SEANCE DU 7 DECEMBRE 2000


M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant le ministère de l'agriculture et de la pêche.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette année encore, malgré les circonstances qui ont particulièrement ébranlé le secteur agricole - les tempêtes de la fin 1999, la persistance inquiétante de la crise de la vache folle, les difficultés économiques quotidiennes dans le secteur des pêches maritimes -, le budget de l'agriculture et de la pêche n'apparaît pas comme un budget prioritaire au sein du budget de l'Etat.
En effet, il s'élève, pour 2001, à quelque 30 milliards de francs, soit une augmentation apparente de 2 % par rapport à l'année 2000, mais, à structure constante, il n'augmente que de 0,6 %, soit sensiblement moins que la hausse de 1,5 % de l'ensemble du budget de l'Etat et sensiblement moins également que la hausse des prix.
Alors que l'année 2000 a été une véritable année d'épreuves pour l'ensemble du secteur agricole, épreuves qui auraient dû susciter un véritable engagement de la part du Gouvernement et entraîner des décisions suivies d'effets, nous sommes crédités d'actions improvisées dans l'urgence. Le Gouvernement fait preuve d'une gestion insuffisante et hasardeuse des crises qui affectent le secteur agricole, insuffisance qui transparaît d'ailleurs dans le projet de budget de l'agriculture et de la pêche pour 2001.
La crise de l'encéphalite spongiforme bovine, l'ESB, a marqué l'actualité tout au long de cette année, notamment en raison de l'augmentation continue du nombre de cas décelés en France. L'annonce, le 14 novembre dernier, du plan gouvernemental d'urgence de soutien à la filière bovine n'a pas vraiment permis ni de convaincre ni de rassurer les éleveurs bovins ou l'ensemble des acteurs de la filière bovine d'ailleurs.
Derrière l'annonce très médiatisée de ce plan de 3,2 milliards de francs en faveur de l'élevage bovin, complété cette semaine par une aide de l'Union européenne pour financer notamment le plan d'élimination des farines animales et la destruction des bovins de plus de trente mois non testés, subsitent de nombreuses imprécisions.
Les plus évidentes portent sur la nature et le mode de transmission de l'ESB. Quand on entend un expert - du moins on l'espère -, M. Franz Fischler, commissaire européen à l'agriculture, déclarer que « l'hypothèse d'une mutation spontanée des cellules bovines paraît aujourd'hui très vraisemblable », on se demande si n'est pas venu le temps d'une réflexion cohérente sur ce sujet. Le fait que le domaine soit incertain n'exclut pas d'élaborer un véritable consensus éthique à partir des hypothèses les plus vraisemblables !
Il subsiste aussi une imprécision sur les coûts instantanés et dans le temps que la filière bovine subit ou subira. Les services du ministère, connus pour leur sérieux et leurs compétences, ont sans aucun doute mesuré les coûts subis non seulement par les éleveurs, mais aussi, en amont, par ceux qui leur vendent des intrants, les producteurs de farines, leurs fournisseurs, et, en aval, par les abattoirs, les conserveries et les bouchers. Certains avancent un coût instantané de 30 milliards de francs. Ne disposant pas personnellement d'un modèle très opérant dans ce domaine, je souhaite, monsieur le ministre, que vous nous fassiez part des estimations auxquelles sont parvenus vos services et donc des chiffres en votre possession.
Il subsiste encore une imprécision sur votre plan lui-même et sur le complément financé par l'Union européenne. Alors que maints éleveurs et maintes entreprises de la filière sont privés de chiffre d'affaires, de revenus, de trésorerie et accumulent des charges de gestion, le Gouvernement nous propose des mesures qui ne seront perceptibles que dans le temps ; ces situations tragiques nécessiteraient pourtant des mesures d'indemnisation immédiates. Compte tenu du fait qu'il est urgent de faire quelque chose pour ces milliers de familles désespérées, monsieur le ministre, comptez-vous prendre les mesures qui s'imposent au lieu de celles qui ont été annoncées ?
Une imprécision subsiste également sur le retrait, le stockage et la destruction des farines carnées ainsi que sur le coût de ces opérations. Quelles sont les intentions du Gouvernement en la matière pour l'année qui vient ?
Une imprécision subsiste enfin sur le programme d'utilisation ou de relance de la culture des oléoprotéagineux en France.
Monsieur le ministre, il vous faut répondre à ces questions non seulement avec clairvoyance et lucidité, mais aussi avec courage - vous en avez. Tout ce que vous ne nous direz pas, nous le saurons bientôt, et tout ce que vous ne ferez pas, nous le saurons demain ! (M. Raoult rit.)
Le constat pourrait être le même s'agissant de la gestion de la crise dans le secteur sylvicole à la suite des tempêtes de la fin 1999, qui ont décimé une grande partie de nos forêts.
Des intentions louables sont affichées par le Gouvernement puisque les crédits sont en augmentation de 563 millions de francs dans le budget de l'agriculture pour 2001, soit une hausse de 31 %. Un plan national d'urgence a également été décidé pour la forêt en janvier 2000.
Mais, sur le terrain, la réalité déçoit les sylviculteurs et les propriétaires forestiers. En effet, la plupart des aides directes promises par le Gouvernement ne sont toujours pas parvenues à leurs destinataires, lesquels sont pourtant dans des situations désespérées. Les moyens financiers mis à la disposition des propriétaires forestiers privés ne sont pas à la hauteur de la gravité de la situation.
En outre, le projet de loi d'orientation sur la forêt, dont la commission des finances s'est saisie pour avis et qui devrait être discuté au Sénat en janvier 2001, est bien en deçà des espérances en matière fiscale et financière.
Tout me porte à penser, monsieur le ministre, que la priorité annoncée pour la forêt dans votre budget pour 2001 est très mal gérée par le Gouvernement.
Autre secteur, autre crise, autre déception : les pêches maritimes et l'aquaculture. Ce secteur a connu en 2000 une année d'épreuves marquée par les sinistres provoqués par les tempêtes et la marée noire liée au naufrage de l' Erika de la fin de 1999, ainsi que par une hausse continue du prix des carburants menaçant l'existence même des entreprises de pêche. Les événements de l'été 2000 ont confirmé la fragilité des entreprises, dont la rentabilité reste tributaire de phénomènes conjoncturels tels que le niveau des cours, les coûts de production et l'état de la ressource.
Monsieur le ministre, j'aimerais savoir pourquoi, dans ces conditions, les dépenses en capital, c'est-à-dire aussi bien les dépenses en faveur de la modernisation et du développement des entreprises de pêche et d'aquaculture que celles qui sont destinées à l'industrie et à la commercialisation des produits de la mer, connaissent une baisse de près de 50 % par rapport à ce qui était prévu pour l'année 2000.
Enfin, concernant toujours la gestion des crises dans le secteur agricole, je m'interroge, monsieur le ministre, sur cet outil inique que représente le Fonds national de garantie contre les calamités agricoles, dont les modalités de financement font l'objet cette année d'un article rattaché, l'article 49 du projet de loi de finances pour 2001.
Selon la loi, ce fonds doit être financé à parité par l'Etat et les agriculteurs. Or la contribution de ces derniers a été deux fois et demie supérieure à celle de l'Etat entre 1993 et 1997. Depuis 1993, le désengagement de l'Etat est réel, et, cette année encore, la subvention de l'Etat à ce fonds ne sera que de 50 millions de francs alors que les agriculteurs y participeront à hauteur de 400 millions de francs. Il serait temps pour le Gouvernement de remédier à cette injustice.
Vous arguerez, monsieur le ministre, que le Gouvernement participe par d'autres biais à l'indemnisation des agriculteurs victimes de calamités agricoles. Soit, mais ce que je conteste ici, c'est que, une fois de plus, une loi ait été votée et ne soit pas appliquée. En l'occurrence, je dirai que la loi est bafouée. Dans sa lettre, elle est pourtant claire, puisqu'elle prévoit que la subvention de l'Etat doit être « au moins égale au produit des contributions » des agriculteurs. Cette disposition n'est pas respectée.
Autre sujet d'inquiétude cette année : l'échec de la mise en oeuvre des contrats territoriaux d'exploitation, les fameux CTE. Il n'est que de regarder la réalité des données budgétaires pour s'en rendre compte ; en 1999, une ligne budgétaire spécifique est consacrée aux CTE avec la création d'un fonds de financement doté de 300 millions de francs ; en 2000, la dotation du fonds de financement est portée à 950 millions de francs, augmentation due principalement à des redéploiements de crédits. L'objectif du ministère était de conclure 50 000 CTE d'ici à la fin 2000, et d'atteindre le chiffre de 100 000 CTE conclus en 2002 puis de 205 000 d'ici à 2006.
Pourtant, à la fin de cette année 2000, la désillusion est totale. A ce jour, guère plus de 4 000 CTE ont été signés par les agriculteurs. La dotation allouée au fonds de financement des CTE passe pour 2001 à 400 millions de francs, ce qui représente une réduction de 550 millions de francs par rapport à 2000. Cette mesure est présentée comme une « adaptation de la dotation au rythme de montée en puissance du dispositif et de son impact sur le niveau des dépenses correspondantes ».
Je m'interroge cependant, monsieur le ministre, et peut-être pourrez-vous m'éclairer, sur la nature de cette adaptation : s'agit-il d'un simple contretemps dans la montée en puissance du dispositif ou d'une véritable remise en cause ?
Les raisons qui expliquent cet échec cuisant sont multiples. Je me contenterai de citer la complexité administrative du dispositif, qui le rend hermétique à la plupart des agriculteurs, ainsi que son mode de financement qui est contesté. Je voudrais notamment attirer l'attention sur le principe très critiqué de la modulation des aides dont le produit doit précisément servir au financement des CTE.
Les critères retenus pour le calcul du taux de modulation des aides ne reflètent souvent pas le niveau réel de revenu de l'exploitation : l'emploi, notamment l'emploi salarié, est insuffisamment pris en compte tandis que le critère de la marge brute d'exploitation est un outil satistique d'une grande complexité qui conduit à des charges de gestion administrative très lourdes pour les agriculteurs. Ce système présente également un caractère inéquitable : ce sont les zones intermédiaires, où les rendements sont faibles ou moyens, qui sont les plus touchées ; certaines productions à quotas sont épargnées, alors que d'autres productions sont plus durement touchées en raison de leur montant d'aides à l'hectare très élevé.
Au total, ce système de modulation des aides, complexe et inéquitable, entraîne souvent des situations de trésorerie inextricables pour les agriculteurs concernés. Ainsi, certains d'entre eux, qui sont dans une situation de détresse en raison de la crise actuelle, vont être appelés prochainement à contribuer au paiement de leur modulation ; c'est quand même extraordinaire !
Je voudrais également évoquer devant vous le recul inquiétant de la politique de la montagne, notamment le démantèlement inacceptable des indemnités compensatrices de handicaps naturels - ICHN.
Ce dispositif sera modifié en 2001 et, monsieur le ministre, malgré l'engagement que vous avez pris d'éviter tout bouleversement, de nombreux exploitants verront sans doute leurs indemnités diminuer, voire totalement disparaître d'ici à deux ans. En effet, le nouveau dispositif tend à détourner les ICHN de leurs fonctions premières : l'indemnisation des agriculteurs confrontés aux handicaps naturels permanents.
J'estime aujourd'hui indispensable que vous vous engagiez à ce qu'aucun exploitant percevant actuellement les ICHN ne soit exclu du nouveau dispositif et qu'aucun ne se retrouve avec des indemnités réduites.
Enfin, dernière critique et non des moindres : elle porte sur les résultats très insuffisants de la politique d'installation menée par le Gouvernement.
Le constat est le suivant : alors que le nombre d'installations aidées est aujourd'hui en perte de vitesse, le projet de loi de finances pour 2001 prévoit un montant de dotation aux jeunes agriculteurs - DJA - identique à celui du budget pour 2000, soit 490 millions de francs, ce qui correspond à 8 000 installations.
Le projet de budget pour 2001 ne reflète donc pas la priorité à l'installation fixée par la loi d'orientation agricole de 1999. Une revalorisation de la DJA aurait pu être envisagée, mais il s'agit surtout aujourd'hui de mettre en oeuvre des actions de promotion du métier d'agriculteur afin de susciter des vocations, notamment hors du cadre familial. Des outils existent mais ils sont encore insuffisamment exploités. Des outils fiscaux, notamment, pourraient être utilisés à bon escient, comme le suggère le récent rapport Marre-Cahuzac relatif à la fiscalité agricole.
Des solutions sont donc à votre disposition, monsieur le ministre, et je me désole de ne pas vous voir les prendre en compte.
C'est en fonction de ces observations, et d'autres que je garde par-devers moi, que la commission des finances a décidé de demander au Sénat de rejeter les crédits de l'agriculture et de la pêche. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que cinq rapporteurs pour avis doivent intervenir et que de très nombreux orateurs sont inscrits dans la discussion.
La conférence des présidents a fixé le temps imparti à chacun, y compris en la circonstance au ministre, afin que l'ensemble des points figurant à l'ordre du jour puissent être examinés dans les délais prévus.
Je demande donc à chacun de vous de faire les efforts nécessaires pour respecter scrupuleusement cette consigne.
La parole est à M. César, rapporteur pour avis.
M. Gérard César, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan pour l'agriculture. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'avis sur le projet de budget de l'agriculture que je présente aujourd'hui, au nom de la commission des affaires économiques, prend une tonalité particulière au regard des difficultés rencontrées par ce secteur pendant l'année qui vient de s'écouler, difficultés qui sont actuellement aggravées par la nouvelle crise qui secoue la filière bovine.
Fragilisée par la diminution du revenu agricole, diminution de 5,7 % pour l'année 1999 si l'on retient le résultat global agricole comme indicateur et qui devrait se poursuivre jusqu'à la fin de l'année 2000, voire en 2001, compte tenu de l'augmentation des coûts des moyens de production tels que les carburants et les engrais, mais aussi du fléchissement continu des prix agricoles, l'agriculture française est frappée de plein fouet par les conséquences des développements récents du dossier de l'ESB.
Confrontés à une diminution de moitié de la consommation de viande bovine, des milliers d'éleveurs ne parviennent plus à écouler leurs productions.
Comme l'a indiqué le président des coopératives agricoles d'Auvergne lors des manifestations d'hier, « les étables sont pleines, les abattoirs sont vides ». Le chômage partiel fait son apparition dans un certain nombre d'abattoirs.
Au regard de cette détresse, les mesures prises par les pouvoirs publics sont loin d'être à la hauteur. L'enveloppe de 1,64 milliard de francs allouée aux éleveurs dans le cadre du plan français de soutien à la filière bovine servira essentiellement à financer non pas le versement d'aides directes, qui permettraient de compenser les pertes de revenus subies, mais des allégements et des reports de charge qui ne règleront rien, pas plus que les emprunts à taux réduits. Les agriculteurs ne veulent plus d'emprunts !
Seuls des effacements de charges peuvent, en effet, concourir à la survie des éleveurs. En outre, alors que l'efficacité du stockage privé est, on le sait, très limitée, la mise en place d'un dispositif ambitieux d'intervention publique, seul à même de redresser les prix du marché, a jusqu'à présent été refusé.
Le Conseil « agriculture » exceptionnel, réuni lundi sous votre présidence, monsieur le ministre, n'a, lui non plus, pas répondu aux attentes des éleveurs, même s'il convient de saluer les mesures sanitaires exigentes prises à cette occasion. Je soulignerai, à cet égard, l'incertitude qui demeure au niveau de l'indemnisation des éleveurs dont les bovins sont détruits.
Soutenant par ailleurs sans réserve les mouvements de protestation des éleveurs, je souhaite vivement que le Gouvernement mette tout en oeuvre, notamment à l'occasion du sommet de Nice, qui se tient actuellement, mais également dans le cadre du comité de gestion qui se réunira le 12 décembre, pour faire adopter à ses partenaires un plan de soutien aux éleveurs à la mesure du volet sanitaire approuvé lundi dernier.
Dans ce contexte difficile, il faut le souligner, pour l'agriculture française, ce projet de budget paraît tout à fait insatisfaisant, en raison tout d'abord de la non-prise en compte réelle des priorités affichées comme telles par le Gouvernement.
Il en va ainsi des contrats territoriaux d'exploitation, les CTE, que M. le rapporteur spécial, Joël Bourdin, vient d'évoquer, dont les crédits, passant de 950 millions de francs en 2000 à 400 millions de francs pour 2001, diminuent de plus de la moitié, au motif d'une sous-consommation durant l'année 2000, ce qui est tout à fait vrai.
M. Charles Revet. C'est la preuve que le dispositif n'est pas adapté !
M. Gérard César, rapporteur pour avis. Quelles que soient les réserves qu'appelle cet instrument, je m'interroge sur la légitimité d'une telle baisse alors que le faible succès des CTE est en grande partie imputable aux lenteurs administratives, au caractère contradictoire, nous le savons bien, monsieur le ministre, de nombreuses circulaires explicatives et à la complexité de la démarche de signature de ces contrats.
Cette baisse des crédits confirme le constat d'échec des CTE. En effet, au 1er décembre 2000, seuls 2 334 contrats étaient signés alors que l'objectif du Gouvernement pour l'année 2000 était, nous nous en souvenons tous, la signature de 50 000 CTE.
De même, alors que le Gouvernement prétend vouloir réévaluer le montant des petites retraites agricoles, il n'a toujours pas proposé la création d'un régime complémentaire obligatoire par répartition. Or, sans la mise en place d'un tel régime, l'actuel programme de revalorisation, qui arrivera à son terme à la fin de 2002, ne suffira pas à hisser ces retraites au niveau de celles des salariés. J'appelle de mes voeux, avec tous les agriculteurs, l'instauration de ce régime de retraite complémentaire obligatoire, qui exprimerait la légitime reconnaissance de la nation envers ses agriculteurs.
Au-delà de l'appréciation portée sur les prétendues priorités de ce projet de budget, je tiens à exprimer deux autres motifs particuliers d'insatisfaction.
D'une part, la modestie de la dotation au Fonds national de garantie des calamités agricoles, qui s'élève à 50 millions de francs pour 2001, ne me paraît pas du tout en mesure de répondre à l'ambition de la mise en place d'une assurance-récolte, réforme particulièrement attendue, notamment depuis l'annonce de la remise au Gouvernement du rapport Babusiaux sur les risques en agriculture. A ce propos, je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, quand sera rendu public ce rapport qui intéresse fortement le monde agricole. Nous l'attendons depuis longtemps ; on nous annonce qu'il est prêt, j'aimerais donc bien en prendre connaissance. Je pense que, à l'image de son rapporteur, ce rapport sera de qualité.
D'autre part, j'ai constaté à regret que les dispositions fiscales de l'article 11 du projet de loi de finances, dites d'adaptation de la fiscalité agricole, ne sont pas à la hauteur de la réforme fiscale ambitieuse que le monde agricole escomptait depuis la parution du rapport Marre-Cahuzac.
Si je me félicite de l'adoption par le Sénat, il y a quelques jours, de mesures positives telles que l'exonération des plus-values sur les cessions réalisées au profit de jeunes agriculteurs, je regrette que le Gouvernement n'ait pas proposé des mesures d'envergure, en vue notamment de séparer, pour les exploitants, les revenus du travail et ceux du capital.
Jugeant ce budget globalement insatisfaisant, en raison tant de son manque d'ambition que des diminutions sectorielles de crédits qu'il inflige à un secteur économique fragilisé, la commission des affaires économiques a émis un avis défavorable sur l'adoption des crédits de l'agriculture. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Gérard, rapporteur pour avis.
M. Alain Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan pour la pêche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après les questions agricoles, nous abordons le budget de la pêche. Ce budget a été, pour la commission des affaires économiques, parfois un motif de satisfaction, souvent un motif d'inquiétude. Il est vrai qu'il s'inscrit dans un contexte difficile.
Comme vous le savez, la pêche et les pêcheurs français ont, cette année, été victimes du pétrole par deux fois : une première fois, en raison de la marée noire due au naufrage de l' Erika, une seconde fois, à cause de la hausse du prix du gazole. La pêche française a été d'autant plus touchée que les marins français pêchent essentiellement en dehors des eaux territoriales françaises, sur les mers d'Islande ou d'Irlande. Cela explique que le gazole représente jusqu'à 30 % des coûts d'exploitation de certaines entreprises de pêche. C'est dire combien le triplement de son prix a pu ruiner la rentabilité de certaines pêches !
Au-delà de ces difficultés, que nous espérons conjoncturelles, notre inquiétude concerne également le long terme. La flotte de pêche française ne cesse de décliner. Elle a diminué de moitié depuis 1992. Le nombre d'emplois décroît également de façon continue depuis dix ans.
Si cette tendance se poursuit, il est à craindre que, dans une décennie ou deux, la flotte de pêche française ne soit plus composée que de bateaux à vocation touristique.
Il me semble que les pouvoirs publics, à Paris, mais surtout à Bruxelles, s'accoutumeraient de cette situation, que, pour notre part, nous refusons d'envisager. Il n'y a aucune fatalité au déclin de la pêche française et au développement de la pêche irlandaise, pour ne citer qu'elle.
Je dis cela, parce que l'on a parfois l'impression que la Commission européenne envisagerait sans réticence une spécialisation géographique de la pêche européenne dans des pays dont la France ne fait manifestement pas partie.
La Commission des affaires économiques et du Plan estime que le Gouvernement doit défendre notre tradition maritime et tout mettre en oeuvre pour développer et moderniser nos entreprises de pêche.
Dans ce contexte difficile, le plan gouvernemental en faveur de la pêche, adopté cette année, est un motif à la fois de satisfaction et d'inquiétude.
Force est de constater qu'il a été bien accueilli par les professionnels. Les indemnisations et les allégements de charges fiscales et sociales prévues devraient permettre de réduire les difficultés financières de ces entreprises. On peut toutefois s'interroger, monsieur le ministre, sur les raisons pour lesquelles le FIPOL, le Fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, met tant de temps à instruire les dossiers d'indemnisation.
La commission des affaires économiques espère que le Gouvernement a pris toutes les précautions pour que ce plan soit jugé compatible avec le droit communautaire. Ce ne serait par rendre service aux pêcheurs que de leur offrir un nouveau plan textile ! Nous aimerions savoir, monsieur le ministre, où en sont les négociations communautaires sur ce point ? Il serait inadmissible que les entreprises de pêche aient à rembourser les aides que l'Etat leur aurait consenties.
D'autres dossiers sont avant tout des motifs d'interrogation.
Il s'agit, notamment, de la réglementation de l'exercice de la pêche côtière. Des propositions de réforme ont été soumises au ministre. Le rapport Bolopion prévoit une série de mesures tendant à une exploitation durable des ressources dans la bande côtière des douze miles. Quelles sont celles que le Gouvernement entend retenir ?
Vous avez également été saisi de plusieurs propositions de réforme de l'organisation des activités portuaires. La commission des affaires économiques estime, sur ce point, que la séparation des activités portuaires et des activités liées aux criées peut être de nature à clarifier les missions de chacun.
Le remplacement de la taxe à la criée par une facturation à la prestation me semble soulever plus de difficultés. Un tel système pourrait, en effet, favoriser l'éclatement des prestations et réduire le caractère redistributif des tarifications. Nous aimerions connaître, monsieur le ministre, votre position sur ce point.
L'avenir dépendra également - c'est un euphémisme - des autorités communautaires. Nous avons assisté, l'année dernière, à une réforme des actions structurelles de la Communauté dans le secteur de la pêche et à une réforme de l'organisation commune des marchés.
La commission des affaires économiques avait exprimé ses plus vives préoccupations face aux mesures relatives au renouvellement et à la modernisation de la flotte. De même, l'ouverture excessive aux importations prévue par le texte relatif à l'organisation commune des marchés n'a pas manqué d'inquiéter.
La prochaine étape, mes chers collègues, est la réforme de la politique commune de la pêche d'ici à 2002. Sur ce point, les professionnels se sont déjà exprimés. Ils souhaiteraient, notamment, que les programmes d'orientation pluriannuels, les POP, soient très largement réformés. Il conviendra de les écouter.
De même, la réforme des taux autorisés de capture et des quotas que vous devriez adopter, monsieur le ministre, au Conseil européen des 14 et 15 décembre prochain, suscite les plus vives inquiétudes des professionnels.
Un mot, enfin, des crédits de la pêche, qui diminuent cette année de 4,8 %. Certes, les dotations consacrées à l'adaptation de la filière pêche augmentent de 8 %, mais celles qui sont destinées à la modernisation de la flottille diminuent de 50 %
Mes chers collègues, l'incertitude qui pèse sur le plan gouvernemental en faveur de la pêche, comme sur les orientations actuelles de la politique communautaire de la pêche, et la faiblesse du budget, à un moment où ce secteur connaît tant de difficultés, ont conduit la commission des affaires économiques à donner un avis défavorable quant à l'adoption des crédits de la pêche pour 2001. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Revol, rapporteur pour avis.
M. Henri Revol, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan pour le développement rural. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de vous présenter l'avis de la commision, je voudrais faire deux remarques.
La première concerne un problème qui a déjà été évoqué par notre éminent collègue Joël Bourdin, celui des tempêtes qui ont été très durement ressenties par la population vivant en zone rurale. En effet, en de nombreux endroits, les habitants ont été coupés du monde pendant plusieurs jours.
Ces tempêtes ont, par ailleurs, causé dans les forêts françaises des dégâts sans précédent, mettant à terre un volume de bois de près de 140 millions de mètres cubes.
Si les pouvoirs publics ont pris, à la suite de ces tempêtes, un certain nombre de mesures en direction des agriculteurs, des populations vivant en zone rurale et du secteur forestier, on peut néanmoins regretter que les moyens dits « d'urgence » aient été mis tardivement à la disposition de leurs destinataires. Par ailleurs, les mesures de soutien prises en faveur des propriétaires forestiers et des communes forestières n'ont pas été à la hauteur des attentes.
Ma seconde remarque sera pour souligner les mécontentements suscités par certains volets du nouveau plan français de développement rural, en particulier celui qui réforme les indemnités compensatoires de handicaps naturels.
Le nouveau régime proposé tend, en effet, à transformer ces indemnités en simples mesures agri-environnementales, ne tenant plus compte des difficultés spécifiques que doivent affronter les agriculteurs en zone de montagne. Il aura pour conséquence, vu les critères restrictifs retenus par le Gouvernement, d'exclure du dispositif près de 10 % des bénéficiaires actuels.
Grâce à la mobilisation des organisations professionnelles agricoles et des élus de la montagne, à laquelle je m'associe totalement, vous vous êtres engagé, monsieur le ministre, à renégocier ce dossier à Bruxelles. J'aimerais savoir où en est actuellement cette négociation.
En ce qui concerne, maintenant, les crédits du développement rural, je me contenterai, compte tenu du temps qui m'est imparti, de souligner deux points marquants.
La progression des crédits consacrés à la forêt, pour importante et légitime qu'elle soit, ne compense toutefois pas les dégâts que celle-ci a subis à la fin du mois de décembre 1999. Il faut donc souhaiter que cette augmentation de crédits ne soit pas un simple affichage, comme cela semble avoir été le cas pour une partie des crédits alloués dans le cadre du plan national pour la forêt.
En outre, j'attire votre attention, monsieur le ministre, sur la nécessité de prolonger cet effort financier sur le plan fiscal, en particulier par la mise en place d'un dispositif fiscal d'incitation à l'investissement forestier. A cet égard, je souhaiterais connaître les propositions du groupe de travail dont la mise en place avait été annoncée par le Gouvernement lors de l'examen de la loi d'orientation pour la forêt à l'Assemblée nationale.
Les dotations affectées à la compensation de handicaps ou de contraintes spécifiques, notamment à l'agriculture de montagne, doivent faire l'objet d'une appréciation particulière.
La commission des affaires économiques a particulièrement critiqué la diminution de 17,7 % des crédits affectés aux indemnités compensatoires de handicaps naturels.
A la suite des protestations des agriculteurs et des élus de la montagne, vous avez annoncé, monsieur le ministre, l'octroi de 500 millions de francs supplémentaires à la politique de la montagne. J'aimerais savoir quand ces crédits seront effectivement alloués et quelle en sera la répartition. Il serait souhaitable qu'ils soient utilisés, au moins en partie, pour assouplir les seuils de chargement retenus pour le versement des indemnités compensatoires de handicap naturel, les ICHN, et donc pour réintégrer dans le dispositif les bénéficiaires exclus par la réforme.
Je déplore également la stagnation de la dotation allouée aux bâtiments d'élevage et à la mécanisation en zone de montagne, qui devrait, compte tenu de la reconduction de l'enveloppe affectée au programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, s'établir à 74 millions de francs. Il est urgent de procéder à une revalorisation substantielle de cette dotation, dès lors que de nombreux exploitants en zone de montagne n'ont pas encore, faute de crédits, accès à ces aides.
Enfin, je constate, à l'instar de notre collègue Gérard César, le succès pour le moins mitigé des contrats territoriaux d'exploitation, qui étaient pourtant censés devenir la pièce maîtresse de la politique de développement rural. Alors que le nombre de contrats signés est très loin d'atteindre les objectifs affichés, il y a lieu de déplorer la diminution de 58 % des crédits affectés aux CTE et de s'interroger sur la légitimité des prélèvements opérés, pour les financer, à travers la modulation, sur le revenu d'une partie des agriculteurs.
En conséquence, la commission des affaires économiques a émis un avis défavorable quant à l'adoption des crédits de développement rural inscrits dans le projet de loi de finances pour 2001. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. André Lejeune. C'est la majorité de la commission des affaires économiques qui en a décidé ainsi.
M. le président. La parole est à M. Dussaut, rapporteur pour avis.
M. Bernard Dussaut, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan pour les industries agricoles et alimentaires. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de vous présenter l'avis de la commission des affaires économiques sur les crédits consacrés, dans le projet de loi de finances pour 2001, aux industries agroalimentaires, je souhaite formuler quelques remarques relatives à la situation de ce secteur économique et à l'évolution de son environnement juridique.
Avec une production en augmentation de 1,4 % en volume et un chiffre d'affaires s'établissant à 709,6 milliards de francs pour l'année 1999, ce secteur affiche une croissance honorable, quoique encore modeste du fait du fléchissement des prix à la production, de la faible progression de la consommation des ménages ainsi que du ralentissement des exportations. En outre, les industries agroalimentaires constituent un secteur moteur à la fois pour l'emploi, avec une augmentation de 1,8 % des effectifs, et pour les échanges extérieurs, la balance commerciale ayant dégagé l'année dernière, sur ce poste, un excédent de près de 62 milliards de francs.
Cette relative bonne santé n'en est pas moins régulièrement affectée par la multiplication des crises alimentaires, qui ne laissent pas d'inquiéter les consommateurs. Je pourrais évoquer les épisodes d'alerte à la listeria, qui mettent parfois en péril des filières entières, comme celle de la charcuterie au début de cette année. Mais, compte tenu de la gravité de la situation actuelle, je m'en tiendrai à l'évocation des effets de ce qu'il est maintenant convenu d'appeler la nouvelle crise de l'ESB sur la filière de la viande bovine.
Eleveurs, abattoirs, ateliers de découpe, industries de la transformation sont confrontés à une diminution sans précédent, de l'ordre de 50 %, de la consommation de viande bovine par les ménages, de sorte que la pérennité des 50 000 emplois de la filière est aujourd'hui menacée.
En dépit des mesures prises en faveur des industries de la viande dans le cadre du plan de soutien à la filière, cette crise entraînera vraisemblablement la restructuration d'un certain nombre d'entreprises agroalimentaires, mais également, il faut l'espérer, l'affirmation de nouvelles filières, si l'essor annoncé de la production d'oléo-protéagineux se confirme.
L'ampleur des récentes crises alimentaires et la forte réactivité des consommateurs à leur égard plaident en faveur d'un renforcement et d'une harmonisation des règles de sécurité sanitaire en vigueur. De ce point de vue, les progrès réalisés cette année à l'échelon européen ont été significatifs.
L'adoption par l'Union européenne d'un livre blanc sur la sécurité alimentaire et le projet, qui en découle, de création d'une autorité alimentaire européenne indépendante chargée, en collaboration avec les agences nationales, de l'évaluation des risques vont dans le bon sens.
L'adoption, en janvier 2000, de deux importants règlements sur l'étiquetage des organismes génétiquement modifiés doit également être signalée.
Plus récemment, la prise de conscience de la dimension européenne de l'épidémie d'ESB a enfin permis l'adoption de mesures communes à l'ensemble des Etats membres, telle la suspension de l'utilisation des farines animales.
Dans ce contexte, les crédits alloués aux industries agroalimentaires dans le projet de loi de finances pour 2001 ont également pris en compte l'objectif de sécurité et de qualité alimentaires, notamment par la progression des moyens de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments.
En revanche, la diminution de 3,3 millions de francs des crédits consacrés à la promotion des ventes, en particulier sur les marchés étrangers, de produits agricoles et alimentaires, et qui sont pour l'essentiel destinés au financement de la société pour l'expansion des ventes des produits agricoles et alimentaires français, la SOPEXA, apparaît comme regrettable.
Outre le fait que cette baisse des crédits s'inscrit dans une tendance de moyen terme que la commission des affaires économiques a déjà critiquée les années précédentes, elle paraît particulièrement inopportune. En effet, le soutien des exportations de certains produits, notamment des viandes, est actuellement plus que nécessaire, compte tenu de l'effondrement de la demande extérieure de viande bovine française et du renchérissement des coûts de production des autres filières de viande, lié à l'interdiction des farines animales.
En ce qui concerne plus particulièrement la SOPEXA, je voudrais connaître, monsieur le ministre, l'état des travaux de clarification du régime administratif et financier de cet organisme, que vous aviez évoqués devant la commission des affaires économiques.
Contrairement aux conclusions de son rapporteur pour avis, la commission des affaires économiques a émis un avis défavorable quant à l'adoption des crédits alloués aux industries agroalimentaires dans le projet de loi de finances pour 2001. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Vecten, rapporteur pour avis.
M. Albert Vecten, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour l'enseignement agricole. Monsieur le ministre, avant d'analyser le budget, je voudrais évoquer le climat préoccupant qui règne aujourd'hui dans l'enseignement agricole, marqué par les tensions qu'ont suscitées les propos tenus en votre nom lors de la dernière réunion du Conseil national d'enseignement agricole. Ces propos appellent de ma part des questions auxquelles je souhaite que vous répondiez clairement. Voulez-vous opposer public et privé, au mépris de l'esprit des lois de 1984 et des réalités de terrain ? Est-il question de porter la part de l'enseignement public à plus de 50 % des effectifs ? Souhaitez-vous recentrer les formations agricoles sur la production et l'agroalimentaire ?
L'inquiétude qu'ont engendrée ces propos confirme les craintes que m'a inspirées le budget pour 2001. En effet, l'effort engagé en faveur de l'enseignement agricole se ralentit.
A structure constante, les crédits de l'enseignement agricole progresseront, en 2001, de 2,46 % contre 3,58 % en 2000. Les moyens supplémentaires seront essentiellement consacrés au renforcement des moyens en personnels de l'enseignement public.
Les créations d'emplois, dont le nombre est comparable à celles de cette année, sont cependant encore loin d'apporter une réponse définitive aux difficultés des établissements, en particulier pour les personnels non enseignants.
En revanche, il convient de saluer l'effort significatif de résorption de l'emploi précaire, dont l'importance excessive résulte de l'insuffisance chronique des créations d'emplois constatées dans le passé.
Si ces meures vont dans le bon sens, le budget traduit également des évolutions préoccupantes et, à ce titre, suscite bon nombre d'interrogations pour l'avenir, que ce soit pour l'enseignement public ou l'enseignement privé.
Les dépenses pédagogiques des établissements agricoles publics augmenteront en 2001 à un rythme de moitié inférieur à celui qui a été constaté cette année. Ce ralentissement contraste avec les besoins des établissements, dans l'enseignement technique, contraint depuis plusieurs années de vivre d'expédients, comme dans l'enseignement supérieur, dont les moyens sont sans rapport avec les objectifs qui lui sont assignés.
L'évolution des subventions aux établissements d'enseignement privé soulève aussi de sérieux motifs d'inquiétude, surtout à la lumière de ce que j'évoquais tout à l'heure.
S'agissant des établissements du second degré, je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, comment sera financée la réforme du statut des professeurs de lycées professionnels. L'éducation nationale a prévu, dès le collectif de printemps, les moyens correspondants pour le public comme pour le privé. Mais dans le budget de l'enseignement agricole, rien n'est prévu pour l'enseignement privé. Je souhaite obtenir de votre part, monsieur le ministre, des éclaircissements sur cette différence de traitement qui constitue une entorse au principe de parité.
Quant aux établissements d'enseignement supérieur privé, la revalorisation de leurs subventions est à nouveau ajournée. L'étude réalisée à votre demande par le Comité national d'évaluation a pourtant mis en lumière qu'ils n'ont pas les moyens d'assurer leur mission de service public, en particulier dans le domaine de la recherche.
Tout cela est préoccupant. Mais la commission des affaires culturelles s'est aussi inquiétée de l'absence de réflexion prospective sur l'enseignement agricole. Cet enseignement attire désormais moins que par le passé. Pour la première fois, à la rentrée 2000, ses effectifs ont diminué. Cela tient, bien sûr, pour partie aux évolutions démographiques et au tassement de la tendance à l'allongement des études. Mais la « fermeture » des formations agricoles imposée à partir de 1997 n'est certainement pas non plus étrangère à ce phénomène. J'avais vigoureusement combattu cette vision malthusienne. Aucune ambition nouvelle ne l'a encore remplacée. Le succès de l'enseignement agricole mérite pourtant mieux qu'une gestion au fil de l'eau.
Le constat n'et guère plus encourageant pour l'enseignement supérieur. La modernisation des structures marque le pas. La loi d'orientation de 1999 n'a pas permis de développer de nouveaux pôles de compétence. Les relations entre les établissements d'enseignement supérieur et les organismes de recherche sont insuffisantes au regard de la demande sociale en matière de sécurité sanitaire et de protection de l'environnement.
Le projet de budget ne permet donc guère de préparer l'avenir de l'enseignement agricole et c'est pour cette raison que la commission des affaires culturelles a donné un avis défavorable quant à l'adoption des crédits de l'enseignement agricole pour 2001.
M. Hilaire Flandre. Elle a eu raison !
M. Albert Vecten, rapporteur pour avis. J'ajouterai, monsieur le ministre, que toute perspective de rupture de la paix scolaire serait encore plus dangereuse, pour cet avenir, qu'un médiocre budget. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 63 minutes ;
Groupe socialiste, 41 minutes ;
Goupe de l'Union centriste, 31 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 37 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 19 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 17 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser 10 minutes.
Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu, au maximum, pour 50 minutes.
Mes chers collègues, vingt-sept orateurs sont inscrits dans la discussion générale, Si chacun d'eux dépasse son temps de parole de une ou deux minutes, je vous laisse le soin de penser à quelle heure la séance se terminera cette nuit ! Je compte donc sur votre solidarité envers les collègues qui interviendront cet après-midi et ce soir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. du Luart.
M. Roland du Luart. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les craintes exprimées par nos compatriotes vis-à-vis de leur alimentation et la crise sans précédent qui frappe la filière bovine me conduisent à consacrer l'essentiel de mon intervention à l'encéphalite spongiforme bovine, l'ESB, en ma qualité de président du groupe de l'élevage.
Je placerai cette intervention sous le double signe de la santé publique et du souci de sauvegarder une composante essentielle de notre économie agricole et alimentaire.
L'ESB est une maladie à prion, le prion étant une protéine pathogène qui se développe dans le système nerveux central des animaux, provoquant des troubles neurophysiologiques dont les manifestations chez les bovins sont voisines de celles qui ont été constatées de longue date chez les ovins atteints de la tremblante du mouton.
Il n'est pas excessif de dire que la « maladie de la vache folle » est une maladie d'importation. En effet, le laboratoire vétérinaire central britannique a identifié en novembre 1986 un premier cas d'ESB chez une vache qui présentait des symptômes neurologiques atypiques. Les recherches effectuées ont montré que cette maladie provenait sans aucun doute des farines de viande et d'os ingérées par les bovins. Or, au début des années quatre-vingt, les autorités britanniques ont diminué les contraintes de fabrication - température et pression - des farines animales, alors que l'on sait que, pour détruire le prion, il faut chauffer les denrées animales à une température de 133 degrés pendant vingt minutes et sous une pression de trois bars.
Ce relâchement des précautions dans la fabrication des farines animales en Grande-Bretagne est de toute évidence à l'origine de la prolifération de l'ESB qui a touché au Royaume-Uni 180 000 bovins, qu'il a fallu abattre.
En juillet 1988, le ministre de l'agriculture britannique a interdit l'utilisation des farines d'origine animale dans l'alimentation des bovins tout en maintenant l'autorisation d'exporter ces farines, ainsi que les abats à risque, jusqu'à leur interdiction, en France, en 1990.
En 1996, les recherches effectuées en Grande-Bretagne ont mis en évidence le franchissement de la barrière des espèces, la « maladie de la vache folle » pouvant être transmissible à l'homme sous la forme de la variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Cette découverte a provoqué la première grande crise qui a affecté la filière bovine.
Le 22 mars 1996, la France, suivie de plusieurs autres pays de la Commission européenne, a décidé l'embargo sur les importations de viande bovine. Dès 1990, notre pays avait déjà proscrit l'utilisation des farines de viande dans l'alimentation des bovins. Il faudra attendre le 14 novembre 2000 pour que le Gouvernement français, après la mise en garde du Président de la République, étende cette interdiction aux porcs, aux volailles et aux poissons.
La crise actuelle, qui est à l'origine d'une chute de 50 % de la consommation de viande bovine, a été provoquée par l'introduction dans l'abattoir d'un animal malade, étant toutefois précisé que les procédures de sécurité et de traçabilité ont parfaitement fonctionné : pas le moindre gramme de cette vache n'est sorti de l'abattoir pour être livré aux consommateurs.
Il est paradoxal que notre pays, qui est relativement peu touché par l'ESB, fasse l'objet d'un embargo par certains des pays membres de l'Union européenne qui n'ont pas pris les mêmes précautions que la France, tant en matière de détection de l'ESB que du point de vue sanitaire. Ces mêmes pays, en vertu du principe de la libre circulation des produits, peuvent exporter des viandes et des animaux qui ont été alimentés avec des farines carnées.
Il me semble utile, monsieur le ministre, mes chers collègues, de rappeler les mesures engagées par les gouvernements successifs, en liaison avec la profession, pour assurer la sécurité alimentaire de nos compatriotes : mise en oeuvre de la traçabilité de la filière bovine de l'élevage au consommateur ; interdiction de l'utilisation des farines animales dans l'alimentation des ruminants depuis 1990 ; promotion de labels et de certifications sur l'origine française de la viande bovine - label viande bovine française - et renforcement du caractère informatif de l'étiquetage - il faut bien convenir que cette mesure ne parvient plus à rassurer les consommateurs ; abattage de tous les animaux d'un troupeau dans lequel un cas d'ESB est décelé ; développement des contrôles préventifs systématiques dans les régions particulièrement exposées ; interdiction de la commercialisation des parties du corps des bovins susceptibles de présenter des risques - cervelle, moelle épinière, intestins, thymus, qui sont détruits par incinération ; enfin, mise en place de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA.
Or, malgré ces dispositifs, la confiance des Français dans leur alimentation diminue d'une manière alarmante. Une récente étude du centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie, le CREDOC, montre que 63 % des consommateurs estiment que les produits alimentaires présentent des risques pour la santé. Parmi les produits alimentaires, les viandes sont suspectées à hauteur de 21 %, alors que - et cela n'est pas la moindre surprise - l'alcool n'est considéré comme un produit à risque qu'à hauteur de 6 % de l'ensemble des produits alimentaires.
Paradoxalement, au fur et à mesure que les mesures dictées par le principe de précaution sont engagées, la confiance des consommateurs se dégrade, comme si ces dispositions de sécurité sanitaire confirmaient la réalité d'un risque alimentaire.
J'ajouterai que le rôle de certains médias a contribué à susciter ou à aggraver la psychose qui a gagné les consommateurs. Il importe, dès lors, comme l'a décidé le ministre de la recherche, de développer les recherches relatives aux maladies à prion et de tenter de mettre au point un test de dépistage du nouveau variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob : 25 millions de francs supplémentaires sont prévus à cet effet.
Face à la véritable psychose qui s'est emparée des Français depuis quelques semaines, et qui s'est traduite par une diminution de 40 à 50 % de la consommation de viande bovine, il convient de rassurer nos compatriotes. Il y a lieu, tout d'abord, de confirmer que le prion n'est pas présent dans le muscle des bovins et que toutes les parties à risques du corps des animaux sont éliminées de la chaîne alimentaire.
S'agissant des risques de transmission de l'ESB à l'homme, il convient de se garder de tenir des propos excessivement alarmistes, comme l'a fait récemment la secrétaire d'Etat à la santé.
Avant d'examiner les décisions arrêtées à Bruxelles le 5 décembre dernier, je souhaite aborder les mesures nationales que vous avez engagées, monsieur le ministre, en faveur des éleveurs et des autres agents de la filière affectés par la crise de l'ESB.
S'agissant des exploitants directement touchés par la crise, puisqu'il n'existe pratiquement plus de marché et que les prix se sont effondrés, je crains, monsieur le ministre, qu'on ne puisse se limiter à consentir de différer le versement des cotisations sociales. Le plan que vous avez présenté le 21 novembre dernier prévoit 1,64 milliard de francs d'aides, dont 400 millions de francs émanent du fonds d'allégement des charges. C'est dérisoire ! Les éleveurs viennent tout juste de rembourser le différé de 1996 à la Mutualité sociale agricole, la MSA.
Il aurait fallu, me semble-t-il, s'orienter vers des aides directes aux éleveurs de bovins qui ne peuvent commercialiser leurs animaux et engager le stockage public et privé. Les prêts bonifiés accordés à hauteur de 500 millions de francs, à 1,5 % de taux d'intérêt, ne permettront pas aux éleveurs de reconstituer, de manière significative, leur trésorerie gravement affectée par la crise. N'aurait-il pas fallu instituer des primes à l'abattage ?
J'ai bien noté la mise en place d'une aide à la promotion à l'exportation des jeunes bovins. Nous ne saurions méconnaître que c'est l'ensemble de la filière qui est touchée : les producteurs, les négociants, les abattoirs, les tripiers, les ateliers de découpe. Les entreprises de la filière qui emploient cinquante-mille salariés sont d'ores et déjà contraintes de recourir au chômage technique, les salariés n'étant indemnisés qu'à hauteur de 29 francs de l'heure.
Un décret du 1er décembre dernier a fixé les conditions d'indemnisation des entreprises productrices de farines et de graisses animales. Mais je le répète, monsieur le ministre, face au désarroi des producteurs et des entreprises, il faut mettre en place d'urgence des mesures directes pour intervenir efficacement sur la trésorerie des éleveurs et des entreprises. L'Union européenne, depuis l'origine de la crise, a peiné à définir une politique cohérente face à la « maladie de la vache folle » et aux dispositions de nature à l'éradiquer.
Au cours de la période récente, je relève que le Conseil agricole européen du 20 novembre a été une véritable cacophonie, nos partenaires s'opposant à la proposition française d'interdire le recours aux farines carnées pour tous les animaux d'élevage.
La détection de cas d'ESB en Allemagne et en Espagne ayant démontré que l'épizootie ne s'arrêtait pas aux frontières, les Quinze ont décidé, le 5 décembre, de « suspendre » - sans doute définitivement - l'utilisation des farines de viandes et d'os dans l'alimentation des animaux. Je vous donne acte, monsieur le ministre, que cette décision a été obtenue sur la proposition de la présidence française. Voudriez-vous indiquer au Sénat quel sera le coût, pour l'Europe et pour notre pays, de l'interdiction des farines animales ?
Je ne méconnais pas les difficultés que rencontrera notre pays pour stocker ou incinérer des centaines de milliers de tonnes de farines et de corps gras.
Il est essentiel, pour remplacer les farines de viande et d'os, de développer notre production de protéines végétales et, par conséquent, de renégocier, dans le cadre de l'OMC, les accords de Blair House de 1992, qui limitent la production européenne d'oléagineux. Il est urgent, en outre, d'accroître la production de protéagineux. Rappelons que, lors des négociations, notre pays avait été contraint de geler une superficie de 1,5 million d'hectares susceptibles d'être affectés à la culture d'oléoprotéagineux.
Vous avez prévu des crédits pour organiser le testage des bovins. Aujourd'hui, je pense qu'ils sont peut-être insuffisants en termes de personnels qualifiés. Mais, à la lecture des deux amendements que vous avez déposés et que je viens de découvrir, monsieur le ministre, je vous annonce que moi-même je voterai, avec beaucoup de mes collègues, ces crédits de l'article 31 qui me paraissent essentiels.
Le retrait des animaux non testés, dont on ignore le coût, sera cofinancé par l'Union à hauteur de 70 %, le reste incombant aux Etats membres. Votre budget, monsieur le ministre, pourra-t-il supporter cette charge nouvelle ? Nous attendons vos précisions.
Certaines régions, Pays de la Loire, par exemple, se sont déclarées prêtes à participer à l'effort de traçabilité et de promotion des viandes bovines de qualité. Ma région envisage ainsi de consacrer à ces mesures 125 millions de francs en deux ans, en partenariat avec l'Europe et l'Etat.
Le laboratoire départemental de la Sarthe a proposé sa candidature à votre ministère pour la réalisation des tests de dépistage de l'ESB dans le cadre de l'enquête épidémiologique, au printemps dernier. Il n'a pas été retenu. Je vous propose de nouveau sa candidature pour participer à la réalisation des analyses sur la chaîne d'abattage des animaux de plus de trente mois.
Vous êtes, monsieur le ministre, confronté à un double défi. Vous devez, ainsi que l'ensemble de vos collègues concernés par ce dossier, d'un côté, rassurer nos compatriotes de sorte qu'ils retrouvent la confiance dans les viandes de qualité que produisent nos éleveurs, en particulier les producteurs du troupeau allaitant, et ce en leur rappelant une chose toute simple : nos animaux mangent de l'herbe, du foin et de l'ensilage de maïs, complémenté parfois par du grain produit sur l'exploitation. Vous devez, d'un autre côté, tenter de restaurer l'équilibre économique de l'ensemble de la filière bovine qui, gravement menacée par la crise actuelle, ne survivrait pas à une poursuite dans la durée de la chute de la consommation de viande bovine. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat sur le projet de budget de l'agriculture pour 2001 prend une tonalité particulière compte tenu de l'actualité qui secoue la communauté agricole, et plus particulièrement la filière bovine, ces dernières semaines. J'y suis d'autant plus sensible que la Haute-Saône a connu son quatrième cas d'ESB ces jours-ci, et que j'ai rencontré moi-même, comme beaucoup d'entre vous, je pense, les éleveurs sur le terrain. Ils sont inquiets, subissent la situation plus qu'ils ne voient venir ce qui pourrait leur redonner confiance.
Le Gouvernement a adopté un plan en sept volets pour répondre aux impératifs de santé. Parmi les mesures prises, on note un moratoire sur les farines animales, qui a été suivi par le conseil agricole européen de lundi dernier. Le groupe du RDSE ne peut que se féliciter de cette décision. Elle répond tout à fait aux conclusions que nous avions déjà tirées à l'occasion de notre colloque de juin dernier qui avait réuni, sur le thème de la « vache folle », d'éminents spécialistes scientifiques, des responsables politiques et des représentants de la filière à la fois britanniques et français. Il est dommage que ni votre cabinet ni vos services n'aient souhaité répondre à notre invitation, monsieur le ministre.
Lors de cette journée, des interrogations s'étaient également élevées sur la nécessité réelle d'abattre tout un troupeau pour un cas d'ESB. Perdre son troupeau pour un éleveur passionné, comme le sont souvent les éleveurs, est toujours vécu comme un drame. Et toutes les mesures qui pourront être mises en place ne pourront effacer cette cicatrice dans la vie de l'éleveur et de l'homme.
Vous avez répondu à la psychose de l'opinion, monsieur le ministre, et je vous sais gré de votre pugnacité auprès de vos collègues européens. Mais il serait également souhaitable aujourd'hui que vous répondiez à la détresse de tous les acteurs de la filière bovine.
Certes, vous avez annoncé un plan national d'urgence de 3,2 milliards de francs auxquels a été ajoutée une enveloppe de 500 millions de francs en prêts bonifiés. Mais il semble que ce plan n'ait pas convaincu. Il recèle beaucoup d'imprécisions que nous souhaiterions vous voir lever. Il semble que certains crédits étaient déjà alloués, que d'autres soient de simples reports de cotisations.
Beaucoup de questions demeurent, notamment après les décisions du Conseil européen. Comment vont s'articuler les deux plans, national et européen ? Quelle sera l'exacte indemnisation des éleveurs, en contrepartie de la mesure de destruction-achat des bovins âgés de plus de trente mois ? Quelles seront les orientations du plan « protéines » ? Quand aurons-nous les premiers enseignements du programme de dépistage - 48 000 tests - lancé en juin ?
Je ne vais pas énumérer toutes les questions que se posent légitimement les éleveurs. Je sais que votre tâche est lourde, monsieur le ministre, mais la suspicion est jetée sur une filière et il faut l'aider à retrouver la confiance, la confiance en elle-même et la confiance des consommateurs.
Pour revenir à votre projet de budget pour 2001, il reflète à la fois la poursuite d'actions traditionnelles engagées depuis plusieurs années et des priorités nouvelles résultant des crises de confiance et des événements climatiques.
Je me réjouis, à cet égard, de l'augmentation des crédits alloués à l'enseignement agricole ou encore à la forêt, qui a particulièrement souffert, l'an dernier, avec la tempête de décembre. Force est de constater néanmoins que ce budget ne semble pas porteur d'ambitions pour la politique agricole. Outre l'échec incontestable des CTE, ni les moyens en diminution de l'agriculture productive, ni les dotations insuffisantes en faveur des aides à l'installation ne permettent d'engager l'agriculture française dans des choix stratégiques pour l'avenir.
Enfin, bien des secteurs comme l'environnement, les retraites, la fiscalité, mériteraient une attention accrue.
Avec la création des CTE par la loi d'orientation agricole votée en 1999, le Gouvernement a entendu initier une véritable rupture idéologique dans la politique agricole française. Or, le moins que l'on puisse dire est que cette révolution culturelle n'a pas véritablement trouvé d'écho dans les campagnes, comme l'ont souligné les rapporteurs.
M. Roland Courteau. C'est faux !
M. Bernard Joly. Vous avez récemment déclaré que ce nouvel outil faisait appel avant tout à l'intelligence des agriculteurs. Avec 1 700 CTE souscrits et environ 2 000 en cours, comment interpréter ces propos ? Il faut sans doute y voir une maladresse et la marque d'un embarras de votre part, car il est vrai que l'on est loin des objectifs affichés par votre ministère.
Les raisons de cet échec manifeste sont nombreuses. Ainsi, la complexité et l'illisibilité de la réglementation ont rendu l'outil hermétique pour les agriculteurs ; l'administration locale est trop pointilleuse ; les dispositifs sont jugés trop contraignants ou trop exigeants ; l'intérêt financier est limité et ne permet pas de couvrir le surcoût engendré par la réalisation des investissements rendus nécessaires, et, par-dessus tout, les modalités de financement des CTE par la modulation sont sérieusement contestées.
Alors que le budget pour 2000 avait dégagé 950 millions de francs pour les CTE, le projet pour 2001 s'établit à 400 millions de francs. Même compensé par le report des crédits non consommés en 2000, on ne peut que regretter ce désengagement de l'Etat d'un outil qu'il qualifie lui-même de « pilier de l'agriculture multifonctionnelle ».
Manque également sérieusement d'ambition la politique d'aide à l'installation. Cette année, la dotation aux jeunes agriculteurs s'élève à 490 millions de francs, soit un niveau identique à celui de 2000. Les actions de formation à la préparation à l'installation sont, elles aussi, simplement reconduites. Quand on sait que l'installation des jeunes est en chute libre, il y a de quoi s'étonner !
L'émergence des préoccupations environnementales ces vingt dernières années a conduit à la mise en cause des pratiques agricoles. L'évolution vers une agriculture intensive a indéniablement eu des répercussions parfois lourdes sur l'environnement ; je pense notamment à la pollution des nappes phréatiques dans certaines régions.
Conscients de ces risques et de l'attente croissante des consommateurs, les agriculteurs se sont, depuis quelque temps, engagés d'eux-mêmes dans la voie de pratiques culturales plus respectueuses de l'environnement. Il est particulièrement regrettable que ce projet de budget ne vienne pas soutenir les efforts entrepris. Les moyens consacrés aux mesures agri-environnementales sont en diminution. Même si elle est en augmentation sensible, la dotation au programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, le PMPOA, reste modeste eu égard aux objectifs de ce programme.
Toujours au chapitre agriculture et environnement, j'en viens au problème de l'épandage des boues des stations d'épuration, sujet à propos duquel j'ai déjà interrogé Mme Voynet, mardi dernier, lors de la discussion de son projet de budget.
D'ores et déjà, 60 % des 7 000 tonnes de boues produites chaque année font l'objet d'un épandage, mais cette pratique a soulevé des questions dans un contexte de sensibilité accrue de l'opinion publique au regard des risques sanitaires. Les intérêts divergents entre élus et agriculteurs ont favorisé la concentration des rejets sur certains sites, ce qui n'est en aucun cas satisfaisant. Aujourd'hui encore, la Haute-Saône accueille des boues de départements voisins.
Un projet d'accord national a été proposé aux différents acteurs concernés par cette pratique. Il semble qu'un consensus semble s'être dégagé en faveur de l'épandage. Monsieur le ministre, la grande distribution a-t-elle fait savoir son adhésion explicite à ce projet ? Est-il proposé une gestion des boues par département ?
Enfin - ce sera mon dernier point - je traiterai des retraites agricoles. La revalorisation se poursuit, mais deux réformes essentielles pour les agriculteurs demeurent en souffrance. Il s'agit de la mise en place d'un régime de retraite complémentaire et de la mensualisation des retraites agricoles.
Au-delà du strict cadre de votre budget, les inquiétudes se portent sur le niveau des revenus des agriculteurs. A l'inverse des autres secteurs économiques, qui ont tous bénéficié de la croissance, le secteur agricole a accusé une baisse de revenu de 10 % l'an dernier. Certes, cette baisse est due à la conjonction de plusieurs facteurs : la baisse continue des prix mondiaux, les aléas climatiques et l'augmentation des coûts de production liée à la hausse du prix des carburants.
Mais il faut dire aussi que certaines des mesures prises par le Gouvernement amputent un peu plus encore les résultats des exploitations. Je pense là à la TGAP sur les produits phytosanitaires et aux taxes qui se profilent à l'horizon avec la réforme de la politique de l'eau.
Tout cet argent prélevé sur les revenus des agriculteurs semble échapper à un secteur qui est le grand oublié de la reprise économique.
M. Aymeri de Montesquiou. C'est vrai !
M. Bernard Joly. Pour toutes ces raisons, la majorité du groupe du RDSE votera contre ce budget. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur celles de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, beaucoup d'événements douloureux sont venus perturber voire remettre en cause les activités du secteur agricole et de la pêche.
Tandis que la forêt subit encore les conséquences désastreuses des tempêtes de fin décembre 1999, que la pêche et la conchyliculture souffrent, qui des pollutions maritimes, qui du renchérissement du dollar et du prix du gazole, la filière agroalimentaire en général, et la filière bovine en particulier, connaît une récession sans précédent, consécutive aux suspicions nées de la crise dite de la « vache folle ».
Soulignons d'ores et déjà qu'aux aides et plans de sauvetage destinés aux secteurs les plus touchés, inclus dans le collectif pour 1999, s'ajoutent, dans le projet de budget pour 2001, les 3 milliards de francs supplémentaires pour l'ensemble de la filière bovine.
Le budget de l'agriculture et de la pêche avec 29,617 milliards de francs s'inscrit à structures constantes en hausse de 0,6 %, soit deux fois la norme choisie pour l'ensemble des crédits budgétaires.
Si l'on ajoute les engagements du budget annexe des prestations sociales agricoles et divers autres financements d'environ 74 milliards de francs, dont 68 milliards de francs d'origine communautaire, l'augmentation en volume atteint 3,65 %. Ces chiffres témoignent d'un important effort quantitatif.
D'un point de vue qualitatif, l'effort n'est pas non plus négligeable.
La priorité donnée aux dépenses en capital - 35 % en autorisations de programme et 13,8 % en crédits de paiement - participe d'un souci qui vise à inscrire l'agriculture dans une dynamique de long terme.
Un effort particulier à travers l'ouverture d'un crédit de bonification de 300 millions de francs est opéré en faveur de la forêt.
C'est donc un budget globalement encourageant.
On peut distinguer quatre priorités dans l'action gouvernementale : le renforcement des contrôles sanitaires et de la prévention des risques alimentaires ; le développement d'une agriculture multifonctionnelle dans le cadre du programme de développement rural national ; l'intensification des actions en faveur de la formation, tout particulièrement au profit de l'enseignement supérieur agricole ; la relance de l'ensemble du secteur forestier, dans la perspective de la mise en oeuvre de la loi d'orientation sur la forêt, dont la discussion est prévue pour janvier 2001 dans cet hémicycle.
S'agissant des enjeux de la sécurité alimentaire, ma collègue Odette Terrade reviendra plus largement sur la question dans la suite de la discussion.
Je centrerai donc mon intervention sur les autres aspects et sur les priorités retenues, au travers de l'analyse des données économiques du secteur.
L'examen de la situation due à la dérive productiviste n'a fait qu'accentuer la tendance à la baisse des prix et donc la dégradation du revenu agricole.
La chute des cours de la plupart des productions agricoles a conduit à une diminution de 4 % du revenu agricole moyen par actif en 1999.
En 2000, le prix des gros bovins, qui s'était maintenu, s'effondre, pour des raisons que nous connaissons. L'ensemble des productions animales se porte plutôt mieux. On doit noter le redressement du prix du porc, qui permet aux producteurs de commencer à combler les lourds déficits accumulés les deux années précédentes, et la nécessité de poursuivre la relance de la production ovine.
Les grandes cultures souffrent des contraintes du GATT, qui limite le volume des exportations subventionnées. Quant aux fruits et légumes, le bilan reste mitigé.
Sur la longue période, en francs constants, les prix alimentaires à la consommation sont demeurés quasiment stables, alors que les prix à la production ont été divisés par deux.
Où est passée la différence, est-on tenté de dire ?
Tandis que la production agricole ne cessait d'augmenter en volume, sa valeur ne cessait de décroître.
La réduction de la population active agricole et l'incorporation du progrès technique ne suffisent pas à expliquer ce paradoxe, et il faut se livrer à une analyse serrée des bouleversements d'ordre socio-économique de ce secteur d'activité.
La course effrénée à l'accroissement des rendements, la pression permanente sur les cours - tandis qu'une bonne partie de la valeur ajoutée est accaparée à l'aval de la filière agroalimentaire, que ce soit par les industries de transformation ou par le secteur de la grande distribution - ont conduit à cette dérive.
La pression tendancielle à la baisse des cours, et donc des coûts, ne cesse de s'imposer.
Inverser cette logique permettrait pourtant d'assurer un revenu décent aux agriculteurs.
Cette pression se traduit aussi dans d'autres secteurs - céréaliers, oléagineux... - par une concurrence accrue au niveau international visant la conquête des parts de marché et la spécialisation sur les créneaux les plus juteux et les plus directement spéculatifs.
Dans ce jeu concurrentiel, il y beaucoup de perdants et peu de gagnants.
Pour autant, les contradictions ne font que s'accumuler.
La substitution des oléagineux et protéagineux aux farines animales frappées d'interdiction risque d'accroître les importations en provenance des Etats-Unis et de nous contraindre à accepter le pire de l'OMC, sauce Blair House ou White House.
Pourriez-vous nous préciser, monsieur le ministre, le poids réel de ces accords sur la production nationale et européenne ainsi que notre liberté de manoeuvre au sein de l'Europe concernant ces productions et les aides pouvant leur être attribuées ? Il serait en effet important que, dès février 2001, les premières cultures de pois et féveroles puissent être ensemencées afin de réduire progressivement notre déficit en protéines végétales.
Essentiellement d'origine transgénique, ces importations peuvent causer des risques qu'en l'état actuel de nos connaissances nous sommes bien incapables de mesurer. Il ne faudrait pas, monsieur le ministre, tomber de Charybde en Scylla !
La France utilise environ 32 millions de tonnes de protéines végétales, dont environ 70 % sont importés. Réduire la dépendance de l'agriculture française et européenne en utilisant les surfaces qui sont en jachère, voire celles qui sont utilisées à des fins exportatrices, est une nécessité. Les biocarburants qui libèrent des tourteaux et la réorientation de certaines cultures peuvent également y contribuer. Je pense notamment au maïs.
Pour les besoins restants, l'approvisionnement pourrait provisoirement s'effectuer auprès des pays, tel le Brésil, qui ont exclu les OGM de leur production.
La multifonctionnalité de l'agriculture vise à inscrire celle-ci au coeur d'un processus de développement durable et à promouvoir une agriculture de qualité, participant de l'aménagement du territoire.
Au coeur du dispositif, on trouve les contrats territoriaux d'exploitation.
Le contrat territorial d'exploitation, en misant sur les multiples potentialités offertes par l'agriculture, incite les exploitants agricoles à développer un projet économique global.
La souplesse des formules CTE-exploitation, CTE-transmission, CTE-installation permet une adaptation aux besoins et suscite un intérêt important chez les jeunes.
Des financements importants ont été débloqués, un cofinancement communautaire à hauteur de 50 % obtenu. Ayant reçu un écho favorable au niveau européen, ce type de dispositif pourrait inspirer d'autres pays.
Certes, le démarrage de cette nouvelle formule est lent. Pour l'instant, moins de 3 000 CTE ont été signés, mais plusieurs milliers d'autres sont en cours de conclusion.
La crise actuelle de l'ESB suffit à elle seule à justifier les CTE. L'enjeu est bien de produire propre, de produire durable, de produire solidaire, pour s'assurer la confiance du marché des consommateurs.
La situation actuelle illustre bien cette situation avec la mévente, les importations accrues, la santé publique mise en danger. Voilà à quoi mène le libéralisme, qu'il soit de nature agricole, agroalimentaire ou industrielle !
Les temps changent, monsieur le ministre !
L'Union européenne vient de suivre la France en décidant l'interdiction des farines animales et la systématisation du dépistage de l'ESB pour les animaux de plus de trente mois.
Un modèle de développement de l'agriculture semble avoir échoué.
Notre agriculture, en s'appuyant sur ces acquis, en développant, comme l'y invite ce projet de budget, la formation des jeunes exploitants, notamment dans le domaine de l'enseignement supérieur, peut jouer demain, de nouveau, un grand rôle dans l'économie du pays.
Le projet de budget de la pêche pour 2001 connaît une progression de 7,9 %, tout en restant modeste. A l'issue d'une année noire marquée par les dégâts des tempêtes et par le naufrage de l' Erika et de l' Ievoli Sun , le monde de la pêche révèle encore davantage ses faiblesses : déficit du commerce extérieur, à hauteur de 13 milliards de francs ; entreprises fragilisées par la dégradation des ressources naturelles ; multiplication des réglementations ; augmentation du cours des carburants, réticence, compréhensible à investir.
Je salue la volonté de porter un effort particulier en direction de la modernisation des navires et de l'aquaculture, le succès de ce dernier secteur étant étroitement lié aux nouvelles pratiques agricoles contenues dans les CTE, mais aussi à la sécurité maritime.
L'an passé, j'avais évoqué, monsieur le ministre, les dégâts provoqués par la pratique de la pêche minotière, qui porte atteinte aux ressources. Quel sera l'impact de ces pratiques eu égard au déficit en protéines de la France et de l'Europe, monsieur le ministre ?
La procédure d'urgence d'allégement des charges qui a suivi l'augmentation du prix des carburants va-t-elle être remplacée par une politique de défiscalisation adaptée des carburants ?
Un système de taxation des produits dangereux pour l'environnement circulant dans le rail d'Ouessant ne pourrait-il pas être négocié à l'organisation maritime internationale, l'OMI et venir en aide à ceux qui en sont les victimes chroniques, ce système ne les exonérant pas, évidemment, de l'indemnisation des catastrophes ?
Au regard de ces remarques et de ces questions, monsieur le ministre, nous sommes conscients de votre volonté de faire progresser harmonieusement le monde de la pêche et celui de l'agriculture. Aussi, nous voterons ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de l'agriculture que nous examinons cette année s'inscrit dans un contexte particulier. En effet, la crise qui nous frappe depuis plusieurs mois, accentuée depuis quelques semaines de manière irraisonnée, fait que nous vivons dans une suspicion permanente.
De plus, la situation est paradoxale. Alors que les Français, d'une manière générale, apprécient l'image d'une France rurale qui cultive et préserve ses terroirs, ils se méfient de plus en plus de ses productions, persuadés qu'elle est capable du meilleur comme du pire.
Pourtant, il s'agit bien, aujourd'hui, d'identifier le vrai coupable dans de telles pratiques, et c'est peut-être aussi pour nous le moment de nous arrêter un instant sur nos systèmes de production, qui privilégient des méthodes intensives pour toujours plus de profit.
Monsieur le ministre, votre administration et les responsables professionnels doivent se mobiliser pour conforter la mise en oeuvre de la loi d'orientation de juillet 1999.
Les deux points forts de votre section sont, tout d'abord, la loi d'orientation et les CTE, qui ont déjà donné le ton face à la nécessaire réconciliation, qui était devenue urgente, entre l'agriculture et la société - mon collègue André Lejeune y reviendra - et, ensuite, les décisions courageuse prises depuis 1997 par le Gouvernement de M. Lionel Jospin : aucun autre gouvernement européen n'a accordé autant d'importance aux graves problèmes que connaît l'agriculture et n'a joué autant la carte de la transparence. Ainsi, au-delà de l'application du principe de précaution, nous pouvons - je veux le dire avec force ici - nous enorgueillir d'avoir, dans notre pays, une vraie politique de prévention et de maîtrise des risques.
Permettez-moi de revenir un instant sur les discussions qui ont alimenté le conseil agricole européen des 20 et 21 novembre, ainsi que la toute dernière rencontre européenne.
Grâce à votre opiniâtreté, monsieur le ministre, vous êtes parvenu sinon à obtenir un accord, du moins à fixer une ligne de conduite européenne.
Je tiens à rappeler que l'Espagne et l'Italie se détournent des produits de l'élevage français pour préférer les produits allemands, nettement moins contrôlés que les nôtres, et que la Finlande et la Suède n'ont pris aucune mesure de dépistage.
Toutes ces actions marquent la volonté du gouvernement français de respecter le consommateur, tout en protégeant le producteur.
C'est votre politique qui, dans ce domaine, va tirer les autres pays vers le haut, notre collègue Yolande Boyer reviendra sur cette question.
Dans ces conditions, chacun comprendra l'ambition principale du projet de budget qui nous est soumis : il s'agit de conforter par tous les moyens l'esprit de la loi d'orientation, afin de faire vivre une agriculture raisonnée, respectueuse des hommes qui en sont les acteurs.
Ce budget traduit donc la poursuite d'une politique en faveur d'une nouvelle agriculture, tout en confortant les moyens plus traditionnels qui sont mis à sa disposition et qui s'élèvent à 29,617 milliards de francs.
Toutefois, pour quantifier l'effort global réalisé en faveur de l'agriculture, il ne faut pas oublier l'ensemble des autres concours financiers qui y sont consacrés.
Ainsi, le budget annexe des prestations sociales agricoles - notre collègue Bernard Piras aura l'occasion de revenir sur ce sujet - s'élève à 73,874 milliards de francs pour financer l'action sociale, et les autres financements, notamment ceux qui sont en provenance de l'Europe, représentent 68 milliards de francs de retours européens. L'ensemble de ces concours dégagent donc plus de 177 milliards de francs en direction de notre agriculture.
Le Gouvernement nous soumet un budget doté de moyens à la hauteur de ses choix, et je tenais, monsieur le ministre, à l'exprimer clairement.
Ces choix, quels sont-ils ?
En 1999, nous avons voté la loi d'orientation agricole, qui dessine et affirme les grandes tendances que nous souhaitons donner à notre politique agricole.
Ces tendances doivent être, au fil des années, au fil des budgets, traduites par des dispositions plus concrètes et dotées de moyens financiers. La première volonté du budget pour 2001 est donc, comme cela a déjà été le cas l'an dernier, de mettre en oeuvre cette loi, de la faire vivre.
Votre deuxième choix n'est pas des moindres dans la période troublée que nous vivons, et nous l'en approuvons d'autant plus : il s'agit de la sécurité alimentaire.
Enfin, la dernière volonté traduite par ce budget est de soutenir notre patrimoine forestier, fortement dévasté par les intempéries de la fin de l'année 1999.
Vos choix affichés, il faut les doter de moyens.
J'aborderai tout d'abord les mesures traditionnelles en faveur de notre agriculture : en effet, afin de développer une agriculture multifonctionnelle pour l'avenir, il s'agit d'abord de consolider des secteurs prioritaires comme l'installation des jeunes agriculteurs, le soutien aux filières et les productions de qualité.
Alors que les aides au départ connaissent une baisse de 16 %, liée tout simplement à la structure des classes d'âge, la dotation aux jeunes agriculteurs s'établit à 490 millions de francs, ce qui permettra de financer près de 8 000 installations.
Les soutiens nationaux sont une nouvelle fois confirmés : c'est le cas pour les indemnités compensatoires de handicap naturel, ou ICHN, qui sont dotées de 1 284 millions de francs, mais aussi pour les zones défavorisées, en augmentation de 32 %, ou pour la PMTVA, la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes, dont le budget pour 2001 permettra le financement de la deuxième tranche d'un programme qui prévoit, en trois ans, de relever le niveau de la prime nationale de 30 euros à 50 euros.
Le PMPOA, le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, enregistre, pour sa part, une augmentation de 19 %.
Le soutien aux filières est maintenu avec la reconduction des crédits octroyés aux offices agricoles, pour près de 3 milliards de francs.
Enfin, permettez-moi d'aborder la question des retraites agricoles, qui, conformément aux engagements pris en 1997, connaissent une nouvelle hausse, ce qui leur permet d'approcher sensiblement l'objectif fixé pour 2002.
Je salue, certes, cette avancée significative sur un dossier qu'aucun autre gouvernement n'avait pris à bras-le-corps ; pour autant, les niveaux atteints restent encore faibles et une question essentielle reste encore à régler, monsieur le ministre : je veux parler de la mensualisation des retraites agricoles.
A cet égard, je tiens à souligner que notre groupe a déposé un amendement relatif aux retraites des personnels de l'enseignement privé.
Ce budget consolide donc les acquis, mais il mobilise également les moyens nécessaires pour un développement harmonieux et durable de notre agriculture.
Nous avons besoin, pour cela, d'un enseignement agricole de qualité, pour que les jeunes soient bien formés. Ce budget nous en donne les moyens - nous en sommes très heureux ! - et il traduit un effort tout particulier en direction de l'emploi, aussi bien en termes de créations de postes que de résorption significative de l'emploi précaire dans le domaine de l'enseignement.
En conclusion, permettez-moi, monsieur le ministre, en préambule, en quelque sorte, à l'intervention que feront dans un instant certains de mes collègues - de vous rappeler quelques-unes des revendications que nous souhaiterions vous voir prendre en compte, car vos réponses sont très attendues par le monde agricole.
Tout d'abord, la profession espère une augmentation significative des envelopppes financières afin de soutenir le monde de l'élevage à la suite de la crise de l'ESB. Mais j'ai cru comprendre qu'une partie des amendements que vous aviez déposés sur les titres III et IV pourraient apporter une réponse à cette question.
Toujours en ce qui concerne l'ESB, il faut éviter que les indemnités versées aux agriculteurs ne subissent des pénalisations fiscales.
Dans ce même domaine fiscal, je veux revenir sur un souhait que j'ai déjà exprimé à cette tribune : les aides contractuelles du type CTE ne doivent plus être considérées comme une créance dès la signature du contrat.
Enfin, dans le domaine des plus-values sur la transmission des biens, le rapport Marre-Cahuzac fait apparaître le souhait qu'une véritable distinction soit recherchée entre les biens maintenus dans l'activité agricole et ceux qui sont cédés à d'autres fins.
Après ces quelques remarques d'ordre général d'autres collègues du groupe évoqueront plus en détail des questions plus précises liées aux productions, aux filières, aux CTE, au BAPSA, etc.
En tout cas, je signale d'ores et déjà que le groupe socialiste s'associera au vote de l'Assemblée nationale en faveur d'une agriculture courageuse et responsable. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Bizet.
M. Jean Bizet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits demandés au titre de l'agriculture et de la pêche pour 2001 s'élèvent à 29,617 milliards de francs, soit une progression de 2 %. C'est donc une augmentation, certes, mais une augmentation, qui n'est qu'apparente et se limite, en réalité, à 0,6 % à structure constante.
J'aurais souhaité, compte tenu des enjeux actuels, un engagement plus marqué de la part du Gouvernement, estimant que nombre de préoccupations des exploitants agricoles sont insuffisamment prises en considération.
Dans un contexte de crise de confiance exprimée par les consommateurs mais également par les producteurs, qui manifestent leur inquiétude face à des difficultés répétées qui, chaque fois, déstabilisent et fragilisent un peu plus notre agriculture, il eût été pertinent, me semble-t-il, de la part du Gouvernement, de montrer clairement sa solidarité et son soutien face à ces importantes remises en question.
Or, je constate qu'il n'en est rien, car bien des aspects essentiels pour garantir l'avenir et rassurer les exploitants sont tout simplement passés sous silence. Je me permettrai, monsieur le ministre, d'en souligner les principaux dans la suite de mon propos.
Je débuterai par un constat bien regrettable, auquel il faut pourtant se résoudre, car il est bien réel : l'agriculture n'attire plus. En effet, il est aisé de constater, en considérant la diminution constante du nombre d'installations de jeunes, que cette profession a fortement perdu de son attrait. Cette évolution est très préjudiciable au dynamisme des zones rurales, les chiffres du dernier recensement ne faisant que confirmer la tendance au vieillissement de la population et à la désertification de nos campagnes.
Il est important de mettre en exergue certaines difficultés qui sont à l'origine de cette désaffection.
D'abord, l'internationalisation des échanges induit une tension perpétuelle sur les prix, dont le mode de fixation traduit une concurrence de plus en plus vive qui, finalement, entraîne une diminution constante des prix des produits agricoles.
Cette situation a naturellement une incidence très négative sur le revenu des agriculteurs et n'encourage pas les jeunes à s'engager dans ce métier.
Je regrette en effet que les ressources des agriculteurs soient continuellement en diminution en francs constants et que, de ce fait, cette catégorie soit de plus en plus exclue du bénéfice de la croissance.
Je considère donc qu'il est indispensable de repenser la valorisation des produits agricoles dans le contexte actuel, où les préoccupations de sécurité alimentaire prennent toute leur importance.
En effet, les différentes mesures mises en place en matière de traçabilité, d'identification et de certification ont forcément un coût, et il serait rationnel que les consommateurs en prennent pleinement conscience.
Les produits agricoles de base, qui sont ensuite transformés, ont un coût. Ce coût ne peut être inférieur au prix de revient de nos agriculteurs, la notion de référence à un prix mondial ayant quelque chose de virtuel lorsque l'on sait que les Etats-Unis ont subventionné leur agriculture, l'an dernier, à hauteur de 21 milliards de dollars !
La même réflexion vaut concernant les rapports de l'agriculture et de la grande distribution. Cette dernière ne peut se permettre, à court terme, de continuer à capter la majeure partie de la valeur ajoutée des produits agro-alimentaires.
La contractualisation entre agriculture et distribution est appelée à se développer sur la base de cahiers des charges devant impérativement rester la propriété des éleveurs. Si tel n'est pas le cas, le Gouvernement prendra une lourde responsabilité au regard de l'équilibre et de l'harmonisation de la société et des territoires.
Ce premier point que je viens d'évoquer est primordial et recouvre, en fait, une question que chacun se pose, mais à laquelle personne n'a, à ce jour, apporté de vraie réponse : quel avenir pour notre agriculture, quelle place pour elle dans la société ?
Face à la crispation passéiste des uns, à l'engagement productiviste des autres, il convient d'apporter une autre réponse pour l'agriculture du caractère xxie siècle.
Les contrats territoriaux d'exploitation étaient censés apporter cette réponse permettant une réconciliation entre l'agriculture et l'ensemble de la société. Cette fausse bonne réponse n'a pas été acceptée par les agriculteurs, si j'en crois les premiers résultats de sa mise en oeuvre.
J'en profite pour souligner que 350 millions de francs ont été perdus par la France, à cette occasion, à partir du milliard de francs prélevé au titre de la modulation, pour cause, précisément, de non-évolution de cette mesure.
Je souhaite malgré tout que nous revenions sur ce sujet, au cours des mois à venir, car si, malheureusement, la profession agricole n'a pas répondu à la mise en place des CTE, c'est, me semble-t-il, parce que ce n'était pas la bonne réponse ; mais, il faudra bien en proposer une autre !
Dans le même état d'esprit, je soulignerai l'intérêt de la constitution à court terme d'un système de retraite complémentaire obligatoire et par répartition. En effet, la grande majorité des agriculteurs est désormais convaincue de la nécessité de créer un tel système pour améliorer les perspectives de retraite des exploitants en activité et pour servir immédiatement un complément de retraite aux actuels retraités. J'insiste, toutefois, sur la nécessité d'obtenir un engagement financier du Gouvernement pour soutenir ce régime, en raison de l'important déséquilibre démographique auquel il devrait faire face.
Il me semble également important de souligner le poids de la fiscalité qui pèse sur le revenu des agriculteurs. Je regrette la création de la TGAP, qui est appréhendée essentiellement comme une taxation supplémentaire.
Il serait pertinent, là aussi, de revoir radicalement cette approche. Les agriculteurs sont parfaitement conscients de l'importance de l'environnement et ils sont acquis à sa protection. Mais, il faut en convenir, l'approche du Gouvernement est fondée plus sur la fiscalisation que sur l'orientation et l'éducation, puisqu'il s'agit de financer la réduction du temps de travail en imposant une profession qui dépasse largement les trente-cinq heures hebdomadaires !
Je ne puis m'empêcher de souligner également l'incohérence à laquelle nous conduit l'application de la TGAP. Le coût de la luzerne déshydratée, par exemple, devrait augmenter, cette année, de plus de 17 %, précisément à cause de la TGAP énergie, au moment même où la suppression des protéines animales dans l'alimentation animale nous oblige à importer des protéines végétales. Taxer notre propre production de protéines végétales, qui est largement insuffisante, serait inconcevable !
En ce qui concerne l'ESB, je prends acte, pour m'en réjouir, de la décision d'interdire les farines animales sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne. Je m'étais permis, dès le 27 octobre dernier, de souligner que cette décision était urgente et ne pouvait qu'être communautaire.
Je regrette toutefois que l'Union européenne ne se soit pas engagée avec plus de précision sur des aides directes aux éleveurs. Il convient en effet de noter l'urgence d'une redéfinition des critères de chargement des bovins sur les exploitations déterminant les primes aux bovins mâles et aux vaches allaitantes, d'une politique de stockage tant privé que public et d'une attribution d'aides directes au travers de la prime à l'abattage prévue dans les accords de Berlin.
La crise de l'ESB va globalement coûter, de l'amont à l'aval, 25 milliards de francs, monsieur le ministre. Vous n'avez, à ce jour, proposé que 3,240 milliards de francs.
Compte tenu de l'enjeu pour l'ensemble de la filière, la France, avec près de 21 millions de bovins, ne peut se soustraire à une politique nationale d'accompagnement forte. L'approvisionnement en protéines végétales au lieu et place des protéines animales sous-entend, là aussi, une volonté forte et de la France et de l'Europe.
Chaque année, j'ai dénoncé cette dépendance vis-à-vis des Etats-Unis. Chaque année, ma question n'a reçu qu'une réponse certes polie mais évasive. Cette année, je souligne qu'il appartient à l'Europe et à la France, dans les toutes prochaines semaines, de réorienter la production vers les protéagineux, car les semis devront être réalisés avant février ou mars. Une telle mesure aurait un coût estimé à 100 millions d'euros.
Dans un deuxième temps, il appartiendra de repenser les accords de Blair House, car les oléagineux en France ne peuvent rester au niveau actuel d'emblavement.
Un autre problème me paraît essentiel, dont il n'est pourtant pas fait mention dans ce projet de loi de finances pour 2001, celui du traitement fiscal des indemnités perçues par les exploitants au titre des dommages causés par l'ESB. En effet, la crise de la « vache folle » a créé des situations critiques chez les agriculteurs, en particulier chez ceux qui ont dû se résoudre à l'abattage de l'ensemble de leur troupeau.
Mon propos est non pas de me prononcer sur le bien-fondé de cette mesure, qu'au demeurant j'approuve totalement, mais de m'interroger sur la nature de la réparation qui est versée à l'exploitant dans ce cas. Jusqu'à présent, les fonds reçus sont considérés comme un revenu, soumis, à ce titre, à l'impôt. Cette situation ne me semble pas supportable, car elle tend à pénaliser les éleveurs à deux reprises, l'Etat reprenant d'une main ce qu'il a donné de l'autre, cette réparation ne pouvant en aucun cas être assimilée à un revenu, ni à une cession d'actifs.
J'aurais donc souhaité un texte plus ambitieux et surtout plus en adéquation avec les préoccupations des agriculteurs, qui attendent, dans un contexte tourmenté, un geste fort du Gouvernement à leur égard.
Je crains sincèrement que ce budget ne réponde pas au projet des agriculteurs de ce pays, un projet qu'il nous appartiendra d'écrire ensemble, la profession agricole, certes, mais aussi l'ensemble de la société. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jarlier.
M. Pierre Jarlier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, peut-on parler de ce budget sans évoquer la crise sans précédent que connaît aujourd'hui la filière bovine ? La réponse me semble avoir été donnée par les différents intervenants qui m'ont précédé à cette tribune.
Sénateur du Cantal, je représente ici un département de montagne et d'élevage dans lequel 20 % des actifs vivent de l'agriculture.
La situation est grave, très grave, car toute notre filière bovine est en situation de cessation de paiement, et les agriculteurs ont le sentiment que les décideurs français et européens sont sourds à leurs messages de désespoir.
J'en donnerai un exemple concret : actuellement, dans le Cantal, 60 000 broutards prêts à la vente sont bloqués sur les exploitations faute d'acheteurs et restent donc sur les bras de nos éleveurs. Non seulement aucune recette ne rentre, mais, en plus, il faut nourrir ces bêtes avec les réserves de l'hiver. En outre, le dépassement des taux de chargement des exploitations risque de pénaliser les exploitants.
Pour ce qui est des transactions, outre le fait que les exportations sont purement et simplement stoppées, les prix observés sur les quelques rares ventes ont baissé de quatre à cinq francs au kilo, soit environ de 35 % en moins d'un mois.
Mardi dernier, vous le savez, monsieur le ministre, les éleveurs du Massif central ont manifesté massivement dans les rues de Clermont-Ferrand, car ils sont désespérés. Leur colère est légitime, car ils n'ont aucune perspective face à cette situation désastreuse.
Mais ce qui provoque encore plus leur colère, c'est de constater que leurs animaux, produits avec des labels de qualité certifiés, sont logés à la même enseigne que ceux des filières à risque. De ce fait, plusieurs années d'efforts consentis pour améliorer la qualité de la viande et sa traçabilité semblent aujourd'hui anéanties. Permettez-moi de le dire, tout cela est injuste.
En effet, plus de la moitié des éleveurs cantaliens, soit plus de 3 000 d'entre eux, ont signé depuis déjà quatre ans une charte de qualité de l'élevage bovin en partenariat avec l'Etat, le conseil général et les organisations agricoles, charte dans laquelle les signataires se sont engagés à supprimer les farines et les graisses animales de l'alimentation des bovins.
Aujourd'hui, monsieur le ministre, c'est toute l'économie des départements de montagne qui est en jeu face à cette situation dramatique. On peut craindre de voir s'accentuer aussi, à court terme, la désertification de nos zones rurales.
Déjà, en cinq ans, il faut le rappeler, 800 exploitations agricoles ont disparu dans le Cantal. Combien disparaîtront encore à très court terme si d'autres mesures concrètes ne sont pas prises d'urgence ?
Car, il faut bien le dire, les dispositions que vous avez annoncées, monsieur le ministre, dans le cadre du plan de lutte contre l'ESB, ne répondent malheureusement que très partiellement à la détresse des éleveurs, en l'absence d'un soutien fort et rapide au dégagement du marché, notamment celui du broutard.
Les aides à la trésorerie, même complétées par la nouvelle enveloppe de 500 millions de francs de prêts bonifiés que vous avez annoncée, ne suffiront pas à faire face à l'ampleur des difficultés rencontrées par les éleveurs sur le terrain.
Pour sortir de cette crise sans précédent, à court terme et de façon durable, au moins trois actions sont à engager au plus vite.
Dans le prolongement des décisions prises lundi dernier lors de la réunion des ministres de l'agriculture de l'Union européenne, une aide aux dégagements des broutards, assortie de la fixation d'un prix plancher, serait, je l'ai dit, de nature à permettre la reprise de la commercialisation des animaux, notamment desdits broutards.
La réouverture du dossier de soutien de l'Union européenne à la production à l'herbe s'avère tout aussi urgente, d'une part, pour répondre à la demande légitime du consommateur en attente d'une production de qualité, d'autre part, pour rééquilibrer les aides européennes dans ce sens.
Il faut rappeler qu'actuellement les aides sont de 2 500 francs par hectare pour la production de maïs et de 300 francs par hectare pour la production d'herbe. Or, on le sait, l'herbe de montagne est un aliment naturel ; il est le plus riche et le plus équilibré.
Enfin, si la décision de la pratique du test systématique sur tous les animaux est de nature à rassurer le consommateur, il faut aussi accélérer l'agrément des laboratoires départementaux qui en ont fait la demande. Tel est le cas du laboratoire du Cantal, M. Roger Besse, président du conseil général, ayant fait la demande d'agrément voilà plus d'un an, demande qui a été réitérée par l'ensemble des parlementaires du Cantal voilà quelques jours. Il faut aussi dégager très vite les moyens suffisants pour réaliser ces tests.
C'est donc solennellement, et avec la plus grande insistance, que je vous demande, monsieur le ministre, comme vous le demandent aussi les agriculteurs et les élus de montagne, de bien vouloir prendre d'urgence, en liaison avec l'Union européenne, ces mesures vitales pour l'avenir de l'élevage de nos régions de montagne et de l'ensemble de la filière bovine. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Mathieu.
M. Serge Mathieu. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en ma qualité de président du groupe d'études de la viticulture de notre Haute Assemblée, je consacrerai l'essentiel de mon propos à la situation du secteur vitivinicole et à la politique mise en oeuvre par les pouvoirs publics européen et français dans ce domaine.
Je donnerai tout d'abord quelques indications sur la récolte 2000. Cette année, la vendange s'élève à 57,68 millions d'hectolitres contre 62,9 millions en 1999. Comparée aux cinq dernières années, il s'agit d'une récolte moyenne. Certaines zones de production - l'Hérault, le Gard, les Charentes et la Bourgogne - enregistrent une baisse significative. Malgré un printemps et un début d'été pluvieux, les conditions climatiques favorables d'août et septembre ont permis des vendanges précoces, un bon état sanitaire, une bonne maturité, une richesse en sucre et des conditions de récolte favorables qui permettent de présager un bon millésime 2000. (Exclamations sur de nombreuses travées.)
M. Aymeri de Montesquiou. Enfin une bonne nouvelle !
M. Serge Mathieu. Ces résultats qualitatifs encourageants sont dus à l'effort soutenu des producteurs, en matière tant d'investissements consacrés à la vinification, que de rénovation des vignobles, de détermination des meilleures périodes de récolte et, plus généralement, grâce à une action continue en faveur de la qualité de la production.
Le poids des stocks, estimé à 32 millions d'hectolitres à la fin du mois d'août, soit 18 % de plus qu'en 1999 à la même époque, a pesé sur les prix, d'autant que la distillation ouverte début septembre dans le cadre des mesures prévues par la nouvelle organisation commune des marchés, l'OCM, n'a pas attiré d'inscription en France en raison du faible prix payé aux producteurs : 16,30 francs le degré/hecto.
Ce volume élevé des stocks s'explique en particulier par la crise qui a affecté les vins de table et les vins de pays, fortement concurrencés par les vins des différents pays de la Communauté économique européenne dont les professionnels de la filière dénoncent la traçabilité douteuse et souhaitent que les vins entrant dans leur composition soit mentionnés sur l'étiquette.
Un crédit de 75 millions de francs a été alloué par le Gouvernement à la fin du mois d'août, pour renforcer les actions de promotion des vins français afin de développer les ventes à l'exportation et, par conséquent, de contribuer à une remontée des cours.
Pour nos exportations de vins et spiritueux, l'année 1999 a constitué un excellent millésime, avec un chiffre d'affaires à l'exportation de 49 milliards de francs, soit une progression de 8 %. Cette progression importante est liée surtout au champagne, qui a enregistré une hausse des ventes à l'exportation de 25,9 % en volume et de 35,5 % en valeur, soit 12 milliards de francs, sans doute en raison du passage à l'an 2000. Les mousseux AOC hors champagne en ont bénéficié : ils gagnent 63,2 % en valeur et 59,5 % en volume. Les vins tranquilles AOC connaissent un léger repli en valeur de 2,6 % - 18,6 milliards de francs - mais consolident la progression réalisée depuis deux ans, 132 % par rapport à 1997. Les spiritueux réalisent une bonne performance en 1999, avec un chiffre d'affaires de 11,4 milliards de francs, en progression de 5,1 %, en raison de la remarquable progression des liqueurs - 25 % - et du redressement du cognac - 2 %.
M. Aymeri de Montesquiou. Et l'armagnac ?
M. Serge Mathieu. Les Etats-Unis restent le premier marché d'exportation des vins et spiritueux, avec 9,3 milliards de francs, en hausse de 19,2 %, devant le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Belgique et le Luxembourg ainsi que le Japon. Singapour et Taïwan montrent des signes encourageants de reprise après une année 1998 difficile. Il est à souligner que la part des vins et spiritueux dans nos exportations agroalimentaires est passée, de 1974 à 1999, de 13 % à 20 % en valeur. Il convient toutefois d'observer que notre viticulture de qualité est de plus en plus concurrencée par de nouveaux pays producteurs comme l'Australie, l'Amérique du Sud ou la Californie, qui misent sur des vins de cépage.
La structure de notre commerce extérieur de vins et spiritueux aussi bien que l'évolution à long terme de la consommation intérieure attestent que la promotion de la qualité doit être poursuivie par les producteurs et encouragée par les pouvoirs publics.
A cet égard, je me plais à signaler le classement de nouveaux crus en AOC, parmi lesquels les vins des coteaux du Vendômois, le Touraine Noble Joué, le montravel en Dordogne.
A l'échelon des régions de production, l'organisation interprofessionnelle progresse ; j'en veux pour preuve la mise en place d'une interprofession unique pour les vins d'AOC du Roussillon et la naissance de l'interprofession des vins de Loire, troisième région viticole de France.
Le comité des vins et eaux-de-vie de l'Institut national des appellations d'origine, l'INAO, a été saisi de projets de textes réglementaires tendant à une réforme des procédures d'agrément fondée sur quatre objectifs : faire du respect des conditions de production un préalable à l'agrément, s'assurer que la dégustation vise bien à reconnaître la typicité et la qualité, obtenir l'homogénéité et la rigueur de la procédure d'agrément applicable à toute appellation, responsabiliser les organismes agréés dans la limite du respect du cadre général défini en autorisant, notamment, l'agrément à durée limitée.
Cette même instance a confirmé que la mention des cépages est contraire au principe de l'AOC et ne doit donc pas figurer sur l'étiquette des vins d'appellations d'origine contrôlées.
Le secteur de la viticulture de qualité a entrepris de se couvrir contre les fluctuations de prix, parfois spectaculaires, d'une année sur l'autre. A cet effet, au printemps prochain, un contrat à terme sur les grands vins de Bordeaux sera négocié à la Bourse de Paris ; si cette initiative est couronnée de succès, elle sera étendue à d'autres grands crus, de Bourgogne, notamment.
L'ensemble des professionnels de la filière vitivinicole a été consterné par les dispositions de l'article 11 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, qui prévoient l'affectation au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, le FOREC, nécessitée par le passage aux 35 heures, du produit des droits de circulation sur les alcools.
Il est, en effet, légitime que ces sommes soient affectées au financement de la traçabilité et de la qualité des vins. Tel était du reste le cas jusqu'au milieu des années quatre-vingt, lorsque le produit des droits de circulation était en partie affecté au financement de l'INAO.
Aussi convient-il de saluer la cohérence de la position adoptée par le Sénat, lors de sa séance du 15 novembre dernier, qui a décidé la suppression de l'article 11 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.
L'un des thèmes qui a mobilisé les organisations professionnelles et les élus représentant les régions de production a été, au cours des mois récents, celui des liens entre vin et santé. En effet, le rapport présenté par le professeur Roques a, de manière excessive, assimilé la consommation de boissons alcoolisées à celle de stupéfiants. (Exclamations sur de nombreuses travées.)
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Quelle honte !
M. Serge Mathieu. Or, il est bien certain qu'une consommation modérée de vin de qualité ne saurait nuire à la santé de nos compatriotes (Nouvelles exclamations),...
M. Jean Chérioux. Bien au contraire !
M. Serge Mathieu. ... comme l'atteste du reste la notion de french paradox mise en évidence par des chercheurs américains.
La formation des futurs exploitants agricoles est décisive pour assurer le développement d'une économie agroalimentaire performante et pour favoriser le renouvellement démographique de la profession grâce à l'installation de jeunes exploitants capables de maîtriser aussi bien les techniques de production que la gestion de leurs entreprises.
C'est pourquoi, chaque année, j'examine avec une particulière attention l'évolution des crédits inscrits dans le projet de loi de finances bénéficiant à l'enseignement agricole, crédits que retrace dans son rapport notre collègue M. Albert Vecten, au nom de la commission des affaires culturelles. En 2001, les crédits de fonctionnement alloués à l'enseignement public agricole progressent de 3 %, permettant la création de 180 emplois, dont 120 d'enseignant.
Les dotations affectées à l'enseignement agricole privé s'élèvent à 2,95 milliards de francs, soit une augmentation de 2,1 %. Les subventions aux établissements du « rythme approprié », c'est-à-dire ceux qui mettent en oeuvre des formations en alternance, s'élèvent à 990,6 millions de francs, soit une hausse de 1 %, les effectifs de ces établissements demeurant stables.
Je tiens, à cet égard, à souligner le rôle déterminant des Maisons familiales rurales, qui proposent une formation répartie entre l'enseignement en établissement et les stages en exploitation.
En conclusion de ce rapide exposé, je voudrais, monsieur le ministre, mes chers collègues, faire justice d'une affirmation que l'on entend parfois proférer concernant le secteur vitivinicole qui serait en quelque sorte priviligié au sein de l'économie agricole et alimentaire. Certes, en 1999, alors que le revenu moyen de l'ensemble des exploitants agricoles a diminué d'environ 7 %, celui des viticulteurs a progressé. Il convient, tout d'abord, d'observer que la viticulture ne perçoit aucune subvention nationale ou communautaire. En outre, les viticulteurs sont des producteurs agricoles à part entière. Aussi, alors que certains secteurs de notre agriculture sont confrontés à de graves difficultés, je pense tout particulièrement à la filière bovine, je voudrais exprimer la profonde solidarité des viticulteurs avec l'ensemble des exploitants agricoles de notre pays. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de l'agriculture est examiné cette année dans un contexte de double crise : crise de l'ESB et crise structurelle profonde de l'agriculture française frappée en 1999 par une baisse de 10 % du revenu des agriculteurs.
Je voudrais, à ce propos, rappeler que le Gouvernement s'est interrogé sur l'affectation du surplus fiscal et que les agriculteurs sont le seul groupe social dont le revenu ait baissé. Pourquoi n'a-t-il pas bénéficié d'une attribution qui aurait pu prendre la forme d'un abattement fiscal ? Les agriculteurs ont ressenti cette absence de considération comme une grande injustice.
Votre budget apporte-t-il des réponses adaptées à ces deux crises ?
Une crise, par étymologie, c'est le moment où tout est encore possible, où l'on peut réussir à passer d'un côté ou de l'autre de la difficulté. Avez-vous fait les bons choix ? Je ne le pense pas.
Ainsi, les dépenses d'administration, qui représentent 40 % des presque 30 milliards de francs de votre budget, sont beaucoup trop lourdes. Ainsi encore, 340 postes de fonctionnaire supplémentaires sont prévus cette année. Etait-ce indispensable ?
M. André Lejeune. Oui !
M. Aymeri de Montesquiou. A quelles tâches vont-ils être employés ? Il en découle que les investissements sont trop faibles et, plus grave, on ne voit toujours pas s'amorcer la réforme fiscale absolument indispensable pour que les productions françaises puissent se confronter avec succès aux concurrences européenne et internationale. On ne peut participer à une compétition mondiale à chance égale avec autant de handicaps administratifs et fiscaux.
Mes collègues ont excellemment abordé le très grave problème de la crise de l'ESB. Je rappelle que le colloque international sur l'ESB, organisé par mon groupe du RDSE, en juin dernier, avait conclu déjà à la nécessité d'interdire immédiatement les farines animales.
M. Alain Gournac. Immédiatement !
M. Aymeri de Montesquiou. Je me félicite que le Président de la République ait le premier demandé la suppression de ces farines et que le Gouvernement se soit rassemblé derrière lui. (M. le ministre sourit.) Je sais qu'assumer une présidence de l'Union n'est pas le meilleur moyen d'imposer ses vues, surtout lorsque le pays concerné est le premier bénéficiaire de la PAC.
Aujourd'hui, la polémique sur les délais de décision et l'interdiction des farines animales est close. Néanmoins, je veux rappeler que la confiance que nous devons accorder aux éleveurs doit être proportionnelle à l'exigence dont il est fait preuve à leur égard. La filière bovine ne saurait être mise en accusation si la traçabilité est d'une fiabilité absolue.
C'est une bonne chose que les moyens relatifs à la sécurité sanitaire, au contrôle de la santé des animaux, à leur identification, à la sélection animale, et à l'Agence française de sécurité sanitaire et alimentaire aient été renforcés. Votre budget initial prévoyait la création de 20 postes de vétérinaire sanitaire. Les députés ont voté un amendement permettant la création de 30 postes supplémentaires. Cela dit, les vétérinaires libéraux avaient la compétence et la fiabilité nécessaires pour tenir ce rôle. De plus, de nombreux vacataires sont disponibles.
Monsieur le ministre, comment comptez-vous parallèlement faciliter les adaptations des filières qui vont remplacer les farines carnées ? Qui paiera le surcoût économique de l'interdiction des farines animales ? Les éleveurs ? Les consommateurs ? Les collectivités locales ?
Pour ce qui est de la crise plus générale à laquelle est confrontée l'agriculture française, j'insisterai sur les réformes fiscales tant attendues, notamment pour l'installation. Compte tenu de la compétition mondiale dans laquelle s'affrontent l'Union européenne, les Etats-Unis et le groupe de Cairns, les Etats-Unis ne jouent pas le jeu de la concurrence. En juin dernier, ils ont décidé d'accroître les subventions de plus de 110 milliards de francs et ils ont multiplié par huit leurs soutiens depuis 1996. Bien sûr, ils prétendent le contraire. Pour que la comparaison soit incontestable, peut-être faudrait-il que l'Union européenne adopte un système identique. Pourquoi serait-il trop tard ? De toute façon, dans les futures négociations de l'OMC, il sera indispensable que les systèmes de subventions se rapprochent.
Mais, de façon catégorique, le seul moyen sérieux et pragmatique pour rester compétitif est de mettre en oeuvre une politique fiscale offensive auprès de laquelle vos contrats territoriaux d'exploitation apparaissent comme des gadgets. La meilleure preuve est qu'ils ne trouvent pas preneurs. En effet, alors que vous en aviez prévu 50 000 pour l'année 2 000, 1 417 étaient signés au 1er octobre, environ 2000 ayant reçu un avis favorable des commissions départementales d'orientation de l'agriculture.
Les 950 millions de francs crédités pour les CTE sur le budget 2000 n'ont donc pas été dépensés. Cette dotation devait être utilisée pour financer des mesures fiscales, par exemple au moment de l'installation et de la transmission de l'exploitation.
Vous aviez affiché comme l'une des priorités de la loi d'orientation agricole l'installation des jeunes. Or, depuis trois ans, les installations ont enregistré une chute de 35 %. Aujourd'hui, ces jeunes s'estiment à juste titre trompés. Je rappelle qu'entre 1995 et 1997 la courbe des installations s'était inversée favorablement. Les engagements n'ont-ils pas été respectés ? Aujourd'hui, de nombreux jeunes sont découragés, voire désespérés.
Dans la compétition internationale, la formation professionnelle des agriculteurs français, des jeunes en particulier, est indispensable ; elle doit être assurée dans les meilleures conditions. Or le budget de l'enseignement privé agricole est aujourd'hui en baisse. A titre d'exemple, dans ce budget, les maisons familiales rurales voient leurs possibilités d'évolution limitées, alors qu'elles sont la seule composante de l'enseignement agricole dont les effectifs soient en croissance.
Pourquoi la dotation aux jeunes agriculteurs est-elle stabilisée à 490 millions de francs, alors qu'elle avait été amputée d'un quart de ses crédits ? Il aurait dû y avoir un rattrapage ! L'an dernier, je m'étais élevé, comme le Centre national des jeunes agriculteurs, contre l'assèchement du Fonds pour l'installation en agriculture.
Les premières années sont les plus délicates pour un agriculteur qui s'installe. Les jeunes agriculteurs installés depuis moins de dix ans devraient être exonérés des charges sociales. Ils devraient bénéficier de prêts bonifiés à très faible taux et obtenir un abattement sur le revenu imposable durant les cinq première années.
Pour inciter les exploitants à céder leur exploitation à un plus jeune, une exonération des plus-values est nécessaire.
Plus généralement, une réflexion doit être conduite pour arriver, à terme, à une assiette de cotisation qui serait assise non plus sur les revenus du travail et du capital, mais seulement sur le revenu du travail. D'une part, c'est une question d'équité, d'autre part, cela permettrait de s'aligner sur une fiscalité moderne.
Le Gouvernement a étendu la suppression de la vignette automobile aux véhicules de moins de deux tonnes pour les artisans, les associations et les syndicats. Pourquoi pas aux agriculteurs ? Pourquoi deux poids, deux mesures ?
Le monde agricole est très attentif à des réponses précises à ces questions.
Les agriculteurs oscillent, à juste titre, hélas ! « entre déprime et révolte ». Rendus très soucieux par la réforme de la PAC, inquiets des conséquences de l'entrée prochaine de grands pays à tradition agricole dans l'Union, ils s'interrogent sur leur avenir. Ils attendent d'abord les réformes profondes en matière fiscale. Ils attendent que les promesses sur les retraites soient tenues. Le minimum vieillesse est indigne pour ceux qui se sont usés à la tâche durant toute une vie. Quand l'objectif de 75 % du SMIC, martelé chaque année, arrivera-t-il à s'imposer ?
Monsieur le ministre, je crains que l'on ne prépare la désertification des campagnes où l'agriculture est la plus difficile. Membre du Rassemblement démocratique et social européen, je ne peux accepter de voter le projet de budget que vous nous proposez. Je suivrai donc l'avis de la commission des finances. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la suspicion, non dénuée de fondement à l'égard de l'utilisation des farines animales infectées - et cela malgré l'embargo de 1990 - a provoqué une réduction de la consommation de viande de 20 %, tandis que, dans certains abattoirs, la production chutait de 40 %.
Une psychose alimentée par des pratiques politiciennes douteuses s'est emparée de la France. Dans ce contexte, nous avons pris acte avec satisfaction des mesures mises en place par le Gouvernement. Toutefois, ce que l'on doit redouter le plus, c'est qu'à ces peurs irrationnelles ne succède une vague généralisée et durable de méfiance à l'égard de nos produits alimentaires.
A la lumière des multiples crises qui ont ponctué ici et là le « paysage » alimentaire - ESB, listériose, dioxine, légionellose, - et autres -, qui pourrait reprocher au consommateur d'être devenu plus attentif à la qualité non seulement sanitaire, mais aussi gustative de son alimentation ?
Le développement des élevages et productions hors-sol ainsi que la réduction des cycles de production afin de répondre à la pression permanente de réduction des coûts ne contribuent-ils pas à un accroissement des risques alimentaires et à une dégradation de la qualité alimentaire ?
Que dire, par exemple, d'un poulet élevé et abattu à quarante et un jours ? Etait-il vraiment sans risque d'inciter à la production de plus de 12 000 kilogrammes de lait par an et par vache laitière ?
La vérité est qu'une certaine conception de l'alimentation et de la consommation a conduit à créer des filières dédiées à une production de masse, de qualité faible, sinon médiocre, et destinée à la clientèle la plus appauvrie de notre pays.
A une agriculture de rendement intensif correspond en effet une stratification du commerce et de la distribution qui fait de la recherche du profit immédiat, au détriment de la qualité et parfois de la santé publique, l'alpha et l'oméga de sa démarche.
La pression sur les cours pousse à la faute, puis à la fraude, en acculant certains producteurs à vendre toujours plus tout en récoltant toujours moins le résultat de leurs efforts.
A ce propos, formulons deux observations essentielles.
D'une part, la crise sensible de la filière bovine et de la sécurité alimentaire en général conduit déjà, dans de nombreuses entreprises, à l'annonce, dans un premier temps, de période de chômage technique puis de plans de suppressions d'emplois.
Je ne parle pas des problèmes rencontrés par le secteur des abattoirs pour lequel l'engagement des collectivités locales, en termes de garantie, est souvent important.
Elue du Val-de-Marne, j'ai déjà été alertée par les salariés du marché d'intérêt national de Rungis de la mise en oeuvre de dispositifs de suppressions d'emplois, qui reportent le coût de la dégradation de l'ensemble de la filière sur la solidarité et la collectivité nationales.
Cela n'empêchera cependant pas les professionnels de la transformation et de la découpe, notamment les entreprises qui proposent ce que l'on appelle les produits de « quatrième gamme », de continuer de réaliser un certain volume d'affaires et de profits.
De manière assez paradoxale, par ailleurs, notons que le plan de stockage et d'élimination des farines animales infectées ou douteuses semble devoir générer quelques menus profits pour les bailleurs de locaux d'entreposage, compte tenu de la forte pression existante.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous éclairer sur ce point ainsi que sur les mesures prévues pour les communes contraintes d'accepter et de gérer ce stockage sur leur territoire ?
D'autre part, se pose de manière particulièrement forte le problème de la légitime rémunération des producteurs, problème que nous avions notamment évoqué, à l'occasion du débat sur les nouvelles régulations économiques et qui passe, compte tenu des limites de la négociation interprofessionnelle, par l'adoption de mesures directes émanant de la puissance publique.
Il y va, de notre de point vue, du maintien de l'activité de nombreux producteurs, activité indispensable pour pouvoir continuer de proposer aux consommateurs la qualité de production qu'ils sont en droit d'attendre.
On comprend le dégoût des consommateurs face à une production alimentaire déréglée par tout un système de production et de distribution.
La sécurité alimentaire se définit comme une réponse à un problème important de santé publique, dont nous sommes d'ailleurs aujourd'hui dans l'incapacité d'évaluer totalement les conséquences et les implications.
Elle se définit aussi au regard de l'approche critique d'un mode de production agricole et d'un mode de consommation dont mon collègue Gérard Le Cam a largement parlé dans son intervention. On peut même considérer que le rôle imputé tant aux autorités indépendantes qui interviennent en matière de sécurité alimentaire et sanitaire qu'aux directions des services vétérinaires conduira fatalement à la mise en question de ce mode de production.
La juste rémunération du travail des producteurs et la garantie de la sécurité alimentaire pour le consommateur sont deux des objectifs que nous devons poursuivre.
Les moyens budgétaires consacrés à ces missions sont d'ailleurs en hausse non négligeable : 9 millions de francs au chapitre de l'appui scientifique et technique de l'AFSSA ; 1,6 million de francs pour l'évaluation des risques ; 110 millions de francs au chapitre 44-70 consacré à la promotion et au contrôle de la qualité. On constate aussi une augmentation des crédits d'équipement de l'agence.
L'ensemble de ces dépenses témoigne manifestement d'un effort significatif en termes budgétaires et traduit clairement les orientations et les choix politiques de ce gouvernement qui, nous le constatons, s'est placé résolument du côté de la qualité et de la sécurité, rompant avec une tradition ancienne de clientélisme dont certains témoignent ici.
Que la ténacité et la pugnacité du Gouvernement aient été enfin reconnues, au niveau communautaire, avec la création de l'Agence européenne de sécurité alimentaire confirme cette analyse.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, ce sont là, les quelques observations que le groupe communiste, républicain et citoyen voulait faire sur cette question fondamentale de la sécurité alimentaire. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Courteau.
M. Roland Courteau. Monsieur le ministre, un cri d'alarme vient d'être lancé par le monde de la viticulture contre la menace d'une mondialisation et d'une logique industrielle appliquées au vin. S'ajoute à cela le problème plus récent de l'arrivée sur le marché de produits issus du mélange de vins de différents pays de la Communauté européenne et appelés VDPCE. Certaines personnes n'hésitent pas à s'interroger sur la malbouffe. Allons-nous y ajouter le malboire ?
Le problème est bien réel. Ces produits, dont la traçabilité est douteuse et qui transiteraient chaque semaine par le port de Sète à raison de 5 000 hectolitres et à un prix allant de 1 à 2 francs le litre, concurrencent de manière déloyale nos vins de qualité.
Il importe que les consommateurs soient pleinement informés sur le fait que ces vins sont sans origine ni loyauté marchande et qu'ils sont composés de mélanges, informations importantes dans une démarche de traçabilité et de sécurité alimentaire.
Il faut que l'on réagisse face à la traçabilité douteuse de tels produits et que de telles pratiques disparaissent d'autant plus vite que notre viticulture, vous le savez mieux que d'autres, monsieur le ministre, a construit son image sur la garantie de l'origine et de la qualité de ses produits. Il serait par conséquent injuste que nos viticulteurs, qui ont réalisé ces dernières décennies de coûteux efforts de qualité, subissent cette concurrence déloyale.
J'en viens à la seconde partie de mon intervention, qui concerne la déréglementation du marché à laquelle on assiste.
Nous vivons une situation préoccupante due à la conjonction de plusieurs facteurs : importations de vins à bas prix qui pèsent sur la demande et la déséquilibre et une récolte 2000 dont le volume est important. Le marché est engorgé et donc quasiment atone. Si nous ne réagissons pas, cette situation affectera gravement le revenu des viticulteurs.
Monsieur le ministre, où en sont les négociations engagées à Bruxelles tant sur la question des VDPCE que sur le dispositif de modulation de la distillation ? Il est urgent, si l'on veut sauver cette campagne, de mettre en place les moyens nécessaires à l'ouverture de la distillation préventive de un million d'hectolitres à 25 francs le degré-hecto. En effet, la mesure prévue dans le cadre de la nouvelle organisation commune des marchés ne répond pas, en France en tout cas, à l'objectif recherché en raison d'un prix trop bas, de l'ordre de 16,30 francs. La profession attend donc une rallonge pour la distillation communautaire, permettant d'assurer un prix plancher efficace et donc de désengorger le marché et de reconstruire sur de meilleures bases.
Monsieur le ministre, si j'insiste aujourd'hui sur ces différents problèmes, c'est parce qu'il est encore temps d'aider notre viticulture à franchir un cap difficile et que, par expérience, nous savons pouvoir compter sur vous. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Besse.
M. Roger Besse. Monsieur le ministre, je souhaiterais, au cours de cette brève intervention, évoquer deux problèmes qui relèvent de votre compétence et qui sont de nature très différente.
Le premier concerne l'incident qui a affecté la réunion du Conseil national de l'enseignement agricole du jeudi 30 novembre 2000.
Ce jour-là, des représentants du Conseil national de l'enseignement agricole privé et de la Fédération familiale nationale pour l'enseignement agricole privé, la FFN, au titre des parents d'élèves, ont été conduits, et ce pour la première fois, à quitter la séance et, ainsi, à rompre les discussions engagées concernant les adaptations de l'enseignement agricole.
En effet, lors de cette réunion, le directeur général de l'enseignement et de la recherche a fait état des axes d'une politique nouvelle initiée par l'enseignement agricole et qui viserait explicitement à réduire, de façon drastique, le développement de l'enseignement privé et à rendre majoritaire les effectifs de l'enseignement public.
Outre le fait que ces orientations ne sont pas conformes au troisième schéma des formations ni aux orientations de la loi adoptée par le Parlement, je tiens à rappeler que ces nouveaux axes de travail ont été révélés « aux représentants du Conseil national de l'enseignement agricole privé et aux représentants des maisons familiales et rurales sans aucune concertation préalable ». Il s'agit là, à mon sens, d'un incident grave qui constitue un changement majeur dans les orientations de l'enseignement agricole, dont il n'a été débattu dans aucune instance prévue par la loi.
Dans ce contexte, il n'est pas étonnant que les représentants de l'enseignement public se soient déclarés très satisfaits de ces nouvelles orientations, estimant qu'il s'agissait d'un tournant qu'ils ont qualifié d'« historique ».
Monsieur le ministre, l'enseignement agricole ne peut se réduire à cette opposition destructrice et archaïque entre public et privé.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Nous sommes d'accord.
M. Roger Besse. Il faut tenir compte de l'originalité de ses quatre composantes - l'enseignement public, l'enseignement privé confessionnnel, l'enseignement associatif par alternance et l'enseignement professionnel - qui ont chacune leurs caractéristiques et qui concourent à sa réussite et à sa richesse dans la diversité.
L'enseignement agricole est, depuis des décennies, marqué par des innovations pédagogiques, par la variété de ses méthodes et de ses filières, par sa capacité de réponse rapide aux besoins des territoires, par ses établissements à taille humaine, enfin, par ses liens étroits avec la profession.
Ses missions de formation, d'animation, de développement et de coopération, ainsi que sa diversité ont toujours été reconnues sans ambiguïté et avec force. Elles ont, de plus, été confirmées par la loi d'orientation agricole de 1999.
Aujourd'hui, il semblerait que, par la déclaration abrupte et provocatrice du directeur général de l'enseignement et de la recherche, tous ces acquis soient publiquement remis en cause.
Par respect pour les 105 000 élèves, les 10 000 formateurs et leurs familles que représente l'enseignement privé en France, je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir informer la Haute Assemblée, en précisant dans votre réponse si la voix de M. le directeur général de l'enseignement et de la recherche est également la vôtre.
Si tel était le cas, la paix scolaire, la capacité de dialogue, d'écoute et de coopération deviendraient alors difficiles, pour ne pas dire impossibles, avec les représentants élus de l'enseignement privé.
Je souhaite, pour ma part, que vous acceptiez, monsieur le ministre, de tout mettre en oeuvre pour nous épargner une nouvelle guerre scolaire, estimant que le choix de l'école est aussi l'exercice d'une liberté qui a valeur constitutionnelle et à laquelle nous sommes particulièrement attachés.
Avant de conclure sur ce point, je souhaiterais, monsieur le ministre, vous rappeler que, dès le 19 mai dernier, pressentant des difficultés dans mon département, j'avais attiré votre attention sur l'inquiétude des présidents des maisons familiales et rurales par le truchement d'une question écrite à laquelle à ce jour, hélas ! il n'a toujours pas été répondu.
La deuxième partie de mon intervention portera sur les conséquences de la crise de l'ESB sur la filière bovine. Vous en connaissez mieux que d'autres, monsieur le ministre, tous les aspects, ce qui m'évitera de faire l'historique de cette crise, si ce n'est pour vous dire que j'apprécie à leur juste valeur les efforts déployés par le Gouvernement et les mesures concrètes qui ont été prises depuis quelques semaines tant à Paris qu'à Bruxelles, sans omettre de saluer votre pugnacité, qui s'impose dans des négociations internationales que nous imaginons, tous, comme difficiles et ardues.
Qu'il me soit permis, monsieur le ministre, d'évoquer à cet instant de mon propos deux points spécifiques qui me paraissent essentiels pour les éleveurs du Massif central.
Le Massif central est durement touché par les effets de cette crise, l'élevage bovin jouant un rôle majeur dans l'activité économique et humaine de ce territoire, qu'il est convenu d'appeler la plus grande prairie naturelle d'Europe.
Mardi 5 décembre, près de 15 000 éleveurs de dix-sept départements ont exprimé leur désarroi lors d'une grande manifestation à Clermont-Ferrand. Il s'agissait d'un geste fort, à la veille du sommet des chefs d'Etat européens à Nice. Le message de ces éleveurs est clair : ils considèrent que les mesures arrêtées le 4 décembre vont dans le bon sens et constituent réellement une avancée significative, mais ils demandent que soient pris en compte par le Gouvernement les problèmes liés à la commercialisation des broutards, production spécifique de leur élevage. Ces broutards, veaux âgés de huit à dix mois, destinés à l'engraissement, élevés à l'herbe, exportés à plus de 90 %, représentent 1 million de têtes.
A ce jour, plus de 60 % de ces animaux, dont 80 % proviennent du Cantal, restent invendus. A l'évidence, les éleveurs, plus particulièrement ceux des zones de montagne, sont dans l'incapacité d'hiverner ces animaux par manque de bâtiments adaptés et, plus encore, de les nourrir par manque de trésorerie.
En leur nom, je vous demande, monsieur le ministre, à la suite de mon collègue Pierre Jarlier, d'organiser dans l'urgence un système d'intervention efficace, tant pour les broutards que pour les vaches de réforme, dont les cours se sont effondrés, ce qui implique, semble-t-il, une modification des règlements européens.
Parallèlement aux mesures d'intervention qui s'imposent, l'indemnisation des pertes subies par les éleveurs, consécutives à la dégradation importante et brutale du prix de vente de leurs animaux, s'avère indispensable.
Je sais que les préfets des départements de la région Auvergne vous ont fait parvenir des rapports exprimant leur vive inquiétude à l'égard d'une situation extrêmement tendue, voire explosive, qui, pour certains éleveurs, peut confiner au désespoir. L'hiver est à notre porte : il convient, monsieur le ministre, de faire vite ; par avance, je vous en remercie.
Le dernier point de mon propos fait référence à un courrier que je vous ai adressé le 2 février dernier pour vous confirmer la candidature du laboratoire départemental d'analyses et de recherches vétérinaires du Cantal pour le dépistage de l'ESB en région Auvergne. Récemment, vous avez agréé quatorze laboratoires, dont un dans l'Allier ; nous nous en réjouissons.
Compte tenu de l'évolution rapide de la situation, de la volonté clairement exprimée de dépistage systématique, je me permets, monsieur le ministre, de réitérer avec une particulière insistance ma demande d'agrément du laboratoire d'Aurillac. Cet agrément se justifie à mes yeux, d'une part, par la qualité et la performance scientifique de ce laboratoire, qui ne date que de quatre ans, et, d'autre part, par la présence de 450 000 bovins dans mon département.
Persuadé que de la rapidité d'exécution des tests et de leur fiabilité dépend, pour une large part, la reconquête de la confiance des consomateurs, je vous serais reconnaissant, monsieur le ministre, dans un moment crucial pour la filière bovine, de ne pas repousser l'offre de collaboration qui vous est faite. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Barraux.
M. Bernard Barraux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cela a déjà été dit mais il faut le répéter : le séisme qui s'est abattu ces dernières semaines sur l'élevage bovin et sur l'ensemble de la filière bovine est un drame sans précédent pour toutes les corporations qui la composent, soit 500 000 éleveurs, 2 500 entreprises employant plus de 150 000 salariés, toutes plus ou moins en difficulté, 30 000 points de vente en boucherie et en grandes et moyennes surfaces, qui emploient 80 000 personnes.
En 1996, l'annonce de la transmission à l'homme de la maladie de la « vache folle » avait créé un choc considérable auprès des consommateurs de viande, mais, Dieu merci ! insensiblement, chacun avait repris ses vieilles habitudes et la consommation était redevenue presque normale.
Aujourd'hui, nous sommes dans une situation complètement paradoxale, dans la mesure où cette tornade économique a été déclenchée par un événement qui, au contraire, aurait plutôt dû être considéré comme rassurant. C'est en retirant de ses étalages un lot de viande suspect qu'une grande surface, qui croyait augmenter ainsi la confiance de ses clients, donc des consommateurs, en leur prouvant la parfaite surveillance de ses produits, s'est vu au contraire critiquée... Et on connaît le reste de l'histoire !
Nos médias se sont emparés de cette information et, en répétant sans cesse les noms de M. Creutzfeldt et de M. Jakob, du matin jusqu'au soir, méthode Coué oblige, et ce pendant plusieurs semaines, ils ont réussi à créer un climat de suspicion, de crainte et, maintenant, d'affolement.
Quand bien même chacun de nous, à une génération près, est originaire du monde agricole, il est depuis un certain temps de bon ton, dans certains milieux dits « intellectuels », de « bavasser » sur tout ce qui est d'origine rurale en reniant sans vergogne ses origines : au point que d'aucuns n'hésitent pas à rendre l'agriculture et l'élevage responsables de tous nos maux.
Nous avons tous entendu l'exposition de ces états d'âme presque métaphysiques de personnes complètement bouleversées parce que les vaches avaient consommé de la farine de viande. Permettez-moi, monsieur le ministre, de ramener cette affirmation à sa juste valeur.
Une vache consomme journellement, en moyenne, vingt-cinq à trente kilos de fourrage divers - paille, foin ou ensilage - et trois ou quatre kilos de granulés d'aliments du bétail...
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Ce n'est plus vrai depuis dix ans.
M. Bernard Barraux. Dans la composition de cet aliment, figure la farine de viande, certes, mais elle y est incorporée au maximum à 3 %, ce qui, ramené à la ration journalière, représente 0,3 %, soit 3 0/00 de tous les aliments consommés par les vaches.
Avec la suppression des farines de viande, nos chiens et nos chats souffriront bien plus d'être transformés en végétariens que nos vaches ont souffert d'être transformées en carnivores.
Alors que les scientifiques les plus éminents sont à la recherche de la vérité sur ce problème grave et complexe, nos saltimbanques de l'analyse et de la vulgarisation ont commenté, jugé et condamné tous les maillons de la chaîne de production de viande bovine. Chaque corporation devint à son tour un bouc émissaire, personne ne fut épargné.
La grande majorité d'entre nous n'ayant aucune compétence pour juger du bien-fondé de ces morbides refrains de condamnation, il était bien naturel que, pour un temps tout au moins, bon nombre de consommateurs s'interrogent et s'éloignent progressivement du rayon boucherie en se repliant sur les rayons volaille et poisson. Mais les conséquences économiques de cette suspicion n'ont pas été mesurées, et c'est aujourd'hui l'irrationnel qui l'emporte sur le bon sens, quoique tout le monde sache qu'il est 10 000 fois plus risqué de s'installer au volant de sa voiture que de s'asseoir devant une assiette de bifteck frites.
Nous avons perdu toute notion de la hiérarchisation des risques. La preuve : le professeur Maurice Tubiana, cancérologue à l'hôpital de Villejuif, écrivait, il y a peu, dans un journal, « qu'il suffirait que l'on consomme un peu plus de fruits, un peu plus de légumes, un peu moins de graisse d'origine animale pour que des dizaines de milliers de cancers et de maladies cardio-vasculaires soient évités. »
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Ce sont les frites qui sont dangereuses ! (Sourires.)
M. Bernard Barraux. Les conséquences sont lourdes et cruelles pour la filière bovine et pour l'Etat. En effet, si les 535 000 tonnes de farines de viande que nous consommions devront être détruites, elles devront, en outre, être remplacées, en tenant compte qu'un kilo de farine de viande correspond en protéines à 1,25 kilo de soja, 1,35 kilo de tournesol, 2,2 kilos de colza et 2,75 kilos de pois protéagineux, auxquels il faut ajouter 40 000 tonnes de phosphates naturellement présentes dans la farine de viande.
Déjà, en 1973, le président Nixon nous avait infligé un embargo total sur le soja pendant plusieurs mois, ce qui avait conduit le président Pompidou à décider d'orienter notre pays vers une plus grande indépendance protéique. C'est d'ailleurs à cette époque que l'on a vu les champs de céréales se transformer en champ de colza, de tournesol et de pois protéagineux. Mais l'ensemble des accords internationaux de Blair House a bloqué l'extension de ces cultures.
Avant de relancer ces productions, il nous faudra obtenir de nos amis américains la rupture de certains petits contrats, nous rappelant au passage que, depuis quelques années seulement - on sait bien que l'agriculture en général est aidée, mais que le soja ne l'était pas - les fermiers américains ont une garantie de revenus sur la production de soja. Devinez pourquoi ils ont doublé leur emblavement !
La France consomme aujourd'hui 4 270 000 tonnes de soja. La moitié nous vient du Brésil, sous forme de tourteaux, prétendument sans OGM. Mais les autorités brésiliennes viennent de décider que les producteurs seront libres d'utiliser ou non les OGM. L'autre moitié nous vient des Etats-Unis, avec OGM et sans OGM. De toute façon, tout est mélangé au cours du stockage et du transport. A bon entendeur, salut !
La crise de 1973 avait vu les cours du soja passer en un mois de 800 à 3 000 francs la tonne. Depuis le début de la crise, le prix du soja est passé de 1 150 à 2 000 francs la tonne, et il continue de monter... Croyez-vous qu'il existe encore des gens qui se demandent à qui peut bien profiter la situation actuelle ?
Je suis élu d'une région où la pierre angulaire de l'économie est la vache à viande, la charolaise. Les veaux sont nourris, comme chacun sait, avec de l'herbe, de façon naturelle, et, les premiers jours de leur vie, ils ne consomment que le lait maternel. L'extensification de ce type d'élevage est pratiquée non par vertu, mais pour de simples raisons physiologiques incontournables. Et pourtant, nous sommes largement autant pénalisés que les autres éleveurs, à cette différence près que, nous, nous n'avons pas de lait à vendre !
Le nombre de cas d'ESB dans le troupeau allaitant est infinitésimal par rapport au nombre de cas détectés en France, mais nous souffrons des nouvelles directives européennes, qui ont supprimé le code de la race. Notre charolais souffre d'une trop grande discrétion, et nous souhaitons vivement que le code de la race - 38 pour le charolais - soit rétabli.
Nous étions plus de 10 000, mardi dernier, à Clermont-Ferrand, à clamer désespoir, détresse et désarroi.
A l'approche de l'hiver, les éleveurs ont besoin de vendre pour faire de la place dans les étables et, surtout, pour avoir de la trésorerie afin de faire face aux échéances. Ceux qui sont obligés de vendre parce qu'ils ne peuvent pas attendre perdent entre 2 000 et 3 000 francs par broutard ; les autres gardent leurs broutards, mais, obligés de les nourrir, ils épuisent prématurément leurs stocks.
Monsieur le ministre, nos éleveurs ont absolument besoin d'argent frais pour compenser ces pertes et ces invendus ; il leur faut 2 000 à 3 000 francs par animal, un plafond d'une dizaine d'animaux par exploitation pouvant être alors envisagé.
Nous devons trouver le moyen de rétablir la confiance. Même si d'aucuns s'acharnent à faire des prévisions apocalyptiques quant à l'incertaine période d'incubation et au nombre des animaux qui risqueraient d'être atteints, souvenons-nous tout de même que, depuis 1991, 178 cas ont été détectés en France, à comparer aux 8 553 000 vaches de notre troupeau national ! Cela représente un taux de contamination de 2 pour 1 000.
Mais, comme disait Einstein, « il est bien plus facile de désintégrer une molécule que de désintégrer un préjugé » ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Emorine.
M. Jean-Paul Emorine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous discutons aujourd'hui le projet de budget relatif à l'agriculture et à la pêche dans un contexte particulièrement grave, celui d'une nouvelle crise de la « vache folle », qui inquiète fortement nos concitoyens et qui connaît un retentissement tant national qu'européen.
Ce budget s'établit à 29,6 milliards ; à structure constante, c'est un budget quasiment stable puisqu'il n'augmente que de 0,6 % par rapport à l'année dernière. Et si nous tenons compte des prévisions d'inflation du Gouvernement, soit 1,2 %, ce budget est, en fait, en baisse de 0,6 %. Comme l'an dernier, nous pouvons donc conclure que l'agriculture n'est pas une priorité pour le Gouvernement, ce que nous regrettons vivement.
En outre, comme je le soulignais déjà l'an passé, la politique macro-économique du Gouvernement handicape le secteur agricole : je pense, par exemple, aux 35 heures ou à la TGAP.
Dans ce cadre général de faiblesse budgétaire, il est consolant de constater que priorité est donnée à la sécurité alimentaire. Il s'agit là d'un impératif au regard de la protection de la santé publique dans notre pays. Comment, d'ailleurs, pourrait-il en être autrement compte tenu d'une actualité si intense sur le sujet ?
A propos de l'ESB, le 21 novembre dernier, le Sénat a décidé de mettre en place une commission d'enquête sur l'utilisation des farines animales. Au cours de nos débats, nous avons évoqué l'ampleur de cette crise et la nécessité de mesures fortes pour rassurer les consommateurs.
Aujourd'hui, je souhaite revenir sur la situation critique dans laquelle se trouvent de nombreux éleveurs face à la chute vertigineuse - et, malheureusement, peut-être durable - de la consommation de viande bovine. Ils rencontrent d'énormes problèmes financiers en pleine période de paiement des fermages et des annuités d'emprunt. C'est pourquoi, lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, nous avons adopté un amendement visant à exclure de la définition des bénéfices de l'exploitation les sommes perçues au titre des indemnisations des pertes de cheptel bovin touché par l'ESB.
Toute la filière, qu'il s'agisse des négociants en bestiaux, des groupements de producteurs, des associations d'éleveurs ou des abattoirs, connaît les mêmes problèmes, ce qui justifie des aides appropriées pour chacun.
Dans ces circonstances particulières, monsieur le ministre, trois actions me semblent indispensables.
Il faut d'abord que les contrôles dans les exploitations concernant le chargement/hectare et la prime à l'herbe cessent pendant la période de crise, sachant que chaque éleveur a environ 20 % de cheptel en plus.
M. Serge Mathieu. Très bien !
M. Charles Revet. Très bonne idée !
M. Jean-Paul Emorine. Ensuite, il ne faut retarder aucune mesure de communication permettant de rassurer nos concitoyens, et il est urgent, parallèlement, de mettre en oeuvre concrètement des indications géographiques protégées.
Enfin, il convient de rééquilibrer le marché de la viande bovine, en France comme en Europe. Dans un rapport sur la PAC que j'avais eu l'occasion de présenter avec mon collègue Marcel Deneux, nous avions déjà proposé une maîtrise de la production bovine au niveau communautaire.
Sur ce dossier de la « vache folle », nous constatons avec satisfaction que nos partenaires européens se rallient finalement à vos propositions. La Commission européenne a fini par recommander la suspension des farines carnées, qui vient d'être décidée au conseil des ministres de l'agriculture de lundi dernier.
Que cela ne soit pas une raison de baisser la garde ! La crise de l'ESB devra trouver une solution à l'échelon européen, ce qui implique, d'une part, que les embargos partiels décrétés par certains pays à l'encontre des viandes françaises ne sont pas justifiés, d'autre part, que la généralisation des tests en abattoirs, la mise au point d'un test et le développement de la recherche scientifique sur la maladie elle-même doivent être des objectifs prioritaires pour l'Union européenne, enfin, qu'une politique européenne de production de protéines végétales, utilisant les terres gelées, doit être décidée.
Il vous faut, monsieur le ministre, saisir l'opportunité de la présidence française de l'Union européenne et du sommet de Nice pour que soient prises en compte ces propositions.
Au-delà de la sécurité alimentaire, votre budget laisse le monde agricole inquiet quant à son avenir.
Premièrement, je note simplement que nos craintes sur le CTE se révèlent de plus en plus justifiées, comme l'a montré notre collègue M. Joël Bourdin dans son rapport.
MM. Jean-Claude Carle et Charles Revet. Très juste !
M. Jean-Paul Emorine. Deuxièmement, la politique d'installation des jeunes est menacée : la dotation aux jeunes agriculteurs est seulement stabilisée par rapport à 2000, année où elle a subi une réduction de près de 25 %. Nous avions déjà dénoncé cette aberration l'an passé.
M. Serge Mathieu. Absolument !
M. Jean-Paul Emorine. Votre argument consistait alors à dire que ces crédits demeuraient dans la mesure où ils étaient affectés aux CTE. En réalité, cela signifie que, pour s'installer et être aidé, tout jeune doit souscrire un CTE. Ainsi, l'échec aujourd'hui évident des CTE participe à l'insuffisance du nombre d'installations. Il s'agit là d'un cercle vicieux qu'il nous faut impérativement enrayer !
En effet, les mauvais résultats de l'installation des jeunes - on enregistre une diminution de 35 % en trois ans - ont de graves conséquences en matière d'emplois et d'aménagement du territoire. De nouvelles mesures pour relancer l'installation sont donc pleinement justifiées.
Je vous ai proposé à plusieurs reprises, monsieur le ministre, un dispositif qui mérite qu'on y réfléchisse. Il s'agit de remplacer un cédant par un jeune exploitant, le rapport est alors bien de un pour un, alors que, dans le cadre actuel, il y a souvent deux cédants pour une seule installation. Cette proposition pourrait, en outre, avoir un aspect social dans la mesure où l'agriculteur de cinquante-cinq ans travaille souvent depuis quarante ans. Vous invoquez notamment le coût financier qu'aurait une telle disposition, mais je vous rappelle que l'Union européenne peut apporter 50 % du financement.
Troisièmement, la réforme de l'assurance récolte n'est toujours pas opérationnelle. M. Babusiaux a rendu son rapport au début du mois de novembre. Nous aimerions connaître vos intentions à ce sujet, monsieur le ministre.
Quatrièmement, en ce qui concerne les retraites agricoles, vous poursuivez le plan de revalorisation mis en place antérieurement. Cependant, je regrette que vous n'ayez pas choisi d'accélérer ce plan, ce que permettent le retour de la croissance et les rentrées fiscales. Parallèlement, il faut aller vers la mensualisation du paiement des retraites agricoles.
Enfin, je souhaiterais savoir dans quelles conditions sera prorogé le PMPOA, le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole.
La loi de finances pour 1997 prévoyait la présentation au Parlement d'un rapport, mais celle-ci n'a jamais eu lieu.
Le Gouvernement a récemment transmis de nouveaux textes réglementaires à Bruxelles ; nous voudrions savoir quelles sont les nouvelles priorités du programme, dans quelles conditions les petites exploitations y seront intégrées, quelle sera l'année d'intégration et comment seront traités tous les dossiers, notamment ceux des listes d'attente qui se sont constituées sur la base des anciennes modalités, c'est-à-dire entre 1996 et 2000 ?
Pour toutes les raisons que je viens d'évoquer et pour celles que nos rapporteurs ont développées avec plus de précision, monsieur le ministre, le budget de l'agriculture et de la pêche ne nous paraît pas satisfaisant : le groupe des Républicains et Indépendants ne le votera pas. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, la viticulture du Languedoc-Roussillon est à un tournant.
Elle a effectué à marche forcée une transformation du vignoble, passant de la production de masse à la mise sur pied de produits de qualité. Encépagement, méthodes de vinification, connaissance des sols et de la maturité du raisin : toutes les techniques scientifiques ont été mises en oeuvre pour atteindre ce résultat impressionnant que le monde entier nous envie.
Le vignoble du Languedoc-Roussillon est à la mode chez les grands experts internationaux, chez les prescripteurs du goût, notamment américains et australiens.
Les grands opérateurs étrangers négocient à haut prix l'achat d'un foncier qui, peu à peu, échappe à nos jeunes viticulteurs. Tout près de ma commune, Mondavi, une winery de la Napa Valley, cherche à s'installer sur des terres de garrigue, provoquant d'ailleurs une certaine inquiétude chez les agriculteurs.
le prix de la bouteille de vin de cépage ou d'un AOC atteint des niveaux records à l'exportation : de 80 francs à 400 francs, pour un vignoble de renommée internationale, situé dans la vallée de l'Hérault, lui aussi.
Or, paradoxe, dans le même temps, se profile à nouveau la mévente du vin, phénomène que l'on croyait révolu et qui plonge les producteurs de nos villages dans le désarroi. Les vins de table ne trouvent pas preneur. Le prix de vente des vins de pays est au plus bas. Le spectre d'une crise grave, qui anéantirait l'effort admirable de toute une génération, est à nouveau présent, ravivant les pires souvenirs dans la mémoire collective.
C'est la raison pour laquelle, après un temps de mobilisation, 5 000 vignerons ont défilé lundi à Montpellier, accompagnés de nombreux élus. J'ai pu constater, à cette occasion, la froide détermination qui les animait, et aussi leur sens de la responsabilité.
Hier soir, à une heure tardive, monsieur le ministre, vous avez reçu leur délégation, conduite par Denis Verdier et Jean Huillet. Après une longue négociation, vous avez fait droit à leur principale demande : une distillation substantielle à un prix rémunérateur, soit 24 francs le degré/hecto. Ils m'ont chargé, monsieur le ministre, de vous dire leur satisfaction devant ce geste des pouvoirs publics qui, en permettant de retirer les produits les moins nobles, doit relancer le marché et enrayer la mévente.
Ils savent toutefois qu'il ne serait pas raisonnable de se reposer sur la seule bonne volonté de la collectivité nationale. Nous, gens du Languedoc-Roussillon, nous devons admettre lucidement qu'un signal d'alerte s'est déclenché. Oui, il y a risque à nouveau pour notre viticulture si une nouvelle étape n'est pas franchie par nos producteurs.
Nous sommes ici, au Sénat, dans un débat budgétaire Nous, parlementaires, sommes chargés de servir d'interface entre vous, monsieur le ministre, et la profession ; nous devons participer à la recherche de solutions d'avenir.
L'ensemble de la filière - coopératives, caves particulières, groupements de producteurs, négoce - a compris que les efforts considérables effectués sur l'amont de la production ne suffisaient plus. Il faut, à présent, accélérer la marche à l'excellence en matière de comercialisation, de marketing, de promotion et de conquête de marchés internationaux. Il faut vendre, non pas du vin, mais l'image de « notre » vin, telle que deux millénaires d'histoire l'ont façonnée.
Cette réorientation, vous en avez pour partie la responsabilité, monsieur le ministre. C'est un deuxième tournant historique, pour lequel nous vous demandons de nous accompagner. Les vignerons sont prêts à ce nouvel effort. Les élus sont mobilisés. Nous attendons de vous un engagement et une promesse : celle du soutien de la nation. (Très bien ! sur les travées socialistes.)
Parce que nous savons que nous pouvons compter sur vous et sur le Gouvernement pour nous aider à franchir cette étape (Exclammations sur les travées des Républicains et Indépendants), avec d'ailleurs moins d'argent public que pour beaucoup d'autres régions, je le dis au passage, et parce que, plus largement, nous apprécions votre politique sur tous les fronts - et ce n'est pas facile ! - sachez que nous, sénateurs radicaux, voterons avec plaisir votre budget. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme Boyer.
Mme Yolande Boyer. Le monde de la pêche est rude. Vous en savez quelque chose, monsieur le ministre, puisque, récemment, vous avez partagé une nuit de pêche en mer sur un chalutier finistérien.
L'année qui s'achève a été particulièrement dure pour les pêcheurs : naufrage de l' Erika avec son flot de conséquences, et augmentation du prix du gasoil. Les organisations professionnelles ont d'ailleurs salué l'efficacité de votre action en cette occasion ; c'est une belle reconnaissance du souci que vous avez pour les entreprises de pêche.
Mais, au-delà des problèmes conjoncturels, plus inquiétants sont les problèmes structurels. La discussion budgétaire est l'occasion d'en débattre : quelle pêche aurons-nous demain et pour quels pêcheurs ?
M. Henri de Raincourt. Une pêche d'enfer ! (Sourires.)
Mme Yolande Boyer. Le souci numéro un, c'est, bien sûr, la protection de la ressource, qui passe entre autres par les totaux admissibles de capture. Des professionnels ont réagi vivement à la récente décision d'extension des quotas à de nouvelles espèces. Malheureusement, la pénurie est bien là et il faut imaginer des solutions. La réduction de la capacité des flotilles en est une, mais elle a montré ses limites.
En concertation avec les organisations professionnelles et les scientifiques, d'autres moyens sont à explorer, comme les licences d'exploitation ou l'amélioration des engins de pêche. Sur le plan européen, nous devons également obtenir les moyens de moderniser notre flotte. A ce propos, monsieur le ministre, pouvez-vous évoquer la préparation de la politique commune des pêches pour 2002 ?
Les deux rapports qui vous ont été remis sur la pêche dans la bande côtière et sur les activités portuaires contiennent des propositions constructives. Certaines peuvent être mises en oeuvre rapidement : la réforme de la taxe portuaire, l'organisation des criées ou encore la redevance équipement.
Dans la deuxième partie de mon intervention, je veux insister plus particulièrement sur certains aspects.
Le budget de l'OFIMER, de 95,8 millions de francs, est en faible augmentation : 0,2 %. Est-il vraiment suffisant pour que s'affirme son rôle en matière de politique de filière et de recherche de la qualité pour la valorisation des produits ? En effet, l'avenir de la pêche française sera d'autant mieux assuré qu'elle parviendra à opérer sa « révolution qualitative ». Compte tenu du caractère limité des ressources, c'est non pas la course à la production, mais la recherche de qualité, la garantie de traçabilité et la création de valeur ajoutée qui assureront la rentabilité pour les pêcheurs.
En ce qui concerne la fiscalité, des propositions faites à l'Assemblée nationale par mon collègue finistérien Gilbert Le Bris, destinées à mieux soutenir les revenus des marins, me semblent dignes d'intérêt. Elles consistent à prévoir des exonérations fiscales spécifiques, comme cela se pratique dans d'autres pays européens ou pour la marine marchande.
En effet, le système de rémunération à la part ne favorise pas l'intérêt des jeunes pour ce métier difficile, dont l'image doit être améliorée. Cela passe aussi par la formation. Les professionnels se prononcent pour le baccalauréat professionnel « secteur pêche » et pour la sensibilisation des jeunes aux problèmes des ressources biologiques et de la qualité des produits.
J'évoquerai en troisième lieu, ce qui ne surprendra personne, la place des femmes.
Le statut de conjoint collaborateur, établi par la loi d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines de 1997, représente une avancée considérable, mais il faut aller plus loin. La parité avance dans le domaine politique. Je connais l'attention que vous portez à ce sujet puisque, pas plus tard que mardi dernier, vous avez réuni au ministère des femmes représentantes des milieux de la pêche et de l'agriculture. Les associations de femmes réclament une juste représentation dans les instances professionnelles telles que les comités locaux des pêches ou le comité national. Comment pensez-vous favoriser cette évolution ?
Le dernier point que je traiterai concerne la politique sociale. Pouvez-vous nous faire part, monsieur le ministre, de l'évolution de la négociation sur le repos hebdomadaire ?
Je veux également remercier le Sénat qui, voilà quelques jours, lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, a voté, à l'unanimité, un amendement que j'avais cosigné avec Marie-Madeleine Dieulangard, permettant une revalorisation des indemnités maladie des marins. Ce pas est important pour la profession.
En conclusion, l'augmentation de 8 % des crédits d'intervention va dans le bon sens. L'effort est particulièrement significatif en ce qui concerne les entreprises de pêche et l'aquaculture, qui bénéficient d'une augmentation de 21,5 %, soit près de 12 millions de francs supplémentaires. Nous savons votre volonté et connaissons votre action pour que la France, dans la Communauté européenne, conserve une activité de pêche vivante et dynamique. C'est pourquoi le groupe socialiste votera votre budget.
Toutefois, en tant qu'élue bretonne, je ne peux quitter cette tribune sans vous faire part, monsieur le ministre, de la profonde détresse des agriculteurs face au drame que représente la crise actuelle de la filière bovine ; cela a été largement évoqué ce matin.
Les aides aux producteurs sont indispensables, mais restaurer la confiance des consommateurs, notamment par des tests systématiques, est également essentiel pour résoudre cette crise. J'aurai l'occasion de vous interroger plus spécifiquement cet après-midi sur ce sujet. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Rispat.
M. Yves Rispat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà plus de trente ans que je partage sur le plan professionnel, consulaire, et aujourd'hui en tant qu'élu, le combat du monde agricole et rural, notamment dans mon département, le Gers.
Depuis 1977, je n'ai jamais connu de situation aussi dramatique ni une telle chute de revenus pour des agriculteurs, tout particulièrement les éleveurs, qui sont désignés aujourd'hui comme les boucs émissaires d'une situation dont ils ne sont pas responsables. Comment ne pas se sentir concerné par les difficultés qu'ils rencontrent en ce moment ? Comment ne pas les assurer de tout notre soutien dans cette période de marasme ? L'agriculture française a connu de nombreuses mutations en trente ans, notamment après les lois d'orientation agricole de 1960 et de 1962, qui, en affirmant la maîtrise du sol par les agriculteurs, ont entraîné une formidable relance de ses capacités de production. Cela a permis à la France d'être la deuxième puissance exportatrice mondiale. L'agriculture française est reconnue comme l'une des meilleures du monde.
Aujourd'hui, après la limitation des productions imposée par la politique agricole commune, l'introduction des jachères, la crise de la « vache folle » vient d'entrer avec fracas. Elle divise l'Europe, les Etats, et angoisse, à juste titre, tous nos compatriotes.
Au-delà des sondages - cela a été dit à plusieurs reprises - la constatation est évidente : la consommation de viande de boeuf a baissé de 40 %.
La confusion est grande. On désigne trop facilement les éleveurs, et même l'ensemble des agriculteurs, comme des coupables. Ne sont-ils pas d'abord des victimes ? Les intermédiaires, les industriels de la viande, les bouchers artisanaux ne sont-ils pas eux aussi, à leur manière, des victimes non responsables ?
Faute d'images claires de l'origine de la transmission de la maladie, des conséquences qui en résulteront, de réalités scientifiques incontestables, nous risquons de rester longtemps dans la crise, dans l'irrationnel et dans cette psychose qui conduit non pas aux bonnes décisions, mais à une sorte de panique très dommageable pour une politique publique rationnelle dans ce domaine.
En matière de sécurité alimentaire, personne ne méconnaît la nécessité de l'urgence d'agir, ce que viennent de faire les ministres de l'agriculture des Quinze - à notre demande, monsieur le ministre - qui ont décidé, le 4 décembre dernier, d'interdire enfin les farines animales dans l'alimentation des animaux de ferme, comme le demandait la France.
En quelques jours, la crise a pris la dimension d'une psychose nationale. C'est donc bien d'une affaire d'Etat qu'il s'agit, posant une nouvelle fois un problème de santé publique. C'est une crise de confiance alimentaire, mais aussi une crise de confiance dans notre agriculture.
Il faut que les citoyens-consommateurs, les scientifiques et nous, acteurs politiques, débattions plus que jamais pour réfléchir à notre modèle de consommation et au type de production qui pourrait lui correspondre. C'est l'enjeu du siècle à venir.
Une fois mis en pratique le fameux principe de précaution, auquel tous les consommateurs sont très justement attachés, il ne faut pas que ce principe de précaution devienne systématiquement un principe d'interdiction généralisée. Les agriculteurs ont en effet besoin de ce que j'appellerai aujourd'hui le « principe d'espérance ».
Dans notre département, comme chaque fois que les intérêts de nos producteurs sont en jeu et que la qualité de nos produits doit être affirmée, nous savons unir nos efforts pour retrouver l'heureux temps du « Bonheur dans le pré » et dans l'assiette, du « Suivez le boeuf », et pourquoi pas, de « La vache qui rit ».
Quand on sait ce que l'agriculture et le monde rural français ont apporté à la France en termes de sacrifices humains, quand on pense aux révolutions culturales qui ont permis de faire de la France la deuxième puissance agricole mondiale, quand on pense au formidable bond en avant de l'agriculture gersoise pendant les trente dernières années, à son taux encore exceptionnel de population agricole - plus de 25 %, c'est-à-dire le plus important de France - on ne peut pas décemment accepter que les agriculteurs, les éleveurs, les paysans soient ainsi montrés du doigt et désignés à la vindicte publique comme pour mieux les faire disparaître.
En ce qui concerne le département dont j'ai l'honneur d'être l'élu, l'un des tous premiers en matière d'oléagineux, je souhaite que soit relancée la filière oléo-protéagineuse, la protéine végétale devant nous permettre, à terme, d'assurer une autosuffisance en dehors du marché américain.
Je déplore à nouveau les lourdes conséquences des concessions excessives faites aux Etats-Unis lors des accords de Blair House , qui ont entraîné une limitation des surfaces d'oléagineux et de protéagineux, nous rendant ainsi de plus en plus dépendants du continent américain. Je souhaite donc que soient mises en place des aides importantes pour relancer ces cultures et les rendre plus attractives aux producteurs.
De même, des aides importantes doivent être consenties aux éleveurs dans le cadre de la crise de la « vache folle » : elles pourraient se situer à 1 000 francs par tête pour frais de garde et pour compenser la chute des cours.
Je me réjouis de l'adoption par le Sénat d'un amendement que j'ai cosigné, prévoyant l'exonération de l'impôt sur le revenu des sommes perçues au titre des indemnisations des pertes de cheptels bovins résultant de l'ESB.
Il est également indispensable de prévoir à l'égard des viticulteurs des mesures exceptionnelles de soutien, face à leur confrontation de plus en plus vive à la concurrence de productions, européennes et latino-américaines, alors que l'effort de qualité a été, dans ce domaine aussi, indéniable.
J'ajouterai aussi qu'il est urgent, mais vous ne l'ignorez pas, de revaloriser les retraites agricoles. Le combat est engagé depuis 1996. Il faudra encore attendre l'année 2002 pour que les plus petites retraites atteignent le minimum vieillesse.
Comment assurer le financement de toutes ces actions ? Par l'Etat, bien sûr, et plus sérieusement que ce que vous avez prévu ; par l'Europe aussi ; mais également - je veux vous faire part d'une proposition - par l'un des partenaires essentiels des agriculteurs et du monde agricole, qui a largement profité de leur confiance et de leur fidélité : le Crédit agricole.
Permettez-moi de rappeler l'importance de cet établissement bancaire, qui représente aujourd'hui un capital de plus de 500 milliards de francs : première banque française, deuxième banque européenne, quatrième banque mondiale.
Cette banque, gérée remarquablement par une technostructure très compétente, multiplie ses participations dans tous les domaines. Elle affiche un résultat net pour 1999 de 15,6 milliards de francs, soit une hausse de 26,3 % par rapport à l'année précédente.
Cette banque ne peut oublier ses fondateurs. Dans sa structure juridique, elle reste toujours mutualiste, ce qui la protège de toute OPA et de tout rachat.
Mais à qui appartient donc le capital du Crédit agricole ? En effet, y cohabitent aujourd'hui des actionnaires - l'ensemble du personnel et les représentants des cinquante-trois caisses régionales - et des sociétaires. Les 5,61 millions de sociétaires restent détenteurs des seules parts sociales, toujours évaluées à leur valeur nominale d'émission, et subissent, de ce fait, un incontestable préjudice.
Il paraît urgent de modifier le code rural, particulièrement l'article 618 concernant cette banque coopérative. Il convient, en effet, d'attribuer à ces parts sociales leur valeur réelle, peut-être en les transformant en actions.
On pourrait s'inspirer, pour cette adaptation, du modèle anglais de privatisation des mutuelles. Que l'on m'entende bien : il ne s'agit pas de remettre ici en cause le système coopératif qui, fondé sur la solidarité mutualiste, a fait ses preuves et a largement participé au développement de notre agriculture.
Dans une coopérative de production, de collecte ou d'approvisionnement, on n'impose pas à chaque opération de vente ou d'achat un prélèvement de parts sociales. L'apport se fait au moment de l'adhésion du coopérateur, ou lorsque la coopérative décide une augmentation du capital. Au Crédit agricole, c'est sur chaque opération nouvelle de prêt que l'on prélève un pourcentage de parts sociales, des parts qui ne sont presque jamais rémunérées ou, si elles le sont, c'est à des taux généralement très faibles, voire sous la forme d'une attribution de nouvelles parts sociales.
C'est pourquoi, dans cette assemblée qui est aussi la « Chambre d'écho » (Sourires) du monde rural, je tenais à vous faire part, monsieur le ministre, de cette préoccupation.
Devant la crise que va traverser le monde agricole, il importe de mettre chacun face à ses responsabilités, sans exonérer les pouvoirs publics des leurs.
C'est, en effet, en mobilisant tous les moyens disponibles que l'on pourra redonner espoir au monde agricole. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Huchon.
M. Jean Huchon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vivant au milieu des éleveurs, je veux vous faire part de leur état d'esprit et de la détresse qui les accable.
La façon dont la crise de l'ESB a été traitée par les médias, les informations flamboyantes et affolantes qui ont été répandues ont causé la situation que nous vivons aujourd'hui : mévente, plongée des cours et chute verticale de la consommation !
La filière s'est ainsi paralysée et, aucune amélioration n'étant perceptible, un climat de désespoir s'est installé, sans doute pour durer. C'est que les trésoreries sont épuisées, les échéances de fin d'année tombent, l'ambiance est à l'accablement, d'autant que l'opinion publique ne manque pas d'en rajouter et de culpabiliser les éleveurs.
Ces derniers perdent confiance. Ils ne croient plus dans le pouvoir, pas plus que dans les élus, qui, à leurs yeux, dispensent des promesses avec abondance mais les concrétisent avec parcimonie.
En même temps que des aides financières, il attendent surtout du Gouvernement qu'il use de son influence et de son poids, qui est grand, pour inverser la tempête médiatique qui a tout démoli.
A entendre certains médias, nous serions revenus à l'époque de la Peste noire, quand les charretiers du roi passaient chaque matin enlever les cadavres sortis des habitations. Heureusement, il n'en est rien. Certes, nous avons à regretter deux ou trois victimes, mais, grâce aux précautions que vous avez prises, monsieur le ministre - nous vous en remercions et nous vous en félicitons - bien que le risque zéro n'existe pas, on peut maintenant consommer en France de la viande sans craindre quoi que ce soit.
Disons-le et redisons-le encore, il faut désintoxiquer cette opinion publique malade. Il faut employer les mêmes moyens que ceux qui ont si largement contribué à compromettre la situation.
Les éleveurs sont en mauvaise position et d'autres producteurs, notamment de fruits et légumes, ont à faire face également à des problèmes. C'est pourquoi, d'une façon générale, les paysans se sentent isolés et abandonnés.
Dans un pays qui bénéficie de la reprise économique et dans lequel les entreprises vont bien, les agriculteurs se sentent écrasés par un système où ils sont les seuls à être tout à la fois responsables et victimes. Ils sont entourés par un environnement qui les broient et qui, lui, vit dans la sérénité et la sécurité.
Les agriculteurs, et j'ai peine à le dire, n'ont pas vraiment confiance dans leur syndicalisme : il y a de moins en moins d'adhérents et le pluralisme syndical, avec la guerre des chefs qui en découle, les agace profondément.
Ils avaient mis en place voilà quelques décennies un système mutualiste de crédits, de coopératives et d'organisations diverses qui, jusqu'à ces dernières années, donnait satisfaction et avait la confiance des adhérents. Hélas ! les circonstances ont conduit tout ce système para-agricole à évoluer vers le gigantisme : l'homme ne s'y retrouve plus. On m'interroge constamment sur cette situation dans laquelle l'exploitant est livré à lui-même et à la loi du marché, et ce sans protection face aux aléas du commerce mondial.
A titre d'exemple, les jeunes éleveurs de mon pays ont trouvé dans un restaurant d'une chaîne nationale de la viande d'Argentine ! Le mystère demeure sur le circuit qu'elle a emprunté pour parvenir dans la vallée de la Loire mais, si son origine est indiscutable, il est bien entendu qu'aucune marque d'identification ou de traçabilité n'existe.
Monsieur le ministre, une situation aussi trouble provoque le désespoir, qui lui-même annonce parfois la violence. Il faut éviter d'en arriver là ! Le conseil régional des Pays de la Loire, sur l'initiative de son président et avec la participation des cinq départements qui composent la région, a dégagé des crédits importants. Les élus régionaux et départementaux attendent une participation équivalente de l'Etat afin de mener des opérations de dépistage et d'aide.
Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas rester insensible à cet appel et à cette action !
J'évoquerai un dernier point, monsieur le ministre, après M. Vecten, rapporteur pour avis, qui vous a alerté sur les bruits pessimistes provoqués par les propos de votre directeur général de l'enseignement agricole. Au moment où la situation sur le terrain est celle que nous vivons, la résurrection d'une guerre scolaire semble totalement irréaliste et choquante. L'agriculture et le milieu rural ont besoin de toutes les synergies pour sortir des difficultés. Le système scolaire pluriel installé par la loi de 1984 doit être maintenu, et nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour couper court à des bruits et à des intentions qui ne peuvent que mener à un grave malaise dont ni votre ministère et ni les agriculteurs n'ont besoin. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jacques Valade.)