SEANCE DU 7 DECEMBRE 2000


M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant le budget annexe des prestations sociales agricoles.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget annexe des prestations sociales agricoles, le BAPSA, pour 2001 s'établit à près de 91 milliards de francs, soit une légère progression de 1,54 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2000.
S'agissant de ses recettes, je formulerai quatre remarques.
Premièrement, le montant des contributions professionnelles affiche une légère diminution, de l'ordre de 0,3 %, mais elles ne représentent guère plus de 18 % du financement total du BAPSA, la majeure partie des ressources de ce dernier étant d'origine externe.
Deuxièmement, les taxes affectées au BAPSA, telles que la fraction de TVA et autres taxes diverses, traditionnellement dynamiques en période de croissance, sont en progression de 2 %.
Troisièmement, il faut noter, cette année, une réduction de 3,7 % du montant des transferts de compensation démographique.
Quatrièmement, enfin, on peut également remarquer une très nette augmentation de la participation de l'Etat se traduisant par une augmentation de près de 63 % de la subvention budgétaire d'équilibre, conséquence directe de la diminution des transferts de compensation démographique.
S'agissant des dépenses, je formulerai trois remarques.
Les dépenses de prestations d'assurance vieillesse s'établissent, pour 2001, à près de 51 milliards de francs et demeurent donc le principal poste de dépenses du BAPSA. Ces dépenses s'inscrivent dans le cadre du plan pluriannuel de revalorisation des petites retraites agricoles qui a pour objectif de porter, en 2002, le minimum mensuel de pension agricole au niveau du minimum vieillesse.
Les dépenses de prestation d'assurance maladie, maternité et invalidité constituent le deuxième poste de dépenses du BAPSA avec près de 35 milliards de francs, soit une augmentation de 2,2 % par rapport à l'année dernière.
Les dépenses de prestations familiales, troisième poste de dépenses, s'élèvent à 3,9 milliards de francs et connaissent, cette année, une augmentation de l'ordre de 3 %, ce qui constitue une rupture dans leur évolution et qui est notamment due à l'intégration dans le projet de loi de finances pour 2001 de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire.
Pourtant, ce budget présente quelques incertitudes et des imprécisions que je me dois de souligner. Il apparaît, d'une part, que certaines recettes de ce budget font l'objet d'une surestimation manifeste - c'est le cas, notamment, des cotisations sociales agricoles, dont la surestimation résulte en particulier de la non-prise en considération de la chute du revenu agricole depuis 1998 - et, d'autre part, que certaines des dépenses de ce budget, parmi lesquelles les dépenses d'assurance maladie par exemple, les frais financiers ou encore les dépenses de prestations d'assurance vieillesse, sont clairement sous-estimées. Je voudrais d'ailleurs, monsieur le ministre, m'arrêter un instant sur ce point.
D'abord, en ce qui concerne les charges d'intérêt qui constituent les dépenses du titre Ier de ce budget, leur montant estimé pour 2001 demeure à 230 millions de francs, soit le même montant que celui qui figure dans la loi de finances initiale pour 2000, alors même que les prévisions d'exécution du BAPSA pour 2000 font apparaître des dépenses relatives aux intérêts dus au titre de la dette de 350 millions de francs, soit un écart de 52 % par rapport à ce qui était prévu en loi de finances initiale et qui explique en partie un déficit d'exécution du BAPSA 2000 de 2,4 milliards de francs !
En outre, la nouvelle lecture à l'Assemblée nationale du projet de loi de financement de la sécurité sociale a entraîné une élévation du plafond d'avances accordé au régime agricole de 12,5 milliards de francs à 13,5 milliards de francs, compte tenu de la mesure de report des cotisations sociales agricoles dans le cadre du plan de soutien de la filière bovine dont le régime des exploitants agricoles supportera seul la charge de trésorerie. Le montant des intérêts financiers s'élève donc d'année en année, mais cette donnée n'est pas prise en compte au moment de l'élaboration du BAPSA.
J'aimerais savoir, monsieur le ministre, premièrement, comment une telle erreur de prévision budgétaire peut se produire, de manière systématique d'ailleurs, et, deuxièmement, pourquoi le projet de BAPSA pour 2001 prévoit à nouveau un montant des charges d'intérêt de 230 millions de francs quand toutes les conditions financières sont réunies pour que l'encours moyen de la dette en 2001 ne soit pas inférieur à celui de 2000. Ne serait-il pas temps, monsieur le ministre, de porter remède à ces erreurs ?
De manière générale, pouvez-vous également préciser, monsieur le ministre, les conséquences sur le BAPSA du plan de soutien à la filière bovine ?
Concernant maintenant les dépenses liées à la revalorisation des retraites agricoles, sans revenir sur le mode de financement contestable de ces mesures de revalorisation, via un prélèvement sur le produit de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, je voudrais vous interroger, monsieur le ministre, sur la manière dont vous comptez financer les 274 millions de francs de coût supplémentaire pour le BAPSA qu'implique la mesure de revalorisation de 2,2 % des pensions de retraite prévue par l'article 19 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, auxquels s'ajoutent d'ailleurs les 16 millions de francs supplémentaires découlant des mesures de revalorisation de 1,7 % des prestations familiales, également prévues par le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Je m'étonne de voir que les mesures sociales que vous promettez aux agriculteurs disposent d'un financement improbable, voire introuvable ! Sur ce point, j'attends, monsieur le ministre, une réponse précise de votre part.
Ces remarques concernant la sous-estimation des dépenses du BAPSA pour 2001, donc son imprécision budgétaire, m'amènent à attirer votre attention sur l'absence totale de coordination entre le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le BAPSA, qui fait apparaître des dissonances fâcheuses entre les mesures agricoles prévues dans le PLFSS pour 2001 et le BAPSA.
Comme je l'évoquais précédemment, les incidences financières de certaines des mesures prévues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, telles la revalorisation des pensions de retraites ou celle des prestations familiales, ne sont pas toujours répercutées sur le BAPSA, ce qui pose sans nul doute la question de l'opportunité de l'existence d'un budget annexe des prestations sociales agricoles et, plus encore, de la viabilité de ce budget annexe sur le long terme.
Ne serait-il pas plus logique d'intégrer l'ensemble des mesures relatives à la protection sociale des agriculteurs dans la loi de financement de la sécurité sociale, ce qui supposerait bien sûr une réforme du mode d'élaboration des lois de financement ?
Pour en venir aux questions de fond, je tiens à souligner, à propos des retraites agricoles, que des progrès réels ont été accomplis depuis 1994, et qu'ils se sont poursuivis par la mise en oeuvre du plan pluriannuel de revalorisation des petites retraites agricoles ainsi que par la mise en place du statut de conjoint collaborateur.
Des incertitudes persistent cependant concernant notamment la création, aujourd'hui indispensable, d'un régime de retraite complémentaire obligatoire. Le rapport du Gouvernement sur cette question, prévu dans la loi d'orientation agricole de juillet 1999, n'est toujours pas paru ; il y a donc plus d'un an de retard !
Je me demande, monsieur le ministre, ce que vous attendez et ce qu'attend votre gouvernement pour mettre en place un régime que tous les agriculteurs appellent de leurs voeux.
Le principe fait l'unanimité, mais les modalités divisent les partenaires. L'essentiel est cependant de trouver une solution consensuelle, et de l'appliquer rapidement.
Autre question incontournable aujourd'hui : l'amélioration de la couverture du risque accidents du travail. Il s'agit là encore d'une réforme que le Gouvernement retarde. Les bases en sont contenues dans le rapport de nos collègues députés, qui ont déjà été abondamment cités, Béatrice Marre et Jérôme Cahuzac, rapport paru en avril dernier et relatif aux adaptations à apporter à la fiscalité et au mode de calcul des cotisations sociales agricoles.
Il s'agirait de créer un véritable régime dont la gestion serait assurée par une pluralité d'assureurs, en coordination avec la mutualité sociale agricole. Les prestations seraient revalorisées, servies sur la base de cotisations sociales uniformes à l'intérieur de chaque catégorie de risques et forfaitisées. Les modalités de cette réforme sont cependant contestées par les assureurs.
En tout état de cause, je me félicite de voir que des propositions de réforme existent. Encore faudrait-il qu'elles aboutissent rapidement et, surtout, qu'elles fassent l'objet d'une concertation approfondie de toutes les organisations professionnelles concernées ! Pouvez-vous monsieur le ministre, nous en dire un peu plus sur les projets du Gouvernement à cet égard, en nous donnant notamment des informations sur le calendrier précis ?
Malgré ces quelques points critiques, que je me devais de souligner, la commission des finances a décidé d'adopter le budget annexe des prestations sociales agricoles pour 2001. (M. Herment applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Louis Boyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, disposant d'un temps particulièrement réduit et intervenant après M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, dont l'exposé a été excellent, je me bornerai à formuler une remarque de forme et deux observations de fond.
Une remarque de forme, d'abord : le projet de BAPSA pour 2001 franchit un palier supplémentaire dans la complexité.
Selon une répartition dont la logique semble arbitraire, des dispositions affectant le régime des exploitants agricoles sont présentées dans le projet de loi de finances alors que d'autres sont inscrites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Une fois de plus, on se demande s'il est pertinent de discuter d'un régime de protection sociale dans le cadre d'un budget annexe à la loi de finances.
J'ajoute que, la subvention d'équilibre étant rattachée au budget des charges communes et non plus au budget du ministère de l'agriculture, il serait presque aussi logique de discuter du BAPSA à l'issue de l'examen du budget des charges communes plutôt que du budget du ministère de l'agriculture.
Ces questions relatives au BAPSA devront être étudiées avec attention à l'occasion de la réforme de l'ordonnance portant loi organique du 2 janvier 1959. La proposition du rapporteur général de l'Assemblée nationale présente la particularité de supprimer les budgets annexes : le BAPSA que nous examinons aujourd'hui pourraît être le dernier...
Dans ce cas, il serait nécessaire de donner au régime agricole une place particulière au cours de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Dès à présent, je remarque, monsieur le ministre, que votre présence au banc du Gouvernement lors de la discussion des articles 4 bis , 5, 5 bis et 6 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 n'aurait rien eu d'illogique.
Après cette remarque de forme, je n'évoquerai que deux questions de fond : les retraites et la branche accidents du travail.
Tout d'abord, je me félicite de la mesure de revalorisation des petites retraites, d'autant plus qu'elle est inscrite dès le projet de loi initial. Nous avons trop fustigé, par le passé, « l'amendement de revalorisation », qui arrivait en première lecture du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale, pour ne pas nous féliciter de cette évolution.
Le financement de la mesure reste étonnant : l'article 24 du projet de loi de finances voté par l'Assemblée nationale prévoit un prélèvement de 1,35 milliard de francs sur la contribution sociale de solidarité sur les sociétés, la C3S. Pourtant, l'article 2 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 avait prévu que le BAPSA ne bénéficierait plus de cette contribution.
Ainsi, le Gouvernement demande une nouvelle fois au Parlement de déroger en loi de finances à une règle posée en loi de financement et concernant une imposition affectée à la protection sociale.
En nouvelle lecture à l'Assemblée nationale du projet de loi de financement, cette affectation de C3S a été majorée de 350 millions de francs supplémentaires, en « compensation » d'une diminution de la subvention d'équilibre. Ces « tuyauteries » ont été dénoncées par la commission des affaires sociales lors de la nouvelle lecture, dans notre assemblée, du projet de loi de financement.
Le Gouvernement dispose avec libéralité des excédents de la C3S affectés au fonds de solidarité vieillesse. Tout cela n'est pas digne : il aurait été préférable que le Gouvernement « assume » les conséquences de la mesure de revalorisation, en augmentant à due concurrence la subvention d'équilibre. Faute de pouvoir augmenter les dépenses de l'Etat, en raison de l'article 40 de la Constitution, la commission des finances a proposé, en première partie de la loi de finances, de relever le taux de TVA affecté au BAPSA. La commission des affaires sociales approuve naturellement cette solution.
Il reste désormais à préciser la dernière étape du plan de revalorisation. Celle qui est annoncée pour 2002 coûte nettement plus cher, compte tenu de l'objectif : atteindre, pour les chefs d'exploitation, le montant du minimum vieillesse.
Mais, pour que les exploitants agricoles disposent de pensions de retraite égales à 75 % du SMIC, nous savons tous qu'un régime complémentaire obligatoire par répartition sera nécessaire.
C'est sur ce point que le bilan du Gouvernement est nettement moins flatteur. Voilà deux ans que la profession agricole s'est ralliée à cette idée. Voilà un an et demi que le Parlement attend un rapport, qui devait paraître trois mois après la publication de la loi d'orientation agricole au Journal officiel , c'est-à-dire trois mois après le 10 juillet 1999...
Monsieur le ministre, j'ai bien compris que la question du financement de ce régime complémentaire obligatoire était la cause de ce retard.
Pouvez-vous dès aujourd'hui nous en dire davantage ? Le projet de loi de modernisation sociale prévoira-t-il cette disposition ? Le mécanisme sera-t-il prêt à entrer en vigueur en 2002 ?
Par ailleurs, je crois que la mensualisation des pensions est désormais une nécessité. Le coût annoncé de 8,8 milliards de francs explique que le Gouvernement hésite. Mais la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole a fait plusieurs propositions, le recours à l'emprunt paraissant la solution la plus judicieuse. J'ajoute que l'on pourrait tout à fait « lisser » la charge financière dans le temps, en commençant par une mensualisation des seules pensions dépassant un plafond : par exemple, 2 000 francs mensuels.
J'en viens à la deuxième question, la création d'une véritable branche accidents du travail pour les exploitants agricoles.
Là aussi, le constat est - je crois - unanimement partagé : le système mis en place par les lois de 1966 et de 1972 n'est plus satisfaisant. La réparation est insuffisante, la prévention est déficiente.
L'avant-projet de loi de financement de la sécurité sociale comprenait un article procédant à une réforme d'ampleur. Il a disparu au stade du projet de loi. Le Gouvernement nous a expliqué que l'article avait dû être « disjoint » à la suite de l'avis du Conseil d'Etat. Certes ! Ne disposant pas de l'avis du Conseil d'Etat, je me garderai bien de rentrer dans le débat juridique.
Le Gouvernement nous renvoie désormais au projet de loi de modernisation sociale... dont j'espère la discussion au Parlement moins hypothétique que celle des « DMOS » que le Gouvernement a annoncées depuis 1998...
Comme l'a dit M. le rapporteur spécial, le projet gouvernemental était perfectible. Certes, et je suis sûr que le débat parlementaire aurait permis d'améliorer ce texte.
En tout état de cause, monsieur le ministre, ce nouveau report est bien regrettable.
Sous réserve de ces observations, mais compte tenu de la nouvelle mesure de revalorisation des retraites qu'il comporte, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable sur le projet de BAPSA pour 2001.
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe socialiste : 6 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 5 minutes ;
Groupe communiste, républicain et citoyen : 5 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes. (Sourires.)
Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu au maximum pour quinze minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Bécart.
M. Jean-Luc Bécart. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, l'examen du projet de BAPSA pour 2001 nous permet de constater une nouvelle fois que ce budget souffre d'un profond déséquilibre démographique entre cotisants et retraités.
Il est toujours marqué par le problème récurrent de l'indigence des retraites agricoles et par l'exigence d'une revalorisation des prestations familiales ou maladie.
Cette situation pèse lourdement sur l'équilibre de chacune des branches. Par exemple, en ce qui concerne la branche vieillesse, les cotisations représentent moins de 12 % du montant des prestations.
Ce budget reste donc largement tributaire de recettes extérieures destinées à assurer son équilibre.
Sur un total de plus de 96 milliards de francs, 33 milliards de francs proviennent de recettes de TVA et 34 milliards de francs sont apportés par la contribution du régime général.
Enfin, la subvention d'équilibre issue du budget général s'élève cette année à 5,7 milliards de francs.
Que la solidarité nationale s'exprime en faveur du secteur de l'agriculture nous apparaît tout à fait logique. Les agriculteurs ont en effet à faire face à une situation doublement pénalisante : les retraités deviennent de plus en plus nombreux par rapport aux actifs et les revenus agricoles demeurent très insuffisants, du fait de la déflation de ces dernières années. Il est donc d'autant plus normal que la nation prenne en compte cette situation que la production agricole contribue largement, chacun le sait, à l'excédent de notre balance commerciale.
Dans le détail du chapitre du budget, observons que le problème essentiel est celui des retraites.
Malgré le plan pluriannuel 1997-2002 de relèvement des retraites les plus faibles que nous soutenons, le niveau des retraites agricoles reste bas. « Le compte n'y est pas encore ! », entend-on sur le terrain.
Monsieur le ministre, permettez-moi de vous faire remarquer que, par rapport à 1997, la croissance actuelle libère des marges de manoeuvre plus importantes.
Nous tenons aussi à attirer votre attention sur la situation des conjoints des chefs d'exploitation et des aides familiaux. La retraite minimale de ces personnes est inférieure de plus de 700 francs mensuels à celle que touchent les chefs d'exploitation. Pourtant, les femmes des exploitants ont fourni autant de travail sur l'exploitation que leur mari. Elles ont cotisé et validé les mêmes annuités. Il ne nous paraît donc pas très normal que, à l'heure où l'on parle de plus en plus d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, les agricultrices retraitées demeurent des retraitées de seconde zone.
Toujours sur le chapitre des retraites agricoles, je souhaite aborder le problème du coefficient de minoration.
Les retraités agricoles qui justifient d'une durée de cotisation inférieure à trente-sept annuités et demie n'ont pas bénéficié au prorata des majorations successives de la retraite forfaitaire. Ceux qui peuvent justifier de moins de trente-deux annuités et demie de cotisation n'ont eu droit qu'à de faibles revalorisations.
Cette situation, qui pénalise tant de retraités agricoles, est due à l'application du coefficient de minoration institué par décret en 1997.
Nous attendons avec impatience le rapport du Gouvernement établi à partir de celui de M. Germinal Peiro, afin qu'un certain nombre de revendications puissent être satisfaites ; je pense non seulement aux plus faibles pensions, mais aussi à la mise en place d'un régime de retraites complémentaires obligatoires et d'une mensualiation des retraites.
Sous le bénéfice de ces quelques remarques, le groupe communiste républicain et citoyen votera le projet de budget annexe des prestations sociales agricoles pour 2001.
M. le président. La parole est à M. Piras.
M. Bernard Piras. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de mon intervention relative au budget consacré à l'enseignement agricole, j'ai souhaité qu'à l'occasion de la réflexion qui est actuellement menée cet enseignement intègre le rôle multifonctionnel désormais dévolu à notre agriculture.
S'il faut préparer l'avenir, il est aussi nécessaire de montrer notre solidarité avec les générations qui ont contribué à rendre notre agriculture performante. Cette préoccupation est concrétisée car, même si le budget annexe des prestations sociales agricoles ne concerne pas uniquement les retraites, ces dernières représentent quand même 56,2 % de ses dépenses.
Rappelons que l'objectif de revalorisation des retraites agricoles - lesquelles sont, pour les non-salariés agricoles, les plus faibles de notre système de protection sociale - est inscrit dans l'article 1er de la loi d'orientation agricole. N'oublions pas non plus que la question des retraites agricoles concerne plus de 2,2 millions de personnes.
Dans un premier temps, j'évoquerai les points positifs de ce projet de loi de finances pour 2001 puis, dans un second, j'aborderai les sujets restant en suspens.
Le plan de revalorisation des retraites agricoles qui est conduit depuis 1997 a pour objectif, à son terme en 2002, d'amener les plus faibles retraites au niveau du minimum vieillesse pour une carrière complète. Conformément aux engagements, ce plan se poursuit et le budget 2001 en est la quatrième étape. Celle-ci engendre un coût supplémentaire de 1,24 milliard de francs - 1,6 milliard de francs en année pleine. Cumulé sur toutes ces années, ce plan représentera un effort national important de plusieurs milliards de francs.
Cette nouvelle hausse va permettre de porter le minimum mensuel de pension à 3 395 francs pour les chefs d'exploitation, cette pension n'étant plus ainsi qu'à 181 francs du minimum vieillesse, lequel s'élève à 3 576 francs. Rappelons qu'en 1997 cette pension était de 2 751 francs.
Le minimum mensuel de pension va être porté à 3 185 francs pour une personne veuve ; un effort plus important devra donc être fourni pour atteindre ce minimum vieillesse. Cette pension n'était que de 2 478 francs en 1997.
Le minimum mensuel de pension va être porté à 2 740 francs pour les conjoints et les aides familiaux, alors que la pension se montait à 1 587 francs en 1997.
Ces chiffres nous permettent de prendre conscience de l'effort qui a déjà été consenti et de celui qui nous reste à faire. Ce plan est très important, notamment au regard du changement des modes de vie dans le monde rural. Ce dernier se caractérisait par une solidarité entre les générations qui permettait d'atténuer les conséquences des faibles pensions versées. Désormais, le manque de moyens accroît l'isolement.
Si le budget qui nous est présenté va, je le répète, dans le bon sens, il s'avère nénamoins que des décisions importantes pour le régime social agricole demeurent en suspens. J'en évoquerai ici brièvement trois : la mensualisation des pensions, la retraite complémentaire obligatoire et le coefficent de minoration.
Actuellement, les pensions agricoles sont versées par trimestre, ce qui, compte tenu de leur faiblesse, complique notablement la vie quotidiennne des bénéficiaires. Depuis longtemps, la mensualisation est réclamée à juste titre. L'obstacle majeur était jusqu'à présent le coût de trésorerie engendré par une telle réforme, lequel ne porterait d'ailleurs que sur la première année. Il a été évalué à 7 milliards de francs. Je me réjouis que la Mutualité sociale agricole soit prête à faire un emprunt pour lisser sur plusieurs annnées les conséquences de cette réforme, le coût final de cette opération, de 250 millions de francs par an, étant pris en charge par l'Etat. Je suis satisfait de constater, monsieur le ministre, que vous souhaitez voir aboutir favorablement ce dossier et que vous avez pris l'engagement d'y travailler.
En ce qui concerne la mise en place d'un régime complémentaire par répartition, la profession agricole étant la seule à ne pas en bénéficier, j'ai pris note de l'accord de principe que vous avez donné le 24 octobre dernier, ainsi que de celui des différents organismes concernés : FNSEA, Confédération paysanne, MSA, APCA... Mais, au-delà de cette volonté, un tel projet soulève de très nombreuses questions. Quelles seront les personnes bénéficiaires, les conditions pour en bénéficier ou encore à combien s'élèvera la participation de l'Etat ?
Enfin, j'évoquerai très brièvement la question du seuil permettant de bénéficier des revalorisations programmées. Il est, sans doute à juste titre pour une plus grande équité sociale, réclamé un abaissement de ce seuil de 32,5 années pour les polypensionnés à 27,5 années, comme cela a été fait l'an passé pour les monopensionnés.
Devant toutes ces questions, auxquelles il faut notamment ajouter la création d'une nouvelle branche, celle des accidents du travail des exploitants agricoles - la couverture étant acutellement très insuffisante -, certains ont évoqué une nouvelle loi sociale agricole pour le printemps 2001.
Compte tenu de l'urgence de ces questions, il me semble que cette idée est intéressante sur le principe. Au même titre que les mesures prises par le Gouvernement depuis 1997, elle conduirait à améliorer notablement les conditions de vie des retraités agricoles, qui ont largement contribué au développement de notre pays et qui méritent, à cet égard, une reconnaissance et une solidarité particulières.
Monsieur le ministre, comme vous vous en doutez, le groupe socialiste approuvera ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Quelle surprise !
M. le président. La parole est à M. Herment.
M. Rémi Herment. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget annexe des prestations sociales agricoles s'élèvera, en 2001, hors restitution de TVA, à un peu plus de 90 milliards de francs, soit une progression de 1,5 % par rapport à la loi de finances pour 2000.
Les dépenses d'assurance vieillesse en constituent, comme chaque année, le principal poste de dépenses et posent, avec plus de 50 milliards de francs, la question lancinante du niveau des retraites agricoles.
Le Gouvernement a engagé, en 1997, un plan pluriannuel de revalorisation des petites retraites agricoles qui vise à porter, en 2002, le minimum des pensions de retraite, pour une carrière pleine, au niveau du minimum vieillesse.
La loi de finances pour 2001 majore donc les pensions de retraite et porte les minima à 3 395 francs par mois pour les chefs d'exploitation, à 3 185 francs par mois pour les personnes veuves et à 2 740 francs par mois pour les conjoints.
Ces mesures sont réellement insuffisantes ; il est impératif d'atteindre l'objectif d'une retraite minimale équivalente à 75 % du SMIC pour les anciens chefs d'exploitation. Cette réévaluation doit profiter en priorité aux retraités agricoles « monopensionnés ».
Une amélioration de toutes les retraites, quel que soit leur niveau - en retenant les meilleures années de cotisation, comme pour les autres régimes -, est absolument nécessaire.
Par ailleurs, deux réformes essentielles pour les agriculteurs demeurent en souffrance. Il s'agit, d'une part, de la mise en place d'un régime de retraite complémentaire obligatoire, par répartition, pouvant bénéficier également aux actuels retraités et, d'autre part, de la mensualisation des retraites agricoles. Fût-ce d'une manière progressive et limitée aux retraites, dont le montant le justifierait, la mensualisation des pensions paraît d'autant plus nécessaire que le régime agricole est le dernier à ne pas l'avoir mise en place.
Pourquoi les retraités de l'agriculture ne pourraient-ils pas bénéficier, comme les salariés, les commerçants et les artisans, d'un versement mensuel de leur pension de retraite ?
Enfin, le rapporteur de la commission des affaires sociales a insisté sur l'importance de la redéfinition d'une branche accident du travail et donc de la création d'un nouveau risque accident du travail pour les agriculteurs. Monsieur le ministre, où en est-on sur ce point ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le président, je limiterai mon propos à quelques précisions.
Je voudrais dire d'abord à M. le rapporteur spécial de la commission des finances que le BAPSA pour 2000 se soldera par un déficit prévisionnel de l'ordre de 2,9 %, soit 2,5 milliards de francs sur un budget de 90 milliards de francs grosso modo ! Ce déficit peut vous paraître considérable, mais les maires et les présidents de conseil général présents dans cet hémicycle parviennent-ils systématiquement, dans la gestion du budget prévisionnel de leur collectivité locale, à un ajustement plus réduit que celui-là ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Ma question n'était pas celle-là !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Nous pouvons sûrement améliorer les choses en termes de prévisions, mais l'ordre de grandeur de ce déficit n'est pas aussi choquant que cela !
Vous m'avez également demandé pourquoi il était couvert pour partie en loi de finances rectificative par une augmentation de la subvention de 2,21 milliards de francs et, d'autre part, par un excédent de la contribution sociale de solidarité des sociétés de l'ordre de 350 millions de francs. Peut-être serez-vous un jour ministre des finances, monsieur le rapporteur spécial. Compte tenu de vos engagements personnels, je vous le souhaite, compte tenu de nos engagements politiques, je souhaite que ce soit le plus tard possible ! (Rires.)
Quand vous aurez à équilibrer un budget, vous verrez que l'on essaie de répartir les charges harmonieusement sur différents modes de financement. En tout état de cause, cette question ne me paraît pas fondamentale dans ce débat.
Je voudrais revenir sur deux points : d'une part, les allégements de charges et, d'autre part, les retraites.
Ce BAPSA prévoit des allégements de charges sociales, conformément à l'engagement pris par le Gouvernement voilà un peu plus d'un an. Il avait en effet alors indiqué aux organisations professionnelles qu'il allait confier un rapport sur les charges fiscales à Mme Marre ainsi qu'un rapport sur les charges sociales à M. Cahuzac et qu'il en tirerait des leçons dans la loi de finances pour 2001. C'est fait pour les mesures recommandées par Mme Marre ; nous en avons parlé tout à l'heure. Quant aux mesures proposées par M. Cahuzac en matière de charges sociales, elles figurent dans la loi de financement de la sécurité sociale ou dans le BAPSA. Je rappelle que les allégements de charges sociales prévus dans le BAPSA se chiffrent à environ 150 millions de francs, ce qui n'est pas totalement négligeable.
En ce qui concerne les retraites, je précise d'abord que le rapport du Gouvernement, prolongement naturel du rapport établi par M. Germinal Peiro, député de la Dordogne, sera disponible dans les tout prochains jours.
Par ailleurs, 2001 est la quatrième année du plan pluriannuel de revalorisation des retraites agricoles. De ce point de vue, les engagements du Gouvernement sont scrupuleusement tenus. Cette quatrième étape conduit à une revalorisation du BAPSA de 1,2 milliard de francs, correspondant à 1,6 milliard de francs en année pleine. Le rythme est donc conforme aux engagements pris.
Je rappelle que ce plan quinquennal, qui s'achèvera à la fin de la législature, vise à amener l'ensemble des petites retraites au niveau des minima sociaux.
A l'issue du plan, nous devrons passer à l'étape suivante. Autrement dit, la question qui se pose aujourd'hui à nous est celle de savoir quel prolongement il conviendra de donner à ce plan de revalorisation.
Je le dis depuis deux ou trois ans, à mes yeux, le prolongement logique, c'est l'institution d'un régime de retraite obligatoire par répartition.
Je suis désormais autorisé par M. le Premier ministre, après discussion interministérielle, à travailler dans cette direction, le principe étant maintenant acquis.
Plusieurs d'entre vous ont évoqué la mensualisation, qui est une belle idée.
Nous mesurons tous le coût d'une telle mesure : plus de 8 milliards de francs. Certes, c'est un fusil à un coup, puisque cela ne pèse que sur un exercice, mais c'est tout de même un gros coup !
Je n'imaginais pas que, même si cela correspondait à une priorité sociale, pareille dépense pourrait être acceptée sans difficulté.
Il est vrai que la proposition de la Caisse centrale de mutualité sociale agricole, impliquant un emprunt assorti de frais financiers beaucoup moins importants - de 200 millions à 250 millions de francs - fait que le problème se pose en des termes nouveaux. Elle me paraît intéressante et je vais l'étudier.
Bien entendu, s'il s'avère qu'il est possible d'aller dans ce sens - peut-être pas pour l'ensemble des retraites agricoles, mais quelques retraites ciblées pourraient être traitées en priorité - nous le ferons.
En tout cas, cette proposition, comme tout ce que propose l'équipe dirigeante de la MSA, est sérieuse et raisonnable. J'essaierai donc d'y donner suite.
Monsieur le président, je me suis efforcé de répondre de la manière la plus concise possible aux différentes interventions sur le BAPSA.
M. le président. Je vous félicite, monsieur le ministre, pour cette performance !
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le budget annexe des prestations sociales agricoles et figurant aux articles 35 et 36 du projet de loi.

Services votés

M. le président. « Crédits : 95 165 980 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits inscrits à l'article 35 au titre des services votés.

(Ces crédits sont adoptés.)

Mesures nouvelles

M. le président. « II. - Crédits : 1 055 020 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits inscrits au paragraphe II de l'article 36 au titre des mesures nouvelles.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le budget annexe des prestations sociales agricoles.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heure quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heure quarante-cinq.)