SEANCE DU 9 JANVIER 2001


M. le président. Par amendement n° 14, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 8, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le premier alinéa de l'article L. 767-2 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Le fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations met en oeuvre des actions visant à l'intégration des populations immigrées ou issues de l'immigration résidant en France ainsi qu'à la lutte contre les discriminations dont elles pourraient être victimes. »
« II. - En conséquence, dans le deuxième alinéa du même article, les mots : "le fonds d'action sociale" sont remplacés par les mots : "le fonds d'action et de soutien". »
La parole est à M. le ministre.
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Créé en 1959, le Fonds d'action sociale pour les travailleurs immigrés et leurs familles, le FASTIF, dont le champ d'intervention était initialement limité au logement et à l'aide sociale en direction des immigrés, a vu celui-ci s'étendre aux domaines de la culture, de l'emploi et de la formation.
Le présent article vise à tirer les conséquences de l'extension du champ d'intervention du FASTIF au soutien à l'intégration et à la lutte contre les discriminations, à étendre ses actions aux populations issues de l'immigration, notamment lorsqu'elles sont victimes de discriminations, et à modifier en conséquence la dénomination du FASTIF, qui deviendrait le FASID, le fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations.
L'extension du champ d'intervention du FASTIF à la lutte contre les discriminations trouve sa place dans la présente proposition de loi, dans la mesure où il a été décidé à l'Assemblée nationale d'introduire un article fixant les conditions de fonctionnement du service d'accueil téléphonique et de son articulation avec les commissions départementales d'accès à la citoyenneté.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. J'avais indiqué dans mon propos liminaire que la commission avait émis un avis favorable sur cet amendement. Elle n'a pas changé d'avis depuis !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 8.
Par amendement n° 22, M. Domeizel et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 8, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le deuxième alinéa de l'article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est ainsi rédigé :
« Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur sexe, de leur origine, de leur orientation sexuelle, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur apparence physique, de leur handicap ou de leur appartenance à une ethnie ou une race. »
« II. - Après le sixième alinéa (1°) du même article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ... Le fait qu'il a formulé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire respecter les principes énoncés au deuxième alinéa du présent article ; ».
La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel. S'agissant de cet amendement, je souhaiterais tout d'abord apporter une précision technique : il est adossé à la rédaction actuelle de l'article 6 de la loi de 1983 portant statut des fonctionnaires. Cette rédaction n'est toutefois que provisoire, puisque les dispositions de cet article 6 font actuellement l'objet d'une refonte dans la proposition de loi relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, qui est encore en navette entre les deux assemblées. Il aurait été possible d'adosser cet amendement au nouveau texte prévu par la proposition de loi, mais celle-ci n'est évidemment pas encore promulguée. Aucune solution n'apparaissant meilleure que l'autre, nous avons décidé de nous en tenir là pour le moment afin de préserver l'essentiel, qui est à nos yeux le fond du texte. Nous aurons l'occasion, si besoin est, de revenir sur la forme lors de la navette.
Il s'agit donc à la fois d'une question de mise en conformité avec le droit européen, qui a récemment évolué, et, surtout, de principe.
Le droit communautaire a été marqué en 2000 par l'adoption de deux directives essentielles en matière d'égalité de traitement entre les personnes : la directive 2000/43 du Conseil en date du 29 juin, relative à la mise en oeuvre du principe d'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique, et la directive 2000/78 du Conseil du 27 novembre, portant création d'un cadre général pour favoriser l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail. Ces deux directives incluent expressément l'administration dans leur champ d'application.
Il en résulte qu'il est maintenant nécessaire de modifier les dispositions du statut des fonctionnaires inscrites actuellement à l'article 6, qui posent le principe de l'égalité de traitement et énoncent les motifs interdisant toute distinction entre les fonctionnaires. Les mentions de l'origine, de l'orientation sexuelle, du patronyme et de l'apparence physique doivent donc y être visées.
Il est aussi nécessaire de protéger l'agent qui viendrait à exercer un recours, d'où les dispositions du paragraphe II de l'amendement.
Par ailleurs, sur le plan strictement français, il est bien évident que nous ne pouvons envisager d'oublier les fonctionnaires dans la mise en oeuvre de dispositions de lutte contre les discriminations. Même protégés par leur statut, ceux-ci sont exposés, comme les autres salariés - j'en ai parlé lors de mon intervention dans la discussion générale - à d'éventuelles discriminations, dès le recrutement, mais surtout dans le déroulement de leur carrière.
Il est donc fondamental, sur le plan de l'équité et de l'égalité des citoyens, d'inclure les fonctionnaires dans le champ d'application de cette proposition de loi. C'est une question de principe, sur laquelle il nous paraît nécessaire que le Sénat se prononce de manière claire dès la première lecture.
Tel est l'objet de cet amendement, que nous maintenons. Je dis « que nous maintenons » car, ce matin, en commission, nous avons eu une longue discussion.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La situation est complexe.
Le présent amendement vise à compléter l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 afin de prévoir que les fonctionnaires ne peuvent faire l'objet de discriminations fondées sur leur origine, leur orientation sexuelle, leur patronyme, leur apparence physique ou leur race. Par ailleurs, il prévoit que le fonctionnaire ne peut faire l'objet de discriminations dans son emploi au motif qu'il aurait formulé un recours fondé sur des discriminations dont il aurait été victime.
On peut remarquer que si cet amendement complète les dispositions relatives aux discriminations dans le droit de la fonction publique, il ne va pas jusqu'à aménager le régime de la charge de la preuve. Les entreprises et les administrations ne seront donc pas soumises au même régime.
Par ailleurs, l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 a déjà été modifié par la proposition de loi relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, qui est en cours de discussion. Cet amendement apparaît incompatible avec la nouvelle rédaction adoptée. En effet, l'article 14 ter de ladite proposition de loi a supprimé la référence au sexe dans le deuxième alinéa de l'article 6 afin d'évoquer les discriminations fondées sur le sexe dans un article 6 bis . Il semble donc nécessaire, et par coordination, de supprimer cette mention dans le texte proposé par le paragraphe I de cet amendement.
Le même article 14 ter a également supprimé les quatre derniers alinéas de l'article 6. La disposition prévue par le paragraphe II n'a donc plus de support.
Enfin, on doit observer qu'elle ne s'inscrit pas correctement, puisque les dispositions supprimées, que l'on trouve à l'article 6 ter, sont relatives à la lutte contre le harcèlement sexuel.
Dans ces conditions, la commission n'a pu, et ne peut envisager d'émettre un avis favorable que pour les dispositions prévues par le paragraphe I, sous réserve que la mention relative au sexe soit supprimée et qu'une référence à l'âge soit ajoutée, au besoin, par la voie d'un sous-amendement que la commission est prête à déposer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Claude Bartolone, ministre délégué. L'article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires pose le principe d'égalité de traitement des fonctionnaires et énonce les motifs qui interdisent toute distinction entre eux.
L'application des directives des 29 juin 2000 et 27 septembre 2000 conduit à des modifications qui visent à compléter la liste des motifs qui interdisent toute distinction par l'orientation sexuelle ou la race, en précisant, par ailleurs, qu'aucune distinction ne saurait être opérée de façon directe ou indirecte.
L'article 6 doit également être complété par des dispositions visant à la protection de tout agent qui viendrait à formuler une plainte auprès de sa hiérarchie ou à engager une action en justice à la suite d'agissements contraires aux garanties énoncées à ce même article, à en témoigner ou à les relater.
Le Gouvernement n'émet pas d'objection sur ces modifications.
Pour autant, je tiens à signaler à M. Domeizel que les partenaires sociaux doivent absolument être consultés sur une telle disposition.
Par ailleurs, je fais observer que la directive du 27 novembre 2000 doit être transposée d'ici au 2 décembre 2003.
Cela étant dit, le Gouvernement s'en remet, là encore, à la sagesse du Sénat compte tenu de votre proposition, monsieur le rapporteur, tendant à substituer le mot « âge » au mot « sexe ». Je veux qu'il n'y ait aucune ambiguïté sur la position du Gouvernement. L'introduction de cette notion de l'âge, nous paraît importante. Toutefois, à partir du moment où l'on évoque l'âge, il faut bien préciser l'intention du législateur. Sinon, pourquoi, demain, ne connaîtrions-nous pas un certain nombre de recours en raison de l'interdiction du travail avant seize ans, ou des recours à l'encontre d'une entreprise prévoyant un plan de préretraite à partir de cinquante-cinq ans ? Certes, je le reconnais, il s'agit d'une caricature, mais elle me permet de vous faire part de l'orientation dans laquelle s'inscrit la réflexion du Gouvernement. Nous voulons prendre le temps, afin de ne pas aboutir à un « monstre » législatif, ce que personne ne souhaite dans cet hémicycle.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, je le répète, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. Louis Souvet, rapporteur. Dans ces conditions, je dépose le sous-amendement que j'ai évoqué voilà quelques instants, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 24, présenté par M. Sauvet, au nom de la commission, et tendant :
I. - Dans le texte proposé par l'amendement n° 22 pour le deuxième alinéa de l'article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juilllet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, à supprimer les mots : « de leur sexe ».
II. - Après les mots : « orientation sexuelle », à insérer les mots : « de leur âge ».
III. - A supprimer le II de cet amendement.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Sagesse !
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 24.
M. Claude Domeizel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel. Ce matin, en commission, j'ai expliqué la nécessité de retenir au moins le paragraphe I - le paragraphe II sera sans doute repris dans la proposition de loi relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Ce matin, j'ai également fait part de mes réticences concernant la notion d'« âge », et c'est la raison pour laquelle je me suis abstenu.
Cela étant dit, nous voterons les propositions qui nous sont faites.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 24, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 22.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 8.

Intitulé de la proposition de loi