SEANCE DU 6 FEVRIER 2001


M. le président. La parole est à Mme Borvo, auteur de la question n° 978, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le ministre, c'est la quatrième fois depuis le début de mon mandat de parlementaire que j'interpelle le Gouvernement au sujet du désamiantage du campus de Jussieu. Si j'insiste, c'est parce que le chantier de Jussieu, qui est sous la responsabilité directe de l'Etat, mérite une gestion exemplaire ; il permet en effet d'explorer ce qu'il est possible de réaliser pour le parc amianté. C'est aussi parce qu'il s'agit d'un problème de santé publique qu'il faut résoudre rapidement.
Il y a quatre ans, le 4 décembre 1996, un contrat, signé par le ministre de l'éducation nationale de l'époque, prévoyait le désamiantage et la mise en sécurité du campus de Jussieu en trois ans. Or les travaux ne sont terminés que pour une seule « barre », soit 2,5 % de la surface à traiter. Les travaux actuels concernent 7,5 % de celle-ci et il est projeté de mettre en chantier 10 % du campus au cours de l'année prochaine. Restent 80 % du campus pour lesquels rien n'est programmé.
On ne peut qu'être inquiet devant cette situation, qui oblige 50 000 personnes à fréquenter un campus sans signal d'alarme, où la tenue au feu des bâtiments est de dix minutes, alors que la durée réglementaire est de une heure trente, alors que Jussieu subit deux ou trois débuts d'incendie chaque année.
Un budget est prévu pour assurer un minimum de sécurité : alarmes dites « coups de poing » et issues de secours dans les escaliers. Mais même ces mesures a minima ne sont pas encore mises en oeuvre. De plus, le comité d'hygiène et de sécurité de Paris VI a émis un avis négatif au sujet des alarmes en question.
Pis, l'établissement public en charge du chantier, après avoir fixé lui-même un calendrier de travaux de cinq ans à l'automne 1997, n'a jamais respecté ces délais. Le comité anti-amiante, dont tout le monde reconnaît le sérieux et qui a eu le mérite de faire prendre conscience de la gravité du problème posé par l'amiante, affirme que le nombre de victimes de la contamination sur ce site est passé de neuf en 1994 à soixante-dix aujourd'hui. Ces chiffres, fournis par les médecins de prévention universitaires, l'équivalent des médecins du travail, montre que ce dossier doit être abordé par l'Etat avec plus de sérieux que cela n'a été, me semble-t-il, le cas jusqu'à présent.
Je ne peux que comprendre l'exaspération des personnels qui ont saisi le tribunal administratif en vue de faire fermer le campus. Si le tribunal n'a pas accédé à cette demande, il a néanmoins souligné « la nécessité de mesures de mise en sécurité plus sévères », reconnaissant, en quelque sorte, la légitimité de l'action du comité anti-amiante.
Dans cet esprit, je vous demande, monsieur le ministre, quelles mesures compte enfin prendre l'Etat pour accélérer les travaux de manière significative.
A cette fin, le comité anti-amiante demande la réunion d'une table ronde sur la mise en sécurité de Jussieu qui rassemblerait tous les acteurs concernés et aurait pour mission de trouver une solution consensuelle permettant de concilier l'urgence de la mise en sécurité et la continuité du service public. Vu l'urgence de la situation, je ne peux qu'appuyer cette demande de bon sens, et je souhaiterais connaître, monsieur le ministre, votre opinion à ce sujet.
M. le président. La parole et à M. le ministre.
M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué à l'enseignement professionnel. Vous avez tout à fait raison, madame la sénatrice, de vous préoccuper comme vous le faites de cet important dossier. Vous me permettrez toutefois de relativiser quelque peu la gravité de certains des éléments de votre description de la situation.
Il avait certes été prévu, à l'origine, de réaliser le désamiantage en trois ans. La bonne volonté du ministre alors en exercice ne me paraît pas devoir être mise en doute. Simplement, à l'époque, on méconnaissait les difficultés techniques que l'opération soulève ; la technique du désamiantage sur des bâtiments d'une telle importance n'était pas maîtrisée. Nous devons évidemment en tenir compte dans le bilan que nous établissons.
Par ailleurs, le financement de l'opération n'était pas assuré. Or, désormais, et c'est la première information que je puis vous donner, il n'existe plus de limites financières au déroulement des travaux. Cela étant, un autre problème se pose : il faut non seulement désamianter mais aussi faire en sorte que les activités de l'université puissent se poursuivre ailleurs. Il faut donc des mètres carrés disponibles pour les accueillir. Or, là aussi, force est de constater que toutes les dispositions utiles n'ont pu être prises à temps, et cela n'est pas imputable à la mauvaise volonté de tel ou tel. On peut seulement dire que les différents établissements dans lesquels nous installons les activités de Jussieu à titre transitoire n'étaient pas en mesure de mettre immédiatement des bâtiments à notre disposition.
Ces préalables étant posés, j'en viens maintenant, madame Borvo, aux éléments plus techniques de la réponse à votre question.
Pour accélérer les travaux, plusieurs actions ont été engagées depuis l'été 2000.
Accélérer les travaux c'est d'abord rechercher davantage de locaux de transition. Conformément à la convention Etat-Ville de Paris, un groupe de travail spécifique a examiné à partir du mois de septembre de nombreux sites parisiens susceptibles d'être réaménagés en locaux de transition. A cette date, les opportunités les plus intéressantes sont à l'étude : l'ancien hôpital Boucicaut Saint-Lazare ou l'hôtel industriel Unibail sur la ZAC Paris-Rive gauche. Ces locaux, ajoutés à ceux qui ont déjà été aménagés par l'établissement public du campus de Jussieu ou qui seront bientôt livrés, pourraient contribuer à accélérer notablement le rythme du chantier.
Accélérer le chantier de Jussieu, c'est surtout réaliser rapidement l'opération Paris-Rive gauche. En effet, toute l'université Paris-VII doit être transférée à Paris-Rive gauche, dont les premières surfaces seront livrées en 2003-2004. Les décisions capitales pour cette opération ont été prises à l'été 2001 : mise à disposition des terrains, concrétisée par la signature de la convention Etat-Ville de Paris ; mise en place de la maîtrise d'ouvrage déléguée à l'établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels, par la convention signée avec Mme la ministre Catherine Tasca ; enfin, lancement des études de programmation, qui se sont déroulées au mois d'octobre dernier.
Accélérer ce chantier, c'est enfin avoir une vision globale du devenir du site. Sur le plan scientifique, les grandes lignes de réorganisation des universités ont été actées à la fin de 2000. Sur les plans architectural et urbain, il nous faut avancer vite et bien inscrite les opérations de désamiantage et de rénovation dans un schéma d'aménagement et d'urbanisme global, donnant une vision d'ensemble de la transformation du campus, au service des étudiants et au bénéfice de la ville. C'est Jean Nouvel qui a été nommé en novembre 2000 pour élaborer ce schéma.
Parallèlement à ces actions, l'établissement public du campus de Jussieu a étudié avec les universités, à la demande du ministre, une série de mesures pour améliorer dans les meilleurs délais la sécurité des personnes sur le campus ; ce n'était pas le moindre des problèmes, compte tenu des faits que vous avez vous-même soulignés.
Un programme de 19 millions de francs de travaux d'amélioration de la sécurité a été engagé dès octobre 2000 : alarmes dans toutes les barres, balisage des issues, sécurisation des circulations verticales, encloisonnement des escaliers, désenfumage, ajout de deux escaliers de secours extérieurs.
Je ne crois donc pas, madame la sénatrice, quelle que puisse être notre impatience à tous, et parfois aussi notre irritation, qu'un tel programme puisse être qualifié de peu sérieux.
Un responsable unique de la sécurité a été désigné sur le campus, qui coordonnera les services de sécurité des universités et qui aura auprès de lui une équipe permanente.
Le maintien de bonnes conditions de sécurité sur le campus est une préoccupation constante des universités. Il doit être noté à cet égard que le tribunal administratif de Paris, par décision du 29 janvier 2001, a rejeté la requête du comité anti-amiante demandant la fermeture du campus. Le juge a relevé que « la situation ne justifiait pas la fermeture de l'ensemble du campus de Jussieu ».
Nous en prenons acte, comme nous aurions pris acte d'une décision contraire.
Par ailleurs, un avis favorable à la poursuite de l'exploitation de l'ensemble des bâtiments a été rendu le 23 janvier par la commission de sécurité.
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, mais, vous le comprendrez, elle ne me satisfait pas entièrement.
Je suis heureuse que les financements qui n'étaient pas prévus le soient désormais mais je me permets de rappeler que, le 10 février 1999, le ministre de l'éducation nationale s'était engagé devant moi de la manière suivante : « Le désamiantage, démarré pour une première barre en 1998, se poursuivra en 1999 par trois barres. Il est ensuite prévu de mettre en chantier quatre barres tous les six mois. » Il est clair qu'on n'arrive pas à respecter ce programme. Je n'ignore pas les problèmes que pose le relogement des activités mais je pense que la communauté universitaire mérite quand même d'être mieux traitée.
Concernant la sécurité, vous n'avez pas répondu à toutes mes interrogations, monsieur le ministre. La commission de sécurité, qui a été diligentée par le préfet de police et qui est passée rapidement le 23 janvier dernier, est intervenue deux jours seulement avant l'audience du tribunal administratif consacrée à la demande de fermeture du campus. De plus, elle ne disposait pas des rapports de contrôle et de vérification obligatoires. Tout cela laisse rêveur !
J'ai bien noté les engagements que vous avez pris, monsieur le ministre, mais je continuerai à suivre de près les opérations de désamiantage à Jussieu.

ÉPANDAGE DES BOUES D'ÉPURATION