SEANCE DU 24 AVRIL 2001


M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, de modernisation sociale.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la modernisation sociale n'est pas une spécificité de ce texte. En effet, elle a été largement engagée depuis 1997, et c'est même l'une des constantes de la politique de ce Gouvernement. Je citerai ainsi, pour l'illustrer, les 35 heures, les emplois-jeunes, les mesures contre l'exclusion, la création de la couverture maladie universelle - avancée considérable - et les dispositions contenues dans les lois de financement de la sécurité sociale.
Le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui apporte une nouvelle contribution à cet effort pour concilier la compétitivité de l'entreprise « France » et le progrès social, qui est une caractéristique de notre civilisation.
Il s'agit d'une histoire déjà ancienne, puisque la discussion de ce texte était prévue pour l'an passé. Or le Sénat en est saisi au moment où l'actualité économique lui donne - malheureusement -, une résonance particulière. Le Premier ministre l'a d'ailleurs perçu puisqu'il a lui-même proposé d'inclure dans le texte, sous forme d'amendements, une série de dispositions dont vous nous avez donné la primeur, madame la ministre.
Bien sûr, d'aucuns ont dit, ou diront, qu'il est regrettable de légiférer à chaud, et donc à la hâte, sur un sujet aussi important que le licenciement économique. Mais les plus réalistes leur rétorqueront qu'il en est ainsi depuis que le Parlement existe. L'essentiel, au fond, c'est de légiférer à bon escient, ce qui donne tout son sens au débat que nous entamons.
Et puis, il s'agit seulement, selon vos propres dires, madame la ministre, des mesures les plus urgentes. D'autres viendront plus tard, après consultation des partenaires sociaux.
Le premier volet de ce projet de loi concerne le droit à l'information des salariés et la prévention des plans sociaux. Domaine sensible ! Matière complexe, aussi !
Il tend à renchérir l'indemnité de licenciement, à allonger lesprocédures d'information avant toute restructuration, à évaluer puis à compenser les dommages économiques sur le territoire d'une entreprise procédant à un plan de licenciement.
Je suivrai le Gouvernement dans cette voie, car je trouve proprement inacceptable la désinvolture dont témoignent à l'égard de leurs salariés un certain nombre de firmes, pour lesquelles l'idée qu'une restructuration drastique des effectifs fait monter les cours de la Bourse est quasiment devenue un lieu commun.
Pour autant, vous voyez bien, comme moi, la difficulté de trouver le bon équilibre.
Il faut commencer par légiférer en distinguant, comme le fait le projet de loi, entre les grands groupes - au-delà de 1 000 salariés - et le reste des entreprises, dont 90 % sont composées de toutes petites structures. Le choix du seuil lui-même prête à discussion ; il fournira, à n'en pas douter, matière à de subtils découpages d'entreprises afin d'échapper à ces nouvelles contraintes.
Plus fondamentalement, ces dispositions, qui entendent frapper d'abord les groupes dont la santé financière est florissante, s'appliqueront, bien entendu, comme le veut la loi, à toutes les entreprises. Qu'adviendra-t-il, dès lors, pour les établissements en grande difficulté économique ? C'est un point sur lequel, madame la ministre, j'aimerais avoir davantage d'explications.
Il manque, dans la relation sociale - mais le Gouvernement n'en est pas responsable - le contrepoids nécessaire d'un syndicalisme puissant et d'une culture de négociation chez les partenaires sociaux.
A l'heure où le MEDEF de M. Seillière réinvente le patronat de choc, nous reculons sur ce point sensible. Nous devons donc légiférer. A ceux de mes collègues qui ne le souhaitent pas, je dirai que j'ai conscience qu'il s'agit, en un sens, d'un pis-aller. Mais je pense qu'il faut le faire pour donner un signal à un certain patronat et pour apporter un appui à un certain nombre de salariés.
A ce propos, je défendrai un amendement sur la participation des salariés au capital social. Je connais par avance les objections soulevées, y compris par une partie du syndicalisme représentatif, mais je considère qu'il faut bien ouvrir ce type de débat.
Novatrice, en revanche, est l'obligation pour les très grandes entreprises qui licencient de participer à la réindustrialisation du bassin d'emplois. Cette formule a déjà été expérimentée, avec des fortunes diverses, d'ailleurs. Ce qui m'intéresse dans ce dispositif, c'est qu'il territorialise la responsabilité de l'entreprise et lui impose d'entrer en négociation avec les élus, avec les acteurs sociaux et économiques, syndicats compris, pour faire d'un échec l'occasion d'un nouveau départ.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Très bien !
M. Gérard Delfau. Nous retrouvons là la logique des comités des bassins d'emplois et du développement local ; je m'en réjouis.
Une question demeure pourtant : les grandes entreprises publiques seront-elles assujetties à cette obligation ? Il le faudrait, évidemment. Me réservant pour la discussion des articles, je m'en tiendrai là sur ce thème, inépuisable, de la modernisation du droit du travail.
Le projet de loi comporte, par ailleurs, un si grand nombre de dispositions - je comprends mal pourquoi certains de nos collègues le regrettent - qu'il est impossible de vouloir seulement en énumérer la liste, du moins dans le temps qui m'est imparti.
J'ai été particulièrement frappé par quatre séries de mesures.
D'abord, par celles qui tendent à réorganiser les études médicales pour donner aux médecins généralistes le même type de formation qu'aux spécialistes. Il est nécessaire de revaloriser le rôle des généralistes, de réinventer le rôle du médecin de famille et de diminuer la part des spécialistes dans notre système de santé, sans, bien sûr, en affaiblir le niveau. Tout ce qui concours à cette évolution est positif.
Ensuite, comme nombre de mes collègues, j'ai été très intéressé par la mesure qui réécrit l'article 1er de la loi d'orientation du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées. Mieux définir les droits fondamentaux des personnes handicapées, c'est, en effet, répondre à un problème de justice sociale et c'est, surtout, reconnaître la dignité de ces hommes et de ces femmes. La commission des affaires sociales a jugé nécessaire de retravailler le texte. Pourquoi pas ! En tout cas, le Parlement s'honore quand il légifère sur de tels sujets.
Par ailleurs, je me suis intéressé à une troisième série de mesures qui apporte une vraie « révolution ». Elle consacre le droit à la validation des acquis de l'expérience, en énonçant que toute personne peut faire reconnaître son savoir-faire dans un métier en vue d'une certification professionnelle.
Ainsi, le diplôme de formation initiale, le plus souvent fondé sur des études abstraites, ne sera plus le seul élément de la rémunération et de l'avancement dans une carrière. Mieux, ce diplôme pourra être obtenu en formation continue à partir d'une pratique reconnue par une procédure de validation. Tel est l'horizon de cette longue marche que, comme on l'imagine, bien des préjugés qui se ligueront voudront entraver.
J'ai bien entendu les craintes justifiées de notre collègue M. Legendre, dont chacun ici respecte l'expertise en ce domaine. Il faut l'écouter, mais, quitte à revenir sur ce dossier si des dérives se manifestaient, il faut aussi avancer.
Reste une dernière disposition dont je veux saluer l'intérêt, celle qui rapproche le statut des accueillants familiaux de celui des salariés. Il s'agit d'améliorer le dispositif de rémunération et le statut des familles accueillant à titre onéreux des personnes âgées ou handicapées. Cette possibilité, encore peu utilisée, est une vraie alternative, dans nombre de cas, à l'accueil en établissement spécialisé. Il est judicieux de la rendre plus attrayante, à condition qu'elle soit correctement encadrée pour éviter les dérapages.
Ce survol rapide, schématique, j'en ai bien conscience, a montré la richesse de ce projet multiforme. Comme toujours, la presse n'en a retenu que l'aspect le plus controversé, celui qui réaménage la procédure de licenciement économique.
La majorité sénatoriale aborde cette discussion d'une façon frileuse, et c'est dommage ! Il importe, au contraire, que ces mesures fassent l'objet d'un examen minutieux et, pour l'essentiel - c'est du moins ce que je pense - qu'elles soient adoptées dans un souci de nécessaire modernisation sociale.
Pour ce qui me concerne, c'est dans cet esprit positif, favorable pour tout dire, que j'entre dans ce débat. (Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Robert Bret applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, durant deux semaines, nous allons examiner le projet de loi de modernisation sociale adopté en janvier dernier par l'Assemblée nationale.
Ce texte, qualifié, de manière excessive, de texte « fourre-tout », en raison du nombre important d'articles qu'il contient - plus d'une centaine - mais surtout en considération de la diversité des sujets traités, ne doit pas nous faire oublier qu'il a pour ambition non seulement d'actualiser la législation sociale existante, mais également - et je reprends vos propos, madame la ministre - d'« apporter des éléments extrêmement forts à la modernisation sociale ».
Considérant que le présent projet de loi pouvait être effectivement le support d'avancées significatives voulues par la grande majorité de nos concitoyens, qui sont aujourd'hui demandeurs de réelles garanties concernant notamment le droit à l'emploi, à la sécurité de l'emploi, les députés communistes ont usé de leur droit d'amendement pour tenter de renforcer les dispositions contenues dans les volets « licenciement », « précarité » et « formation professionnelle » du titre II, mais également pour enrichir le titre Ier relatif à la santé, à la solidarité et à l'action sociale.
Nous abordons le débat au Sénat, débat largement engagé dans tout le pays par la force de l'actualité sociale, avec des intentions plus combatives, des exigences plus fortes en matière de prévention des licenciements économiques.
Durant les dernières semaines, les annonces abruptes de plans de restructuration, de fermetures de sites et de suppressions d'emplois se sont multipliées.
Marks & Spencer ferme ses dix-huit magasins en France et prétend licencier 1 700 salariés : l'action en Bourse à Londres gagne 7,25 points et les actionnaires reçoivent 21 milliards de francs !
Le groupe Danone, fort de 9 milliards de francs de bénéfices consolidés pour l'année 2000, restructure son pôle biscuits. Six fermetures d'usines sont annoncées en Europe, dont deux en France, à Calais et à Ris-Orangis ; d'ici à 2004, 1 816 emplois seront supprimés. La sauvegarde de la compétitivité est invoquée : les lignes de production seraient sous-utilisées, insuffisamment spécialisées. Pour autant - et personne ne le conteste - ces deux usines réalisent des bénéfices.
En fait, la motivation est uniquement boursière, les actionnaires exigeant des normes moyennes de rendement supérieures à celles qui sont actuellement réalisées ! La seule solution qu'ils défendent, ce sont alors les licenciements et les délocalisations.
Il faut d'ailleurs remarquer que, pour l'essentiel, toutes ces annonces de suppressions d'emplois ont été soigneusement tenues confidentielles tant que les élections municipales n'avaient pas encore eu lieu.
Des dizaines de milliers de salariés d'autres grands groupes sont touchés par le retour des plans sociaux, les dégraissages massifs. Ils vivent au quotidien la crainte de délocalisations, voire de fermetures de sites : Moulinex, Bull, Delphi, Usinor, Giat-Industrie, AOM-Air Liberté, Philips, Aventis et bien d'autres encore, sans compter les licenciements qui interviennent chez les sous-traitants et dans les petites entreprises, sans renfort médiatique cette fois, dans le secteur textile-cuir-habillement notamment.
Malgré la croissance, les menaces sur l'emploi sont grandes. Peu de plans sociaux émanent d'entreprises vraiment en difficulté.
Dès lors, si les restructurations d'entreprises ne sont pas liées aux difficultés du marché, elles n'ont d'autre objectif que de satisfaire les marchés financiers, dans une sorte de marche forcée des actionnaires toujours en attente de plus de dividendes. Cela conduit un journaliste du Monde économique à indiquer : « C'est un signe des temps. Hier, en France, les chefs d'entreprise s'appliquaient à couper les "branches mortes" ; aujourd'hui la mode est à élaguer les branches les moins rentables. »
Marqués, voilà deux ans, par l'affaire Michelin, les Français réagissent à nouveau. Ils s'indignent de la façon dont certains dirigeants procèdent, passant outre le respect des règles minimales du code du travail organisant l'information et la consultation des salariés par le biais du comité d'entreprise.
Au-delà des simples questions de forme, les solidarités qui s'expriment à l'égard des salariés en grève, le boycott des produits Danone, traduisent un rejet de tels plans de licenciements mais aussi, ce qui est intéressant, un refus du fatalisme. Tout cela fait dire à l'éditorialiste d'un grand quotidien du soir que « l'affaire Danone marque un tournant non seulement parce qu'elle retentit profondément dans toute la société, mais surtout parce que l'opinion publique, très largement concernée, en a perçu la dimension scandaleuse à la fois sociale, économique, politique et morale ».
Des questions de fond sont posées quant aux pratiques et aux responsabilités des entreprises, qui apparaissent comme étant seules juges de l'opportunité des licenciements, et quant à la capacité et au degré d'intervention du politique dans la sphère économique. Ces questions ne visent aucunement à diaboliser l'entreprise, contrairement à ce que certains commentaires laissent entendre.
La concentration des événements est telle que le Gouvernement et nous, les politiques, ne pouvons et ne devons nous dispenser d'en tenir compte.
Nous verrons au cours de la discussion si les réponses législatives fortes attendues par des salariés méprisés, considérés comme de simples variables d'ajustement, s'avèrent assez volontaristes et à la hauteur des enjeux.
Les dizaines de milliers de Françaises et de Français mobilisés samedi dernier à Calais attendent que le Gouvernement renforce les exigences actuelles du code du travail en matière de prévention des licenciements économiques, d'information et de consultation des salariés, ainsi que de reclassement.
Mais, au-delà de ces indispensables mesures d'« accompagnement » des licenciements telles qu'elles ont été rappelées cet après-midi par Mme la ministre, des mesures propres à réellement les empêcher sont unanimement souhaitées par le monde du travail.
Je renvoie tous ceux qui, ici ou ailleurs, s'abritent derrière les dogmes du libéralisme et de la mondialisation pour justifier la non-intervention de l'Etat face à la décision unilatérale du chef d'entreprise à un article de M. Andreu Solé, sociologue et professeur à HEC, paru dans le Figaro le 7 avril dernier et intitulé Pour le droit de dire non à l'actionnaire : « Lorsque des intérêts particuliers menacent l'intérêt général, l'Etat doit intervenir pour défendre ce dernier. C'est sa mission, sa raison d'être. Exiger "moins d'Etat", n'est-ce pas préférer un monde se référant à un intérêt général réduit ?
« Tout se passe, poursuit-il, comme si l'appétit de l'actionnaire n'avait pas de limites, comme si l'intérêt d'une catégorie de citoyens était supérieur à l'intérêt général.
« Faut-il rappeler que les lois économiques sont des croyances, qu'il n'y a pas de réalité économique à proprement parler, qu'il y a seulement les conventions, les "règles de jeu" que nous nous donnons, les possibles et impossibles que nous nous créons ? L'incapacité de l'Etat à protéger l'intérêt général finit par apparaître pour ce qu'elle est : une décision. »
Dans la panoplie d'amendements que nous avons déposés sur les articles traitant du licenciement économique, deux sont de nature, s'ils étaient adoptés, à rétablir au profit des salariés un minimum de justice sociale. Je pense à l'amendement visant à interdire les licenciements boursiers, à les pénaliser fiscalement et pénalement. Je pense également à notre proposition conférant aux salariés un réel droit d'intervention, de regard sur le bien-fondé, la légitimité des restructurations envisagées, et j'ai cru comprendre, dans le propos de Mme la ministre, que de telles questions seraient abordées.
Conscients des dangers qu'il y a de passer de l'annonce de licenciements à l'accord ou au refus du politique qui conduit à dédouaner l'entreprise de ses responsabilités, sans rétablir telle qu'elle était l'autorisation administrative de licenciement, nous envisageons d'ouvrir aux salariés, par le biais du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, la possibilité d'émettre un droit de veto suspensif.
Ainsi, pour leur saisine un délai de six mois serait ouvert, pendant lequel toute solution économique et sociale de préservation de l'emploi dans l'entreprise concernée serait recherchée.
Une commission composée de représentants du personnel, de l'employeur, de la direction départementale du travail, de la juridiction commerciale, de la commission décentralisée de contrôle des fonds publics, de la Banque de France et d'élus locaux travaillerait dans un délai de quatre mois pour formuler des propositions et des avis. Au terme de ce délai, l'autorité administrative compétente disposerait d'un délai de deux mois pour formuler une proposition sur tous les aspects du dossier.
A cette exigence de discussion des choix de gestion des entreprises, de construction de solutions alternatives favorisant l'emploi et la formation s'ajoute une autre exigence : la transparence des aides de toute nature allouées aux entreprises.
Pour ce faire, madame la ministre, nous renouvelons notre demande de publication des décrets d'application de la loi Hue, relative au contrôle des fonds publics, car il y a urgence. J'ai bien noté que vous avez annoncé, lors de votre audition devant la commission des affaires sociales, qu'ils seront bientôt publiés.
Des acquis de l'Assemblée nationale sont remis en cause par la majorité sénatoriale, qu'il s'agisse de la réintégration de l'amendement Michelin, de l'élargissement de l'information du comité d'entreprise en cas d'annonce publique, de la transposition législative de la notion jurisprudentielle d'obligation de reclassement sur un emploi de même catégorie incombant à l'employeur avant de procéder à un licenciement, de l'élimination de la liste des critères déterminant l'ordre des licenciements du critère des qualités professionnelles, de la réduction du volume des heures supplémentaires comme condition du plan social ou encore de l'impossibilité pour l'employeur de se prévaloir de l'absence d'institution représentative du personnel pour échapper à ces obligations de consultation prévues dans la procédure de licenciement.
Sans surprise d'ailleurs, tout dispositif législatif tendant à parfaire le droit social existant est mis à mal d'avance par notre collègue M. Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales sur le volet travail-emploi.
Les arguments avancés pour justifier les coupes franches dans le texte sont identiques à ceux qui sont développés par M. Kessler. Commentant le boycott, qu'il juge irresponsable, ce dernier a déploré qu' « à chaque fois qu'il y a réduction d'effectifs on voit apparaître des demandes d'un durcissement de la législation totalement irréalistes - ben voyons ! - durcissement dont, la plupart du temps, l'effet pervers est, au contraire, de limiter l'emploi ! ». C'est là une resucée de la formulation selon laquelle « les licenciements d'aujourd'hui sont les emplois de demain », devenue aujourd'hui, dans la bouche de Franck Riboud, la notion de « destruction créatrice ».
Les salariés concernés apprécieront sûrement qu'une fois de plus le seul message qui leur soit adressé par la droite sénatoriale soit le message « progressiste » du MEDEF de tout laisser à la négociation entre les partenaires sociaux, sur la base d'un code du travail a minima !
Les recommandations de la commission des affaires sociales concernant les articles relatifs à la lutte contre la précarité des emplois nous obligeront encore à avoir une attitude défensive. Nous ne pouvons nous accommoder du fait que la diminution des chiffres du chômage, le retour de la croissance ne s'accompagnent pas d'un reflux massif des contrats à durée déterminée, des contrats d'intérim, du nombre de travailleurs pauvres et d'un regain de qualité de l'emploi.
Pour éviter, notamment, que des entreprises ne recourent de manière structurelle et permanente à l'intérim, nous ferons des propositions.
Lors de l'examen en première lecture du projet de loi de modernisation sociale, sur l'initiative des députés communistes signataires d'une proposition de loi relative au harcèlement moral au travail, un large débat a pu s'ouvrir sur les violences au travail, débouchant sur l'adoption de plusieurs dispositions importantes.
Un chapitre spécifique au harcèlement moral a été introduit dans le code du travail ; le principe d'« exécution de bonne foi » du code du travail a été affirmé, une définition a été ébauchée ; la protection du salarié victime ou témoin a été envisagée.
Madame la ministre, conformément à vos engagements, nous espérons que cette ébauche législative saura s'enrichir des réflexions du Conseil économique et social pour que, demain, la France se dote d'un dispositif complet permettant de mieux protéger les salariés.
D'une part, nous serons attentifs à ce que la définition retenue par l'Assemblée nationale, qui, selon nous, ne rend pas compte de l'ensemble des situations de harcèlement moral au travail, évolue. La notion de dignité humaine au sein même de l'entreprise doit apparaître.
Notre proposition initiale recouvrant à la fois les atteintes à la dignité, à l'intégrité psychique et les pressions psychologiques, définissant le harcèlement moral au travail comme « une dégradation délibérée des conditions de travail », sans référence aucune au lien hiérarchique, est proche de la définition proposée par M. Michel Debout, rapporteur de l'avis adopté par le Conseil économique et social.
D'autre part, nous veillerons à la mise en oeuvre d'une réelle prévention utilisant à cet effet tous les acteurs concernés : le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le médecin du travail, le comité d'entreprise et le chef d'entreprise.
Enfin, nous attendons du Gouvernement des réponses quant au champ d'application - je pense au secteur public - de ces dispositions jusqu'alors circonscrit au secteur privé, quant à la reconnaissance du harcèlement moral comme un risque professionnel, quant à votre refus d'assortir le harcèlement moral d'une sanction pénale spécifique, à l'instar de ce qui existe en matière de harcèlement sexuel.
Concernant un autre sujet d'envergure traité dans le titre II, la formation professionnelle, outil indispensable d'insertion, de promotion de l'individu confronté aux réalités des mutations de l'emploi, nous saluons la démarche retenue par Mme la secrétaire d'Etat, qui a préféré à la simple reconnaissance des acquis professionnels le concept plus large de validation des acquis de l'expérience, c'est-à-dire des savoirs et savoir-faire emmagasinés en tous lieux : l'entreprise, bien sûr, mais aussi le milieu associatif, syndical, etc.
J'en viens maintenant au titre Ier du projet de loi, relatif à la santé, la solidarité et à la sécurité sociale. Faute de pouvoir entrer dans le détail des nombreux articles, je centrerai mon propos sur les points qui nous paraissent devoir être complétés, éclaircis ou maintenus.
Nous profiterons de l'examen des articles transcrivant législativement une partie du protocole d'accord du 14 mars dernier dans la fonction publique hospitalière pour faire le bilan des revendications des sages-femmes, notamment.
Nous demeurons préoccupés par le changement de statut de l'Etablissement français de fractionnement et des biotechnologies. Nous avons pris acte de la solution d' « équilibre », proposée par le rapporteur de l'Assemblée nationale, du maintien du principe des prix administrés pour les dérivés de produits sanguins ainsi que de la présence, au sein des conseils d'administration, des représentants du personnel et des donneurs de sang. Pour autant, d'un point de vue strictement éthique, la classification même des dérivés sanguins, produits issus du corps humain, dans la catégorie des médicaments nous pose problème.
Concernant la réforme des élections aux conseils d'administration des caisses de mutualité sociale agricole, la commission s'apprête à revenir sur la parité de représentation des salariés et des non-salariés au sein des conseils d'administration des caisses départementales du conseil central de la mutualité sociale agricole introduite à l'Assemblée nationale et justifiée par les évolutions démographiques. Nous notons que des discussions ont eu lieu avec les représentants des différents collèges qui, tous, souhaitent garantir l'avenir de la mutualité sociale agricole.
Toujours sur l'article 10, nous proposons d'amender le texte afin de répartir les délégués du deuxième collège à l'assemblée générale centrale au prorata des résultats nationaux du scrutin local.
Enfin, je tiens à préciser que les sénateurs communistes soutiennent la démarche des associations membres du comité d'entente des personnes handicapées rassemblées devant le Sénat pour dénoncer le caractère amoral et profondément inégalitaire des règles de récupération sur succession au premier franc des prestations. Pour ce faire, nous défendrons avec force un amendement visant à mettre un terme à cette injustice criante.
Madame la ministre, même si l'appréciation du texte dans son ensemble s'avère difficile, et bien que la droite sénatoriale ait décidé de s'attaquer à certaines dispositions que nous jugeons au contraire fondamentales, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen abordent ce débat dans un esprit résolument constructif. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, sur les travées socialistes ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la diversité des thèmes abordés par ce projet de loi de modernisation sociale ne doit pas masquer les avancées majeures qu'il contient, notamment dans sa partie sur le travail, l'emploi et la formation professionnelle.
Les récentes annonces de licenciements dans de grandes entreprises européennes, aux enseignes prestigieuses, exacerbent les attentes qui entourent l'examen de ce texte. Le débat qui agite l'opinion sur ce qu'il faut faire pour éviter les licenciements et la précarité est le nôtre aujourd'hui. Il est d'ailleurs le plus souvent à l'arrière-plan de nos travaux. Nous nous trouvons face à une vive émotion des salariés.
Le texte que nous examinons est le fruit d'un travail de réflexion et de raison. Il prévoit des mesures tendant à protéger les personnes contre les licenciements et dont le défaut majeur serait de ne pas être appliquées. Il faut donc les proposer et s'en saisir pour qu'elles réussissent.
Chacun doit bien mesurer sa responsabilité, à partir du moment où les mesures sont justes et porteuses de progrès. Point n'est besoin de spectaculaire. Il faut seulement réussir. C'est possible, car il s'agit de s'appuyer sur le développement des relations sociales dans l'entreprise.
Tout d'abord, je veux souligner que la volonté du Gouvernement à agir dans ce domaine est légitime sur le fond.
Quand il s'agit de légiférer contre les licenciements, on nous oppose que la réussite économique ne se décrète pas et qu'une entreprise en difficulté doit pouvoir s'adapter, y compris par des licenciements, si elle veut sauver d'autres emplois. Faut-il rester alors les bras croisés, ne rien faire et abandonner les salariés aux seules initiatives des chefs d'entreprise ? Assurément non !
Notre économie fonctionne plutôt bien. Le progrès économique et les conquêtes sociales doivent aller de pair. Seulement, dans le domaine économique, on sait - ce sont les libéraux qui le disent, et cela s'observe - que les forces avancent d'elles-mêmes. Elles avancent, mais où vont-elles ? La question vaut parce qu'elles ne rejoignent pas naturellement le sens du progrès social et que leur puissance est telle - c'est bien ce qui inquiète avec la mondialisation - que, si elles entrent en contradiction avec le social, le risque est réel d'avoir une régression. Pour que le progrès économique aille de pair avec le progrès social, c'est le progrès social que notre politique doit encourager prioritairement : il a sans cesse besoin d'être soutenu.
Une autre raison d'intervenir tient au fait que le chômage, qui a baissé très significativement depuis quatre ans, touche encore beaucoup trop de nos concitoyens et que notre énergie doit se porter vers eux.
Nous voulons ici saluer le travail du Gouvernement dans la lutte contre le chômage. La réussite est incontestable. Bien sûr, la croissance économique y est pour beaucoup. Mais le Gouvernement, par son action, a contribué largement à ce niveau élevé de croissance, et il l'a mis à profit pour faire baisser le nombre de chômeurs.
Je le disais à l'instant, il y a encore trop de chômeurs. Au-delà de leur nombre, il y a toutes celles et tous ceux qui sont à la frontière du chômage : les éventuelles futures victimes des licenciements et les personnes qui ont des emplois précaires. Malheureusement, il faut aussi ajouter à l'angoisse particulièrement tragique de ces femmes et de ces hommes celle de leurs proches et de leur famille. L'interpellation est donc forte.
Avec la décrue du chômage, c'est au noyau dur de ce dernier que nous devons consacrer nos efforts. Or, celui-ci risque d'être alimenté par les licenciements actuels, qui rendent plus vulnérables les salariés ayant atteint un certain âge et les jeunes en situation précaire.
Ce que je veux dire, c'est que nous ne pouvons pas nous contenter de penser que notre économie créatrice d'emplois saura d'elle-même réintégrer tous les salariés licenciés. Les plus fragiles de ces derniers savent bien qu'ils risquent d'être écartés définitivement ou durablement de l'emploi. Lutter contre les licenciements, c'est donc lutter non pas seulement contre le chômage, mais aussi contre l'injustice et contre l'exclusion.
L'injustice a aussi un autre visage, odieux moralement : elle transparaît dans les licenciements des salariés qui travaillent dans des entreprises faisant des bénéfices. Le seul énoncé de cette réalité est réellement ahurissant.
D'une part, ces licenciements insultent des salariés qui se sont impliqués dans leur entreprise. Comment ne pas comprendre que ces salariés soient révoltés et que toute la population le soit avec eux ? Si beaucoup de monde est menacé dans une économie ou une entreprise en difficulté, faut-il accepter que personne ne soit à l'abri dans une économie ou une entreprise en expansion ? C'est scandaleux et décourageant !
D'autre part, comment ne pas être révolté par le fait que les entreprises qui licencient aient bénéficié, pour leur réussite, d'efforts réalisés par des populations entières ? Je pense notamment à la construction européenne, puisque les licenciements que nous avons à l'esprit sont le fait de groupes européens. Nos concitoyens savent bien ce que leur coûte la réalisation des critères de l'Union européenne. Ils savent aussi ce que la construction européenne apporte aux entreprises. L'Europe est un espace de croissance et de stabilité dans lequel il est possible de prévoir et de développer. Nous avons donc raison de la soutenir. Encore faut-il que chacun joue le jeu, et ce n'est pas manquer de pudeur que de le rappeler. Notre entité économique européenne a mis à l'abri de nombreuses entreprises contre les crises qui, depuis quelques années, ont dégradé des régions entières du monde, l'Asie et la Russie notamment.
Un autre scandale doit être dénoncé : la manière dont sont organisés les licenciements. Non seulement des salariés apprennent qu'ils vont être licenciés, mais, de plus, la manière dont l'annonce leur est faite n'est pas anodine. On a l'impression que, au-delà des gains que permettra la restructuration, des chefs d'entreprise cherchent à faire des coups boursiers à travers des effets d'annonce : ils veulent absolument impressionner l'actionnaire, lui signifier leur détermination. Celle-ci se traduit trop souvent par de la brutalité envers le salarié.
Forts de ces éléments d'analyse, nous nous retrouvons confrontés à deux réalités antagonistes dès lors qu'il s'agit de proposer une solution.
Le mouvement naturel est d'interdire les licenciements. Nous savons que cela est impossible. La raison en est simple : elle réside non pas seulement dans le chantage à la délocalisation, mais aussi dans l'évolution de notre système de production et des métiers. Certains secteurs requièrent moins de travailleurs. On ne peut pas arrêter l'histoire. Le Gouvernement l'a compris en mettant en oeuvre la loi sur les 35 heures qui, avec la réduction du chômage, représente un véritable projet de société.
Et pourtant, face à la révolte des salariés, comment ne pas être tenté d'interdire les licenciements ? Une des préoccupations qui s'expriment à l'heure actuelle a trait à un sentiment général d'insécurité.
Mes chers collègues, posons-nous la question suivante : une personne se faisant voler est-elle plus victime de la délinquance qu'une personne se faisant licencier ? Au-delà de la perte matérielle, souvent plus grave d'ailleurs dans le second cas, n'y a-t-il pas dans les deux circonstances la même souffrance psychologique due à la violence d'une volonté individuelle extérieure qui viole la tranquillité de la sphère privée et engendre l'angoisse et la précarité ?
Ajoutons ici que la précarité d'un statut de travail, de même que la crainte du licenciement et l'inquiétude de voir ce dernier frapper aveuglément, même si l'entreprise se porte bien, participent de ce sentiment d'insécurité.
Enfin, n'oublions pas que les personnes en situation sociale fragilisée sont les premières victimes de l'insécurité.
Je crois qu'il fallait mettre les choses au point afin de bien mesurer les enjeux précis auxquels nous sommes confrontés et de comprendre la portée des propositions que le Gouvernement a formulées dans ce texte et que nos collègues de l'Assemblée nationale ont enrichies. Depuis que les députés ont examiné le présent projet de loi, nous avons pu constater que l'affaire des licenciements chez Michelin n'était pas un fait isolé. Ce texte mérite donc d'être encore renforcé.
Les objectifs du projet de loi sont clairs et tentent de concilier les deux impératifs suivants : protéger les personnes contre les licenciements et ne pas bloquer nos entreprises face à leurs nécessaires évolutions dans un monde ouvert.
Pour parvenir à ce résultat, la démarche proposée invite à faire le lien entre plusieurs dispositions du droit existant, notamment avec les mesures liées au dispositif des 35 heures et aux négociations qui l'accompagnent. Le dialogue social a été relancé dans les entreprises. Utilisons-le. Ne craignons pas de permettre aux acteurs de terrain, aux représentants des salariés, de jouer leur rôle. Ils connaissent bien la situation économique et sociale de l'entreprise. Il faut qu'ils aient leur mot à dire dans l'entreprise sur le bien-fondé ou non des licenciements. Il faut donc qu'ils soient prévenus suffisamment tôt et qu'ils puissent en discuter.
Le Gouvernement n'a pas voulu une mécanique rigide et centralisée de contrôle des licenciements, mécanique qui se serait mal adaptée aux réalités diverses des entreprises. Il a préféré valoriser l'expérience de la maîtrise de cette diversité, acquise notamment par la mise en place de la réduction du temps de travail.
Remarquons que le texte prévoit, par ailleurs, d'améliorer la représentation des salariés actionnaires au conseil d'administration et de surveillance. Ce qui fera débat, ce sera de savoir jusqu'où les salariés auront le pouvoir de discuter les licenciements et de les contester. Il y a là un enjeu politique majeur qui correspond à un véritable clivage.
En tout cas, en étendant la liste des thèmes de négociations quinquennales sur la formation professionnelle, en favorisant la gestion prévisionnelle de l'emploi, le texte donne aux représentants du personnel des moyens nouveaux de s'imposer comme des acteurs responsables dans la stratégie de l'entreprise.
Le contrôle des plans sociaux va dans ce sens. L'entreprise aura intérêt à avoir bien négocié au préalable, donc à associer en amont les représentants des salariés. L'obligation, issue de l' « amendement Michelin », d'avoir engagé une négociation d'accord sur les 35 heures permet déjà de poser la relance du dialogue social comme préalable, de mieux préciser auprès de chacun de ses acteurs l'état de l'entreprise.
Une obligation de résultat, en s'inspirant de la jurisprudence « Samaritaine », doit être exigée. L'entreprise doit prendre ses responsabilités. L'Etat et les collectivités locales assument les leurs à travers leurs investissements et le soutien aux services publics, ce qui séduit d'ailleurs les investissements étrangers. Cette politique peut faciliter la réindustrialisation des sites et est, de ce fait, un instrument important de protection de l'emploi.
En même temps qu'il renforce le pouvoir d'intervention des institutions représentant les personnels, le texte vise à leur assurer individuellement une plus grande sécurité face au risque de licenciement. Je pense en particulier au très important volet sur la validation des acquis professionnels et de l'expérience. Là encore, plusieurs dispositifs se complètent et acquièrent tout leur sens lorsqu'ils sont articulés. La validation des acquis est une mesure qui fonctionne bien avec les obligations d'assurer l'adaptation des salariés et avec le droit au reclassement, dans la lignée de la jurisprudence « Samaritaine ».
La validation des acquis représente une avancée considérable. Cette ambition avait été lancée en 1992 par Lionel Jospin, alors ministre de l'éducation nationale. Elle a été reprise en 1997 et bien préparée. Elle vient maintenant devant nous. Elle ouvre un nouveau droit, celui de voir clairement reconnues et identifiées, selon des qualités dûment répertoriées, les compétences que chacun acquiert tout au long de sa vie, et ce non seulement par son activité professionnelle, mais aussi par toute autre occupation ayant permis de renforcer son expérience, par exemple la gestion d'une association.
Le progrès que cela représente est évident. Il s'agit d'une véritable modernisation du regard que nous allons porter les uns sur les autres. Tout l'enjeu sera d'assurer une véritable reconnaissance des diplômes. C'est une question de rigueur et de volonté. Les nombreuses réunions préparatoires et de concertation ont contribué à lever des doutes en précisant les contours du dispositif.
Un autre volet de cette politique tendant à renforcer la sécurité de la personne est la lutte contre le travail précaire, qui concerne nombre de nos concitoyens. Pour certains, cela est préférable au chômage, mais il est temps de passer à l'étape suivante.
Des dispositions nouvelles concernent le délai de carence, afin d'en exclure le week-end.
Le droit du travail limitant le recours aux contrats à durée déterminée, les CDD, et encadrant ceux-ci est renforcé : quel que soit le motif mentionné dans le contrat, un CDD ou une mission d'intérim ne peut avoir pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ; le taux des indemnités de précarité versées en fin de CDD est relevé à hauteur de celles qui sont allouées à la fin d'une mission d'intérim.
Les cas d'application des sanctions pénales liées à l'utilisation illégale de contrats précaires seront étendus.
Le contrat de travail temporaire ou à durée déterminée pourra être rompu sur l'initiative du salarié lorsque celui-ci justifiera d'une embauche pour une durée indéterminée : les pénalités visant le salarié sont supprimées.
Par ailleurs, l'offre d'apprentissage et de formation professionnelle est modernisée. Les sénateurs socialistes proposeront un renforcement des moyens des centres de formation d'apprentis, les CFA, intervenant dans la formation des jeunes en difficulté.
La lutte contre le harcèlement moral au travail, outre son enjeu propre, est aussi un élément concourant à la sécurité du salarié. Elle vient consolider des dispositions contre les discriminations, contre le harcèlement sexuel et en faveur de l'égalité professionnelle.
C'est donc un projet de loi à la fois riche et cohérent que nous examinons. Loin du saupoudrage de mesures que certains voudraient y voir, il s'agit de faire le lien entre des dispositifs existants, de les renforcer et de les compléter. Ce texte est donc porteur d'une réelle ambition qui s'appuie sur des mesures déjà en vigueur, avec la prétention de les valoriser davantage.
Derrière ces mesures, ce qui me paraît important, c'est la possibilité de renforcer la culture de l'entreprise, lieu privilégié des relations sociales.
Le salarié représente la mémoire de l'entreprise. Il en est un élément indispensable, et non un élément imposé ou subi : il lui est lié. Au contraire, certains actionnaires, qui recherchent des profits immédiats, butinent. Ils n'ont pas le même rapport identitaire à l'entreprise que le salarié.
Je crois que les débats sur les politiques sociales et économiques à venir devraient davantage porter sur l'importance de la culture d'entreprise et le rôle qu'y jouent les salariés. Il faut sortir des clichés du patronat qui présente la culture d'entreprise comme la religion de la réussite de la marque. Celle qu'il faut promouvoir se construit autour de l'histoire d'un groupe humain, entre ses différents acteurs ; elle s'enrichit de l'expérience de leurs relations, qui doivent tendre à une meilleure efficacité vers l'extérieur et à un plus grand respect mutuel à l'intérieur.
Ce qui peut contribuer à expliquer, dans le cas de Marks & Spencer, mais plus particulièrement dans celui de Danone, l'émotion populaire, c'est le sentiment qu'ont eu nos concitoyens d'être trahis dans la confiance qu'ils avaient été invités à placer dans l'image de ces groupes.
Il y a eu appel au boycott dans le cas de Danone. Mais si cette entreprise avait dû licencier dans une situation de réelles difficultés économiques, il y aurait certainement eu un appel à acheter les produits de consommation courante de cette entreprise, au lieu de les boycotter, et cet appel serait peut-être venu des salariés eux-mêmes et aurait eu de l'écho. Au contraire, les gens ont été meurtris par le sentiment de trahison qu'ont éprouvé les salariés, à qui l'on a demandé de s'investir psychologiquement dans l'image du groupe et à qui, finalement, on indique la sortie.
Ce souci de sincérité dans les relations sociales concerne aussi les PME. Le texte prévoit une extension du dispositif d'aide pour les actions de formation, pour l'élaboration d'un plan de gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences. Là encore, le Gouvernement veut, au travers de la prévention des licenciements, encourager la qualité du climat dans l'entreprise. La taille des PME fait que les relations personnelles y jouent un grand rôle. Pour qu'elles soient fructueuses, il faut qu'elles puissent se développer dans un climat de confiance. Tant mieux si la loi joue son rôle pour garantir ce climat !
Derrière cette préoccupation, il y a un enjeu démocratique. Au moment où de grands groupes sont plus puissants que certains Etats ou sont en mesure de faire du chantage à l'emploi, au moment où l'on nous explique qu'il ne faut pas légiférer dans le domaine des entreprises sous prétexte que cela ne sert à rien, car on ne peut plus déterminer clairement leur périmètre, nous voulons savoir qui fait quoi.
On parle beaucoup de transparence en politique. Il en faut plus aussi dans le monde de l'entreprise. C'est un long combat, et nous devons le mener. Nombre de dispositions de ce texte, comme celles qui concernent les élections aux prud'hommes, vont dans le sens d'une obligation de sincérité entre les acteurs de l'entreprise.
Après la loi relative aux nouvelles régulations économiques, ce texte met au service de nos relations sociales des outils très concrets. Il permet d'affirmer l'importance du salarié dans l'entreprise comme étant sa vraie richesse et sa vraie justification. C'est un combat permanent. Il réussira grâce aux principaux intéressés dès qu'ils pourront se saisir avec raison des outils qu'ils réclament avec passion. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, nous sommes appelés à examiner, en première lecture, ce projet de loi dit de « modernisation sociale. »
Sur la forme, je note que ce projet de loi risque d'être l'exemple type d'une gestion approximative des textes sociaux. Je vous rappelle, mes chers collègues, que le Gouvernement a déposé ce texte à la fin du mois de mai 2000 et qu'il n'a été examiné par l'Assemblée nationale que sept mois plus tard.
De même, je n'insisterai pas sur le fait que vingt-trois articles de ce projet de loi ont été retirés pour être progressivement éparpillés dans diverses propositions de loi.
En réalité, derrière ce titre de « modernisation sociale » se cache un texte portant diverses mesures d'ordre social dont la modernité n'est pas apparente. D'ailleurs, comme les 35 heures, et ces mesures ne sont pas financées. Encore une fois, le Gouvernement préfère la loi au dialogue social, à la concertation, c'est-à-dire au contrat. On veut imposer aux PME-PMI, créatrices d'emplois, des contraintes dont le Gouvernement s'est affranchi dans ses négociations avec la fonction publique.
M. Charles Descours. Très bien !
M. Bernard Murat. Sur le fond, où sont les avancées sociales qui devraient améliorer les conditions de vie quotidiennes de nos concitoyens ? Elles sont bien limitées !
J'estime que ce projet de loi comporte de nombreux écueils ; j'en citerai deux pour illustrer mes inquiétudes.
Tout d'abord, l'article 11 abroge la loi « Thomas », qui a créé les « plans d'épargne retraite », appelés aussi « fonds de pension ». La loi Thomas a au moins un avantage, celui de généraliser aux salariés du secteur privé les mécanismes de retraite complémentaire par capitalisation qui ont été mis en place dans le secteur public.
En effet, il existe un système de fonds de pension assez généreux pour les agents du secteur public, et ce depuis 1967. Certes, la loi Thomas était perfectible. Mais, madame la ministre, plutôt que de l'améliorer, vous demandez sa suppression pure et simple. En effet, cette suppression ne s'accompagne d'aucun mécanisme alternatif.
Mes chers collègues, il me semble que, sur ce sujet essentiel pour nos concitoyens, l'analyse dogmatique devrait laisser place à une approche pragmatique.
Nous savons tous que, dans un système de marché, on ne peut empêcher des entreprises françaises d'avoir des fonds de pension étrangers comme actionnaires. Alors, pourquoi ne pas constituer des fonds de pension français, au lieu de laisser le champ libre aux retraités américains ou suisses ? Je fais le pari que nos retraités feraient preuve d'un esprit patriotique vis-à-vis de notre économie.
Par ailleurs, pourquoi refusez-vous au secteur privé ce qui existe pour le secteur public depuis plus de vingt ans ?
Comme l'ensemble de mes collègues du groupe RPR, j'estime que la préservation d'un régime de retraite par répartition pour tous les Français est une priorité intangible. Or personne ne peut nier que les perspectives du régime par répartition sont catastrophiques. Le rapport Charpin a expliqué très clairement que le régime par répartition était gravement menacé par la détérioration du rapport actifs/retraités à partir de 2007. Dès lors, les revenus des retraités ne pourront que décroître, ces derniers ne disposant même plus des ressources nécessaires pour vivre.
Aussi, plutôt que de supprimer ce dispositif théorique, puisque les décrets d'application ne sont jamais sortis, il serait plus cohérent de proposer des réformes concrètes aux Français, sans tenir compte des échéances électorales.
Alors, me direz-vous, le Gouvernement a mis en place un fonds de réserve visant à assurer la pérennité de notre système de retraite ! Certes, mais à quoi sert un fonds de réserve si l'on ne prévoit pas les moyens nécessaires à son financement ?
Tout d'abord, je note que, fin 2001, il manquera 15 milliards de francs en raison des incertitudes qui pèsent sur l'attribution des licences UMTS.
M. Gérard Larcher. Eh oui !
M. Bernard Murat. Ensuite, et surtout, je relève que l'alimentation du fonds de réserve repose très largement sur les excédents du fonds de solidarité vieillesse, le FSV. Or, comme le souligne mon ami Alain Vasselle dans son rapport sur le fonds de réserve, ces excédents sont détournés systématiquement par le Gouvernement. En effet, dès mars 2000, le Gouvernement s'est employé à assécher la première ressource du fonds de réserve. Les excédents du fonds de solidarité vieillesse serviront au financement ponctuel des trente-cinq heures, à la prise en charge de la dette de l'Etat à l'égard de l'Association générale des institutions de retraites des cadres, l'AGIRC, et de l'Association des régimes de retraites complémentaires, l'ARRCO, ainsi qu'au financement de l'allocation personnalisée d'autonomie.
Au total, il faut le savoir, d'ici à 2020, ce sont 540 milliards de francs en cumulé qui seront prélevés sur le FSV, ressource qui aurait engendré par ailleurs 250 milliards de francs de produits financiers.
Ainsi, en l'état actuel des choses, ce fonds de réserve reste dans le domaine des idées. Il ne représente rien de concret qui constituerait une alternative au maintien de notre système de retraite par répartition.
Aussi, avec l'ensemble des membres du groupe RPR, nous suggérons de maintenir les plans d'épargne retraite, puisque le Gouvernement ne propose aucune mesure de substitutions réaliste.
J'en viens à un autre volet de ce projet de loi : le durcissement du droit du travail. Les articles 31 à 34 du projet de loi et les amendements du Gouvernement qui nous sont soumis tendent à donner plus de garanties aux salariés des entreprises privées en matière d'emploi.
Je m'en félicite, et je dois dire, madame le ministre, que j'ai été assez choqué, à cet égard, par les propos que vous avez tenus en fin d'après-midi. En effet, même au Sénat, la générosité n'est pas l'apanage de la gauche ! Ayant été moi-même salarié et licencié, je sais de quoi je parle et je pense que peu nombreux sont ceux qui, dans cet hémicycle, peuvent en dire autant ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR. - Protestations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.) Il faut y être passé pour le savoir !
Dès à présent, je souhaite exprimer notre compassion à toutes celles et à tous ceux qui, aujourd'hui comme hier, sont confrontés à ce drame humain qu'est le licenciement. L'émotion des femmes et des hommes qui sont licenciés est légitime. Les licenciements sont un grave traumatisme, voire un drame personnel, pour tous les salariés d'une entreprise et leurs familles. La mobilité professionnelle n'est pas encore entrée dans notre culture comme un atout de reconversion, voire d'amélioration sociale. Il faut avoir connu cette situation pour pouvoir en parler avec émotion, mais aussi avec objectivité, sans tomber dans la démogagie électoraliste.
Comme vous, madame le ministre, j'estime que les entreprises ont une responsabilité sociale vis-à-vis de leurs salariés. Mais, au-delà de ce drame, les élus de la nation devraient être en mesure, d'une part, de prendre du recul par rapport à la situation et, d'autre part, de ne pas légiférer sous la pression des événements actuels.
Il faut aussi que nos dispositifs soient acceptés par la Communauté européenne, afin de ne pas défavoriser les entreprises française face à leurs concurrents européens, sans parler des concurrents américains ou autres. Sans cette prise en compte par l'Europe, cet objectif serait des plus utopiques.
N'oublions pas que suppression de poste ne signifie pas licenciement. Du reste, Danone s'est engagé à proposer trois contrats à durée indéterminée à chacun des 570 salariés perdant leur emploi, allant ainsi bien au-delà des dispositions de la loi actuellement en vigueur, comme vous l'avez d'ailleurs reconnu, madame le ministre.
Par ailleurs, n'oublions pas que l'économie de marché impose aux entreprises de se remettre en question en permanence. A cet égard, je rappelle que, si le chômage diminue en France, c'est grâce, d'abord et avant tout, à la croissance mondiale, certes, mais aussi au dynamisme des chefs d'entreprise et des investisseurs, en particulier celui des dirigeants de nos PME et de nos PMI, lesquelles n'ont rien à voir avec les problèmes que rencontrent de grands groupes comme Renault, Michelin, Danone, etc.
A ce propos, madame le ministre, j'insiste pour que vous veilliez particulièrement à ce que votre projet de loi prenne en compte la dimension des entreprises et la structure de leur capital, afin de ne pas décourager les petites et moyennes entreprises françaises.
Nous savons aussi que l'équilibre économique d'une entreprise est fragile. Son maintien nécessite une surveillance continue du marché, ainsi qu'une adaptabilité permanente des moyens de production, en particulier des ressources humaines. Combien d'entreprises ferment chaque jour parce qu'elles n'ont pas su rester compétitives face à leurs concurrents, tant nationaux qu'internationaux ? La seule vraie question est donc de savoir quand et comment les restructurations doivent être effectuées.
Madame le ministre, j'aimerais vous rappeler que la France n'est guère attractive, sur les plans fiscal et social, pour les chefs d'entreprise, ce qui nuit fortement à la progression des investissements étrangers dans notre pays ; des charges sociales très fortes, une imposition plus lourde que chez nos partenaires européens, une législation sociale, très rigide, l'instauration des 35 heures n'incitent pas à la création ou au développement d'entreprises sur notre territoire et expliquent les nombreuses délocalisations constatées vers des pays plus accueillants, ainsi que le départ de nombreux jeunes diplômés disposant de la formation et des capacités nécessaires pour créer des entreprises.
Gardez en mémoire que l'embauche et le licenciement sont des prérogatives du chef d'entreprise : c'est l'un des piliers de notre droit du travail. La loi doit, bien entendu, définir les conditions dans lesquelles s'opèrent les licenciements, mais elle ne doit en aucun cas porter atteinte à la liberté d'entreprendre ; seuls la négociation et le contrat peuvent régler durablement les relations dans l'entreprise.
Or le surcroît de rigidité proposé par le Gouvernement, tout en donnant l'impression de protéger les salariés, pourrait, dans certains cas, être fatal aux entreprises et aboutir ainsi à l'augmentation du nombre des licenciements.
Madame le ministre, les chefs d'entreprise connaissent les incidences des plans sociaux. S'ils y ont recours, c'est, dans la plupart des cas, parce qu'ils n'ont pas d'autres moyens à leur disposition pour préserver l'existence de leurs entreprises dans un climat de concurrence mondialisée.
J'ajoute qu'une loi de modernisation sociale dans le domaine de l'entreprise ne peut faire l'impasse, comme c'est apparemment le cas ici, sur ce qui fait la modernité de celle-ci, c'est-à-dire les nouveaux métiers et les nouvelles technologies, informatiques et de communication, qui changent radicalement les fonctions dans l'entreprise. C'est cela, la modernité du xxie siècle, mais, sauf erreur de ma part, votre projet de loi s'adresse au monde du travail du xxe siècle ! Nous sommes d'accord avec vous pour dénoncer les méthodes employées par Marks & Spencer, mais, sans une certaine flexibilité, il n'y a plus de gestion possible.
Dans le même ordre d'idées, je ne peux approuver l'article 36 de ce projet de loi. En effet, il prévoit de durcir les sanctions pénales liées à l'utilisation des contrats à durée déterminée : dorénavant, le fait de ne pas conclure par écrit un CDD serait puni d'une amende de 25 000 francs.
Comprenez mon étonnement, car il existe déjà une sanction civile lorsqu'un CDD n'est pas établi par écrit, à savoir la requalification en CDI. Il faut laisser au droit pénal le rôle qui est le sien, c'est-à-dire réprimer un acte délictueux qui porterait atteinte à l'intégrité de notre société. Or, tel n'est pas le cas ici, et les dispositions proposées reflètent une idée très péjorative des qualités humaines des chefs de PME et de PMI, que nous, les élus, nous sollicitons en permanence, je tiens à le rappeler, pour qu'ils emploient des jeunes et des moins jeunes sans formation dans nos villes.
A mes yeux, il aurait été préférable d'améliorer l'« employabilité » des salariés. Aujourd'hui, nous constatons que les crédits dégagés pour la formation professionnelle des adultes sont très insuffisants et que les Français, en particulier les femmes, sont inégaux face à la formation.
Aussi, plutôt que de « corseter » le droit du travail, à mon sens il serait, plus opportun d'améliorer la formation professionnelle continue, afin qu'elle prenne place tout au long de la vie professionnelle et, surtout, plus en amont des reclassements.
De même, il aurait été plus urgent que vous cherchiez des solutions pour combattre la pénurie de main-d'oeuvre, à l'exemple de celles que la majorité sénatoriale vous a proposées.
M. Alain Gournac, rapporteur. Oui !
M. Bernard Murat. Ainsi, dans les secteurs des métiers de bouche et de l'hôtellerie-restauration, du bâtiment ou du tertiaire, les offres d'emploi sont deux fois plus nombreuses que les demandes.
Pour en terminer sur ce chapitre, je voudrais également, madame le ministre, attirer votre attention sur le risque à court terme que fait courir votre projet de loi aux employés salariés, puisque l'effet d'annonce va obligatoirement inciter les groupes multinationaux qui prévoyaient d'opérer des licenciements économiques à accélérer le mouvement et à durcir leur position s'agissant des reclassements.
Par ailleurs, de nombreux investissements étrangers vont être ou sont déjà gelés. Avez-vous évalué combien d'emplois cela représente et déterminé dans quels pays concurrents de la France ces emplois seront créés ?
Je souhaite maintenant évoquer quelques silences de ce projet de loi.
Je constate que, si l'article 17 du texte prévoit la réforme des études médicales, il ne règle pas le problème de la démographie médicale : deux à trois mois d'attente, c'est le délai moyen que les patients se voient proposer pour consulter un médecin spécialiste en Corrèze. Ces délais d'attente sont particulièrement observables en ophtalmologie ou en gynécologie. Ils résultent de l'inadéquation entre la démographie des médecins spécialistes et les besoins en matière de santé, et cette pénurie a des conséquences désastreuses pour la prise en charge de ceux-ci. Par exemple, faute d'un nombre suffisant d'ophtalmologues, la moitié des glaucomes ne sont pas traités, parce que non dépistés.
Par conséquent, madame le ministre, ma question est simple : avez-vous l'intention d'augmenter le nombre des postes aux concours de l'internat afin de limiter les effets de cette pénurie ?
Par ailleurs, annoncée en novembre dernier, la réforme du mécanisme des lettres-clés flottantes semble aujourd'hui « enterrée ».
Comme je l'ai déjà dit, ce système, mis en place par le gouvernement auquel vous appartenez, madame le ministre, me semble dangereux pour les malades et abusif pour les médecins. En effet, il sanctionne de manière collective, sans tenir compte des pratiques individuelles, de l'expérience des praticiens et des particularismes locaux. Depuis sa mise en place, je me suis toujours opposé à un mécanisme qui contribue à détériorer les relations entre les professionnels de santé et les pouvoirs publics.
A cet égard, il me paraît irréaliste de vouloir maîtriser les dépenses de santé en fondant sa politique uniquement sur des éléments budgétaires, sans tenir compte de la réalité des besoins sanitaires légitimes de la population, sauf à vouloir rapprocher nos services de santé du modèle britannique, qui, comme vous le savez, est catastrophique.
Bien entendu, comme l'ensemble de mes collègues de la majorité sénatoriale, je souhaite une maîtrise de l'évolution des dépenses médicales. Mais, pour cela, il convient de faire appel à la responsabilité individuelle des médecins et de contribuer à l'amélioration des pratiques médicales, qui doivent toutes être codifiées.
Aussi, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, avions-nous adopté un amendement visant à remplacer ce mécanisme par un système de responsabilité individuelle. Vous aviez alors, madame le ministre, émis un avis défavorable sur les propositions de la majorité du Sénat, tout en précisant que vous aviez entamé les consultations avec les professionnels de santé, pour - je vous cite - « modifier, améliorer, parfaire le système ».
Aujourd'hui, nous constatons que même la CNAMTS, la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, n'a pas voté l'objectif de dépenses déléguées fixé par vous, madame le ministre, à 150 milliards de francs, le président de cette caisse allant même jusqu'à préciser que « la régulation fondée uniquement sur un système de lettres-clés flottantes ne peut pas être un outil de restructuration du système de soins ». A ses yeux, « ce système a aussi comme conséquence qu'il casse toute dynamique contractuelle avec les professionnels de santé ».
Encore une fois, nous devons constater que la logique du Gouvernement est une logique de contrainte, à rebours d'une incitation à un dialogue toujours plus approfondi visant à privilégier le contrat comme système de travail et de négociation.
Ma question est simple, madame le ministre : où en est le Gouvernement, s'agissant du renoncement aux sanctions collectives et du retour à une politique contractuelle à laquelle les Français sont attachés ?
Enfin, j'évoquerai un autre silence de ce projet de loi qui concerne l'hospitalisation privée.
Les trois premiers articles du texte ont trait au protocole de mars 2000 relatif à l'hôpital public. En clair, Mme Aubry, pour répondre aux mouvements sociaux de l'an dernier, avait décidé d'octroyer 17 milliards de francs supplémentaires à celui-ci. Ces moyens nouveaux ont notamment permis d'augmenter les salaires des personnels infirmiers des hôpitaux, et je m'en réjouis. En effet, présidant le conseil d'administration de l'hôpital de Brive, je me félicite de ce que le Gouvernement consente enfin à donner des moyens supplémentaires à l'hôpital public.
Toutefois, j'estime que l'attitude du Gouvernement vis-à-vis des cliniques privées remet complètement en cause le système hospitalier français, lequel est à la fois public et privé. Je rappelle à cet égard que le secteur privé assure plus de 60 % des actes de chirurgie : c'est la spécificité française, et les Français veulent pouvoir choisir librement entre le public et le privé. Déjà étranglées par des tarifs qui n'ont pas bougé ou qui ont même parfois diminué du fait d'exigences de sécurité sanitaire sans cesse plus coûteuses, les cliniques n'arrivent pas à recruter des infirmières, alors qu'elles sont obligées d'accroître leur masse salariale pour appliquer les 35 heures. Aussi souhaiterais-je, madame le ministre, que le Gouvernement mette à la disposition de l'hospitalisation privée les moyens nécessaires à son bon fonctionnement. Les grèves des sages-femmes et des infirmières sur l'ensemble du territoire ont d'ailleurs mis en exergue les attentes des professionnels de santé en matière de statut et d'effectifs.
Permettez-moi, madame le ministre, puisque j'ai l'honneur et le plaisir de parler devant vous, de profiter de cette occasion pour attirer votre attention sur la nécessité de créer deux postes de sage-femme supplémentaires à l'hôpital de Brive-la-Gaillarde. (Exclamations amusées sur les travées du RPR.) En effet, les décrets de 1998 relatifs à la périnatalité imposent aux sages-femmes un surcroît de contraintes, qu'elles ne peuvent assumer à effectif constant sans risque d'engagement de leur responsabilité. L'agence régionale de l'hospitalisation a annoncé la création de postes de sage-femme dans le Limousin, mais aucun ne sera ouvert à la maternité du centre hospitalier de Brive. Je suis persuadé que vous pourrez donner une réponse positive à cette demande.
Pour conclure, j'indiquerai que ce projet de loi, à la portée certes étendue, ne doit pas faire oublier les trop nombreux dossiers qui restent toujours en suspens, comme celui de la réforme des retraites. Cependant, je considère que ce texte comporte de nombreux aspects positifs.
Si le Gouvernement auquel vous appartenez souhaite véritablement assurer une modernisation sociale, prenez en compte les propositions du groupe du RPR. Il serait heureux qu'elles ne soient pas rejetées d'un simple revers de la main par la majorité de l'Assemblée nationale, car elles viennent de gaullistes, qui ont à la fois une vision libérale de l'économie et une très forte conscience sociale. (Applaudissement sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Madame le ministre, lors de la présentation de votre budget, le 4 décembre dernier, je vous avais entretenue de la Caisse des Français de l'étranger, la CFE, en vous rappelant qu'elle est issue d'un certain nombre de textes votés par le Parlement, dans la quasi-totalité des cas à l'unanimité, et qu'elle est l'expression d'une volonté exemplaire de la majorité et de l'opposition d'offrir à nos compatriotes expatriés un système de couverture sociale proche de celui que nous avons en métropole.
L'article 8 du projet de loi de modernisation sociale que vous nous présentez va tout à fait dans ce sens. Les dispositions sur lesquelles nous allons revenir émanent, pour une grande partie, du conseil d'administration de la CFE, et la concertaion préalable, entre vos services et la direction de la caisse et moi-même, a été tout à fait satisfaisante.
Je tiens à remercier le rapporteur de la commission des affaires sociales, M. Bernard Seillier, qui a accepté de retenir, au nom de ladite commission, après examen et concertation, un certain nombre d'amendements que j'avais préparés avec les services de la CFE. Cela montre, une fois de plus, l'intérêt que la commission des affaires sociales porte à la couverture sociale de nos compatriotes expatriés.
J'en viens au projet de loi de modernisation sociale et à son article 8, qui apporte un certain nombre de modifications pour nos compatriotes établis hors de France.
D'abord, on relève un ensemble de dispositions destinées à rationaliser diverses prestations, à clarifier ou à améliorer la réglementation afin qu'elle soit davantage en harmonie avec la réalité des situations rencontrées à l'étranger.
Ensuite, on remarque un dispositif d'aide à l'accès à l'assurance maladie, géré par la CFE, qui permettra l'adhésion de certains de nos compatriotes de l'étranger dont les moyens financiers sont limités.
Enfin, une incitation sera donnée aux jeunes Français qui s'expatrient pour adhérer au système de la CFE.
Premièrement, ce texte permettra dorénavant de traiter de façon égalitaire les ex-invalides qui arrivent à l'âge de la retraite, quels que soient leurs droits antérieurs à pension. Ainsi, à soixante ans, l'assuré percevra soit une pension proportionnelle à la durée de cotisation à l'assurance vieillesse, soit une pension proportionnelle à sa durée d'affiliation à la CFE s'il n'a jamais ou s'il n'a pas assez cotisé à l'assurance vieillesse.
Pour les non-salariés, on prendra en compte une assiette de cotisations plus conforme à la réalité de leurs revenus, en la fixant sur la totalité de leurs ressources.
Pour les inactifs, une assiette de cotisations mieux adaptée, plus conforme aux revenus réels du foyer, tout en tenant compte de la composition de la cellule familiale, pourra également être fixée.
Pour l'ensemble des adhérents, les dispositions relatives aux conditions d'adhésion et d'ouverture des droits aux prestations pourront être reprises de manière à les unifier, et une notion d'âge de l'adhérent au moment de l'adhésion pourra être intégrée afin de favoriser une inscription plus rapide auprès de la CFE.
Les différentes catégories d'ayants droit couverts au titre d'un assuré pourront aussi être redéfinies et déterminées, permettant ainsi d'adapter le texte aux situations rencontrées à l'étranger.
Pour l'ensemble des adhérents pourront être confirmées les dispositions relatives au niveau du remboursement des soins dispensés à l'étranger et le principe d'un paiement de cotisations préalable au remboursement des frais engagés.
Le texte permettra, enfin, de fixer les conséquences pour l'adhérent d'une fausse déclaration de rémunération ou de ressources en assujettissant notamment l'intéressé à une pénalité et en introduisant une possibilité de radiation à défaut de versement de la dite pénalité.
Deuxièmement, et c'est certainement l'un des points les plus importants pour la CFE, l'article 8 fixe les conditions dans lesquelles certains Français résidant hors de l'Espace économique européen pourront bénéficier d'une aide à l'adhésion auprès de la CFE, par le biais d'une prise en charge partielle de leurs cotisations lorsque leurs revenus sont insuffisants.
Pour ce faire, il a été défini comment et par qui cette aide pourrait être mise en oeuvre. Il a été nécessaire d'identifier et de limiter les conséquences des différents risques financiers auxquels peut être exposée la CFE.
L'ensemble de ce texte est conforme à ce qu'a toujours préconisé et mis en oeuvre le conseil d'administration de la CFE : permettre l'accès à l'assurance maladie d'un plus grand nombre tout en respectant l'obligation d'équilibre des comptes.
J'en viens maintenant aux amendements proposés par la commission des affaires sociales et son rapporteur, avec qui j'ai eu l'honneur de collaborer.
Ces amendements sont dictés par le souci de rigueur et de responsabilité de la CFE envers ses adhérents, l'obligation lui étant faite de leur garantir que tout est mis en oeuvre afin que les prises en charge des bénéficiaires et des soins soient effectuées à bon droit.
Ces propositions d'amendement permettront donc de clarifier les conditions dans lesquelles un ascendant peut être pris en charge sur le compte de l'assuré en intégrant des critères d'accès simples et vérifiables.
Les remboursements pourront être ajustés en fonction d'un tarif moyen local et non plus sur la base du tarif français lorsqu'il apparaîtra que les factures sont anormalement nombreuses, alors que médicalement rien ne semble le justifier, et manifestement surévaluées par rapports aux coûts locaux.
L'assuré pourra être radié en cas de fraude avérée ou de fausse déclaration visant à obtenir des prestations non dues.
Enfin, en accord avec un expert désigné, il sera possible de définir un traitement adapté à l'état du malade, lorsque la procédure spécifique aux affections de longue durée n'est pas applicable et que l'importance des soins et des dépenses présentées justifie cette expertise.
Troisièmement, un amendement particulièrement important pour la CFE vise à faire bénéficier les jeunes adhérents d'une ristourne sur les cotisations d'assurance maladie-maternité-invalidité ou maladie-maternité. Les étudiants bénéficient déjà d'une cotisation limitée, mais les jeunes, bénéficiaires par ailleurs de la prise en charge partielle de leurs cotisations, n'étaient pas concernés jusqu'à présent par une telle mesure.
Selon nos informations, en effet, beaucoup de jeunes Français diplômés ou non, qualifiés ou non s'expatrient notamment dans les pays anglo-saxons, où ils poursuivent leur vie professionnelle soit sans couverture sociale, soit avec une couverture d'organismes privés étrangers souvent aléatoire. Cette proposition vise donc à favoriser les adhésions des jeunes Français et à permettre leur entrée dans les régimes gérés par la CFE plus tôt dans le temps, en diminuant le coût de leur protection sociale.
Cette disposition se justifie par le faible risque que présentent ces jeunes Français. Elle permettra de les inciter à rester adhérents de la CFE. Ce texte, madame la ministre, est indubitablement une avancée pour la couverture sociale de nos compatriotes.
Je regrette que ceux qui dépendent d'entreprises - notamment des petites et moyennes entreprises disposant de faibles ressources - soient exclus du présent texte, mais je reconnais que les difficultés étaient grandes pour à la fois respecter l'esprit du texte et cerner de façon statistique nos compatriotes concernés.
Ces améliorations sont destinées à permettre à la CFE de poursuivre son action, qui, je le sais, est appréciée par nos compatriotes. Il en résultera une augmentation sensible du nombre de ses adhérents, notamment ceux qui n'avaient pas la possibilité matérielle de le faire.
Je dirai quelques mots sur l'article 8 bis , qui a fait l'objet de multiples interventions de fonctionnaires français détachés principalement au Canada et aux Etats-Unis.
L'article 8 bis du projet de loi de modernisation sociale soulève, en sa rédaction actuelle, certaines questions quant aux modalités concrètes de son application, qui seront définies par un décret en Conseil d'Etat.
Premièrement, à partir de quand et dans quels délais les fonctionnaires concernés devront-ils faire connaître leur souhait de demeurer, ou non, affiliés à leur régime de retraite français ? Un vaste effort d'information des intéressés est-il prévu en ce domaine ?
Deuxièmement, à la liquidation de la pension française, celle-ci sera réduite, à due concurrence, du montant de la pension étrangère. Que se passera-t-il si, à la date de la liquidation de la pension française, le fonctionnaire ne remplit pas encore, par ailleurs, les conditions nécessaires à l'obtention d'une pension auprès du régime de retraite étranger ?
Troisièmement, pour les fonctionnaires actuellement en cours de détachement ou les fonctionnaires retraités demandant le remboursement des cotisations déjà acquittées à leur régime français de retraite, ce remboursement sera-t-il effectué en francs courants ou en francs constants ? Cette dernière solution, qui prend en compte l'inflation, est la seule à leur garantir un remboursement « au franc près ».
Quatrièmement, un dispositif particulier ne devrait-il pas être prévu en faveur des fonctionnaires détachés qui, après avoir choisi de ne pas demeurer affiliés à leur régime français de retraite, et compte tenu d'une modification ultérieure - et imprévisible à la date de leur départ en détachement - de la législation de leur pays d'accueil, se trouvent finalement dépourvus de tout droit à pension au titre de leur période de détachement ?
Ces interrogations portent donc principalement sur la disparité qui va être créée entre ceux qui ont pris leur retraite, ceux qui vont prendre leur retraite avant les décrets d'application et les nouveaux détachés qui vont se trouver dans une situation tout à fait différente, disparité qui ne manquera pas de susciter des controverses et des recours. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, lors du débat à l'Assemblée nationale, le texte qui nous est présenté a été qualifié par dérision de fourre-tout, de millefeuille ou encore de garde-manger par des députés de l'opposition.
Les rapporteurs de notre commission des affaires sociales n'ont pas employé ces termes. M. Alain Gournac a simplement considéré que l'intitulé du projet de loi est trompeur parce qu'il ne correspond pas à ses orientations politiques. Cela ne nous surprend pas et prouve que le projet de loi va dans le bon sens !
(Sourires.)
M. Gérard Larcher. C'est ce que l'on appelle un syllogisme !
M. Louis Moinard. C'est une interprétation !
M. Gilbert Chabroux. Le texte que nous avons à examiner est, sans aucun doute, complexe et disparate : il comprend, tel qu'il nous vient de l'Assemblée nationale, 106 articles d'inspiration très diverses, mais aucun n'est insignifiant ; nombre d'entre eux revêtent même une très grande importance.
Les débats à l'Assemblée nationale, ont été très longs. Ils ont permis d'approfondir et d'enrichir un texte dont l'objectif n'échappe à personne : actualiser des lois existantes pour leur donner vitalité et efficacité, et mieux répondre à de nouvelles situations ou à de nouveaux besoins.
L'actualité est, d'ailleurs, bien présente pour nous faire comprendre qu'il y a urgence à revoir certains textes législatifs et à les moderniser, particulièrement dans les domaines de la santé et du droit à l'emploi.
Cet objectif de modernisation sociale doit aller de pair avec les réformes qui ont été entreprises par le Gouvernement et qui, depuis 1997, ont été particulièrement nombreuses et importantes. Il suffit de citer la loi sur les emplois-jeunes, la loi portant création d'une couverture maladie universelle et les lois sur les 35 heures.
D'autres réformes vont être mises en oeuvre, dont nous débattrons prochainement, qu'il s'agisse de l'allocation personnalisée d'autonomie, du projet de loi sur les droits des malades ou de la révision des lois sur la bioéthique.
Toutes ces lois, tous ces projets de loi montrent bien que la modernisation sociale est au coeur de l'action du Gouvernement.
Les résultats obtenus sont là pour témoigner de la pertinence et de l'efficacité des choix qui ont été faits. Il faut rappeler ces résultats. C'est ainsi que le chômage a reculé au-dessous de 9 %, que 1 045 000 personnes ont retrouvé un emploi depuis juin 1997, que 1 500 000 emplois ont été créés, que la croissance s'est maintenue à un niveau élevé et que la consommation des ménages s'est encore accrue.
Toutefois, il est vrai qu'il y a encore des progrès à accomplir et que la croissance pourrait être mieux partagée ; elle ne pénètre pas assez dans les quartiers difficiles et il reste un peu plus de deux millions de chômeurs.
Il faut aussi reconnaître que les plans sociaux, qui se succèdent, créent un profond malaise, d'autant qu'ils sont souvent marqués par beaucoup de brutalité et de mépris, je pense à celui de Marks & Spencer.
Ce débat doit donc nous permettre de rappeler que la priorité est l'emploi et la justice sociale et que nous devons aider le Gouvernement à tenir ce cap, en élaborant des moyens législatifs mieux adaptés pour faire en sorte que les entreprises assument aussi leurs responsabilités sociale et citoyenne.
Mme Dieulangard est intervenue pour le groupe socialiste d'une façon toute particulière sur ces problèmes et plus généralement sur les articles du titre II relatif au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle.
Même si l'actualité donne à cette partie du texte une importance particulière, nous ne devons pas négliger pour autant le titre Ier, qui contient aussi des dispositions très intéressantes sur lesquelles nous serons amenés à intervenir lors de la discussion des articles.
Ce titre Ier comporte des avancées significatives dans le domaine de la santé, de la solidarité et de l'action sociale.
Il faut tout d'abord se réjouir des dispositions concernant les hôpitaux. Elles permettent de valider les protocoles d'accord qui ont été signés après de longues et difficiles négociations entre le Gouvernement et les organisations représentatives des personnels hospitaliers, ainsi qu'avec les représentants des praticiens hospitaliers. Ces deux protocoles d'accord marquent une nouvelle étape dans « la consolidation et la modernisation du service public hospitalier ».
Il faut ainsi souligner ce que représente, comme avancée, le volet social du projet d'établissement, avec une réflexion sur l'évolution des personnels, les conditions de travail, la formation, l'évolution des qualifications, les bilans de compétences, une concertation interne.
Ce sont autant de conditions qu'il fallait satisfaire pour atteindre les objectifs qui ont été fixés en matière de politique hospitalière, à savoir mieux répondre aux besoins de la population, améliorer la qualité et la sécurité, réduire les inégalités.
Mais il faudra aussi que les moyens financiers soient à la mesure de ces objectifs. Autrement dit, pour reprendre les propos qui ont été tenus récemment par M. le ministre délégué à la santé, « il faut avoir l'argent de la politique de la santé et non faire la politique de l'argent de la santé ».
Il faut aussi se réjouir qu'avec la revalorisation du statut des praticiens hospitaliers, et donc une plus grande attractivité des carrières hospitalières, des solutions aient pu être trouvées pour les praticiens adjoints contractuels et les médecins à diplôme étranger, d'une façon générale, les médecins à statut précaire, qui bénéficieront d'une intégration renforcée.
M. Bernard Cazeau interviendra sur la réforme des études médicales. Il est important que la médecine générale soit reconnue au même titre que l'ensemble des spécialités et que les praticiens puissent s'inscrire dans des démarches de qualité.
Il reste sans doute quelques problèmes particuliers à résoudre, comme ceux qui sont relatifs aux modalités d'intégration des chirurgiens-dentistes hospitaliers à diplôme étranger. Il faudrait pouvoir régler des problèmes de dates et de délais pour faire preuve d'équité à leur égard.
Il faut aussi s'interroger sur la situation des médecins titulaires du « diplôme d'Etat français de docteur en médecine » avec une qualification première en « médecine générale » nouveau régime, qui ont suivi, par la suite, une spécialisation dans une filière médicale ou chirurgicale et obtenu un diplôme inter-universitaire de spécialisation en France ou un diplôme équivalent dans un pays extérieur à la Communauté européenne. Etrangers à l'origine, devenus français par la suite, ces praticiens se voient refuser le titre de spécialiste et la possibilité d'exercer leur spécialité en milieu libéral ou hospitalier.
Nous devons également évoquer la situation des sages-femmes, qui, après plus d'un mois de grève, sont dans l'impasse. Il y a là un malaise qui s'aggrave. Il faut trouver les mesures à prendre, pas seulement en termes de salaire, mais aussi en termes de statut pour que la place de cette profession soit mieux reconnue. Il s'agit d'une profession médicale à part entière. Nous savons que le ministre de la santé ne ménage pas ses efforts pour établir une concertation, mais nous souhaiterions que ces efforts puissent aboutir.
Toujours dans le domaine de la santé, des questions se posent sur les conditions dans lesquelles pourrait être organisé l'examen médical auquel seraient soumis les jeunes Français et les jeunes Françaises lors de la journée d'appel de préparation à la défense et sur les enseignements que l'on pourrait en tirer. Ce n'est pas un problème de principe - un large accord existe sans doute sur l'intérêt d'un tel examen - mais plutôt sur un problème de moyens à mettre en oeuvre pour pouvoir apprécier, dans de bonnes conditions, l'état de santé de la population jeune et, surtout, assurer un suivi.
Des questions se posent également au sujet d'un autre examen dans un autre domaine, celui de la médecine scolaire. Il s'agit du dépistage, à leur entrée au cours préparatoire, des enfants atteints de dyslexie ou de dysorthographie. Les médecins et les personnels du service de santé scolaire sont-ils en nombre suffisant pour effectuer ce dépistage et surtout pour assurer un suivi, voire une rééducation, si besoin est ?
Toujours dans le domaine de la santé et de la prévention, il faut souligner l'importance de l'article 64, qui vise à renforcer la protection de la santé des salariés exposés à des substances dangereuses. Le pouvoir donné à l'inspecteur du travail de lancer une procédure d'arrêt de chantier en cas de danger grave et imminent serait étendu aux situations dangereuses « résultant d'une exposition à une substance chimique cancérigène, mutagène ou toxique pour la reproduction, à un niveau supérieur à une valeur limite de concentration ».
On mesure toute l'importance de cet article quand on sait que l'on estime à un million le nombre de salariés exposés à de telles substances. Quand on évoque ces risques, on pense tout particulièrement à certains éthers de glycol dont les effets néfastes commencent à être bien connus, suffisamment en tout cas pour que des mesures d'interdiction ou de substitution par des produits moins nocifs soient prises sans attendre.
D'autres dispositions méritent également toute notre attention ; je pense plus particulièrement à celles qui sont relatives à l'accueil familial des personnes âgées et des handicapés.
Ainsi, il n'y aura plus de distinction entre l'accueil des personnes âgées et celui des handicapés. C'est une avancée appréciable.
L'accueil familial représente une excellente solution entre le maintien à domicile et le placement en établissement. Il faudrait cependant faire évoluer le statut des accueillants familiaux vers le salariat et prévoir pour eux une formation. Les aides-ménagères bénéficient le plus souvent d'une formation. Cette formation est à plus forte raison nécessaire pour les familles d'accueil qui hébergent des personnes dépendantes.
Comme l'a suggéré Bernard Seillier, rapporteur, des institutions sociales et médico-sociales ou des associations pourraient prendre toute leur place dans le développement d'un tel dispositif.
Une question se pose au sujet des bénéficiaires de l'aide sociale, dans l'hypothèse d'un retour à meilleure fortune ou par rapport à leur succession.
Actuellement, l'Etat ou les départements peuvent exercer un recours en application de l'article 132-8 du code de l'action sociale et des familles.
Pour les personnes handicapées, la récupération concerne essentiellement l'allocation compensatrice pour tierce personne et la prise en charge des frais d'hébergement et d'entretien dans des foyers.
Nous allons prochainement examiner le projet de loi relatif à l'allocation personnalisée d'autonomie. Il faut qu'il y ait cohérence entre les textes et les différents dispositifs, qu'il s'agisse des personnes âgées dépendantes ou des handicapés.
Il faut respecter la dignité des personnes et supprimer ou limiter le plus possible l'aspect d'aide sociale que pourraient comporter ces dispositifs. Il faut donc insister sur la prise en charge collective de ce risque commun qu'est la dépendance, au même titre que la maladie ou l'accident.
D'autres questions se posent au sujet des handicapés qui ne pourront pas être traitées sans une réforme globale de la loi d'orientation du 30 juin 1975.
Cette réforme devrait s'opérer sur la base du droit à compensation, la compensation concernant tous les domaines de la vie et profitant à tous, quels que soient l'origine du handicap et sa nature, l'âge de la personne, son lieu de vie et l'implantation de celui-ci.
Bien d'autres dispositions que celles qui sont relatives à la santé ou aux handicapés mériteraient d'être soulignées.
Au titre Ier, il faut citer avec une mention particulière l'article 11 visant à abroger, enfin, la loi Thomas, qui avait pour objet d'instaurer des fonds de pension à l'anglo-saxonne. Elle favorisait clairement les salariés aux revenus les plus élevés, permettant à certains, dans une entreprise, de bénéficier d'avantages fiscaux et sociaux alors que d'autres n'y avaient pas droit. Elle privilégiait une approche individuelle et fragilisait les comptes de la sécurité sociale.
Le Gouvernement manifeste son attachement au système de retraite par répartition ; il faut tout faire pour préserver ce système et le moderniser. Le Gouvernement tient l'engagement qu'il avait pris. Il faut simplement regretter qu'il ait fallu autant de temps pour abroger cette loi votée en 1996, une loi qui n'avait fait l'objet d'aucun décret d'application.
D'une façon générale, le texte qui nous est présenté correspond à une vraie nécessité, qu'il s'agisse de la santé, de la solidarité ou du droit à l'emploi et des garanties permettant de renforcer la protection des salariés contre le risque de licenciement et l'abus du travail précaire, qu'il s'agisse aussi de la réforme de la formation professionnelle à travers les acquis de l'expérience.
Ainsi que vous l'avez dit, madame la ministre, il y a, au bout du compte, dans ce projet de loi de modernisation sociale qui paraît disparate, une cohérence d'inspiration réformatrice qui en constitue le coeur.
A ce titre, il fera date, comme d'autres lois présentées par le Gouvernement de Lionel Jospin.
Les sénateurs socialistes vous apporteront, madame la ministre, leur soutien le plus chaleureux pour faire aboutir ce projet et l'améliorer encore au cours des débats qui vont intervenir. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'ai compris que, pour être politiquement correct, il ne fallait pas parler d'un texte « fourre-tout ». (Sourires.) Vous voyez que je vous écoute, madame la ministre !
Je me contenterai donc de dire que le titre qui lui est attribué de « modernisation sociale » me semble tout de même un peu pompeux.
Je ne pense pas faire injure à M. Gilbert Chabroux, qui vient de parler d'un texte « complexe et disparate », en traitant le projet de loi de texte portant diverses mesures d'ordre social ou DMOS.
Déjà, la deuxième partie du projet de loi relatif à la couverture maladie universelle ressemblait tant à un DMOS que nous avions été contraints de désigner deux rapporteurs ; là, nous sommes passés à quatre ! Et on nous annonce pour le mois de juin un nouveau DMOS particulièrement fourni !
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. C'est une habitude !
M. Charles Descours. Traditionnellement, madame la ministre, mes chers collègues, vous le savez, le Parlement proteste quand on lui soumet un DMOS. Il serait donc anormal que je ne proteste pas contre ce que je considère comme un DMOS !
Au demeurant, et pour être un peu plus sérieux, j'insisterai sur deux points du texte qui, me semble-t-il, auraient dû faire l'objet de textes de loi autonomes. Je veux parler des handicapés et de la réforme des études médicales. En tout cas, je n'évoquerai pas le défoulement idéologique de certains groupes de la majorité plurielle à propos de l'abrogation de la loi Thomas !
J'en viens donc au problème des handicapés, auquel nous sommes évidemment tous sensibles. (M. le ministre délégué à la santé rejoint le banc du Gouvernement.)
Je suis bien aise de saluer M. le ministre délégué à la santé, puisque je vais parler des études médicales.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je ne voulais pas manquer votre discours !
M. Charles Descours. Merci de venir à cette heure tardive, monsieur le ministre. (Sourires.)
M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé. Je savais que vous alliez parler, monsieur le sénateur. (Nouveaux sourires.)
M. Charles Descours. Je suis très honoré !
Considérant que les personnes handicapées relevaient d'une catégorie spécifique de population ayant des besoins particuliers qui appelaient des réponses particulières, c'est tout naturellement que, en 1975, le Gouvernement de l'époque - le coeur n'est pas exclusivement à gauche ! - conforté par la majorité du mouvement associatif des parents de handicapés et des professionnels, a élaboré une loi-cadre particulière proclamant l'intégration des personnes handicapées, loi que le législateur a ensuite complétée par une seconde loi organisant l'accueil de ces personnes dans des maisons spécialisées.
Depuis, la société a changé : les nouveaux besoins de cette population, évaluée à trois millions de personnes, exigent de nouvelles réponses.
Ainsi, notre cadre de vie ordinaire se révèle peu adapté à leurs difficultés, difficultés que la vie moderne urbaine accentue. Moi qui ai eu l'honneur de faire réaliser le premier tramway au monde accessible aux handicapés, et ce sous la pression des associations de handicapés, je sais bien quelle est leur souffrance dans les villes modernes !
Si la seconde loi concernant les institutions a été révisée, pour le moment, les personnes handicapées sont toujours dans l'attente d'une révision de la loi-cadre de 1975, révision promise par l'actuel gouvernement.
Devant l'immense et légitime attente de cette population, les quelques dispositions inscrites dans ce projet de loi apparaissent bien dérisoires et soulèvent, en outre, des difficultés juridiques et pratiques que notre rapporteur a tout à l'heure justement soulignées.
Si l'accueil familial est une formule souple qu'il convient de développer, encore faut-il être très vigilant sur le choix de la nature du contrat liant la famille et la personne accueillie.
De même, si l'assouplissement des règles d'accès aux parcs de stationnement aménagés part d'une intention généreuse, encore faut-il ne pas obtenir l'inverse de l'effet désiré, à savoir l'exclusion des personnes les plus lourdement handicapées.
En revanche, nous ne pouvons qu'approuver la réaffirmation des droits fondamentaux des handicapés, l'institution de conseils départementaux consultatifs des personnes handicapées et les dispositions sur l'accès à l'emploi, heureusement toilettées par l'Assemblée nationale.
Mais cela est loin de constituer une réforme globale et de répondre aux attentes concernant la garantie des ressources des travailleurs handicapés, l'obligation d'emploi dans les entreprises, les difficultés rencontrées par les indispensables ateliers protégés, l'intégration scolaire des jeunes handicapés, l'accès à la vie autonome à domicile et la réforme toujours différée des COTOREP.
M. le ministre délégué à la santé, qui occupe ce poste pour la troisième fois, sait combien est récurrente la question des COTOREP. Celles-ci fonctionnent très mal et tout le monde en est mécontent. Mais le problème n'est pas nouveau ! Cela fait dix ou douze ans que l'on entend parler de la réforme des COTOREP. Pourtant, mais rien ne vient !
M. Lionel Jospin lui-même, devant le conseil national consultatif des personnes handicapées, le 25 janvier 2000, avait annoncé un plan triennal. Cette intention mérite d'être saluée, mais sa mise en oeuvre a pris beaucoup de retard sur de nombreux points.
D'ailleurs, les deux principales associations françaises concernées, l'AFM et l'APF, dénoncent les retards accumulés dans la mise en oeuvre de ce plan en faveur de l'intégration des personnes handicapées. Elles observent que l'accompagnement du dispositif par l'Etat fait cruellement défaut. En effet, les concours financiers promis n'ont pas été engagés, tandis que des textes réglementaires se font toujours attendre.
Pourtant, des réformes sont urgentes et indispensables, telle celle du système d'appui à l'insertion professionnelle des handicapés, notamment dans le secteur public. En effet, l'AGEFIPH, l'association pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés, constate que l'amélioration de la situation de l'emploi profite dans une moindre mesure aux travailleurs handicapés.
Paradoxalement, le secteur privé est, dans ce domaine, meilleur élève que le secteur public, où l'intégration des personnes handicapées est pratiquement au point mort. Cela étant, il faut aussi reconnaître que, malheureusement, plus du tiers des entreprises du secteur privé préfèrent acquitter une taxe plutôt que d'employer un travailleur handicapé.
Selon l'AGEFIPH, ce sont 150 000 postes de la fonction publique qui devraient être attribués à des personnes handicapées. Il est vrai que cette opération nécessiterait 600 millions de francs.
Il semble bien que, plus d'un an après l'annonce par Lionel Jospin de ce plan prétendument exceptionnel en faveur de l'intégration des personnes handicapées, l'Etat n'ait pas tenu sa parole. C'est pourquoi il aurait été vraiment préférable qu'un texte spécifique - et M. Gilbert Chabroux s'est exprimé dans le même sens - réformant la loi de 1975 nous soit soumis.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Charles Descours. J'en viens au deuxième point de mon intervention : le problème des études médicales, sur lequel j'aurais également souhaité qu'un projet de loi spécifique nous soit présenté.
Il est ici proposé de supprimer l'internat. Ayant été, en 1968 et 1969, président de l'intersyndicale nationale des internes, puis vice-président du syndicat des chefs de clinique, je suis bien placé pour savoir que cette suppression est un vieux serpent de mer. Je sais aussi que notre internat n'est pas reconnu par nos partenaires européens. Mais il s'agit tout de même d'un concours qui existe depuis 1802, année prestigieuse ! C'est surtout un concours hospitalier que l'on veut remplacer par un examen universitaire validant. Mais je ne veux pas jouer les anciens combattants! (Sourires.)
Je comprends très bien que l'on souhaite une revalorisation de la médecine générale. Toutefois, je ne crois pas qu'un examen médical classant réglera la question. Dans une profession qui se féminise, dans une profession où les contraintes sont plutôt moins fortes qu'autrefois, ce sont sans doute les derniers reçus à l'examen classant qui choisiront la médecine générale.
M. Gérard Larcher. C'est le risque !
M. Charles Descours. Bref, je crains que ce ne soit une forme de sélection qui tende à se rapprocher d'une sélection par l'échec.
Quoi qu'il en soit, je voterai cette réforme tout en considérant que ce n'est pas avec des consultations à 115 francs qu'on attirera les étudiants vers la médecine générale.
En tout cas, l'ensemble de la formation médicale méritait un vrai débat, et d'abord en ce qui concerne le deuxième cycle.
Quelle formation les étudiants en médecine reçoivent-ils aujourd'hui sur le coût de la santé, dont on ne cesse de dire qu'on n'arrive pas à la maîtriser ? Quid de la sensibilisation aux dangers des rayonnements ionisants ? Quid de la formation clinique ?
Monsieur le ministre, vous nous expliquez vous-même que l'on consomme trop d'antibiotiques et trop de tranquillisants. A l'heure où l'on voit des médecins généralistes prescrire des antibiotiques à des enfants sans avoir fait prendre leur températuer, on perçoit combien il est aujourd'hui difficile de revenir sur un certain nombre d'habitudes. On fait trop confiance aux examens spécialisés, aux examens de laboratoire, à l'imagerie médicale sophistiquée, au lieu de procéder à un examen clinique, tout simplement parce que l'examen clinique n'est plus suffisamment enseigné.
Voilà pourquoi une réflexion sur le deuxième cycle aurait été utile.
Et il en va de même pour le premier cycle.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. On va la faire !
M. Charles Descours. Monsieur le ministre, lors de la dernière séance des questions d'actualité, vous nous avez expliqué que les sages-femmes allaient pouvoir suivre le premier cycle d'études médicales. J'ai reçu les sages-femmes grenobloises cette semaine, elles m'ont montré la lettre qu'elles avaient reçue de vous, et je peux vous dire qu'elle ne les a pas totalement calmées.
A Grenoble, les futures sages-femmes suivent le premier cycle depuis 1991. Mais cela pourrait concerner aussi d'autres professions. En son temps, Claude Allègre avait envisagé la création d'un DEUG des professions paramédicales. Nous aurions pu avoir aussi un vrai débat sur la manière dont doivent être formés les infirmières, les kinésithérapeutes. Faut-il vraiment que le choix de ces professions résulte de l'échec à l'issue du premier cycle ? Un débat spécifique aurait mieux valu que cet article pris au milieu d'une centaine d'autres, au détour de ce qui n'est, en fait, qu'un DMOS.
J'ai cru comprendre que, depuis cet après-midi, ce texte n'était plus frappé de l'urgence, mais ce ne semble pas être tant à cause de la question des études médicales que du fait des amendements dont, madame la ministre, vous voulez l'« enrichir ». On « enrichit » toujours les projets quand on les alourdit !
En tout cas, sur ces deux problèmes des handicapés et des études médicales, j'aurais été heureux que l'on nous soumette plusieurs projets de loi isolés qui nous auraient permis de discuter plus longuement de problèmes qui intéressent des millions de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Mes chers collègues, notre Haute Assemblée examine donc aujourd'hui le projet de loi sur la modernisation sociale.
Plus de quarante ans de vie politique m'ont appris à ne pas m'enfermer dans une démarche de critique systématique. C'est pourquoi, madame le ministre, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, je ne ferai pas l'examen exhaustif de toutes les dispositions qui me laissent perplexe. Laissez-moi simplement réagir devant les aspects hétérogènes de ce projet de loi et dire que son absence de profondeur l'empêche, d'emblée, de moderniser véritablement le champ social.
Ce texte aborde de nombreux thèmes qui s'articulent essentiellement autour de la santé, de la protection sociale et de la solidarité. Pour ma part, je souhaiterais insister sur les thèmes de la solidarité à l'égard des personnes handicapées.
Les handicapés constituent une réalité sociale incontournable. En effet, la France compte 3,5 millions de personnes atteintes d'un handicap moteur, mental ou sensoriel ; parmi elles, on en dénombre environ 700 000 qui sont hébergées dans des institutions spécialisées. Si je soustrais 700 000 de 3,5 millions, j'obtiens 2,8 millions de handicapés qui sont donc soit dans leur famille, soit dans des familles d'accueil.
Celui qui n'est pas lui-même concerné ne sait rien de ce que cela représente. Que de patience, d'amour aussi, et surtout de force physique pour leurs parents, leurs proches ! Un petit signe d'amélioration, et c'est une joie immense ! Un grand signe de nouvelle difficulté, et ce sont encore plus de souffrances !
Notons que le milieu ouvrier déclare une déficience 1,6 fois plus fréquente que celui des cadres, ce qui rend l'exercice de la solidarité doublement nécessaire : à titre humain et à titre social.
Ces chiffres ont fait l'objet d'une réflexion approfondie lors du colloque organisé le 28 mars dernier par le groupe centriste, auquel j'ai l'honneur d'appartenir, et consacré à « l'intégration du handicap ». Ils nourrissent les craintes mais aussi les attentes de nos partenaires sociaux. Les associations, notamment l'Association des paralysés de France, le GAP ou l'UNAPEL, espèrent - que dis-je -, exigent que le Sénat rétablisse certaines dispositions.
Rappelons que la majorité plurielle, talonnée par la procédure d'urgence, à laquelle on a heureusement renoncé à la dernière minute - merci, madame le ministre ! - a rapidement examiné certaines mesures contraires à l'intérêt des handicapés.
Le problème majeur du handicapé est de percevoir un sentiment de pitié passive de la part des autres. C'est pourquoi, à titre personnel et au nom du groupe centriste, je souhaite intégrer les handicapés dans notre société, à tous les échelons, et d'abord au quotidien.
A ce sujet, l'article 28 ter relatif au stationnement payant reprend notre souci d'accroître l'autonomie et les déplacements motorisés des personnes handicapées.
Soyons attentifs aussi aux entrées des bâtiments publics et privés, qui ne sont pas toujours bien agencées, ainsi qu'aux bordures de trottoir que le fauteuil roulant ne peut pas gravir.
Par ailleurs, il nous faut réaffirmer le droit des handicapés à la compensation, afin qu'ils bénéficient d'une vraie qualité de vie à leur propre domicile. Ce point a été abordé à l'Assemblée nationale par mes collègues M. Goulard et Mme Bachelot-Narquin.
S'agissant de leur intégration dans les entreprises, je rappelle l'importance de l'article 39, relatif à l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés. Alain Gournac a formulé à ce sujet des remarques fort intéressantes.
J'éspère également que les chefs d'entreprise pourront continuer à les accueillir en stage en respectant le quota de 6 %. C'est certainement très difficile, et je ne porte aucun jugement !
La loi leur en donnant la possibilité, certains chefs d'entreprise choisissent de s'acquitter de leur contribution légale et financière auprès de l'AGEFIPH, car ils ne peuvent assumer la présence physique des handicapés sur le lieu de travail. Il faut avoir le courage d'affirmer que, loin de faciliter leur insertion, cette situation aggrave la discrimination dont ils sont victimes.
Si cette intégration ne peut se faire en milieu ordinaire, il nous revient, à nous élus, de réunir les meilleures conditions d'accueil, et d'abord dans les ateliers protégés. Il faut trouver pour cela une solution aux compléments de rémunération et aux accessoires de salaires. Compte tenu de la gravité de ce problème, je tiens à souligner qu'il fait l'objet de l'un de mes amendements.
Il faut également favoriser leur accueil dans les familles ; ce n'est pas si simple. Je rappelle que l'Assemblée nationale a adopté l'amendement du groupe centriste relatif à la nécessité d'une formation initiale et continue pour les accueillants familiaux - c'est l'objet de l'article 14. Cette démarche est fondamentale, à mes yeux.
Pour conclure, je souhaite réaffirmer mon engagement personnel, ainsi que celui des membres du groupe de l'Union centriste, à l'égard des handicapés. Je rappelle, si besoin est, l'immense respect que nous devons leur porter. C'est pourquoi nous réaffirmons, dans l'article 14 ter , les droits fondamentaux et souhaitons - c'est l'objet de l'article 14 quater - les faire participer, au niveau départemental, au Conseil consultatif national des personnes handicapées. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à ses détracteurs qui lui reprochent de manquer de cohérence, je rétorquerai que le projet de loi de modernisation sociale me paraît plutôt agréger des secteurs parfois distincts, certes, mais cohérents de l'action publique. Cette cohérence, il la résume d'ailleurs sous la notion de « modernisation ».
Le présent projet de loi peut en effet se prévaloir de comporter des dispositions qui vont renforcer la protection sociale d'un certain nombre de nos concitoyens résidant en France ou hors de France, améliorer la vie de certains de nos compatriotes, notamment les personnes âgées et handicapées, réformer, par la mise en place d'un nouveau cursus universitaire, un certain nombre de professions de santé, ouvrir de nouveaux droits en faveur des salariés, valider un certain nombre d'acquis professionnels.
Enfin, et ce n'est pas le moindre des sujets, ce texte donne les moyens de lutter contre toutes les formes de cette dérive psychosociale qu'est le harcèlement moral.
Ces thèmes ont, d'ailleurs, pour bon nombre d'entre eux, fait l'objet de la part des élus, des associations, voire de la société civile, de demandes réitérées ces dernières années. Et il me paraît bienvenu que le Gouvernement nous en saisisse aujourd'hui pour légiférer.
A ce stade de la discussion, je me contenterai d'évoquer deux des actions qui me paraissent de première importance dans ce projet de loi. Il s'agit, d'abord, de réformer le cursus universitaire des médecins. Il s'agit, ensuite, d'instituer une nouvelle relation entre l'entreprise et le monde salarial, qui est particulièrement urgente dans la période de mondialisation que nous vivons.
Concernant la réforme des études médicales, je tiens à saluer la volonté du Gouvernement d'avoir véritablement donné une nouvelle dimension à la pratique de la médecine générale en l'intégrant dans un nouveau cursus de troisième cycle des études de médecine.
En instituant l'obligation d'un internat unique, validé par un examen national classant, on rompt avec un cursus médical à deux vitesses. On se donne, outre les moyens d'une véritable revalorisation de la médecine générale, une réelle possibilité d'apprécier d'emblée des compétences que beaucoup, il faut bien le dire, affinaient autrefois dès les premières années de pratique.
Contrairement à l'un des orateurs précédents, je souscris complètement aux dispositions relatives aux premier et deuxième cycles, sous réserve d'une valorisation rigoureuse du deuxième.
J'en viens aux mesures nouvelles régissant les relations entre le monde de l'entreprise et celui des salariés. Nous constatons, à travers les événements récents, à travers leur médiatisation et leur impact sur le terrain, que les Français sont prêts à s'impliquer dans les conflits sociaux et qu'ils réclament le droit d'être entendus.
L'alliance citoyenne qui s'est spontanément réalisée entre les consommateurs et les salariés sous la forme du boycott des produits de l'entreprise Danone doit nous aider à prendre la mesure de la lassitude de nos compatriotes face à des situations d'injustice, notamment face à cette logique qui considère les travailleurs comme de simples facteurs ajustables dans la course effrénée à la rentabilité financière.
Cette pratique de boycott présentait l'avantage d'exprimer symboliquement un refus, notamment sur les sites destinés à fermer leurs portes. Mais elle comportait aussi en retour le risque de pénaliser les salariés et l'emploi sur d'autres sites jusqu'ici préservés. Déshabiller Pierre pour habiller Paul n'a jamais été une stragégie de progrès !
En portant la volonté du Gouvernement de trouver des solutions législatives, vous démontrez, madame la ministre, que nous ne sommes pas désarmés face à la situation actuelle et qu'il importe aux élus, notamment aux parlementaires, de ne pas en rester à un constat d'impuissance.
Dans cette perspective, nous sommes conduits à nous demander comment mieux protéger les salariés en cas de plans sociaux ou de licenciements sans appliquer une réglementation trop dissuasive pour des entreprises qui, en situation de mobilité des capitaux, peuvent à tout moment effectuer des choix d'implantation défavorables à notre pays.
Il paraît donc, en premier lieu, souhaitable de responsabiliser certains groupes de grande taille quant à leur impact sur la structuration des territoires, Cela a été dit par M. Delfau. La friche industrielle doit être combattue pour préserver nos équilibres territoriaux. Cela suppose de la part des grandes entreprises - puisqu'elles en ont souvent la possibilité - des efforts de réindustrialisation des sites restructurés.
En deuxième lieu, il est indispensable que soit intégrée à l'élaboration des plans sociaux, dans des délais décents, l'intégralité des acteurs de l'entreprise et non pas seulement sa direction et ses actionnaires.
La brutalité avec laquelle l'entreprise Marks & Spencer a annoncé à ses salariés leur licenciement et la détresse dans laquelle cette annonce les a plongés ne peuvent que plaider en faveur d'une meilleure association des représentants des salariés aux processus décisionnels. Plus fondamentalement, ce sont les relations de pouvoir au sein de l'entreprise qui doivent être rénovées.
En troisième lieu, il est possible de préconiser le renchérissement du coût des licenciements, notamment de l'indemnité légale de licenciement.
Il est en effet difficilement acceptable que la collectivité nationale paie l'indemnisation d'individus licenciés pour favoriser des gains privés, parfois non nationaux. L'entreprise doit donc assumer une partie du coût social de son action.
En quatrième et dernier lieu, il est nécessaire de mieux armer les salariés licenciés pour la recherche d'emploi en validant leurs acquis professionnels. Souvent premières victimes des plans sociaux, les salariés les moins qualifiés sont aussi ceux qui bénéficient le moins des formations offertes et qui ont donc le plus de difficultés à se reclasser.
En ce domaine, vous nous proposez, à travers une série d'amendements, de compléter des dispositions déjà prises en première lecture par l'Assemblée nationale, ce dont nous nous réjouissons, car elles allient à un fort volontarisme politique une démarche réfléchie vis-à-vis d'un environnement économique mondialisé.
Il est en effet intolérable que l'emploi demeure, en permanence, la seule variable d'ajustement du système productif.
Espérons que la proposition que vous nous faites nous permettra d'avancer d'un pas dans le sens de la modernisation sociale, qui est l'objet de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jourdain.
M. André Jourdain. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à la lecture d'un texte fourre-tout qui rend impossible tout examen sérieux par un parlementaire de base, il faut rendre hommage aux mérites des différents rapporteurs chargés de nous éclairer sur le projet de loi dit de « modernisation sociale ».
Grâce à la reconnaissance de la validation des acquis de l'expérience professionnelle, je concède que, sur le volet « formation professionnelle », le projet mérite le titre qui lui a été donné. Mais cela n'est plus du tout le cas sur le volet « travail et emploi », que je veux aborder.
En effet, sur ce sujet, je ne vois pas comment on peut parler de modernisation. Ce qui nous est présenté est un catalogue de menaces, de sanctions, de « complexifications », qui traduit une méconnaissance totale de la vie dans les entreprises, sauf peut-être pour les plus grandes d'entre elles - multinationales ou autres - aux pratiques éventuellement douteuses.
Mais je ne reconnais pas, dans les entreprises visées par les articles du chapitre « protection et développement de l'emploi », celles que je côtoie chaque jour sur le terrain, qui créent richesses et emplois et qui seront soumises quasiment aux mêmes contraintes que les autres.
La complication des textes, la négation des partenaires sociaux ou l'accentuation de sanctions pénales vont-elles mieux protéger l'emploi ? J'en doute. Mais ce dont je suis certain, c'est qu'elles ne le développeront pas !
Je partage tout à fait l'analyse d'Alain Gournac, excellent rapporteur - comme, d'ailleurs, ses trois collègues - de la partie du projet de loi que j'évoque ici. Je ne reviendrai donc pas sur ce qu'il a dit.
Je voudrais simplement apporter un éclairage sur des propositions que je m'attendais à trouver dans ce projet de loi et qui auraient vraiment donné un sens au mot « modernisation ». Elles auraient été parfaitement bien placées dans le chapitre consacré à la protection et au développement de l'emploi.
En effet, chacun reconnaît qu'occuper un emploi dans la même entreprise, dans le même lieu, durant toute sa carrière, c'est terminé ! Faut-il le regretter ? Je ne le pense pas. D'ailleurs, la validation des acquis de l'expérience professionnelle que vous proposez montre bien qu'il faut accepter une certaine mobilité.
Chacun constate à la fois la nécessité du travail à temps partiel, mais aussi ses limites, ses difficultés et sa précarité. Chacun commence donc à considérer qu'il faut reconnaître ces nouvelles formes du travail qui apportent de la souplesse dans la vie des salariés, des garanties et de la compétence aux entreprises au moment ou elles en ont besoin.
Une formule qui permet d'apporter ces conditions existe et est reconnue officiellement. Il s'agit du groupement d'employeurs. Mais lui aussi a ses limites, et il n'est pas toujours possible de le mettre en place. D'autres formules sont pratiquées par des salariés qui juxtaposent plusieurs temps partiels dans plusieurs entreprises.
M. Alain Gournac, rapporteur. Très bien !
M. André Jourdain. Mais là, l'absence de garanties pose problème, autant au salarié qu'à l'employeur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Eh oui !
M. André Jourdain. Certes, par des approches timides, dans différents textes, par exemple la « loi Aubry II » pour les congés, la « loi Sapin » pour le travail en secteur public et en secteur privé, la reconnaissance de cette forme de travail à temps partagé en multisalariat se dessine peu à peu.
Toutefois, désigné par le Sénat comme membre du Conseil national de la montagne, j'ai eu l'occasion, le 5 février dernier, à Clermont-Ferrand, de constater que l'on était toujours à la recherche d'une solution pour une catégorie de salariés à plusieurs employeurs : les saisonniers.
Or, la forme de contrat que j'avais élaborée pour les salariés à temps partagé en multisalariat peut s'appliquer aux saisonniers.
Lorsque ma proposition de loi a été adoptée par le Sénat, le 11 mars 1999, Mme Nicole Péry avait déclaré à cette tribune que notre texte, auquel elle s'opposait, était prématuré, car le Gouvernement allait, à l'automne - donc l'automne 1999 - déposer un projet de loi sur ces nouvelles formes de travail, en particulier sur la pluriactivité, à la suite de la remise du rapport de M. Praderie.
Or rien n'a été fait. J'espérais que cela serait fait dans le présent texte. Constatant que ce n'est pas le cas, j'ai donc déposé un amendement qui reprend une partie de ma proposition de loi pour répondre aux questions posées lors de la réunion du Conseil national de la montagne.
Permettre le développement de nouvelles formes de travail, favoriser l'idée du contrat, et non celle de sanction, telles auraient pu être les ambitions d'un véritable projet de modernisation sociale avec - encore un exemple ! - au lieu du maintien dépassé de la forme des emplois-jeunes, l'instauration du contrat de première expérience professionnelle préconisé par notre commission des affaires sociales.
M. Alain Gournac, rapporteur. Eh oui !
M. André Jourdain. Devant un tel manque d'innovation, je ne pourrai, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, voter en l'état le texte qui nous est proposé. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants).
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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