SEANCE DU 9 OCTOBRE 2001


M. le président. « Art. 32 A. - Dans le deuxième alinéa de l'article L. 321-3 du code du travail, les mots : "Sans préjudice des dispositions de l'article L. 432-1," sont remplacés par les mots : "Après achèvement de la procédure de consultation prévue par le livre IV du présent code, telle qu'elle résulte notamment de ses articles L. 431-5, L. 432-1 et L. 432-2, et, le cas échéant, après adoption, par les organes de direction et de surveillance de la société, de la décision prévue par l'article L. 238-1 du code de commerce,". »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 179, présenté par M. Gournac, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 206, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« A la fin de ce même article, remplacer les mots : "l'article L. 238-1 du code de commerce" par les mots : "l'article L. 239-1 du code de commerce". »
La parole est à M. Gournac, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 179.
M. Alain Gournac, rapporteur. L'article 32 A vise à séparer radicalement la consultation du comité d'entreprise sur un projet de restructuration de la consultation relative à un projet de licenciement. Or, une telle concomitance, si elle n'est pas habituelle, est permise par le droit actuel et par la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation, ce qui constitue une souplesse nécessaire.
La commission propose donc de supprimer cet article.
M. Claude Domeizel. Encore !
M. Alain Gournac, rapporteur. ... qui introduit une rigidité dont l'utilité ne s'impose pas avec évidence.
M. le président. La parole est à Mme le ministre, pour présenter l'amendement n° 206 et pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 179.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. L'amendement n° 206 est un amendement rédactionnel et le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 179.
Je rappelle que l'objectif est d'opérer une distinction très nette entre deux phases de la procédure afin de permettre au comité d'entreprise d'être consulté, d'abord et de façon approfondie, sur la restructuration envisagée par l'employeur et, ensuite seulement, sur le plan de sauvegarde de l'emploi et les moyens d'éviter les licenciements ou de limiter le nombre des salariés licenciés.
Loin d'introduire des rigidités, l'article 32 A introduit au contraire plus de logique et de cohérence dans les procédures.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 206 ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission est évidemment contre l'amendement n° 206.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 179.
M. Gilbert Chabroux. Je demande la parole contre l'amendement.
M. Gilbert Chabroux. Il est tout à fait regrettable qu'une fois encore, lorsqu'il est question d'une consultation des représentants du personnel, la majorité sénatoriale parle de « rigidité » pour qualifier cette procédure.
Sur le fond, je rappelle une nouvelle fois notre position : cette manière de concevoir les relations dans l'entreprise est parfaitement antédiluvienne et contre-productive.
Il importe, tous les sociologues du travail en conviennent, que les salariés éduqués et formés d'aujourd'hui se sentent pleinement impliqués dans la vie de l'entreprise, s'y sentent respectés et soient responsabilisés. Les entreprises, grandes ou moyennes, les plus performantes sont désormais celles qui gèrent dans cet esprit la ressource humaine.
Les institutions représentatives du personnel ont donc un rôle primordial à jouer, non seulement lorsque les difficultés sont avérées et qu'il n'y a plus de remède, ce qui est une manière déguisée de nier le rôle des délégués, mais aussi en amont, quand les salariés peuvent encore peser sur leur avenir et participer à l'élaboration et aux choix de solutions.
Les deux réunions du comité d'entreprise ont donc chacune une utilité différente et doivent être maintenues.
M. Roland Muzeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau. L'article 32 A distingue clairement la phase d'information et de consultation du comité d'entreprise sur le projet de restructuration, son bien-fondé, de la phrase qui porte sur le contenu même du plan social.
Le législateur prévoit déjà cette double consultation. Toutefois, faute de lisibilité suffisante des textes, la Cour de cassation aété conduite à affirmer le caractère distinct des deux procédures, tout en n'excluant pas leur éventuelle concomitance.
Cette jurisprudence Sietam - Cour de cassation, chambre sociale - du 16 avril 1996, n'a pas permis de régler tous les problèmes d'articulation entre la procédure de consultation du comité d'entreprise du livre IV et la procédure du livre III du code du travail. C'est pourquoi, aujourd'hui, il est nécessaire « de lever certaines incompréhensions jurisprudentielles » permettant de commencer l'étude du plan social alors que l'avis prévu au livre IV n'avait pas été donné, comme l'a très justement noté M. Michel Coquillon de la CFTC lors de son audition par la commission des affaires sociales.
A priori cette question est étrangère au rapporteur de la commission des affaires sociales, qui propose de supprimer l'article 32 A.
Cet article serait en effet « source de rigidité supplémentaire », selon M. le rapporteur, et « d'allongement de la durée des procédures », selon M. Seillière.
Bref, l'argument classique de la complication à outrance de la vie de tous les acteurs de la vie économique et sociale est une fois de plus avancé pour grignoter des droits aux salariés. En l'occurrence, il s'agit de celui qui leur permet de bénéficier d'une véritable et sincère information-consultation.
Dans le numéro de novembre 1996 de la revue Droit social, MM. Georges Belier et Henri Legrand considèrent « qu'il n'est nullement équivalent de dissocier ou de réunir les débats sur la cause et les conséquences des licenciements. » Nous partageons cet avis.
Nous choisissons de clarifier la procédure et, par la même, de renforcer les capacités d'intervention des comités d'entreprises. Nous voterons donc contre l'amendement n° 179.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 179, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 32 A est supprimé et l'amendement n° 206 n'a plus d'objet.

Article 32
(précédemment réservé)