SEANCE DU 3 MAI 2001


M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Lagauche, pour explication de vote.
M. Serge Lagauche. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en la circonstance, le Gouvernement nous propose de procéder à la modernisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer par voie d'ordonnances.
Ce projet de loi est conforme à la Constitution ; en effet, il répond à toutes les exigences rappelées par le juge constitutionnel. C'est notamment le cas de l'article 1er, qui précise que la finalité est « d'actualiser et d'adapter le droit » outre-mer et détaille les domaines d'intervention. Le groupe socialiste l'approuve donc.
Concernant l'outre-mer, le recours aux ordonnances est assez fréquent. L'article 74 de la Constitution nous rappelle que les territoires d'outre-mer sont régis par le principe de la spécialité législative. Les règles en vigueur dans ces territoires ne peuvent résulter que de textes qui leur sont spécifiques ou de textes généraux dont l'application outre-mer est expressément mentionnée. Quant aux départements d'outre-mer, les lois s'y appliquent de plein droit sans mention spécifique.
Toutes ces modalités particulières d'application de textes législatifs expliquent le retard du droit en vigueur outre-mer.
Périodiquement, le Gouvernement est amené à déposer des projets de loi portant diverses dispositions relatives à l'outre-mer, projets de loi un peu fourre-tout, comportant des dispositions hétéroclites et souvent techniques. Nous savons que ces projets de loi portant DDOM ne suscitent guère l'enthousiasme du législateur, qui s'en accommode tant bien que mal.
Les domaines visés par ce projet de loi sont fort bien explicités dans le rapport de la commission des lois, et je n'y reviendrai donc pas.
Tous les sujets visés par ce projet de loi d'habilitation nécessitent une action urgente. Cependant, je soulignerai plus particulièrement deux points : les transports intérieurs dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique et le développement social à Mayotte.
Le premier point a déjà fait l'objet d'une loi d'habilitation. Mais l'ordonnance n'a pu aboutir, faute d'avoir reçu l'accord des collectivités territoriales en raison de l'hostilité des transporteurs.
Aussi, je me réjouis qu'aujourd'hui un accord sur les termes de la future ordonnance, dont les grandes lignes sont précisées dans l'exposé des motifs, ait pu se dégager pour sortir d'une situation extrêmement difficile qui dure depuis de trop nombreuses années.
En ce qui concerne Mayotte, où l'attente est très forte, ces ordonnances mettront en place une nouvelle politique sociale, qui s'inscrit dans une logique de développement durable de l'île.
Ces ordonnances doivent être rapprochées du projet de loi sur le statut de Mayotte que nous allons examiner dans quelques semaines. Ce processus marque la volonté du Gouvernement de traduire rapidement dans les faits l'accord sur l'avenir de Mayotte signé le 27 janvier 2000. Il s'agit de mettre un terme à une incertitude institutionnelle de vingt-cinq ans, de stimuler le développement économique et de donner de nouveaux droits sociaux aux Mahorais.
Tout en tenant compte des particularismes, ces ordonnances mettront progressivement un terme à des disparités injustifiées notamment dans le domaine de l'enfance et de la famille. Ces mesures sont justes et d'une urgente nécessité.
Le groupe socialiste se félicite du calendrier annoncé pour la mise en oeuvre de ces ordonnances et votera bien sûr ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le recours à la procédure des ordonnances de l'article 38 de la Constitution pour assurer l'actualisation et l'adaptation du droit devient une habitude.
Comme l'a rappelé M. le rapporteur, c'est en effet la troisième fois en un an et demi que le Gouvernement nous soumet un texte qui l'autorise à se substituer au législateur. Après la partie législative de certains codes et la transposition de cinquante et une directives communautaires, vient, aujourd'hui, le droit applicable à l'outre-mer.
Ces dérogations successives au principe de la séparation des pouvoirs posé par les articles 34 et 37 de la Constitution ne peuvent être banalisées.
En effet, elles privent le Parlement de la simple possibilité de débattre, alors que celui-ci dispose normalement d'un réel pouvoir de légiférer et que son rôle ne se cantonne pas, par conséquent, à formuler un simple avis.
A chaque fois, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen réaffirmeront leur opposition de principe à cette méthode.
A l'heure où le Gouvernement et les parlementaires s'accordent pour réviser l'ordonnance de 1959 afin de réaffirmer plus fortement le rôle et les prérogatives du Parlement lors de la procédure budgétaire, n'est-il pas contradictoire de multiplier les recours, lesquels ne respectent pas les droits de la représentation nationale ?
Sous réserve de ces observations, nous avons entendu, monsieur le secrétaire d'Etat, vos arguments relatifs à l'encombrement du calendrier parlementaire et à la nécessité de légiférer rapidement, pour répondre aux urgences sociales de l'outre-mer en actualisant et en adoptant par ordonnances le droit applicable outre-mer, comme cela nous est proposé.
Huit matières sont énumérées dans ce projet de loi : transports intérieurs, modalités de privatisation, sûreté et sécurité des aérodromes, conditions d'entrée et de séjour des étrangers, protection sanitaire et sociale en matière d'allocations et de prestations familiales, droit du travail et emploi, règles applicables à l'exercice de l'activité des travailleurs indépendants, des agriculteurs et des pêcheurs et statut des instituteurs.
Ces questions, qui font l'objet, on le sait, d'un consensus local, ne sont pas nouvelles ; toutes existent déjà dans notre droit. Il ne s'agit, en quelque sorte, que d'élargir leur champ d'application.
Cette raison suffit à nous faire approuver ce projet de loi d'habilitation, d'autant qu'il s'agit de matières sur lesquelles le Parlement a déjà eu l'occasion de se prononcer.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. Je constate que ce texte a été adopté à l'unanimité. (Applaudissements sur l'ensemble des travées.)
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Je voudrais, bien sûr, me féliciter de l'adoption unanime par le Sénat de ce projet de loi d'habilitation.
J'ai entendu les réserves émises au-delà des critiques qui ont été formulées à l'égard du principe du recours aux ordonnances.
S'agissant de l'outre-mer - je n'élargirai pas mon propos -, ce recours se fondait sur la double nécessité d'étendre le droit applicable outre-mer et - dans le cas de Mayotte, chacun sait bien combien c'était impératif et urgent - de répondre concrètement à des situations de souffrance sociale.
Le Sénat connaît la situation de Mayotte. Je sais d'ailleurs, monsieur le rapporteur, que vous n'êtes pas revenu en parfaite santé d'une mission récente à Mayotte. Tout en vous souhaitant un prompt rétablissement, je vous remercie d'être allé mesurer sur place les difficultés de la population mahoraise. C'est bien pour répondre à cette situation d'urgence sociale que nous avons proposé ces ordonnances.
S'agissant de l'avenir des départements, d'outre-mer, j'espère, monsieur le président de la commission des lois, que nous aurons prochainement - peut-être à l'occasion du débat sur Mayotte - la possibilité d'en débattre plus à fond.
En tout cas, s'il est une conviction intangible du Gouvernement, c'est bien que l'évolution institutionnelle des départements d'outre-mer, qu'elle réclame ou non une révision de la Constitution, doit être choisie par leur population. Et c'est bien dans ce sens-là que le dialogue s'engage d'ailleurs aux Antilles, comme en Guyane. (Applaudissements sur l'ensemble des travées.)

9