SEANCE DU 20 JUIN 2001


M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 1 est présenté par M. Seillier, au nom de la commission.
L'amendement n° 44 rectifié est déposé parMM. Pelletier, Paul Girod, Joly, Mouly, Demilly, Vallet et Guichard.
L'amendement n° 91 est présenté par MM. Souplet, Deneux, Huriet et les membres du groupe de l'Union centriste :
Tous trois tendent à insérer, après le quatrième alinéa (3°) du texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 752-1 du code rural, un alinéa additionnel ainsi rédigé :
« ... ° Les retraités mentionnés au 3° du même article participant occasionnellement à la mise en valeur de l'exploitation. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 1.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Cet amendement vise à maintenir dans le champ de l'assurance accidents des exploitants les retraités anciens non-salariés agricoles qui continuent de participer de manière occasionnelle aux travaux de l'exploitation et s'exposent ainsi à un risque d'accident du travail.
Le Gouvernement m'objectera probablement que, à partir du moment où ces personnes sont retraitées, elles n'ont pas à être couvertes par l'assurance accidents. Certes, mais je crois qu'il s'agit là - hélas ou tant mieux, parce que c'est aussi une souplesse - d'une réalité du monde rural qu'il convient de prendre en compte, comme cela est souhaité par les agriculteurs eux-mêmes.
Nous ne pouvons pas avoir, aujourd'hui, la garantie que les retraités donnant un coup de main seront aussi bien traités en assurance maladie qu'en assurance accidents. Je connais dans ma commune des cas où, le fils qui a pris la succession sur l'exploitation étant mobilisé sur une autre tâche, le père est allé donner un coup de main et s'est trouvé dans une situation qu'il nous faut prendre en compte même si, légalement, elle apparaît contestable.
M. le président. La parole est à M. Joly, pour défendre l'amendement n° 44 rectifié.
M. Bernard Joly. Le régime actuel assure quelque 841 000 personnes, dont 124 000 retraités. Si nous adoptons ce texte, ces 124 000 retraités, qui participent ponctuellement aux travaux de certaines exploitations agricoles seront exclus du régime AAEXA, pour être basculés sur le régime AMEXA. Or ces retraités participent de fait aux activités et s'exposent donc aux risques d'accident du travail. Il me paraît donc normal de maintenir les retraités dans le régime de l'AAEXA.
Nous savons bien qu'une pension d'invalidité ou une indemnité journalière versées en cas d'accidents sont considérablement moins importantes dans le régime AMEXA que dans le régime AAEXA. Si nous permettons ce basculement, nous dissuaderons un grand nombre de retraités de donner un coup de main dans les exploitations de taille modeste. Nous priverons ces exploitations d'un apport de main-d'oeuvre indispensable à l'occasion des récoltes. Pis, nous accentuerons les risques d'accidents chez les exploitants, qui seront contraints, faute de pouvoir embaucher, de se dédoubler pour pallier le manque de main-d'oeuvre.
Nous savons tous que, dans les exploitations modestes, pendant la période des récoltes deux chauffeurs sont nécessaires : l'un pour conduire l'engin qui récolte, l'autre pour conduire le tracteur qui réceptionne. Imaginez un instant la perte de temps pour l'agriculteur contraint de descendre de sa moissonneuse pour conduire sa remorque à la coopérative, et vous savez que les contraintes climatiques obligent à faire les récoltes de plus en plus vite pour éviter la pluie. C'est dans la précipitation et le stress que les accidents sont les plus nombreux. Ne retirons pas aux agriculteurs le droit de se doter d'une main-d'oeuvre ponctuelle expérimentée et maintenons les retraités dans le régime AAEXA !
M. le président. La parole est à M. Souplet, pour défendre l'amendement n° 91.
M. Michel Souplet. Au sujet de cet amendement, identique aux deux précédents, je rappelle à M. le ministre que, dans 80 % des cas, lorsque l'exploitation est transmise du père au fils, le père continue de travailler avec son fils. Aussi, la protection complémentaire assurée au retraité qui travaille sur l'exploitation nous paraît tout à fait raisonnable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 1, 44 rectifié et 91 ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. J'ai des scrupules à intervenir puisque M. le rapporteur a déjà indiqué ce que j'avais à dire !
Il faut dire le droit aussi simplement que possible. Quand on est retraité, c'est que l'on a cessé son activité et, si l'on cesse son activité, on ne peut pas être couvert pour un risque lié à l'activité. Certes, il est des cas où, effectivement, le cumul entre la retraite et la poursuite d'une activité est autorisé. Dans ce cas-là, l'agriculteur garde le statut de chef d'exploitation et il bénéficie alors de la couverture contre les accidents du travail.
Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements identiques qui risquent de créer une confusion, même si je comprends le souci qu'ils traduisent de prendre en compte une réalité de la vie agricole.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 1, 44 rectifié et 91.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur le ministre, vous n'auriez pas eu à vous interroger sur la confusion du dispositif si vous aviez accepté le premier amendement que nous avons défendu sur la vie privée et la vie professionnelle. Par cette attitude, vous vous créez des difficultés et vous en créez à la profession.
Lorsque nous avons discuté du projet de loi d'orientation agricole, Dieu sait combien vous avez cherché, par la modulation, à opposer les petites structures aux grandes structures. Or, en refusant d'accepter l'amendement de nos collègues, vous pénalisez les exploitants de petites structures, qui ne peuvent s'en sortir qu'avec le concours de leurs parents qui gardent un peu d'activité. C'est ainsi que la transition peut se faire. Si vous n'accordez pas à ces personnes la couverture du risque dans des conditions acceptables, vous aggravez encore la situation financière de ces petites exploitations. C'est la raison pour laquelle j'encourage nos collègues à adopter les amendements qui sont soumis à notre vote.
M. Louis Moinard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Moinard.
M. Louis Moinard. En fait, on confond le travail du retraité et le coup de main occasionnel. Je prends un exemple : un éleveur appelle un vétérinaire et il a besoin d'un coup de main pour attraper un animal. Pensez-vous que son père refusera de l'aider sous prétexte qu'il est retraité ? Dans un cas comme celui-là, il faut qu'une couverture soit prévue.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 1, 44 rectifié et 91, repoussés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Par amendement n° 45 rectifié, MM. Pelletier, Paul Girod, Joly, Mouly, Demilly, Vallet et Guichard proposent de rédiger ainsi la première phrase de l'avant-dernier alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 752-1 du code rural : « Il incombe au chef d'exploitation de souscrire et de maintenir en vigueur l'assurance prévue au présent chapitre pour lui-même et les autres personnes mentionnées au présent article. »
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. La modification proposée a pour objet de préciser que l'obligation d'assurance incombant au chef d'exploitation implique la souscription et le maintien en vigueur d'un contrat d'assurance régi par les dispositions spécifiques du présent chapitre.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Cet amendement s'inspire de la rédaction actuelle de l'article L. 752-2 du code rural, qui précise que l'obligation d'assurance résulte de la souscription et du maintien en vigueur de l'assurance accidents du travail et maladies professionnelles.
La rédaction actuellement proposée pour cet alinéa n'était pas incompatible avec le maintien d'un régime concurrentiel. Aussi ne l'avions-nous pas modifié dans le souci de ne bouleverser qu'au minimum le texte adopté par l'Assemblée nationale. C'est pourquoi je m'en remets à la sagesse de notre assemblée sur cet amendement, qui, par ailleurs, ne soulève pas d'objection fondamentale.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Cet amendement s'inscrit dans une logique assurancielle et concurrentielle, donc très différente de la logique de protection sociale et d'instauration d'un nouveau régime de sécurité sociale qui sous-tend le texte qui vous est proposé. Je suis donc évidemment défavorable à cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 45 rectifié, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L. 752-1 du code rural.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE L. 752-2 DU CODE RURAL