SEANCE DU 19 JUIN 2001


ORIENTATION BUDGÉTAIRE

Débat sur une déclaration du Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat d'orientation budgétaire.
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le débat d'orientation budgétaire est un temps important de la vie parlementaire. Le Gouvernement dirigé par Lionel Jospin y expose son cap pour les finances publiques, le Parlement exerce son rôle d'évaluation et de contrôle, le ministre de l'économie et des finances, la secrétaire d'Etat au budget informent la représentation nationale et s'efforcent de répondre à ses questions. C'est d'autant plus nécessaire aujourd'hui que la conjoncture économique est changeante et assez incertaine. Dans ce cadre, je présenterai quatre séries d'observations.
Première série d'observations : face au ralentissement économique international incontestable, la France, même si elle résiste mieux que d'autres, est concernée avec les autres et par les autres.
La dégradation de la conjoncture nous vient des Etats-Unis. L'économie américaine affiche aujourd'hui une croissance divisée par cinq par rapport à l'an 2000. Certes, des informations contradictoires sont quotidiennement diffusées, mais la prudence me semble s'imposer. En dépit de l'action forte de la Réserve fédérale, je ne crois malheureusement pas à un retour rapide de l'économie américaine aux taux de croissance précédents.
Dans le même temps, le Japon, qui constitue avec les Etats-Unis, ne l'oublions pas, près de la moitié du produit intérieur brut mondial, souffre d'une croissance atone, voire négative. Le pétrole très cher, trop cher, perturbe aussi le panorama : dès lors que l'Organisation des pays exportateurs de pétrole, l'OPEP, refuse d'augmenter sa production, la faiblesse des stocks et les difficultés des raffineurs alimentent un haut niveau et une forte volatilité des cours. L'intérêt de tous serait qu'un équilibre global et durable soit trouvé entre producteurs et consommateurs autour d'un prix de 20 dollars à 25 dollars le baril. C'est le message que la France a adressé et adresse à l'OPEP, dont les représentants se réuniront début juillet.
La mondialisation des économies signifiant aussi celle de leurs problèmes, l'onde de choc touche l'Europe avec une rapidité plus grande que dans le passé, notamment nos voisins - je pense à l'Allemagne et, dans une moindre mesure, à l'Italie - qui ont fondé leur espoir de reprise sur la dynamique des exportations. Telle est la situation autour de nous.
La France doit affronter ce ralentissement, en évitant deux erreurs : minimiser l'évolution, en amplifier les effets. La capacité de résistance de notre économie est solide. La consommation des ménages reste forte. Certes, leur moral a chuté depuis le pic d'optimisme atteint en janvier, mais ce moral restait, selon la dernière estimation connue, très supérieur à celui des années antérieures. La progression du revenu des ménages est bien orientée grâce aux créations d'emplois qui ont dépassé le seuil des 100 000 postes au début de l'année. Le pouvoir d'achat, soutenu par l'évolution des salaires et les baisses d'impôts, devrait demeurer largement positif en 2001. Dans le même temps, l'investissement des entreprises, autre moteur de la croissance, s'il est inférieur au rythme enregistré l'année dernière, restera soutenu cette année. Le déstockage massif, qui a fortement pesé sur l'activité du premier trimestre par sa brutalité même, devrait ménager l'activité des mois à venir.
Dans ce contexte, la croissance française devrait être supérieure à la moyenne des autres pays, quoique plus faible que prévue. Avec les Etats-Unis et le Canada, nous nous situons sur la moyenne période dans le peloton de tête du G 7. Nous sommes, avec le Royaume-Uni, le pays dont la croissance enregistre le moins d'à-coups sur une longue durée. Pour la quatrième année consécutive, notre croissance sera supérieure à celle de l'Allemagne. Quel chiffre exact retenir ? J'ai dit récemment, revoyant en baisse nos prévisions précédentes, que nos perspectives de croissance pour cette année pourraient se situer à un taux proche de 2,7 %. Je préciserai ce chiffre dans quelques semaines, selon les calendriers habituels. En tout état de cause, si nous devons prendre nos précautions face au ralentissement, nous devons rester confiants : notre économie a la capacité de résister.
Trois éléments supplémentaires, significatifs, doivent cependant être pris en compte. D'abord, l'inflation a récemment augmenté, à cause de la hausse des prix du pétrole et de celle des produits frais. Dans le secteur de la grande distribution et, je l'ai dit, dans le secteur pétrolier, le Gouvernement devra veiller particulièrement au bon fonctionnement des règles de la concurrence. Si nous voulons que les gains de pouvoir d'achat jouent à plein, les prix doivent rester modérés. Il faut donc éviter toute spirale inflationniste. Au total, la hausse des prix devrait rester cependant plus basse que celle de nos partenaires. Ensuite, sur le front de l'emploi, le chômage a continué de diminuer, mais à un rythme moins fort qu'en 2000. Il a retrouvé en ce printemps son niveau de 1983, résultat d'autant plus remarquable, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'il est intervenu dans un contexte, on ne le dit pas, de forte progression de la population active, avec plus de 200 000 entrées nouvelles sur le marché du travail en un an. C'est ainsi qu'en quatre ans plus d'un million de Français ont retrouvé un revenu du travail. Notre politique économique est bien celle de l'emploi et nous devons la poursuivre en ce sens.
J'ajoute une dernière donnée, empirique celle-là : depuis 1997, force est de reconnaître que le Gouvernement de Lionel Jospin a démontré sa capacité à mettre en oeuvre des stratégies utiles pour affronter et amortir les chocs extérieurs.
Ma deuxième série d'observations porte sur quelques données relatives à l'exécution du budget 2001.
S'agissant du volet des dépenses de l'Etat pour 2001, nous avons annoncé une progression de 0,3 % en volume. Cet engagement sera tenu. L'augmentation constatée au premier trimestre traduit pour l'essentiel un effort d'amélioration de la gestion des dépenses militaires en capital : au lieu d'être concentrées au début de l'année, comme c'était le cas pour les exercices précédents, ces dépenses sont désormais lissées tout au long de l'année. Le ministère de la défense avait dépensé fin avril 2001 près de 12 milliards de francs de plus sur ses crédits d'investissement qu'en 2000, cela fera donc 12 milliards de francs de moins à consommer dans les mois à venir.
S'agissant des recettes, les moins-values enregistrées à ce stade par rapport à l'an 2000 résultent surtout de l'allégement de la pression fiscale. Les mesures annoncées depuis le printemps 2000 trouvent ici leur traduction concrète. La diminution dans l'évolution des recettes provient principalement de la baisse d'un point de la TVA intervenue en avril 2000 et de l'instauration de la taxe intérieure sur les produits pétroliers stabilisatrice pour faire face au choc pétrolier de l'automne 2000. Dans les deux cas, cela traduit la volonté du Gouvernement de consolider le pouvoir d'achat et de soutenir la consommation des ménages, donc la croissance. J'ai cru naguère entendre certains responsables affirmer que la baisse des impôts annoncée par le Gouvernement n'avait pas de réalité : elle se lit pourtant dans les recettes de l'Etat et elle se lira aussi sur les avis d'imposition sur le revenu de l'an 2000. Un aléa à la baisse peut toutefois exister en raison du ralentissement de la conjoncture.
L'exécution du budget 2001 s'accomplit également selon l'impératif de transparence. Mme Parly et moi-même avons transmis aux assemblées le décret d'avance, avant sa signature, ce qui, de mémoire de parlementaire - et certains d'entre vous sont plus anciens que moi - constitue une première. Très régulièrement, vous recevez les situations budgétaires et vous disposez, mesdames, messieurs, depuis deux ans, d'une présentation du budget expliquant les actions financées, les objectifs visés, les résultats obtenus et les marges de progression escomptées. Tout cela atteste notre souci d'informer et d'associer, comme il est normal, le Parlement au contrôle et à l'élaboration du budget. Je sais combien, comme sénateurs, vous y êtes sensibles. C'est l'occasion pour moi de saluer le rôle de votre Haute Assemblée dans la réforme de l'ordonnance de 1959, examinée avec une grande compétence par vous-mêmes et soumise récemment à votre vote. La transparence est une démarche d'ensemble. Nous partageons le même attachement à cette démarche positive.
Ma troisième série d'observations porte sur l'évolution de la conjoncture, qui impose la vigilance. Compte tenu des résultats obtenus depuis 1997, elle invite à maintenir le cap de notre stratégie budgétaire. Nos choix précis pour 2002 seront rendus publics, comme il est normal, lors de la présentation du budget en septembre. Je veux dès aujourd'hui en réaffirmer le socle : une évolution modérée et maîtrisée de la dépense publique, la poursuite des baisses d'impôts pour la croissance et le pouvoir d'achat, la volonté de limiter les déficits et l'endettement, tout cela afin de contribuer le plus possible à l'emploi et à la solidarité durables.
La maîtrise de la dépense publique est une clé de voûte de notre stratégie de finances publiques. Le chiffre de progression des dépenses de l'Etat sera, ainsi que l'a déterminé le Premier ministre, de 0,5 % en volume pour 2002, c'est-à-dire, en tout état de cause, très inférieur à la croissance. Cette évolution doit nous permettre d'être fidèles à nos objectifs pluriannuels. A ceux qui doutent du bien-fondé de cette démarche, je rappelle que ce dernier critère conduit les différents acteurs publics, notamment l'Etat, à concevoir leur action sur le moyen terme en définissant les actions nouvelles et les possibilités de redéploiement sur une période de trois ans. De cette façon, depuis 1997, plus de 30 milliards de francs d'économies et de redéploiement ont été réalisés chaque année, qui contribuent à financer les mesures nouvelles souhaitées par le Gouvernement et le Parlement. Au terme de cette gestion active de la dépense, près de 90 % de la progression du budget de l'Etat ont pu être affectés aux secteurs prioritaires que sont l'éducation, la lutte contre les exclusions, la sécurité, la justice et l'environnement. Les budgets correspondant à ces secteurs prioritaires ont progressé de 14 % en valeur entre 1997 et 2001.
Est-il besoin de souligner une fois de plus que laisser filer les dépenses serait incompatible avec les possibilités économiques et financières de la France, nos engagements européens et les incertitudes qui pèsent sur l'environnement économique international ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Vous parlez d'or !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Au ralentissement actuel de conjoncture ne doit évidemment pas s'ajouter un renversement de stratégie économique : depuis 1997, nous avons rétabli des fondamentaux sains, conditions d'une croissance durable et créatrice d'emplois. Des dépenses qui dérapent, ce serait des taux d'intérêt à la hausse et donc l'emploi à la baisse.
La vigilance vaut aussi pour les dépenses sociales, en particulier les dépenses d'assurance maladie qui ne doivent pas s'alourdir au point de compromettre l'équilibre de la sécurité sociale. N'oublions pas que des efforts importants et diversifiés resteront à accomplir pour le financement à long terme des retraites. Le même message vaut pour les dépenses militaires, dont l'augmentation massive ne m'apparaîtrait ni nécessaire pour notre sécurité ni compatible avec nos perspectives économiques.
Concernant les prélèvements, le Gouvernement s'est engagé sur un plan triennal d'allégement des impôts à hauteur de 120 milliards de francs. Ces baisses portent sur les grands impôts nationaux, tels que la TVA, l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, comme sur la fiscalité locale, telle que la taxe professionnelle ou la vignette. En 2002, et même si l'on peut émettre quelques réserves sur la pertinence de cette notion, le taux global des « prélèvements obligatoires » devrait baisser à environ 44,5 %.
Au total, les allégements « volontaristes » de prélèvements obligatoires, tels que les impôts et les prélèvements sociaux, pourraient représenter 2,2 points de PIB sur la durée de la législature. Les baisses d'impôts se poursuivront en 2002 conformément au plan pluriannuel 2001-2003. La réduction dégressive du barème de l'impôt sur le revenu interviendra pour la troisième année consécutive et elle devrait soutenir la consommation. La deuxième étape de la suppression de la surtaxe dite « Juppé » sur les bénéfices des entreprises sera franchie en 2002, concernant prioritairement les petites entreprises. La prime pour l'emploi sera doublée afin de favoriser le retour à l'activité : les ménages les plus modestes, souvent non imposables, en bénéficieront.
Ainsi, les engagements pris seront respectés. C'est une question de crédibilité vis-à-vis des Français qui avaient durement sanctionné, comme vous vous en souvenez, un candidat à l'élection présidentielle dénonçant les impôts excessifs, mais entamant son mandat par une augmentation de deux points de la TVA. Ces baisses, qui doivent être équitables, sont en outre un atout face au ralentissement de la conjoncture : il serait dangereux, à l'heure où les ménages ont besoin d'appui et les entreprises de marges d'action, d'inverser les baisses d'impôts.
J'en viens à la limitation des déficits.
Depuis quatre ans, le besoin de financement des administrations publiques est passé de 3,5 % du PIB en 1997 à 1 % prévu en 2001. Sur cette période, le déficit de l'Etat a été réduit de 100 milliards de francs, soit cinq fois plus que sous la majorité précédente. Nous devons, l'an prochain, à nouveau limiter le déficit public. La réduction constante de la dette confirme cette gestion sérieuse : alors qu'elle avait explosé au cours de la précédente législature, la dette devrait poursuivre sa réduction au rythme d'un point de PIB par an en moyenne depuis 1998. Il s'agit de bien gérer le présent et de bien préparer le futur.
Ma quatrième série d'observations est un peu différente.
Dans la discussion sur ces orientations budgétaires, j'écouterai vos observations, mesdames, messieurs les sénateurs et je m'attacherai, lorsqu'elles me paraîtront pertinentes, à les intégrer pour la détermination du budget proprement dit. Il existe pour noter les entreprises un classement, un rating : la note la plus haute est le triple A. Le débat budgétaire mérite malheureusement souvent plutôt un double M : la magie et la myopie.
Magie : n'est-ce pas le mot juste pour qualifier deux attitudes fréquentes ? Les uns, constatant le ralentissement économique, proposent volontiers comme remède d'augmenter massivement les dépenses publiques ,...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Ce n'est pas notre genre !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... oubliant ainsi le butoir que constitue le niveau relativement élevé, malgré une nette amélioration, de nos déficits, oubliant qu'il faut toujours rembourser ces déficits. Les mêmes soutiennent parfois qu'il faudrait augmenter les impôts...
M. Alain Joyandet. Des noms !
M. Philippe Marini, rapporteur général. De qui peut-il s'agir ?
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur Marini, vous vous reconnaîtrez dans quelques instants.
... oubliant que les baisses actuelles soutiennent la demande intérieure... oubliant aussi le fait que la France est un pays ouvert et que si la taxation des personnes et des entreprises était durablement plus élevée que, chez nos voisins, les unes et les autres pourraient « voter » avec leurs pieds.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est parfait.
M. Jean Chérioux. Tout cela est excellent !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. D'autres responsables, appartenant à d'autres horizons politiques, se montrent adeptes de ce que j'appellerai volontiers la « pensée budgétaire magique » en proposant, à l'inverse, des coupes immédiates et massives. Comme si on pouvait réduire brutalement les salaires des fonctionnaires ! Comme si on pouvait ne pas acquitter les intérêts de la dette, qui représente plus de 200 milliards de francs !
Autre forme fréquente d'appel à la magie : regretter le poids des dépenses publiques en général et militer pour des coupes massives, tout en applaudissant, bien sûr, aux inaugurations des TGV, tout en demandant davantage de policiers, de professeurs, d'infirmières, tout en proposant que les dépenses militaires - 243 milliards de francs en 2001 - augmentent fortement dans les années qui viennent, sans oublier non plus d'exprimer des regrets critiques quant à l'insuffisance du budget de l'agriculture, du budget des collectivités locales - 340 milliards de francs en 2001 si on additionne dotations budgétaires et prélèvements sur recettes - ou encore du budget du ministère de l'équipement 138 milliards de francs.
Le recours à la magie se double parfois d'une forte myopie. Une politique doit en effet se juger sur la durée ; une politique de solidarité doit être durable, donc durablement financée. Quelle serait la durabilité, donc la crédibilité, d'une politique économique qui, comme semblent le proposer certains dans l'opposition, voudrait financer des dépenses budgétaires reconductibles chaque année par des recettes enregistrées une seule fois, par exemple telle ou telle privatisation, sachant que, comme je l'indiquais, nous aurons en tout état de cause des charges nouvelles à financer dans les années qui viennent je pense aux retraites ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est à l'Assemblée nationale qu'il faut le dire, pas ici !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cette addition fréquente de la magie et de la myopie, n'est-ce pas cela précisément que l'on pourrait appeler la démagogie ?
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Ce n'est pas le genre de la maison !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. D'un côté, il y a donc les spécialistes de la boîte de Pandore, qui nous disent : « Dépensez, dépensez, il en restera toujours quelque chose » ; de l'autre, les disciples de Tartuffe, qui affirment : « Cachez ces dépenses que nous ne saurions voir ».
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Et vous êtes au milieu de tout cela !
M. Philippe Marini, rapporteur général. M. le ministre est centriste ! (Sourires.)
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Comme vous le soulignez, monsieur le président de la commission, entre ces deux écueils, je crois plutôt qu'il faut dépenser juste, ni trop ni trop peu - c'est un peu le Normand qui parle -, financer les priorités du moment sans hypothéquer l'avenir.
On critique parfois Bercy. Il est vrai que cette administration aux personnels très compétents comporte probablement certaines imperfections et qu'elle va parfois jusqu'à dire non. Il est vrai aussi que les finances ne sont qu'un des paramètres à considérer dans une décision. Mais cette critique ne s'adresse-t-elle pas souvent au principe de réalité lui-même ? Gouverner, c'est choisir. S'opposer, ce devrait être aussi choisir. Là où il y a une volonté, il y a un chemin ; mais un chemin qui doit offrir une vraie perspective. Là où il y a une dépense, il faut bien qu'il y ait une recette. Là où on souhaite davantage de solidarité, il y faut des moyens, en dépenses et en ressources, sinon il n'y a plus de service public. Là où l'on veut créer des emplois, il ne faut pas dissuader ceux qui les créent. Disant cela, je crois ne dire que l'évidence et une part de vérité.
Ni Mme Parly ni moi-même n'entendons « dorer la pilule ». Le débat budgétaire n'est pas seulement un débat sur les orientations, c'est aussi un débat sur la vérité, et nous nous attacherons, les uns et les autres, à la respecter.
La politique économique sera d'autant plus efficace qu'elle sera coordonnée en Europe. Tous les pays de la zone euro subissent aujourd'hui, à la fois, un ralentissement de l'activité résultant de l'atterrissage brutal de l'économie américaine et une hausse des prix provenant notamment de la hausse des prix de l'essence et de certains prix alimentaires. Dans ce contexte, trois principes devraient conduire la politique des pays européens.
D'abord, il convient de poursuivre la combinaison de politiques budgétaires sérieuses et d'une politique monétaire favorable à la croissance. La politique monétaire, avec des taux d'intérêt aussi faibles que possible, ne peut fournir au secteur privé les crédits dont il a besoin que si le crédit aux gouvernements connaît une évolution maîtrisée. Dans cette perspective, l'amélioration des comptes publics est nécessaire. Pour l'obtenir, l'ensemble des gouvernements doit viser une évolution modérée de la dépense publique. Dans le contexte présent, une forte hausse des dépenses financée par un fort endettement supplémentaire pèserait négativement sur la croissance.
Ensuite, il faut adapter les politiques macroéconomiques aux spécificités de chaque pays. Dans le cadre d'un mouvement d'ensemble d'assainisssement de nos comptes publics, un effort particulier doit être conduit dans les pays connaissant une inflation préoccupante : il y en a plusieurs autour de nous, y compris parmi les pays les plus riches. Ils doivent faire effort pour réduire leur inflation, faute de quoi nous en subirons les conséquences.
M. Michel Charasse. C'est exact !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Enfin, dans tous les pays de la zone euro, une croissance durable et non inflationniste implique la mise en oeuvre des plus récentes technologies afin de développer à la fois l'économie de la connaissance et l'amélioration de l'emploi. Cette amélioration du marché de l'emploi doit permettre de combiner de fortes créations d'emplois et une évolution positive des salaires.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, quand la mer est incertaine, il faut être d'autant plus assuré de son cap. Notre cap m'apparaît clair : pour l'emploi, il faut une croissance et une solidarité durables.
Afin de tenir ce cap, nous devons avoir confiance dans les capacités de notre économie et continuer d'aider les Français et nos entreprises dans leurs efforts. Bien des réformes utiles et de nombreux progrès ont déjà été accomplis par le gouvernement de Lionel Jospin, avec et pour les Français. Dans un contexte devenu plus difficile, c'est en maintenant une politique dynamique et solidaire, une politique de vérité, que le Gouvernement, avec le soutien du Parlement, servira la croissance et l'emploi, l'efficacité et la solidarité. C'est ce chemin que nous entendons suivre pour préparer le budget pour 2002. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voici venu ce soir le débat d'orientation budgétaire, le dernier de la législature, le dernier peut-être avant l'alternance, qui sait ! (Sourires.)
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Espérons-le !
Mme Hélène Luc. Vous êtes optimiste !
Mme Nicole Borvo. Vous rêvez !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je voulais susciter votre attention et vos remarques, mes chers collègues ; je vous remercie de vos protestations, qui prouvent que vous êtes très attentifs à mes propos.
Plusieurs sénateurs socialistes. Nous le sommes toujours !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Lorsque nous analysons les documents du Gouvernement, nous sommes en droit de considérer, monsieur le ministre, qu'il est quelque peu désorienté ; je vais m'efforcer de le montrer à l'aide de certains chiffres.
Cette « désorientation » se voit d'abord dans le fait qu'il n'est plus en mesure de fixer un cap clair pour nos finances publiques.
Elle se voit également dans l'apparition de désaccords et de tensions de plus en plus nombreux au sein des forces sociales qui le soutiennent et des mouvements ou formations qui composent ce que l'on appelle, encore, la « majorité plurielle ».
De ce point de vue, la désorientation budgétaire du Gouvernement est le révélateur d'une situation politique que nous observons bien entendu, nous, membres de la majorité sénatoriale, avec beaucoup d'intérêt.
Voyons les chiffres.
La prévision de croissance pour 2001 avait été établie lorsque nous avons voté la loi de finances initiale à 3,3 %. En mars, il a été nécessaire de la réviser à 2,7 % et certaines voix laissent entendre qu'une nouvelle révision dans le courant de l'été n'est pas complètement improbable.
Or, vous persistez, monsieur le minsitre, à faire apparaître dans vos épures pour l'année 2002 un taux de croissance de 3 % !
Il semble donc y avoir discontinuité de la série, ce qui appelle une explication claire et concrète de votre part.
Par ailleurs, la progression pour les dépenses de l'Etat que vous affichez - 0,5 % en volume - ne nous paraît pas crédible compte tenu tant des lourdeurs de l'Etat que des engagements auxquels il a souscrit et qu'il faudra bien financer.
Nous avons annexé au rapport écrit une étude que la commission a commandée à l'OFCE, l'Observatoire français des conjonctures économiques, institut de prévisions économiques indépendant qui n'est pas réputé pour ses approches ultralibérales ou réactionnaires, monsieur le ministre. Y sont mis en évidence les risques de dérapage de la dépense publique par rapport aux chiffres que vous nous donnez et par rapport à ceux que vous avez transmis à l'Union européenne.
Nous sommes notamment en droit de nous demander, monsieur le ministre, si le coût total de l'accord Sapin pour les trois fonctions publiques, qui s'élève à 34 milliards de francs pour la période 2001-2003, a bien été intégré dans les prévisions transmises à l'Union européenne. A-t-il été intégré clairement dans votre épure d'orientation budgétaire pour 2002 ?
Enfin, parmi ces symptômes de désorientation, je citerai le niveau du déficit budgétaire de l'Etat, qui demeure élevé en valeur absolue : il était encore de 186,6 milliards de francs dans la loi de finances initiale pour 2001, très proche du déficit d'exécution de 191 milliards de francs de l'année 2000. Et pour l'année 2002, monsieur le ministre, vous n'avancez encore aucun chiffre ! Vous faites dépendre la poursuite de sa diminution de la conjoncture et du niveau de la croissance, et nous voyons s'inverser quelque peu vos interprétations ou vos appréciations.
En effet, encore tout récemment, on nous disait - non pas vous-même, mais du moins votre prédécesseur immédiat - que, si la croissance était là, c'était grâce au Gouvernement ; maintenant, on ne nous dit pas que, si elle se ralentit, c'est sa faute. Naturellement, il s'agit de l'évolution spontanée des tendances ! M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est asymétrique !
M. Philippe Marini, rapporteur général. M. le président Lambert a totalement raison : il y a une asymétrie dans le jugement que l'on porte sur les causes et les effets.
Revenons maintenant sur le cadrage macro-économique.
De 1998 à 2000, nous avons bénéficié d'une très belle période : 3,4 points de croissance en 1998, 2,9 points en 1999 et 3,1 points en 2000. Monsieur le ministre, vous avez mangé votre blé en herbe, comme dirait Michel Charasse ! (Sourires.) En tout cas, vous avez tiré parti d'une conjoncture exceptionnellement bonne pour faire toute une série de choses qui correspondaient aux urgences et aux priorités du programme politique de votre gouvernement, mais qui ne préparaient certainement pas la France à l'avenir, notamment au ralentissement de la conjoncture.
Or ce ralentissement arrive, nous pouvons tous le constater, et le déplorer : le rythme annualisé de la croissance, qui était de 4,4 % à la fin de 1999, est descendu à 2,4 % au premier trimestre de 2000 et à 2 % au premier trimestre de 2001.
Il convient que vous nous disiez, monsieur le ministre, quelle est aujourd'hui, compte tenu des données enregistrées au cours des tout derniers mois, votre hypothèse de croissance pour l'année 2001. Sur quelle hypothèse allez-vous vous fonder pour élaborer les documents budgétaires de l'année 2002 ?
Nous savons tous que ce ralentissement est inquiétant, qu'il ne s'agit pas d'un aléa à très court terme. Nous comprenons, au contraire, que l'atterrissage brutal de l'économie américaine, le ralentissement de la croissance de la zone euro, les problèmes structurels rencontrés par notre partenaire allemand ne peuvent pas ne pas emporter des conséquences très précises et très graves pour le climat des affaires dans notre pays, pour l'investissement des entreprises, qui tend à marquer le pas depuis le début de 2001, pour l'évolution de la consommation des ménages, qui devient plus incertaine, surtout dans une phase où réapparaissent les tensions inflationnistes.
Cette préoccupation liée à la réapparition de l'inflation est partagée par les autorités monétaires nationales et, surtout, européennes, nous ne pouvons être sourds aux avertissements qui nous sont adressés à cet égard.
Voilà quelques jours, lors de son audition par la commission des finances, le gouverneur de la Banque de France n'a pas caché les appréhensions qu'induit nécessairement l'analyse de la conjoncture actuelle.
Il est clair que, devant un tel ralentissement, il convient de réaliser - enfin ! - une réduction cohérente des prélèvements obligatoires, lesquels ont atteint en 1999 et 2000 un « pic » historique.
Monsieur le ministre, s'il peut y avoir revendications ou désaveu de paternité en ce qui concerne le taux de croissance de l'économie, en revanche, pour ce qui est du taux de croissance des prélèvements obligatoires, les responsabilités sont indiscutablement du côté du Gouvernement. D'ailleurs, vous le reconnaissez vous-même dans les documents que vous nous transmettez puisqu'on y distingue le taux de prélèvements « spontané » et le taux de prélèvements après mesures nouvelles. Or, depuis 1997, les prélèvements obligatoires ont beaucoup augmenté.
L'année 1999 a été très révélatrice pour l'opinion publique. Avec l'épisode de la « cagnotte », les contribuables, du moins beaucoup d'entre eux, ont constaté que le niveau des prélèvements ne cessait de s'accroître alors même qu'on leur faisait des promesses en sens inverse.
Pour 2002, vous nous faites de nouveau des promesses très alléchantes : vos documents font, en effet, état d'un taux de prélèvements obligatoires de 44,5 % du produit intérieur brut.
Je relève que l'effort de réduction du poids des recettes publiques sur 2000-2002 est nettement inférieur à la moyenne constatée dans la zone euro.
Ainsi, nous observons que toutes les promesses de baisse faites ces dernières années n'ont jamais été réellement honorées.
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Oh !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous observons en outre, monsieur le ministre, en comparant les programmes triennaux que vous adressez à l'Union européenne que, d'année en année, les chiffres que vous présentez à Bruxelles sont revus à la hausse.
En 1999, ce sont 30 milliards de francs de plus qui ont été prélevés en France par rapport à ce qui était prévu et, en 2000, ou passe à 38 milliards de francs de prélèvements supplémentaires. Je me réfère ici, je le précise, aux documents que vos services ont élaborés.
Si l'on ajoute à cela que l'on risque de connaître un PIB moins dynamique et, par conséquent, un dénominateur de la fraction qui n'évoluerait pas comme il le fit au cours de la période récente, on conclut qu'il existe de réels risques de ne pas avoir tenu l'objectif de taux de prélèvements obligatoires de 44,5 % du PIB que vous mettez en avant dans vos documents.
La pression qui s'exerce sur les recettes de l'Etat, cette année un peu moins abondantes que prévu, peut s'accentuer en 2002. D'ailleurs, les voix ne manqueront pas, dans votre majorité, pour remettre en cause un programme fiscal que vous avez annoncé et commencé de mettre en oeuvre en 2001 mais dont toute une série d'aspects sont contestés au sein même des forces qui vous soutiennent.
La critique qu'a adressée la majorité du Sénat à ce programme de baisse d'impôts concernait non son ampleur, mais sa répartition. Nous avons en effet estimé que ce programme relevait plus d'un « saupoudrage », ou d'une dilution des pertes de recettes fiscales, que d'une vision claire et concentrée des aspects sur lesquels il convient de faire des efforts...
M. Bernard Angels. Heureusement !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... en vue d'un changement de comportements des agents économiques. Ainsi, il est très peu de mesures qui sont dirigées en faveur de l'investissement.
Par ailleurs, un certain nombre de dispositions de votre plan de baisses fiscales ont dû être modifiées dans l'urgence en raison de difficultés d'ordre juridique ; je fais ici allusion aux décisions prises par le Conseil constitutionnel, tant sur la ristourne de CSG et de CRDS que sur l'extension de la taxe générale sur les activités polluantes.
Monsieur le ministre, nous sommes donc loin d'être convaincus par les perspectives que vous tracez en matière de prélèvements obligatoires. Nous estimons que les sacrifices qui ont été faits en termes de recettes de l'Etat et qui, en volume, sont très substantiels, n'ont pas le rôle que l'on pourrait en attendre au regard de l'évolution des comportements, en particulier ceux des investisseurs. Telle est la critique essentielle que nous formulons au sujet de ce programme de baisses fiscales.
Que dire, à présent, des dépenses publiques et de l'effort de maîtrise allégué par le Gouvernement ? Les objectifs que vous affichez en ce domaine sont, d'une année sur l'autre, de moins en moins ambitieux : sur la période 1997-2000, la progression moyenne de la dépense publique en volume a été de 1,6 %, avec un « pic » de 2,5 %, atteint en 1999.
Que constatons-nous à la lecture des éditions successives du programme triennal transmis à Bruxelles ? Le programme transmis en 1999 fait état d'une norme de progression de 1 % par an en volume. Dans le programme transmis un an après, en janvier 2000, la norme est de 1,3 %. Dans le programme transmis en janvier 2001, elle est de 1,5 %, taux qu'on ne peut que rapprocher de la moyenne annuelle enregistrée au cours des années 1997-2000, soit 1,6 %.
Que peut-on en déduire ? Tout simplement, que le Gouvernement, en matière de maîtrise des dépenses, n'est absolument pas volontariste !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Et la croissance, monsieur le rapporteur général ? Elle a été de 9 % pendant cette période !
M. Philippe Marini, rapporteur général. La progression n'est effectivement plus la même. Mais, en 2001, monsieur le ministre, lorsque vous avez transmis vos prévisions à Bruxelles, vous étiez encore dans le cadre de la loi de finances pour 2001, avec une croissance de 3,3 %. Pourtant, à ce moment-là, la norme d'évolution en volume des dépenses de l'Etat que vous mettiez en avant pour les trois années suivantes était de 1 %.
Que vous le vouliez ou non, aujourd'hui, avec une dépense publique qui représente 53 % du produit intérieur brut, la France fait la « course en tête » parmi les grands pays comparables. Nous nous distinguons, en particulier, d'un groupe de pays auquel appartiennent tant l'Espagne que la Grande-Bretagne ou le Canada, et où la dépense publique représente environ 40 % du produit intérieur brut.
Bien entendu, nous sommes extrêmement éloignés - mais tant de choses nous différencient ! - des Etats-Unis, où ce taux est de 30 %.
M. Roland Muzeau. Ce n'est pas un modèle !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il n'est pas question de modèle : je cite des ordres de grandeur.
M. Bernard Angels. On ne parle pas des mêmes dépenses !
M. Philippe Marini, rapporteur général. D'ailleurs, monsieur le président, si nous avions, dans cet hémicycle, la possibilité de disposer, comme en commission, de moyens modernes de présentation des documents - tableaux, courbes, animations - nos débats s'en trouveraient grandement enrichis. Dans la moindre de nos mairies, aujourd'hui, lorsqu'on présente un budget et des perspectives financières, on le fait à l'aide d'instruments modernes, de façon que tout un chacun comprenne. Les hémicycles des assemblées parlementaires sont les seuls lieux où cela ne se fait pas !
M. Charles Descours. Très juste !
M. Philippe Marini, rapporteur général. J'espère, monsieur le président, qu'il n'en sera plus trop longtemps ainsi, car la commission des finances a déjà plusieurs fois formulé des demandes à cet égard.
M. Charles Descours. Et la commission des affaires sociales aussi, monsieur le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous sommes une fois de plus associés !
Comment s'explique cette surcharge de l'Etat ? Elle tient à l'inertie du budget de l'Etat.
Deux rubriques mobilisent l'essentiel des financements : la fonction publique et le service des emprunts.
Les dépenses de fonction publique constituent le premier poste de dépenses et augmentent toujours en valeur absolue et relative représentaient 40,7 % du budget en 1997 et représentent 42,5 % du budget en 2001.
Et si l'on ajoute fonction publique et charges de la dette, j'observe, monsieur le ministre, mais vous le savez mieux que moi, que depuis 1997, ces deux postes préemptent très régulièrement la quasi-totalité de l'augmentation des dépenses du budget général.
Autrement dit, une fois qu'on a payé la fonction publique avec la dynamique qui est la sienne, due aux accords salariaux et aux créations d'emplois, une fois qu'on a réglé la dette, il ne reste plus rien que l'on puisse consacrer à d'autres secteurs. Il faut donc procéder par redéploiement.
Telle est la réalité qui ressort du simple examen du budget de l'Etat.
Au demeurant, pour l'avenir, il y a lieu de souligner qu'au-delà de ces lourdeurs qui ne font que s'aggraver, il existe un certain nombre de menaces nouvelles dont l'actuel Gouvernement est très clairement l'auteur.
Je pense aux accords de revalorisation salariale dans la fonction publique - 19,5 milliards de francs, pour le seul Etat au titre des années 2001 à 2003 - aux emplois-jeunes et à leur pérennisation et même aux mesures consécutives à la crise de l'ESB, l'encéphalopathie spongiforme bovine.
Si ces mesures sont assurément indispensables, encore faut-il préciser que, sur 8 milliards de francs, seulement 2,5 milliards de francs ont été financés en 2001 par le récent décret d'avance que vous avez en effet eu monsieur le ministre, l'amabilité et la grande correction de transmettre aux commissions des finances du Parlement en leur laissant un délai assez long pour l'examiner.
Tout cela se traduit nécessairement, au niveau du solde, par un relâchement de l'effort de diminution du déficit et par une progression de l'encours de la dette de l'Etat.
Je voudrais précisément concentrer mon propos sur la dette de l'Etat, qui représente en volume 4 500 milliards de francs à la fin de l'année 2000. Cela veut dire que chaque ménage en supporte 180 000 francs et doit financer une charge annuelle d'intérêt de 10 000 francs. Ce sont les chiffres que l'on peut tirer de votre communication, monsieur le ministre.
Le Gouvernement, au cours de ces dernières années, de 1997 à 2002, a bénéficié de la conjoncture. Les efforts de réduction des déficits publics constatés au cours de cette période résultent d'ailleurs aux deux tiers - je me réfère à vos propres chiffres - de la conjoncture, tandis que les effets de la politique structurelle sont extrêmement limités.
Qu'en est-il de l'évolution du stock de la dette sur le moyen terme ? Depuis 1997, le stock de la dette - je parle ici spécifiquement de la dette négociable - a augmenté de 1 000 milliards de francs pour l'Etat.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est beaucoup !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il était de 3 377 milliards de francs en 1997 et atteindrait donc 4 330 milliards de francs en 2001 : je parle toujours de la dette négociable.
Si j'élargis la perspective pour éviter toute interprétation politicienne - qui ne serait pas de mise.
Pour remonter à l'année 1986, date assez ancienne, je constate que la dette négociable de l'Etat, qui représentait alors 23 % du produit intérieur brut, est passée à près de 49 % du produit intérieur brut en 2000. On voit que cet alourdissement relatif de la dette négociable de l'Etat par rapport à la richesse nationale...
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est sur la période 1993-1997 qu'a été battu le record du déficit !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Souvenez-vous : 1992, c'était vous !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mais, monsieur le ministre, cette dette a augmenté sous tous les gouvernements,...
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Non, sous les vôtres !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... et sous les vôtres en particulier !
La dette a augmenté de 1 000 milliards de francs depuis 1997. Que chacun ait la franchise de reconnaître sa part ! C'est la réalité des chiffres.
M. Bernard Angels. Mais non !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Si la progression continue, du fait, en particulier, d'une conjoncture plus atone que celle que vous attendiez, il faudra bien un jour assumer les charges liées à cette facilité à laquelle, en effet, de nombreux gouvernement, nolens volens, se sont en quelque sorte abandonnés.
Au cours de l'année 2000, l'Etat, vous le savez, a emprunté près de 600 milliards de francs sur les marchés pour rembourser les emprunts précédents, à hauteur de près de 410 milliards de francs, pour financer 170 milliards de francs d'investissements - tout de même ! - mais aussi pour financer une quote-part de 14 milliards de francs de dépenses de fonctionnement de l'Etat, ce qui est naturellement de la cavalerie pure et simple.
Qu'il s'agisse du déficit public, qu'il s'agisse de la dette publique, ces chiffres nous situent mal par rapport à nos compétiteurs.
A propos de la dette publique, nous voudrions, monsieur le ministre, être informés sur ce que vous envisagez pour ce qui restera du produit de la vente des licences UMTS. Lorsqu'on devait en céder quatre, il était prévu de le répartir entre le Fonds de réserve des retraites et la Caisse d'amortissement de la dette publique. Qu'en sera-t-il avec deux licences ?
En tout cas, les perspectives de diminution du volume de la dette publique qui étaient associées aux espoirs initiaux - espoirs que nous avons d'ailleurs partagés - et fondées sur l'attribution des licences UMTS semblent bien disparaître !
Pour conclure mon exposé, je me livrerai à quelques brèves considérations sur les finances locales et sur les finances sociales.
Les collectivités territoriales, globalement, demeurent excédentaires et continuent à rembourser leurs dettes. Leurs dépenses de gestion, globalement, là encore, apparaissent maîtrisées, contenues, malgré les charges qui leur sont transférées par l'Etat et malgré des questions qui se posent ; je pense, par exemple, au financement de l'allocation personnalisée d'autonomie que nous évoquions tout à l'heure dans cet hémicycle.
M. le ministre, quand la conjoncture générale devient moins favorable, nous entendons certaines observations de source gouvernementale sur la dynamique des concours de l'Etat aux collectivités territoriales qui nous inquiètent.
Certes, on tente de nous rassurer en nous disant que les concours de l'Etat aux collectivités territoriales ont augmenté de près de 60 milliards de francs depuis 1998.
Il faut ajouter que ces concours nouveaux proviennent de la suppression de ressources fiscales locales remplacées par des transferts budgétaires de l'Etat. Ils rigidifient le budget de l'Etat tout en représentant pour l'avenir une menace pour l'autonomie des collectivités territoriales et pour l'évolution de leurs moyens de fonctionnement et d'investissement.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous rassurer sur cet aspect ? Nous sommes-nous trompés lorsque nous avons trouvé quelque peu excessif, quelque peu « optimiste » le rythme de progression des concours de l'Etat aux collectivités territoriales par rapport à l'évolution des autres charges financées par le budget de l'Etat ?
En d'autres termes, monsieur le ministre, nombre de nos collectivités territoriales craignent les coups de canif dans le contrat qui lie - ou qui devrait exister - l'Etat et les finances locales.
S'agissant des finances sociales - mais MM. Jacques Oudin et Charles Descours y reviendront - nous sommes en alerte, car nous observons que la norme de progression de l'assurance maladie, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, l'ONDAM n'a jamais été respectée.
Nous observons aussi que l'excédent des comptes sociaux qui existe aujourd'hui, nous le devons à la croissance, à l'amélioration de la situation de l'emploi et, surtout, à des prélèvements croissants. En effet, les prélèvements sociaux finançant ces régimes ont augmenté de l'équivalent de un point de produit intérieur brut entre 1997 et 2001.
Dans ce cadre, monsieur le ministre, nous ne pouvons que déplorer de nouveau le mode de financement des 35 heures qui, au fil des débats auxquels nous assistons, nous semble être un facteur particulier de désorientation, voire de discorde, entre les différents pôles du pouvoir économique de l'Etat.
Nous ne voudrions pas que celui-ci refuse d'assumer ses responsabilités. Nous ne voudrions pas qu'il se défausse sur les régimes sociaux, au mépris de la loi Veil de 1994, qui oblige l'Etat à compenser intégralement, pour ces derniers, tout allégement de charges.
Monsieur le ministre, notre analyse n'est pas, comme vous l'aurez observé, très optimiste. Nous préférerions être encore dans le contexte économique d'il y a un an.
Mais lorsque nous relisons les contributions que nous avions alors versées au débat public, nous y trouvons rétrospectivement et, en quelque sorte, en creux toutes nos observations d'aujourd'hui.
Les contradictions internes, la relative facilité plus ou moins cachée par un verbalisme de rigueur : tout cela nous l'avons dit et répété avec constance en étant souvent complètement inaudibles, car la conjoncture politique, l'état des mentalités dissuadaient l'opinion de nous écouter.
Aujourd'hui, nous avons le sentiment que le ralentissement de la croissance, l'exacerbation des contradictions politiques à gauche créent un climat beaucoup plus favorable pour que les analyses et les mises en garde du Sénat soient écoutées.
En conclusion, monsieur le ministre, je voudrais redire que le Gouvernement a bénéficié, nous en sommes convaincus, d'une période extraordinairement favorable et qu'il n'a pas su en tirer tous les bénéfices.
Je crois qu'il vous est encore possible, en quelques mois, d'utiliser l'autocritique pour élaborer des thèmes de campagne clairs et lisibles ; dans l'état actuel des choses, il me semble, en effet, que le défaut de lisibilité et de clarté se situe de votre côté.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, le Sénat sait tisser un consensus politique au sens le plus noble quand il est possible et souhaitable. Il l'a montré mercredi dernier - vous avez eu l'élégance de le souligner tout à l'heure - quand il s'est agi de travailler à la réforme des textes qui régissent nos lois de finances pour le bien de tous les Français.
Nous n'en sommes, les uns et les autres, que plus à l'aise aujourd'hui pour marquer notre différence sur la politique budgétaire. Après M. le rapporteur général, je veux vous dire qu'il y a lieu, de notre point de vue, d'être sévère quant à la politique budgétaire conduite par le Gouvernement. Avec d'autant plus de force que cette politique nous semble engagée dans une impasse et que nous vous avions prévenus depuis quatre ans, comme le disait M. le rapporteur général, sans avoir pu retenir votre attention. La dégradation du déficit, qui nous semble inscrite, n'est pas admissible compte tenu des années que nous venons de connaître et des données que nous avions soulignées auprès de vous.
De surcroît, comment ne pas voir les difficultés qui sont devant nous ? Comment les finances de notre Etat pourront-elles faire face à ce qui va se produire si elles se grippent au premier coup de froid conjoncturel ?
Nous avons, sans repos, mis en garde le Gouvernement contre la tentation de laisser filer les dépenses de structure, en particulier les dépenses de la fonction publique et de la dette. Or que constatons-nous ? Le poids inexorablement croissant de ces deux postes dans le budget de l'Etat, comme l'a illustré parfaitement à l'instant M. le rapporteur général. Le budget de l'Etat devient quasi exclusivement un budget de fonctionnement, un budget de dépenses passives, imposées, en quelque sorte subies, ne laissant plus aucune marge de manoeuvre au Gouvernement.
En outre, nous avons dénoncé un assainissement budgétaire en trompe-l'oeil, fondé uniquement sur l'accroissement des recettes grâce à la bonne conjoncture et à l'augmentation des impôts. D'ailleurs, vous le reconnaissez dans le document que vous avez distribué : non seulement vous avez bénéficié d'une croissance inespérée, mais vous avez aussi augmenté les prélèvements sur cette croissance pour financer vos priorités.
La conséquence de ce choix se lit très clairement dans le déficit structurel des administrations publiques, essentiellement imputable à l'Etat. Alors que ce déficit structurel s'était considérablement réduit de 1993 à 1997, il ne se réduit plus désormais, selon la Banque de France, comme le disait le rapporteur général, comme aux termes des documents que vous nous distribuez. Cela révèle que les charges permanentes de l'Etat demeurent plus élevées que les recettes permanentes. La France vit structurellement au-dessus de ses moyens, pour environ 150 milliards de francs chaque année.
Pour utiliser un adjectif favori de la majorité plurielle - vous l'avez d'ailleurs souligné tout à l'heure dans votre propos, monsieur le ministre, s'agissant du mot « durable » - force est de constater, pour le regretter, que le déficit durable ne s'améliore plus et que votre majorité, dans le domaine budgétaire tout au moins, préfère manifestement l'éphémère au durable.
Hélas, ce n'est pas nouveau !
Depuis 1997, nous affirmions aussi que, dans ces conditions, le moindre infléchissement conjoncturel mettrait l'assainissement budgétaire en péril. Eh bien, nous y sommes ! Ce que nous redoutions se déroule sous nos yeux : l'exécution 2001 se passe mal, Dieu merci, ce n'est pas encore catastrophique, mais nous allons tout droit vers les 200 milliards de francs de déficit, soit un plus mauvais résultat qu'en 2000 - il était de 191 milliards de francs - et, naturellement, plus mauvais encore que la prévision de la loi de finances initiale, à savoir 186 milliards de francs.
Le Gouvernement n'a pas voulu écouter et le risque que nous avions brandi est, malheureusement, en train de se réaliser. Si le Gouvernement n'a pas écouté, c'est parce que, s'agissant de la croissance, son analyse n'était pas la même que la nôtre, M. le rapporteur général le soulignait tout à l'heure. La commission des finances n'a cessé de tirer la sonnette d'alarme. Rappelez-vous. Nous disions : la prospérité est fugace, elle dépend, pour l'essentiel, de données externes et il faut la bien utiliser quand elle est au rendez-vous, car la croissance ne se convoque pas. Le Gouvernement - vous-même, monsieur le ministre, avec plus de prudence, j'en conviens - répondait - j'espère que je ne déforme pas son expression - certes, nous nous appuyons sur la conjoncture pour assainir les finances publiques, mais nous sommes en quelque sorte à l'origine de la croissance et nous savons la nourrir. « Nourrir », je suis certain que vous avez employé ce mot, je l'ai tellement entendu !
Le Gouvernement aurait-il perdu la méthode pour nourrir la croissance ? Monsieur le ministre, la croissance ne se convoque pas et laisser croire le contraire aux Français les mettraient à la merci de très dangereuses illusions.
Faudrait-il le répéter pendant dix ans encore, je ne me lasserais pas de le faire. En effet, la première exigence de la politique, c'est la vérité - vous l'avez dit tout à l'heure, monsieur le ministre, et je partage avec vous cette conviction - et le débat d'orientation budgétaire est le rendez-vous de la vérité, elle est due aux Français.
Je vais vous exposer la vérité telle que je la conçois.
Non, un assainissement budgétaire ne peut être fondé sur une augmentation des recettes ! Parce qu'elles sont trop aléatoires : hier, elles dépassaient les prévisions ; aujourd'hui, elles baissent et nul n'y peut rien. Mais aussi parce que les impôts sont trop élevés : les impôts sur les revenus des ménages et des entreprises ont augmenté de 55 % en quatre ans, et le Gouvernement avoue lui-même que les recettes publiques auraient moins crû s'il n'avait pas augmenté les impôts.
Oui, un assainissement budgétaire ne peut passer que par la maîtrise des dépenses, en particulier les plus lourdes, les plus rigides, les plus inertes ! Je compte, parmi elles, les dépenses de la dette publique - ce qui suppose une réduction très volontariste du déficit budgétaire - et de la fonction publique. Or, le rapport de M. Philippe Marini le démontre de façon éclatante : le Gouvernement, non seulement n'a rien tenté pour réduire ces deux postes, puisqu'ils ont absorbé, à eux seuls, la quasi-totalité de la progression du budget, mais de plus, il s'est, à mes yeux, abandonné aux tristes pratiques de la réduction des investissements civils et militaires.
En outre, cette attitude passive face à la dépense, parfois même active quand il s'agit de l'augmenter - par la création d'emplois de fonctionnaires, les 35 heures, les emplois-jeunes, et j'en passe - empêche le Gouvernement d'atteindre ses propres objectifs de maîtrise, qu'il ne cesse de revoir à la hausse.
En matière de gestion de nos finances publiques une urgence s'impose : le courage. Le Gouvernement entend augmenter les dépenses. Soit ! Mais alors, que le Premier ministre se rende solennellement au journal télévisé de vingt heures pour présenter aux Français la facture des dépenses nouvelles qu'il propose d'engager, qu'il leur indique clairement que toute dépense nouvelle sera payée par eux.
En effet, si la dépense est aussi populaire en France, mes chers collègues, c'est parce que, j'en suis convaincu depuis toujours, l'on n'a pas assez dit aux Français que ce sont eux qui la paie ! Il faut aller devant eux et leur dire : chers compatriotes, vous voulez les 35 heures ? Soit ! Cela équivaut à signer une reconnaissance de dette de 100 milliards de francs par an, à régler par vous-mêmes et par vos enfants. Vous voulez les emplois-jeunes ? Soit ! Alors, veuillez signer une reconnaissance de dette de 22 milliards de francs par an. Vous considérez trop douloureux de réduire davantage le déficit budgétaire ? Alors, signez une augmentation de la charge de la dette publique de 10 milliards de francs par an. Vous ne souhaitez pas réduire le nombre des fonctionnaires, au motif que, dans de nombreux secteurs, ils ne sont pas assez nombreux ? Soit ! Alors, veuillez signer votre accord pour acquitter d'ici à 2005, 50 milliards de francs, au titre des pensions supplémentaires, et 110 milliards de francs d'ici à 2010.
Voilà, monsieur le ministre, le langage de courage et de vérité dont la France a besoin et qu'elle attend, j'en suis convaincu. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Bernard Angels. C'est le langage de la démagogie !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. J'assume, pour ma part, mes responsabilités !
Il est déjà tard. Depuis quatre ans, le Gouvernement a fait l'inverse de ce qu'il aurait fallu. Les facilités prises sont déjà inscrites au découvert du compte des bébés à naître.
Oui, il est urgent de modifier cette politique : réduisons les dépenses, remboursons la dette, investissons, augmentons l'offre de main-d'oeuvre, supprimons les mécanismes qui découragent le travail et les réglementations qui peuvent entraver l'accès à l'emploi, allégeons les contraintes qui pèsent sur les entreprises et, à défaut de pouvoir réduire immédiatement les prélèvements au niveau souhaitable, rendons à ceux qui entreprennent la liberté dont ils ont besoin pour relever les défis de la concurrence dans laquelle ils sont inscrits.
M. Alain Joyandet. Bravo !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est la voie de la responsabilité et du courage. C'est la voie proposée par la commission des finances et c'est la voie constante du Sénat. C'est la voie qu'il faut souhaiter à la France ! Nous sentons déjà qu'elle la choisira bientôt. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures dix, est reprise à vingt-deux heures quarante.)