SEANCE DU 7 DECEMBRE 2000


M. le président. Nous reprenons l'examen des dispositions du projet de loi concernant l'agriculture et la pêche.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Revet.
M. Charles Revet. Monsieur le ministre, à partir de la situation dans laquelle est plongée l'agriculture, en particulier la filière bovine, et qui a été évoquée par la plupart des intervenants, je souhaite formuler quelques réflexions et surtout poser quelques questions.
Quel est le constat ? La crise de l'ESB a eu pour première conséquence une diminution importante de la consommation de viande bovine. Si l'inquiétude de nos concitoyens, même si elle est compréhensible, paraît injustifiée, selon les scientifiques ; il n'en demeure pas moins que les conséquences sont dramatiques pour nombreux de producteurs concernés et mettent en grande difficulté l'ensemble de la filière. Voilà qui justifie des mesures fortes d'autant que nous ne pouvons pas connaître la durée de cette crise.
La France, fort justement, a décidé de supprimer l'utilisation des farines carnées dans l'alimentation animale. La Commission européenne vient de reprendre à son compte cette disposition en l'étendant à tous les pays de l'Union européenne suite au constat de cas d'ESB en Espagne et en Allemagne.
L'interdiction des farines carnées pose le problème de l'approvisionnement en protéines dont la France et l'Europe sont largement déficitaires. N'est-il pas temps, monsieur le ministre, de poser à nouveau le problème de cette filière ?
Si la capacité de développement de la culture du soja ne permettra pas de répondre aux besoins, il existe des possibilités de production à travers d'autres oléagineux, des protéagineux, et des légumineuses qui pourraient être autant de substituts qui, par ailleurs, auraient d'autres effets bénéfiques.
J'ai eu l'occasion, monsieur le ministre, d'évoquer à plusieurs reprises les graves problèmes que nous avons connus en France ces derniers mois, en Seine-Maritime en particulier.
Je vous rappelle que, dans mon département, plusieurs personnes sont décédées à la suite des inondations provoquées par les intempéries. Si je me garderai bien de laisser entendre que l'agriculture en est la cause principale - il y en a d'autres - la suppression des prairies accentue ou, pour le moins, contribue à aggraver la situation.
Je me suis laissé dire, voilà quelques jours, monsieur le ministre, que 13 000 hectares de prairies en Seine-Maritime étaient encore potentiellement susceptibles d'être mis en culture du fait du dispositif actuel d'attribution des primes. Bien entendu, la plupart de ces surfaces se situent dans les bassins versants qui sont les causes principales des inondations.
Monsieur le ministre, pourquoi ne pas revoir ces dispositifs aux effets pervers ? Pourquoi ne pas proposer des modifications du système des aides, qui favorisent le maintien et le développement des surfaces en herbe, en incitant les productions d'oléagineux, de protéagineux, de légumineuses.
Peut-être allez-vous évoquer les contrats territoriaux d'exploitation, les CTE. Vous savez comme moi que, pour des raisons diverses - lourdeur, insuffisance des financements, notamment - cette politique ne peut pas répondre aux besoins.
Monsieur le ministre, mes questions seront simples.
En raison de l'inquiétude, de la gravité de la situation et des préoccupations tout à fait légitimes des agriculteurs, qui sont confrontés à des échéances immédiates, quelles mesures complémentaires entendez-vous mettre en place pour venir en aide aux producteurs et à l'ensemble des acteurs de la filière de la viande ?
S'agissant de la systématisation des tests de dépistage à l'abattage, quand serons-nous opérationnels ?
Par ailleurs, puisque certains départements sont demandeurs et peuvent intervenir dès aujourd'hui, quand les autoriserez-vous à procéder au dépistage systématique que prévoit la Commission ?
Monsieur le ministre, lors des questions d'actualité au Gouvernement - c'était il y a quelques semaines, et non aujourd'hui, vous êtes pourtant beaucoup intervenu - vous avez indiqué que vous entendiez profiter de la présidence française de l'Union européenne pour faire prendre des orientations qui tiennent compte de la situation nouvelle à laquelle nous sommes confrontés. Quelles évolutions pensez-vous suggérer ? Envisagez-vous de revoir le système des cultures primables ? Envisagez-vous en particulier de prendre dès maintenant des mesures qui favorisent le maintien et le développement des surfaces en herbe et la production d'oléagineux, de protéagineux, de légumineuses ?
La situation actuelle impose une remise en cause en profondeur. Etes-vous disposé, monsieur le ministre, à engager les actions qui seraient de nature tout à la fois à redonner confiance aux consommateurs qui s'interrogent, mais aussi aux producteurs qui, aujourd'hui, s'inquiètent fort justement pour leur avenir ?
Quand on contrarie la nature, elle se rebelle. Monsieur le ministre, pouvez-vous faire passer ce message à celles et ceux qui définissent la politique agricole ? Comme dans d'autres domaines, les solutions de bon sens sont souvent les plus simples et toujours les meilleures. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Lejeune.
M. André Lejeune. Après la remarquable intervention, ce matin, de notre collègue Jean-Marc Pastor, à laquelle je m'associe pleinement, mon propos portera principalement sur les contrats territoriaux d'exploitation, qui, compte tenu des problèmes actuels, vont être amenés à jouer un rôle primordial.
Cet instrument novateur, créé par la loi d'orientation agricole, vise à reconnaître le caractère multifonctionnel du métier d'agriculteur. Le CTE est un contrat signé entre l'agriculteur et les pouvoirs publics qui permet de rémunérer les engagements en faveur de démarches de qualité, de préservation de l'environnement ou de gestion de l'espace et de création d'emplois.
Le nombre de CTE conclus à ce jour est inférieur à ce que nous avions espéré. Toutefois, une accélération semble se dessiner ces dernières semaines.
Il ne s'agit pas d'un échec, comme certains aiment à le présenter, d'un échec qu'ils souhaiteraient sans doute afin de ne pas avoir à admettre, l'idée ne venant pas d'eux, qu'il s'agit d'une innovation intéressante.
Cette lenteur au démarrage ne doit absolument pas remettre en cause ce formidable outil de développement au service de l'agriculture. Les raisons de cette lenteur, nous les connaissons. Il s'agit, d'une part, du temps pris par la négociation du plan national de développement rural, qui n'a pu être adopté qu'en septembre et, d'autre part, de la complexité du dispositif.
Cela ne vous a pas échappé, monsieur le ministre, puisque vous avez engagé un travail de simplification et d'orientation. Nous vous en savons gré et nous souhaitons que vos efforts en ce sens aboutissent.
La dotation du fonds de financement des CTE pour 2000 n'a été, de ce fait, que partiellement consommée. Le projet de budget qui nous est proposé ajuste donc cette dotation, qui s'élève à 400 millions de francs pour 2001 contre 950 millions de francs en 2000.
Vous nous avez assurés que les crédits non consommés en 2000 seraient intégralement reportés sur 2001. Cela permettra de conserver cette enveloppe à l'agriculture et de poursuivre la tâche entreprise dans de bonnes conditions.
Aujourd'hui, les projets collectifs avancent et un grand nombre sont sur le point de se traduire en contrat-type.
Dans mon département, où nous avions eu le plaisir de vous accueillir pour la signature des premiers contrats, le nombre de CTE conclus vient de tripler ces derniers jours !
La modulation va permettre de distribuer des aides financières aux agriculteurs selon des critères qualitatifs et non pas seulement productivistes. Cette mesure va dans le bon sens.
Le système de production privilégiant la recherche de la productivité et du profit au détriment de l'environnement et de la sécurité des consommateurs, système qui a trop souvent prévalu et que nous n'avions pas manqué de dénoncer, doit être remis en cause.
Les éleveurs qui pratiquent l'élevage extensif doivent être plus que jamais encouragés. Ils sont très sensibles à l'avenir de la prime au maintien des systèmes d'élevages extensifs, dite prime à l'herbe, que nous devons défendre en veillant à ce que les montants à l'hectare soient revalorisés.
Aujourd'hui, les agriculteurs sont inquiets pour l'avenir de leur profession. Quant aux consommateurs, ils s'inquiètent du contenu de leurs assiettes et demandent des produits de qualité plus proches du terroir et plus facilement identifiables. Il est impératif de favoriser la transparence afin de redonner confiance aux uns et aux autres et d'éviter que chaque crise sanitaire ne prenne des proportions considérables.
En rémunérant l'ensemble des fonctions qu'accomplissent les agriculteurs, les CTE permettront la mutation de l'agriculture française vers une agriculture plus durable et ils démontreront sa capacité d'adaptation aux nouvelles attentes de notre société. C'est en effet un formidable outil de diversification qui, en assurant la promotion de la recherche de la qualité devrait être un élément déterminant pour sortir de la crise actuelle.
La mobilisation de tous les acteurs est indispensable pour assurer la réussite de ce projet. En ce qui nous concerne, vous pouvez être assuré de notre total soutien et de tous nos encouragements, monsieur le ministre : bien entendu, nous voterons votre budget. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Delong.
M. Jacques-Richard Delong. Monsieur le ministre, le langage que je vais tenir ne sera pas celui d'un ancien élève de l'Ecole nationale d'administration, il sera plus proche de celui d'un paysan du Danube.
J'ai l'impression qu'après le poisson, avec arêtes, et le rôti, avec os, qui vous ont été abondamment servis au cours de la matinée, il m'appartient de vous servir la salade, c'est-à-dire la forêt ! (Sourires.)
Les tempêtes de 1999 ont des conséquences financières importantes pour les communes forestières. Lorsque les dégâts excèdent deux ou trois années de récolte, il s'ensuit une remise en cause des budgets communaux. Or, dans un certain nombre de communes, ces dégâts atteignent quinze années de récolte.
Les engagements pris publiquement par M. le Premier ministre, le 12 janvier 2000, dans le feu de l'action, n'ont pas varié, mais ils doivent être profondément remaniés en ce qui concerne leur mise en oeuvre.
Il est indispensable de mettre en place des palliatifs pour faire face à une véritable détresse. En effet, en dépit des aides importantes prévues par le Gouvernement mais qui se révèlent, comme toujours, très insuffisantes, les communes devront reconstituer leur patrimoine forestier et devront à cette fin apporter un autofinancement minimum de 20 % sur un total qui peut être évalué à environ 2,5 milliards de francs sur une dizaine d'années.
Les circulaires interministérielles précisant les critères d'éligibilité à la subvention d'équilibre ont été publiées. Les commissions départementales ont été mises en place et ont fonctionné correctement en 2000.
Le ministère de l'intérieur, qui a mesuré l'ampleur du désastre financier pour les budgets des communes forestières, a accordé une dotation de 200 millions de francs au titre des subventions d'équilibre pour les années 2000 et 2001. Or la vente de la majeure partie des chablis durant l'année 2000, en dépit de la forte baisse de leur valeur marchande, a procuré des recettes souvent supérieures à la recette moyenne des trois dernières années. Ainsi, seule une faible partie des communes forestières bénéficie d'une subvention d'équilibre en 2000.
On connaît maintenant avec une précision acceptable le montant total de ces subventions pour l'exercice en cours : il atteindra 100 millions de francs. Mais il se révèle déjà très insuffisant. En revanche, la baisse sensible des recettes de ventes de bois en 2001 rendra éligible à la subvention d'équilibre un nombre de communes beaucoup plus important, et ce nombre sera encore plus important en 2002 et les années suivantes.
D'ores et déjà, d'après les estimations de la Fédération des communes forestières de France, on peut affirmer qu'une somme minimum de 350 millions de francs sera nécessaire en 2001 pour venir en aide aux communes forestières, sachant que la subvention d'équilibre ne constitue qu'une compensation partielle des pertes subies et en aucun cas une indemnisation.
Le 23 novembre dernier, la Fédération des communes forestières a demandé à M. le ministre de l'intérieur d'engager une étude destinée à évaluer le plus objectivement possible les pertes subies par chacune des communes forestières. Ce travail définirait l'évaluation des pertes subies, mais aussi la perspective à moyen terme qui, seule, peut permettre à la fois de déterminer les besoins nécessaires, d'appliquer de manière équitable les circulaires mentionnées et d'amorcer progressivement le redressement des finances des communes sinistrées.
Cependant, le ministre de l'agriculture et de la pêche est notre autorité normale. C'est donc à lui que nous demandons de coordonner l'action de ses collègues ou de stimuler leur inaction.
Depuis le printemps de cette année, les élus des communes forestières s'interrogent sur le phénomène météorologique que représente la tempête du mois de décembre 1999, qui fut extraordinaire par sa violence et par son étendue. Comme leurs administrés, les maires se demandent si ce phénomène risque d'être récurrent. Ils se demandent également comment il est possible de rendre les peuplements forestiers plus résistants.
Notre fédération a entrepris une réflexion approfondie avec les experts du ministère de l'agriculture et de la pêche et avec l'Office national des forêts pour essayer d'identifier les causes et les conséquences des dégâts occasionnés par la tempête aux forêts communales.
Nous sommes bien obligés d'admettre que la nature reste le grand maître de la forêt, car jamais l'homme ne pourra implanter ou réimplanter des massifs forestiers à même de résister à des vents dont la vitesse excède cent cinquante kilomètres à l'heure.
On doit faire preuve d'humilité quand on pratique la sylviculture. On doit faire preuve de patience aussi, les échéances sont à quatre-vingts ans, voire à deux cent-cinquante ans. Le rôle de l'homme consiste, en forêt, à imiter la nature et à hâter son oeuvre.
Le 6 octobre 2000, lors du colloque d'Epinal, la fédération des communes forestières a énoncé un certain nombre de principes qu'elle entend voir mis en oeuvre lors de la reconstitution des forêts. Au mois de janvier 2001, en commun avec l'Office national des forêts, elle éditera une plaquette qui sera présentée à la presse et diffusée dans le grand public.
Ne pouvant entrer, faute de temps, dans le détail des mesures, je peux dévoiler à cette tribune que les méthodes de sylviculture, qui sont nécessairement variées dans une forêt française déjà très diversifiée, ne seront pas radicalement remises en cause. Néanmoins, un certain nombre d'ajustements, de précautions et de pratiques devraient permettre, à l'avenir, de limiter, au moins en partie, certains risques.
Bien entendu, il sera fait appel à la régénération naturelle là où elle est possible et souhaitable, ainsi qu'à la constitution de peuplements mélangés.
Je tiens à souligner ici que la régénération naturelle est déjà largement mise en oeuvre par l'ONF dans les forêts communales et que, dans le renouvellement des peuplements arrivés à maturité, les plantations artificielles occupent une place très limitée. Au demeurant, elles sont nécessaires pour pallier des régénérations naturelles insuffisantes et pour diversifier les essences, notamment les essences précieuses comme le merisier, l'alisier ou le frêne.
Les modalités de reconstitution des forêts font actuellement l'objet d'une concertation avec l'ONF. Elles seront formalisées dans les mois à venir dans une charte commune à la fédération nationale des communes forestières de France et à l'ONF. Le principal obstacle à un débouché pratique est la méconnaissance profonde de l'évolution climatique des cent prochaines années.
J'ai déjà eu l'occasion de le dire, le mot « savant » s'applique au petit bonheur et les déclarations des experts en climatologie ne sauraient nous rassurer, tant elles sont à la fois pessimistes et contradictoires. Où est la vérité ? En fait, nul ne le sait. Elle n'est pas, en tout cas, au fond d'un puits de carbone !
Faute de pouvoir influencer les humeurs de la météorologie, les communes forestières ont affirmé à différentes reprises leur volonté et la possibilité qu'elles ont de prendre leur part à la lutte contre l'effet de serre.
Si les acteurs de la vie économique, et même tous les Français, doivent contribuer à la diminution des pollutions de toute nature, les communes forestières proposent, par une politique dynamique de renouvellement des forêts communales, d'enrichissement des taillis sous futaie pauvres et de reboisement de terrains en déprise agricole, de créer des « geysers d'oxygène », improprement dénommés « puits de carbone », sur une surface de un million d'hectares en quinze ans. La Fédération nationale des communes forestières de France entend ainsi, avec l'aide de l'Etat, contribuer efficacement, de manière ingénieuse et peu coûteuse, à la fixation du dioxyde de carbone. Il s'agit là d'un service majeur que seule la forêt peut rendre à la société.
Afin que soient financées de façon pérenne toutes les actions déjà engagées ou à engager en forêt publique, ainsi que les services non marchands que rendent ces forêts, notamment les forêts communales, la Fédération nationale des communes forestières de France demande instamment à M. le Premier ministre que le produit de l'écotaxe soit affecté à la forêt à hauteur des besoins réels, soit au minimum 2 milliards de francs par an.
Monsieur le ministre, je suis sûr que vous suivez le déroulement de la réunion sur l'effet de serre d'Ottawa.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. De très près !
M. Jacques-Richard Delong. J'espère que la France saura défendre le rôle majeur de la forêt dans la lutte contre l'effet de serre. (M. le ministre fait un signe d'approbation.)
En conclusion, monsieur le ministre, je voterai votre budget sans arrière-pensées. Mais, bien entendu, nous comptons sur vous ! (Applaudissements sur les travées du RPR. - M. Piras applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Deneux.
M. Marcel Deneux. Monsieur le ministre, le 14 novembre dernier, vous présentiez un plan général de lutte contre l'ESB, dont la principale mesure concerne la mise en place d'un moratoire sur l'utilisation des farines de viande et d'os dans l'alimentation de tous les animaux d'élevage.
Au regard du développement récent de la crise de la « vache folle » et de l'inquiétude sans précédent des consommateurs, les mesures annoncées vont dans le bon sens. Leur efficacité reste toutefois à démontrer. Je ne souhaite pas, faute de temps de parole, parler des mesures prises ou en cours de décision, d'autres collègues l'ont fait ou le feront.
Vos explications rassurantes, souvent courageuses, celles du Gouvernement depuis le début de la crise, n'ont pas suffi à arrêter le déferlement incontrôlé de déclarations irresponsables et trop médiatisées concernant les causes et surtout les conséquences de ce que l'on appelle maintenant dans un jargon employé par tous : la crise de la vache folle.
C'est une situation très grave que connaît le premier secteur économique de l'agriculture française. Il faudra plusieurs années pour revenir à un équilibre de la filière, mais rien ne sera plus véritablement comme avant.
La légitime aspiration des consommateurs à la transparence - qui doit être la conséquence d'une compréhension réciproque - ne se relâchera pas. Entre partenaires modernes et évolués d'une grande filière économique, il est normal qu'il en soit ainsi. Les pouvoirs publics étant un partenaire majeur, il vous appartient donc, monsieur le ministre, à vous et à quelques autres de vos collègues, de contribuer à rétablir le climat de confiance réciproque en l'absence duquel rien ne pourra être fait pour cette filière.
Le climat est détérioré. Paradoxalement, il s'est détérioré au moment où l'on commençait à prendre des mesures concrètes qui porteront progressivement leurs fruits.
Le phénomène s'est accru avec l'annonce que vous avez faite voilà trois semaines du chiffre de 3,2 milliards de francs, chiffre qui a circulé et que les médias ont repris et amplifié, sans chercher ni à l'analyser ni même à le comprendre.
Ainsi, depuis plusieurs semaines, la situation est incroyable : deux blocs de Français se regardent sans bien se comprendre. D'un côté, les consommateurs se rappellent qu'ils sont aussi contribuables ; de l'autre, les opérateurs économiques de la filière « viande » se demandent où sont ces 3,2 milliards de francs dont ils n'ont pas encore vu la couleur. Monsieur le ministre, il faut faire cesser ce climat, qui est malsain.
Ce chiffre de 3,2 milliards de francs est faux, c'est évident. Mais encore faut-il le dire et montrer le chemin de la vérité, qui redonne confiance. Il est faux car, dans la précipitation, on mélange allégrement, dans l'addition, des aides publiques nouvelles - il y en a peu -, des prêts bonifiés, des reports de paiements - sous conditions non précisées -, des crédits déjà programmés que l'on repasse une nouvelle fois, des aides financières et des aides européennes !
Tout cela contribue à un manque de crédibilité de l'ensemble des mesures prises ou à prendre. Monsieur le ministre, puisque ce chiffre est troublant, il faut en parler.
Si l'on analyse, point par point, l'ensemble des mesures qui constituent ce plan financier, on ne peut qu'être déçu par le volume des crédits prévus.
Ainsi, le report des cotisations sociales, estimé à 1,24 milliard de francs, ne coûtera à l'Etat que les avances de trésorerie consenties à la Mutualité sociale agricole car, au bout de trois années, ce sont bien les éleveurs concernés qui devront régler cette somme. C'est d'ailleurs en 1999 que les éleveurs ont remboursé les reports obtenus en 1996.
Quant aux 400 millions de francs du fonds d'allégement des charges, le Gouvernement mobilise les crédits des budgets 2000 et 2001, qui étaient déjà programmés pour résoudre les crises des marchés agricoles quelles qu'elles soient !
Le même recyclage budgétaire prévaut pour les soutiens financiers au plan « protéines végétales ». Il s'agit là du dispositif 2000, qui concerne les primes au soja de qualité et au tournesol, ainsi que la mesure en faveur du diester qui a déjà été obtenue lors de négociations qui ont abouti le 9 septembre dernier.
La filière industrielle bénéficie, pour sa part, de mesures sociales et financières qui se précisent ces jours-ci, mais qui ne sont toujours pas adaptées. Le compte n'y est pas et les bonnes procédures ne sont pas encore trouvées.
S'agissant de toutes les autres mesures annoncées, il faut faire la part des effets d'annonce et des moyens nouveaux réellement dégagés.
Lorsque l'on soustrait de son montant les simples avances de trésorerie et le redéploiement des crédits, il apparaît que le plan de soutien en faveur des éleveurs bovins et de la filière manque d'ambition. Où sont donc les 3,2 milliards de francs annoncés ?
L'absence de mesures immédiates de dégagement des marchés et d'aides d'urgence aux éleveurs nous porte à croire que le Gouvernement n'avait pas, voilà trois semaines, pris la réelle mesure de la gravité de la crise. Les dispositifs sont trop lents à se mettre en place. Il faut accélérer, monsieur le ministre. Vous avez une audience que je n'ai pas. Je compte sur votre autorité pour rétablir la vérité des chiffres. Il faut redonner l'espoir aux éleveurs et créer les conditions d'un dialogue avec les partenaires industriels de la filière pour parler de sa nécessaire restructuration.
Cette filière comporte une forte surcapacité d'équipements industriels qui se chiffre aujourd'hui entre 20 % et 35 % suivant les métiers et qui est la conséquence d'un passé trop marqué par l'action combinée des pouvoirs publics, des collectivités locales et d'opérateurs privés qui n'ont pas toujours bien mesuré les évolutions prévisibles du marché, le niveau de la concurrence et le besoin de gestion qualitative. Ainsi, 70 000 emplois sont fragilisés. Combien resteront ? Combien disparaîtront ? Cela dépendra des prochaines décisions en cours de discussion avec les pouvoirs publics et des « souplesses » sociales qui seront accordées. Cela se jouera dans les semaines qui viennent.
Côté élevage, il faut repenser tous nos équilibres entre troupeau allaitant et troupeau laitier, entre troupeau allaitant et aménagement du territoire, et s'adapter aux demandes du marché en matière de volumes produits.
Avec la crise que nous traversons, le devoir de rétablir la rentabilité de la filière s'impose à tous. Ce sera long et difficile. Il faudra beaucoup de courage à tous les décideurs publics et privés.
Monsieur le ministre, je souhaite que la proximité des échéances électorales ne soit pas, pour les décideurs publics ou politiques, le prétexte à une absence de rigueur au moment où il faudra prendre des décisions. Ce serait une occasion manquée que nous aurions à payer plus tard.
En plus de ce que j'avais préparé sur la « vache folle », je tiens à vous faire part de la dépêche que m'a apportée un collègue au moment où je montais à la tribune, et qui nécessite une réponse de votre part, monsieur le ministre.
Selon le quotidien économique Handelsblatt, le Gouvernement allemand veut empêcher que de nouvelles subventions ne soient attribuées aux agriculteurs victimes de la crise de la « vache folle » lors du sommet européen de Nice, qui s'est ouvert aujourd'hui.
Toujours selon le quotidien, qui cite le ministère des finances, en 1999, l'Allemagne a versé plus d'euros dans les caisses de l'Union européenne qu'elle n'en a reçu en retour. L'objectif de l'Allemagne est de continuer à réduire le différentiel.
Il est prévu de discuter à Nice des aides aux agriculteurs pour leur permettre de produire différemment, notamment après la décision européenne de suspendre pour six mois l'utilisation des farines carnées dans l'alimentation de tous les animaux d'élevage.
Voilà la teneur de cette dépêche, monsieur le ministre. Je ne sais pas si vous en avez eu connaissance. De quelle manière pouvons-nous contrer cette décision ? Elle nécessite en tout cas que vous nous indiquiez ce que vous en pensez et ce qu'en pensent les Français présents au sommet de Nice.
J'évoquerai rapidement deux sujets ponctuels : l'avenir du sucre et de son règlement, et le sucre et les pays les moins avancés.
S'agissant du premier point, une émotion s'est installée après les déclarations publiques d'un commissaire à Bruxelles voilà quelques semaines. Vous avez obtenu des assurances sur le non-abandon du calendrier, ce qui vous a permis de rassurer les opérateurs de la filière sucre. Je vous remercie pour cette action. Il n'y a aucune raison de remettre en cause l'organisation d'une filière qui est exemplaire sur le plan des marchés agricoles.
S'agissant du second point, M. Lamy s'est fait récemment l'écho d'une action possible en faveur des PMA, à savoir l'ouverture d'un droit d'accès pour un million de tonnes de sucre. Pour ceux qui ne connaissent pas le sujet, je précise que un million de tonnes de sucre nécessitaient 120 000 hectares de betteraves voilà dix ans, 80 000 hectares aujourd'hui, c'est-à-dire sensiblement le cinquième de la production française. Ces chiffres sont effrayants !
Il est nécessaire de conduire des actions en faveur des pays les moins avancés. Mais, de grâce ! qu'elles soient réfléchies et progressives, afin de ne pas démolir cette filière dont la construction a demandé soixante-dix ans ! Monsieur le ministre, vous devez obtenir que ces actions s'incrivent dans un plan d'ensemble. Mais les négociations de l'OMC ne sont toujours pas ouvertes.
Je terminerai par le budget et ses priorités.
Je ne relèverai qu'un point : l'effort encore insuffisant pour la recherche. Je sais que deux ministères de tutelle sont concernés.
L'INRA prépare un plan sur quatre ans. Il faut le faire. Aujourd'hui, une convention avec l'ACTIA va être signée ; elle va dans le sens d'un rapprochement avec les professionnels, ce qui est bien.
Toutefois - je tiens à le dire publiquement -, on ne fait pas assez état des résultats exemplaires qui sont obtenus par les 11 000 personnes - si l'on compte les stagiaires - qui travaillent à l'INRA.
Il en est de même pour le CEMAGREF et quelques autres petits organismes de recherche qui dépendent de votre ministère.
On souhaite que l'on fasse plus pour les industries alimentaires et non alimentaires, car c'est là que se crée la valeur ajoutée de la filière agricole.
Si nous obtenions pour la filière viande les mêmes résultats que ceux que nous avons obtenus en trente ans pour le lait, l'avenir serait plus ouvert et les raisons d'espérer plus apparentes.
En période de crise, c'est le moment d'innover, d'autant plus que l'avenir, ça se contruit et c'est aussi un problème de volonté politique ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Piras.
M. Bernard Piras. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le cadre de cet examen du budget de l'agriculture et de la pêche, je vais intervenir maintenant sur l'avenir du secteur agricole par le biais de l'enseignement agricole, pour tout à l'heure, lors de l'examen du BAPSA, évoquer la légitime solidarité que nous devons démontrer à l'intention des anciennes générations.
Je suis particulièrement satisfait que le budget réservé à l'enseignement agricole - ce « fier alezan », selon l'expression que vous avez utilisée il y a quelques instants, monsieur le ministre - et les efforts qui sont poursuivis en matière de retraites agricoles marquent incontestablement le caractère prioritaire qu'accorde à ces sujets le gouvernement actuel.
L'intérêt affiché pour l'enseignement agricole n'est pas simplement un effet d'annonce, les chiffres sont là pour le prouver : les crédits s'élèvent pour 2001 à 7 521,28 millions de francs, en progression à structure constante de 2,46 %, alors que l'ensemble du budget du ministère de l'agriculture et de la pêche ne progresse que de 0,6 %.
J'ai lu et entendu que, malgré cette évolution indéniablement positive, certains voyaient un ralentissement dans l'effort engagé en faveur de l'enseignement agricole.
Pour ma part, j'estime que l'appréciation portée sur le budget de l'enseignement agricole doit l'être sur plusieurs exercices. Je rappelle donc les efforts des années précédentes : ce budget a connu une progression de 3,58 % en 2000, de 6,21 % en 1999 et de 4,64 % en 1998.
Cette vision plus globale nous permet de constater que, depuis quatre ans, l'enseignement agricole est une priorité pour nos gouvernements, ce dont je me félicite. Il faut tout de même préciser que, si un tel effort a été consenti et doit se poursuivre, c'est qu'il s'avérait nécessaire, voire indispensable, nous en sommes tous conscients.
Au-delà de cette appréciation générale, je souhaiterais articuler mon intervention autour de deux points, le premier portant sur une analyse plutôt comptable, le second sur une approche plus philosophique et prospective de l'enseignement agricole.
L'enseignement agricole est soumis à des maux profonds et structurels qui méritent, et même qui exigent, que les pouvoirs publics s'en saisisssent, la situation de l'emploi étant sans doute le plus marquant.
Il est donc nécessaire de créer des emplois et de résorber l'emploi précaire, ces deux aspects étant d'ailleurs intimement liés puisque la carence en création d'emplois a conduit au développement de l'emploi précaire. C'est ainsi que l'inspection générale de l'agriculture a calculé que la part des non-titulaires atteignait le taux record de 25 % dans l'enseignement agricole, alors que ce taux n'est « que » de 6 % dans l'éducation nationale.
Pour remédier à cette situation, le projet de loi de finances pour 2001 contient de très importantes dispositions tant en matière de création nette d'emplois qu'en matière de résorption de la précarité.
Pour ce qui est du premier point, 200 postes sont créés, la répartition étant la suivante : 120 emplois d'enseignant, qui s'ajoutent aux 158 emplois créés en 2000 et aux 150 emplois créés en 1999 ; quatorze emplois dans l'enseignement supérieur, ce qui marque une rupture avec le passé ; soixante postes de personnel non enseignant, qui s'ajoutent aux soixante emplois créés en 2000 et aux quarante emplois créés en 1999 ; six postes de personnel non enseignant dans l'enseignement supérieur.
En ce qui concerne le problème de la précarité, au-delà du projet de loi relatif à la réduction de l'emploi précaire dans la fonction publique, le projet de loi de finances pour 2001 prévoit, pour la quatrième année consécutive, des créations d'emplois par transformation de crédits de vacations et d'heures supplémentaires. Pour cette dernière mesure, près de 400 emplois sont créés qui se répartissent ainsi : 260 emplois pour le personnel enseignant du second degré et 137 emplois pour le personnel non enseignant.
Ces mesures concernant les créations de postes et la déprécarisation devraient conforter la situation des enseignants et des élèves de l'enseignement agricole. Ce rattrapage, s'il doit être loué, doit non pas se ralentir, mais bien au contraire se poursuivre.
J'aborderai très brièvement trois questions qui méritent des précisions de votre part, monsieur le ministre.
La première porte sur le constat fait par certains du ralentissement du rythme de progression des subventions de fonctionnement des établissements publics et privés. Il est évident que, dans un budget, des choix doivent être faits ; celui qui nous est soumis privilégie les effectifs. Néanmoins, il faut rester vigilant et s'assurer que la qualité de la pédagogie dans l'enseignement agricole soit préservée, car elle est unanimement reconnue.
Par ailleurs, et cela fera l'objet de ma deuxième remarque, il est regrettable que le fonds social lycéen soit simplement reconduit en francs courants à hauteur de la dotation inscrite en 2000.
Enfin, je voudrais évoquer, monsieur le ministre, le mécanisme du régime temporaire de retraite de l'enseignement privé, le RETREP, lequel est étendu aux contractuels de l'enseignement privé sous contrat relevant de l'éducation nationale, ce qui leur permettra de bénéficier d'une retraite à taux plein dès soixante ans. A ce sujet, avec mes collègues, Pierre-Yvon Trémel, Jean-Marc Pastor, Yolande Boyer et dix-huit autres membres du groupe socialiste, nous avons déposé un amendement afin que, dès 2001, le personnel de l'enseignement privé agricole sous contrat bénéficie des mêmes dispositions que le personnel de l'enseignement public général.
Au-delà de cette analyse comptable, qui démontre que la politique poursuivie par ce gouvernement depuis plusieurs années répond en grande partie aux problèmes de l'enseignement agricole, une analyse plus qualitative de cet enseignement s'avère nécessaire.
Que ce soit en 1999 ou en 2000, dans mes interventions sur l'enseignement agricole lors de l'examen des lois de finances, j'ai évoqué la nécessité, dans la définition du contenu de cet enseignement, de prendre en considération le rôle multifonctionnel de l'agriculture affirmé par l'article 1er de la loi d'orientation du 10 juillet 1999.
L'actualité, à l'occasion de la crise de l'ESB et des farines animales, crise qui devrait d'ailleurs nous inciter à appréhender le problème des OGM d'une manière encore plus vigilante, vient confirmer l'obligation de remettre en cause la philosophie productiviste qui a guidé la prise de décisions en matière de politique agricole depuis des décennies.
Je rappellerai à ceux de nos collègues qui, malheureusement, n'étaient pas présents lors de l'examen de la loi d'orientation agricole la fameuse règle des 80 % - 20 %, que j'ai d'ailleurs répétée une vingtaine de fois dans cet hémicycle, c'est-à-dire la règle selon laquelle 80 % des subventions vont à 20 % des agriculteurs.
L'aspect multifonctionnel de notre agriculture doit se traduire dans l'enseignement agricole, objet de mon intervention. Jusqu'à présent, la mission principale, et je dirai même unique en caricaturant un peu, qui a été confiée à l'agriculture a été de produire une quantité maximale de denrées alimentaires à un coût minimal.
Je ne suis pas totalement naïf et je sais très bien que le productivisme a été guidé par la concurrence rencontrée sur les marchés mondiaux. Mais, désormais, l'agriculture est au centre de nombreux autres enjeux : le respect de l'environnement, l'aménagement cohérent du territoire, la qualité sanitaire des produits, la commercialisation même de ces produits...
Conscient de ce problème, monsieur le ministre, vous avez souhaité l'émergence d'un projet pour un service public d'enseignement agricole, soit, dans le jargon du ministère, PROSPEA. L'idée mais également la procédure de concertation suivie doivent être louées car notre enseignement agricole, au même titre que notre agriculture, est à un tournant de son histoire, et je le dis de la manière la plus solennelle.
La réflexion que vous avez engagée est vaste, mais, dans votre intervention du 14 juin dernier, vous avez précisé qu'il s'agissait notamment de réfléchir au contenu de l'enseignement, et ce au regard des enjeux posés à l'agriculture en matière de multifonctionnalité. Quelle place voulons-nous donner à l'enseignement agricole au regard de ces enjeux émergents mais affirmés ?
Cette vision productiviste a laissé place à une approche multifonctionnelle de l'agriculture, laquelle n'est plus isolée dans le monde rural mais en fait partie intégrante. La France est, à mon avis, en avance dans cette approche globale du monde rural.
Votre volonté, monsieur le ministre, de voir émerger un nouveau projet pour notre enseignement agricole est l'occasion que ce dernier intègre, par la spécialisation et la diversification de ses formations, la mission multifonctionnelle de l'agriculture de demain, laquelle a un rôle primordial à jouer dans l'animation du monde rural et l'aménagement de notre territoire.
Le défaut d'anticipation sur les effectifs dans l'enseignement agricole, qui nous oblige aujourd'hui à de douloureux rattrapages, ne doit pas se renouveler sur le contenu des formations dispensées. L'enseignement agricole doit savoir s'adapter, accompagner la mutation indispensable de la politique agricole menée et répondre ainsi aux enjeux de société et aux objectifs clairs et légitimes de la dernière loi d'orientation agricole. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, M. Jacques-Richard Delong nous a parlé forêt. La forêt fait partie de la ruralité, et il ne peut y avoir de ruralité sans agriculture. Or notre agriculture est inquiète.
La Ve République a donné deux fondements à l'indépendance économique de la France : l'autosuffisance alimentaire et l'énergie nucléaire. Ce n'est pas un hasard si nous voyons les mêmes forces de désagrégation s'attaquer aujourd'hui à l'une et à l'autre.
MM. Jacques-Richard Delong et Adrien Gouteyron. Très bien !
M. Yann Gaillard. Pour nous en tenir à l'agriculture, un contrat a été passé entre l'Etat et les paysans, à l'époque de la première loi d'orientation, de la loi complémentaire et des grands règlements de marché. C'était le temps de Chombart de Lauwe, de Debatisse et, à Bruxelles, de Mansholt, sans oublier Debré, Pisani et Edgar Faure.
Avec leur aide, les paysans ont doté notre pays d'une puissante industrie de la terre, capable de tenir tête à l'Amérique. Ils ont aussi maintenu la vie et la beauté de notre paysage. Or ils sont aujourd'hui l'objet de tous les procès : au nom de la consommation et de la sécurité alimentaire ; au nom de l'environnement. Prenez l'article de M. André Chandernagor, personnalité que je respecte par ailleurs, paru dans le Monde du 5 décembre et intitulé Santé et environnement d'abord. Tout y est passé : « les veaux aux hormones, les porcs aux antibiotiques, le poulet à la dioxine, la « vache folle », l'air que nous respirons, l'eau de nos sources et de nos rivières ». Qui nous vaut d'encourir ces terribles dangers ? Le « lobby productiviste agricole ». D'où, monsieur le ministre, le démantèlement recommandé de votre ministère, jugé trop docile.
Certes, emportée par l'élan, l'agriculture a pu commettre des excès. Qui n'en commet pas ? Mais elle bat sa coulpe bien volontiers. Le chef naturel de ce « lobby », le président de la FNSEA, M. Luc Guyau, dans son dernier ouvrage Le Défi paysan, qui mérite d'être médité, écrit - cela figure à la page 13 : « Nous ne pouvons plus admettre de réduire nos activités à la simple production de volumes. Nous avons aussi à préserver nos ressources naturelles et notre environnement, à assurer la qualité sanitaire de nos produits, à nous ouvrir aux nouveaux marchés, à consolider une Europe agricole qui tend à s'étoffer. Pour fonder cette « agriculture innovante et citoyenne », il préconise même un « serment d'Hippocrate de l'agriculteur ». La pensée de Bertrand Hervieu, qui est proche de vous, monsieur le ministre, n'est guère différente, si j'en juge par ses récents ouvrages.
Des mots, direz-vous ! Mais, sous la plume de celui qui les écrit, ils valent engagement.
La profession organisée a mené avec l'Etat la première révolution agricole ; elle est prête à engager la seconde. Elle a déjà commencé à le faire. Elle est composée d'hommes et de femmes modernes, véritables chefs d'entreprise, qui maîtrisent la technique et la gestion et à qui la révolution informatique n'est en rien étrangère. Etant moi-même étranger à ce milieu et ancien élève de l'ENA, mon cher collègue Delong, je suis heureux de lui rendre cet hommage. Qu'attend la profession de l'Etat, et donc de vous, monsieur le ministre ? Que vous vous mettiez au travail avec elle et prépariez ce nouveau contrat « entre les agriculteurs et leurs concitoyens ».
D'abord, commencez par maintenir intact le potentiel de renouvellement de cette agriculture. Je pense, bien sûr, à l'installation des jeunes, mais aussi à cet enseignement agricole, public et privé, dont vous êtes le tuteur. L'heure n'est pas à tenter d'opposer public et privé ni à afficher une volonté de se séparer de certaines formations pour les confier à l'éducation nationale, qui a déjà suffisamment à faire avec ses propres problèmes.
Je n'insiste pas davantage sur cette question que plusieurs orateurs, excellents, ont traitée avant moi.
Faites fond aussi sur la production agricole non alimentaire : les fibres textiles, comme le chanvre ; la chimie du lait ou de l'amidon de blé ; les carburants végétaux ; et, bien sûr, le bois.
Le bois, ... j'y reviens ! Il en est tombé beaucoup dans cette fameuse tempête de décembre 1999. M. Jacques-Richard Delong, président de la Fédération nationale des communes forestières de France, l'a dit avec l'autorité et la passion qu'on lui connaît. Je veux compléter son propos en ce qui concerne l'Office national des forêts.
Avec 20 millions de mètres cubes à terre, l'Etat, premier propriétaire forestier de France, est donc le premier touché, ce qui emporte des conséquences graves pour l'équilibre financier de l'Office.
Le rapport Bianco, excellent document, préconisait de mettre fin à un excédent constaté de bois sur pied, sorte de surcapitalisation technique, par une mobilisation accrue de 10 millions de mètres cubes pendant dix ans. Les recettes supplémentaires auraient permis de faire face, entre autres, à l'insuffisance chronique du versement compensateur.
Recettes en moins, charges en plus, la tempête creuse un trou de 250 millions de francs dans les finances de l'Office. Inutile de compter sur la provision pour variation de conjoncture, qui n'a été que trop ponctionnée.
Les communes forestières de France sont préoccupées par la fragilité financière de leur gestionnaire, sur qui elles veulent pouvoir compter pour mener à bien le programme de reconstitution de leurs forêts annoncé par le Premier ministre.
Nous demandons donc avec insistance que, après un premier acompte de 100 millions de franc, un second versement de 150 millions de francs soit effectué en faveur de l'établissement. Et l'opération devra sans aucun doute être renouvelée en 2002. Mais une recapitalisation financière par l'Etat serait certainement le meilleur moyen de remettre l'Office sur pied et de redonner confiance aux communes, ainsi qu'à l'ensemble de la filière.

Monsieur le ministre, l'avenir de notre agriculture et celui de notre forêt ne se séparent pas. Ils sont l'un et l'autre entre vos mains ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Herment.
M. Rémi Herment. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mes collègues du groupe de l'Union centriste ayant longuement évoqué la crise de la maladie de la « vache folle » et la situation dramatique des éleveurs qui s'est ensuivie, je me bornerai à parler du problème de la traçabilité et de l'étiquetage.
Puisque l'interdiction des farines animales est aujourd'hui une réalité dans l'ensemble de l'Europe, avez-vous l'intention, monsieur le ministre, de relancer le plus rapidement possible la production de cultures végétales, notamment d'oléoprotéagineux, la France et l'Europe ne couvrant pas, aujourd'hui, leurs besoins en ce domaine ?
Afin d'assurer une véritable transparence concernant la filière alimentaire, notamment, il s'avère nécessaire que tous les produits soient étiquetés dans le cas où ils contiendraient des OGM ou des dérivés d'OGM.
Toutefois, aujourd'hui, l'étiquetage et la traçabilité ne sont que très peu développés en Europe et encore moins dans le reste du monde. Les règles communautaires doivent être complétées et clarifiées afin de permettre une véritable information du consommateur. C'est dans cette optique que la directive 90/220/CEE va être révisée.
Il convient surtout d'être particulièrement vigilant à l'égard des céréales provenant des Etats-Unis, notamment le maïs grain ou les fèves de soja. Le dispositif communautaire en matière d'étiquetage porte aujourd'hui, d'une part, sur les semences et, d'autre part, sur les produits finis. En revanche, entre les deux extrémités de la filière, il n'y a pas d'obligation réglementaire quant à la mention : « génétiquement modifié ».
Du fait de ces lacunes, les fabricants de produits alimentaires ont des difficultés à disposer d'une information précise quant au caractère « OGM » des ingrédients qui leur sont livrés et, par conséquent, à appliquer un étiquetage fiable des produits finis.
Etiquetage et traçabilité sont liés, mais les dispositifs en vigueur sont insuffisants, même s'ils ont le mérite d'exister. La traçabilité, notion assez récente en ce domaine, n'est pas sérieusement assurée de bout en bout de la chaîne alimentaire.
En s'appuyant sur le principe de précaution, la France peut montrer l'exemple, car les directives européennes, malgré leur précision habituelle, sont en la matière incomplètes, insuffisamment rigoureuses et partielles.
S'agissant, par ailleurs, de la situation des exploitations agricoles, il faut reconnaître qu'elle est particulièrement préoccupante. En effet, l'alourdissement des charges menace nombre d'entre elles. La maîtrise des charges est à nouveau une priorité.
Les efforts individuels ne seront pas suffisants, surtout si la concurrence, au sein de l'Union européenne, ne peut pas s'exercer pleinement entre les fournisseurs. En outre, à ces charges s'ajoute l'ensemble du dispositif de taxes mis en place par le Gouvernement ; je pense notamment à la TGAP, dont nous avons demandé la suppression. S'ajoute encore la modulation, essentiellement supportée par les céréaliers pour financer les CTE.
Il est donc urgent de prendre des mesures fiscales fortes pour compenser le nouvel appauvrissement de la « ferme France », lié à la baisse des prix de soutien. Depuis un certain temps déjà, le Gouvernement fait miroiter un plan d'aménagement de la fiscalité agricole, mais il est dommage que des mesures ne soient proposées que sous la pression.
Le poids des impôts et des prélèvements sociaux varie d'un pays européen à l'autre. Si je prends l'exemple du revenu net imposable, le calcul n'est pas le même partout : un agriculteur néerlandais et un agriculteur français ayant des exploitations laitières similaires - mêmes quotas laitiers, même quantité de lait produite - ont un revenu imposable différent ; entre autres raisons, le quota laitier est amortissable aux Pays-Bas, alors qu'il ne l'est pas en France. Et ce n'est là qu'un exemple parmi beaucoup d'autres.
Monsieur le ministre, il est temps de mettre en place un véritable plan de réduction des charges sociales et fiscales qui pèsent sur le secteur agricole.
Avec la crise sans précédent que connaissent les éleveurs, le métier d'agriculteur est un métier aujourd'hui très compromis.
Le recul des installations en est une preuve supplémentaire : elles ont chuté de plus de 30 % en trois ans. Or une agriculture qui ne se renouvelle plus est une agriculture qui n'a plus confiance en son avenir.
Que fait le Gouvernement pour y remédier dans le budget de l'agriculture pour 2001 ? Il se contente de reconduire à l'identique la dotation à l'installation votée en 2000. Si aucun effort particulier n'est réalisé en ce domaine, on ne peut parler de priorité à l'installation.
Je ne voudrais pas terminer mon propos sans évoquer, en ma qualité de représentant du département de la Meuse, la situation des exploitants forestiers.
Vous avez décidé d'augmenter de 33 % les crédits alloués pour 2001 à la forêt. Le plan national pour la forêt contient des mesures pour mobiliser les bois abattus, les stocker et les valoriser, reconstituer les forêts sinistrées, soutenir les communes forestières. A ce propos, je souligne la modestie des aides qui sont réellement versées aux communes et qui ne correspondent pas à leurs attentes.
Où en sont les exploitants forestiers aujourd'hui ? Ils ont passé une année effroyable à attendre des aides pour tenter de sauver leur activité.
Nous appelons de tous nos voeux un très ambitieux projet de loi d'orientation sur la forêt, à l'examen duquel nous ne manquerons pas d'apporter la plus grande vigilance. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)

M. le président. La parole est à M. Raoult.
M. Paul Raoult. Monsieur le président, mes chers collègues, monsieur le ministre, le projet de budget pour 2001 du ministère de l'agriculture s'inscrit dans un contexte à la fois national et européen bien particulier.
Lundi dernier, à Bruxelles, le conseil européen de l'agriculture, sous votre présidence, monsieur le ministre, a réexaminé le dossier de la « vache folle ». Je me félicite que les principes et les mesures nationales que vous défendiez voilà quelques jours devant nos partenaires européens aient enfin pu être repris à l'échelon européen.
J'espère que les mesures communautaires ainsi mises en place apporteront aux consommateurs toutes les garanties de sécurité sur la viande bovine, à la fois par l'interdiction totale des farines animales et par l'extension des tests de dépistage de l'ESB à tous les bovins de plus de trente mois.
En outre, la Commission s'est engagée à intervenir également afin de rétablir le bon fonctionnement de la filière, la situation des éleveurs étant profondément affectée par l'état actuel du marché.
Votre engagement, monsieur le ministre - je pourrais même parler d'un marathon, entamé voilà plusieurs mois -, ainsi que les décisions nationales d'interdiction, de contrôle intensif et de vigilance prises par le Gouvernement ont montré la détermination de la France face à ses partenaires et votre volonté constante - que vous partagez avec tout le Gouvernement - d'agir sur la base du principe de précaution, des recommandations des scientifiques de l'AFSSA, tout en prenant la mesure de toutes les conséquences de ces décisions.
Au-delà du cadre communautaire qui se met en place et qui renforce le dispositif sanitaire national, que beaucoup d'experts ou d'observateurs reconnaissent comme le plus complet en Europe, deux grandes questions préoccupent nos concitoyens et nos éleveurs. Comment rassurer les consommateurs, retrouver leur confiance ? Comment sauver l'élevage bovin et répondre aux attentes des producteurs face à une crise à la fois morale et économique, la deuxième en cinq ans ?
Au-delà des mesures conjoncturelles d'ordre sanitaire qui ont été annoncées dans votre plan, le projet de budget pour 2001 y répond également.
Votre projet de budget, monsieur le ministre, confirme les objectifs définis dans la loi d'orientation en matière de soutien aux agriculteurs et à l'ensemble des secteurs de l'agriculture. Ainsi, l'action de l'Etat au service d'une agriculture multifonctionnelle, diversifiée, dynamique, performante et sûre, au service d'un territoire et des hommes qui y vivent bénéficiera de 29,6 milliards de francs, avec une progression de 2 %.
Tous ces soutiens sont utiles alors que se multiplient les problèmes et les défis : exigences croissantes et légitimes des consommateurs quant à la qualité, notamment sur le plan sanitaire ; compétition mondiale accrue ; dégâts subis par la forêt française en décembre 1999 ; inégalités des revenus ; désertification de certains territoires ruraux.
Les priorités clairement affichées dans votre précédent budget sont réaffirmées dans ce projet : effort soutenu en faveur de l'enseignement agricole, de la formation et de la recherche, auxquels sont consacrés 7,5 milliards de francs, soit 5,5 % de plus par rapport à 2000 ; effort en faveur de l'installation des jeunes agriculteurs, maintenu au niveau de 2000, avec 490 millions de francs.
Je voudrais dire, à ce propos, que l'on nous fait souvent un mauvais procès quant à la diminution, aujourd'hui effective, de l'installation des jeunes agriculteurs. Je constate sur le terrain que ce sont souvent les agriculteurs en place qui empêchent les jeunes de s'installer en offrant des prix exorbitants pour reprendre des terres disponibles. J'ai pu constater que des exploitants étaient prêts à payer 20 000, 30 000, 40 000, voire 50 000 francs l'hectare pour des reprises, empêchant par là même des jeunes de s'aligner sur ces prix et donc de s'installer.
Faut-il, de ce point de vue, empêcher les agriculteurs de reprendre les terres pour s'agrandir ? La question doit être posée.
Une autre de vos priorités est le renforcement de la sécurité sanitaire, à la suite de la crise de l'ESB, bien sûr, mais aussi pour répondre au souci des consommateurs quant à la qualité des aliments, à leur origine, à leur traçabilité et aux questions soulevées par les OGM. Les dotations consacrées à ce volet de l'action du ministère progressent de 14 %.
Quant à la forêt, qui constitue une grande richesse nationale, elle bénéficie de crédits en forte progression : 11 %.
Vous réaffirmez également une grande ambition pour notre agriculture en soutenant son rôle économique et sa contribution majeure au développement rural et à l'aménagement du territoire. Je note avec satisfaction, dans ce domaine, l'augmentation de 14 % des crédits finançant la part nationale de la prime à la vache allaitante, qui atteignent 903 millions de francs.
J'insisterai également sur trois points qui me tiennent particulièrement à coeur, et d'abord celui de la lutte contre les pollutions.
La mise aux normes du bâtiment d'élevage participe à une indispensable reconquête de la qualité de l'eau. Les besoins dans ce domaine sont importants et un effort considérable a déjà été entrepris à partir de 1993. En 2001, il sera nécessaire de le soutenir.
Je suis régulièrement interpellé, comme mes collègues, par les éleveurs de ma région concernant l'évolution des PMPOA.
D'une part, je m'inquiète des capacités du secteur de l'élevage à concrétiser les engagements au titre du PMPOA, alors que ce secteur est aujourd'hui frappé de plein fouet par la crise de l'ESB, et cela malgré le soutien continu des collectivités territoriales.
D'autre part, compte tenu de l'ampleur des sommes en jeu, et sur la base d'un rapport d'évaluation technique, économique et financière, le Gouvernement a souhaité faire des propositions pour réformer le PMPOA et le rendre plus performant.
Beaucoup de professionnels sont légitimement préoccupés par le contenu de cette réforme. Il est difficilement acceptable que la volonté de maîtrise des coûts de ce programme puisse se traduire par une baisse des taux de subvention et une plus grande sélectivité des élevages éligibles.
L'importance des moyens à mobiliser exige un examen d'étape, afin de recadrer la hauteur des investissements et nos interventions vers les zones sensibles et prioritaires.
Par ailleurs, j'ai personnellement suivi la mise en place des mesures agro-environnementales dont le CTE prend aujourd'hui le relais. Je peux témoigner, en tant que président du parc naturel régional de l'Avesnois, région de bocage, de leur succès et de leur efficacité. Malgré l'accord tardif de l'Europe sur le plan national de développement rural, je suis confiant dans la mise en oeuvre de cette politique.
La réussite des CTE s'appuiera sur leurs réelles capacités à prendre en compte l'ensemble des problématiques agricoles qui existent à travers les territoires composant la France. Mais il y faudra beaucoup de temps, du fait de la diversité du monde agricole. Un véritable travail de dentelle est sans doute nécessaire, mais c'est effectivement la meilleure des solutions.
Enfin, je me permettrai de recommander avec insistance une mesure qui prendrait aujourd'hui tout son sens : la revalorisation de la prime à l'herbe.
Une alternative simple s'offre aux agriculteurs de régions traditionnelles d'élevage comme les territoires de bocage : la qualité, pour ne pas dire le bonheur est dans le pré. Or ce système d'exploitation est aujourd'hui souvent abandonné au profit de cultures fourragères plus avantageuses que des primes et destructrices sur le plan paysager.
La profession réclame une reconnaissance spécifique de ces zones d'élevage, un assouplissement des critères de chargement et une revalorisation sensible et suffisamment incitative du montant de la prime à l'herbe pour atteindre 1 000 francs. Satisfaire cette revendication permettrait de préserver la prairie et de maintenir la qualité d'une production tout en limitant nos importations de soja. C'est une proposition que je vous invite à examiner attentivement. Il nous faut tout faire pour retrouver rapidement une consommation proche de la normale.
Pour conclure, notre groupe, monsieur le ministre, a pris la mesure des efforts considérables qui sont ainsi accomplis. Nous apporterons un ferme soutien aux orientations et engagements définis, qui illustrent avec force les priorités nouvelles et conjoncturelles de la politique agricole tout en confirmant les efforts conduits précédemment. Nous voterons votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Goulet.
M. Daniel Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est vrai qu'un grand nombre de réponses aux problèmes agricoles dépendent d'un règlement sur le plan international ou communautaire. En revanche, d'autres mesures relèvent d'une politique nationale, et l'interdépendance internationale ne doit pas servir d'alibi à la carence d'une vraie stratégie agricole française.
Alors, puisque vous êtes au Sénat pour un débat qui, je l'espère, ne sera pas tronqué, monsieur le ministre, et s'agissant de l'un des principaux budgets dont soit dotée la nation dans un contexte assez exceptionnel, parlons des vrais problèmes qui préoccupent au premier chef nos communes et nos départements ruraux, loin des débats politiciens sur l'inversion du calendrier électoral, par exemple, dont nos citoyens sont bien éloignés.
La Basse-Normandie - je la prendrai comme référence - a le triste privilège de cumuler sur la même aire géographique la totalité des avanies et des sinistres qu'a connus la France au cours de l'année qui vient de s'écouler, et qui est bien une année noire : tempête, marée noire ou plutôt chimique, listeria, ESB et son cortège de drames.
En ce qui concerne les suites de la tempête de décembre dernier, la région de Basse-Normandie, plus particulièrement touchée, a été contrainte de conclure, dans le cadre du contrat de Plan Etat-région, un avenant de 222 millions de francs consacré non seulement au solde des réparations, mais aussi à la mise en place d'actions de prévention. Cet avenant a été signé le 17 octobre dernier. Autant dire qu'il reste beaucoup à faire !
Si vous parcourez le bocage normand, vous verrez, par exemple à Mantilly - je choisis cette commune parmi d'autres, car les sinistres qu'elle a subis sont très représentatifs - que 60 % à 70 % des arbres fruitiers ont été détruits sans que les réparations ne soient encore effectives.
Bien que la filière cidricole ait été gravement touchée, les producteurs ont décidé de réagir non pas seulement en réclamant des indemnisations, mais également en faisant preuve d'obstination, de solidarité et d'ouverture d'esprit. C'est ainsi que sont nées l'AOC de Pays d'Auge et celle des Cidres des vergers du Pays d'Auge. Quant aux AOC Pommeau de Normandie, Calvados et Poiré du Bocage, elles ont dû faire face à tous ces sinistres qui avaient mis à mal leur production.
Il faut donc souligner que les efforts de cette filière cidricole, l'un des fleurons des productions normandes, et de l'association régionale pour le développement de l'économie cidricole de Basse-Normandie, sont sans précédent.
La tempête ayant ruiné trois années de production, la filière bois mettra des décennies avant de retrouver le rythme normal de son exploitation forestière et des industries de transformation qui en découlent.
En ce qui concerne l'enseignement agricole, en tant que membre de conseils d'administration de certains établissements, je veux vous dire, monsieur le ministre, que l'argent consacré à cet enseignement est un argent bien placé !
Malgré nos difficultés d'adaptation et d'évolution permanente, nous sommes très fiers de notre formation agricole, qui regroupe en Basse-Normandie près de huit mille élèves dans les établissements privés ou publics. D'ailleurs, beaucoup de pays étrangers ne s'y trompent pas et s'inspirent de la qualité de notre formation et de nos méthodes.
Si j'approuve le projet de budget de cette année, qui marque, sur ce point, une augmentation significative, laquelle doit servir à la création de deux cents emplois et à la titularisation de quatre cents emplois précaires, j'espère qu'il ne s'agit pas seulement d'une louable intention.
L'originalité et la réussite de cet enseignement sont dues, nous le savons tous, à quatre composantes : l'enseignement public, l'enseignement privé, l'enseignement confessionnel et l'enseignement associatif, et surtout celui en alternance des maisons familiales rurales, ainsi que l'enseignement professionnel des compagnies consulaires.
Dans le cadre du plan régional des formations professionnelles, je souhaite vous dire que nous assurons, quant à nous, l'adéquation de la formation des jeunes avec les besoins du marché de l'emploi, ce qui explique le succès de cet enseignement qui n'a pas connu, contrairement à l'enseignement traditionnel, de baisses d'effectifs.
L'ouverture de cet enseignement vers les métiers périphériques de l'agriculture, les services ou la production, c'est-à-dire le tourisme rural, les métiers de l'eau et de l'environnement, les industries agroalimentaires, l'aide à domicile, les services aux retraités, constitue un facteur de vitalité de cette branche.
Les huit mille élèves et leurs enseignants contribuent d'ailleurs à limiter les effets de la désertification de nos campagnes. Si notre département ne garde pas tous ses jeunes, il garde encore, grâce à ce type d'établissements, ses jeunes agriculteurs.
J'en viens maintenant aux maisons familiales rurales ; on y a déjà fait allusion cet après-midi.
Ce genre de formation en alternance et en apprentissage, qui concerne 180 000 élèves en France, doit être soutenu. Or il semble que des menaces pèsent sur cette filière.
Les délibérations du Conseil national de l'enseignement agricole, le 30 novembre dernier, ont donné lieu à des réactions et à des inquiétudes quant à une volonté affichée de se séparer de certaines formations ou d'en exclure les maisons familiales et rurales. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner des assurances sur l'avenir de ce type d'enseignement, car parents, professeurs et élèves attendent votre position sans équivoque ?
En ce qui concerne la fiscalité des agriculteurs, j'aurais beaucoup à dire sur la question des retraites des agriculteurs. En effet, pas une semaine ne se passe sans que les aînés ruraux nous interpellent sur cette question. Oui ou non pourrons-nous, un jour, leur assurer une retraite décente qu'ils ont bien méritée ?
La question essentielle concerne toutefois le revenu agricole, dont la baisse - moins 8,3 % en Basse-Normandie - m'avait conduit à solliciter quelques explications à l'occasion d'une question écrite en juillet 2000. En toute hypothèse, une vaste concertation s'impose non seulement avec la représentation nationale, mais encore avec les représentants des milieux agricoles actifs et retraités.
S'agissant du dossier de la sécurité alimentaire et de l'ESB, vous comprendrez qu'un élu de Normandie puisse aussi vous poser un certain nombre de questions à cet égard.
Lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, j'ai fait adopter un amendement pour que les indemnisations versées au titre de l'ESB ne soient pas considérées come un revenu et qu'elles ne soient donc pas intégrées à l'assiette de l'impôt.
Il faut que cette disposition soit soutenue par le ministre de l'agriculture. Cette mesure de simple justice sociale doit être votée par l'Assemblée nationale et vous devez, monsieur le ministre, donner votre feu vert. Vous avez vous-même déclaré que votre plan n'était pas pour solde de tout compte. Voici le bon moment et le bon sujet, monsieur le ministre, pour transformer vos intentions en actes.
La crise de la filière bovine occupe une grande partie de votre temps et le nôtre aussi et nos efforts doivent converger vers la recherche d'une solution qui passe en priorité, tout le monde le dit, par une réconciliation du consommateur et du producteur.
La communication en matière de sécurité alimentaire ne se satisfait ni de slogans ni de dogmes. C'est vrai, il faut rassurer le consommateur, mais surtout il faut organiser une communication cohérente en matière de sécurité alimentaire. Le public est gavé et repu de mesures qui ne sont que des effets d'annonce.
Le consommateur vient d'« essuyer » successivement le sang contaminé, la dioxine, la listeria, les hormones, les OGM.
Nombreux sont les commentateurs de la vie politique qui ont, à juste titre me semble-t-il, considéré que cette crise de la « vache folle » était plutôt une crise de confiance dans le discours politique et, surtout, dans ceux qui le véhiculent.
A cet égard, nous sommes tous concernés. Je veux dire que chaque homme politique est concerné. La gestion du risque et de ses effets est une question autant politique que scientifique.
Il fallait prévoir qu'avec l'organisation d'une campagne de tests dans le Grand Ouest, par exemple, nous trouverions des cas de « vache folle ». Pourquoi n'avoir pas écouté ou entendu les responsables de la filière bovine et recherché un minimum de concertation avec les dirigeants ?
Nous avons en Normandie, comme dans d'autres régions d'ailleurs, des élevages de qualité labélisés : la race Normand, la Normandie-Maine. Ces dernières années, les professionnels ont fait de réels efforts pour tendre vers cette agriculture raisonnée, prônée par tous, dans un environnement de qualité ! C'est ainsi, par exemple, que sous l'égide de l'agence de l'eau Seine-Normandie, des agriculteurs d'un petit village de mon département, dans le sous-bassin de la Rouvre, mènent des actions significatives pour réduire l'utilisation de pesticides et nombreuses sont dans le département les expériences similaires, celle-là étant la plus récente.
Ces actions doivent être encouragées et soutenues, monsieur le ministre.
Face à cette volonté de maintenir vivaces et crédibles le secteur agricole et la ruralité, face aux efforts consentis pour investir dans des outils de production plus performants, les mises aux normes de sécurité, quoiqu'onéreuses dans les recherches génétiques d'amélioration des races, dans le sens d'une plus grande sécurité sanitaire des productions et de leur lisibilité, face à une agriculture normande qui est sans doute l'une des plus saines d'Europe, je considère comme dramatique, irresponsable et criminelle l'absence d'anticipation des conséquences d'une médiatisation anarchique de la crise de l'ESB.
Dans l'Orne, les personnels des abattoirs sont au chômage technique, ceux des sociétés d'équarissage aussi, ainsi que ceux des industries agro-alimentaires qui travaillent la viande et sont pourtant réputées.
Alors, monsieur le ministre, qu'avez-vous prévu pour la suite, je veux dire pour la communication de ces prochaines semaines lorsque tous les résultats des 14 000 tests pratiqués seront rendus publics ?
Une autre erreur de communication tuerait à coup sûr une filière aujourd'hui moribonde.
Quant aux tests, leur généralisation, voire leur systématisation, est une nécessité, car le public est dans les mêmes dispositions d'esprit que dans l'affaire du sang contaminé et il souhaite s'en remettre à la science pour être rassuré.
Quels moyens avez-vous mis en oeuvre pour activer la recherche sur les animaux vivants ? Combien avez-vous recruté de vétérinaires et d'agents de contrôle des filières agroalimentaires ? Trop peu, nous semble-t-il. En effet, alors que 430 emplois sont créés dans les services administratifs, 50 emplois seulement concernent les services de contrôles vétérinaires.
Dès lors, comment comptez-vous pouvoir effectuer les 48 000 prélèvements qui doivent être réalisés dans le Grand Ouest dans le cadre de la campagne de dépistage ?
Les missions de contrôles alimentaires sont prioritaires, monsieur le ministre. Vous avez, comme nous tous, été alerté par le syndicat des vétérinaires inspecteurs. Plutôt que de se lancer dans une campagne de communication aléatoire et onéreuse de réhabilitation de l'image nécessaire et prioritaire, qui doit être en grande partie confiée à la filière elle-même, ne croyez-vous pas que le budget devrait marquer la volonté du Gouvernementt de rassurer les Français sur leur alimentation ?
En conclusion, il est grand temps que nos compatriotes puissent reprendre le chemin des boucheries pour consommer de la viande produite dans les filières les plus sûres d'Europe.
C'est sous cette condition, et cette seule condition, que vous sauverez une filière dont les acteurs aujourd'hui sont aussi inquiets qu'interrogatifs, aussi déprimés qu'anéantis, aussi désabusés que lassés. Ils attendent que, d'urgence, soient prises des mesures de désengorgement du marché, faute de quoi la colère va bientôt céder la place à la révolte. En effet, les éleveurs n'ont plus rien à perdre et, comme le disait un célèbre politicien, il ne faut pas « désespérer Billancourt » (Exclamations sur les travées socialistes.)
A mon tour, je vous dis et je vous supplie de ne pas désespérer plus encore les acteurs de la filière bovine et ses milliers de salariés de la transformation : il sont plus de trente mille en Normandie à s'interroger, à juste titre, sur leur avenir. (Applaudissements sur les travées RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Trémel.
M. Pierre-Yvon Trémel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vingt-septième orateur inscrit après la présentation des rapporteurs, une Haute Assemblée qui attend l'intervention du ministre, un ministre sans nul doute pressé de répondre aux diverses questions qui lui ont été posées, vous comprendrez dès lors que je concentre mes propos autour de quelques points que j'évoquerai rapidement : l'ambiance dans le monde rural, la fiscalité, l'enseignement, les retraites et la pêche.
Pour ce qui est de l'ambiance dans le monde rural, nous discutons, monsieur le ministre, des crédits qui sont alloués à votre ministère à un moment où règne au sein du monde agricole un climat de morosité, de désespoir rarement atteint. Ce climat est dû aux effets de la crise de l'ESB - on en a beaucoup parlé - à la baisse des revenus agricoles dans certaines filières - et à la hausse des coûts de production.
Toutefois, la vulnérabilité de l'agriculture, à la fois conjoncturelle et parfois structurelle, a aussi des incidences très lourdes, qui ne sont pas toutes nécessairement chiffrables, dans le monde rural.
Sentiment d'abandon, complexe de culpabilité, perte de confiance dans l'avenir, désaffection pour la profession, monsieur le ministre, élus nationaux et élus locaux, nous nous sentons, comme vous, très concernés par cette ambiance qu'il faut contribuer à changer.
S'agissant de la fiscalité, nous parlons souvent ici du rapport dont vous aviez chargé nos collègues députés Béatrice Marre et Jérôme Cahuzac, sur la fiscalité agricole. On y évalue les adaptations qu'il conviendrait d'apporter à la fiscalité des exploitations agricoles et au mode de calcul de leurs cotisations sociales.
Vous vous en êtes déjà inspiré puisque, dès ce projet de loi de finances, on trouve des mesures positives pour les agriculteurs. Je citerai la baisse de l'impôt sur le revenu, la baisse de l'impôt sur les sociétés, la baisse de la CSG, le tout représentant un allégement de charges fiscales et sociales loin d'être négligeable.
Mais certaines mesures restent attendues, en particulier l'imposition spécifique des revenus exceptionnels, la fiscalité de la transmission des exploitations, la fiscalité concernant l'installation des jeunes agriculteurs, mesures qui sont souvent évoquées devant nous.
Je suis sûr que vous voudrez bien nous dire quelles sont les grandes orientations que vous comptez privilégier afin de susciter, en faveur de la profession agricole, une plus grande attractivité.
S'agissant de l'enseignement, qui est l'une de vos priorités, mon collègue et ami Bernard Piras, grand spécialiste de la question, a tout à l'heure montré combien nous avions là un bon budget. Pour la troisième année consécutive, en effet, les crédits consacrés à l'enseignement connaissent un rattrapage, qui était nécessaire.
Ce débat est l'occasion pour nous d'évoquer un dossier que vous connaissez bien : le fameux RETREP, le régime temporaire de retraite de l'enseignement privé.
Je continue à penser que le fait de permettre aux personnels contractuels de l'enseignement agricole privé sous contrat de bénéficier des mêmes conditions d'accès à la retraite que les contractuels de l'enseignement général privé est une mesure d'équité.
Nous sommes quelques sénateurs à présenter un amendement qui, je l'espère, recevra un accueil favorable de votre part comme de celle de la Haute Assemblée.
Les retraites agricoles sont aussi l'une des priorités de votre budget. Nous savons tout le retard qu'il faut rattraper dans ce domaine. Le gouvernement de Lionel Jospin a lancé un programme pluriannuel.
Nous entrons dans la quatrième année de ce plan, avec un coût induit supplémentaire de 1,6 milliard de francs.
Cet effort était nécessaire, car les retraites agricoles sont très faibles, les plus faibles du système social français.
Cela étant, même revalorisées, ces retraites agricoles restent faibles et un certain nombre de mesures devraient pouvoir soutenir la mise à niveau indispensable que nous appelons tous de nos voeux. C'est ce que propose le député Germinal Peiro dans un rapport que nous évoquons régulièrement.
Deux mesures proposées dans ce rapport mériteraient d'entrer rapidement dans notre dispositif social.
Il s'agit, d'une part, de la mensualisation, car le paiement trimestriel des retraites accroît les difficultés des personnes les plus défavorisées.
Je sais, monsieur le ministre, que vous souhaitez avancer sur ce dossier. Elément nouveau, la direction de la MSA a fait savoir qu'elle était prête à assurer la trésorerie de cette mesure au moyen d'un emprunt et avec la participation de l'Etat. Quel échéancier vous donnez-vous pour essayer de finaliser cette proposition intéressante ?
Il s'agit, d'autre part, de l'instauration d'un régime de retraite complémentaire obligatoire par répartition.
Là encore, je sais que vous êtes favorable au principe d'un tel régime et que vous attendez les propositions des professionnels. Pouvez-vous nous communiquer le calendrier que vous vous fixez ?
Enfin, je n'oublie pas, monsieur le ministre, que je suis parlementaire breton, élu d'un département qui a trois cent cinquante kilomètres de côtes, et que vous, ministre de la pêche, vous aimez la mer, les marins et les marins pêcheurs. Vous l'avez encore montré tout récemment encore, en passant une nuit en mer sur un chalutier de Roscoff, il est plus difficile de tenir debout sur un pont que sur les moquettes du ministère ou du Sénat ! (Rires.)
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. C'est vrai !
M. Pierre-Yvon Trémel. Je voulais vous dire combien ont été appréciées les mesures que vous venez de prendre afin de permettre aux entreprises travaillant à la pêche de faire face à la hausse du prix du gazole.
Bien sûr, on attend désormais dans les ports de pêche que les mesures prises puissent se prolonger tant que les coûts d'exploitation restent à un niveau insupportable. Songez, mes chers collègues, qu'un chalutier consomme 12 000 litres de carburant par semaine !
Pour terminer, je souhaite aborder très rapidement un sujet qui me tient à coeur, celui de la formation maritime et aquacole.
Celle-ci relève de la compétence du ministère des transports, ce que je regrette pour la filière pêche et l'aquaculture.
En dépit des efforts financiers liés à une réforme statutaire qui était nécessaire, la rentrée scolaire 2000 a été extrêmement difficile. La prochaine rentrée risque, nous dit-on, d'être encore marquée par certains dysfonctionnements.
Je souhaite qu'avec votre collègue Jean-Claude Gayssot vous mettiez tout en oeuvre pour que les jeunes qui se destinent au noble métier de marin pêcheur puissent être accueillis dans des établissements dotés normalement en personnels.
Monsieur le ministre, je vous félicite d'avoir su écouter avec une attention soutenue cette longue suite d'interventions. Continuez de vous battre comme vous le faites pour l'agriculture et pour la pêche ; nous sommes à vos côtés. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'adresserai tout d'abord mes remerciements les plus vifs à M. Bourdin, rapporteur spécial, ainsi qu'à MM. les rapporteurs pour avis, M. César, pour l'agriculture, M. Gérard, pour la pêche, M. Revol, pour le développement rural, M. Dussaut, pour les industries agricoles et alimentaires, et M. Vecten, pour l'enseignement agricole.
Avant d'en venir aux grandes lignes de ce budget, il me paraît indispensable de faire le point sur deux sujets d'actualité majeurs : la sécurité alimentaire, qui a, si j'ose dire, « alimenté » l'essentiel de nos débats, et la présidence française.
Cette présidence ne s'achève pas avec le Conseil européen de Nice, qui réunit actuellement les chefs d'Etat et de gouvernement, elle se prolongera encore quelques semaines. Elle me donnera notamment l'occasion de présider encore un conseil de l'agriculture et un conseil de la pêche. Nous approchons malgré tout de la fin, et le bilan est possible.
En matière agricole, ce bilan est très positif. Nous avons, en juillet, réglé plusieurs dossiers lourds hérités de la présidence portugaise. Je pense à l'organisation commune des marchés du lin et du chanvre, au dossier difficile du lait dans les écoles, au « paquet prix », qui traînait depuis plusieurs mois. Donc, nous avons pu solder, dès juillet, nombre de dossiers qui étaient en souffrance.
En outre, nous avons avancé sur des sujets horizontaux. Je pense ici à l'élargissement de l'Europe, dont le cadrage a été opéré pour le volet agricole lors du conseil d'octobre. Je pense également à la simplification administrative de la PAC, priorité française sur laquelle nous avons, en octobre également, obtenu un engagement fort de la Commission et un programme de travail comportant un échéancier de dizaines de mesures à l'examen. Je pense, enfin, à l'organisation mondiale du commerce, sujet pour moi fondamental. Lors du conseil de l'agriculture du mois de novembre, nous avons pu arrêter un mandat de négociation agricole pour l'OMC et pour la Commission ; nous en sortons renforcés, puisque ce mandat se fonde sur des idées proches de celles de la France. Par conséquent, sur ces sujet horizontaux, de nombreux points positifs sont à relever.
Il en va de même pour les organisations communes de marchés. La principale organisation, celle des fruits et légumes, a été réformée, avec succès, mais cela est passé à peu près inaperçu, compte tenu de la crise de l'ESB. Cette réforme était très attendue par les professionnels ; nous y avons beaucoup travaillé, mais nous avons remporté un vrai succès, salué par les intéressés. Ces derniers ont notamment reconnu le travail effectué avec nos amis espagnols, grecs, italiens et portugais pour sinon rééquilibrer du moins promouvoir les soutiens en faveur des productions méditerranéennes. Nous avons fait un pas non négligeable sous présidence française, ce dont je me réjouis.
Sur la réforme de l'OCM ovine, je rappelle que, lors d'un colloque fructueux qui a réuni, à Bruxelles, le 20 novembre dernier, tous les ministres concernés, nous avons lancé un travail de réflexion en exerçant une salutaire pression sur la Commission ; ce travail devra déboucher dans les mois qui viennent.
En revanche, la réforme de l'organisation commune des marchés du sucre connaît certaines péripéties qui sont liées à l'attitude de la Commission. La position française, très ferme, d'autant plus qu'elle est soutenue par une majorité assez large au sein du conseil de l'agriculture, nous permet de faire pression pour la faire évoluer.
Ma position à moi, et celle du Gouvernement français, est simple : quand une OCM fonctionne et ne coûte rien - en tout cas, très peu - il est absurde de remettre en cause ses fondements et peut-être encore plus absurde de faire des concessions inutiles avant le début des négociations.
J'en viens au dossier de la sécurité alimentaire et à la gestion de la crise de l'ESB. Quelques remarques de bon sens, d'abord : il est encore difficile de dresser un bilan d'une crise dont nous ne sommes toujours pas sortis.
Comme vous, je m'interroge sur ce qui a pu provoquer cette flambée de défiance à l'égard de la consommation de viande bovine alors qu'aucun fait nouveau - au moins en France - aucun événement particulier n'est venu l'accréditer.
D'ailleurs, je profite de l'occasion pour répondre à M. du Luart, qui, en aparté, s'inquiétait du cas d'un bovin contaminé dans le Calvados. Non, monsieur le sénateur, soyez rassuré, aucune viande contaminée n'est entrée, par cet abattoir, dans la chaîne alimentaire.
M. Roland du Luart. La traçabilité a bien fonctionné !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. En effet, les services de contrôle ont très bien réagi. Simplement, nous avons voulu aller au bout du principe de précaution, qui préconise l'abattage de l'ensemble du troupeau. Nous avons donc recherché ces bêtes sans préjuger le moins du monde de leur contamination. D'ailleurs, elles avaient, au contraire, passé avec succès, les épreuves de contrôle ante mortem à l'entrée de l'abattoir.
Rien n'est donc venu conforter cette défiance, sinon, peut-être, certaines déclarations médiatiques de journalistes pas assez scrupuleux. Surtout, la France a payé le prix de son courage. A partir du moment où, en effet, nous étions les premiers en Europe à nous lancer dans ce programme de dépistage - je vous rappelle qu'il s'agit de 48 000 tests, c'est-à-dire d'une opération à grande échelle - nous avons effectivement pris un risque, le risque, en cherchant des cas, d'en trouver et en trouvant, de provoquer des réactions dans l'opinion. C'est une réalité objective qu'il faut bien garder à l'esprit.
Cela étant, je suis persuadé que l'on ne restaurera pas la confiance par des artifices ou des subterfuges, et encore moins en cachant des vérités. La confiance reviendra quand on sera allé au bout de l'opération de vérité...
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. ... c'est-à-dire au-delà même de ce programme de tests, dont il faudra tirer les conclusions, pour arriver au dépistage systématique.
M. Charles Revet. Il faut aller très vite !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Mais personne ne va plus vite que le gouvernement français, monsieur le sénateur !
Nous avons pris un certain nombre de mesures.
Il y a eu d'abord, les mesures, arrêtées et annoncées par le Premier ministre en matière de précaution sanitaire et de sécurité alimentaire, avec la décision française d'interdire les farines carnées, plus un certain nombre d'autres décisions, notamment la montée en régime du programme de tests, ainsi que des moyens complémentaires pour la sécurité alimentaire, notamment pour le budget de l'agriculture.
Ensuite, est intervenu le plan de soutien à la filière bovine, que j'ai annoncé.
Enfin, après des atermoiements européens, il y a eu les décisions que nous avons arrêtées au Conseil de l'agriculture du 4 décembre, qui ont permis de parachever le dispositif.
Je n'ai jamais dit que les mesures franco-françaises étaient suffisantes. Dès le début, aussi bien sur le volet sanitaire que sur le volet du soutien à la filière, j'ai toujours affirmé que le dispositif ne serait complet que lorsque l'Europe viendrait le renforcer et que bien des aspects du dossier dépendaient de l'Europe.
L'Europe a bougé. Il s'agit de savoir pourquoi et comment.
Pourquoi ? Vous le savez bien. Certains pays nous assuraient mordicus, depuis des mois et des années, qu'ils étaient totalement épargnés par l'ESB je pense à l'Allemagne et à l'Espagne et, dans une certaine mesure, à l'Italie et à l'Autriche, qui se préparent à nous rejoindre et qui ont donc été plus sensibles que d'autres à la prise de conscience européenne. En gros, tous ces pays nous reprochaient nos mesures de précaution, nous accusaient d'en faire trop en se vantant d'être, eux, absolument indemnes.
Les mêmes pays ont, depuis, découvert des cas d'ESB et ont changé brutalement d'attitude. Tant mieux ! Je ne me réjouis pas que les cheptels de nos voisins et amis soient touchés par l'ESB, je me réjouis que la vérité progresse. En effet, quand la vérité progresse, c'est la lucidité des gouvernements qui progresse. Or quand la lucidité des gouvernements progresse, je l'ai déjà dit, c'est l'Europe qui peut progresser, ce qu'elle a fait.
Comment l'Europe a-t-elle progressé ? Elle a progressé avec un plan en deux volets : un volet sanitaire et un volet de soutien à la filière.
S'agissant du volet sanitaire, elle a arrêté quelques grandes mesures : la communautarisation de l'interdiction des farines animales, que la France souhaitait et qui est un bon aboutissement, même si c'est une suspension pour six mois, car personne, en tout cas pas moi, je le dis comme je le pense, ne peut imaginer que dans six mois on reviendra en arrière. Il s'agit d'une mesure lourde de conséquences mais qui est très importante.
Elle a également progressé sur le plan sanitaire en procédant à de nouveaux retraits de matériaux à risques spécifiés, à l'incitation de la France. Je pense à l'interdiction de l'utilisation des intestins de bovins, que nous avions déjà instaurée dans notre pays pour la charcuterie et qui est désormais communautarisée.
L'Europe a également envisagé d'instaurer des procédures visant à retirer des nouveaux matériaux à risques spécifiés, à l'instigation de la France. Elle ne les a pas encore établies, mais elle a mis en place une procédure pour soumettre ces mesures au comité scientifique directeur. Je pense à l'interdiction des colonnes vertébrales, de la rate, du thymus, des graisses animales et au changement de découpe de T-bone. Ces mesures seront soumises au comité scientifique directeur avant le 15 janvier, et j'espère que nous tirerons les leçons en communautarisant ces retraits.
Enfin, sur le plan de la protection, elle a mis en place ce programme de tests généralisés et systématiques pour les bovins de plus de trente mois non abattus, dans le cadre d'une procédure d'achat-destruction.
L'Europe a donc fait des pas en avant considérables en matière de sécurité alimentaire, même si je considère que ce n'est jamais fini.
S'agissant du second volet, le soutien à la filière, elle a mis en place un système d'abattage-destruction, qui nous permettra de dégager des marchés pour les bovins de plus de trente mois. Pour ces bovins, nous aurons le choix, soit de les abattre et de les détruire, soit de les tester systématiquement pour les faire entrer dans la chaîne alimentaire, soit de les maintenir dans les élevages, pour, plus tard, les abattre et les détruire ou les tester. Le dispositif est donc cohérent.
Nous avons, en outre, des décisions de soutien à la filière par l'intervention publique - le stockage public financé par l'Union européenne - et par des mesures d'avance de trésorerie s'agissant des primes pour les éleveurs de bovins. Le taux de ces primes passera de 60 % à 80 %. C'est une décision communautaire - et elles seront avancées dans le temps, au tout début du mois de janvier. C'est une décision nationale. Le dispositif est lourd de conséquences.
M. Deneux me disait : vous avez dit 3,2 milliards de francs, ou en tout cas cela a été dit, mais moi je regarde de près, je vois que ce n'est pas cela, qu'il ne s'agit pas d'aides directes, et donc que le compte n'y est pas. De mon point de vue, ces 3,2 milliards de francs - et c'est une explication sur laquelle nous pourrons nous entendre - ce sont non seulement des aides aux éleveurs mais également des aides aux entreprises de l'aval. Il s'agit d'aides directes ou de reports de charges sociales ou financières. C'est un ensemble de mesures sur lequel j'ai fait mon devoir, plus que d'autres à une certaine époque, mais peu importe. J'ai toujours dit que ce soutien européen était nécessaire. Nous avons de quoi agir.
Je ferai maintenant trois réflexions pour en terminer sur ce point. Premièrement, ces dispositions européennes sont financées. J'entends dire : il faut qu'à Nice les chefs d'Etat et de gouvernement se saisissent de ce dossier pour dégager les moyens financiers permettant d'appliquer le plan arrêté par les ministres européens de l'agriculture, afin que l'on aide enfin directement les agriculteurs qui connaissent des difficultés. Ce que feront en plus les chefs d'Etat et de gouvernement réunis à Nice sera le bienvenu, s'ils ont le temps de le faire car leur cahier des charges est déjà très lourd !
L'ensemble des mesures que je viens d'énoncer sont financées par le conseil « agriculture » de lundi. Les ministres européens de l'agriculture et le commissaire européen chargé de l'agriculture n'ont pas été irresponsables au point de prendre des mesures sans les financer. Elles sont financées par une ouverture de crédits de 800 millions d'euros, soit plus de 4,5 milliards de francs, dans le cadre des perspectives financières et budgétaires ouvertes à Berlin, lors de l'Agenda 2000. Donc, les choses sont très claires au sein de l'Union européenne.
M. Roland du Luart. Cela suffira-t-il ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Pour l'instant, monsieur le sénateur. En effet, qui peut dire ce que va devenir cette crise, et si nous allons en sortir dans un mois, deux mois, trois mois, six mois ou deux ans ? J'ai le sentiment que ce ne sera pas par un coup de baguette magique, d'ici à quelques jours. En tout cas, nous avons de quoi agir dans la durée, notamment pour faire les dégagements de marché les plus importants qui sont espérés en urgence. Donc, nous avons financé ce dispositif.
J'en viens à ma deuxième réflexion. Nous allons tirer les leçons de ces décisions pour les mettre en oeuvre. De ce point de vue, comme je l'ai dit tout à l'heure lors des questions d'actualité au Gouvernement, nous avons deux rendez-vous. Le premier, c'est celui du lundi 11 décembre 2000, jour où l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments nous rendra son avis sur les leçons qu'elle tite des 15 000 premiers tests effectués en France. Nous ne faisons pas des tests pour le plaisir, nous les faisons pour comprendre et mieux connaître cette épizootie, d'un point de vue tant qualitatif que quantitatif. Où ? Dans quelles régions ? Sur quelles classes d'âge des bovins ? Pour quelles races ou quelle qualité de bétail ?
Nous le saurons. De cette connaissance améliorée de l'épizootie dans notre cheptel, nous tirerons des conséquences, notamment pour gérer le dispositif, à savoir abattage ou tests systématiques. Nous pourrons donc, à partir de lundi prochain, monter concrètement ce dispositif.
Je souhaite répondre plus précisément à quelques-unes de vos questions. Vous dites que certaines de ces mesures exigeront des moyens. Bien sûr. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le Gouvernement proposera plusieurs amendements au projet de loi de finances. Cela permettra d'abonder les crédits, et rendra donc caduques un certain nombre de réflexions relatives au montant des crédits et aux pourcentages.
Il faut en effet abonder ces crédits. Le Gouvernement a prévu, en particulier, de créer, et c'est un engagement du Premier ministre, 300 postes de vétérinaire inspecteur, notamment, mais également des postes pour ceux qui seront chargés de la montée en régime du programme de tests, lesquels sont indispensables.
En Europe, nous sommes le premier pays à avoir fait des tests. A ce jour, entre 15 000 et 20 000 tests ont été effectués. On en dénombrera 48 000 à la fin de cette expérimentation, dans quelques semaines. Nous devrons faire effectuer plusieurs centaines de milliers de tests en 2001, peut-être même plus de un million.
Cela exigera des personnels supplémentaires, mais aussi des moyens supplémentaires. Je commence d'ailleurs à vous en demander et je pense que vous les voterez.
Cela exigera également des laboratoires supplémentaires et nous devrons en agréer de nouveaux. Pour l'instant, nous en avons agréé treize, il en faudra davantage. D'ailleurs, je compte m'adresser dans les prochains jours, peut-être même dans les toutes prochaines heures, aux présidents de conseil général qui ont des laboratoires départementaux pour leur demander dans quelles conditions ils sont prêts à jouer le jeu s'agissant de cet agrément. Je sais que nombre d'entre eux sont prêts, qu'ils le souhaitent et me le demandent avec insistance. Tant mieux !
M. Roland du Luart. On vous l'a proposé !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je le sais. Je dis d'entrée de jeu, ici, que l'Etat est bien sûr prêt à s'engager dans cette coopération.
Le second rendez-vous, c'est la réunion du mardi 12 décembre prochain, qui sera consacrée au soutien à la filière bovine. Ce jour-là, à l'échelon européen, un comité de gestion de l'OCM bovine se réunira à la demande de la France et en urgence, car nous ne voulions pas attendre trop longtemps. Ce comité indiquera concrètement les modalités de mise en oeuvre des mesures, qu'il s'agisse de l'abattage, des interventions publiques ou des avances de trésorerie.
Ainsi, lundi et mardi prochains, nous disposerons donc de tous les éléments permettant non pas de sortir de la crise, mais d'en gérer la suite.
Pour terminer sur ce long point - nous y reviendrons peut-être tout à l'heure - nous voulons tous dire dans cette enceinte - et là je réponds notamment à Mme Terrade - notre solidarité à l'égard des éleveurs de bovins. Ils sont bien sûr dans une situation très critique. Il s'agit d'un véritable désastre. Cela exige de l'ensemble de la représentation nationale, des pouvoirs publics, l'exercice de la solidarité nationale. Nous mettons en oeuvre cette solidarité avec le plan national et le plan européen.
Je veux aussi dire ma solidarité à l'égard des salariés des entreprises de l'aval,...
M. Roland du Luart. C'est très important !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. ... qu'il s'agisse des abattoirs ou des entreprises de transformation.
M. Roland du Luart. On est d'accord !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Certains sont en chômage technique. D'autres ont été licenciés. Ils sont dans une situation précaire, et connaissent de grandes difficultés. Je veux dire mon engagement total, à la fois pour aider ces entreprises et leurs salariés, et pour accélérer la mise en oeuvre des mesures que nous avons mises en place dans un dialogue tripartite entre l'Etat, les entreprises et les organisations de salariés, car cela me paraît important et indispensable. En tout cas, je voulais l'affirmer ici, devant votre assemblée.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Pour en terminer sur la crise alimentaire on pourrait encore en parler des heures et en réponse à plusieurs d'entre vous, en particulier à M. Le Cam, j'évoquerai le plan « protéines ».
Comme je l'ai dit tout à l'heure, en réponse à une question d'actualité, l'interdiction des farines animales va accroître notre besoin en protéines végétales. De ce point de vue, je souhaiterais faire trois observations.
Premièrement, nous ne sommes plus bloqués par les accords de Blair House. En effet, il s'agissait d'un engagement à double sens dans lequel l'Europe s'était auto-limitée en productions de protéines végétales, en oléoprotéagineux, en échange d'un droit qu'elle s'était accordé de « surprimer », de donner des primes supérieures à celles qu'elle accorde aux céréaliers pour la production d'oléoprotéagineux.
A partir du moment où, à Berlin, l'Europe a décidé à la majorité, contre l'avis de la France, de baisser les surprimes qu'elle accorde pour la production d'oléoprotéagineux afin que les primes soient ramenées au niveau de celles qui sont versées pour les céréales, automatiquement, car d'un malheur il faut tirer un bienfait, nous nous libérons des engagements de Blair House. Nous n'avons plus de surprime, nous ne pouvons pas, en plus, avoir la contrainte de l'autolimitation. C'est mon analyse, c'est celle du gouvernement français et, je le dis avec satisfaction, c'est aussi celle de la Commission européenne, qui se considérera comme libérée de cette contrainte le jour où nous aurons achevé notre programme de réduction des surprimes concernant les productions d'oléoprotéagineux.
Deuxièmement, nous devons, à l'évidence, nous engager dans un programme ambitieux de relance des productions d'oléoprotéagineux. Le conseil « agriculture » de lundi dernier en a pris acte, en a passé commande à la Commission. Dans notre relevé de décisions de lundi dernier figure bien la commande passée à la Commission de faire un bilan et des propositions concrètes dans ce sens, et un engagement de la Commission devrait donc intervenir assez vite.
Troisièmement, en attendant que les accords de Blair House soit remisés dans le passé, en attendant que la Commission fasse cette proposition, nous pouvons agir sur le plan national.
L'année dernière, le Gouvernement a mis en place deux mesures d'encouragement sur la base d'engagements agri-environnementaux : les mesures « tournesol » et les mesures « soja de pays ». A cet égard, il faut une montée en régime en 2001. Nous avons le moyen de le faire. En effet, ces cultures d'oléoprotéagineux sont, de plus, des cultures propres, très économes en nitrates. D'un point de vue agronomique, elles nettoient le sol. Nous pouvons donc encourager leur production en termes agri-environnementaux.
Après avoir dressé ce bilan rapide de la crise alimentaire, j'en viens au budget de l'agriculture, même si, à travers ce plan que j'ai évoqué, j'ai déjà dit beaucoup de choses sur ledit budget. Bien avant la crise de l'ESB, ce budget était déjà marqué du sceau de la sécurité alimentaire dont nous avons considérablement accru les moyens.
Je dirai d'abord quelques mots de la partie « recettes » de ce budget. Je souhaite rappeler, après avoir entendu certains intervenants, que la baisse des charges est effective pour les agriculteurs. Les agriculteurs s'inscrivent totalement dans la baisse des impôts et des charges que le Gouvernement a souhaité mettre en place pour l'ensemble des Français. Ils n'en sont absolument pas exclus.
Je cite pour mémoire : 2,2 milliards de francs d'allégements de recettes fiscales bénéficient aux agriculteurs, grâce aux mesures concernant la contribution sociale généralisée - désormais les deux tiers des agriculteurs vont être exonérés de cette contribution - la baisse de l'impôt sur le revenu et la baisse de l'impôt sur les sociétés puisque 8 000 sociétés agricoles vont en bénéficier.
S'y ajoutent certaines mesures spécifiques aux agriculteurs, qui vont être mises en place. Il s'agit de 200 millions de francs d'allégements fiscaux recommandés dans le rapport de Mme Béatrice Marre, auxquels votre rapporteur a su, si j'ai bien compris, vous convaincre d'ajouter de nouvelles dispositions, et de 138 millions de francs d'allégements sociaux préconisés par M. Jérôme Cahuzac.
C'est aussi le cas des 480 millions de francs de baisse de la taxe sur le fioul domestique, que seuls les agriculteurs peuvent utiliser à des fins professionnelles. Grâce à cette mesure rétroactive au 1er janvier 2000, c'est un milliard de francs au total que la ferme France récupère.
Si l'on additionne les 2,2 milliards de francs de mesures fiscales, le milliard de francs sur la TIPP, les 200 millions de francs de la mesure Marre et les 138 millions de francs sur les mesures Cahuzac, on obtient 3,5 milliards de francs d'allégements de charges sociales et fiscales pour les agriculteurs. C'est tout sauf rien !
Je l'affirme ici pour que les choses soient très claires, les agriculteurs bénéficient donc à plein - et c'est légitime et normal - de l'allégement des impôts et des charges que le Gouvernement a souhaité accorder à l'ensemble des Français.
En réponse à une remarque de M. Jean-Marc Pastor, qui m'interrogeait sur la fiscalité de l'indemnisation de l'ESB, j'indique très clairement que le Gouvernement - M. Laurent Fabius et Mme Florence Parly ont fait connaître cette décision par voie de circulaire à leurs services - a décidé que l'indemnisation des troupeaux serait fiscalement neutre. Cela allait sans dire, mais cela va mieux en le disant ! Je tiens donc à rassurer à cet égard les agriculteurs qui, voyant leur troupeau abattu à la suite de la découverte d'un cas ESB, subissaient un double traumatisme, le second, de nature fiscale, étant lié à une sur-recette qui n'est que passagère.
J'en viens aux dépenses.
Ce budget progresse de 2 %, soit 0,6 % à périmètre constant, ce qui est un peu supérieur à l'objectif assigné au budget général de l'Etat.
Il s'agit d'un budget sérieux, construit autour de certains besoins et des attentes de la société.
Compte tenu des amendements que le Gouvernement proposera cet après-midi afin d'abonder les crédits pour plusieurs centaines de millions de francs, ce budget progressera toutefois de 3,1 % à structure constante. C'est beaucoup plus que ce que certains ont dit, mais je ne peux leur en faire grief : pour répondre à la crise, le Gouvernement a déposé des amendements budgétaires qui augmentent à due proportion ce budget.
J'aborderai maintenant trois grands domaines et, d'abord, le développement rural, avec notamment le plan de développement rural national qui a été, enfin, validé par la Commission européenne au mois de juillet dernier et qui se traduira par 13 milliards de francs d'aides, dont 5,2 milliards de francs des crédits communautaires. Cet effort est sans précédent !
J'ai écouté avec beaucoup d'attention et d'intérêt les propositions agri-environnementales formulées par M. Raoult, et auxquelles je souscris. Je lui répondrai d'ailleurs plus en détail ultérieurement.
Vous avez évoqué, les uns et les autres, deux dossiers particuliers : les CTE et les ICHN.
A MM. Pastor, Piras et Lejeune, qui m'ont dit de tenir bon sur le CTE alors que d'autres me demandaient plutôt de lâcher prise, je répondrai que je tiens bon. Pourquoi ? Parce que je crois profondément que le contrat territorial d'exploitation correspond à une exigence et à un besoin de l'agriculture française.
M. Gérard Delfau. Oui !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Permettez-moi, à cet égard, un petit retour sur la crise de l'ESB.
Sans se livrer à une critique systématique, on ne peut contester l'idée que, sans doute, nous sommes allés un peu trop loin dans une certaine forme de productivisme avec les farines animales.
M. Gérard Delfau. Tout à fait !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Pour que les laitières produisent plus de dix mille litres de lait par an, il fallait de l'alimentation enrichie en protéines, et ce à tout prix.
Certains sénateurs de l'opposition nationale - ou de la majorité sénatoriale - me demandaient pourquoi l'on ne revenait pas à la bonne herbe. J'y souscris !
M. Hilaire Flandre. Mon oeil !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Ainsi, mesdames, messieurs les sénateurs, pourquoi ne pas envisager un petit CTE très simple qui prônerait dans son volet économique l'encouragement aux filières de qualité, dans son volet économique la traçabilité, la transparence, la qualité, la labellisation, et dans son volet environnemental le recours à l'herbe ?
M. Hilaire Flandre. On le fait !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je suis sûr que, si je vous propose un tel CTE - je suis en train d'y travailler et je suis à deux doigts d'aboutir - vous allez en signer des milliers dans vos départements ! A ce moment-là, vous allez découvrir les vertus du CTE ! Chiche ! J'en prends le pari ! (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Daniel Goulet. C'est trop compliqué !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. En tout cas, le CTE est un véritable besoin pour un retour à la qualité de l'environnement, à la qualité des pratiques, à la qualité de l'emploi, à la qualité des paysages, à la qualité des produits. Je pense que c'est un besoin incontournable et qu'il faut l'encourager.
On dit que c'est un échec...
M. Hilaire Flandre. C'est vrai !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je reconnais que l'objectif que je m'étais fixé - 100 000 CTE à la fin de la législature - est tel que vous ne pouvez pas encore y croire. Moi, j'y crois toujours, et vous verrez ! Car, aujourd'hui, si seuls 3 600 ou 3 700 CTE ont été agréés en commission départementale d'orientation de l'agriculture - c'est plus, en tout cas, que certains le disent - il ne faut cependant pas oublier qu'à l'heure actuelle 70 000 agriculteurs travaillent sur un projet de CTE. Par conséquent, les CTE vont monter en puissance.
Au demeurant, permettez-moi de vous dire les choses clairement. Sans doute avons-nous été confrontés à des difficultés dans la mise en oeuvre de ce dispositif,...
M. Daniel Goulet. Eh oui ! C'est trop compliqué !
M. Rémi Herment. Il y a trop de paperasse !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. ... et sans doute certains ont-ils compliqué le dispositif. Je ne veux pas faire de procès d'intention particulier, mais peut-être mon administration...
M. Hilaire Flandre. Vous pouvez le dire !
M. Daniel Goulet. Il faut y remédier !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. ... et sûrement aussi les organisations professionnelles agricoles en ont rajouté, parce qu'il fallait inventer toujours plus de mesures nouvelles. Disons en tout cas que nous nous sommes bien répartis la tâche : nous, les Français, nous aimons compliquer les choses.
M. Roland du Luart. C'est bien vrai !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Pour ma part, je souhaite les simplifier pour que ce dispositif soit opérationnel. Et il le sera, car c'est un véritable besoin. (Très bien ! sur les travées socialistes.)
Les crédits - j'y reviens - sont en baisse de 400 millions de francs, parce qu'il faut bien tenir compte de la non-consommation de 900 millions de francs de crédits l'année dernière. Mais j'ai pu obtenir du Premier ministre - et donc du ministre des finances - le report intégral des crédits non consommés. Si bien qu'aux crédits déjà consommés, 150 millions ou 200 millions de francs à la fin de cette année, s'ajouteront 700 millions de francs de report, plus 400 millions de francs nouveaux. Avec 1 100 millions de francs en 2001, nous aurons de quoi financer la montée en puissance des CTE.
Quoi qu'il en soit, je tiens bon, et je suis en train de prendre des dispositions pour accélérer le rythme. Je suis donc confiant, même si je mesure que l'ampleur de la tâche est encore considérable.
M. Daniel Goulet. Sinon, nous retournons à Bruxelles ! Rendez-vous l'année prochaine !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Non ! C'est plus compliqué que cela, parce que le CTE est financé par des crédits européens - mais, ceux-là, je ne les compte pas dans mon budget - et ce sont des crédits nationaux qui retourneraient dans le budget de l'Etat. C'est pourquoi je me bats pour qu'ils restent à l'agriculture.
M. Daniel Goulet. C'est bien !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je suis sûr que vous allez m'aider pour qu'ils ne retournent pas dans la cagnotte du ministère de l'économie et des finances ! Donc, aidez-moi !
J'en viens à l'ICHN, l'indemnité compensatoire de handicap naturel, dont nous avons eu l'occasion de parler à plusieurs reprises ici même au cours de ces derniers mois.
Sachez que, sur ce sujet, j'ai été très troublé et très meurtri. Ma volonté, en ma qualité d'élu d'un département de montagne, était d'accentuer la politique de la montagne et de l'enrichir, y compris en lui accordant 500 millions de francs supplémentaires par an pour renforcer l'aide que nous lui apportons. En effet, cette politique est indispensable, d'autant que l'agriculture de montagne est très engagée dans des filières de qualité, dans l'aménagement du territoire, dans l'aménagement de nos paysages et dans la structure de l'emploi dans des zones très reculées. Or cette volonté de stimuler cette politique s'est trouvée à un moment non pas contredite mais freinée, contrebattue par des positions prises par la Commission européenne dans le cadre de nos discussions sur le plan de développement rural national.
Nous avons ainsi dû refuser la proposition de la Commission qui consistait à exiger en contrepartie de ces ICHN de bonnes pratiques agricoles - cela, ça allait encore se mesurant - et là, ça n'allait plus ! - en taux de chargement, excluant de fait les moins de 0,2 UGB et les plus de 2 UGB à l'hectare...
Ce dernier point était d'autant plus inacceptable que, comme j'ai eu l'occasion de le dire, les conséquences de ce plan étaient telles que le département le plus touché par cette proposition de la Commission - je dis clairement les choses - aurait été le département des Hautes-Pyrénées, dont je me sens encore un peu l'élu - ne serait-ce que pour cette raison, cette proposition m'est apparue comme une provocation inacceptable - avant les Pyrénées-Atlantiques, le Cantal et le Lot...
Cette proposition de la Commission était inadmissible compte tenu de son caractère d'exclusion à l'égard de certains agriculteurs de montagne. Donc, je redis ici que la politique des ICHN ne sera pas amputée, mais qu'elle sera, au contraire, amplifiée.
S'agissant de l'installation, une DJA à 490 millions de francs nous permet de financer huit mille installations. C'est une préoccupation constante du Gouvernement : ainsi, à Etalans, dans le Doubs, le 15 mai dernier, j'ai participé à une réunion de travail organisée par le CNJA sur ce dossier de l'installation ; on m'a proposé vingt et une mesures, que j'ai acceptées et prises en compte et qui sont en cours de mise en oeuvre. Ensuite, le 24 octobre, nous avons fait passer l'exonération partielle de charges sociales de trois ans à cinq ans, et nous avons accordé une préretraite aux titulaires de CTE-transmission.
Je voudrais surtout vous dire ma conviction sincère que le problème de l'installation en France ne se réduit pas à un problème d'argent. La preuve en est que nous ne consommons pas tous nos crédits chaque année.
Ce n'est pas forcément un problème de mesures réglementaires ou législatives, puisque, chaque fois que l'on m'en demande, je les prends et que, d'une certaine manière, cela ne change rien. Au demeurant, je me demande si l'on ne prend pas trop de mesures, au point de rigidifier l'entrée dans la profession agricole et l'installation.
Mais il y a aussi des problèmes de discours dominant. Ainsi, quand je rencontre des organisations professionnelles agricoles qui me disent, dans un discours public enflammé, que tout va mal à cause de moi - évidemment, c'est toujours à cause de moi ! - que les revenus s'effondrent, que l'on ne peut plus vendre les produits, que l'on n'arrête pas d'embêter les gens avec le respect de l'environnement, que l'on suradministre l'agriculture, que la vie d'un agriculteur est épouvantable et sans avenir, je me demande comment on peut, dans ces conditions, convaincre un jeune de s'installer ! Disons-lui plutôt que c'est un beau métier, un métier qui répond à une attente de la société, à une grande tradition.
M. Hilaire Flandre. Oui : l'agriculture d'hier !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. C'est encore le cas aujourd'hui, monsieur le sénateur ! Vous aussi, vous partagez cette volonté de tout peindre en noir ? Moi, je dis que cela reste un beau métier, plein d'avenir, pour peu que l'on ait conscience de répondre aux attentes de la société.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Il ne faut pas non plus tomber dans la méthode Coué !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Non, je ne tombe pas dans la méthode Coué, et je peux vous dire que, çà et là, en signant des CTE, je rencontre des agriculteurs qui s'engagent dans un démarche pluriannuelle de qualité, répondant ainsi aux attentes de la société. Ceux-là sont en train de réunir de bonnes conditions de vie et de réussite pour l'avenir !
Je crois donc que, plutôt que de tout peindre en noir, il y a aussi la place pour un discours positif, pour inciter les jeunes à s'installer.
M. Gérard Delfau. Il a raison !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Permettez-moi un mot sur la politique de soutien aux filières.
La reconduction des crédits des offices se situe à presque 3 milliards de francs, ce qui montre l'effort de l'Etat en faveur des activités protectrices de l'environnement. C'est le cas, notamment, avec les crédits de paiement qui financent les bâtiments d'élevage et le programme de maintien des pollutions d'origine agricole, le PM POA.
Je réponds ici aux préoccupations de M. Raoult, mais je n'oublie pas MM. Courteau et Delfau, qui m'ont interrogé à propos de la filière viti-vinicole. Avec l'ensemble des représentants de la filière, nous avons eu une réunion de travail hier, tard dans la soirée, pour arrêter des mesures, et notamment des mesures conjoncturelles de distillation que je ne peux pas décider tout seul dans mon coin mais que je présenterai - la mesure est déjà inscrite à l'ordre du jour - au Conseil européen du 19 décembre prochain.
Je me battrai pour obtenir un million d'hectolitres à 24,30 francs le litre, mais, je veux le dire de manière très claire, cette mesure conjoncturelle n'a de sens que si elle est accompagnée de mesures structurelles pour que nous ne soyons pas confrontés année après année à de nouveaux problèmes.
L'ensemble des représentants de la profession sont d'accord, notamment ceux de la belle région de Languedoc-Roussillon qui, depuis vingt ans, ont fait des efforts considérables pour restructurer leur vignoble en termes de qualité, pour poursuivre dans ce sens. En effet, les beaux succès qui ont été remportés ne sont pas suffisants, il faut leur redonner vigueur pour aller jusqu'au bout de cette restructuration et de cette démarche de qualité. Mais je pense que les professionnels en sont tout à fait conscients.
S'agissant de la forêt et des suites des terribles tempêtes de décembre 1999, et avant le dépôt du projet de loi de modernisation forestière sur le bureau du Sénat très prochainement, je répondrai à M. Delong, qui est un éminent représentant des communes forestières et qui sait mieux que personne les dégâts qu'elles ont subis, que ces communes sont éligibles au plan « chablis » à la fois par l'autorisation de placement des ressources exceptionnelles qu'elles peuvent toucher, par l'accès aux prêts bonifiés - pour celles, en tout cas, qui ont gelé leurs coupes - par les subventions d'équilibre, même si je ne méconnais pas la difficulté que M. Delong a exposée, et par le bénéfice de la circulaire sur la reconstitution qui est sortie fin août, comme j'en avais pris l'engagement, et qui est créditée de 600 millions de francs par an pendant dix ans, soit 6 milliards de francs.
Cela nous a permis d'achever le dispositif de traitement de cette crise, qui, grosso modo , aura fonctionné. Je faisais, hier, le point avec la Fédération nationale du bois ; en cette fin d'année 2000, nous aurons globalement traité 50 % des chablis. Franchement, ceux qui, dans les premiers jours de l'année 2000, auraient avancé ce chiffre seraient passés pour des fous ou des optimistes délirants !
J'ajoute que ce n'est pas fini : les dispositions du plan chablis restent ouvertes pour les semaines et les mois qui viennent, puisqu'il y a encore des bois de qualité qui sont récupérables. Nous allons donc pouvoir achever ce plan.
Les crédits pour la forêt augmentent de 31 %, dans le budget de 2001. En particulier, les autorisations de programme s'accroissent de 392 millions de francs, soit de 95 %.
Monsieur Gaillard, le versement compensatoire à l'ONF est maintenu à son niveau de 2000, soit 957 millions de francs, mais l'Etat a déjà abondé le budget de cet organisme de 100 millions de francs dans le collectif de printemps et il fera de même dans le collectif de fin d'année, c'est-à-dire dans quelques jours.
Concernant l'enseignement agricole, je préciserai d'abord, comme je l'ai déjà fait tout à l'heure, lors des réponses aux questions d'actualité, que personne ne rallume je ne sais quelle guerre scolaire. Je note d'ailleurs que, s'il y a eu des guerres scolaires, c'est toujours la gauche qui les a éteintes, qu'elle ne les a jamais allumées.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Chacun écrit l'histoire à sa façon !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. On doit la loi de 1984 à Michel Rocard !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Et les millions de Français dans la rue ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Ça, c'était en janvier 1994, contre la loi Falloux !
S'agissant du dernier conseil national de l'enseignement agricole, ce qu'a dit le directeur général de l'enseignement et de la recherche m'engage totalement, et ce d'autant plus qu'il n'a pas dit du tout ce que vous lui avez fait dire.
M. Hilaire Flandre. Il faut décrypter !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je vais décrypter devant vous, pour que les choses soient claires, pour que vous soyez rassurés parce que je vous vois très inquiets, angoissés même, et cela m'ennuie beaucoup. Je ne voudrais pas que vous retourniez dans votre département dans un état pareil ! (Sourires.)
Mon souci, ce sont les équilibres fixés par la loi de 1984, c'est toute la loi, rien que la loi ! Aussi, je défie quiconque de prouver qu'à travers les dispositions que nous prenons nous dérogeons à ces équilibres.
Intrigué par certains courriers, par certains fax, par des communiqués de certaines organisations professionnelles à la suite de cette séance du conseil national de l'enseignement agricole, j'ai comparé - j'aurais pu prendre d'autres exemples - les ouvertures de classes à la rentrée prochaine : quarante-sept ouvertures de classes dans le public, quarante-six dans le privé. Si la parité n'est pas totalement respectée, j'en conviens, reconnaissez que l'équilibre général l'est.
Il n'y a donc aucune volonté de ma part de rallumer de quelque façon que ce soit une guerre scolaire qui n'aurait pas de sens. Simplement, nous faisons le nécessaire pour que les choses aillent dans le bon sens.
Comme l'indiquait notamment M. Bernard Piras, le budget de l'enseignement agricole est un bon budget. C'est objectivement le meilleur depuis vingt ans en termes de créations de postes comme au regard de l'évolution des crédits.
La preuve en est, si j'ose dire, que, pour la première fois depuis des années, il n'y a pas eu de grève le jour de la rentrée scolaire. C'était pour moi non pas un miracle, car je n'y crois pas, mais en tout cas une bonne surprise.
Pour ce qui est des personnels, nous avons créé 600 postes, 400 par voie de « déprécarisation » et 200 par création d'emplois nouveaux, dont 60 d'ATOS. En outre, tous les professeurs des lycées professionnels, qu'ils soient de l'enseignement public ou de l'enseignement privé, bénéficieront de la réduction de leur horaire légal de 23 heures à 18 heures, ce qui représente un effort tout à fait remarquable.
J'en viens aux crédits de la pêche.
Mme Yolande Boyer, M. Pierre-Yvon Trémel et les rapporteurs ont bien décrit les difficultés de ce secteur et les solutions possibles.
Les deux rapports dont nous discutons, l'un sur la pêche côtière, l'autre sur les ports de pêche, sont désormais publics. Ils ont été présentés au CSO pêche. Nous avons engagé la concertation en vue d'une application concrète. Je ne souhaite pas qu'ils rejoignent, comme beaucoup d'autres, des étagères et qu'il se couvrent petit à petit de poussière. J'ai souhaité que l'on puisse très vite en tirer des leçons et des mesures concrètes.
Le « coup est parti ». Ces rapports font l'objet de concertation entre l'administration et les organisations professionnelles de pêcheurs. Cela nous permettra de les appliquer le plus rapidement possible.
La politique commune de la pêche ne viendra à échéance qu'en 2002. Mais j'ai souhaité que, sous la présidence française, elle fasse l'objet de débats d'orientation. Cela a été le cas à deux reprises. Cela a permis de cerner les choses, de préciser notamment que la politique des totaux admissibles de captures, des TAC et quotas devait redevenir le pilier central de la politique commune de pêche.
L'idée que les programmes d'orientation pluriannuels, les plans de maîtrise de nos flottes doivent être remis à leur juste place, qu'ils ne doivent pas être le b a-ba de la politique commune de pêche a, je crois, beaucoup progressé au sein du Conseil « pêche », au niveau communautaire. Ces débats d'orientation que nous avons pu organiser nous ont donc permis d'aller dans le bon sens.
Il reste que le conseil « TAC et quotas » du mois de décembre ne se présente pas très bien. Je le dis ici clairement. Les inquiétudes des professionnels sont fondées. Les évaluations scientifiques faites sur les ressources sont inquiétantes pour plusieurs espèces, notamment pour le merlu.
Cela va sans doute nous conduire à décider des réductions assez draconiennes, même si comme je m'y étais engagé, j'ai souhaité engager la Commission et le Conseil européen sur la voie d'une gestion pluriannuelle des TAC at quotas. Ce point commence à être discuté. Il le sera encore lors de notre prochain Conseil « pêche », mais la gestion ne pourra pas être opérationnelle dès cette année.
Donc, nous aurons un conseil « TAC et quotas » difficile, en raison des évaluations scientifiques.
Cela étant, je rappelle que, cette année, avant même le projet de loi de finances pour 2001, l'Etat avait déjà dégagé 450 millions de francs supplémentaires, soit un effort de grande ampleur, pour réparer les effets des tempêtes et du naufrage de l' Erika , et pour contribuer à atténuer la hausse du carburant, et que, dans le projet de loi de finances pour 2001, les dépenses ordinaires de la pêche progressent de presque 8 %, ce qui montre que notre préoccupation pour ce secteur reste vive et que notre souci de le soutenir est entier.
Je pense avoir ainsi répondu à peu près à toutes les questions. Si tel n'était pas le cas, je me tiens à la disposition du Sénat pour le faire par écrit. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère de l'agriculture et de la pêche, et figurant aux états B et C.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 718 988 243 francs. »