SEANCE DU 8 DECEMBRE 2000


M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant la recherche.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. René Trégouët, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le ministre, puisque vous n'avez pris vos fonctions qu'au printemps dernier, un certain nombre d'insuffisances que la commission des finances a pu souligner dans son rapport ne vous sont pas directement imputables. Depuis votre arrivée, vous avez obtenu, notamment, un budget mieux perçu par la communauté des chercheurs, même si celui-ci est encore nettement insuffisant dans de nombreux domaines.
Vous avez mis sur les rails une importante réforme du CNRS, le Centre national de la recherche scientifique, et vous avez mis en place des structures associant recherche publique et recherche privée, les CNRT, les centres nationaux de recherche technologique.
Par ailleurs, nous approuvons certaines de vos priorités, en particulier celles qui sont relatives aux sciences du vivant et aux technologies de l'information, ainsi que d'autres, contenues dans les dix orientations que vous avez présentées le 4 mai dernier, notamment - j'y reviendrai - en ce qui concerne l'amélioration de l'évaluation, le rajeunissement des effectifs et la promotion de la mobilité et des démarches interdisciplinaires.
Pourtant, la commission des finances n'a pas adopté vos crédits. Pour quelles raisons ?
Tout d'abord, parce que, sur plusieurs points, ce budget est un budget de facilité. par ailleurs, la commission des finances a la conviction que les entreprises françaises apportent une contribution insuffisante à l'effort national de recherche pour ménager les deniers publics. L'effort de ces entreprises, même s'il progresse, demeure inférieur, en pourcentage du PIB marchand, à celui de leurs concurrentes américaines, japonaises ou allemandes.
La deuxième raison de l'avis négatif de la commission des finances tient au rendement très médiocre de la recherche française, si nous l'évaluons en nombre de brevets déposés. Or il faut rappeler que l'effort de la France en faveur de la recherche publique place notre pays au deuxième rang mondial. Dans ce classement objectif ramené au nombre de brevets, nos résultats sont moins bons que ceux qui sont obtenus par des pays où la recherche repose sur un financement privé.
Votre prédécesseur, M. Claude Allègre, avait fait de la réforme des structures de ce budget un préalable à un accroissement significatif des moyens de celui-ci, de façon à en garantir l'efficacité. Certains, au sein de la commission des finances, s'en souviennent et ont repris cette exigence à leur compte.
La troisième raison qui suscite l'avis négatif de la commission des finances tient au déficit d'évaluation de la recherche française.
Chacun, y compris vous-même, monsieur le ministre, reconnaît qu'il y a, dans ce domaine, des progrès à faire.
Je vous accorde qu'il s'agit là d'une tâche difficile, en raison de la démultiplication, du caractère collectif et de la déconcentration des actions, qui posent des problèmes de remontée et de consolidation des résultats.
Mais cette évaluation est indispensable, notamment en ce qui concerne vos fonds d'intervention : celui qui concerne la science et, peut-être plus encore, celui qui est affecté à la technologie, lesquels ont beaucoup augmenté ces dernières années.
Le Comité national d'évaluation de la recherche et le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie partagent, sur ce point, nos préoccupations.
Nous devons disposer de critères clairs d'appréciation des résultats de la recherche et de nouveaux indicateurs objectifs, définis en collaboration avec les organismes concernés et selon les spécificité de chaque secteur.
L'évaluation et la communication sont liées. Pour que la représentation nationale soit à même de mieux apprécier l'utilité de la recherche afin de souscrire pleinement à ses efforts, il faut en expliquer davantage les enjeux et les bienfaits. Votre ministère s'y emploie.
En revanche, certains grands organismes - mis à part le Centre national de la recherche scientifique, le Commissariat à l'énergie atomique, ou CEA, et le Centre national d'études spatiales, ou CNES, sont encore très peu ouverts à cette communication.
Avant de conclure, je ferai quelques observations complémentaires.
Les premières concernent les très grands équipements, la nécessité de mieux les définir, de mesurer leur impact budgétaire, de programmer les dépenses correspondantes, afin de les faire échapper, en raison de leur caractère structurant et essentiel, aux fluctuations conjoncturelles.
Plus ponctuellement, je souhaite la mise en place très rapide d'une société civile pour piloter le projet SOLEIL - source optimisée de lumière d'énergie intermédiaire du Lure - de synchrotron de troisième génération et m'interroge sur l'utilisation, à des fins touristiques, du navire océanographique Marion-Dufresne dans les mers australes.
Des très grands équipements, j'en viens tout naturellement à l'espace : dans ce domaine aussi, une programmation à moyen terme des crédits est nécessaire. Il importe par ailleurs de ne pas sacrifier, dans les arbitrages, la composante spatiale des technologies de l'information et le programme GALILEO de positionnement par satellite à des coopérations internationales coûteuses et qui peuvent sembler moins prioritaires, comme la station spatiale ou l'exploration de Mars.
Dans ce domaine, comme dans celui des composants électroniques, il est essentiel que la recherche duale fasse preuve de plus de dynamisme. Or celui-ci semble faire défaut.
Il faut - j'insiste sur ce point - que le Centre national d'études spatiales puisse respecter son plan stratégique à moyen terme.
Mes dernières observations concerneront l'emploi scientifique, le caractère indispensable d'une vision pluriannuelle permettant d'exploiter les opportunités qu'offrent les perspectives de départs massifs à la retraite, pour un rajeunissement et un redéploiement des effectifs vers les secteurs prioritaires.
Il faut, dans cette perspective, veiller à préserver le caractère attractif de la filière doctorale, avec ce que cela suppose en ce qui concerne les allocations de recherche et l'emploi des « post-docs », d'autant que je me demande si, en ce qui concerne ces derniers, l'émigration n'est pas sous-estimée.
Enfin, la mobilité public-privé et entre établissements publics et universités demeure insuffisante.
Pour conclure, monsieur le ministre, je voudrais vous lire quelques lignes du Journal officiel du 30 juin 1999.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Bonne lecture ! (M. le président de la commission brandit un exemplaire dudit journal.)
M. René Trégouët, rapporteur spécial. Je crois en effet qu'il est important que nous soulignions en cet instant qu'aux yeux de la commission des finances les engagements pris à cette tribune de façon solennelle par un ministre chargé de la recherche parlant au nom d'un gouvernement doivent durablement engager ce gouvernement.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre prédécesseur, le 30 juin 1999, alors que nous discutions du projet de loi sur l'innovation et la recherche - projet de loi pour lequel nous avions dû, en quelque sorte, « arrêter la pendule » pour permettre son adoption avant la fin de la session - nous disait ainsi qu'il nous fallait voter celui-ci toutes affaires cessantes car c'était primordial pour la recherche française et nous assurait que tous les décrets d'application étaient prêts. Or, un an et demi après la promulgation de cette loi, plusieurs des décrets essentiels qui étaient prévus pour la mise en application de ce texte ne sont toujours pas publiés.
Je souhaiterais donc - et ce sera ma conclusion - citer quelques lignes des propos que M. Allègre avait tenus le 30 juin 1999. Il affirmait : « Vous m'avez demandé, je le répète, de prendre l'engagement qu'il y ait une discussion sur les stock options au cours de la prochaine session. Cet engagement, je le prends ! » Or, cela était solennel. A plusieurs reprises, M. le ministre s'y est engagé.
M. Gérard Delfau. C'est ce qui vous intéresse comme recherche, mon cher collègue ! Soit !
M. René Trégouët, rapporteur spécial. C'était le ministre de la recherche lui-même, mon cher collègue !
M. Gérard Delfau. C'est ce que l'on appelle une recherche financière !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Pourquoi s'y était-il engagé ?
M. René Trégouët, rapporteur spécial. Le président de la commission des finances, M. Lambert, avait alors répondu avec bon sens : « La question que je me pose est de savoir si vous pourrez le faire la prochaine fois. » Malheureusement, tel n'a pas été le cas.
Or la recherche française, il faut bien le comprendre, ce n'est pas seulement ce qui se passe dans nos laboratoires publics, c'est aussi toute la valorisation apportée par les entreprises privées, et l'on s'aperçoit que le moyen de financer ces entreprises à risque, les stock options, joue un rôle important en la matière. Mais, la décision que nous attendions n'a toujours pas été prise, ce qui est regrettable.
Voilà qui explique sans doute la position très dure de la commission des finances mais je crois qu'elle est tout à fait compréhensible. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants.)
M. Jean Chérioux. C'est un langage que nos collègues de gauche ne comprennent pas !
M. Gérard Delfau. C'est sûr que nous avons du mal à comprendre !
M. Jean Chérioux. Vous avez cinquante ans de retard, pour ne pas dire plus !
M. le président. Souhaitez-vous intervenir, monsieur Chérioux ? Si c'est le cas, je vous inscris dans le débat !
M. Jean Chérioux. Non, monsieur le président !
M. le président. La parole est à M. Laffitte, rapporteur pour avis.
M. Pierre Laffitte, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la recherche scientifique et technique. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est certain, comme vient de le rappeler notre ami M. Trégouët, que le présent budget ne transcrit pas la décision audacieuse prise par les Quinze à Lisbonne de rattraper les Etats-Unis, notamment dans le domaine des nouvelles technologies et, par conséquent, dans le domaine de la recherche et du développement.
Certes, les autorisations de programmes progressent de 6,4 %, ce qui est un rattrapage.
La commission des affaires culturelles avait demandé que, par souci de cohérence, une partie du résultat de l'attribution des licences UMTS, escompté à un niveau évalué à 130 milliards de francs, permette d'abonder, à hauteur de 10 %, sur une période de quinze ans, le fonds de la recherche et de la technologie.
Le ministre de l'économie et des finances ainsi que la commission des finances, pour des raisons d'ailleurs diverses, s'y sont opposés.
Mais nous venons de décider, voilà quelques heures, l'organisation d'un débat sur le spectre des fréquences. Chaque année, le Parlement pourra ainsi se prononcer sur les attributions, les priorités et leurs évolutions, ce qui signifie que le dossier n'est pas clos.
Je rappelle que certaines fréquences ont une valeur beaucoup plus grande que les fréquences UMTS : je pense en particulier aux trente-six fréquences qui seront libérées par le passage au numérique terrestre hertzien. Des procédures de transition entre l'analogique et le numérique existent qui permettent de raccourcir la période de dix ou quinze ans qui avait été prévue.
Ces fréquences peuvent représenter une valeur de l'ordre de 1 000 milliards de francs. Or, si une partie de cette manne financière est nécessaire pour la diffusion analogique, la totalité ne sera sans doute pas nécessaire, d'autant plus que de multiples diffusions numériques hertziennes terrestres consacrées à l'audiovisuel pourraient tuer les diffusions satellitaires et mettre à mal l'industrie du câble. Par conséquent, nous aurons l'occasion de revenir sur ces questions à différentes reprises.
En tout cas, je pense que le Sénat aura envie d'en débattre, monsieur le ministre, car il s'agit d'un point fondamental, aussi bien pour vous que pour le ministre de l'industrie ou le ministre de la défense dans leurs programmes d'appui à la recherche industrielle.
La « dominance », pour ne pas dire l'hégémonie américaine correspond à une stratégie très ciblée de recherche dans des domaines essentiels. C'est très exactement ce que, du temps de l'atome, le général de Gaulle et ses prédécesseurs avaient fortement compris. Je pense donc que nous devons, dans ce domaine, adopter une stratégie ferme pour avoir une politique industrielle analogue en Europe à ce qui se passe au Japon et aux USA.
J'en reviens à votre budget, monsieur le ministre.
A mon sens - et la commission des affaires culturelles y a été très sensible - ce budget marque une volonté de création d'emplois, dans des domaines ciblés. Et nous sommes particulièrement heureux de constater qu'ils ont été orientés notamment vers l'INRIA, l'Institut national de recherche en informatique et en automatique, qui, selon l'opinion unanime des milieux scientifiques et industriels français et mondiaux, représente une réussite exceptionnelle.
L'INRIA est donc favorisé. Tant mieux ! Je me demande d'ailleurs s'il n'aurait pas été plus important encore de mettre en évidence des critères de haut niveau scientifique, d'interaction et d'ouverture très large en direction aussi bien des universités que des grandes écoles et votre volonté - enfin ! - d'assurer une valorisation en liaison avec le monde industriel ou financier.
En effet, nous devons constater la valorisation très forte des recherches de l'INRIA, qui a enfanté des start up qui, à l'heure actuelle, regroupent des personnels plus importants que ceux dont l'institut dispose lui-même.
Votre budget, monsieur le ministre, comprend un deuxième point très positif à mon sens : le CNRS va désormais être doté d'un département spécialisé dans le domaine des technologies de l'innovation et de la communication, ce qui est d'autant plus important que ce domaine est par nature transversal et qu'en conséquence il peut aussi bien faire travailler des mathématiciens, des physiciens et des chimistes que des professionnels des secteurs des sciences humaines qui, pour le moment, ne sont pas impliqués à leur juste mesure dans la valorisation de cet établissement. Je pense ici aussi bien aux économistes qu'aux spécialistes en organisation, aux sociologues ou aux psychologues, qui peuvent très bien servir la communication.
Je sais que la direction nouvelle du CNRS s'attache leur concours de façon à abolir la coupure excessive entre les spécialistes que nous connaissons en France.
Nous vivons une véritable révolution dans le domaine de l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication, lesquelles sont au moins aussi importantes que la technologie proprement dite, ne serait-ce que par le chiffre d'affaires engendré par les start up.
Mon collègue René Trégouët a évoqué avec talent le secteur de la santé, je n'y reviendrai pas : nous pouvons avoir sur ce point une position comparable.
Enfin, vous avez aussi mis sur pied un certain nombre d'opérations dans d'autres domaines, dont celui de la santé, mais je crois que vous en reparlerez tout à l'heure.
Par conséquent, il y a des éléments positifs dans votre budget, monsieur le ministre.
Au nombre des éléments moins positifs, je note le fait que, pour le moment, la possibilité de développement des fameux services d'activités industrielles et commerciales, les SAIC, reste insuffisante, le décret n'étant toujours pas paru. Je sais que cette situation ne dépend pas que de vous, mais il est très important que les décrets soient publiés rapidement.
Enfin, un certain nombre de problèmes se posent en matière de culture scientifique et technique, mais j'y reviendrai ultérieurement.
En conclusion, la commission des affaires culturelles a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur votre budget, qu'à titre personnel, je l'indique, je voterai. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes - M. Lanier applaudit également.)
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Rausch, rapporteur pour avis.
M. Jean-Marie Rausch, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur l'analyse du projet de budget civil de recherche et développement, présentée par mes collègues René Trégouët et Pierre Laffitte.
Je me félicite du changement de cap du Gouvernement - il est particulièrement symbolique -, avec la décision de construction, annoncée en septembre dernier, d'un synchrotron de troisième génération. Je souhaite que soit rapidement constituée la société civile qui portera le projet : cet équipement, pluridisciplinaire et polyvalent, était en effet nécessaire.
J'approuve aussi la continuité dans le soutien des sciences de la vie et des nouvelles technologies de l'information et de la communication, qui se traduit dans les crédits de l'INSERM, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, de l'INRIA, du Fonds de la recherche technologique et du Fonds national de la science.
Cependant, les interrogations et inquiétudes restent nombreuses.
Des mesures sont prises en matière de gestion des personnels de recherche : création de 305 emplois, mesures catégorielles de transformations d'emplois, léger accroissement des crédits d'accueil des enseignants chercheurs au sein des établissements publics de recherche.
Mais ces mesures ne permettent que de faire passer de 3 % à 4 % le volume de recrutement des établissements publics à caractère scientifique et technologique.
Les points faibles en matière d'emplois scientifiques publics, qui avaient été mis en évidence dans un rapport remis en juillet 1999 au Premier ministre par MM. Le Déaut et Cohen, perdurent, à savoir le vieillissement de la pyramide des âges, l'absence de mobilité et l'absence de débouchés pour les jeunes docteurs.
La pyramide des âges conduira à des départs en retraite accélérés d'ici à 2005-2015. Un chercheur sur deux aura atteint la limite d'âge dans la prochaine décennie, ainsi que, dans les vingt prochaines années, 60 % des personnels recensés en 1998 au CNRS. C'est là une occasion historique de renouvellement, dont il faudrait mieux profiter.
En outre, le problème de la désaffection des post-doctorants pour la recherche publique française, dont un nombre croissant s'expatrie en Amérique du Nord au risque de ne pas revenir, préoccupe beaucoup la commission des affaires économiques.
La recherche française continue d'être caractérisée par les paradoxe suivant : d'un côté, le vieillissement de l'âge moyen des chercheurs et, de l'autre, des « files d'attente » dissuasives à l'entrée pour les post-doctorants. Or, vous l'avez vous-même souligné à l'Assemblée nationale, monsieur le ministre, la France n'a pas vocation à servir d'institut de formation aux Etats-Unis ou aux pays de l'Union européenne, qui profiteraient gratuitement des fruits de notre enseignement supérieur ! Ces pays sont nos concurrents dans la compétition scientifique, technologique et économique internationale.
Si la prise de conscience du Gouvernement s'améliore sur ce problème inquiétant, je ne crois pas que les moyens mis en oeuvre pour lutter contre ce phénomène soient suffisants.
La France ne consacre que 2,18 % de son produit intérieur brut à la recherche, soit le quatrième rang mondial en volume, mais le huitième rang seulement en termes de proportion du PIB.
La loi du 12 juillet 1999 sur l'innovation et la recherche, que le Sénat avait soutenue, visait à décloisonner la recherche et à favoriser l'essaimage des laboratoires vers l'entreprise.
La commission des affaires économiques en approuve les principes, de même qu'elle approuve l'appel à projet sur les incubateurs technologiques et les fonds d'amorçage, qui a conduit à la sélection d'une trentaine de structures dans les régions, rassemblant partenaires scientifiques, collectivités locales, entreprises et investisseurs.
Je regrette toutefois qu'un important décret d'application de la loi du 12 juillet 1999 soit encore attendu : le Gouvernement doit aller au bout de sa démarche.
Compte tenu de ces interrogations persistantes, la commission des affaires économiques et du Plan a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de la recherche. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 22 minutes ;
Groupe socialiste, 17 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 11 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 10 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes ;
Groupe communiste, républicain et citoyen, 5 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser 10 minutes.
Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu au maximum pour 25 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais vous parler ici de la nécessité de développer la culture scientifique et technique.
Nous avons actuellement un excellent organisme de culture scientifique et technique, la Cité des sciences et des techniques, placé sous la tutelle conjointe du ministère de la recherche et du ministère de la culture et de la communication. Par ailleurs, d'autres organismes dépendent du ministère de l'éducation nationale : je pense en particulier au Palais de la découverte ou au Muséum national d'histoire naturelle. Mais tous ces organismes sont concentrés à Paris.
Or nous constatons, non seulement en France mais également en Europe, un manque total d'incitation des jeunes à la compréhension de la science et de la technologie, alors que nous entrons dans la mondialisation et dans un monde où Internet, où les technologies deviennent de plus en plus importants et où les gens commencent à ne plus comprendre. Or, lorsqu'ils ne comprennent plus, ils ont peur, et, lorsqu'ils ont peur, ils se révoltent. Par conséquent, la population est à l'aube d'un nouveau Moyen Âge. Il est donc nécessaire de développer sur l'ensemble du territoire français des opérations de culture scientifique et technique.
Les moyens consacrés aux actions régionales par le projet de loi de finances s'élèvent à 38,6 millions de francs. Monsieur le ministre, vous disposez d'une structure et de personnels compétents et très qualifiés, mais ce sera à mon sens insuffisant si vous n'avez pas la volonté de faire en sorte que les moyens concentrés à Paris - je pense notamment ici à la Cité des sciences et de l'industrie de La Villette, dont la dimension est quand même nationale et non pas seulement parisienne - soient en partie décentralisés.
Des projets très intéressants se développent à cet égard, dont deux en particulier pourraient voir rapidement le jour. Le premier concerne l'université Louis-Pasteur de Strasbourg, dont j'ai rencontré le président, le second, que je connais bien, est implanté à Sophia-Antipolis. Une étude de faisabilité a été réalisée pour ce dernier, grâce à de modestes crédits de votre ministère, qui montre que de un million à un million et demi de personnes seraient prêtes à visiter ce site situé à Mougins, en bordure de l'autoroute. Il faut maintenant insister auprès du conseil d'administration de la Cité des sciences et de l'industrie de La Villette pour que cet établissement pousse des « pseudopodes » en province. Cela me paraît à la fois tout à fait capital et normal, et l'ensemble des organismes placés sous votre tutelle, monsieur le ministre, doivent faire beaucoup plus qu'organiser des journées « portes ouvertes ». Cela n'est pas suffisant, et il est indispensable d'agir pour attirer les jeunes vers les carrières de la recherche ou de la technique et pour enrayer la désaffection que l'on constate pour ces domaines de la culture.
Nous devons engager une action volontariste pour redorer le blason du progrès, sinon nous nous dirigerons vers un déclin qui serait très néfaste pour un pays comme la France. (M. Rausch applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais m'efforcer d'utiliser de façon synthétique les cinq pauvres minutes dont je dispose !
Avec une progression de 2,2 % des crédits de la recherche, ce projet de budget rompt avec ceux des années antérieures, qui suscitaient bien des inquiétudes et des protestations au sein de la communauté scientifique.
C'est là un motif de satisfaction, même si l'effort qu'il faudra déployer dans les prochaines années appelle une croissance plus soutenue encore du budget de la recherche.
La création de 305 emplois scientifiques est loin, bien loin de correspondre au renouvellement attendu des personnels de la recherche, dont l'effectif devrait, comme c'est le cas dans bien d'autres administrations, subir les effets du déséquilibre de la pyramide des âges. La mise en place d'un plan pluriannuel de recrutement de scientifiques serait donc justifiée : nous la souhaitons très vivement, car cela permettrait, en outre, de répondre aux attentes des titres de titulaires de doctorat privés d'emploi, qui doivent trop souvent quitter notre territoire.
En l'espace de six années, le ratio de la dépense intérieure de recherche-développement sur le produit intérieur brut a connu une baisse importante, passant de 2,45 % en 1993 à 2,17 % en 1999. Notre pays, avec six chercheurs pour mille actifs, se classe derrière le Japon, les Etats-Unis ou de petits pays comme la Norvège, la Suède et la Finlande.
Au-delà de ces chiffres, monsieur le ministre, la majorité plurielle est attendue sur le terrain de sa politique de recherche.
La carte de France de l'emploi scientifique met en évidence des régions « pauvres », parmi lesquelles le Nord - Pas-de-Calais, dont je suis l'élu, qui ne bénéficie en rien des retombées économiques de l'emploi scientifique.
Le plus gênant, le plus anormal est que ce déficit en emplois scientifiques sert de justification aux choix d'implantation de gros équipements. Ainsi, si je me réjouis que le Gouvernement ait finalement décidé de réaliser le projet SOLEIL en France, je regrette que la candidature du Nord - Pas-de-Calais, n'ait pas été retenue, en raison précisément d'un déficit d'emplois scientifiques, et que les préoccupations d'aménagement et de rééquilibrage du territoire n'aient pas été prises en compte dans la décision qui a été arrêtée, alors qu'une heure de TGV sépare les deux sites en compétition. En attendant, le problème du nombre des chercheurs dans la région reste entier...
Il y a, à mon avis, matière à réflexion, tant sur les critères de choix d'implantation des équipements en région que sur les mesures à prendre pour favoriser la répartition des moyens de recherche et des chercheurs sur le territoire.
J'ajouterai, s'agissant du projet SOLEIL, que plusieurs projets de rechange ont été soumis au Gouvernement. Le Nord - Pas-de-Calais, ses élus et sa communauté scientifique attendent impatiemment les réponses gouvernementales, même si elles ont déjà été plus qu'esquissées.
Enfin, les filières scientifiques de l'enseignement supérieur subissent, cette année encore, une large désaffection des étudiants. Le rôle social et de formation des centres de culture scientifique, technique et industrielle, qui pourraient développer, de manière durable, le goût de la science et des techniques, est amoindri par l'absence de crédits et de statut juridique appropriés à leur mission. On le sait bien, la « Semaine de la science » ne suffit pas pour intéresser durablement les jeunes aux sciences.
Pour apporter sa pierre à la politique européenne et de coopération en matière de recherche publique, notre pays devrait avoir à coeur de renforcer le poids de sa recherche-développement par rapport à son PIB, a fortiori si l'on tient compte de l'apport de la recherche au développement économique et à l'innovation, et, plus largement, à la connaissance et aux savoirs.
Certes, ce budget est en rupture avec les précédents ; néanmoins, les retards pris par notre pays en matière de recherche et la croissance retrouvée doivent conduire à engager un effort bien plus important dans les années à venir. C'est là le signe que nous attendons d'ores et déjà pour le budget de 2002, mais, aujourd'hui, nous voterons votre projet de budget, monsieur le ministre. (Applaudissement sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget civil de recherche et développement connaît, pour l'année 2001, une hausse de 2,2 %, pour atteindre 55,86 milliards de francs, soit une augmentation supérieure à celles qui avaient été constatées les deux années précédentes. Cette progression doit constituer une incitation aux changements - changements déjà en marche dans certaines structures, mais j'y reviendrai - et permettre le développement de disciplines dans lesquelles la France présente un retard par rapport à ses principaux concurrents, comme les technologies de l'information ou de la communication. Mais n'oublions pas, cependant, que la situation de la recherche française, tient pour l'essentiel, à l'insuffisance des financements privés.
Les principales mesures prévues par ce projet de ce budget portent tout d'abord sur l'emploi scientifique, avec la création de 130 emplois de chercheur et de 135 emplois d'ingénieur technicien, l'amélioration des carrières, la promotion de la mobilité des chercheurs et la formation à la recherche, avec 200 allocations supplémentaires.
Ensuite, les technologies de l'information et de la communication, ainsi que des sciences du vivant, bénéficient prioritairement à la fois des créations d'emploi et de la hausse des crédits du fonds national de la science et du fonds de la recherche et de la technologie.
En outre, les moyens de fonctionnement et d'investissement des laboratoires publics de recherche, pour lesquels les crédits de paiement progressent de 6,9 % et les autorisations de programme de 2,8 % globalement, mais de 10 % pour les seuls établissements publics scientifiques et techniques, sont renforcés.
Enfin, l'aide à l'innovation et à la recherche industrielle voit ses crédits augmenter de 9 %, pour atteindre 6 milliards de francs.
Par ailleurs, la recherche universitaire bénéficie d'une amélioration de ses crédits, avec une hausse de 8,1 %, contre 3,1 % l'année passée. Cet effort est supérieur à la progression constatée durant la période 1997-2000 et amorce un rattrapage en matière d'équipement des laboratoires. C'est important, car l'université constitue une composante essentielle de notre recherche. Elle forme les jeunes chercheurs de demain et contribue, pour une large part, à la recherche fondamentale.
Je plaide donc, comme je l'ai déjà fait lors de l'examen du projet de budget de l'enseignement supérieur, pour une revalorisation de l'allocation de recherche. Fixée en 1991 à 1,34 fois le SMIC, celle-ci n'a jamais été revalorisée depuis. Les doctorants méritent au moins une revalorisation de leur allocation, si ce n'est son indexation : ce serait un signe fort à leur adresse.
Après un blocage de la réforme du Centre national de la recherche scientifique, le conseil des ministres a récemment adopté, sur votre proposition, monsieur le ministre, un projet de décret modifiant l'organisation et le fonctionnement de cet organisme, qui avait été approuvé, préalablement, par le conseil supérieur de la recherche et de la technologie. Il est ainsi donné plus d'autonomie au CNRS, plus de pouvoir à son conseil d'administration, tout en le dotant d'un véritable conseil scientifique, composé, pour partie, de personnes extérieures. Celles-ci pourront formuler, en toute indépendance, des critiques et des propositions.
Le CNRS vient aussi de créer un département des sciences et des technologies de l'information et de la communication. Pluridisciplinaire, il est axé sur les sciences de la vie, avec la bio-informatique, et les sciences humaines et sociales, avec la linguistique. Il bénéficiera de l'essentiel des soixante-dix emplois destinés à cet organisme dans ce projet de budget. En ce qui concerne la valorisation de la recherche, une réflexion est en cours pour redéfinir les missions du fonds d'intervention scientifique et technique, filiale du CNRS. De son côté, l'Institut de recherche pour le développement s'est engagé dans la création d'un département d'expertise et de valorisation, afin de développer la coopération avec les entreprises.
Le CNRS est un bon exemple du renouvellement des générations de chercheurs dans les années à venir, puisque plus de la moitié de son personnel partira à la retraite dans les vingt prochaines années. Selon une étude de l'Observatoire des sciences et techniques, le quart des 60 000 enseignants-chercheurs et chercheurs français ne seront plus en activité en 2005. Mais la situation démographique est différente selon les disciplines : en 1996, l'âge moyen était supérieur à quarante-sept ans en médecine, en langues, en physique ou en chimie, mais inférieur à quarante-cinq ans en mathématiques et en sciences pour l'ingénieur.
C'est pourquoi il convient d'établir, à l'instar de ce qui a été annoncé par le ministre de l'éducation nationale, un programme pluriannuel de programmation des moyens, avec des prévisions par discipline. Le conseil supérieur de la recherche et de la technologie a déjà souligné la nécessité d'anticiper et d'étaler dans le temps le renouvellement des effectifs, afin notamment de maintenir un très haut niveau de recrutement.
La démarche d'évaluation doit être une priorité dans la recherche, même si la complexité d'appréhension de l'ensemble des intervenants, des financements et des activités aboutit à un manque de cohérence globale. Pouvez-vous préciser à la Haute Assemblée, monsieur le ministre, les mesures que vous envisagez de prendre pour développer la culture de l'évaluation dans le monde de la recherche ?
S'agissant des chercheurs eux-mêmes, ils sont prêts au changement si on leur en donne les moyens. La mobilité, pour être généralisée, doit devenir un facteur valorisant en termes de carrière, et non un facteur discriminant. Les publications ne doivent plus être le seul critère de reconnaissance. La nouvelle directrice générale du CNRS, Mme Geneviève Berger, a décidé de mieux prendre en compte la mobilité et les transferts de technologies dans les carrières des chercheurs. Cette démarche devrait être généralisée, afin de faire évoluer les mentalités.
Pour conclure, je regrette vivement que la commission des finances, tout comme la commission des affaires culturelles et la commission des affaires économiques n'aient pas suivi leurs rapporteurs. Tous trois étaient pourtant enclins à émettre un avis favorable sur le projet de budget de la recherche pour 2001.
M. Gérard Delfau. Eh oui !
M. Serge Lagauche. Ce budget marque une inflexion par rapport aux années précédentes, particulièrement en matière de créations d'emploi. S'ajoutant à la constitution d'un ministère plein, au choix du site d'implantation du nouveau synchrotron, à la réforme interne du CNRS et aux premiers résultats encourageants de l'application de la loi sur l'innovation et la recherche, il constitue un signal positif en direction du monde de la recherche.
Mais tout n'est peut-être pas perdu, et ce n'est pas parce que Noël approche... (Sourires.)
Permettez-moi, mes chers collègues, de citer le titre d'un article, paru aujourd'hui dans un grand quotidien, relatif à une manifestation exemplaire : « Le Téléthon dopé par les succès de la recherche » ! En cette nuit exceptionnelle, où le hasard nous fait débattre de la recherche, contribuez vous aussi, comme de très nombreux Français en ce moment, à son succès, même si l'effort à fournir est important, en émettant un vote positif sur cet excellent projet de budget civil de la recherche présenté par M. Roger-Gérard Schwartzenberg ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. Lanier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Lanier.
M. Lucien Lanier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi d'abord de me réjouir du fait que nous ayons cette année comme interlocuteur un vrai ministre de la recherche. Nous l'appelions de nos voeux, le souhaitant capable, parce que responsable, de définir une politique de la recherche qui puisse tenir compte des exigences de la recherche fondamentale, autant que des besoins toujours croissants des applications de la recherche liées à des technologies en développement rapide et constant.
En renouant, encore trop faiblement, avec une certaine unité de la gestion de la recherche, serait-il possible d'imaginer le retour progressif vers l'organisation d'un grand ministère de la recherche considérée comme une priorité nationale et dotée de budgets en progression raisonnable, mais constante, seul moyen de s'adapter aux besoins réels, concertés et réfléchis ?
Pour avoir, parfois, débattu avec vous de ce thème, monsieur le ministre, je ne vous crois pas fort éloigné de sa conception.
Quoi qu'il en soit, votre budget progresse de 2,2 % par rapport à l'année précédente en dépenses ordinaires et crédits de paiement, soit 55,86 milliards de francs, et de 6,4 % en autorisations de programme, soit 24,3 milliards de francs.
Certes, cette augmentation constitue un progrès par rapport à l'année 2000 qui s'achève ; encore convient-il de constater, ainsi que le fait dans son remarquable rapport notre excellent collègue René Trégouët, que l'évolution du budget à structure constante est moins favorable que celle du budget à structure variable.
En tout état de cause, après avoir salué un certain progrès, notons que celui-ci demeure inférieur aux prévisions de la croissance économique, à laquelle participent de si près pourtant sciences et technologies.
Il n'est donc pas inutile de dire, et cela sans aucune acrimonie à votre égard, monsieur le ministre, qu'une importante contradiction subsiste entre la priorité rhétorique donnée à la recherche et l'insuffisance des moyens qui donneraient corps à cette priorité.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Excellente expression !
M. Lucien Lanier. Certaines inquiétudes semblent poindre lorsque l'on constate qu'environ un franc sur trois est consacré aux recherches proprement dites et que le reste va au fonctionnement, pour 10 %, et aux dépenses de personnel, pour 53 %. Voilà qui ne comble pas et même ne rattrape pas le retard pris par notre recherche depuis plusieurs années !
L'inquiétude est telle que le rapport de l'Académie des sciences, qui vous a été soumis le 24 octobre dernier, n'hésite pas à évoquer le risque d'une « marginalisation de la recherche française », sous le double impact du faible attrait de nos filières scientifiques et de la faiblesse des moyens.
Nous en sommes revenus à déplorer, comme autrefois, du temps où j'étais à la délégation à la recherche scientifique et technique, la fuite des cerveaux, à laquelle avait tenté de remédier en son temps la politique de la recherche, et cela au moment où l'Observatoire des sciences et des techniques constate qu'en 2005, 25 % des chercheurs en activité seront retraités et que la vague des départs persistera jusqu'en 2012.
Face à ces échéances, nous constatons la diminution constante des effectifs étudiants dans les filières scientifiques, en raison d'un manque d'attrait pour les carrières scientifiques. Certes, 5 505 francs net par mois, c'est-à-dire le SMIC net, quand on a entre vingt-quatre et vingt-huit ans, après cinq à huit années d'études supérieures, constituent une bien maigre incitation !
Mais il n'y a pas seulement la faiblesse des rémunérations ; il y a aussi le fait que beaucoup ne sont plus inspirés par l'enthousiasme que peut susciter une recherche française comparée à celle de l'extérieur, plus particulièrement à celle des Etats-Unis.
Je sais qu'un tel phénomène touche aussi l'Europe, plus particulièrement l'Allemagne, mais cela n'est guère propre à nous consoler.
A la vérité, la politique de recherche, depuis des années, a laissé filer cette déshérence, sans imaginer, entre autres vis-à-vis des étudiants, une politique de relève.
Il est vrai que certaines évolutions voulues par votre budget, monsieur le ministre, sont positives, entre autres la reprise des créations d'emploi, la priorité offerte aux technologies de l'information et des sciences du vivant, l'effort consenti en faveur du développement de l'Airbus gros porteur.
Mais, comme l'indique très clairement le rapport de notre excellent collègue René Trégouët, s'agit-il d'une simple embellie dans un ciel pluvieux, ou bien de la volonté de rétablir une continuité durable dans l'évolution de la politique de la recherche française ?
Vous le savez mieux que quiconque, monsieur le ministre, toute rupture de rythme dans le fil de la recherche constitue d'abord un handicap, ensuite une épreuve très difficile à surmonter, parfois fatale.
Or la recherche française a essuyé à son grand détriment, dans les dernières années, plus de ruptures qu'il n'était convenable.
La continuité, pourtant indispensable, de la politique de la recherche est incompatible avec les aléas de l'annualité budgétaire, surtout quand ladite politique est trop souvent dominée par des à-coups préférentiels.
C'est pourquoi je me réjouis de la reprise des très grands équipements, dont les moyens avaient été réduits de façon drastique par votre prédécesseur.
Parlons d'abord de celui que je crois indispensable à l'étude de l'infiniment petit, qui commande tant d'autres recherches fondamentales, à savoir le synchroton de troisième génération, dénommé SOLEIL, que vous avez pris la sage décision de construire sur le plateau de Saclay. Reste à définir les délais de sa mise en oeuvre autant que les modalités de sa gestion.
Il en va de même de la flotte océanographique de l'IFREMER, l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer, ainsi que des moyens de l'Institut français pour la recherche et la technologie polaire, qui partage, avec les Terres australes et antarctiques françaises, les TAAF, les bénéfices du développement accru de la recherche des sciences de la terre. J'évoquerai ici la station Concordia, ou les immenses services rendus par le Marion-Dufresne , navire polyvalent et bien utile à la tenue scientifique des archipels des Kerguelen. Je viens d'en constater l'excellente conception. Il est heureux que quelques touristes, particulièrement passionnés par les terres et les mers lointaines, permettent de compenser les faiblesses budgétaires et de contribuer à l'entretien de ce navire !
Cependant, l'un des points clés de votre budget concerne la politique spatiale. La subvention versée au CNES subit une amputation de 130 millions de francs, pour des motifs qui sont, à juste titre, semble-t-il, contredits par le Centre national des études spatiales, réduit à freiner son calendrier d'exécution à moyen terme.
C'est ainsi que des objectifs très importants vont subir les à-coups du ralentissement et, entre autres, notre contribution au programme Galileo, où nous laissons notre concurrent italien développer son champ d'action, avec les conséquences fâcheuses que nous connaîtrons ultérieurement.
Par ailleurs, voilà retardée aussi l'amélioration substantielle de la fusée Ariane V pour laquelle il paraît bien temps d'imaginer de nouvelles performances, si nous ne voulons pas, là aussi, être distancés par d'autres, et laisser la base de Kourou orpheline.
Qu'il me soit maintenant permis d'aborder un sujet qui nous tient à coeur, et que certains tabous semblent occulter afin de ne mécontenter personne : il s'agit du nucléaire et de l'un de ses principaux acteurs, le CEA.
Il paraîtrait, en effet, si l'on en croit les projets de fusion Cogema-Framatome, que l'on reviendrait à une plus saine conception du maintien de la présence indispensable de l'énergie nucléaire pour notre pays. Nous souhaiterions pourtant savoir s'il existe une réflexion politique sur ce problème pour prévoir les échéances, soit de prolongation, soit de remplacement des centrales existantes et de maintien de leur sécurité.
Il est à prévoir que les échéances de démantelement de centrales se rapprochent. Or le CEA est l'un des acteurs les plus concernés par la filière nucléaire. Evidemment, rompant avec une attitude négative à son égard, vous lui rendez cette année, je le reconnais, une évolution positive qui permettra dans une certaine mesure d'effacer les mauvais et trop nombreux à-coups dont il fut l'objet. Mais s'agit-il d'une satisfaction momentanée ou durable ? Là aussi, nous souhaiterions une réponse courageuse qui tienne compte plus de l'intérêt général que des sentiments particuliers.
Enfin, monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire comment notre politique de recherche française peut se coordonner, mieux, s'harmoniser avec une politique européenne qui semble avoir un urgent besoin d'une meilleure cohésion, sans que soient affectées ni la personnalité ni l'originalité d'une politique française de la recherche ?
Pour conclure mon propos, puis-je vous répéter, monsieur le ministre, que nous sommes parfaitement conscients de la difficulté de votre tâche, au carrefour des intérêts et des sentiments, des priorités et des nécessités, des besoins et des moyens ? Parce que la recherche est passionnante, elle est aussi passionnée.
Je ne vous dirai donc pas, comme ce grand chercheur pointant son index sur le président Pompidou : « Nous aurons satisfaction si les dieux le veulent », et s'attirant cette réponse : « Monsieur le professeur, avant les dieux, les anciens plaçaient le destin ».
C'est bien du destin de notre recherche dont il est question au travers de son budget d'aujourd'hui. Au-delà de la valse des chiffres, c'est la clarté d'une véritable politique de la recherche que nous espérons et qui, seule, peut assurer l'intelligence des priorités, l'équité des répartitions et surtout l'indispensable continuité des politiques qui orientent la recherche fondamentale, comme la recherche appliquée.
Monsieur le ministre, votre effort d'ouverture est réel, mais nous restons un peu sur notre faim quant à la définition d'une saine politique, cohérente, courageuse, et dont la logique devrait attirer les moyens.
Nous en sommes encore loin, et c'est la raison pour laquelle nous rejoindrons les conclusions de M. le rapporteur spécial et de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, ainsi qu'au banc des commissions.)
M. Gérard Delfau. A regret quand même !
M. le président. La parole est à M. Maman.
M. André Maman. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la recherche pour 2001 affiche une croissance de 2,2 %. A première vue, il s'agit d'une amélioration sensible, après trois années de « vaches maigres ».
Néanmoins, en dépit des déclarations ronflantes sur « l'innovation, moteur de notre économie », la recherche ne fait pas partie des priorités du Gouvernement. C'est un des ministères dont le budget progresse le moins. En outre, si on retranche, comme on l'a déjà dit, les crédits affectés à l'Airbus A3XX, la progression budgétaire est inférieure aux 2,2 % annoncés.
La structure de votre budget, monsieur le ministre, demeure inquiétante. En effet, un franc sur trois va directement aux activités de recherche proprement dites, là aussi on l'a dit, le reste étant consacré au fonctionnement et aux dépenses de personnel.
Pour autant, j'estime que vos priorités vont dans le bons sens.
Le renforcement des crédits de fonctionnement des laboratoires est poursuivi, notamment dans les établissements publics scientifiques et technologiques.
Les autorisations de programme en faveur des organismes de recherche connaîtront, en 2001, une progression moyenne de 2,8 %, celles des établissement publics à caractère scientifique et technologique de 10 %, contre 8,5 % sur la période 1997-2000.
La deuxième priorité est consacrée à l'emploi : il s'agit de répondre, d'une part, au vieillissement de la recherche et, d'autre part, à la difficulté des jeunes chercheurs à s'insérer dans notre appareil de recherche. Je note la création de 305 emplois dont 265 dans les établissements publics scientifiques et technologiques - 130 postes d'ingénieurs, techniciens et administratifs, les ITA, et 135 postes de chercheurs - afin de répondre aux nombreux départs à la retraite qui se profilent.
La répartition de ces créations de postes bénéficie, cependant, de façon inégale aux différents centres de recherche : 116 postes pour l'INRIA, 74 pour l'INSERM et 70 pour le CNRS.
La troisième priorité est la dynamisation des disciplines prioritaires que sont les sciences du vivant, les sciences et technologies de l'information et de la communication, ainsi que l'environnement et l'énergie. Symbole de cette nouvelle orientation, le CNRS va créer une direction des sciences de l'information et de la communication.
Les effectifs des organismes de recherche qui travaillent dans le secteur des sciences et technologies de l'information vont être accrus de 25 % en cinq ans. En outre, le budget de l'INSERM va connaître une hausse, hors personnel, de 16 % de ses moyens. Une part importante de l'augmentation des autorisations de programme du fonds national de la science, qui passe de 700 millions de francs à 885 millions de francs, servira à financer les recherches en génomique-post-génomique.
La quatrième priorité est le soutien à l'innovation et à la recherche industrielle. Sur ce point, on ne peut que vous approuver, monsieur le ministre. Comme vous, je crois qu'il est fondamental de rapprocher les recherches publiques et privées, afin que la France continue à avancer dans les secteurs de pointe.
Les soutiens à la recherche industrielle progressent de 9 %, de façon notamment à financer les douze réseaux de recherche et d'innovation technologiques, fondés sur le partenariat entre laboratoires publics et privés, et les vingt-neuf incubateurs destinés à accompagner et à soutenir les porteurs de projets de création et de développement d'entreprises innovantes.
Par ailleurs, la loi sur l'innovation et la recherche a permis de porter le nombre de créations d'entreprises par des chercheurs de vingt par an à plus de cent en 2000, ce qui est un signe extrêmement encourageant.
Pour autant, monsieur le ministre, votre budget permettra-t-il de donner un nouvel élan indispensable à la recherche et à l'innovation ?
Ce budget, en faible croissance, et marqué par une forte rigidité des dépenses, ne nous permet pas encore de rattraper nos partenaires et concurrents étrangers les plus actifs, ni même de rester dans la course, alors que la plupart d'entre eux accentuent leur effort de recherche. Ce n'est certainement pas avec une augmentation, en 2001, de 2,2 % du budget de la recherche que la France va conforter sa place dans le peloton de tête des grandes nations innovantes.
Les Etats-Unis, qui exercent déjà sur le reste du monde une domination scientifique et technologique sans partage - on en a beaucoup parlé - , n'ont pas hésité à programmer une croissance de 3 % de leur budget en 2001. Le retard pris sur le Japon et les Etats-Unis continue de se creuser dangereusement. En effet, en 1999, ces deux pays ont consacré respectivement 3 % et 2,8 % de leur PIB à la recherche et au développement technologique, alors que la France ne consacrait que 2,1 %.
Avec un effort de recherche aujourd'hui égal à 2,2 % du PIB, la France est au troisième rang de l'Union européenne, derrière la Suède, qui y consacre 3,9 %, et la Finlande, 2,9 %. Autre chiffre éclairant : les Etats-Unis sont les premiers en termes de dépenses de recherche par habitant. Ainsi, en 1997, par rapport à un indice 100, les dépenses s'élevaient à 146 aux Etats-Unis, à 130 au Japon et à 100 en France et en Allemagne.
Or seule l'innovation est garante de la compétitivité et donc de la rentabilité. Le lien entre innovation et croissance passe nécessairement par la recherche. Quelques chiffres permettent de s'en convaincre : la croissance du marché mondial des technologies de l'information a été deux fois plus vigoureuse que celle du PIB entre 1987 et 1995, et, dans l'ensemble des pays de l'OCDE, sur la même période, seul le secteur des hautes technologies a vu l'emploi croître de 3 %.
Par ailleurs, monsieur le ministre, votre projet de budget ne résout pas l'inquiétant problème du vieillissement du monde de la recherche.
Le phénomène est connu et paradoxal : l'âge moyen des chercheurs est actuellement de quarante-six ans alors que, dans le même temps, nous constatons une file d'attente de jeunes docteurs qui ne trouvent pas facilement à s'insérer dans l'appareil de recherche. Ce problème a déjà été souligné par des orateurs qui m'ont précédé.
Bien que l'âge moyen des 25 000 agents du CNRS a baissé en 1999 pour la première fois depuis dix ans, l'évolution constatée n'est pas remise en cause. L'âge moyen des chercheurs n'a cessé de croître durant dix années, passant de quarante-trois ans et huit mois à quarante-six ans et huit mois en 1998.
Avant la fin de cette décennie, un chercheur sur deux aura atteint l'âge de la retraite. Certaines disciplines comme les sciences sociales, la physique, la chimie, les sciences de l'univers ou la médecine seront plus durement touchées que d'autres.
La pyramide des âges du CNRS illustre ce phénomène : la classe des cinquante ans à cinquante-quatre ans y est la mieux représentée devant celle des cinquante-cinq ans à cinquante-neuf ans. Résultat : 58,4 % des personnels atteindront la limite d'âge au cours des vingt prochaines années.
Les 265 emplois prévus par le projet de budget ne permettront pas d'enrayer cette évolution. En effet, le nombre total des postes proposés aux jeunes diplômés dans les organismes de recherche ou dans l'enseignement supérieur sera en diminution l'an prochain, en raison d'un moindre recrutement d'enseignants-chercheurs.
Moi qui suis sénateur des Français de l'étranger, et qui ai vécu dans un campus américain, j'ai vraiment pu faire la différence entre le système français et le système américain et mesurer à quel point la recherche était favorisée aux Etats-Unis.
Aux Etats-Unis, le secteur de la recherche bénéficie de fonds tant publics que privés qui arrivent en masse, car les grandes entreprises éprouvent d'autant moins de honte à verser de l'argent à une université - surtout une université dont sortent certains de ses personnels - qu'elles savent qu'elles en retireront des bénéfices. Elles accueillent donc les jeunes chercheurs à bras ouverts, leur offrent des conditions de vie agréable en leur procurant un appartement, en proposant un emploi à leur épouse, en s'occupant de leurs enfants. En outre, les sommes ainsi versées sont déductibles des impôts.
Même si la majorité des chercheurs sont américains, on trouve dans le secteur de la recherche des personnes de tous les pays qui apportent ainsi leur intelligence et leur savoir-faire. Ils vont souvent d'une université à l'autre, et la collaboration qu'ils apportent est intense. Il faut avoir vécu dans un campus pour comprendre le bouillonnement de la recherche en Amérique ! On dit que les Anglo-Saxons font plus que nous, mais il faut voir les conditions dans lesquelles la recherche est entreprise, et ce parce qu'ils savent qu'elle est capitale.
Cela a pour conséquence une dangereuse fuite de nos cerveaux, car on trouve des jeunes Français dans toutes les universités américaines, où ils ont la possibilité de conduire leurs propres recherches tout en ayant un pied à l'extérieur. Des prix Nobel enseignent par exemple trois heures par semaine dans une université et travaillent aussi dans les grandes entreprises. Il y a en quelque sorte un courant continu de recherche. Voilà des exemples qu'il conviendrait d'imiter, mais encore faut-il que nous quittions notre carcan d'anciennes contraintes pour y parvenir !
Cette fuite des cerveaux à laquelle nous assistons est dangereuse. De nombreux post-doctorants décident, chaque année, de poursuivre leurs recherches à l'étranger. Si la mobilité des chercheurs doit être renforcée, car elle est source de nombreux enrichissements, il convient également de mettre en place des bourses de retour pour ceux qui veulent revenir mais qui ne sont pas sûrs de trouver ce qui leur convient, car la France n'a pas vocation à financer, nous l'avons dit, la formation des jeunes chercheurs pour le bénéfice d'autres économies !
La situation des étudiants chercheurs encourage également cette fuite. Le montant de l'allocation de recherche avait été fixé, en 1991, à 7 500 francs. Ce montant est inchangé en l'an 2000.
Il y a une contradiction évidente entre le souhait de l'Etat de faire de la formation doctorale le futur vivier de la recherche scientifique et la dévaluation de fait de cette formation. Comptez-vous, monsieur le ministre, revaloriser l'allocation de recherche pour que la recherche française dispose enfin de scientifiques de qualité ?
Au-delà d'une simple augmentation des crédits consacrés à la recherche, ce sont sans doute une meilleure efficacité et une meilleure répartition du budget qui doivent être recherchées.
Je crois indispensable de desserrer encore le corset réglementaire et comptable qui étouffe une recherche dont les évolutions rapides, les partenariats multiples et les besoins originaux s'accommodent mal.
Il convient de mieux exploiter les autres ressources que les crédits budgétaires. Les partenariats doivent être recherchés, y compris avec l'étranger. De ce point de vue, la baisse du nombre de partenariats étrangers, intervenue depuis 1997, est bien préoccupante, même si elle est quelque peu compensée par la coopération communautaire.
Le rôle du secteur privé est évidemment majeur. L'essentiel est d'assurer la cohérence des actions de recherche.
En réalité, il faut apprendre à dépenser mieux. Confrontée à la compétition internationale, la recherche française manque de souplesse et de réactivité. Pour éviter de se laisser distancer dans des secteurs stratégiques, les structures de recherche doivent être capables de réaffecter rapidement leurs ressources humaines.
Il convient également de favoriser une meilleure exploitation du potentiel de recherche. Si les moyens nationaux ne sont pas négligeables, ils risquent de se révéler insuffisants pour couvrir l'ensemble des domaines de pointe. En 1995, la recherche des Etats-Unis était équivalente à celle des pays du G7. C'est en raison de tels écarts que le rapport a recommandé une discrimination en faveur des secteurs de la recherche.
A l'échelon européen, il faut encourager la mobilité des chercheurs et mettre davantage en réseau les actions européennes. Il reste également beaucoup à faire en matière de brevets européens. Il n'existe toujours pas de brevet unique. On est encore loin d'une véritable délégation de pouvoirs par les instances nationales qui, seule, permettrait la délivrance d'un véritable brevet européen. Cette mesure simplifierait radicalement des procédures actuelles.
Compte tenu de ces observations, je ne pourrai pas, monsieur le ministre, voter ce budget, même s'il comprend un certain nombre de points positifs. (Applaudissements sur les travées du RPR et au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Revol.
M. Henri Revol. Dernier orateur inscrit, permettez-moi, monsieur le ministre, de vous emmener un instant dans l'espace.
Le 4 mai dernier, présentant les grandes orientations qui devaient, selon vous, guider la politique de la recherche, vous faisiez à juste titre de la politique spatiale l'une des dix priorités de votre action. Sept mois plus tard, le moment est venu de mesurer la réalité de cette volonté à l'aune des faits.
La dimension stratégique de l'espace n'est plus à démontrer. « Qui tient les hauts tient le bas », disait déjà Clausewitz. Dans un même ordre d'idée, nous pouvons considérer que celui qui maîtrise l'espace tient pour une bonne part la planète. Qu'il s'agisse de la défense, de la science et, bien entendu, des télécommunications, de l'observation de la terre, de la surveillance de l'environnement, les moyens spatiaux ont démontré qu'ils étaient essentiels, pour ne pas dire fondamentaux, dans l'affirmation d'une réelle souveraineté politique.
Sans l'effort français, l'Europe spatiale n'existerait pas. Sans la contribution financière et technique du CNES, jamais le programme Ariane, qui - faut-il le rappeler ? - permet d'assurer à notre continent son autonomie d'accès à l'espace - et de quelle manière ! - n'aurait vu le jour. Sans le volontarisme politique de toutes les majorités confondues et successives, la France ne maîtriserait pas l'ensemble des techniques spatiales.
M. Pierre Laffitte. Très bien !
M. Henri Revol. Toute l'aventure spatiale est gouvernée par des impulsions politiques. Vous l'avez bien compris puisque, au crédit de votre arrivée à la tête du ministère de la recherche, il faut porter plusieurs décisions favorables à la cause de l'espace.
Avec habileté, vous avez dépassé la querelle théologique sur les vols habités en vous rendant à un principe de réalité : puisque l'International Space Station, l'ISS, existe, puisque nous y participons, essayons de tirer le meilleur parti de cette station spatiale internationale sans accepter de dérive financière.
Avec fermeté, vous avez réaffirmé la participation de la France et du CNES au programme ambitieux et exaltant d'exploration martienne.
Notons aussi que c'est sous votre autorité que le CNES a pu relancer le programme d'astronomie de recherche d'exoplanètes COROT - Convection, Rotation et Transits planétaires - et trouvé des solutions au démarrage du nouveau programme d'observation de la Terre, Pléiades, qui doit renforcer la synergie civilo-militaire et combiner l'optique et l'imagerie radar. Ce sont là, en effet, autant de signes positifs dont nous pouvons tous nous réjouir.
Félicitons-nous enfin du soutien déterminant que vous apportez, dans le cadre de la présidence française de l'Union, à l'initiative GMES - Global Monitoring for Environment -, cette judicieuse architecture spatiale d'un service public européen pour la préservation de l'environnement, la gestion des risques naturels et la surveillance planétaire à l'échelle mondiale.
Et ce sont justement ces évolutions, jusque-là pertinentes, qui rendent, par contraste, d'autant plus décevante la part spatiale du BCRD, le budget civil de recherche et de développement technologique, qu'il nous est donné de discuter ce soir. Comme vous le savez, le budget de la NASA s'élève à 13,5 milliards de dollars, soit 100 milliards de francs, le budget spatial du ministère de la défense américain dépasse 15 milliards de dollars, soit 113 milliards de francs. En Europe, la situation est largement différente malheureusement : les dépenses publiques consacrées à l'espace sont cinq fois inférieures à celles des Etats-Unis.
Comme le remarquait dans un article récent le professeur Blamont : « Peut-on imaginer l'Europe, la France sans une activité spatiale de haut niveau ? Poser la question, c'est y répondre. La nécessité de maîtriser le flux d'information est aujourd'hui acceptée par les plus obtus comme un impératif stratégique s'imposant à toutes les nations qui comptent jouer un rôle sur la scène du monde. »
Nul n'ignore plus aujourd'hui que les Etats-Unis, avec qui nous entretenons par ailleurs de véritables et fructueux liens de coopération dans le secteur spatial, sont engagés dans un processus de lutte contre l'influence européenne dans tous les domaines spatiaux.
Notre lanceur européen Ariane V est le premier visé par la mise au point, largement et confortablement subventionnée, de nouvelles gammes de lanceurs par Boeing et Lockheed Martin.
Dans le domaine des télécommunications et des nouvelles technologies d'information et de communication, la stratégie clairement exprimée des Etats-Unis est celle de la « dominance » de la maîtrise du flux d'information que j'évoquais. Notre excellent collègue M. Laffitte le soulignait, et vous pouvez constater que, dans la terminologie même, leur « dominance » nous envahit.
En clair, il s'agit, pour eux, de répandre sur le monde entier leur schéma culturel et économique. L'outil spatial, notamment grâce aux satellites géostationnaires de télécommunications, est un instrument privilégié de cette politique. Sans se placer dans l'optique d'un affrontement, l'Europe doit absolument veiller à ne pas laisser s'installer un modèle culturel, social et économique unique.
N'oublions pas, par ailleurs, que, d'un point de vue strictement technique, notre dépendance est déjà très forte : même en dehors des problèmes stratégiques éventuels que pose l'utilisation du système américain de positionnement GPS par les forces européennes de défense, il faut savoir que l'horloge du GPS, calée sur le temps universel, est utilisée pour de multiples applications civiles.
Si le signal GPS est brouillé ou interrompu par accident, les communications téléphoniques mobiles, aussi bien que les transactions financières seront interrompues immédiatement, avec les conséquences économiques que l'on peut imaginer. Le programme Galileo peut être une solution. Il suppose que l'Europe spatiale soit déterminée.
Enfin, en ce qui concerne la surveillance des traités internationaux de protection de l'environnement, on ne peut envisager de laisser une puissance unique, quelle qu'elle soit, l'assurer. Là encore, les pays européens doivent être présents en fédérant leurs efforts.
Or l'Europe spatiale est le seul domaine de l'Union où la France pèse 50 %. Et la réussite de la politique spatiale française est indissociablement liée au rôle du CNES.
Dès lors, la baisse des crédits du CNES, pour la deuxième année consécutive, est inquiétante, et ce pour trois raisons.
D'abord, les impératifs de temps propres à l'activité spatiale sont incompatibles avec les à-coups budgétaires. On sait bien qu'il faut très longtemps pour préparer un programme.
Ainsi, les premières études relatives à Ariane V ont été engagées dès la fin des années soixante-dix ; la décision de lancer le programme a été prise à la conférence interministérielle de La Haye en 1987, et le premier lancement a été réalisé en juin 1996. Il en a été de même pour les satellites SPOT, les satellites pour l'observation de la terre.
Ces activités de très longue haleine du CNES ne peuvent s'accommoder d'un mode de financement qui serait brutalement remis en question lors de chaque exercice budgétaire.
Le recours à la technique budgétaire des autorisations de programme, conformément à la définition qui en est donnée dans l'ordonnance du 2 janvier 1959, est le moyen a priori le mieux adapté pour assurer, dans la durée, la gestion financière de ces projets, puisque, en principe, chaque projet se voit doté, dès le départ, d'une enveloppe prévisionnelle de crédits dont le volume correspond à son montant global, les crédits de paiement venant couvrir les dépenses effectives au fur et à mesure.
Dès lors que l'usage de cette technique a été, dans les faits, détourné de son objet et que l'horizon budgétaire du CNES se réduit à la loi de finances de l'année, la conduite de grands projets ne peut être menée à bien qu'à la condition, pour l'établissement, de disposer d'un minimum de garantie sur l'évolution prévisible des crédits de paiement qui lui seront alloués dans le cadre de ses futurs budgets. Ce n'est malheureusement pas le cas depuis plusieurs années.
Ensuite, la France est le moteur de l'Europe spatiale et son niveau d'engagement financier est déterminant pour entraîner ses partenaires de l'ESA, l'Agence spatiale européenne.
La construction de l'Europe spatiale a largement reposé sur la volonté politique très forte dont la France a depuis longtemps su faire preuve. Cette volonté, nourrie par une vision programmatique claire et cohérente, s'est trouvée confortée par le niveau des engagements financiers auxquels la France a consenti pour que soit menée à bien cette grande ambition.
Or cette construction commune est, ainsi que je l'ai montré, indispensable dans le contexte international actuel.
Au sein de l'Europe spatiale, la France doit continuer à être un moteur puissant, à assumer un rôle conforme à ses potentialités techniques et industrielles, ainsi qu'à ses ambitions.
Enfin, le budget 2001 aurait dû répondre à la nécessité de relancer la politique scientifique et technologique du CNES et d'engager les programmes en préparation pour poursuivre le renouvellement de la politique spatiale de la France.
Au-delà de la conduite des programmes en cours de développement ou d'achèvement, le CNES doit relancer et développer sa politique scientifique et technologique et les applications de l'espace. L'ensemble de cette politique permettrait de couvrir le champ des besoins et des enjeux auxquels la France se doit de répondre.
A ces objectifs répondent des programmes scientifiques, tels que MARS et PHARAO, ou technologiques pour des lanceurs, tels que P 80 pour des petits satellites à coût réduit, tels que COROT, et pour la recherche et développement en télécommunication spatiale, ainsi que des programmes d'application en ce qui concerne la navigation par satellite - GALILEO - et l'observation de la terre, avec PLÉIADES.
Ces programmes sont indispensables si le Gouvernement veut que le CNES garde son niveau d'excellence et puisse proposer à la France et à l'Europe des solutions spatiales à des problèmes « terrestres ».
L'an passé, à cette même époque en cette même enceinte, j'avais tenu les propos suivants : « Monsieur le ministre, je ne vous pousse pas à la dépense, je ne vous réclame que la constance. Je ne vous demande pas d'augmenter substantiellement le budget du CNES. Je vous demande seulement de vous engager à garantir sa stabilité, condition sine qua non des succès de la politique spatiale française et européenne. »
Je n'ai rien à changer ni à ajouter, ce soir, si ce n'est, monsieur le ministre, que j'espérais, cette année, être mieux compris. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE).
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme l'a fait M. Lagauche avec beaucoup de sensibilité, je voudrais évoquer l'intérêt particulier que portent nos concitoyens au problème de la recherche en cette période de Téléthon. Leur intérêt va très directement et très naturellement vers la recherche biomédicale, mais celle-ci n'est qu'une partie, partie certes très importante, de l'effort de recherche de la France.
Je crois que cette politique de la recherche, dont nous partageons tous l'ambition, à quelque famille politique que nous appartenions, est une politique - certains orateurs l'ont rappelé - qui a souvent eu pour vertu de dépasser et de transcender les clivages, parce qu'elle tient à l'intérêt national lui-même.
J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les différents orateurs. Je remercie ceux qui, comme Ivan Renar, Serge Lagauche et Pierre Laffitte, ont bien voulu exprimer leur soutien à la politique budgétaire que j'ai l'honneur de présenter.
J'ai écouté également avec beaucoup d'intérêt les rapports présentés, l'un par M. Laffitte, les autres par MM. Trégouët et Rausch. Ces rapports sont fort intéressants et comportent des analyses très pertinentes. Sur leurs conclusions, je ne porterai pas de jugement particulier. Elles étaient peut-être empreintes d'une certaine prévisibilité. Mais y a-t-il une fatalité de la prévisibilité dans un domaine comme la recherche ? Je livre également ce sujet à votre réflexion...
Je vais évoquer rapidement les grandes lignes de ce projet de budget, les rapporteurs, ainsi que de nombreux intervenants les ayant présentées de manière remarquable. Je rappellerai simplement, après eux, que ce budget marque, en dépenses ordinaires et en crédits de paiement, une progression de 2,2 % par rapport à 2000 alors que le BCRD pour 2000 avait progressé de 1,3 % par rapport à 1999.
Cette progression représente une inflexion significative par rapport aux années précédentes. Elle constitue l'augmentation la plus forte de ces cinq dernières années, puisque le BCRD a augmenté en moyenne de 0,9 % par an entre 1995 et 2000. Elle constitue également une augmentation forte par rapport aux dépenses de l'Etat et des autres ministères. En effet, pour la première fois depuis cinq ans, le BCRD augmentera plus vite que la moyenne des dépenses de l'Etat. Mais l'inflexion est encore plus forte par rapport aux autorisations de programme puisque celles-ci progresseront dans ce projet de budget de 6,4 % alors que leur progression moyenne avait été de 1,5 % par an depuis 1997.
Je voudrais à ce propos rassurer M. Pierre Laffitte et lui indiquer que les autorisations de programme seront bien couvertes par les crédits de paiement en 2001, puis en 2002 et 2003, ce qui est évidemment une nécessité tout à fait impérieuse.
Je vais maintenant évoquer brièvement les priorités que compte ce budget.
La première de ces priorités est la politique de l'emploi scientifique, sur laquelle MM. Lagauche et Renar ont particulièrement mis l'accent.
Il faut en effet rajeunir la recherche pour la renouveler. Il faut soutenir les jeunes chercheurs.
Nombre d'entre vous ont insisté sur le décalage qui existe entre, d'un côté, le vieillissement de l'âge moyen des chercheurs et des enseignants chercheurs et, de l'autre, le phénomène de « file d'attente » de « doctorants » et surtout de jeunes docteurs qui éprouvent bien des difficultés à s'insérer dans notre appareil de recherche.
Pour remédier à cette situation qui est préjudiciable au renouvellement de la recherche, il est indispensable de définir avec volontarisme une véritable politique de l'emploi scientifique.
La prochaine décennie constitue un moment privilégié pour cette opération de jouvence, compte tenu des départs massifs à la retraite qui interviendront entre 2004 et 2010.
Mais nous devons, dès 2001, anticiper les départs à la retraite, notamment pour éviter de nouveaux « coups d'accordéon » dans les recrutements et pour maintenir un recrutement de qualité avec le potentiel de thésards et de jeunes docteurs actuellement disponible. En effet, à l'avenir, ce vivier risque de se réduire avec la modification de la démographie étudiante, la moindre attractivité des filières scientifiques et la concurrence de l'industrie. La reprise - très positive ! - de l'activité économique peut conduire une partie des doctorants potentiels à prendre un emploi dans le secteur privé à l'issue de la maîtrise ou du DEA, au lieu de poursuivre jusqu'à la thèse.
Pour la première fois, ce budget pour 2001 engage donc une gestion prévisionnelle et pluriannuelle des effectifs, gestion sur laquelle plusieurs orateurs, notamment MM. Ivan Renar et Serge Lagauche, ont mis l'accent.
Le budget prévoit en effet la création de 305 emplois, dont 265 dans les établissements publics scientifiques et technologiques, les EPST.
Ces créations d'emplois sont nettement plus importantes que dans les budgets précédents : on en comptait 150 au budget pour 1999 et 18 au budget pour 2000.
Ces créations d'emplois ont un triple objectif : engager une gestion prévisionnelle et pluriannuelle des effectifs ; renforcer les effectifs dans les disciplines prioritaires ; enfin, offrir aux jeunes docteurs plus de débouchés dans la recherche publique.
L'augmentation du nombre de post-docs en situation d'attente de postes et « leur expatriation », importante dans certaines disciplines, nous posent à tous un problème. C'est pourquoi, outre les créations d'emplois importantes prévues au budget pour 2001, j'ai lancé récemment, à l'occasion du colloque de Lyon portant sur « l'émergence d'un espace européen de l'innovation », une initiative pour contribuer à répondre à ce problème. J'ai demandé que l'Agenge nationale de valorisation de la recherche, l'ANVAR, en liaison avec nos ambassades, mette en relation les post-docs installés à l'étranger avec les PME innovantes françaises que cette agence soutient et qui ont souvent besoin d'un renfort en compétences et en matière grise.
Me référant aux chiffres de l'observatoire des sciences et des techniques l'OST, qui ont souvent été cités, je soulignerai que les créations d'emplois de chercheurs et de personnel ITA prévues dans les EPST pour 2001 correspondent, à l'unité près, au nombre d'emplois nécessaire pour anticiper les départs à la retraite des années 2001 à 2010.
D'après les chiffres communiqués par l'OST, en effet, les départs à la retraite de chercheurs vont s'élever à 470 par an, en moyenne, de 2001 à 2010. Le nombre de départs à la retraite prévu pour 2001 étant de 340, c'est bien 130 emplois de chercheurs qu'il fallait créer en 2001 de façon à recruter au-delà de ce que permettraient les départs à la retraite en cette même année 2001.
Je précise qu'il ne s'agit pas d'un simple scénario de lissage, qu'il ne s'agit pas de créations d'emplois en surnombre qui serait ensuite supprimés : il s'agit dans notre esprit de créations définitives d'emplois.
Notre seconde priorité est le renforcement, très significatif, me semble-t-il, des moyens de fonctionnement et d'investissement des laboratoires.
Il est indispensable d'accompagner la progression des effectifs de chercheurs et d'enseignants-chercheurs par l'augmentation des crédits des laboratoires. Il ne servirait à rien de recruter des chercheurs et des enseignants-chercheurs qui n'auraient pas les moyens matériels de travailler. Ce qui est en jeu avec le renforcement du soutien de base des laboratoires, c'est la vie quotidienne de ces laboratoires, qui doivent disposer des crédits nécessaires pour travailler efficacement.
De même, il faut renforcer les moyens d'investissement des organismes de recherche comme des universités. Pour les uns comme pour les autres, les autorisations de programme progressent fortement. Celles des EPST progressent ainsi de 10 % pour la seule année 2001, alors qu'elles avaient progressé de 8,5 % pour l'ensemble de la période 1997-2000. Leurs crédits de paiement augmenteront, quant à eux, de 6,9 % en 2001, ce qui montre, pour répondre à Pierre Laffitte, qu'il n'y a pas d'impasse financière créée sur l'avenir.
Cette forte augmentation prévue au budget pour 2001 permet de renforcer le soutien de base des laboratoires et d'accroître fortement les moyens d'investissement des établissements, qu'il s'agisse du CNRS, de l'INSERM, de l'INRIA, de l'INRA, etc. Pour le CNRS, ces moyens sont destinés au centre de calcul IDRIS et au synchrotron de troisième génération.
MM. Lanier, Lagauche, Renar et Rausch ont bien voulu dire qu'il avait été opportun de prendre la décision de créer ce synchrotron. Certains se sont interrogés sur la localisation de cette source de rayonnement synchrotron de troisième génération. C'est la solution la plus rapide et la moins coûteuse qui a été retenue, quelle que fût la qualité des dossiers présentés par d'autres régions, en particulier par la région Nord - Pas-de-Calais.
C'est notamment la raison pour laquelle nous travaillons en liaison avec le conseil général du Nord - Pas-de-Calais à la prise de mesures destinées à accompagner, en plus des dispositions qui sont prévues dans le contrat de plan Etat-région, l'effort de recherche très important qui est consenti par ce conseil général.
S'agissant des EPIC, l'inscription d'une autorisation de programme de 69 millions de francs au titre du renouvellement de la flotte de recherche océanographique est, me semble-t-il, un élément positif : elle permettra à l'IFREMER, comme René Trégouët l'a noté dans son rapport, d'engager la commande d'un nouveau navire financé conjointement avec le ministère de la défense.
D'ailleurs, en ce qui concerne ce que certains ont joliment nommé les « campagnes touristiques » du Marion-Dufresne, je préciserai que celles-ci ont lieu pendant la période où le navire est utilisé par les TAAF et non pendant la période où il l'est par l'Institut français pour la recherche et les technologies polaires, l'IFRTP, qui dépend du ministère de la recherche.
C'est sans doute aussi l'occasion de mieux faire connaître ces terres polaires à plusieurs de nos concitoyens, ainsi qu'à des personnes d'autres pays.
La recherche universitaire, dont j'ai aussi la responsabilité, connaît également une progression de 10 % des autorisations de programme. Cette forte progression permettra de mettre en oeuvre le plan U3M et les contrats de plan Etat-région.
La troisième orientation vise à dynamiser les disciplines prioritaires : les sciences du vivant et les sciences et technologies de l'information et de la communication.
Au travers des différentes interventions s'est dessiné un consensus assez large sur ces deux priorités, en particulier sur les sciences du vivant. Les 265 créations d'emplois dans les EPST permettront de renforcer les sciences du vivant avec 74 emplois créés à l'INSERM, dont le budget, hors personnel, est en progression de 16 % cette année.
Le renforcement de l'effort en faveur des sciences et technologies de l'information et de la communication se manifeste notamment par la création, à l'INRIA, de 116 emplois. Par ailleurs, sur les 70 emplois créés au CNRS, plusieurs iront au département dédié à cette discipline et créé récemment par le CNRS.
S'agissant des STIC, je tiens à mettre l'accent sur la volonté de réussir le passage à la société de l'information. Conformément aux décisions arrêtées par le comité interministériel pour la société de l'information, le CISI, les effectifs des organismes de recherche publique consacrés aux STIC seront accrus de 25 % en cinq ans.
Dans le détail, le projet de budget prévoit un effort considérable pour rattraper notre retard dans les STIC et être au premier rang des pays européens en ce qui concerne l'Internet du futur, les mobiles de deuxième génération et le multimédia.
Je souhaite ici détailler un peu les grands axes de cet effort et rassurer M. Laffitte, qui connaît admirablement ce domaine, sur la coordination nécessaire entre tous les acteurs de la recherche en STIC : cette coordination se met en place entre l'INRIA, le CNRS, mais aussi le CEA, de façon à pallier le retrait de France Telecom dans certains secteurs de la recherche fondamentale.
Pour ce qui est de la recherche fondamentale, le contrat quadriennal Etat-INRIA, que j'ai signé avec le secrétaire d'Etat à l'industrie le 18 juillet dernier, prévoit que les effectifs de cet institut seront portés de 755 à 1180 personnes d'ici à 2003. Cela permettra à l'INRIA d'amplifier ses recherches sur les infrastructures numériques, les nouvelles applications du web, les logiciels sûrs ou la simulation virtuelle, c'est-à-dire sur la partie plutôt logicielle des recherches en STIC.
De même, le CNRS vient de mettre en place un département des sciences et technologies de l'information et de la communication couvrant la partie tant logicielle qu'équipement de la recherche en STIC. Dès 2001, une quarantaine de postes de chercheurs et d'ITA seront créés afin de renforcer les moyens du CNRS dans ce champ disciplinaire, et plus de 25 millions de francs de mesures nouvelles y seront consacrés.
Enfin, le CEA, dont la dotation augmente de 3,4 %, consacrera des moyens accrus à la recherche dans les micro-technologies et les microprocesseurs, où il a acquis une position de pointe.
Je rappelle les ACI consacrées à la cryptologie et à la photonique, et nous y ajouterons une nouvelle ACI consacrée aux mégabanques de données.
S'agissant de la recherche appliquée, les moyens d'intervention des réseaux de recherche et d'innovation technologique dans ce domaine des STIC - télécommunications, technologies logicielles, micro et nanotechnologies - seront accrus grâce à l'augmentation du FRT le fonds de la recherche et de la technologie. Le montant du FRT consacré aux STIC passera de 190 millions de francs à 250 millions de francs.
Nous créerons également, en 2001, un nouveau réseau de recherche technologique dédié au multimédia : créer la société de l'information exige, certes, de bâtir les infrastructures nécessaires, mais aussi de réfléchir sur les contenus qui peuvent être diffusés par leurs intermédiaires.
Enfin, je rappelle que j'ai installé en juillet 2000 plusieurs centres nationaux de recherche technologique, dont cinq dans le domaine des STIC, en optoélectronique, en micro et nanotechnologies, en télécommunications, images et multimédia, en télécommunications, Internet et usages - celui-ci est à Sophia Antipolis - et en matériaux pour l'électronique et la microélectronique, à Grenoble.
Ces moyens s'ajoutent à ceux, importants, que consacre l'Union européenne en matière de recherche sur les STIC : 23 milliards de francs au titre du cinquième PCRD et 25 milliards de francs au titre d'Eurêka et de Medea Plus.
S'agissant des sciences du vivant, le budget de l'INSERM connaîtra, hors personnel, une augmentation de 16 % de ses moyens. Le département des sciences de la vie au CNRS connaîtra également une augmentation significative puisque j'ai demandé à Mme Geneviève Berger de procéder à un rattrapage dans ce domaine. Les autorisations de programme de l'INRA progresseront, pour leur part, de 9 %.
Par ailleurs, le Fonds national de la science, qui est destiné à donner une impulsion aux recherches dans les domaines scientifiques prioritaires, consacrera 600 millions de francs en 2001, contre 465 millions de francs en 2000 à des recherches dans les sciences du vivant : génomique et post-génomique avec le centre national de séquençage, le centre national de génotypage, le réseau des génopoles, le réseau GenHomme, la bioinformatique, mais aussi les agents infectieux - sida, microbiologie, prions, dont nous reparlerons peut-être tout à l'heure - et la biologie intégrative.
De même, le fonds de la recherche et de la technologie verra ses moyens amplifiés en direction des réseaux de recherche technologique liés aux sciences du vivant.
Enfin, à ces moyens nouveaux viendraient s'ajouter des moyens supplémentaires correspondant à l'amendement que le Gouvernement souhaite vous proposer pour développer très fortement les recherches sur les maladies à prions et les encéphalopathies subaiguës spongiformes transmissibles, les ESST.
En dehors des STIC et des sciences de la vie, deux domaines bénéficieront d'un effort accru en 2001 : les recherches liées à l'énergie et à l'environnement, d'une part, la culture scientifique et technique, d'autre part, qui connaîtra une progression significative de ses crédits.
J'ai été très sensible à ce qu'ont dit MM. Laffitte et Renar sur la culture scientifique et technique. Il est vrai qu'il est important de renforcer la culture scientifique et technique, de la « désanctuariser » - les musées ont un rôle essentiel à jouer, mais ce rôle n'est pas suffisant - et, surtout, de la « déparisianniser ». Certes, beaucoup l'ont souligné, la population de l'Ile-de-France et de Paris est importante, mais nombre de nos citoyens résident en province, et il est donc nécessaire que cet effort de culture scientifique et technique concerne davantage les régions.
Je souhaite vraiment que la science soit une science publique et une science citoyenne.
Une science publique, c'est une science qui est au contact direct du public, qui va à sa rencontre, qui explique quels sont ses avancées, ses progrès, ses incertitudes éventuelles, ses lacunes éventuelles - car il peut en exister - ses actions, qui met en lumière ses projets. C'est d'ailleurs ce qui s'est passé, même si j'ai conscience que ce n'est pas suffisant, au cours de la manifestation « Fête de la science », qui s'est déroulée en octobre dernier et qui a permis, dans 700 communes de toutes les régions, aux chercheurs d'aller directement à la rencontre du public et d'engager le dialogue avec lui.
Je souhaite que cette science publique, avec ce facteur de publicité, soit aussi une science citoyenne. Nombre de nos concitoyens souhaitent pouvoir être pleinement informés, pouvoir participer aux débats sur la recherche, ainsi qu'à la décision. Il est vrai que Jaurès et Mendès-France parlaient de la recherche, et que les formations politiques - je n'en vise aucune en particulier - parlent moins de la recherche en 2000 qu'on pouvait le faire en 1900, ce qui est une forme de paradoxe.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche. Il serait souhaitable que l'ensemble des formations politiques consacrent une place accrue dans leur programme politique aux grands enjeux scientifiques et technologiques auxquels nos concitoyens veulent participer par leur réflexion, leurs choix et leurs décisions. Sinon, le débat public paraîtra décalé par rapport à certaines préoccupations fondamentales qui portent, par exemple, sur la génomique et ses applications, les thérapies cellulaires, l'effet de serre, le réchauffement de la planète, le devenir des déchets radioactifs et beaucoup d'autres sujets encore.
Au fond, c'est de la démocratie qu'il s'agit. Mais la démocratie ne peut pas être incomplète. Si elle est très légitimement politique, sociale et économique, il faut qu'elle soit aussi scientifique. Il revient aux élus, aux hommes et aux femmes investis de responsabilités, de faire en sorte que la science soit davantage citoyenne qu'elle ne l'est aujourd'hui.
La culture scientifique et technique sur laquelle vous insistez très légitimement est évidemment l'un des aspects fondamentaux du rapprochement des citoyens des décisions publiques sur les grands choix scientifiques et technologiques, qui ne peuvent pas leur échapper.
Pour conclure, je soulignerai deux points.
Le premier concerne l'innovation et la recherche industrielle. Je suis très conscient, à l'instar de nombreux intervenants, de la nécessité d'assurer le transfert de la technologie et de favoriser la valorisation de la recherche pour irriguer l'économie des résultats de la recherche.
Cette politique de soutien à l'innovation est indispensable. C'est un facteur de modernisation, de progrès, de création de nouvelles entreprises, notamment de jeunes entreprises technologiques innovantes. Il est essentiel que la recherche devienne le principal moteur de la compétitivité et de la croissance, le premier booster, dirai-je, de l'économie et de l'emploi, comme cela se passe maintenant dans la plupart des grands pays.
Des moyens nouveaux sont donc dégagés pour appuyer les projets de recherche et de développement des entreprises. Les soutiens à la recherche industrielle - y compris l'ANVAR, qui aide les PME-PMI à innover, le FRT et les crédits pour l'aéronautique civile - s'élèveront à 6 milliards de francs en autorisations de programme, soit une progression de 9 %.
La progression des crédits de recherche industrielle hors aéronautique servira notamment à financer les onze réseaux de recherche et d'innovation technologiques, fondés sur le partenariat entre laboratoires publics et laboratoires privés, et les vingt-neuf incubateurs destinés à accompagner et à soutenir les porteurs de projets de création ou de développement d'entreprises innovantes.
A ce propos, je souhaite répondre très précisément à MM. Trégouët et Laffitte sur les effets de la politique menée par le Gouvernement en faveur de l'innovation.
M. Tregouët m'a rappelé le Journal officiel du 30 juin 1999. Mais le Journal officiel , dans ses différentes éditions, continue de paraître, et il comporte donc de temps à autre - pas tous les jours, bien sûr -, étant finalement le seul journal qui soutient le Gouvernement (Sourires), la publication de textes que vous appelez, très légitimement, de vos voeux. Par conséquent, tous les décrets relatifs à l'application de la loi sur l'innovation et la recherche, qui a été votée sur l'initiative de mon prédécesseur, sont aujourd'hui parus, à l'exception, je le reconnais, du décret sur les SAIC, qui est actuellement en cours de discussion en raison des problèmes fiscaux qu'il soulève.
L'effort qui avait été annoncé par Claude Allègre a donc été accompli à peu près dans les délais qu'il avait indiqués. La volonté qu'il avait exprimée a été suivie d'effets concrets. M. Trégouët aurait souhaité que ces effets intervinssent plus rapidement ; ils sont intervenus ! En tout cas, nous avons la volonté d'appliquer ces textes, qui ont déjà permis la création de cent entreprises par an par des chercheurs, contre vingt dans le passé.
Grâce à l'ensemble de ces dispositions et au concours des créations d'entreprises, cinq cents entreprises technologiques ont été créées en trois ans.
Le budget consacré à la construction aéronautique augmente fortement, de 12 %, atteignant près de 1,6 milliard de francs en crédits de paiement, en particulier pour soutenir le développement, par Airbus, de l'avion de grande capacité A3XX.
Monsieur Maman, l'augmentation des crédits destinés à l'A3XX est en grande partie compensée par la baisse des crédits consacrés aux autres programmes. L'augmentation totale des crédits destinés à l'aéronautique est ainsi de 170 millions de francs.
En matière spatiale - et M. Revol a bien raison d'évoquer ce sujet, qui doit nous mobiliser tous -, la subvention au Centre national d'études spatiales, le CNES, s'élève à 8,81 milliards de francs et représente tout de même 16 % du BCRD, c'est-à-dire son deuxième poste. La France, comme l'a très bien rappelé M. Revol, qui connaît excellemment ces problèmes, est le leader de la politique spatiale européenne. Elle est le moteur de l'Europe spatiale ; elle est aussi le premier contributeur de l'Agence spatiale européenne, devant l'Allemagne et l'Italie.
J'indique, répondant aux interrogations de M. Revol ainsi que de M. Lanier, que cette dotation permettra au CNES de réaliser les programmes engagés dans le cadre de l'Agence spatiale européenne et aussi dans le cadre de ses propres programmes, dont la poursuite du développement d'Ariane 5, bien sûr. J'étais encore à Kourou il y a quelques semaines ; je rencontre très périodiquement les dirigeants du CNES et d'Arianespace ; je les soutiens tout à fait dans l'effort qu'ils déploient pour augmenter la compétitivité et les performances d'Ariane 5, de manière qu'elle puisse emporter des charges de plus en plus importantes et être donc très compétitive par rapport à ses concurrents directs, Lockheed Martin et Boeing.
Nous avons environ deux ans d'avance par rapport à la concurrence américaine, avance qu'il nous faut, si vous me permettez cette expression, « bétonner » pour la conserver. Tout le nécessaire est véritablement fait. Arianespace est actuellement leader sur le marché commercial des lanceurs.
Nous tenons beaucoup au programme GALILEO, système européen de positionnement et de dotation par satellite. Dans ce programme, qui va être débattu encore au prochain conseil européen des transports, la France, à hauteur de 17 %, est présente à parité avec l'Italie, l'Allemagne et le Royaume-Uni. Nous apportons à ce système toute l'attention qu'il requiert.
Cette dotation permettra, d'autre part, de lancer de nouveaux programmes prioritaires, notamment dans le domaine de l'observation de la terre et de la science.
Je rappelle ici, pour répondre aux inquiétudes de MM. Trégouët et Revol, que plusieurs décisions importantes ont été prises dans le domaine spatial depuis six mois environ, qui permettent de parler d'une véritable relance de la politique spatiale après une période d'incertitude.
Ainsi, je citerai le lancement de la phase de définition du système de satellite d'observation de la terre PLEIADES, le lancement du programme P80 de développement technologique dans le domaine des lanceurs, qui nous permet de sortir du conflit avec l'Italie, la relance de la collaboration avec les Etats-Unis sur Mars, après l'échec des missions de la NASA au second semestre 1999, le lancement du satellite Corot et, enfin, le programme GMES, qui a pour objectif, s'il fallait le résumer d'un mot, de mettre les techniques spatiales au service de la protection de l'environnement.
Certes, il est vrai que la subvention du CNES diminue en 2001 de 130 millions de francs sur un budget pour 2000 de 8,825 milliards de francs en dépenses ordinaires et en autorisations de programme, soit une diminution de 1,5 %. Cette diminution est toutefois compatible avec le lancement des nouveaux programmes, car elle s'explique par une augmentation moindre que prévue de la contribution du CNES à l'Agence spatiale européenne - elle dispose d'excédents de trésorerie lui permettant de réduire ses appels de fonds - et par un démarrage moins rapide que prévu de certains programmes du CNES en 2001, notamment le programme de Retour d'échantillons de Mars, dont le coût a diminué pour 2001, son lancement ayant été retardé en raison des deux échecs enregistrés par la NASA.
Il va cependant de soi que l'utilisation de l'excédent de trésorerie de l'Agence ne peut jouer qu'une fois et que la diminution de la subvention du CNES présente donc un caractère exceptionnel. Je veux rassurer MM. Trégouët et Revol sur ce point.
Reste qu'il est désormais nécessaire d'inscrire cette politique spatiale dans un cadre pluriannuel. Le lancement de nouveaux programmes nous y contraint désormais, tout en nous donnant la visibilité indispensable à moyen terme. Ce contrat d'objectifs est d'autant plus nécessaire que le CNES a une activité incompatible avec les à-coups de l'annualité budgétaire.
J'aborderai, enfin, le rapport de la recherche au PIB, que plusieurs d'entre vous ont évoqué.
D'après les derniers chiffres dont nous disposons, ceux de 1999, la France occupe le quatrième rang, parmi les grands pays de l'OCDE, pour la dépense de recherche totale en pourcentage du PIB, soit 2,17 %, après le Japon, 3,06 %, les Etats-Unis, 2,84 %, et presque à égalité avec l'Allemagne, 2,29 %. Elle devance sensiblement le Royaume-Uni, qui atteint seulement 1,83 %.
Ce rang de classement serait encore meilleur si la dépense de recherche des entreprises françaises en pourcentage du PIB était plus forte ; elle représente 2,18 % du PIB au Japon, 2,16 % aux Etats-Unis, 1,55 % en Allemagne, contre 1,37 % en France en 1999.
De surcroît, la baisse des financements liés à la recherche militaire, qui sont, évidemment, des financements publics, joue un rôle dans cette situation.
En revanche, avec un taux de 0,74 %, la France se situe au deuxième rang en matière de dépense publique de recherche civile contre, respectivement, 0,76 %, en Allemagne, 0,58 % au Japon, 0,42 % au Royaume-Uni et 0,41 % aux Etats-Unis, toujours en 1999.
C'est donc bien la faiblesse relative des dépenses de recherche des entreprises, et non celle des dépenses de recherche publique civile, qui explique le niveau de la dépense nationale de recherche en pourcentage du PIB comparé à celui des Etats-Unis ou du Japon. Cette situation est toutefois en train de s'améliorer, grâce aux efforts menés, notamment, avec les réseaux de recherche et d'innovation technologiques. qui jouent un rôle de levier et qui, derrière la recherche publique, entraînent la recherche privée à consentir plus d'efforts.
Dans son excellent rapport, M. Trégouët indiquait qu'il ne pourrait pas approuver mon budget parce que les entreprises privées ne consacrent pas assez d'efforts à la recherche. C'est un peu paradoxal, car je n'ai pas une maîtrise totale des dépenses de recherche des entreprises privées !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, Vous leur imposez bien les 35 heures !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche. Mais cette mesure leur est largement favorable, comme elles le démontrent elles-mêmes en négociant des solutions plus souples avec leurs propres salariés. En revanche, nous ne pouvons pas leur fixer un taux de dépense de recherche. La manière évoquerait par trop une planification ultra-centralisée que personne n'utilise plus, et qui relève d'une conception politique ou dialectique différente de celle dont vous vous réclamez en général.
Il est en effet possible de constater que les dépenses privées de recherche ne sont pas suffisantes. Faire ce grief au Gouvernement serait cependant inattendu. Cela étant, ce point est marginal par rapport au grand intérêt que j'ai pris à écouter les différents orateurs.
M. Trégouët s'est interrogé sur l'absence de modification du régime des stock options.
Le régime des stock options a été amélioré dans l'intervalle par des dispositions votées sur l'initiative du Gouvernement. Le régime des BSPCE, les bons de souscription de parts de créateur d'entreprise, qui concerne plus particulièrement des entreprises nouvelles, a été pérennisé et amélioré. L'engagement a donc été tenu.
M. Pierre Laffitte, rapporteur pour avis. Sur un amendement du Sénat !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche. Vous connaissez le respect spontané, légitime et profond que j'ai pour la Haute Assemblée. Je me réjouis donc très vivement que ce soit grâce à un amendement du Sénat que ces dispositions plus favorables aient été adoptées. Mais vous noterez que le Gouvernement n'a mis aucune réticence à leur adoption, loin de là ! (Sourires.) A l'évidence, donc, le consensus est possible.
S'agissant de l'allocation de recherche, il faut engager une réflexion, comme l'a souhaité notamment M. Serge Lagauche, afin qu'elle puisse être portée, dans les années ultérieures, à un niveau supérieur à celui qu'elle atteint aujourd'hui.
Je remercie M. Lanier de l'essentiel de ses propos, peut-être pas nécessairement de sa conclusion. Il a exprimé le regret que les dépenses de personnel compte pour 53 % des dépenses des organismes. Mais, comment faire autrement ? Il faut bien que la recherche soit faite par des chercheurs et des chercheuses, et il faut bien que ces chercheurs et ces chercheuses soient rémunérés en fonction de leurs compétences.
Il paraît donc difficile de s'étonner qu'une part importante - la moitié - des dépenses des organismes de recherche soit liée à la rémunération de leur personnel. D'ailleurs, cette proportion est du même ordre que celle que les collectivités locales, notamment les communes, consacrent généralement aux dépenses de personnel. Il existe donc une constante dans toutes les organisations, quelles qu'elles soient, car les actions relatives au personnel correspondent à des rémunérations, elles-mêmes représentatives d'un travail qui, s'agissant des chercheurs et des chercheuses, exige des efforts importants pour faire avancer la recherche.
M. Lanier a évoqué le rapport de l'Académie des sciences. L'Académie des sciences a non pas lancé un cri d'alarme - ce n'est pas son style - mais s'est inquiétée pour le passé et s'est dite plutôt rassurée par le présent ; elle a émis un jugement positif sur le projet de budget pour 2001, qui lui semble marquer une inflexion sensible, pour ne pas dire une rupture avec les pratiques précédentes.
M. Lanier a repris les propos d'un chercheur s'adressant au président Pompidou en ces termes : « Nous aurons satisfaction si les dieux le veulent. » Pour l'heure, dans cet hémicycle, les dieux se trouvent sur ces travées ! (Sourires.) Il est donc naturel que je me tourne vers les sénateurs, qui représentent nos concitoyens et qui tiennent entre leurs mains, comme leurs collègues à l'Assemblée nationale, le sort d'un budget, son adoption ou son rejet.
J'ai été très attentif aux remarques qui ont été formulées, aux rapports qui ont été présentés. Un sujet comme celui-ci, je le sais, suscite malgré tout, sans vouloir forcer le propos, un accord assez général, car il ne se prête pas à des polémiques particulières.
Je m'en remets donc très naturellement à vous, me demandant si, d'aventure, un jour, un soir comme celui-ci, par exemple, il ne serait pas possible qu'une assemblée parlementaire, surtout s'agissant de la Haute Assemblée, dépasse les divisions classiques qui peuvent être les siennes comme dans toute assemblée - l'Assemblée nationale connaît les mêmes - pour parvenir à un vote qui exprime, peut-être plus largement que cela ne serait prévisible, un soutien à une politique de recherche et à un budget.
Certes, je le concède, ce budget n'est pas parfait, mais il marque un progrès par rapport à l'année précédente et traduit la volonté de faire en sorte que la recherche continue et contribue à préfacer l'avenir, contribue à préparer l'avenir.
La Haute Assemblée n'économise jamais ses capacités de réflexion et d'analyse pour examiner non seulement les décisions du présent, mais également celles qui engagent l'avenir, avec un regard prospectif qui n'existe pas de la même manière ailleurs, notamment sur la recherche, assez intimement et naturellement liée à l'avenir. C'est donc avec beaucoup d'intérêt que, pour ma part, j'ai participé à l'examen, par votre assemblée, d'un projet de budget qui n'a qu'une ambition : servir l'intérêt national, dont la recherche doit être un élément moteur. (Applaudissements sur les travées du RDSE, sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - M. Lanier applaudit également.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C et concernant la recherche.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : moins 13 880 000 francs. »