SEANCE DU 11 DECEMBRE 2000


M. le président. Par amendement n° II-93, Mmes Luc et Beaudeau, MM. Loridant et Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 48 terdecies , un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le deuxième alinéa (a) du V quater de l'article 1648 A du code général des impôts, les taux : "25 % et 30 %" sont remplacés par les taux : "20 % et 25 %".
« II. - Dans le dernier alinéa du même V quater , le taux : "40 %" est remplacé par le taux : "45 %".
« III. - Le II de l'article 1648 A C du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Une contribution de l'Etat, au moins équivalente à la somme des deux contributions ci-dessus. »
« IV. - Les charges résultant de l'application du III ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Cet amendement porte sur une question qui a déjà été soulevée l'an dernier et pour laquelle la loi de finances rectificative de 1999 avait permis de dégager une première solution.
Il s'agit des problèmes posés par la proximité des aéroports internationaux pour les populations des communes riveraines.
Si la présence d'un aéroport international comme celui d'Orly ou de Roissy permet aux communes riveraines de percevoir d'importantes recettes fiscales et des implantations d'activités nouvelles, donc des créations d'emplois, elle est aussi source de nuisances sonores particulièrement graves pour les habitants des communes les plus exposées.
Les règles de calcul de la taxe professionnelle aboutissent au fait que ces communes victimes du bruit causé par les mouvements aériens ne disposent souvent pas de recettes fiscales correspondant aux implantations d'entreprises.
C'est le cas, par exemple, d'une commune comme Goussainville, dans le Val-d'Oise. Depuis l'ouverture de la plate-forme de Charles-de-Gaulle, le village ancien, appelé le vieux pays, s'est littéralement vidé de ses habitants.
C'est le cas également d'une commune comme Villeneuve-le-Roi, dans le Val-de-Marne, qui, d'après le dernier recensement a perdu 10 % de sa population, du fait notamment du dépeuplement du quartier placé directement dans l'axe des pistes de l'aéroport d'Orly.
Cette situation a des conséquences sur l'ensemble des dotations budgétaires qui sont alignées sur la population, qu'il s'agisse de la dotation forfaitaire comme des dotations de solidarité et singulièrement de la dotation attribuée au titre du fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France, et je ne parle pas des changements de paramètres en termes de potentiel fiscal ou d'effort fiscal.
Je souligne que la mesure que nous préconisons ne représente qu'une forme de compensation d'un mal profond qui frappe le système de répartition des dotations budgétaires, système que nous avons stigmatisé de longue date, notamment à l'occasion de la réforme de la DGF, en 1993 ! M. le Premier ministre a d'ailleurs annoncé que, l'an prochain, tout serait remis à plat.
Pour une commmune comme Villeneuve-le-Roi, les pertes en termes de dotations budgétaires sont de 5,5 millions de francs, soit grosso modo plus de 250 francs par habitant.
Je veux également souligner que la proximité de l'aéroport international d'Orly est à l'origine d'une importante dévaluation du bâti et que les habitants sont contraints d'accepter de très importants rabais sur leur bien - souvent le fruit d'une vie de travail - quand ils souhaitent le céder.
Ce contexte quelque peu contradictoire a donc conduit l'an dernier, dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 1999, à mettre en place, par prélèvement sur les fonds de péréquation départementaux de la taxe professionnelle et sur les recettes de l'établissement public gestionnaires Aéroports-de-Paris, un fonds de compensation expressément destiné aux communes qui n'ont que des nuisances et pas de retombées financières.
Cet amendement vise donc à augmenter le potentiel de ce fonds de compensation tant par augmentation de la part des fonds départementaux utilisée à cette fin - on notera cependant que la grande dispersion des salariés des plates-formes concernées justifie cette extension - que par un abondement par l'Etat, à l'instar de ce qui peut se faire pour des fonds nationaux.
Concrètement, ces dispostions devraient conduire, au minimum, au doublement des sommes affectées au fonds, ce qui le rendrait plus opérationnel pour les communes riveraines concernées et leurs habitants.
On observera que la mesure que nous préconisons doit aussi être envisagée dans la perspective d'une extension aux communes de province appelées à voisiner un aéroport international dans les années à venir, je pense à Lyon-Satolas, par exemple. Elle doit également permettre de mettre en oeuvre plus rapidement des mesures en faveur notamment de l'isolation phonique.
Une telle mesure de réparation serait susceptible de résoudre un contentieux très ancien.
L'an dernier, avec le maire de Villeneuve-le-Roi, nous avons rencontré M. Christian Sautter, qui était convenu que cette situation était impossible à gérer.
Il en va clairement de la réparation des inégalités de développement liées aux nuisances aéroportuaires, du fait que l'Etat doit enfin assumer la prise en compte des conséquences de ses choix d'aménagement sur les populations riveraines.
Avec Michel Herry, maire de Villeneuve-le-Roi, nous disons très fort que les riverains ont assez attendu, qu'il faut trouver une solution équitable pour les habitants de cette commune.
C'est donc pour toutes ces raisons que nous vous invitons, mes chers collègues, à voter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'amendement que vient de nous présenter Mme Hélène Luc tend à augmenter les ressources des deux fonds de compensation des nuisances aéroportuaires d'Orly et de Roissy.
Or, cette proposition intervient un an seulement après la création des fonds et deux mois seulement après la sortie des décrets d'application. Il faut dire, madame le secrétaire d'Etat, que la publication des décrets d'application n'a pas été très rapide !
Par ailleurs, d'après nos informations, les crédits issus des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle et qui sont destinés à alimenter les fonds de compensation n'ont pas encore été intégralement répartis. Il nous a donc été indiqué que, pour l'année 2000 - et nous sommes en fin d'année - la totalité du potentiel dont peuvent bénéficier ces fonds de compensation ne leur a pas encore été créditée.
Peut-être est-il un peu tôt pour savoir s'il faut dès maintenant modifier les modalités d'alimentation de ces deux fonds de compensation.
C'est la raison pour laquelle la commission des finances estime que cet amendement est à tout le moins prématuré et en souhaite le retrait.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Cet amendement, qui vise à doubler, voire plus, le volume financier d'un dispositif que le Gouvernement vient tout juste de mettre en place afin d'assurer une meilleure répartition des retombées financières des activités aéroportuaires entre les collectivités locales qui sont riveraines des aéroports parisiens, ne me paraît pas opportun pour l'instant.
En effet, ce dispositif est très récent. Les fonds concernant Orly et Roissy, qui ont été constitués dans le cadre de la loi de finances rectificative de 1999, sont alimentés par prélèvements sur les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, ainsi que par une contribution d'Aéroports de Paris. Leur dotation annuelle est de l'ordre de 60 millions de francs.
En ce qui concerne le cas particulier de la commune de Villeneuve-le-Roi que vous évoquiez, madame la sénatrice, je puis vous indiquer que cette commune bénéficiera, au titre du FDPTP, d'une contribution qui sera répartie en fonction des décisions des conseils généraux. La part relevant d'Aéroports de Paris s'élève, elle, à 1,5 million de francs.
La proposition que vous faites consiste à augmenter le prélèvement sur les fonds de péréquation et à doubler l'ensemble par une contribution de l'Etat. Cette proposition me paraît à tout le moins prématurée car, avant d'envisager une augmentation des ressources de ces fonds, il me semblerait préférable de réaliser un bilan de ce dispositif spécifique qui vient d'être mis en place et d'en mesurer les conséquences en ce qui concerne les prélèvements qui sont opérés sur les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle.
Par ailleurs, vous avez évoqué les conséquences des pertes de population pour un certain nombre de communes. Permettez-moi de rappeler que ces communes bénéficient, depuis la mise en oeuvre du recensement de 1999, du maintien de leur dotation forfaitaire et, grâce à ce mécanisme, ne sont pas pénalisées.
Pour toutes ces raisons, je souhaiterais que cet amendement soit retiré.
M. le président. Madame Luc, l'amendement est-il maintenu ?
Mme Hélène Luc. Madame la secrétaire d'Etat, j'ai bien entendu ce que vous avez dit sur les dispositions qui sont prises, mais votre réponse ne me satisfait pas.
Bien sûr, il faudra voir ce que va donner la répartition de la première année ; c'est d'ailleurs ce que dit M. le rapporteur général. Mais, d'ores et déjà, nous savons que cette commune - il peut y en avoir d'autres - qui a perdu 10 % de sa population, va voir de ce fait ses ressources financières diminuer de 5,5 millions de francs.
Dès lors, que doivent faire le maire et le conseil municipal de cette commune ? C'est en ces termes que se pose le problème. Monsieur le rapporteur général, je vous pose la question : que doivent faire ces communes ? Vous savez très bien que certaines communes gérées par vos amis, dont certains siègent dans cette assemblée, sont confrontés à la même situation.
Il faut trouver une solution pour ces villes dont les habitants voient leurs biens diminuer de valeur et qui finissent par ne plus pouvoir être gérées convenablement.
Je ne veux pas dire que le conseil municipal ne fait pas son travail, mais quand il manque 5,5 millions de francs à un maire pour boucler son budget, que doit-il faire ? J'aimerais une réponse.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-93.
M. Bernard Angels. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels. Je partage les préoccupations de notre collègue quant à la situation des communes avoisinantes des deux aéroports parisiens.
Chaque jour, les habitants des secteurs concernés subissent des préjudices sonores de plus en plus inacceptables.
En ce qui concerne l'aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle, dont le cas m'est, vous le savez, familier, je rappelle que les habitants voisins sont les seuls, en France, à subir des nuisances sonores aériennes la nuit. FEDEX ou l'Aéropostale font décoller leurs porteurs nuit et jour, ce qui représente, au total, plus de 200 mouvements journaliers.
Par ailleurs, l'extension de l'aéroport de Roissy de deux à quatre pistes a provoqué une augmentation de la fréquence des vols et donc une augmentation de la nuisance sonore. Et ce qu'on appelle communément la « gêne sonore » diffère sensiblement de la simple notion de bruit !
En outre, je voudrais souligner les incidences sociales et économiques qu'engendre la multiplication de ces rotations aériennes. La proximité d'un aéroport tel que Roissy modifie, par exemple, sensiblement les caractéristiques du marché immobilier local. Je vous laisse imaginer les conséquences d'une dépréciation des valeurs immobilières tant pour les propriétaires que pour les communes.
Par ailleurs, je tiens à renouveler mon inquiétude quant aux nécessités liées au développement de l'activité économique dans les zones aéroportuaires et avoisinantes.
En effet, dans le cas de l'aéroport de Roissy, deux problèmes majeurs sont à relever : d'une part, on remarque une disparité manifeste des retombées économiques sur le territoire environnant ; d'autre part, les accès terrestres à l'aéroport proprement dit souffrent d'importantes carences et provoquent des situations proches de l'asphyxie.
Aussi me paraît-il nécessaire d'envisager des modalités d'accompagnement du développement économique qui permettront, je l'espère, la mise à disposition de subventions d'équipement pour soutenir des projets tant dans le domaine des transports que dans celui de l'emploi et de la formation professionnelle.
La création de deux fonds de compensation des nuisances aéroportuaires dans le cadre de la loi de finances pour 2000 a marqué une avancée importante dans la prise en compte des difficultés des communes et des populations touchées par ce problème. Je souhaite que, après une durée raisonnable de fonctionnement et sur la base d'évaluations dont le Gouvernement nous fera parvenir prochainement les conclusions, nous puissions réévaluer leurs dotations et les principes de redistribution de celles-ci pour les adapter de façon toujours plus efficace aux besoins et aux difficultés des communes avoisinantes des aéroports parisiens.
Mme Hélène Luc et M. Michel Charasse. Très bien !
M. le président. L'amendement est-il maintenu, madame Luc ?
Mme Hélène Luc. Oui, monsieur le président.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-93, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles 48 quaterdecies et 48 quindecies