre d'affaires, particulièrement au titre des services financiers, un repositionnement de l'entreprise à l'échelle européenne et mondiale grâce à des rachats, notamment dans le domaine du colis et de l'express, des accords de partenariat commercial noués avec quelques grands opérateurs publics et privés, et pas seulement en Europe du Sud. Bref, La Poste est une entreprise exerçant de nombreux métiers et qui a conquis des parts de marché dans un univers très concurrentiel où le néerlandais TPG et l'allemand Deutsche Post cherchent à évincer leurs rivaux.
Une entreprise, ai-je dit ; mais, s'agissant de l'entreprise publique, celle qui est chargée par la loi de 1990 d'assumer des missions de service public, le bilan est moins flatteur.
Tout se passe comme si la tension entre les deux logiques de cette entreprise « mixte » qu'est La Poste ne cessait de miner l'accomplissement des missions d'aménagement du territoire et de cohésion sociale dont elle demeure chargée. Cela commence à provoquer un véritable malaise non seulement parmi les postiers, mais aussi parmi les élus locaux, sans parler des usagers...
Pour l'heure, contentons-nous d'un rapide constat. Comme je l'avais annoncé au Sénat, la mise en place de la réduction du temps de travail à moyens constants - c'était inique ! - a dégradé les conditions de travail des salariés et amplifié un recul significatif de l'offre de services aux usagers : transformation d'agences postales en agences communales croupions, qui demain seront entièrement à la charge des communes les plus pauvres ; regroupement des bureaux de plein exercice, avec disparition de la fonction de receveur ; réduction drastique de l'amplitude des horaires d'ouverture des bureaux en milieu rural, et même parfois en ville ; fermeture inopinée de bureaux centraux, notamment à Toulouse ; multiplication des tournées « à découvert », c'est-à-dire non effectuées, pour employer un langage plus commun.
Le signe le plus tangible de cette dégradation du service, c'est bien sûr la baisse de qualité inquiétante que subit de façon accélérée l'acheminement du courrier. Durant l'été, un épisode a cristallisé le mécontentement : la fermeture brutale, annoncée le 28 juillet, de plusieurs centaines d'agences postales au mois d'août est apparue aux élus comme la confirmation d'une volonté affichée de désengagement. Il paraît que tel n'était pas le cas. Dont acte, mais rien de concret, depuis, n'a prouvé le contraire...
Simultanément, l'annonce du projet d'alliance entre la Caisse des dépôts et consignations et les caisses d'épargne a obscurci l'avenir de La Poste. Malgré mes demandes et vos paroles rassurantes, monsieur le secrétaire d'Etat, je n'ai, pas plus que mes collègues parlementaires, pu me faire une idée, fût-elle succincte, de ce que veulent vraiment les promoteurs de l'initiative et le Gouvernement.
Tout d'abord, je ne comprends pas comment on peut vouloir renforcer un « pôle financier public » en créant une société privée cotée en bourse qui absorberait une grande partie des avoirs et de l'autonomie des caisses régionales d'épargne. Sans doute mon incompréhension est-elle due au fait que je suis mal informé ! Il est clair, en revanche, que ce projet met La Poste dans une position très délicate. En effet, l'entreprise publique semble n'avoir le choix qu'entre une marginalisation de ses services financiers et une fuite en avant vers la création d'une banque postale, ce que le secteur bancaire n'acceptera pas. Que veut, sur ce point, le Gouvernement ?
Je pensais pouvoir trouver une réponse à cette question dans le contrat qui devait être conclu entre l'Etat et La Poste pour la fin de l'année, mais il semble que cette échéance soit repoussée. Jusqu'à quand ? Vous me le direz sans doute, monsieur le secrétaire d'Etat...
Reste, bien sûr, l'accord que vous avez signé sur le projet de directive européenne et que le Parlement européen doit confirmer avant son adoption définitive. Je me suis exprimé abondamment sur ce sujet au moment de la négociation. Disons, simplement, que mon appréciation sur le résultat est moins optimiste que la vôtre. Mais je prends cette signature comme une donnée de fait, et c'est la raison majeure pour laquelle je dis que, désormais, pour le service public postal, l'échéance et là. Et bien avant 2009, à mon sens !
Je n'en tire d'ailleurs aucune conclusion défaitiste. La Poste est une entreprise en progression, même si elle est fragile, je l'ai dit au début de mon propos. L'attachement que lui porte la nation demeure considérable et constitue un atout décisif dans la préservation par La Poste de son marché intérieur, l'un des plus importants au monde.
Les postiers ont une formidable aptitude à faire évoluer leur métier et à agir dans le secteur concurrentiel, sans perdre leur culture de service public. Mais il appartient aux pouvoirs publics - Gouvernement et Parlement - de prendre le temps d'évaluer la nouvelle donne - je ne suis pas le premier à utiliser cette formule à cette tribune aujourd'hui - et de proposer un autre équilibre pour maintenir un service public postal de proximité dans le contexte européen. Je ne puis, ici, me livrer à cet exercice, car le temps m'est compté. Cependant, je le ferai avant même les échéances électorales et j'espère que vous accepterez alors, monsieur le secrétaire d'Etat, mon invitation à venir éclairer ce débat de façon décisive et avec votre expérience irremplaçable.
Aujourd'hui, je vous écouterai avec une attention soutenue, tant les questions ici évoquées sont celles que se posent les usagers, les postiers et les élus locaux. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Rinchet.
M. Roger Rinchet. Monsieur le secrétaire d'Etat, compte tenu du temps très court qui m'a été imparti, je ne dirai que quelques mots sur l'ensemble de votre projet de budget pour 2002, mais aussi sur votre bilan, que je trouve très bon et inspiré par le modernisme.
Vous avez su soutenir la recherche ainsi que l'innovation et encourager le développement industriel. Jamais, depuis plus de vingt-cinq ans, nous n'avions connu une période aussi riche en création d'entreprises et d'emplois et, même si, aujourd'hui, nous ressentons un léger fléchissement, notre industrie résiste bien. De plus, vous avez eu la volonté de relancer la politique des énergies renouvelables, un moment délaissée, parfois dénigrée, et même traitée de folklorique par certains. C'est ce point que je souhaiterais développer aujourd'hui.
Le sujet des énergies renouvelables étant lui-même très vaste, je me contenterai de faire quelques remarques sur l'une de ces énergies, le solaire, sous ses deux aspects, thermique et photovoltaïque.
Le solaire, il est vrai, n'en est qu'à ses débuts, même si, sur le plan thermique, il est utilisé empiriquement depuis que l'homme existe sur terre. Certes, les résultats en la matière sont encore très modestes, mais il faut savoir que nous ne sommes qu'au début d'une très grande aventure qui, grâce au développement de la technique et à la volonté des hommes, devrait nous conduire vers des résultats bienfaisants pour la planète et infiniment plus intéressants que ceux que nous connaissons aujourd'hui.
Vous avez eu le mérite, monsieur le secrétaire d'Etat, de donner des signes forts de votre volonté de faire progresser l'énergie solaire, pour laquelle, il faut bien le reconnaître, nous avons un énorme retard par rapport à tous nos voisins européens, et ce malgré un ensoleillement moyen supérieur aux pays de l'Europe centrale ou septentrionale. Il faut accentuer notre effort, même si cette voie est difficile, car les résultats ne peuvent s'évaluer à l'année à l'intérieur d'un budget qui, bien entendu, est annuel.
Il faut admettre et faire comprendre à tous ceux qui, par intérêt immédiat ou dans un esprit de conservatisme, s'en tiennent aux énergies classiques qu'en matière d'énergie solaire plus qu'ailleurs entre les semailles et la moisson s'écoule un certain temps qui, aux yeux des impatients, peut paraître très long.
C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, il faut continuer à soutenir l'action de l'ADEME, injustement critiquée dans certains médias et qui est l'élément moteur du développement des énergies renouvelables dans notre pays. C'est, en particulier, grâce à l'aide de l'ADEME que les collectivités locales peuvent bénéficier des aides de l'Union européenne, aides qui, souvent, sont prolongées par les régions.
Pour que le solaire photovoltaïque décolle, il faut s'inspirer de ce qui se fait dans des pays comme l'Allemagne en ce qui concerne l'obligation de rachat par EDF de l'électricité photovoltaïque à des tarifs incitatifs. Cela n'aura pas beaucoup d'incidence sur le budget d'EDF, mais ce sera un très grand encouragement pour tous ceux qui oseront produire de l'électricité solaire.
Les communes et les particuliers qui s'investissent dans le solaire doivent nécessairement être aidés pour s'équiper. Si cette aide est maintenue, les vocations naîtront et l'augmentation sensible des commandes fera rapidement baisser le prix de revient des capteurs et de tous les appareils spécifiques en matière d'énergie solaire, de sorte qu'après un certain temps l'aide ne sera plus nécessaire.
Votre rôle, comme le nôtre, est également de communiquer sur les vraies énergies renouvelables et propres, comme l'est, par excellence, le solaire. Personnellement, je vais de colloque en symposium à travers l'Europe pour expliquer ce que nous pouvons faire dans une petite commune de 4 000 habitants et pour essayer de démontrer que le solaire, tout comme le développement durable, est l'affaire de tous, y compris de ceux qui n'ont pas de gros moyens.
Je ne prendrai que deux exemples. Un toit solaire installé voilà dix-huit ans déjà sur notre centre sportif et nautique nous a permis de réduire de 75 % la note énergétique et d'économiser ainsi plus de 2 millions de francs nets, c'est-à-dire investissements déduits. Dès 2002, l'installation d'un toit solaire photovoltaïque de 250 mètres carrés sur le bâtiment de nos services techniques permettra de fournir l'électricité nécessaire au bâtiment et à l'alimentation de trois véhicules électriques. Tout cela n'est pas du folklore !
J'ai calculé que, si chaque commune de France faisait le même effort, au demeurant très modeste puisque nous comptons bien le doubler ou le tripler dans les années à venir, ce sont au moins 6 milliards de kilowattheures solaires que nous pourrions produire dans notre pays et, annuellement, 1 500 000 tonnes de gaz carbonique que nous ne rejetterions pas dans l'atmosphère, soit plus de 10 % de l'effort national nécessaire pour respecter le protocole de Kyoto.
Je vous remercie de m'avoir permis de chanter mon credo car je suis de ceux qui considèrent que l'avenir de la planète est l'un des sujets les plus préoccupants des décennies futures, mais aussi l'une des tâches les plus nobles des responsables politiques que nous sommes.
Nous devons, pour reprendre un mot de Paul Delouvrier, « voir plus loin pour voir plus juste ». C'est en effet à la planète qu'habiteront nos petits-enfants que nous devons penser.
J'ajouterai, enfin, quelques mots. Le solaire, c'est l'énergie de demain pour de multiples raisons.
Ecologique, d'abord, car, c'est l'énergie la plus propre et la plus pérenne. Le soleil brillera encore pendant un certain nombre de milliers d'années et nous n'avons donc pas lieu d'être inquiets à cet égard.
Economique, ensuite, car, lorsque la technologie, qui évolue chaque jour, aura encore progressé, ce sera une énergie très bon marché, et sera alors créée une véritable industrie du solaire créatrice d'emplois.
Politique, en outre, car plus aucun pays n'aura son destin entre les mains de quelques pays producteurs d'énergie fossile ou nucléaire.
Humaine, car c'est le solaire qui libérera les peuples - je pense à nos amis africains, pourtant comblés par la présence du soleil - qui n'ont pas accès, faute de moyens, aux énergies classiques.
Ma petite commune étant jumelée avec un village tchadien, nous avons envoyé aux habitants de celui-ci quelques mètres carrés de capteurs. C'est la première fois que, dans cette région, l'électricité est produite ainsi. Ce modeste exemple est un symbole ! C'est aussi et surtout pour cela que nous devons mener le combat pour l'énergie solaire. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la discussion du projet de loi de finances pour 2002 nous offre l'occasion de nous intéresser à l'actualité du marché de l'énergie et à la politique que mène le Gouvernement dans ce secteur essentiel pour la compétitivité de notre économie et le bien-être de nos concitoyens.
Au Sénat, nous sommes frappés du manque de réactivité de la politique conduite par la majorité plurielle. Si l'immobilisme peut tenir lieu de volonté politique, alors, monsieur le secrétaire d'Etat, vous êtes dans le vrai. Si l'ambition, le courage et la détermination sont des vertus à cultiver, vous vous trouvez, je le crains, dans l'erreur, et je vais m'efforcer de le démontrer, comme je l'ai fait à plusieurs reprises ici même ainsi que lors de votre audition en commission.
J'illustrerai mon propos avec l'exemple offert par votre incapacité à prendre des décisions qui sont urgentes pour le secteur gazier français. Cette impuissance se manifeste dans deux dossiers clés : d'une part, la transposition de la directive gazière de 1998 et, d'autre part, le dossier de l'adaptation du statut de GDF. Cette impuissance est d'autant moins excusable que ces deux sujets pouvaient être traités séparément et que vous les avez associés afin de justifier, je le crains, grâce au retard pris sur l'un, votre incapacité à résoudre l'autre.
Comme vous le savez, mes chers collègues, la France aurait dû transposer la directive de 1998 portant libéralisation - très progressive ! - du marché gazier avant le mois d'août 2000 : je dis bien « 2000 ». Le Gouvernement a, comme il l'avait fait pour le secteur de l'électricité, choisi de déposer, le 17 mai 2000, un projet de loi sur le bureau de l'Assemblée nationale, à titre de « pierre d'attente ». Ce texte, vous n'en serez pas surpris, est resté sur le bureau de l'Assemblée nationale et il est fort à parier qu'il y demeurera quelque temps et que la « pierre d'attente » ne deviendra pas une clef de voûte de sitôt.
Je crois, pour ma part, que la transposition de cette directive aurait, au contraire, permis de clarifier un certain nombre de questions graves, à l'instar du sort des contrats à long terme dont chacun connaît l'importance sur le marché gazier. Nous assistons bel et bien à une démission de l'exécutif - et je pèse mes mots, monsieur le secrétaire d'Etat -, à qui il revient de procéder à l'inscription de cette transposition à l'ordre du jour du Parlement.
Mais il s'y refuse obstinément, malgré nos appels réitérés. De ce fait, la directive est juridiquement applicable, sans que l'on sache exactement ce qui est d'application directe et ce qui ne l'est pas. On s'en remet à Gaz de France pour établir un tarif provisoire de l'accès au réseau, un « provisoire » qui tend d'ailleurs à s'éterniser, notez-le bien, puisqu'il dure depuis près d'un an et demi. On navigue un peu à vue, en attendant les élections.
Bref, le Gouvernement « fait le mort » et ne souhaite qu'une chose : c'est que la Commission européenne le menace afin de pouvoir dire à sa majorité plurielle, ou tout au moins à certains des membres de celle-ci, qu'il n'y est pour rien et que c'est contraint et forcé qu'il procède à cette transposition.
Certes, la Commission européenne ne dit rien car d'aucuns sont encore plus en retard que nous en Europe : tant mieux, et pourvu que ça dure encore un peu. Mais, je vous le demande, où est le courage politique, où se trouve l'ambition pour la France dans cette attitude où la crainte le dispute à la duplicité ? Au demeurant, cette politique a déjà eu un effet néfaste sur Gaz de France puisque l'Espagne, qui, elle, a procédé à une transposition plus effective, a usé - vous l'avez lu dans la presse - de son pouvoir de rétorsion pour interdire à notre opérateur historique d'étendre ses activités au-delà des Pyrénées.
J'observe en outre que, lorsque le Gouvernement veut, il peut parfaitement ! La meilleure preuve en est que le projet de loi de finances rectificative prévoit le transfert de l'Etat à Gaz de France de la propriété du réseau gazier, moyennant un acompte de 180 millions d'euros. Permettez-moi de considérer, monsieur le secrétaire d'Etat, que cette réforme tend davantage à permettre au Gouvernement d'empocher une coquette recette supplémentaire en ces temps de baisse des rentrées fiscales qu'à donner les moyens à Gaz de France de mener à bien une stratégie industrielle cohérente. J'observe d'ailleurs que nul ne sait avec précision quel sera le solde de cette opération pour Gaz de France : on verra plus part, sans doute !
Vous vous apprêtez à utiliser ici ce que, lors de l'examen d'un texte portant transposition de diverses directives, j'avais déjà appelé la « législation par appartements » et le tronçonnage des textes. Hélas ! les problèmes demeurent posés dans leur globalité, même si vous tentez d'en résoudre une partie en fonction de l'intérêt du Gouvernement et au détour d'un texte portant diverses dispositions.
J'en termine, mes chers collègues, avec la question de la transposition de la directive de 1998, en soulignant que, du train où vont les choses, les Quinze auront adopté une nouvelle directive de libéralisation avant que celle-ci n'ait été transposée, puisque l'expérience prouve que le Gouvernement est libéral à Bruxelles, tout comme nous, et malthusien à Paris, tout comme sa majorité plurielle ! Qu'y aurons-nous gagné, sinon d'avoir perdu trois, voire quatre ans ?
Venons-en à l'adaptation du capital de Gaz de France aux ambitions qui sont les siennes. Ses ambitions, nous les connaissons : tout comme Electricité de France, Gaz de France souhaite accroître ses activités sur les marchés étrangers. Cette entreprise veut servir 15 millions de clients dans le monde en 2005 et doubler de taille en nouant des partenariats aussi bien en amont qu'en aval de son activité de distribution gazière.
Le personnel de Gaz de France est déjà à pied d'oeuvre. Les prises de participation en Amérique du Sud, - au Mexique, en Argentine et en Uruguay - sont très importantes. En Europe, l'entreprise participera à la privatisation de l'opérateur historique de Lituanie, comme nous venons de l'apprendre par la presse.
Pour mener cette politique, Gaz de France doit réaliser des investissements colossaux. Songez que, sur le 1,9 miliard d'euros investi en 2000, près du quart l'a été en prises de participations à l'étranger et en créations de filiales.
Pour renforcer ses positions, Gaz de France doit accroître ses réserves et sa production et ne plus être quasi exclusivement un vendeur. Bref, Gaz de France doit se diversifier.
C'est précisément pour cette raison que se pose la question des moyens dont l'Etat dotera Gaz de France pour parvenir à ses fins. Lui permettra-t-on d'émettre des quasi-fonds propres tels que des titres participatifs ? Procédera-t-on à sa sociétisation, c'est-à-dire à sa transformation en société à capitaux publics ? Telles sont les questions auxquelles nous souhaiterions obtenir des réponses claires si possible.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Aujourd'hui ?
M. Ladislas Poniatowski. Comme vous le voyez, monsieur le secrétaire d'Etat, notre propos n'est nullement empreint d'idéologie. Nous ne vous demandons pas plus la privatisation de Gaz de France que nous n'avions souhaité, voilà trois ans, la privatisation d'Electricité de France !
Non, le Sénat est parfaitement conscient des enjeux humains et industriels qui conditionnent le développement futur de Gaz de France. C'est ce développement qui permettra, peut-être, demain, de payer les retraites de ses agents ! Le dogmatisme, monsieur le secrétaire d'Etat, n'est pas de ce côté de l'hémicycle, il est chez certains de vos amis pour lesquels le marché et le profit sont, par essence, des mots tabous !
Permettez-moi de conclure mon propos sur une ultime observation.
Lorsque nous interrogeons les dirigeants des grands établissements publics français du secteur de l'énergie, nous les sentons tous prêts à partir à la conquête des marchés étrangers. Monsieur le secrétaire d'Etat, fiez-vous plus à leur sens des affaires qu'aux vieilles lunes qui ont votre oreille et qui ne contribueront à rien d'autre qu'à rendre précaire un avenir qui pourrait être florissant pour cette entreprise nationale et pour notre pays. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat. (Applaudissements sur les travées socialistes.) M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, pour répondre à vos interventions, et en particulier à celles des excellents rapporteurs MM. Clouet et Grignon, mon ami Jean Besson et M. Hérisson, je structurerai mon propos autour de deux points essentiels.
Tout d'abord, ce projet de budget est au service d'une compétitivité économique que la France a déjà conquise et qu'elle doit conforter.
Ensuite, nous menons effectivement une politique de stratégies industrielles, contrairement à ce qu'ont affirmé à cette tribune les détracteurs de cette réalité.
Bref, je crois, pour reprendre l'expression excellente de M. Trémel, que je vous présente un bon bilan, un bilan inspiré par le modernisme, comme l'a souligné M. Rinchet.
Ce budget est au service de la compétitivité économique.
Il intègre tout d'abord des mesures nouvelles importantes qui s'élèvent - ces chiffres n'ont pas été cités à la tribune, et je le regrette - à plus de 33 millions d'euros en dépenses ordinaires et en crédits de paiement, et qui correspondent à quatre priorités caractérisant notre stratégie industrielle : formation, innovation, reconversion et sécurité.
La première priorité concerne la formation.
Former les ingénieurs qui contribueront de manière décisive à la compétitivité de l'industrie française est une nécessité ; M. Laffitte l'a souligné avec brio, comme à son habitude. La France s'enorgueillit d'un réseau d'écoles d'ingénieurs de très bon niveau. Mais il faut former plus d'ingénieurs, les former aux technologies nouvelles - à celles de l'information et de la communication, et aux biotechnologies, notamment - et les former aussi beaucoup plus clairement à l'entreprenariat et à la prise de risques dans la société économique.
A cet objectif essentiel qui prépare ô combien l'avenir, le projet de budget apporte une réponse d'envergure : les crédits consacrés à la formation des ingénieurs augmenteront de 7,8 % en 2002.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Au total, mesdames, messieurs les sénateurs, les crédits pour la formation des ingénieurs auront augmenté, depuis 1997, soit en cinq ans - écoutez ce chiffre, car il est très significatif -, de 37 %. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
J'en viens à la deuxième priorité qu'est l'innovation.
A l'évidence, l'innovation devient de plus en plus le facteur clé de notre compétitivité industrielle. Les crédits publics représentent 11,2 % du financement de l'innovation des entreprises, soit la deuxième source de financement, la part de l'autofinancement se situant aux alentours de 73 ou 74 %.
Messieurs Grignon, Laffitte et Marest, j'ai pu mesurer le rôle déclencheur et structurant de ces crédits au regard de la concurrence internationale lors de la conférence de presse que j'y ai consacrée cette semaine, conjointement avec les présidents d'un certain nombre d'entreprises concernées. A cette occasion, ces derniers ont pu confirmer le rôle décisif de ces crédits tant dans le passé que pour l'avenir, en vue de les encourager à innover, à se lancer dans une stratégie très offensive de politique industrielle, bref, à vouloir être les meilleurs, les leaders mondiaux dans leurs créneaux.
Le présent projet de budget consolide l'action volontariste entreprise depuis 1997.
La capacité d'engagement de l'ANVAR est accrue à 235 millions d'euros au total. Elle intègre évidemment les remboursements d'avances, remboursables en cas de succès, et la mobilisation des reports.
M. Clouet a souligné combien ce projet de budget était en effet aussi l'expression d'un rattrapage des reports de crédits qui sont indispensables et qui démontrent bien notre action volontaire. En effet, s'il y a report, c'est que nous n'avions pas pu, malgré nos efforts, mettre en oeuvre sur les exercices précédents les crédits abondants d'une politique industrielle d'ensemble forte et ambitieuse.
Les autorisations de programme sur le chapitre essentiel 66-01 sont portées à 282 millions d'euros, soit 1 850 millions de francs. C'est la première fois qu'un tel chiffre est atteint ! Lors de mon arrivée au secrétariat d'Etat à l'industrie, en 1997, elles s'élevaient en effet à 1 500 millions de francs seulement ! On ne peut donc pas donner de leçons à cet égard à ce gouvernement, qui a porté en cinq ans les crédits de l'innovation industrielle et des encouragements à l'innovation industrielle de 1 500 millions de francs à 1 850 millions de francs, et qui a ainsi montré le chemin d'une véritable politique d'avant-garde - une politique d'« en-avant », dirais-je, si je m'exprimais en termes militaires - en ce qui concerne l'encouragement à l'innovation industrielle.
Ces dotations d'un niveau jamais atteint permettront de poursuivre la réforme engagée depuis 1998, d'une part, pour faire émerger de façon collective avec les chercheurs et les entreprises les priorités de l'innovation grâce aux quatorze réseaux nationaux de recherche mis en place - le premier, le réseau national de recherche en télécommunications a été mis en place en mars 1998 - et, d'autre part, pour renouveler les entreprises bénéficiaires en mettant l'accent sur les entreprises petites et médianes. En effet, nous constatons que, par rapport à ce qui se passe chez certains de nos partenaires de l'Union européenne, et notamment chez notre voisin et principal concurrent qu'est l'Allemagne, les entreprises médianes ne sont pas assez nombreuses en France.
Cette démarche porte d'ailleurs ses fruits : en 2000, 200 millions de francs de plus qu'en 1999 ont été engagés sur le chapitre 66-01. Nous engageons donc beaucoup mieux les crédits, par ailleurs beaucoup plus abondants. Dès maintenant, les petites et moyennes industries disposent de 30 % des aides dès notification, ce qui répond à l'une des demandes qui avait été formulée à cette tribune par les sénateurs, monsieur le rapporteur général.
La troisième priorité concerne les restructurations.
Pour 2002, je vous propose d'augmenter la capacité d'intervention au titre des restructurations de 3,7 % et de la porter à 43,5 millions d'euros, au profit des crédits de politique industrielle hors CIRI, le comité interministériel de restructuration industrielle, et du Fonds d'industrialisation des bassins miniers, le FIBM, auquel tant de sénateurs sont à juste titre attachés.
Je viens de mettre en place un nouveau dispositif dédié à la reconversion industrielle qui trouvera sa première application en région Basse-Normandie. Les sociétés chargées de la réindustrialisation rendront compte en toute transparence aux services de l'Etat et aux élus, donc aux sénateurs. Le Gouvernement s'est doté d'une gamme complète de moyens permettant de coordonner les interventions nécessaires à la revitalisation des bassins d'emploi touchés par des fermetures d'établissement, en associant les entreprises concernées.
La quatrième priorité est celle de la sécurité.
Le nouvel inventaire de référence des déchets radioactifs par l'Agence nationale des déchets radioactifs est financé en totalité dans le projet de budget pour 2002. C'était bien nécessaire étant donné la multiplicité des sources radioactives dans l'industrie, le secteur médical, les professions libérales - que sais-je encore ?
Le laboratoire national d'essais regroupera et développera d'ici à 2003 les moyens de la métrologie française, qui est une des priorités du ministère de l'industrie depuis cinq ans.
Le souci de la sécurité s'illustre tout particulièrement - j'en ai discuté hier et ce matin même avec M. Jean-Pierre Masseret, et M. Yves Coquelle l'a évoqué - dans l'accentuation de l'effort engagé depuis trois ans pour accompagner la mise en oeuvre des dispositions nouvelles du code minier, dispositions que je vous avais soumises voilà deux ans et que vous avez votées, à l'unanimité, mesdames, messieurs les sénateurs. Ainsi, les crédits de paiement pour la sécurité dans les mines sont multipliés par deux.
S'agissant de l'ennoyage du bassin ARBED, j'ai tenu, hier, une réunion très positive et productive. Elle a été vécue comme telle par les élus locaux et les élus nationaux concernés, ainsi que par les associations représentant la population. Cette réunion a permis d'avancer, dans la mesure où a été fixé un délai de trois ans avant tout ennoyage pour répondre aux enjeux de sécurité publique et pour étudier la poursuite des pompages par les collectivités.
Je veux réaffirmer ici que c'est la sécurité des personnes et des biens qui, aux yeux du Gouvernement, prime sur toute autre considération, notamment de coût et de budget. La sécurité sous le contrôle des experts est pour nous un absolu ; je le dis tout particulièrement à l'intention des sénateurs concernés.
Naturellement, l'ensemble des recommandations des experts, et notamment celles qui concernent la sécurité des personnes et des biens, seront mises en oeuvre pendant ce délai de trois ans que j'ai décidé d'accorder hier, pour trouver une solution au problème humain et économique grave auquel nous sommes confrontés depuis des années.
Toutes les solutions, y compris le comblement, seront étudiées pour le traitement des zones à risque. Les décisions seront toujours prises, comme je l'ai fait depuis 1997, en concertation permanente avec les élus concernés, sur des bases objectives relevant, la plupart du temps, de l'expertise technique internationale ou nationale, de manière que tout ce que nous ferons soit guidé par l'objectivité et le souci, je le répète, d'assurer la sécurité.
Outre ces mesures nouvelles importantes, mon budget est marqué par une gestion attentive de l'ensemble des crédits. Des baisses de crédits sont ainsi prévues sur cinq chapitres ciblés, en raison de l'existence de reports ou de nouvelles réalités.
Concernant la construction navale, monsieur Grignon, si la réintroduction d'un mécanisme d'aide spécifique devait être décidée à l'échelon communautaire, cette aide devrait concerner également les méthaniers. C'est ce que j'ai fait valoir aux commissaires européens concernés.
Par ailleurs, monsieur Grignon, nous sommes conscients de l'importance du lien entre vente et après-vente pour l'ensemble des acteurs de la filière automobile et pour les questions de sécurité. J'ai clairement indiqué à la Commission européenne que le Gouvernement ne saurait accepter une remise en cause de ce principe. Je l'ai fait en concertation permanente avec les constructeurs automobiles français.
L'une des plus belles industries françaises, toujours en croissance en 2001, l'industrie automobile, mérite que l'on se batte pour elle, et j'attends les propositions qui seront formulées par la Commission au début de 2002. Mais j'ai bien cadré le débat : pour le Gouvernement français, il ne s'agit en aucun cas de renoncer à ce que vous avez, à juste titre, défendu dans votre intervention.
Au total, pour 2002, les crédits de l'industrie s'élèveront à 730 millions d'euros en autorisations de programme ; ils sont donc stables. Ils atteindront 2 295 millions d'euros - moins 3,6 % - en dépenses ordinaires et en crédits de paiement. Ils participent ainsi à la réduction des prélèvements, élément de compétitivité des entreprises, tant demandée dans cette enceinte.
Mesdames, messieurs les sénateurs, notre politique est une politique de stratégie industrielle, structurée autour de quatre axes.
Le premier est l'économie de l'innovation. C'est - je le disais au début de mon propos - la clé de la compétitivité d'aujourd'hui et des emplois de demain dans tous les secteurs.
Dans le textile, par exemple, monsieur Grignon, nous ne surmonterons la concurrence des pays émergents que par un effort accru d'innovation et de montée en gamme. Je vous annonce d'ailleurs que je mettrai en place un quinzième réseau national d'innovation, le réseau d'innovation sur le textile habillement. Je l'installerai officiellement, avec son comité d'orientation, dès le mois de janvier prochain, montrant ainsi que je crois à l'avenir d'un secteur que l'on aurait tort de considérer comme un secteur traditionnel, voire comme un secteur du passé. Au contraire, bien des actions innovantes peuvent être menées dans ce secteur ; nous en discuterons avec ses représentants.
Par ailleurs, comme le Premier ministre vient de le rappeler, nous avons réalisé, en quatre ans, des évolutions décisives, qui doivent être poursuivies, pour faire de la France l'économie numérique la plus dynamique d'Europe.
Dans l'appropriation des technologies de l'information et de la communication par les entreprises, les territoires et les particuliers, nous accusions un retard très important. Ce retard est très largement derrière nous : les technologies de l'information et de la communication représentent aujourd'hui 6 % de notre produit intérieur brut.
Les entreprises se sentent partie prenante dans l'économie numérique. La part de la France dans le commerce électronique a doublé : d'après une étude très récente menée par le SESI, le service statistique du ministère de l'industrie, 50 % des Français se sentent concernés par le numérique dans leur vie quotidienne.
Le projet de loi sur la société de l'information, que j'ai présenté en conseil des ministres le 13 juin dernier, définit un cadre clair et précis, un véritable cadre de confiance du développement des technologies de l'information et de la communication.
Ces évolutions se sont appuyées sur l'action continue et déterminée que j'ai conduite pour faire baisser les tarifs d'accès à Internet, à la téléphonie fixe et mobile.
Nous sommes maintenant parmi les pays les moins chers d'Europe pour l'accès à Internet. Nous allons poursuivre dans cette voie pour que, rapidement, puisse entrer en vigueur un tarif forfaitaire d'accès illimité inférieur à deux cents francs par mois. Nous montrerons ainsi que nous restons le pays le moins cher s'agissant de l'accès massif et populaire à cette forme de diffusion de la culture, et nous ferons de cet accès facile au Net par les petites et moyennes entreprises un instrument offensif de notre vie économique.
A M. Poniatowski, qui s'inquiétait de nos résultats en la matière, je répondrai que la table ronde que j'ai tenue mardi avec les opérateurs a permis de confirmer - de l'avis même des industriels, opérateurs et fabricants de terminaux - les atouts dont la France dispose et d'ouvrir les bases d'une démarche partenariale pour les préserver.
J'ai annoncé ce matin même, mesdames, messieurs les sénateurs, la signature de l'accord que j'ai négocié avec les trois opérateurs mobiles et qui va permettre d'accélérer le programme prévu cet été, à Limoges, lors du comité interministériel d'aménagement du territoire, pour le système GSM.
J'ai, par ailleurs, annoncé ce matin une réduction de la participation publique et des collectivités locales et de l'Etat. Ces derniers n'auront plus désormais, grâce à cet accord scellé depuis quelques heures, qu'à financer les pylônes nécessaires à la diffusion et à l'achèvement de la couverture des 1 480 communes identifiées comme non couvertes lors du comité interministériel d'aménagement du territoire. Ils n'auront donc à débourser qu'une somme de 400 millions à 500 millions de francs au lieu du milliard de francs prévu dans l'esquisse précédente ; j'ai ainsi réduit de moitié la participation publique. Par ailleurs, les opérateurs Orange et SFR se sont engagés à financer les équipements actifs pour 500 millions de francs chacun.
En deux ans - et non pas trois, comme cela avait été envisagé voilà quelques semaines - les 1 480 communes concernées seront ainsi couvertes par au moins un opérateur et, pour la moitié d'entre elles, par deux opérateurs.
Voilà un progrès très significatif, qui témoigne de ce partenariat qui s'est instauré avec les opérateurs et les industriels, partenariat fructueux qui augure bien de l'avenir de toutes ces technologies.
Je suis également très confiant dans l'avenir de l'UMTS. Je crois que, grâce à la politique très sage en matière de prix des licences que nous avons définie M. Fabius et moi-même, la France devrait se placer au premier rang des pays d'Europe qui doteront leurs entreprises - notamment les PME et les PMI - et les particuliers de la capacité d'utiliser ces moyens. La compétitivité des premières s'en trouvera accrue, tandis que les seconds en bénéficieront dans leur vie quotidienne en termes de communication et d'accès à la culture.
Je crois pouvoir dire que, grâce à cette politique, qui contraste avec la position adoptée par certains de nos partenaires européens, nous avons pris les moyens d'être les premiers et les meilleurs, lorsque la technologie le permettra, au cours des toutes prochaines années.
Monsieur Laffitte, sachez que j'ai engagé, depuis près de cinq ans, un effort vigoureux en faveur des biotechnologies, effort qui se traduira, en 2002, conformément à une décision prise par M. Fabius et par moi-même, par un financement supplémentaire de 500 millions d'euros en faveur des entreprises de ce secteur grâce à la mobilisation de 100 millions d'euros par l'Etat. M. Schwartzenberg a évidemment participé à ce mouvement positif en faveur des biotechnologies.
Notre ambition est de placer les biotechnologies françaises à la première place européenne d'ici à cinq ans. Je sais que vous souscrivez à cet objectif.
S'agissant des brevets, monsieur Grignon, je vous répète combien je partage les conclusions de l'excellent rapport que vous m'avez transmis voilà quelques mois. Vous connaissez l'action déterminée que je mène depuis quatre ans dans ce domaine et vous avez approuvé les accords de Londres à cet égard. Il faut maintenant que nous transformions ensemble l'essai à l'échelon européen en renforçant, sans accepter ce que l'on appelle la « nationalisation » du problème par les différents Etats membres, le rôle de l'office européen des brevets et en modernisant son fonctionnement, c'est-à-dire en le rendant plus rapide dans ses décisions.
Il nous faut poursuivre dans cette voie. A titre personnel, je pense, mesdames, messieurs les sénateurs, que le rapport Charzat constitue une excellente feuille de route pour l'action gouvernementale dans les mois et les années à venir, centrée sur une politique favorable à l'initiative entrepreneuriale, à la simplification, aux encouragements fiscaux indispensables et à la reconnaissance des succès des créateurs et des innovateurs.
Cette politique permettra, je le pense, aux entreprises spécialisées dans les technologies nouvelles de trouver la voie de la croissance. Elle permettra également d'encourager les chefs d'entreprise à prendre des risques. Une économie moderne de croissance, favorable à l'emploi, doit aller dans ce sens de manière très claire.
Notre deuxième stratégie, c'est un Etat plus proche.
C'est un Etat à l'écoute des élus, des partenaires sociaux et des entreprises. J'y suis évidemment très attentif.
C'est un Etat plus proche des entreprises en région. Les engagements ambitieux pris dans le cadre des contrats de plan - FDPMI et ATOUT, procédures bien connues - sont entièrement respectés à travers une dotation de près de 110 millions d'euros en autorisations de programme.
Depuis 1997, dans ce domaine, les crédits ont progressé de 6,4 %, et 5 milliards de francs permettront d'assurer la dynamique régionale des technologies clés définies par plus de six cents experts indépendants. Il s'agit, en quelque sorte, de l'armature de la prospective active dans nos entreprises. Cela concerne notamment les régions en mutation.
M. Raffarin a évoqué le rôle des chambres de commerce et d'industrie, que nous essayons de dynamiser. Après quelques vicissitudes, il faut le reconnaître, elles devraient présenter prochainement un projet de portail économique.
Les ressources des CCI sont considérables : 21 milliards de francs par an, dont 6,3 milliards de francs provenant de l'impôt additionnel à la taxe professionnelle. Ce sont donc 6,3 milliards de francs de charges pesant sur les entreprises. Cette somme doit être réellement mobilisée, utilisée intelligemment. Beaucoup a déjà été fait, mais beaucoup reste à faire, par exemple dans l' e-business , dans l'encouragement à la mise en réseau des entreprises, dans la formation, dans l'organisation de la sous-traitance, que sais-je encore...
Naturellement, je compte sur les chambres de commerce et d'industrie pour aller dans le sens d'un plus grand dynamisme à cet égard, grâce aux fonds importants dont elles disposent. A titre de comparaison, 6 milliards de francs, cela correspond aux crédits publics qui, sous forme de crédit d'impôt ou de crédits budgétaires, sont consacrés à l'innovation en France. Les chambres de commerce disposent donc, en fait, d'une force de frappe qui équivaut à l'action de l'Etat en matière d'innovation. Elles doivent utiliser ces fonds avec toute la conscience que leur importance justifie.
Troisième stratégie : une énergie moins chère et plus respectueuse de l'environnement, thème qu'a brillamment évoqué M. Jean Besson, rapporteur pour avis.
Avec le nucléaire, la France dispose - M. Besson l'a souligné avec une conviction que nous partageons - d'une énergie qui est parmi les moins chères du monde et qui rejette beaucoup moins de gaz à effet de serre. Nous avons conforté cet acquis, et M. Marest l'a reconnu : le CEA bénéficiera d'une subvention globale de 923,6 millions d'euros, consolidant l'effort intervenu en 2001.
Notre avance technologique ne pourra d'ailleurs perdurer que si les Français ont le sentiment qu'il s'agit de sujets pleinement inscrits dans le débat démocratique. Je l'ai dit et je le répète : loin de craindre la transparence, nous l'appelons de nos voeux. C'est en ce sens que le gouvernement de M. Jospin a toujours agi en ce qui concerne le nucléaire.
Dans le même temps, nous avons conduit une politique sans précédent en faveur des énergies renouvelables : elles représenteront, en 2010, 21 % de notre production, chiffre qui traduit bien notre volontarisme en ce domaine.
M. Rinchet, à juste titre, a souligné l'importance de l'énergie solaire. Elle profitera clairement de ces engagements ambitieux, notamment d'un projet de directive que j'ai fait accepter par nos partenaires de l'Union européenne sous présidence française, visant à faire passer le niveau des énergies nouvelles renouvelables en France de 15 % à 21 %.
Grâce aux tarifs d'achat très avantageux consentis par EDF en faveur de l'énergie solaire, notre pays participera à cet effort volontariste.
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. C'est un gadget !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Accrue en loi de finances rectificative, la capacité d'intervention de l'ADEME est ainsi consolidée à hauteur de 37 millions d'euros.
Monsieur Besson, concernant l'éolien,...
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. Autre gadget !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... nous travaillons, mon excellent collègue M. Cochet et moi-même, à une simplification et à une amélioration des procédures, avec notamment un objectif : convaincre les populations locales - ce qui est parfois difficile, j'en conviens - de l'utilité d'installer des machines éoliennes, en particulier en les associant plus étroitement aux décisions qui précèdent leur mise en place.
Quatrième stratégie : des services publics de qualité pour tous. Cela signifie le respect de certaines exigences : droit à l'électricité, absence d'augmentation du prix du timbre - j'y reviendrai dans un instant -, tarifs téléphoniques particuliers pour les plus démunis, etc.
Voilà quelques exemples de ce qui a marqué l'action du gouvernement de M. Jospin, une action solidaire, résolument favorable au développement des services publics, conforme aux engagements politiques que nous avons pris dès juin 1997.
Monsieur Besson, monsieur Trémel, en ce qui concerne le gaz, le Gouvernement a choisi de transférer le réseau de transport à Gaz de France, ce qui va conforter cette entreprise publique. Nous aurons prochainement l'occasion de parler de ces sujets ici même.
Monsieur Trémel, le plan de desserte gazière que j'ai arrêté en avril 2000 permettra à 1 600 nouvelles communes d'être raccordées en trois ans. Croyez-moi, les maires qui voient arriver le gaz dans leur commune sont extrêmement satisfaits. Nous recevons d'ailleurs régulièrement des lettres d'élus qui tiennent à nous féliciter de cette bonne décision qu'est la programmation triennale de l'élargissement de la desserte en gaz. Nous avons effectivement doublé le rythme de desserte gazière de nos petites communes rurales.
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. Reste le problème du prix du gaz !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Il faudra, monsieur Poniatowski, donner le plus vite possible à Gaz de France les moyens d'une entreprise moderne, présente en amont, au niveau de la production.
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. Et il faudra aussi baisser les tarifs !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Le service public est un combat de conviction, et c'est un combat pour des valeurs. Nous le menons, autour du Premier ministre, auprès de nos partenaires européens, pour que l'Europe se construise sur nos valeurs, et ce sont des valeurs élevées.
Monsieur Hérisson, nous venons de franchir une étape avec l'accord du 15 octobre dernier sur la directive postale. La libéralisation totale du secteur, voulue par certains de nos partenaires européens, a été écartée.
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. Pas voulue par nous !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Vous nous avez peut-être rejoints dans cet objectif tendant à écarter la libéralisation, après avoir été prolixes dans l'autre sens au cours de ces dernières années !
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. C'est exactement l'inverse !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je vous invite à vous référer aux termes précis de l'accord du 15 octobre. L'adaptabilité du service public postal est reconnue. Au total, dans les huit années qui viennent, nous avons la garantie que moins de 10 % du chiffre d'affaires de La Poste seront mis en concurrence.
Monsieur Trémel, nous veillerons, dans le prochain contrat d'objectifs et de progrès en cours de négociation avec La Poste, à ce que cette entreprise publique qui nous est si chère puisse continuer à se développer dans les conditions actuelles, en s'appuyant sur ce qui a fait son succès, à savoir la qualité et la proximité, auxquelles M. Delfau est particulièrement attaché.
Le Gouvernement est bien évidemment opposé à tout démantèlement de La Poste. Il est favorable au développement de ses activités financières, dans le respect des règles tant nationales qu'européennes de la concurrence. Ce développement ne remettra en cause ni l'unité de La Poste ni celle du réseau.
Dès à présent, nous avons fait le choix de reconduire dans le projet de loi de finances pour 2002 les engagements financiers de l'Etat, qui concernent en particulier la prise en charge par celui-ci de l'évolution de l'excédent du poids des retraites de La Poste.
Les élus nationaux et locaux seront associés, le moment venu, aux discussions du contrat d'objectifs et de progrès de La Poste. Je l'ai dit la semaine dernière devant l'Association des maires de France - vous étiez présent, monsieur Hérisson - et je le répète aujourd'hui devant la Haute Assemblée, ce qui est un honneur pour moi : je tiendrai cet engagement de la manière la plus absolue.
Monsieur Hérisson, je n'ai pas augmenté le prix du timbre depuis 1997...
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. Vous laissez à d'autres le soin de le faire !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... et je n'ai pas l'intention de le faire, contrairement à vous.
Je trouve choquant, permettez-moi de le dire - la confiance qui règne entre nous me permet de m'exprimer très franchement - que la majorité sénatoriale puisse prôner publiquement, officiellement, l'augmentation du prix du timbre, qui pèse sur les ménages,...
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. Non : 90 % des envois postaux concernent les entreprises !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... y compris donc sur les plus démunis, et qui pèse sur le développement de ce moyen de transmission de l'information, de la pensée et de la culture.
Non, il ne faut pas augmenter le prix du timbre si l'on veut être cohérent avec une politique de solidarité à l'égard des ménages, notamment des plus démunis d'entre eux,...
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. Démagogie !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... et je suis choqué que la majorité sénatoriale formule une telle proposition.
J'indique à MM. Trémel et Delfau, qui m'ont interrogé sur cette question, que le contrat d'objectifs et de progrès - la loi l'appelle « contrat de plan » mais il me semble légitime de montrer qu'il s'agit d'un contrat de progrès - devra répondre à trois objectifs : premièrement, conforter le développement de La Poste sur tous ses métiers ; deuxièmement, faire en sorte que La Poste continue à assurer et à développer les missions de service public sur tout le territoire, évidemment sous des formes modernisées, adaptées à notre époque, car le maintien des principes essentiels du service public sur tout le territoire exige le dynamisme ; troisièmement, garantir - et c'est également important compte tenu des événements de l'été dernier - le dialogue et la concertation avec les élus mais aussi, je le souligne en tant que secrétaire d'Etat, avec le personnel, pour lui assurer que sa situation et ses aspirations sont pleinement prises en compte par la direction de La Poste.
Je dirai, pour conclure, que nous avons accompli un chemin très important, décisif même, pour la compétitivité de l'industrie française au cours des cinq dernières années. Ce chemin doit être poursuivi, car la concurrence internationale et la mondialisation rebattent constamment et sans pitié les cartes de l'industrie dans le monde. Il nous faut donc toujours être à la pointe, en avant, volontaires et modernes.
A périmètre comparable, depuis 1997, et en intégrant les effets du projet de loi de finances pour 2002, les crédits destinés à l'industrie auront progressé de 3,5 % ; ce chiffre mérite bien d'être mentionné. Entre 1994 et 1997, toujours en se référant à des périmètres comparables, les crédits de l'industrie avaient baissé de plus de 5 % ! (Eh oui ! sur les travées socialistes.)
Si l'on procède à des comparaisons, allons jusqu'au bout, de manière à faire ressortir la réalité d'une stratégie industrielle offensive, celle qu'a menée le gouvernement de Lionel Jospin ! (Très bien ! sur les mêmes travées.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, les deux chiffres, très contrastés, que je viens de citer montrent l'importance politique, culturelle, que le Gouvernement attache à l'industrie, et par là même à l'innovation, ainsi qu'au service public. Ce thème tiendra certainement une très grande place dans les débats nationaux que nous aurons l'année prochaine, à l'occasion des deux grandes échéances électorales à venir.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous devons être fiers de nos entreprises industrielles : 70 000 emplois industriels supplémentaires ont été créés dans l'industrie en 2000. Ce chiffre est sans précédent depuis 1974 !
Ne soyons pas timorés dans le soutien que nous apportons aux efforts de notre industrie, qui représente 20 % du produit intérieur brut pour l'industrie sticto sensu, et 40 à 45 % si l'on inclut les services à l'industrie. Nous devons être fiers d'être la quatrième puissance industrielle du monde ! Nous devons être fiers du fait qu'entre juin 1997 et juin 2001, pour la première fois depuis vingt-cinq ans, l'industrie française a créé 234 00 emplois nets !
Au cours de la période précédente, c'étaient essentiellement les services qui créaient des emplois. Ils continuent à en créer, bien sûr, mais l'industrie, pour la première fois depuis un quart de siècle, entre à son tour dans la logique de la création d'emplois, sans pourtant obérer sa compétitivité vis-à-vis de ses concurrentes mondiales.
Nous nourrissons une grande ambition pour une grande industrie. C'est pourquoi nous poursuivons notre effort déterminé pour son développement à venir.
Comme cela a été déjà souligné à cette tribune, ces dernières années ont été marquées par un véritable changement de climat, avec une attention très marquée aux besoins des entreprises, à l'innovation, à la création de nouvelles unités, à la créativité globale de notre économie industrielle.
Nous sommes désormais, s'agissant de notre industrie, résolument tournés vers l'avenir, comme certains d'entre vous l'ont reconnu, et comme M. Raffarin aurait pu l'admettre lorsqu'il a évoqué la création d'entreprises puisque, contrairement à ce qu'il a indiqué un peu rapidement, le nombre des créations d'entreprise s'est élevé, en 2000, à 176 700, contre 169 600 en 1999, soit une progression de 4,2 % en un an.
Mesdames, messieurs les sénateurs, oui, nous sommes offensifs, oui, nous sommes confiants, oui, nous mobilisons la nation pour une industrie que nous aimons, oui, nous sommes tournés vers l'avenir ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées socialites et sur certaines travées du RDSE.) M. le président. Je rappelle au Sénat que les crédits concernant l'industrie seront mis aux voix aujourd'hui même à la fin de l'examen des crédits affectés au commerce extérieur.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 281 480 691 EUR. »