SEANCE DU 19 DECEMBRE 2000


M. le président. La parole est à M. Donnay, auteur de la question n° 948, adressée à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Jacques Donnay. Je souhaite attirer l'attention de Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur la révélation récente d'une étude, engagée depuis dix-huit mois dans la région Nord - Pas-de-Calais par l'Institut Pasteur de Lille, sur la présence de produits phytosanitaires dans l'eau de pluie.
Les premiers constats de cette enquête, prévue sur quatre années, avec des relevés quotidiens effectués en cinq endroits - à Berck, à Gravelines, à Lille, à Cambrai et à Lillers - soulèvent d'ores et déjà de nombreuses interrogations, voire des inquiétudes. En effet, les recherches entreprises ont déjà permis de mesurer les taux de contamination atmosphérique par rapport à la norme existante, fixée à 0,1 microgramme de pesticide par litre. Or, cette norme est souvent dépassée de trente fois à Berck et de quatre-vingts fois à Lille.
Ce problème, certes ancien, risque, aujourd'hui, d'alimenter le climat de psychose actuel : d'où viennent ces produits phytosanitaires retrouvés dans les eaux de pluie ? Ces produits ne risquent-ils pas de contaminer les nappes phréatiques et donc l'eau que nous buvons ? Qu'en est-il des atteintes à la faune et à l'environnement ?
Informé de la détermination du Gouvernement à assurer un haut niveau de protection des milieux - l'air, l'eau, le sol - et donc des populations, en imposant notamment la surveillance étroite des seuils de pollution, je vous demande donc, monsieur le secrétaire d'Etat, s'il ne vous paraît pas indispensable, dès à présent et sans attendre les conclusions définitives du rapport, de renforcer les contrôles de l'application des obligations environnementales qui s'imposent aux utilisateurs de produits polluants, voire de procéder à certaines suspensions. De surcroît, dans un souci de sécurité, je vous remercie d'envisager les modalités d'une information locale de nos concitoyens sur ce sujet sensible.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire. Monsieur le sénateur, je veux tout d'abord vous exprimer tout le plaisir que j'ai à vous retrouver ici pour cet échange.
Vous attirez l'attention du Gouvernement sur un sujet important. Un certain nombre de démarches et le pôle d'écotoxicologie mis en place voilà quelques années permettent d'ailleurs, aujourd'hui, d'améliorer sans cesse la connaissance des circuits, des dérivés, des comportements des produits et de leur circulation dans l'air, dans l'eau et dans les sols.
Effectivement, l'étude qui a été financée conjointement par l'Etat, par l'agence de l'eau Artois-Picardie, par la région Nord - Pas-de-Calais et par l'Institut Pasteur de Lille s'étale sur quatre ans, de 1999 à 2003, et porte sur l'eau de pluie récoltée sur cinq sites répartis sur l'ensemble du Nord - Pas-de-Calais.
L'Institut Pasteur de Lille a récemment rendu publics les premiers éléments d'analyse : il a été constaté ponctuellement des concentrations supérieures aux concentrations maximales admissibles. Ces fortes valeurs peuvent correspondre à des pluies brèves, précédées de longues périodes sèches ayant suivi des épandages de produits phytosanitaires ; il s'agirait ainsi d'une forme de lessivage des basses couches de l'atmosphère.
Nous sommes donc confrontés à un problème qui mérite toute notre attention et qui doit faire l'objet d'une analyse scientifique du phénomène.
La suite de l'étude devra permettre de mieux connaître les concentrations et l'origine des molécules identifiées.
Les micropolluants issus des pesticides soupçonnés de contaminer parfois le sol, parfois les eaux et l'air - nous en avons la preuve en l'occurrence - constituent en tout état de cause une préoccupation majeure du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Ces produits, essentiellement utilisés dans la lutte contre les parasites en agriculture, sont parfois utilisés aussi en zones non agricoles. N'oublions jamais que les jardiniers du dimanche utilisent au mètre carré beaucoup plus de produits que les agriculteurs !
Toujours est-il que la détection des pesticides dans les eaux de pluie n'est pas une donnée nouvelle. En effet, une étude menée voilà quelques années, en Bretagne, par le service régional de la protection des végétaux, faisait déjà apparaître une contamination des eaux pluviales par les produits phytosanitaires. La principale substance alors détectée, le dinoterbe, a depuis été interdite.
Cependant, le constat qui vient d'être fait soulève d'autres questions.
Concrètement, je crois qu'une discussion doit être engagées avec les professionnels pour étudier de manière consensuelle comment l'utilisation de certains produits pourrait être écartée. Il faut préciser quand même, puisque c'est une question qui a parfois fait débat, que l'objet de la taxe générale sur les activités polluantes est non pas de créer de nouveaux impôts, mais d'inciter les gens à adopter des comportements ou à faire des choix qui les amèneront à ne pas en payer.
L'application dès cette année de la taxe générale sur les activités polluantes aux produits antiparasitaires doit permettre le développement préférentiel de substances moins dangereuses pour l'homme et l'environnement. Modulée selon la toxicité et l'écotoxicité des substances concernées, cette taxe vise à inciter industriels et agriculteurs à privilégier les produits les moins nocifs.
Les premiers éléments en ma possession sur la mise en oeuvre de cette taxe laissent penser qu'elle atteint son but : alors qu'elle aurait dû rapporter 300 millions de francs, elle devrait n'en rapporter qu'un peu plus de 100 millions de francs. En effet, d'ores et déjà, les milieux professionnels ont su s'adapter et privilégier certains produits, en en écartant d'autres qui étaient considérés comme les plus nocifs. Il y a là une dynamique utile qui portera certainement ses fruits dans la durée.
Par ailleurs, il convient de suivre avec beaucoup d'attention les travaux conduits par l'Institut Pasteur. Il existe aujourd'hui un programme national de réduction des pollutions qui se décline en mesures nationales et régionales. Il a reçu, en 2000, un appui financier de 15 millions de francs pour les actions nationales et de 68 millions de francs pour les actions régionales. En 2000, le budget du ministère de l'aménagment du territoire et de l'environnement y a contribué pour plus de 70 millions de francs, et cet effort sera reconduit en 2001.
M. Jacques Donnay. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Donnay.
M. Jacques Donnay. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de votre réponse.
Je tiens à vous dire combien je me félicite du travail entrepris par l'Institut Pasteur, fleuron de la recherche dans le Nord - Pas-de-Calais.
Celui-ci a, depuis septembre, vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, un laboratoire commun de recherches avec le Centre national de recherches sur les sites et sols pollués, situé à Douai. En effet, le Nord - Pas-de-Calais possède un éventail de pollution très important du fait de son passé industriel ; quarante-cinq sites industriels rejettent les mêmes molécules de type Seveso.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je suis très heureux de savoir que vous êtes sensibilisé à ce problème ; mais, vous le savez, une grande vigilance s'impose.

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