SEANCE DU 17 OCTOBRE 2001


M. le président. L'amendement n° 74 rectifié, présenté par MM. Mano et Vézinhet, est ainsi libellé :
« Après l'article 20 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le sixième alinéa (5°) de l'article 221-4 du code pénal, il est inséré un 6° ainsi rédigé :
« 6° Sur toute personne occupant une fonction de gardien ou régisseur pour le compte d'une structure juridique (office d'habitations à loyer modéré, office public d'aménagement et de construction, société d'économie mixte, société anonyme d'habitations à loyer modéré) gérant un patrimoine social. »
« II. - Après le onzième alinéa (10°) des articles 222-3, 222-8, 222-10, 222-12 et 222-13 du même code, il est inséré un 11° ainsi rédigé :
« 11° Sur toute personne occupant une fonction de gardien ou régisseur pour le compte d'une structure juridique (office d'habitations à loyer modéré, office public d'aménagement et de construction, société d'économie mixte, société anonyme d'habitations à loyer modéré) gérant un patrimoine social. »
La parole est à M. Mano.
M. Jean-Yves Mano. Dans la suite logique du débat qui vient d'être le nôtre, cet amendement vise à sanctionner de peines aggravées les infractions commises sur les agents des organismes d'HLM, plus particulièrement sur les gardiens d'immeubles.
En effet, ces personnes remplissent aujourd'hui une mission d'intérêt général et de service public. Dans l'exercice de leurs fonctions, ces personnels sont confrontés quotidiennement à des actes de violence verbale et parfois physique, et ils sont souvent le premier interlocuteur institutionnel dans les ensembles urbains cumulant des handicaps socio-économiques. C'est le seul lien social institutionnel qui existe entre une grande partie de la population et le reste de la société.
Malgré les difficultés de leur mission, ces agents essaient d'entretenir le lien social dans des quartiers où il a peu à peu disparu. Ils sont aux premières loges pour une gestion de proximité que nous demandons, les uns et les autres, de voir effectuer par les ensembles des organismes bailleurs sociaux. Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat au logement, a reconnu de fait le rôle essentiel de ces personnes en demandant de passer à un gardien d'immeuble pour cent appartements. C'est dire que les gardiens sont une base essentielle de la reconstruction sociale nécessaire de ces ensembles immobiliers dans bien des cas.
Mais, pour que ces personnes exercent cette mission, il faut leur reconnaître une valeur supplémentaire et assurer leur sécurité. C'est pourquoi je demande que les agressions dont ils pourraient être victimes fassent l'objet de peines aggravées. C'est à ce prix que nous saurons reconnaître le rôle essentiel qu'ils exercent dans la société. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Cet amendement, qui a pour objet d'aggraver les peines encourues pour certaines infractions lorsqu'elles sont commises sur un agent d'un organisme d'habitations à loyer modéré, ou, plus largement, de logements sociaux, avait, dans sa première mouture, suscité une réserve de la part de la commission des lois, cette dernière considérant qu'il n'était pas souhaitable de prévoir ce régime pour tous les agents quels qu'ils soient.
Mais nous avons bien noté que cet amendement a été rectifié, devenant ainsi nettement plus raisonnable.
Si je partage tout à fait votre sentiment, mon cher collègue, une réserve demeure néanmoins : peut-on indéfiniment étendre la liste des personnes protégées au coup par coup et sans avoir une réflexion globale ? On pourrait par exemple observer que les convoyeurs de fonds ne sont pas concernés par une telle protection. Cela pose donc une question.
M. Jean-Jacques Hyest. La prochaine fois, on les inclura !
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Telle est la réserve de fond de la commission : je vous concède bien volontiers qu'elle était plus large dans la première version de l'amendement. Néanmoins, si le caractère défavorable de l'avis de la commission est maintenant moins marqué, il demeure quand même un peu.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. La loi réserve une protection particulière aux personnes, soit parce qu'elles sont particulièrement fragiles, soit parce que leurs fonctions les conduisent à participer étroitement à l'autorité publique ou à des missions essentielles de service public.
Nombreuses sont les catégories professionnelles qui travaillent pour l'intérêt général. Si toutes devaient obtenir un même niveau de protection par la loi, l'exception tendrait à devenir la règle.
En outre, en l'espèce, réprimer davantage les infractions de violences commises au préjudice d'agents des HLM risquerait de rompre l'égalité devant la loi vis-à-vis des personnels des sociétés de surveillance qui sont également affectés aux mêmes missions de gardiennage des ensembles immobiliers.
Au demeurant, le problème que vous posez est réel. Je le connais bien, étant moi-même élu parisien ; j'en comprend la problématique. C'est pourquoi, en fonction du dialogue qui vient d'avoir lieu, je ne peux que m'en remettre à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 74 rectifié, repoussé par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement n'est pas adopté.)

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