SEANCE DU 4 DECEMBRE 2000


M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'emploi et la solidarité : II. - Santé et solidarité.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le budget de la santé et de la solidarité est celui qui permet de venir au secours des plus pauvres et des exclus, celui qui permet de gérer le système d'offre de soins, de préserver les Français des principaux risques de santé publique, celui qui symbolise le mieux la solidarité nationale. Il s'agit donc d'un budget essentiel pour la vie quotidienne de nos concitoyens.
Comment apprécier les crédits dévolus à ces deux missions, la santé et la solidarité ?
Peut-être par naïveté, le rapporteur spécial que je suis a fait un rêve. Il s'est forgé un budget idéal : celui dont les crédits se stabiliseraient pour contribuer à l'effort global de maîtrise de la dépense publique, celui où les dépenses liées à la solidarité nationale diminueraient grâce à la bonne conjoncture économique, celui où les économies générées seraient en partie réutilisées pour mieux encadrer une réforme du système d'assurance maladie, pour protéger les Français contre la progression des fléaux sanitaires, qui suscite une légitime inquiétude, pour apurer enfin des situations de fonctionnement parfois un peu douteuses, notamment en ce qui concerne les mises à disposition.
Un tel budget aurait mérité des éloges et un vote positif. Or le projet de budget pour 2001 est en recul, malheureusement, sur presque tous ces points.
Il faut maîtriser les dépenses publiques, mais le budget s'accroît de 3,9 milliards de francs.
La croissance économique est vive et dynamique, mais les dépenses de minima sociaux augmentent toujours, « ponctionnant » ainsi la presque totalité des moyens nouveaux.
Les Français sont inquiets vis-à-vis des risques sanitaires, mais les moyens affectés aux dépenses de santé publique diminuent.
Les dépenses d'assurance maladie dérivent et des inégalités injustifiées, notamment régionales, persistent, mais les crédits de réorganisation de l'offre de soins régressent.
Il y a des efforts en matière de fonctionnement et de personnel, c'est vrai, mais trop de lacunes, pourtant dénoncées chaque année par la commission des finances, subsistent.
La réalité est donc bien éloignée de ce rêve qui, pourtant, conviendrait bien mieux aux attentes des Français et aux besoins des professionnels. Nous vous proposerons, en conséquence, de rejeter les crédits de la santé et de la solidarité pour 2001.
Analysons quelques données globales.
Avec 94,7 milliards de francs, le budget de la santé et de la solidarité constitue le sixième budget civil de l'Etat. Il se compose du budget de la solidarité, pour 85 milliards de francs, et de celui de la santé, pour 9,7 milliards de francs. Les trois quarts des crédits supplémentaires, hors transferts, de votre projet de budget, madame le ministre, servent à couvrir la hausse des minima sociaux. Le solde servira à augmenter les moyens humains du ministère et à augmenter les moyens en faveur de l'action sociale.
Je ne détaillerai pas les grandes masses des crédits du ministère - ces détails figurent dans mon rapport écrit - sinon pour souligner qu'il s'agit essentiellement d'un budget d'interventions sociales. Je me contenterai de dire quelques mots sur chaque agrégat.
Les crédits en faveur des politiques de santé publique diminuent en raison du transfert de certaines responsabilités à l'assurance maladie. Les différentes agences sanitaires voient leur subvention réduite. Quant au reste, les moyens sont globalement préservés. En tout, 2,4 % du budget du ministère vont à la santé publique.
Les dépenses en faveur de l'offre de soins diminuent et ne représentent plus que 1,6 % du budget du ministère. D'un côté, les formations des professions paramédicales voient leurs moyens renforcés, de l'autre, les crédits de paiement affectés aux opérations de modernisation et de rénovation hospitalières se réduisent fortement, et c'est un sujet d'interrogation pour la commission des finances.
A l'inverse, les crédits du développement social augmenteront. Cette hausse résulte principalement de la progression des dépenses liées à l'allocation adultes handicapés. Il est à noter, cependant, une forte hausse des crédits de l'économie solidaire et une diminution de ceux qui sont consacrés aux rapatriés et à la modernisation des établissements pour personnes âgées.
En outre, les dépenses liées à l'intégration et à la lutte contre les exclusions augmentent, elles aussi, et représenteront la moitié du budget de la santé et de la solidarité. Il s'agit de la nouvelle subvention au Fonds d'action sociale des travailleurs immigrés et de leurs familles, le FASTIF, en contrepartie du transfert à la branche famille de la majorration de l'allocation de rentrée scolaire, du revenu minimum d'insertion, pour un montant de 30 milliards de francs, de l'allocation de parent isolé, pour 4,7 milliards de francs, et de la couverture maladie universelle, dont les crédits baissent par rapport à la loi de finances initiale mais augmentent fortement par rapport aux ouvertures effectives de l'année 2000 et devraient encore croître pour financer les mesures que vous avez annoncées à l'Assemblée nationale.
Les premières études montrent que, comme je l'avais dit à votre prédécesseur lors de la discussion du projet de loi relatif à la couverture maladie universelle, les dépenses par bénéficiaire sont supérieures aux 1 500 francs prévus à l'origine par le Gouvernement.
Enfin, les crédits pour l'administration centrale et les services communs, rebaptisés « crédits de la gestion des politiques de santé et de solidarité » - vous apprécierez le progrès sémanique - bénéficieront, à structure constante, de moyens supplémentaires pour financer la création de 216 emplois - j'y reviendrai - dont un bon nombre serviront à résorber les mises à disposition.
Je formulerai maintenant cinq observations.
La première concerne l'augmentation des dépenses de minima sociaux.
En 2000, comme les années précédentes, les augmentations de crédits les plus importantes en volume du projet de budget de la santé et de la solidarité résultaient de la croissance non maîtrisée de dépenses sociales obligatoires. Cela n'a pas changé en 2001.
Le total des crédits consacrés à la couverture maladie universelle, à l'allocation de parent isolé, à l'allocation aux adultes handicapés et au revenu minimum d'insertion s'élèvera, en 2001, à près de 68 milliards de francs, soit - je l'ai dit - près des trois quarts du budget de la santé et de la solidarité.
Les crédits des minima sociaux augmentent plus vite que la revalorisation des prestations - 2,85 % contre 0,9 % - ce qui signifie que le contexte de forte croissance économique n'est probablement pas partagé par tous.
Cette hausse n'a pas cessé. Les crédits alloués au RMI sont passés de 25 milliards de francs à 30 milliards de francs depuis 1997 ; ceux qui sont destinés à l'allocation aux adultes handicapés, l'AAH, de 22 milliards de francs à 26,5 milliards de francs sur la même période.
Ainsi, les trois quarts de la hausse des crédits du ministère sont absorbés par celle, que je considère comme non maîtrisée, des minima sociaux. Comme, en même temps, les moyens humains et le fonctionnement augmentent, ce projet de budget fait donc deux victimes.
Ma deuxième remarque porte sur ces victimes, qui se nomment santé publique et offre de soins.
Ces deux agrégats sont le pendant étatique des 700 milliards de francs qui seront dépensés pour l'assurance maladie en 2001, soit 100 milliards de francs supplémentaires depuis quatre ans.
Pour financer les prestations sociales, aux dépenses croissantes en dépit d'une conjoncture qui aurait permis de mener une autre politique, le ministère coupe dans les crédits consacrés à la politique de santé publique, à la conception et à la maîtrise du système de santé.
Alors que les crédits d'ensemble du ministère augmentent, ceux de ces deux agrégats, essentiels pour l'avenir de notre système de santé et le bien-être de nos concitoyens, diminuent. Ils représenteront seulement 4 % du budget de la santé et de la solidarité, contre 4,4 % en 2000.
Or comment prétendre que les besoins et les attentes n'existent pas ? Qu'il s'agisse de la sécurité sanitaire, du cancer, du sida ou du retour des fléaux sanitaires, ces questions ne sont pas uniquement formelles !
De même, le travail de réforme du système de santé, les progrès à réaliser en matière de clarté des comptes et de statistiques apparaissent de manière évidente. Or, malheureusement, vous en diminuez les moyens.
Pis, le Gouvernement transfère 119 millions de francs de dépenses de santé publique à l'assurance maladie et ne trouve même pas le moyen d'utiliser les économies ainsi réalisées pour améliorer tel ou tel programme de santé publique. Il y a de quoi se sentir quelque peu lésé dans ces transferts !
Pis encore, les crédits de paiement pour la modernisation des hôpitaux diminueront de moitié en 2001 malgré le plan « hôpital » annoncé par le Gouvernement. Vous affichez des centaines de millions de francs dans le fonds de modernisation, mais cette somme vient s'ajouter à toutes les autorisations de programme dormantes que vous n'arrivez pas à utiliser. Seuls les crédits de paiement nous importent, et ils diminuent.
Ma troisième remarque porte sur la persistance de problèmes non réglés malgré leur dénonciation année après année à cette tribune.
Le premier d'entre eux concerne, bien évidemment, les mises à disposition. J'en parle depuis longtemps aux titulaires successifs des postes ministériels que vous occupez, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat. Les données du problème, vous les connaissez : le ministère jouissait, en 2000, de plus de 600 mises à disposition, si bien que les personnels des hôpitaux faisaient fonctionner la direction des hôpitaux chargée de les contrôler, que les personnels des caisses de sécurité sociale faisaient fonctionner la direction de la sécurité sociale chargée de les contrôler, etc.
Je ne reviens pas sur l'anomalie de cette situation qui aboutit à faire rémunérer les agents de l'Etat par la sécurité sociale, donc par les cotisations des citoyens, le tout dans des conditions réglementaires, déontologiques et financières qui peuvent apparaître contestables.
Je suis heureux de constater l'effort que vous réalisez en 2001 pour résoudre cette question, puisque près de 25 millions de francs viendront rembourser certains organismes mettant à disposition des personnels. De surcroît, est engagée une démarche de conventionnement systématique au cas par cas et de suppression des situations illégales. Je me félicite d'avoir été un peu écouté, mais je dois reconnaître qu'il reste beaucoup de chemin à accomplir.
Par ailleurs, ces 25 millions de francs donnent une idée de ce qui a été pris sur la sécurité sociale depuis des années et qui doit dépasser, dans chaque budget, les 120 millions de francs.
Je tiens à vous poser à ce sujet deux autres questions : pourquoi augmenter emplois et moyens de fonctionnement alors que l'Etat délègue de plus en plus de pouvoirs, en matière sanitaire, à des agences autonomes - dix en 2001 - aux moyens, eux aussi, croissants ? Pourquoi doter de 42,5 millions de francs supplémentaires - soit un triplement - les crédits de l'économie solidaire quand presque tous les postes autres que personnels et minima sociaux diminuent ?
Ma quatrième remarque porte sur la chute libre des crédits de paiement.
Le ministère essaie de nous bercer d'illusions - et ce n'est pas un cas isolé, puisqu'on retrouve la même démarche dans l'ensemble du budget de l'Etat - par une hausse des autorisations de programme de 500 millions de francs. Or chacun sait qu'une autorisation de programme est utilisable comme on le veut, et qu'il est d'ailleurs possible de ne pas l'utiliser, ce que vous faites madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, dans beaucoup de chapitres. La réalité, ce sont des crédits de paiement en baisse de 44 % en 2001 après des baisses de 20,6 % en 2000 et de 26,7 % en 1999.
La réalité est donc très cruelle : il n'y a plus d'investissement dans le domaine sanitaire et social. Et, si mon analyse est inexacte, madame le ministre, nous serions très heureux d'entendre votre version !
Ma cinquième et dernière remarque porte sur le grand absent de ce budget : où sont les 500 millions de francs promis par l'Etat pour doter le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante ? Pour ma part, en dépit des recherches, peut-être insuffisantes, que j'ai effectuées dans votre budget, je ne les ai pas trouvés.
En conséquence, le rapporteur spécial que je suis vous invite à émettre un vote négatif sur les crédits de la santé et de la solidarité pour 2001. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Chérioux, rapporteur pour avis.
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la solidarité. Monsieur le président, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pour juger les crédits relatifs à la solidarité, qui s'élèvent à 85 milliards de francs, la commision des affaires sociales, comme les années précédentes, a estimé que les évolutions quantitatives ne pouvaient constituer le seul critère d'appréciation de ce projet de budget : il ressort des nombreuses auditions que j'ai effectuées à l'occasion de l'examen de ce budget que les acteurs et les intervenants du secteur social demandent en priorité des progrès qualitatifs s'agissant de l'action de l'Etat dans le domaine de la solidarité.
Cet effort qualitatif est devenu d'autant plus indispensable que les dépenses liées aux minima sociaux que sont le RMI, l'allocation aux adultes handicapés et l'allocation de parent isolé absorbent près de 90 %, c'est-à-dire la quasi-totalité, de la marge de manoeuvre nouvelle du ministère en matière de lutte contre les exclusions et de développement social.
Certes, l'amélioration de la conjoncture économique commence à avoir un effet positif sur le nombre d'allocataires du RMI, tout au moins en métropole, mais celui-ci est plus tardif et moins rapide que prévu : une étude de vos services statistiques montre bien que, pour des raisons démographiques, au cours des prochaines années, il faudra créer au minimum 400 000 emplois par an pour stabiliser le nombre de bénéficiaires du RMI. Par ailleurs, ceux qui sortent du dispositif sont les plus jeunes et ceux qui sont le plus récemment entrés. La croissance retrouvée ne permet pas, spontanément, de réinsérer dans la vie active la majorité des allocataires, qui sont pénalisés par leur âge ou par leur trop faible potentiel professionnel.
Il faut être vigilant pour ne pas gaspiller les chances offertes par le retour de la croissance et, d'abord, éviter les mesures de revalorisation automatique qui font que le RMI est compris comme un simple revenu minimum et non plus comme un « sas » temporaire avant une insertion.
Dans l'explication de la hausse des effectifs du RMI en 1999, les mesures de revalorisation des seuils de ressources décidées en 1999 ont eu deux fois plus d'effet que les mesures d'intéressement. C'est une solution de facilité dangereuse que de relever les plafonds sans renforcer substantiellement les moyens de réinsertion.
Concernant la lutte contre les exclusions, le droit à l'accueil familial groupé prévu par la loi du 29 juillet 1998 ne doit pas rester une formule creuse : les centres d'hébergement et de réadaptation sociale, les CHRS, ont besoin d'une aide à l'investissement plus forte pour pouvoir accueillir décemment les parents et leurs enfants ailleurs que dans des dortoirs collectifs : ne pas disloquer une famille en détresse, c'est prendre une assurance sur sa possibilité de réinsertion future et rapide.
Au cours de nos auditions, nous avons reçu également un signal d'alerte inquiétant : nombre de CHRS ou de centres d'accueil tels que le SAMU social font face à un afflux d'étrangers en situation irrégulière ou de demandeurs d'asile pour lesquels ne peuvent être mis en oeuvre les moyens réglementaires de réinsertion. Il faut éviter les phénomènes de saturation, et faire en sorte que les structures puissent jouer un rôle : il faut accueillir et réinsérer sans discrimination.
S'agissant des travailleurs sociaux, dont nous saluons le rôle pivot dans la lutte quotidienne contre les exclusions, nous regrettons le retard pris dans la mise en oeuvre du schéma national des formations sociales, dont le principe avait été arrêté par le Parlement en juillet 1998. Signe de ce retard, le présent projet de budget ne prévoit pas tous les moyens que nécessiterait l'application du schéma, au risque de faire peser de nouvelles pressions financières sur les étudiants ou sur les établissements.
Enfin, comment ne pas regretter que le Sénat n'ait pas été mieux entendu au moment de la discussion de la loi sur la couverture maladie universelle, la CMU ? Le curseur du plafond de ressources a été placé bien trop bas : la preuve en est que les 4,7 millions de titulaires de la couverture complémentaire recensés aujourd'hui sont bien en deçà des 6 millions annoncés ! Les excédents de crédits sont soit reportés, soit annulés par Bercy.
Proposer, comme le fait le Gouvernement, de prolonger de six mois les droits des bénéficiaires de l'ancienne aide médicale qui, demain, n'auront plus droit légalement à la CMU, est révélateur des lacunes du système. Mais retarder les échéances ne résout pas la question ! Il est vrai que, pendant ce temps, l'Etat ponctionne largement sur la dotation générale de décentralisation les sommes que les départements consacraient à l'aide médicale gratuite en application de la loi, mais aussi, il faut le souligner, à la mise en oeuvre de régimes de protection complémentaire novateurs qui allaient au-delà de l'aide légale.
Concernant la politique en faveur des personnes handicapées, nous avons pris acte de l'effort que représente le nouveau plan triennal annoncé par le Premier ministre le 25 janvier dernier. De même, nous avons accueilli avec satisfaction les bons résultats du plan exceptionnel en faveur de l'emploi, financé par une mobilisation des fonds de l'association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés, l'AGEFIPH.
En revanche, vous ne pouvez plus faire l'économie, madame la ministre, d'une réforme en profondeur des commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel, les COTOREP, qui sont de plus en plus fortement décriées. Un rapport du Conseil économique et social leur reprochait, en janvier 2000, d'aggraver l'incapacité en privilégiant l'assistance plutôt que d'inciter à l'intégration de ceux qui en seraient capables, avec un accompagnement ad hoc. Les COTOREP n'appellent ni une modernisation ni des retouches, mais une réforme profonde qui les recentre sur leur mission médico-sociale et les insère dans une logique de réseau, comme nous le demandions déjà l'année dernière.
Un autre dossier urgent, nous l'avons dit en commission, est celui de la reconnaissance des spécificités des personnes handicapées vieillissantes : elles ne peuvent plus longtemps demeurer dans un flou juridique qui persiste souvent à leur détriment. Il faut reconnaître le statut médico-social spécifique des services expérimentaux qui prennent en charge les handicapés au-delà de soixante ans et qui leur permettent de vieillir sans rompre avec les lieux où ils ont vécu, où ils ont leurs attaches et leur mémoire.
Par ailleurs, le problème de l'accessibilité du domaine public aux personnes physiquement handicapées impose une prise de conscience plus ferme : il est inadmissible de constater, comme l'a fait le Conseil économique et social, que près de 40 % des constructions des logements collectifs aidés par l'Etat présentent des irrégularités en matière d'accessibilité.
Il faut accélérer l'effort pour l'accueil en établissement des enfants polyhandicapés : ils seraient près de 750 à attendre une place, si possible ailleurs qu'en Belgique ! Le plan triennal doit donc être appliqué sans retard.
La commission des finances s'est fait l'écho des inquiétudes sur le risque d'une forte reprise à la hausse des dépenses du secteur social et médico-social à partir de 2001.
Comme nous le pressentions, la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail ne va pas sans poser de problèmes du point de vue de la qualité du service auprès des bénéficiaires.
Les réorganisations d'horaires, particulièrement complexes dans les secteurs du service à la personne, ont parfois donné lieu à des ajustements au détriment des usagers, en particulier pendant les périodes de congés annuels.
Des réactions en chaîne se produisent : la diminution des horaires de travail en CAT, les centres d'aide par le travail, est compréhensible, mais elle entraîne une présence plus longue de ces personnes handicapées dans les foyers dont les personnels doivent eux-mêmes bénéficier de la réduction du temps de travail.
Du point de vue salarial, l'année 2001 va être lourde. D'abord, certaines des mesures de modération des salaires prévues par les conventions collectives pour financer les 35 heures prendront fin en 2000. Or les salariés commencent à manifester leur désappointement devant les conséquences sur leur pouvoir d'achat du passage aux 35 heures. Ensuite, il faudra mettre en oeuvre l'avenant relatif aux cadres de la convention collective de 1996.
Même si cet avenant traduit un rattrapage trop longtemps différé, les conditions dans lesquelles il a été adopté montrent bien que la procédure d'agrément est archaïque : pour l'avenir, il faut prévoir une concertation sur la marge annuelle allouée au financement des avenants salariaux dans le cadre de l'enveloppe de financement globale, et s'y tenir. A défaut, le mécanisme du taux directeur opposable serait vidé de son sens.
En outre, les problèmes juridiques que soulève une jurisprudence de 1999 concernant les foyers à double tarification et la mise en oeuvre de l'amendement Creton - dispositions qui peuvent, l'une et l'autre, alourdir sensiblement les charges des départements -, ne sont toujours pas résolus.
Enfin, la remise en cause par certaines cours d'appel de la validation législative par l'article 29 de la loi du 19 janvier 2000, des heures de permanence nocturne en chambre de veille fait de nouveau courir le risque d'un étranglement financier de certaines associations.
Au cours de l'année 2000, le projet de loi de modernisation sociale et la réforme de la loi de 1975 ont été, en quelque sorte, artificiellement mis en sommeil. Mais les problèmes demeurent, et ils s'aggravent.
Parce que ce budget laisse subsister des risques d'augmentation des coûts, parce que l'attentisme en matière d'action sociale et médico-sociale semble porteur de dérapages dangereux, parce que des questions, concernant notamment certaines catégories de personnes handicapées, sont toujours sans réponse, la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits relatifs à la solidarité dans le projet de budget pour 2001. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Louis Boyer, rapporteur pour avis.
M. Louis Boyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour la santé. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au sein du budget de l'emploi et de la solidarité, le budget de la santé s'élève, pour 2001, à 3,8 milliards de francs, en diminution de 200 millions de francs, soit 5 %, par rapport à 2000.
Ces crédits se répartissent en deux agrégats : l'agrégat « politique de santé publique », qui reçoit 2,307 milliards de francs, et l'agrégat « offre de soins », auquel est affecté 1,484 milliard de francs.
J'évoquerai tout d'abord un sujet cher à la commission des affaires sociales : la veille et la sécurité sanitaires.
Dans son intervention devant notre commission, le 21 novembre dernier, Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité a mis l'accent sur la priorité que constituaient pour le Gouvernement la sécurité et la veille sanitaires. Cette priorité ne se retrouve malheureusement pas dans ce budget, qui témoigne d'un net relâchement de l'effort poursuivi depuis plusieurs années pour doter les agences des moyens nécessaires à l'accomplissement de leurs missions.
Ce budget prévoit en effet, pour les agences et l'institut, soit des diminutions de subventions, soit des augmentations symboliques.
Ainsi, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'AFSSAPS, recevra en 2001 une subvention de l'Etat de 171 millions de francs, soit 3 millions de francs de moins que celle qui avait été accordée en 2000.
Le Gouvernement justifie cette diminution de subvention par l'affectation de nouvelles ressources propres : l'article 55 du projet de loi crée ainsi une redevance au profit de l'AFSSAPS au titre des dispositifs médicaux.
En outre, l'Assemblée nationale a adopté un article additionnel, l'article 55 bis, instituant une taxe annuelle sur les dispositifs médicaux, assise sur le chiffre d'affaires.
La commission des affaires sociales a toujours été favorable à ce que de nouvelles ressources soient affectées à l'AFSSAPS, qui est désormais en charge de tous les produits de santé et produits cosmétiques.
Toutefois, la commission des affaires sociales a toujours considéré que ces ressources propres ne pouvaient servir de prétexte à un désengagement financier de l'Etat.
Les subventions de l'Etat sont désormais très minotaires dans le financement de l'agence : ainsi, en 2000, sur un budget de 506 millions de francs, elles ne représentent plus que 36 % des ressources de l'agence, cette part devant encore diminuer en 2001 compte tenu des nouvelles recettes affectées et de la diminution de la subvention budgétaire.
Le financement de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA, gagnerait également à être complété.
Force est de constater qu'aucune nouvelle taxe n'a été prévue au bénéfice de cette agence et qu'aucune taxe existante n'y a été affectée, même en partie, à l'exception des redevances liées à l'activité de l'Agence nationale du médicament vétérinaire.
L'agence, pour ses activités non vétérinaires, doit donc négocier l'intégralité de ses ressources avec les administrations centrales de la santé, de l'agriculture et de l'économie et des finances, dont la première préoccupation n'est pas toujours de favoriser son développement.
En 2001, 70 % des ressources de l'agence proviendraient de subventions émanant principalement du ministère de l'agriculture. Pour sa part, la subvention du ministère de la santé augmenterait, certes, de 4,2 millions de francs, mais ne représenterait que 6 % du budget de l'agence.
Chacun conviendra qu'il s'agit là d'un effort modeste eu égard aux enjeux et à une actualité brûlante...
La commission des affaires sociales souhaite à cette occasion souligner l'application encore très insuffisante de la loi du 1er juillet 1998.
Si les mesures nécessaires à l'installation des institutions de veille et de sécurité sanitaires ont bien été prises, la plupart des textes réglementaires relatifs aux règles de sécurité sanitaire applicables aux produits de santé ne sont toujours pas publiés deux ans après la promulgation de la loi. A ce jour, trente-cinq dispositions ne sont toujours pas applicables faute de décret.
J'en viens à la prévention et à la lutte contre les pratiques addictives et le sida.
Les crédits inscrits aux différents chapitres pour ces programmes de santé publique diminuent de 121,8 millions de francs pour s'établir à 1,83 milliard de francs, soit une baisse de 6,5 %. Cette évolution provient pour l'essentiel - 164 millions de francs - de nouvelles débudgétisations aux dépens de l'assurance maladie.
Ainsi les dépenses relatives aux programmes et dispositifs de lutte contre les pratiques addictives diminuent fortement, de 82,1 millions de francs, en raison du transfert de la prise en charge des consultations d'alcoologie menées dans les centres d'hébergement et de réadaptation sociale à l'assurance maladie.
De même, les crédits relatifs à la lutte contre le sida et les maladies transmissibles diminuent de 89 millions de francs en raison du transfert à l'assurance maladie de la prise en charge des appartements de coordination thérapeutiques, les ACT.
La commission des affaires sociales a eu, au moment de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, l'occasion de dénoncer ces transferts de charges injustifiés aux dépens de la sécurité sociale.
Les dépenses consacrées à l'offre de soins diminuent, quant à elles, de 56,3 millions de francs, soit une baisse de 3,6 % par rapport à 2000.
La commission des affaires sociales regrette, à cet égard, le retard pris dans le démarrage des procédures d'accréditation des établissements de santé par l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, l'ANAES.
L'ordonnance de 1996 avait prévu que tous les établissements de santé devraient être entrés dans la procédure d'accréditation avant la fin de l'année 2000. Ce calendrier ne pourra pas être respecté.
Au total, seuls 400 établissements de santé devraient s'être engagés dans la procédure d'accréditation à la fin de l'année 2000. A ce jour, dix comptes rendus d'accréditation ont été transmis aux établissements concernés. Il reste donc 3 700 établissements de santé à accréditer...
Cet aspect ne semble cependant pas véritablement préoccuper le Gouvernement, qui a choisi de consacrer son énergie à une autre priorité : le désengagement de l'Etat du financement de l'ANAES.
Le paragraphe II de l'article 55 du projet de loi de finances pour 2001 institue une contribution financière des établissements de santé pour la procédure d'accréditation à l'ANAES qui devait rapporter 50 millions de francs en 2001.
La création de cette taxe a pour conséquence une diminution de 15,5 millions de francs de la subvention inscrite au budget de l'Etat et de 31 millions de francs de celle qui est versée par l'assurance maladie.
Toutefois, dans la mesure où c'est l'assurance maladie qui finance l'essentiel des budgets hospitaliers, la création de cette taxe permet à l'Etat de diminuer sa contribution, tout en faisant augmenter, finalement les sommes versées par l'assurance maladie à l'ANAES.
La commission des affaires sociales considère, compte tenu du très lent démarrage de l'agence, que l'affectation d'une nouvelle taxe paraît pour le moins prématurée.
J'en viens maintenant au Fonds d'aide à l'adaptation des établissements hospitaliers, qui doit remplacer le Fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux, le FIMHO, créé en 1998 afin de subventionner les investissements restructurants. L'impact de ce remplacement serait neutre pour les finances sociales.
La dotation du FIMHO pour 2000 s'élevait à 200 millions de francs en autorisations de programme et à 265 millions de francs en crédits de paiement. En 2001, le FIMHO, rebaptisé Fonds d'aide à l'adaptation des établissements hospitaliers, se voit doté de 500 millions de francs en autorisations de programme, soit une augmentation de 150 %, et de 100 millions de francs en crédits de paiement, soit une diminution de 62 %.
Cette forte diminution des crédits de paiement illustre les grandes difficultés rencontrées par le FIMHO pour utiliser les crédits mis à sa disposition.
Dans son rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, en septembre 1999, la Cour des comptes avait établi un bilan très critique du fonctionnement de ce fonds. Elle notait que l'instruction des dossiers avait pris un grand retard, qui s'était traduit par un faible taux de consommation des crédits. Elle soulignait qu'une forte proportion des dossiers sélectionnés par les agences régionales de l'hospitalisation n'étaient pas éligibles au FIMHO.
Ce budget est ainsi à l'image des retards que connaît la politique d'accréditation et de restructuration de l'offre hospitalière.
S'agissant de l'hôpital, la commission des affaires sociales a souhaité vous faire part de son inquiétude quant au financement des remplacements de personnels hospitaliers. Le protocole signé le 14 mars dernier prévoyait, au titre des années 2000, 2001 et 2002, des crédits à hauteur de 2 milliards de francs chaque année pour financer les remplacements de ces personnels. Or nous constatons que, si la somme de 2 milliards de francs a bien été intégrée dans le collectif de printemps, rien de tel n'a été prévu dans le projet de loi de finances pour 2001, le chapitre concerné n'étant même pas mentionné dans les documents budgétaires.
Lors de son audition par notre commission, Mme le ministre nous a indiqué que les 2 milliards de francs au titre de l'année 2001 seraient « ouverts en gestion 2001 », c'est-à-dire dans le collectif de l'année prochaine.
Nous sommes, par conséquent, inquiets, car l'expérience de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire nous a montré, en dépit des assurances réitérées, ce que pouvaient parfois devenir les promesses différées.
Les hôpitaux ont aujourd'hui besoin de ces crédits, et nous aurions préféré qu'ils figurent d'ores et déjà dans le projet de loi de finances pour 2001.
Alors que les dépenses de santé publique et d'offre de soins devraient constituer une priorité pour le Gouvernement, ce projet de budget témoigne, à l'évidence, d'une absence totale d'ambition.
Pour cette raison, la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de la santé pour 2001. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, et de l'Union centriste.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 33 minutes ;
Groupe socialiste, 29 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 23 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 16 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 14 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu au maximum pour quarante-cinq minutes.
Dans la suite de la discusion, la parole est à M. Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit. L'examen des crédits consacrés à la santé et à la solidarité me donne l'opportunité, madame le ministre, de vous entretenir de la protection sociale des Français à l'étranger, notamment de l'aspect budgétaire de cette couverture.
Mes brefs propos porteront sur leur système de sécurité sociale, géré par la Caisse des Français de l'étranger, la CFE, et leur système de retraite ; en outre, je dirai un mot sur les conventions bilatérales en matière de sécurité sociale.
La CFE, que j'ai l'honneur de présider depuis sa création, est issue de la loi du 31 décembre 1976, qui faisait suite à la commission Bettencourt, et de la loi Bérégovoy de 1984, dont j'ai été le rapporteur au Sénat.
Cette caisse d'assurances volontaires gère près de 120 000 personnes dans le monde. Un large débat a eu lieu en son sein pour déterminer quelles étaient les possibilités d'extension de ce système de couverture sociale aux plus modestes.
La CFE a fait l'objet de trois audits et vérifications : d'abord, en 1998, un contrôle de l'Inspection générale des affaires sociales a eu lieu, puis, en 1999, il a été procédé à une inspection approfondie des services financiers et de sécurité sociale du Comité départemental d'examen des comptes des organismes de sécurité sociale, le CODEC, enfin, en janvier 2000, un audit des réserves de la caisse a été réalisé.
A la suite de ces audits et contrôles, qui ont été favorables à la gestion de la CFE, le Gouvernement a décidé d'inclure dans le projet de loi de modernisation sociale un certain nombre d'articles intéressant la caisse. Ce projet a été soumis au conseil d'administration de cette dernière et un large consensus s'est établi tendant à la prise en charge du tiers de la cotisation d'assurance maladie pour les expatriés résidant hors de l'Union européenne dont les revenus sont au plus égaux à la moitié du plafond de la sécurité sociale, et à la prise en charge gouvernementale du déficit ainsi généré au sein de la caisse par les seuls nouveaux adhérents.
Un financement annuel s'inscrirait dans une enveloppe limitative de 95 millions de francs et serait assuré par le fonds d'action sociale du ministère des affaires étrangères, qui disposerait d'une ligne budgétaire spécifique. Toutefois, l'initialisation financière serait à la charge de la CFE, dans la limite de 50 millions de francs, par une contribution unique.
De nombreuses mesures complémentaires sont prévues dans les textes ; elles émanent principalement de propositions du conseil d'administration de la CFE.
Rares sont les points - et ils ne sont pas considérables - qui séparent les sensibilités au sein de la CFE. Ils feront l'objet d'amendements au moment de l'examen du texte présenté par le Gouvernement.
La question que je souhaite vous poser, madame le ministre, est la suivante : quand ce texte va-t-il être présenté devant le Parlement, car nous constatons avec regret que le projet de loi de modernisation sociale, que nous devions examiner au printemps dernier, n'a toujours pas été soumis aux assemblées, et nous avons des inquiétudes en ce qui concerne les mesures spécifiques.
Le prochain conseil d'administration de la caisse, qui aura lieu dans quelques jours, va être amené à débattre sur des propositions novatrices que souhaite présenter le bureau du conseil d'administration et qui intéressent les emplois-jeunes.
Déjà, des mesures avaient été prises par la caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger pour faciliter la couverture sociale de jeunes expatriés qui partaient à l'étranger dans le cadre d'un emploi nouveau créé par l'entreprise, la caisse prenant en charge la totalité des cotisations en matière d'assurance maladie pendant une durée d'une année.
Les mesures nouvelles que nous allons soumettre au conseil d'administration et dont, madame, je vous annonce la primeur, consisteraient à diminuer sensiblement les cotisations pour les jeunes de moins de trente ans s'installant à l'étranger : cette baisse pourrait être de l'ordre de 20 % pour ces derniers et de 10 % pour ceux qui s'installent entre trente ans et trente-cinq ans.
Nous constatons, en effet, une expatriation importante parmi les jeunes Français. Toutes les catégories sont concernées : personnes hautement qualifiées, commerciaux, cuisiniers français appréciés à l'étranger, ouvriers qualifiés... Il nous paraît donc souhaitable d'offrir à ces derniers une couverture sociale qui ne soit pas dissuasive par son coût et qui soit compétitive par rapport aux propositions des caisses privées, notamment des compagnies d'assurance qui sont nos concurrents.
Nous espérons que ces jeunes Français, peu utilisateurs de soins, resteront fidèles, après trente-cinq ans, à la caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger.
Depuis son origine, la CFE poursuit une activité novatrice, originale, s'est forgé une réputation qui lui est enviée, a surtout su équilibrer ses comptes et n'a jamais demandé la moindre subvention à sa tutelle. Elle le doit à un encadrement et à un personnel exemplaires, ainsi qu'à une excellente liaison entre le conseil d'administration et ces derniers.
En matière de retraite, nos compatriotes français de l'étranger peuvent être dans la même situation que nos compatriotes de métropole puisque, depuis la loi Armengaud de 1968, ils peuvent adhérer à la retraite de base de la sécurité sociale en payant des cotisations et en rachetant des trimestres de retraite. En revanche, ils ont les mêmes inquiétudes que nos compatriotes de métropole en ce qui concerne les capacités de notre système de retraite à assumer ses obligations à partir de 2010, et ce pour des raisons que vous connaissez bien.
Ne disposant pas, comme en métropole, de caisses de retraite complémentaire - hormis celles qu'offrent les compagnies d'assurances privées - ils sont particulièrement intéressés par un système tel que celui qui figure dans la loi d'épargne retraite et que j'avais inclus, par voie d'amendement, dans la loi Thomas de 1997.
Ils attendent les mesures prises dans ce domaine par le gouvernement auquel vous appartenez, madame, pour pouvoir, lors de leur retour en France, bénéficier d'une retraite décente.
Non soumis - s'ils sont fiscalement domiciliés à l'étranger - à la CSG et à la CRDS, leurs retraites sont toutefois soumises aux prélèvements de la loi Boulin, ce qui ne paraît pas acceptable pour ceux qui ne reviennent jamais en France et ne sont donc pas consommateurs de soins vis-à-vis de notre sécurité sociale.
C'est avec sagesse que l'on a dispensé les Français domiciliés hors de France de la CSG et de la CRDS, et je souhaiterais, madame le ministre, qu'il en soit de même pour les prélèvements qui sont faits sur leur retraite depuis 1980, pénalisant souvent ainsi des personnes à revenus modestes.
Permettez-moi un mot sur les conventions bilatérales en matière de protection sociale.
Avec sagesse, madame, votre ministère a décidé de reprendre les négociations avec un certain nombre de pays, de façon à améliorer la situation de nos compatriotes, notamment en matière de retraite. Le principal problème posé par les conventions signées avec un certain nombre de pays africains - je pense au Cameroun, au Congo notamment, mais aussi à bien d'autres pays - concerne le paiement des retraites à nos compatriotes, lequel n'est toujours pas assuré de façon satisfaisante. Aussi, je serais heureux que vos services veillent à l'application des accords signés.
Je terminerai en vous indiquant que l'année 2001 va permettre une amélioration de la couverture sociale de nos compatriotes expatriés.
Il est bien clair que, si nous souhaitons une expatriation forte - et ce pour servir notre économie, notre présence et notre culture - encore devons-nous assurer à nos compatriotes l'équivalent de la couverture sociale dont ils bénéficient en France. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au sein du budget de l'emploi et de la solidarité, les crédits alloués au budget de la santé s'élèvent à 3,8 milliards de francs, soit une diminution de 200 millions de francs par rapport à l'année dernière. La santé n'est visiblement pas la priorité du Gouvernement !
Pourtant, les professionnels de la santé manifestent régulièrement leur mécontentement et donnent l'alerte sur les problèmes qui frappent le système. La situation est particulièrement inquiétante dans le milieu hospitalier, mais, à tous les niveaux, des carences sont dénoncées.
Récemment, les cadres hospitaliers, réunis tant en province que sous vos fenêtres, madame la secrétaire d'Etat, disaient l'impossibilité d'assumer leur mission et leur démotivation par rapport à une modeste revalorisation salariale qui écrase l'échelle des salaires. Ainsi, la responsabilité n'apparaît-elle plus que comme un risque sans contrepartie. Qui songerait à s'engager dans de telles conditions ?
Aux salaires peu attractifs s'ajoutent l'application des 35 heures, l'alourdissement des contraintes et les fréquentes mises en cause. L'arrêt Perruche, retenant une absence de diagnostic de rubéole lors d'une grossesse ayant entraîné des lésions irreversibles du foetus, accentue le malaise. Cet ensemble d'éléments, qui n'est pas limitatif, conduit à une désaffection pour la pratique hospitalière.
Les conséquences sont lourdes : il n'est plus possible de maintenir la qualité des soins et des services. Ne pouvant combler les manques en personnels qualifiés, les directeurs d'hôpitaux sont contraints soit de réduire la capacité d'accueil, soit de maintenir les lits au détriment de la sécurité des malades.
Ces cadres ne sont pas une catégorie isolée, quasiment toutes les spécialités médicales pâtissent d'une politique irréaliste. Depuis 1984, le numerus clausus n'a pas été révisé, même si une petite variation a été introduite il y a peu. Si l'ajustement avait été réel, nous n'aurions pas besoin de faire appel à des médecins étrangers qui, pour certains, ont des qualifications inférieures à celles que l'on exige de nos propres praticiens.
L'illustration de ces carences se manifeste par les temps d'attente de consultation, qui sont révélateurs dans bien des disciplines.
En ophtalmologie, il n'est pas possible d'obtenir de rendez-vous avant douze ou dix-huit mois, faute d'internes qualifiés. Il y a à la fois un problème de recrutement et de budget.
En radiologie, nos équipements en IRM - imagerie par résonance magnétique - nous placent derrière l'Espagne et certains pays d'Europe de l'Est. La procédure, dépendant de décisions de commissions, est longue et compliquée. C'est un délai de quatre à six semaines qui est demandé pour que soit effectué un diagnostic de sclérose en plaques, pour lequel un examen en urgence réclame les services d'une IRM. Pour qu'une vraie politique de prévention soit soutenue, la multiplication des équipements est indispensable. Au-delà de la réduction des coûts, les objectifs pourraient alors être valablement atteints, faute de quoi on ne ferait que se limiter à des déclarations rassurantes.
On est également saisi devant le fonctionnement de certains blocs opératoires, qui n'ont pas le nombre suffisant d'anesthésistes. La même carence est constatée chez les neurologues, à qui l'on demande de plus en plus d'intervenir dans le dépistage d'affections, telles que la maladie d'Alzheimer. Il n'existe pas de remplaçants qualifiés en néonatalité, où les exigences de sécurité se conjuguent avec celles de rapidité d'intervention en cas de réanimation.
Le constat est identique en psychiatrie : il n'est pas possible d'obtenir de rendez-vous avant quinze jours ou trois semaines. Une suspicion à l'égard du nombre de consultants est à l'origine de directives qui ont restreint leur activité. Chaque jour, l'inquiétude grandit devant la tendance à la dépression, voire devant la tendance suicidaire qui se manifestent dans toutes les couches de la population, surtout chez les adolescents.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Bernard Joly. Or, en cas de crise, aucune procédure n'est prévue pour prendre en compte ce type de renvoi, faute de disponibilité. Et pourtant, la responsabilité serait lourde si des évènements dramatiques survenaient.
La médecine scolaire n'est pas mieux lotie. En Haute-Saône, par exemple, il y a un médecin pour 9 000 élèves. A la prévention, au dépistage de certaines maltraitances, à l'écoute psychologique de troubles ou de détresse, s'ajoute dorénavant l'encadrement de la pilule du lendemain.
On attend beaucoup de la médecine du travail, puisque l'Etat s'est doté d'une approche préventive. Or il faut deux ans avec internat qualifiant pour exercer dans cette spécialité. Actuellement, 6 000 postes sont pourvus. La moitié vont être libérés par les départs en retraite, et 20 % ne seront pas remplacés. Comment allez-vous faire face, Madame la secrétaire d'Etat, à la demande de protection qui s'est accrue depuis la mise en lumière des affections lourdes qui peuvent survenir après l'exercice de certaines activités professionnelles ?
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Bernard Joly. Par ailleurs, l'activité des hôpitaux non universitaires décroît. La raréfaction des chirurgiens généraux a rendu quasiment nulles les intégrations, entraînant un risque d'extinction compte tenu des départs en retraite.
La création des agences régionales d'hospitalisation n'a pas été sans conséquences sur les établissements privés, qu'il s'agisse de cliniques ou d'hôpitaux. Nombre de structures de proximité ont du mal à se mettre aux normes.
Ne croyez pas, madame la secrétaire d'Etat, qu'il s'agit là d'un parti pris de ma part ! Aux exemples bien réels que je vous ai cités, je voudrais ajouter l'évocation de deux situations qui sont exemplaires de la dégradation de notre système de soins.
L'hôpital Cochin a perdu l'un de ses praticiens les plus appréciés, le professeur Kerboul, à qui l'on a refusé la prolongation d'un an de son activité, laissant ainsi de nombreux malades en attente d'opération.
Le 28 juillet dernier, madame la secrétaire d'Etat, je vous avais alertée par un courrier qui décrivait la situation et qui précisait l'urgence qu'il y avait à traiter ce dossier, la date butoir étant le 1er septembre. J'attends toujours ne serait-ce qu'un accusé de réception ! Après quatre mois, puis-je espérer une réponse et être assuré que cette demande a fait l'objet d'un examen au-delà de la simple application des dispositions réglementaires ? Celles-ci appellent en effet une interprétation lorsqu'il s'agit de la santé de patients en état de souffrance.
Autre illustration de la pénurie de praticiens spécialistes, à propos de laquelle vous avez pourtant affirmé, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, que les mesures mises en place amélioraient les effectifs : à l'hôpital de Vesoul, depuis des mois et des mois, un seul néphrologue assure la totalité des dialyses. Bien évidemment, ni vacances ni récupérations ne sont possibles. Mieux, lorsqu'il s'adresse à son administration, il lui est conseillé de ralentir le rythme des dialyses. Or chacun sait qu'il ne s'agit pas d'actes de confort, qu'il s'agit bien de vie ou de mort pour ceux qui en ont besoin !
MM. Jean Chérioux et Jacques Machet. Très bien !
M. Bernard Joly. Ce constat de carence est d'autant plus significatif s'agissant des grossesses. Les professionnels de la naissance, madame la secrétaire d'Etat, alertent les pouvoirs publics depuis des années sur la véritable dégradation de la situation, sans jamais être entendus.
Il y a chaque année, en France, plus d'un million de grossesses donnant lieu à 744 000 naissances, 150 000 fausses couches et 214 000 IVG. Or le nombre de spécialistes ne cesse de diminuer : les jeunes ne choisissent plus cette spécialité parce qu'elle est difficile, peu rémunérée et à risque ; les anciens, découragés, veulent s'arrêter.
Selon un récent sondage, les souhaits des femmes se portent sur la proximité de la maternité, le libre choix du médecin et la sécurité. Malheureusement, il est de plus en plus délicat de répondre à ces attentes.
S'agissant, tout d'abord, de la proximité, on assiste à la fermeture de maternités publiques ou privées sans que les besoins de la population soient pris en considération.
S'agissant, ensuite, du choix du médecin, il va devenir impossible aux femmes d'être accouchées par le médecin qui aura suivi leur grossesse.
S'agissant, enfin, de la sécurité, les maternités subissent de graves dysfonctionnements parce qu'elles manquent d'accoucheurs, de sages-femmes, d'infirmières, parce que les anesthésistes fuient les salles de naissance et parce que les pédiatres et les spécialistes du nouveau-né sont trop peu nombreux.
Progressivement, les femmes perdent donc le droit d'accoucher dans la sécurité, près de chez elles, avec le médecin de leur choix. Cette situation est inconcevable !
Les femmes s'inquiètent également de la disparition de la spécialité de gynécologie médicale. Depuis 1984, seule la gynécologie obstétrique est enseignée et sanctionnée par un diplôme. Or il s'agit d'une discipline qui s'occupe des accouchements et de la chirurgie gynécologique. La spécialité médicale, quant à elle, traite les problèmes hormonaux féminins depuis la puberté jusqu'à la ménopause, les problèmes de fécondité, prescrit des moyens de contraception, intervient dans la prévention des cancers gynécologiques. C'est d'ailleurs cette spécialité qui a permis de voir diminuer de façon significative le nombre des cancers gynécologiques et des hystérectomies.
Certes, vous avez mis en place pour la rentrée 2000 un diplôme d'études spécialisées de gynécologie médicale et de gynécologie obstétrique. Même s'il marque une avancée incontestable, ce nouveau diplôme n'est toutefois pas satisfaisant, car la gynécologie médicale devient une simple option, ce qui risque, à mon sens, de remettre en cause la pérennité de la spécialité. Il est indispensable que la gynécologie médicale fasse l'objet d'un diplôme spécifique et autonome !
Pourquoi ne pas prévoir, comme pour toutes les autres spécialités médicales, une formation de spécialisation de quatre ans, comprenant un cursus d'un an et demi au maximum en obstétrique et chirurgie gynécologique ?
C'était le sens de l'adoption par le Sénat, lors de la première lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, d'un amendement rétablissant un diplôme d'études spécialisées de gynécologie médicale distinct du diplôme de gynécologie obstétrique et garantissant à chaque femme le libre accès au gynécologue médical de son choix. Malheureusement, cette mesure a été supprimée à l'Assemblée nationale au motif qu'elle constituait un cavalier législatif, ce dont je veux bien convenir ; d'ailleurs, notre collègue Charles Descours avait attiré notre attention sur ce fait.
Toutefois, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, les débats qui se sont déroulés dans cet hémicycle le 17 novembre dernier doivent vous alerter. Ils traduisent l'inquiétude des gynécologues médicaux quant à l'avenir de leur spécialité, et leur crainte est partagée par l'ensemble de nos concitoyennes : la manifestation organisée à Paris le 25 mars dernier en témoigne.
C'est pour toutes ces raisons que je ne pourrai voter le présent projet de budget de la santé. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de budget de la santé et de la solidarité qui nous est présenté cette année peut être qualifié de contrasté et souffre, selon nous, d'un manque de lisibilité.
Manque de lisibilité : les crédits de la santé baissent de 5 % par rapport à l'an dernier, mais ils augmentent en réalité de 2,4 % si l'on tient compte du transfert à la CNAM des centres destinés à la prévention de l'alcoolisme et des appartements de coordination thérapeutique.
Il en va de même pour les crédits de la solidarité, qui enregistrent une progression de 4,47 % mais dont il faut soustraire l'effet du transfert, de la Caisse d'allocations familiales à l'Etat, des crédits du fonds d'action sociale des immigrés et de leurs familles, ce qui aboutit à une progression réelle de 3,1 %.
Ce projet de budget est également contrasté : si des efforts incontestables y apparaissent, il est aussi marqué par des reculs préoccupants, notamment en matière de prévention.
Compte tenu du temps qui m'est imparti, je ne m'attarderai guère sur les points positifs. Au demeurant, l'intérêt d'un débat budgétaire réside plutôt dans les interrogations que peuvent susciter ses insuffisances et dans la mise en relief des progrès à accomplir.
S'agissant du volet « politique de santé publique » de ce budget, on peut certes se féliciter, par exemple, de la hausse des subventions aux agences de sécurité sanitaire - l'actualité confirme malheureusement chaque jour l'urgence de cette hausse - ainsi que de l'augmentation des crédits consacrés à la prévention de l'usage des drogues.
Cela étant, dans de nombreux domaines, le décalage est grand par rapport aux besoins immenses qui se font jour.
Je n'évoquerai pas, faute de temps, les efforts supplémentaires qui seraient nécessaires en matière de lutte contre la tuberculose ou le saturnisme, de médecine scolaire et de médecine du travail. Je me bornerai à mettre l'accent sur trois domaines dans lesquels la situation me paraît préoccupante.
S'agissant, tout d'abord, de la couverture maladie universelle, je rappellerai que la loi de financement de la sécurité sociale augmente le plafond de ressources de 100 francs, mais que cela ne résout pas pour autant le problème des titulaires de l'allocation adulte handicapé et du minimum vieillesse. Si je reviens sur ce dispositif, c'est pour témoigner de l'inquiétude qu'engendre la baisse de 400 millions de francs décidée cette année, bien peu cohérente avec la priorité que le Gouvernement affirme accorder à la poursuite de la lutte contre les exclusions.
Quant au milliard de francs non consommé sur les crédits de 2000, n'aurait-il pas pu permettre de relever, ne serait-ce que progressivement, le plafond de ressources afin d'en faire bénéficier les titulaires de l'AAH et du minimum vieillesse ?
Le deuxième point que je souhaite évoquer a trait à la prévention et au suivi des malades du sida.
Comment comprendre que, dans ce projet de budget, les crédits alloués à la lutte contre le sida et les maladies sexuellement transmissibles soient réduits de 89 millions de francs ? Car le transfert vers l'assurance maladie n'explique cette réduction que partiellement.
Au moment où toutes les études font apparaître le retour de certaines pratiques à risque, un relâchement de la vigilance, et donc de la prévention, la journée mondiale de lutte contre le sida, organisée le 1er décembre dernier, a largement mis en évidence l'urgente nécessité d'affecter des moyens durables à la prévention et au suivi à long terme des malades. En Rhône-Alpes, troisième région la plus touchée par ce fléau, nous sommes bien placés pour le savoir.
S'agissant de l'hépatite C, je tiens à vous faire part brièvement des conclusions que j'ai tirées d'une rencontre avec l'association « Hépatites, Ecoute, Soutien », dont le siège se trouve dans mon département.
Alors que cette affection de longue durée touche plus de 1,5 % de la population, nous assistons à une véritable ségrégation, à une exclusion sociale de ces malades. En effet, malgré les propositions faites par les associations, malgré les recommandations de la commission Belorgey, il n'a toujours pas été possible de parvenir à une convention avec les assureurs. Ainsi, des milliers de personnes se voient refuser certains prêts ou assurances indispensables pour assurer la vie quotidienne.
Il semble que la seule solution réside dans la création d'un fonds de garantie. Il conviendrait de réfléchir à un tel dispositif, qui pourrait être inclus dans le projet de loi de modernisation du système de santé.
S'agissant du volet « offre de soins » de ce budget, permettez-moi, tout d'abord, de m'interroger sur l'opportunité de l'augmentation des crédits destinés aux agences régionales de l'hospitalisation, et ce dans des proportions importantes : 9,8 %, soit beaucoup plus que les budgets hospitaliers. Je souhaite vous entendre, madame la ministre, sur les raisons qui ont motivé ce choix.
En ce qui concerne la formation des professionnels de santé, l'effort consenti dans ce budget est loin d'être négligeable.
Pourtant, les élèves sages-femmes, représentant la quasi-totalité des trente-trois écoles françaises, étaient dans les rues jeudi dernier pour réclamer la reconnaissance de leurs études comme équivalant à une maîtrise, un statut étudiant et la rémunération de leur travail en milieu hospitalier.
De même, les surveillants et les surveillants-chefs des services de soins et des services médico-techniques, les cadres administratifs et techniques hospitaliers réclament la reconnaissance de leurs compétences et de leurs responsabilités par le biais d'une grille indiciaire plus motivante.
Des efforts méritent donc d'être accomplis dans certains secteurs.
Je souhaite également vous interroger sur le projet de loi de modernisation du système de santé, qui doit permettre, notamment, de renforcer les droits des malades et d'indemniser les victimes des aléas thérapeutiques. Quand comptez-vous le soumettre au Parlement ?
J'en viens au budget de la solidarité.
S'agissant de lutte contre l'exclusion, je voudrais formuler une remarque concernant le RMI. Certes, il est positif qu'il y ait moins d'allocataires ; c'est la preuve que la reprise économique porte ses fruits. Comment ne pas s'en réjouir ? Cependant, un budget à la hausse de 900 millions de francs aurait pu permettre de revaloriser le montant de l'allocation.
Par ailleurs, j'attire votre attention sur le fait que sont sorties du RMI les personnes les plus aptes à revenir dans le monde du travail. Nous aurions tort d'imaginer que cette baisse du nombre des allocataires va être constante ! Bien au contraire, je pense que le plus dur sera de remettre en activité les RMIstes les plus fragiles, les moins aptes à réintégrer une vie sociale et professionnelle.
Les besoins en suivi et en accompagnement sont encore tels, qu'il s'agisse des titulaires des minima sociaux ou des jeunes en situation d'échec, que je ne comprends pas que ce projet de budget réduise la dotation aux établissements de formation des travailleurs sociaux.
En ce qui concerne les personnes handicapées, la création de 1 500 places en CAT et de 500 places en atelier protégé est, bien sûr, positive, mais elle est bien loin de combler le manque criant de places en établissements sociaux et médico-sociaux pour les jeunes, ainsi que pour les adultes, notamment les adultes de plus de soixante ans.
De plus, des efforts demeurent nécessaires pour l'insertion en milieu scolaire normal des enfants et pour l'accessibilité des équipements et des transports publics.
Enfin, je me dois de souligner une fois encore l'urgence de la révision des lois de 1975.
La politique de maintien et de soutien à domicile des personnes âgées est une priorité déclarée du Gouvernement. Afin d'accorder les promesses et les actes, celui-ci doit s'engager en termes de date sur la révision, de plus en plus urgente, de la trop inégalitaire prestation spécifique dépendance et sur la réforme de la tarification des établissements accueillant les personnes âgées dépendantes.
Il est également urgent de promouvoir réellement le maintien à domicile des personnes âgées ; comment y parvenir sans donner des moyens supplémentaires aux associations d'aide à domicile, étranglées par la TVA et les charges sociales ?
Aujourd'hui, la situation économique n'a jamais été aussi favorable : reprise économique, décrue du chômage, excédent de 3,4 milliards de francs - une première ! - des comptes de la sécurité sociale. Pourtant, paradoxalement, comme le prouve le rapport de l'INSERM, les inégalités en matière de santé s'accentuent, et ce budget, à notre sens, n'est pas assez ambitieux pour renforcer significativement les politiques de solidarité, de prévention et d'accès aux soins.
Dans l'attente d'un geste que nous voudrions plus significatif de la part du Gouvernement, nous nous abstiendrons sur ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette année encore, les budgets de la santé et de la solidarité augmentent tous les deux. Je dis « encore », car, depuis 1998, la progression de ces deux chapitres budgétaires est une donnée constante de ce Gouvernement.
Cette année, même si le périmètre de ces budgets est modifié, la progression demeure puisqu'ils s'élèvent, au total, à 94,6 milliards de francs, soit une augmentation de 4 %, contre 90,8 milliards de francs en 2000 et 76,7 milliards de francs pour l'année 1999. Le budget de la santé et de la solidarité constitue ainsi le quatrième budget de l'Etat.
Les crédits relatifs à la santé et aux services communs s'élèvent à 9,774 milliards de francs, bénéficiant ainsi d'une hausse de 2,4 %.
D'aucuns ne retiendront de la part strictement réservée à la santé que la diminution de 5 % par rapport à l'année dernière. La baisse, de l'ordre de 202,4 millions de francs, s'explique non pas par un désengagement de l'Etat stricto sensu à l'égard des objectifs définis en matière de politique de santé, mais par un transfert à l'assurance maladie du financement des appartements de coordination thérapeutique et des consultations d'alcoologie, ce qui nous paraît tout à fait orthodoxe en ce domaine.
En outre, pour ce qui est de l'offre de soins, la baisse est liée à une régulation des crédits de paiement destinés au Fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux, le FIMHO, crédits qui sont en rapport avec ses nouveaux besoins.
Il convient enfin de replacer ces crédits du budget de la santé dans le contexte général des crédits importants de l'ONDAM qui, vous le savez, s'élèvent cette année, pour cette branche, à 769,2 milliards de francs.
S'agissant de la solidarité, le budget augmente de 4,5 % et, en réalité, à structure constante, de 3,1 %. Comme l'avait annoncé le Premier ministre lors de la conférence de la famille en juin 1999, l'Etat reprend à sa charge, en 2001, les dépenses de fonctionnement et d'intervention du Fonds d'action sociale des travailleurs immigrés et de leurs familles, le FASTIF, dégageant ainsi pour la branche famille un peu plus de 1 milliard de francs.
Cette progression illustre encore et toujours les priorités affirmées par le Gouvernement depuis maintenant trois ans.
Le présent budget se développe autour de trois grands axes prioritaires : santé publique, solidarité, développement et innovation sociale, en particulier droit des femmes.
Pour ce qui est des priorités en matière de santé publique, la première est le fait des politiques de renforcement sanitaire.
Le domaine de la sécurité sanitaire reste une priorité affichée par ce budget, plus prégnante encore avec, chacun le sait, l'inquiétude que provoque la crise de l'encéphalopathie spongiforme bovine, l'ESB.
Nous pouvons d'ores et déjà nous réjouir de ce que le Gouvernement poursuive le renforcement et le développement du dispositif de veille et de contrôle sanitaire, grâce, notamment, au plan pluriannuel de cent cinquante postes de médecins et pharmaciens-inspecteurs, inspecteurs et contrôleurs du travail supplémentaires, venant renforcer les dispositifs de contrôle existants. On peut se réjouir aussi des vingt-cinq postes d'ingénieurs sanitaires qui s'ajoutent au cent seize emplois créés par le projet de loi de financement de la sécurité sociale. En outre, le champ de compétences des agences créées par la loi relative à la sécurité sanitaire de 1998 est étendu, en 2001, par l'augmentation des moyens budgétaires.
Ainsi, la dotation budgétaire consacrée à l'ensemble des établissements nationaux à caractère sanitaire et social s'élève à 471 millions de francs. Ces crédits concernent tant les agences de sécurité sanitaire que les autres organismes préexistants. Non seulement le budget de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA, continue de progresser, mais le Gouvernement a privilégié l'attribution de ressources propres à l'augmentation des subventions. Il a, de plus, prévu de garantir ces ressources. Prenant en compte l'équilibre global des ressources de ces établissements, le projet de loi de finances pour 2001 prévoit une évolution différenciée de leurs moyens financiers.
La deuxième priorité est l'amélioration de la promotion et de la prévention en matière de santé publique.
Nous évoquerons successivement les politiques régionales, les politiques régaliennes et l'offre de soins.
En ce qui concerne, tout d'abord, les politiques régionales de santé publique, celles-ci bénéficient d'une enveloppe de 275,3 millions de francs, en augmentation de 24,7 millions de francs cette année.
A l'heure de l'acte II de la décentralisation, l'accroissement des crédits déconcentrés consacrés à la promotion de la santé comme de ceux des observatoires régionaux de la santé permet de souligner l'importance donnée à la dimension régionale.
Félicitons-nous ici de la volonté du Gouvernement d'améliorer l'information et l'éducation sanitaires de la population en diffusant des informations auprès des acteurs institutionnels et des associations, et de l'encouragement qu'il apporte par ces moyens aux partenaires locaux en vue de sensibiliser le public.
En matière de politique régalienne de santé publique, la promotion et la prévention mises en oeuvre par le Gouvernement concernent, d'abord, les pratiques addictives. En la matière, le Gouvernement poursuit sa démarche plus globale, s'attachant d'ailleurs davantage aux comportements qu'aux produits consommés, ce qui l'a conduit à l'adoption d'un nouveau plan gouvernemental pour la période 1999-2001, de nouveau abondé cette année. Ainsi, les crédits consacrés à la lutte contre la toxicomanie, le tabagisme et l'alcoolisme s'élèvent, au total, à 748,8 millions de francs pour 2001.
Ces crédits connaissent une diminution de 82 millions de francs par rapport à 2000, mais celle-ci résulte du transfert effectué, lequel prévoit la prise en charge par l'assurance maladie des dépenses de l'Etat en faveur des centres départementaux de prévention de l'alcoolisme, à hauteur de 89 millions de francs.
Par ailleurs, les moyens destinés à la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, la MILDT, s'élèvent à 298,2 millions de francs.
La politique de promotion et de prévention concerne, d'autre part, les mesures destinées à la lutte contre le sida et les maladies transmissibles.
La troisième action en matière de santé publique porte sur l'offre de soins. L'évolution des crédits qui y sont consacrés doit être liée à la signature du protocole d'accord des personnels hospitaliers le 14 mars dernier et à la loi de finances rectificative de ce printemps. Je rappelle, s'il en est besoin, que ce protocole prévoit d'amplifier le soutien financier de l'Etat aux opérations d'investissement hospitalier accompagnant la recomposition de l'offre de soins. Son application a entraîné l'ouverture de différents crédits consacrés à la politique hospitalière.
Le protocole prévoit, notamment, que des crédits d'Etat soient ouverts dans les hôpitaux en vue d'améliorer les conditions de travail. A cet égard, rappelons que 2 milliards de francs ont été crédités pour le remplacement des agents absents. Vous vous plaigniez, mes chers collègues, de ne pas les voir apparaître dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Les voilà !
Le protocole prévoit également le soutien des investissements hospitaliers, 600 millions de francs d'autorisations de programme et 100 millions de francs de crédits de paiement étant destinés au FIMHO. Pour 2001, le niveau des autorisations de programme progresse encore par rapport aux crédits ouverts dans la loi de finances initiale de 2000, passant de 200 millions à 500 millions de francs.
Des moyens nouveaux sont aussi prévus pour le renforcement des agences régionales de l'hospitalisation, à hauteur de 112,7 millions de francs. Pour la formation des professions médicales et paramédicales, sont prévus 866 millions de francs au total.
Je soulignerai également que la dotation aux écoles de formation des sages-femmes et des professionnels paramédicaux, à laquelle a fait allusion Guy Fischer, ainsi que les crédits de bourses des formations paramédicales s'élèvent, respectivement, à 291 millions de francs et 289 millions de francs.
En ce qui concerne les priorités en matière de solidarité, je limiterai mon analyse aux actions menées en faveur de la lutte contre les exclusions et en faveur des personnes âgées, laissant à ma collègue Claire-Lise Campion le soin de parler des handicapés.
S'agissant de la luttre contre les exclusions, je ne reviens pas sur le progrès social qu'a représenté l'instauration de la couverture maladie universelle, la CMU, en 2000. J'insiste simplement sur le fait que les crédits ouverts en 2001, à hauteur de 6,6 milliards de francs, devraient permettre de financer la montée en charge du dispositif et les mesures nouvelles décidées dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, c'est-à-dire l'augmentation du plafond de 3 500 francs à 3 600 francs et la prolongation des droits à la CMU complémentaire jusqu'au 30 juin 2001 pour toutes les personnes qui bénéficiaient auparavant de l'aide médicale.
A ce sujet, permettez-moi, madame la ministre, de m'inquiéter du devenir d'un certain nombre de personnes bénéficiaires de l'ex-aide médicale départementale du fait de l'effet de seuil. Leur nombre est loin d'être négligeable ! En Dordogne, par exemple, le taux de rejet atteint 22 %, ce qui représente près de 700 personnes avec les ayants droit. Je doute que les fonds sociaux des caisses soient suffisants, et il est probable que les départements seront sollicités.
Indépendamment de cette sollicitation des départements, cela pose, me semble-t-il, un problème d'égalité devant la loi : au-delà des débats financiers entre les participations nationales et locales, comment peut-on envisager que ce droit redevienne, parfois pour un peu plus ou un peu moins de 50 francs par mois, une aide sociale variant du simple au double selon le département et le régime de sécurité sociale ?
Une réflexion sur ce problème me paraît tout à fait nécessaire.
J'en viens à la politique d'insertion et à l'évolution, intéressante, du RMI. Pour la première fois depuis sa création, le nombre d'allocataires a diminué de 1,4 % en métropole. Cette évolution des effectifs du RMI permet d'apporter une preuve irréfutable à l'encontre d'une idée reçue tenace selon laquelle l'installation dans le RMI serait délibérée et définitive : 780 000 contrats d'insertion ont été signés en 1999 et leur croissance se poursuit - plus 4 % - à un rythme plus rapide que celui des effectifs des allocataires.
En outre, le nombre d'allocataires qui, grâce au mécanisme de l'intéressement, travaillent tout en conservant tout ou partie du RMI est en forte progression.
En matière d'hébergement d'urgence et d'hébergement social, 500 nouvelles places seront créées afin de permettre aux personnes hébergées d'entrer dans un véritable processus d'insertion.
Enfin, pour ce qui est des Fonds d'aide aux jeunes, les FAJ, l'objectif 2001 représente une progression de 10 %. Ces crédits permettent d'accorder une aide financière ou de financer l'accompagnement d'un projet individuel d'insertion.
En ce qui concerne l'action en faveur des personnes âgées, le Gouvernement mène une politique de maintien et de soutien à domicile des personnes âgées. Il s'efforce donc de mettre en cohérence les dispositifs existants et de recomposer l'offre de services avec une démarche d'approche globale et personnalisée du besoin d'aide des personnes âgées.
C'est dans ce contexte que la création d'un réseau de coordination gérontologique organisant le maillage du territoire national à partir des échelons de proximité fait figure de priorité. Les centres locaux d'information et de coordination, les CLIC, seront les supports de ce réseau territorialisé. Après la mise en place de vingt-cinq centres pilotes en 2000, le Premier ministre a annoncé la création de mille CLIC supplémentaires à l'horizon des cinq prochaines années, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir.
N'oublions pas, enfin, les contrats de plan 2000-2006, qui permettront d'achever l'humanisation des hospices et d'accélérer la modernisation des maisons de retraites, 1,3 milliard de francs y étant consacrés sur sept ans.
Je sais, madame la ministre, que vous êtes consciente des lacunes de la prestation spécifique dépendance, la PSD, et que vous entendez réformer rapidement les conditions de prise en charge de la dépendance. Je ne vous cache pas que nous attendons avec impatience le projet de loi que vous préparez.
En conclusion, j'évoquerai l'action qui est menée en matière de droits des femmes. Là encore, de nombreuses avancées ont été réalisées : parité politique, égalité professionnelle, modernisation de la loi sur la contraception, avec la pilule du lendemain et les nouvelles dispositions relatives à l'interruption volontaire de grossesse.
Par ailleurs, les mesures engagées par le Gouvernement de façon transversale et interministérielle en faveur des femmes traduisent une démarche de renouveau social et politique qui s'inscrit dans une approche de la politique globale pour l'égalité.
Il nous reste maintenant à faire progresser l'égalité dans les faits. C'est la volonté, j'en suis convaincu, du Gouvernement, qui attribue 110 millions de francs à ce secteur, soit une hausse de 10 %. Ces crédits s'ajoutent à ceux du fonds structurel européen et soutiennent les objectifs majeurs de l'action : l'égalité professionnelle, pour 40 % du budget ; la lutte contre les violences, qui sont en augmentation, avec une mesure nouvelle de 5 millions de francs contre 900 000 francs l'an passé ; enfin, l'accès au droit et à l'information.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Cazeau !
M. Bernard Cazeau. Je conclus, monsieur le président !
A l'issue de cet exposé, vous l'avez compris, madame la ministre, le groupe socialiste souscrit tout à fait au projet de budget tel que vous nous le présentez. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Souvet.
M. Louis Souvet. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avant toute chose, je voudrais dire qu'en tant que président du conseil d'administration d'un hôpital j'adhère sans réserve à ce qui a été dit par M. Joly, notre collègue de Haute-Saône, sur les hôpitaux.
Nous venons de débattre du financement de la sécurité sociale. Cette discussion a permis, notamment, de mettre en évidence l'absence d'une grande politique de prévention en matière de santé en France : le budget que nous examinons aujourd'hui le confirme.
Notre système de soins est plutôt performant : les innovations médicales sont fréquentes ; les personnes âgées vieillissent en meilleure santé ; les chiffres de la mortalité baissent. Néanmoins, trop de décès précoces et de handicaps évitables demeurent, en raison du déficit de prévention des pathologies qui en sont à l'origine.
Notre politique de prévention, qui devrait constituer un volet essentiel de la loi de financement, demeure le parent pauvre du système.
Les crédits consacrés chaque année à ces actions n'augmentent pas ou augmentent peu, ou parfois même disparaissent.
Pour illustrer mon propos, je traiterai, d'abord, de la prévention de l'alcoolisme.
Les crédits consacrés à la prévention de l'alcoolisme - soit 64 millions de francs -, affectés aux actions décentralisées et, jusqu'alors, inscrits au chapitre 47-15-40, ont été supprimés purement et simplement cette année. La direction générale de la santé a précisé que la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés allait prendre le relais de l'Etat dans le cadre du fonds national de prévention, d'éducation et d'intervention sanitaires. Cette débudgétisation est, à mon avis, regrettable.
Au-delà de la menace qui pèse ainsi sur l'avenir du dispositif spécialisé des comités départementaux de prévention de l'alcoolisme, comités dont l'efficacité est reconnue, le transfert de ces crédits ressemble fort à un renoncement de l'Etat sur une question majeure de santé publique. Je considère qu'il appartient à l'Etat, et à lui seul, d'assurer une mission générale d'organisation et de coordination de la prévention et du traitement de l'alcoolisme.
C'est la raison pour laquelle il est indispensable de continuer à consacrer, sur le budget de l'Etat, les moyens nécessaires aux actions décentralisées de prévention de l'alcoolisme, mais également d'accroître ces budgets en faveur des missions de proximité.
Je prendrai pour deuxième exemple la lutte contre les cancers et en faveur de leur dépistage précoce, qui devrait être une autre priorité nationale, sinon la première.
Vous avez annoncé un certain nombre de mesures, notamment la généralisation du dépistage du cancer du sein. Qu'en est-il aujourd'hui ? Les textes d'application ne sont pas sortis, et les crédits n'ont pas été débloqués.
Ces pathologies ne sont à l'évidence pas suffisament prises en compte par les pouvoirs publics. Les paroles ne sont pas suivies des actes, et je le regrette, car l'urgence est criante. Les traitements anticancéreux sont de plus en plus onéreux. Ce coût doit être anticipé et non pas subi chaque année.
Troisième exemple, le sida, qui, devenu bien moins médiatique que la maladie de Creutzfeldt-Jakob, continue pourtant de tuer tous les jours.
Là encore, les crédits sont en diminution, car ils sont de nouveau débudgétisés. Ces débudgétisations ne font que confirmer le désengagement de l'Etat en matière de santé publique. La multiplication des transferts à l'assurance maladie d'actions sanitaires et sociales le prouve.
Ce désengagement de l'Etat dans de nombreux domaines est particulièrement préoccupant, compte tenu des thèmes les plus fréquemment évoqués dans les conférences régionales de santé : alcool, sida, cancer, dépressions et suicides.
La lutte contre ces fléaux relève fondamentalement de missions de prévention et d'éducation qui incombaient jusqu'à maintenant au Gouvernement. Les pouvoirs publics doivent se réapproprier la politique de santé des Français.
Madame la ministre, le combat contre ces fléaux passe non seulement par une stratégie curative, mais aussi par une politique de prévention et d'éducation que nous vous demandons de mettre en place, évidemment le plus rapidement possible.
Je voudrais aussi aborder un sujet qui est cher à la Haute Assemblée, le plan de développement des soins palliatifs. Aujourd'hui, 150 000 personnes pourraient en bénéficier, mais seules quelques centaines de lits sont disponibles.
La recherche de la prise en charge globale du patient n'a pas avancé, et ce ne sont pas quelques ressources complémentaires qui répondront à cette nécessité. Sans une approche globale et systématique, les soins resteront parcellaires, coûteux, et n'auront pas l'efficacité que les progrès techniques permettraient d'espérer.
Le cloisonnement des soins palliatifs, l'absence de suivi psychologique par manque de moyens et de personnels, l'asphyxie de nombreux centres anticancéreux sont autant d'obstacles à un véritable essor des soins palliatifs.
S'agissant des crédits consacrés à la solidarité, je voudrais me faire l'écho des remarques de certains sur le fonctionnement des services chargés d'accueillir les plus démunis.
Que font, effectivement, les travailleurs sociaux au contact des plus déshérités et des exclus ? Du « dépannage » ! Ils gèrent malheureusement des situations d'urgence au jour le jour, en accordant des aides, surtout financières, et en remplissant des dossiers.
La plupart font un travail administratif consistant soit à orienter les demandeurs d'aides vers d'autres services, soit à décider de l'attribution d'une aide en fonction de critères formels, mais sans avoir le temps de se déplacer, d'enquêter sur place et d'appréhender la situation des personnes dans son ensemble.
Il n'y a aucune politique à long terme, aucune obligation de résultat, d'où une certaine amertume des personnes démunies, qui se plaignent d'avoir en face d'elles un système totalement déshumanisé.
Notons aussi la rancoeur des travailleurs sociaux ; ils se plaignent de cette bureaucratisation qui ne leur permet pas d'accomplir la tâche pour laquelle ils ont été recrutés et, bien souvent, formés.
Ainsi, par exemple, la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, adoptée le 28 juillet 1998, ne contient pas moins de cent cinquante-neuf articles. Elle est d'application urgente et était supposée intervenir de manière rapide, à l'échelon local. Cependant, de juillet 1998 à juin 1999, plus de soixante décrets et arrêtés d'application ont paru. Permettez-moi de vous faire remarquer que les personnels des services sociaux, perdus dans des circulaires complexes et multiples, se désespèrent de la lourdeur des formalités à accomplir, qui ne leur permet pas de se consacrer à leurs missions dans les meilleures conditions et de soulager comme ils le souhaiteraient la détresse des exclus.
Par ailleurs, ce projet de budget traduit les hésitations du Gouvernement et les difficultés de mise en oeuvre de la loi relative à la CMU.
La loi du 27 juillet 1999, qui a institué la couverture maladie universelle, comporte deux volets : la couverture de base et la couverture complémentaire. La première réforme était nécessaire et rejoignait la volonté du gouvernement d'Alain Juppé de créer une assurance maladie universelle. Il faut souligner qu'il s'agissait plus d'un problème d'accès au droit que d'un problème de droit.
Quant à la seconde réforme, la couverture complémentaire devait concerner 6 millions de personnes, dont 3,1 millions qui devaient basculer directement de l'aide médicale gratuite dans le régime de la CMU. Elles devront cependant se soumettre à un contrôle a posteriori de leurs ressources.
Dans cette réforme, il était pourtant prévu d'accorder gratuitement une couverture maladie complémentaire à 100 %, avec tiers payant, à toutes les personnes aux revenus inférieurs à un plafond de ressources.
L'amélioration de la couverture maladie complémentaire promise ne concerne pas encore, loin s'en faut, les 3 millions de personnes annoncées par le Gouvernement ! En avril dernier, 600 000 personnes se sont effectivement vu attribuer le bénéfice de la CMU. Très peu ont fait le choix de s'adresser aux organismes de protection complémentaire, pourtant financeurs de la réforme et se sont plutôt tournées vers leur organisme de base.
Concernant les bénéficiaires de l'aide médicale gratuite, beaucoup pourront douter de l'amélioration de leur couverture complémentaire promise, puisque leur ancien statut leur offrait une couverture sensiblement meilleure en comparaison de celle que leur procure la CMU.
Dans leur majorité, les prestations fournies aux bénéficiaires concernent les soins de première nécessité, ce qui laisse largement de coté les soins d'optique et les soins dentaires, puisque le plafond des frais pris en charge ne peut excéder, sur deux ans, un total de 2 600 francs par bénéficiaire. Un grand décalage existe entre les prestations promises et la réalité.
En outre, le contrôle a posteriori des ressources des personnes bénéficiant de l'aide médicale gratuite qui ont basculé automatiquement vers la CMU va leur occassionner de très mauvaises surprises, notamment dans la vingtaine de départements qui pratiquaient des barèmes d'admission plus favorables. L'augmentation de 100 francs annoncée par le Gouvernement n'est évidemment pas à la hauteur des enjeux et fera encore de nombreux laissés-pour-compte.
Il est rare, dans notre pays, que des réformes de la protection sociale se traduisent par une régression des droits, surtout lorsque ces réformes ont l'ambition affichée d'une plus grande générosité. Au guichet des caisses, il sera d'autant plus difficile d'expliquer les décisions de rejet que ces ex-bénéficiaires de l'aide médicale gratuite auront, pendant près d'un an, bénéficié de la CMU, dont ils seront non pas écartés mais radiés.
Pour toutes ces raisons ainsi que pour celles qui ont été brillamment exposées par nos rapporteurs, le groupe du RPR ne votera pas les crédits consacrés à la santé et à la solidarité. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je consacrerai mon propos aux aides au maintien à domicile des personnes âgées.
A ce jour, 700 000 Français de plus de soixante-cinq ans - plus de femmes que d'hommes, car nous partons avant elles ! - ont besoin d'une assistance, et près des deux tiers d'entre eux doivent recourir à une aide à domicile, pour un coût annuel moyen de 144 000 francs par personne.
Vous savez combien les Françaises et les Français souhaitent pouvoir rester dans leur maison le plus longtemps possible. En 2020 - c'est demain ! - un Français sur quatre aura plus de soixante ans et 2 millions de Français auront plus de quatre-vingt-cinq ans. Il faudra ainsi 15 milliards de francs pour financer la prise en charge des personnes dépendantes. Or les projets du Gouvernement en la matière n'ont toujours pas été rendus publics.
Si les crédits destinés aux personnes âgées augmentent au fil des budgets, les problèmes demeurent, sur le terrain. Je ne citerai qu'un exemple, celui du financement des heures d'aides à domicile.
On sait l'importance de cette activité en termes d'emploi, mais aussi pour les personnes âgées, ne serait-ce que pour leur donner l'occasion, une fois dans la journée, voire une fois dans la semaine, de parler à quelqu'un.
Dans ma région, la caisse régionale d'assurance maladie, en plus des critères individuels appliqués pour chaque retraité du régime général, affecte à chaque association gestionnaire une dotation globale d'heures, ce qui limite les interventions possibles et, de ce fait, les restreint. Les statistiques donnent un état figé du nombre des personnes concernées. Mais, depuis, combien d'autres n'auront pas été comptées ?
Il se trouve que la dotation octroyée aux différentes associations pour l'exercice 2000 et, demain, 2001, est loin de couvrir les besoins individuels reconnus et acceptés par la CRAM dans le département de la Marne. C'est une situation inacceptable.
A ce jour, la dotation pour 2000 est épuisée. Les prestataires ne sont évidemment pas en mesure de régler les salaires des aides à domicile, et donc de poursuivre de façon pleine et entière le service aux personnes âgées. Ainsi, on voit des présidentes et des présidents d'association, des bénévoles, dans l'impossibilité de payer des aides à domicile qui ont pourtant travaillé pour les personnes âgées. Une telle situation est très préoccupante et ne peut perdurer.
A titre d'exemple, les responsables de la fédération des familles rurales de ma région ont dû, dès à présent, prendre des mesures conservatoires. Cette fédération a ainsi décidé, dans un premier temps, de ne plus répondre jusqu'au 31 décembre 2000 à de nouvelles demandes, quand bien même le besoin serait évident, et il l'est. Je pense ici à l'un des constats que nous avons faits en commission des affaires sociales, à l'occasion d'une enquête menée auprès des caisses d'allocations familiales : si les appels téléphoniques se font trop nombreux, on ne répond plus.
La même fédération a dû également, dès le tout début de ce mois, réduire de manière drastique ses interventions chez les personnes âgées, qu'elle aide, pour certaines, depuis fort longtemps et à un niveau justifié par leurs conditions de vie et de santé.
Madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, je souhaiterais donc qu'à l'occasion de ce débat vous puissiez nous apporter, ainsi qu'aux associations d'aide à domicile, des éléments de réponse sur ce problème de financement et, par ailleurs, livrer à la Haute Assemblée quelques informations sur l'état d'avancement de la réflexion de votre gouvernement quant à la future prestation d'autonomie.
« Prestation d'autonomie », mots lourds de signification, ô combien !
Notre collègue Jean Chérioux vous l'a indiqué tout à l'heure, compte tenu de tous ces desiderata , la commission à laquelle j'appartiens n'a pas accepté votre budget.
Toutefois, je vous remercie d'ores et déjà, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, de votre attention.
Je tiens par ailleurs à féliciter la commission des affaires sociales et la commission des finances, toutes deux réunies dans cette discussion, ainsi que mes collègues et leurs collaborateurs, de tout le travail qui a été fait pour rendre possible la discussion de ce budget. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Monsieur le président, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur l'ensemble des propos de mon collègue Bernard Cazeau. Toutefois, avant d'aborder les mesures relatives aux personnes handicapées, je tiens à renouveler notre soutien au Gouvernement dans sa politique en faveur des droits des femmes et l'égalité professionnelle.
L'année 1999 a été marquée par la volonté du Gouvernement d'oeuvrer pour une politique active de l'égalité entre les hommes et les femmes. En effet, si l'égalité en droit est un principe proclamé, il devait être reconnu de façon plus précise dans les textes, afin d'être ancré dans les faits.
Je salue donc l'introduction en annexe du projet de loi de finances pour 2001 des efforts financiers consacrés à la promotion de cet objectif gouvernemental, même s'il est à regretter qu'un rapporteur spécifique n'ait pas été désigné pour ce budget. Cela aurait permis d'ouvrir une véritable discussion budgétaire sur le sujet.
Ce budget consacré aux droits des femmes, d'un montant de 110 millions de francs, connaît une augmentation de 10 %. Nous nous félicitons de cette progression sans précédent, d'autant plus que ce chiffre ne représente pas, à lui seul, l'engagement et l'effort du Gouvernement dans ce domaine.
En effet, nombre de mesures adoptées ou envisagées pour réduire les inégalités n'ont pas toujours directement une traduction budgétaire.
De plus, pour mesurer la réalité de l'avancée du droit des femmes, il nous faut opérer une approche plus globale de l'action gouvernementale et prendre en compte le considérable travail interministériel.
En trois ans, nous avons légiféré sur la parité, l'égalité professionnelle, la contraception d'urgence, et nous légiférerons bientôt sur l'interruption volontaire de grossesse. Des mesures ont été prises afin de permettre aux femmes de mieux concilier vie professionnelle et vie familiale. Je pense en particulier à l'augmentation des capacités d'accueil dans les crèches et aux 30 000 jeunes enfants qui pourront ainsi bénéficier d'une place supplémentaire dans des structures rénovées ou créées en 2001.
Je pense aussi à la possibilité pour les allocataires de l'APE, l'allocation parentale d'éducation, de cumuler le bénéfice de celle-ci avec un retour à l'emploi. Cette disposition, contenue dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, est plus qu'un simple intéressement à la reprise d'activité : elle aura, en outre, l'avantage de permettre aux femmes de choisir le moment de leur retour dans le milieu professionnel.
Nous saluons donc toutes les mesures qui ont déjà été prises, mais aussi les mesures à venir, car il reste malgré tout encore beaucoup à faire.
De nouvelles initiatives ont déjà été engagées afin de lutter contre les violences à l'encontre des femmes - les crédits augmentent de 5 millions de francs, auxquels s'ajoutent 6 millions de francs en dépenses déconcentrées, de combattre la traite des êtres humains et de favoriser l'accès au droit et à la formation, dans tous les domaines de la vie sociale.
Les avancées sur le terrain de ces priorités gouvernementales ne sont rendues possibles, il faut le souligner, qu'avec l'aide essentielle de l'ensemble des associations, soutenues à plus de 67 % grâce aux crédits déconcentrés de ce budget.
Je profite de l'occasion qui m'est donnée pour alerter le Gouvernement sur les difficultés financières rencontrées par certaines d'entre elles. Je pense, en particulier, au Centre national d'information sur le droit des femmes, le CNIDF, et aux CIDF, les centres d'information sur le droit des femmes, qui relaient auprès du public la démarche d'égalité des chances entre les hommes et les femmes entreprise par le Gouvernement.
Mais, depuis 1999, à la demande de l'Etat, le centre national a entrepris une restructuration qui conduira, au terme de l'année 2001, à une séparation juridique avec le CIDF 75. Dans ce contexte, le CNIDF, déjà fragilisé financièrement par les diminutions, jusqu'en 1998, de la subvention accordée dans le cadre de la mission « santé famille », se verra amputé de la souplesse financière que lui conféraient les conventions relatives à l'activité d'information, désormais exclusivement affectée au CIDF 75.
Ces centres reçoivent chaque année 470 000 demandes d'information, de formation ou d'accompagnement. Leur présence est essentielle en tant qu'élément de cohésion et de justice sociale.
Il devient donc urgent, pour le bon fonctionnement de ces centres et afin que leur fonction de relais du Gouvernement dans ce domaine n'en pâtisse pas, de leur octroyer les moyens financiers nécessaires et suffisants à cette fin. Cependant, il est tout aussi important, nous semble-t-il, de mettre en place des garanties de fonctionnement de ces centres, afin d'en faire de véritables instruments de justice et de progrès en faveur du droit des femmes. Je tenais donc à souligner l'importance, à nos yeux, des actions qui seront menées dans ce domaine.
J'en viens, dans ce budget relatif à la santé et à la solidarité, aux personnes handicapées.
Le développement des équipements d'accueil des personnes handicapées et la poursuite de la lutte contre les exclusions sont les deux priorités affichées de ce budget. Nous nous associons à ce choix, car elles répondent à une attente forte.
La politique en faveur des personnes handicapées menée depuis trois ans par le Gouvernement repose sur la reconnaissance de la personne handicapée en tant que citoyen à part entière. Il ne s'agit pas uniquement de faire pour les handicapés, il s'agit aussi de faire avec les handicapés.
Arrêté par le Gouvernement le 8 avril 1998, le plan pluriannuel 1999-2003 s'est fixé trois objectifs.
Le premier consiste à renforcer les capacités d'accueil pour les personnes les plus lourdement handicapées et, ainsi, à tenter de résoudre les problèmes liées au maintien de jeunes adultes dans les établissements pour enfants. Cela devrait permettre une meilleure répartition géographique des équipements, tout en augmentant leur capacité globale sur le territoire.
Le deuxième objectif vise à renforcer l'intégration des jeunes handicapés en donnant une réalité au droit à la scolarisation de ces enfants et de ces adolescents en milieu ordinaire, chaque fois que cela est possible.
Le troisième objectif tend à favoriser le maintien à domicile, à proposer des réponses individualisées et, enfin, à dynamiser le fonctionnement des commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel, les COTOREP.
Les dépenses consacrées aux personnes handicapées passeront donc de 38 481 910 000 francs à 39 978 670 000 francs pour ce budget 2001. Cet effort financier s'inscrit pleinement dans la lignée tant du plan pluriannuel que des mesures annoncées par M. le Premier ministre devant le Conseil national consultatif des handicapés, le 25 janvier dernier.
Ce plan a l'ambition d'améliorer le quotidien de cinq millions de personnes handicapées, en y consacrant 1,5 milliard de francs sur trois ans. Ces fonds seront en priorité affectés à l'augmentation du nombre d'établissements adaptés aux adultes handicapés, au remboursement des matériels coûteux, au renforcement de l'aide à domicile, à l'augmentation du nombre de places dans les instituts médico-éducatifs, pour les enfants lourdement atteints.
Ainsi, pour la mise en oeuvre du plan pluriannuel 1999-2003, le plan d'accès à la vie autonome des personnes handicapées du 25 janvier 2000 entérine la poursuite de créations de places dans les établissements spécialisés. Dans ce cadre, le budget pour 2001 prévoit la création de 1 500 places sur les 8 500 prévues d'ici à 2003, qui permettront d'augmenter la capacité de ces structures et, en particulier, de répondre aux attentes des jeunes adultes.
Ce budget pour 2001 met également l'accent sur l'intégration des personnes handicapées dans le milieu de vie ordinaire. La généralisation à tous les départements des sites pour la vie autonome est rendue possible par l'augmentation, prévue, de plus d'un millier du nombre de postes d'auxiliaire de vie.
Ce droit à l'autonomie doit enfin pouvoir trouver une réalisation concrète dans notre société en luttant contre l'isolement de ces personnes qui vivent chez elles, et en leur permettant d'avoir accès à des soins adaptés et prodigués, le soir et le week-end, par un personnel compétent.
Travailler, aller au cinéma, prendre le bus, le train, ces activités ne doivent plus être inaccessibles aux personnes handicapées.
Ainsi, et toujours dans le cadre de la création de sites pour la vie autonome, 40 millions de francs seront affectés en 2001 à la construction progressive d'un dispositif national de compensation fonctionnelle.
Concrètement, vingt-cinq nouveaux sites départementaux d'aide technique seront créés. Dans un même lieu, les personnes handicapées auront donc un accès facilité aux diverses aides techniques et aux adaptations de logement, mais aussi au traitement administratif et financier des demandes, à l'évaluation médico-sociale par une équipe de médecins, d'ergothérapeutes ou d'assistantes sociales, et à la coordination des interventions des différents partenaires financiers.
Par ailleurs, l'amélioration du fonctionnement des COTOREP est devenue une priorité gouvernementale qui s'est traduite par un financement de mesures nouvelles en 2000, prolongées en 2001, de 13 millions de francs.
Nous sommes bien conscients qu'il reste beaucoup à faire dans le domaine du handicap. Cela dit, même si l'effort financier est considérable et si la progression de ce budget est encourageante, il est certain que le programme pluriannuel ne répondra pas à lui seul à l'ensemble des problèmes rencontrés dans ce domaine.
C'est pourquoi il est urgent que la loi tant attendue sur la modernisation sociale soit présentée au Parlement, et qu'elle soit accompagnée des financements suffisants pour répondre à l'attente des personnes handicapées et de leurs familles. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je ferai d'abord un bref rappel de l'évolution globale de ce budget, même si j'ai détaillé celui-ci devant la commission des affaires sociales du Sénat et si M. Cazeau y a insisté tout à l'heure.
Le budget de la santé et de la solidarité croît de 3,1 %, c'est-à-dire de 2,8 milliards de francs. Il développe les politiques du Gouvernement dans le domaine des personnes âgées, des handicapés et des populations exclues.
S'agissant des actions sociales en faveur des publics spécifiques, les crédits augmentent de 3,8 %. Pour les handicapés et en application du plan pluriannuel annoncé par M. le Premier ministre en janvier 2000, 1 500 places de centres d'aide par le travail seront financées en 2001 et le nombre d'auxiliaires de vie passera de 1 864 actuellement à près de 3 000. Les moyens des COTOREP seront renforcés.
Tout à l'heure, je reviendrai en détail sur les politiques menées. Pour les personnes âgées, cent quarante centres locaux d'information et de coordination seront créés en 2001 pour mieux apporter une réponse aux différentes possibilités de prise en charge.
Par ailleurs, les crédits consacrés à la lutte contre l'exclusion et à l'intégration progresseront de 2,5 %. La montée en charge de la CMU, mise en oeuvre en 2000, se poursuivra, bien entendu, en 2001.
En matière de lutte contre les exclusions, je l'ai indiqué ce matin, nous poursuivrons, bien sûr, la politique qui est menée depuis trois ans. Des moyens nouveaux seront consacrés à la création de 500 places de CHRS en complément du dispositif d'urgence en Ile-de-France et du centre d'hébergement de Sangatte.
Le dispositif national d'accueil des demandeurs d'asile sera également renforcé, avec des crédits substantiellement augmentés. Les capacités des centres d'accueil pour les demandeurs d'asile seront accrues, avec la consolidation de 1 000 places créées en 2000 et la création de 1 000 places supplémentaires en 2001.
Quant au projet de budget de la santé - j'y reviendrai plus en détail dans un instant - il augmente considérablement. Il prévoit le renforcement des moyens des agences régionales de l'hospitalisation, avec une forte augmentation des moyens consacrés aux programmes de santé publique : 14 % pour les dispositifs de prévention et de protection de la santé.
Il faut également noter l'augmentation, elle aussi très forte, pour l'évaluation et la gestion des risques sanitaires.
Enfin, les crédits interministériels de lutte contre les pratiques addictives augmentent de 7,2 %, soit de près de 20 milliards de francs.
Je m'attacherai maintenant à répondre aux questions qui ont été posées par les différents intervenants.
S'agissant de la santé, j'évoquerai d'abord les politiques de santé publique.
M. Louis Boyer considère que l'octroi de ressources propres aux agences dépendant du ministère pourrait servir de prétexte à un désengagement financier de l'Etat. Il observe que les subventions de l'Etat sont désormais devenues minoritaires parmi les ressources de plusieurs établissements publics, qu'il s'agisse de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, de l'Etablissement français du sang ou de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé.
Il est exact, monsieur Boyer, que le Gouvernement se fixe l'objectif de doter les agences dont il a la tutelle de ressources propres suffisantes. C'est d'ailleurs le sens de l'article 55 rattaché, qui a pour objet de créer de nouveaux droits au profit de l'AFSSAPS et de l'ANAES, qui pèsent respectivement sur les fabricants de dispositifs médicaux et sur les hôpitaux. Mais je tiens à vous rassurer, monsieur Boyer : la diminution des dotations budgétaires ne signifie aucunement un désengagement de l'Etat. Celui-ci, au contraire, accompagne le développement de ces établissements qui ont été créés ou dont le champ de compétences a été étendu par la loi de 1998 sur la sécurité sanitaire. La création de ces agences et leur développement prouvent d'ailleurs la forte préoccupation de ce gouvernement pour la sécurité sanitaire.
Les budgets de ces agences pour 2001 sont actuellement en discussion avec leur tutelle et sont, pour la plupart d'entre eux, en forte progression.
J'ai indiqué devant la commission des affaires sociales que le budget primitif consolidé de l'AFSSA pour 2001 s'établirait en progression de 15 % par rapport à 2000 afin de procéder essentiellement à des recrutements en vue de renforcer les capacités de recherche, d'expertise et d'évaluation des équipes scientifiques.
Le budget primitif pour 2001 de l'AFSSAPS est en progression de 11 % par rapport à 2000, pour mettre en oeuvre, notamment, l'extension des missions de cet organisme aux dispositifs médicaux et aux cosmétiques.
Quant à l'ANAES, je reconnais que, si la mise en oeuvre de la procédure d'accréditation a demandé quelques délais, du fait de la publication des textes nécessaires à la mise en place de la procédure ainsi qu'à la préparation des établissements hospitaliers, elle est maintenant bien engagée et monte rapidement en puissance : sur les 3 500 établissements qui doivent faire l'objet, sur leur demande, d'une accréditation, 400 auront reçu la visite d'experts et de visiteurs en 2001.
MM. Boyer et Oudin ont regretté la diminution des dépenses de santé publique. Comme vous le savez, les actions financées par le budget de l'Etat ne représentent qu'une partie limitée des politiques de santé publique.
Il est envisagé, dans le projet de loi de finances pour 2001, en vue de renforcer la transparence, de transférer à l'assurance maladie les crédits relatifs à la prévention de l'alcoolisme et aux appartements de coordination thérapeutique. Comme M. Cazeau l'a fort justement rappelé, le Gouvernement ne se désengage pas pour autant en matière de politique de santé publique. D'ailleurs, le financement des appartements de coordination thérapeutique par l'assurance maladie a fait l'objet d'une demande unanime des associations et des professionnels. Loin de constituer un recul, cette mesure permet de pérenniser un dispositif expérimental qui a fait ses preuves.
Ne disposant pas du temps nécessaire pour décrire toutes les actions conduites, je me limiterai à trois illustrations.
Tout d'abord, la préoccupation pour la sécurité sanitaire et la volonté de renforcer les moyens des politiques mises en oeuvre justifient l'amendement déposé par le Gouvernement pour renforcer les services et, d'abord, les services déconcentrés dans le domaine de la sécurité sanitaire, en vue de lutter contre l'encéphalopathie spongiforme bovine, l'ESB, et de développer le contrôle des mesures prises pour protéger la santé humaine des risques liés à l'ESB.
M. le Premier ministre a annoncé le 14 novembre dernier un plan en sept points.
S'agissant de la prévention de la transmission de la maladie par la voie alimentaire, le Gouvernement a pris les mesures de précaution suivantes : interdiction des farines animales et de nouveaux matériaux à risques tels que l'intestin, la rate, le thymus et les vertèbres de bovins.
En ce qui concerne la protection des travailleurs dans les abattoirs, des recommandations de protection complémentaire sont à l'étude après l'interdiction de la technique du jonchage.
S'agissant des activités de soins, j'ai inscrit un programme renforcé de stérilisation et de désinfection du matériel médical à l'hôpital : 320 millions de francs de crédits supplémentaires ont été inscrits dans les dotations hospitalières. Les recommandations pour les activités de soins ambulatoires seront prochainement révisées et feront l'objet d'une circulaire de la direction générale de la santé.
Le quatrième train de mesures concerne l'accompagnement des malades et des familles que je souhaite mettre en place et sur lequel Mme Gillot a souvent insisté, à juste titre ; il nous faut en effet soutenir ces familles qui sont confrontées à cette terrible maladie. Nous avons la volonté de mobiliser des aides familiales et des aides à la tierce personne.
Je soulignerai enfin que le comité national de sécurité sanitaire, que je préside, fera le point chaque trimestre avec les acteurs de ce plan de prévention.
Vous constatez donc que nous avons la volonté, la détermination de poursuivre une action globale de préservation de la santé publique, dans la transparence et avec un seul critère : la défense de la santé de l'homme dans toutes ses dimensions. Nous accompagnons cela de moyens supplémentaires : je rappelle les créations d'emplois liés à l'ESB qui ont été annoncées par le Premier ministre. Au total, on relève 475 créations d'emplois, dont 300 vétérinaires inspecteurs rattachés au ministère de l'agriculture, et, pour ce qui concerne le ministère de l'emploi et de la solidarité, 30 créations de postes sur la section « emploi », qui ont d'ailleurs été votées ce matin, notamment des postes d'inspecteurs du travail, et 145 créations de postes sur la section « santé - solidarité » - des médecins, des pharmaciens, des ingénieurs sanitaires -, dont 85 créations proposées cette année par un amendement dont nous discuterons tout à l'heure.
Par ailleurs, le projet de loi de finances marque un effort sur la promotion de la santé à travers les programmes nationaux et régionaux de santé. Ainsi, s'agissant des maladies cancéreuses, le programme national 2002-2005 vise à réduire les risques par une prévention adaptée à généraliser les programmes de dépistage, à favoriser la qualité de la prise en charge, à améliorer les conditions de vie des malades tout en garantissant leurs droits, à développer l'effort de recherche et la coordination, en particulier la recherche sur le rôle des facteurs d'environnement.
Ce plan est financé essentiellement dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Dominique Gillot a ainsi annoncé, la semaine dernière, l'ouverture d'une dotation budgétaire spécifique afin de faciliter l'accès des établissements de santé aux nouveaux médicaments anticancéreux, intégrée dans la dotation de deux milliards de francs de mesures nouvelles déléguée aux ARH. Mme Gillot répondra tout à l'heure à l'exposé apocalyptique fait par M. Joly du fonctionnement de notre système de santé. Si cette description était exacte, nous n'aurions pas l'un des meilleurs systèmes de santé du monde !
M. Bernard Joly. Madame la ministre, c'est pourtant vrai : vous n'avez qu'à vous retourner pour voir que L'Hospital est en deuil ! (M. Joly désigne la statue de Michel de L'Hospital, surplombant l'hémicycle, qu'une défaillance électrique a plongée dans l'obscurité.)
M. Philippe Marini. C'est symbolique ! (Rires.)
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. M. Fischer a insisté sur la question du sida. La lutte contre le virus et les autres maladies sexuellement transmissibles est une priorité de santé publique pour le Gouvernement. Je rappellerai les mesures prises depuis trois ans, en particulier l'extention des missions de consultation de dépistage anonyme et gratuit à toutes les maladies sexuellement transmissibles, les MST, par la loi portant création de la couverture maladie universelle et l'extension des missions des centres de planification et d'éducation familiale aux MST.
Je m'inquiète, comme vous, du relâchement des comportements de prévention. La journée mondiale de lutte contre le sida, vendredi dernier, a rappelé à tous la nécessité de demeurer vigilant. Les principales associations de lutte contre le VIH ont été réunies en juillet dernier, et nous allons, avec elles, proposer un plan stratégique d'action tenant compte de cette nouvelle et malheureuse évolution.
J'ajoute que, dans le cadre du collectif budgétaire de fin d'année, est prévu le financement de la totalité des montants dus aux malades séropositifs bénéficiant d'une indemnisation de l'Etat alors que, jusqu'à présent, le dernier quart ne leur était servi que lorsqu'ils développaient leur maladie. Cette mesure, très attendue par les associations et les malades, a un coût de 550 millions de francs.
La lutte contre le VIH demeure plus que jamais une priorité du Gouvernement avec quatre axes essentiels : renforcer l'information, faciliter l'accès aux outils de prévention, mettre en place une véritable éducation à la sexualité, en particulier auprès des jeunes, et améliorer la prise en charge, l'accompagnement médico-social et l'aide à la vie en milieu ordinaire pour les malades.
Les moyens contre l'hépatite C et contre les pratiques addictives sont aussi en progression dans le cadre de la mise en oeuvre du plan pluriannuel du Gouvernement. C'est ainsi que les moyens budgétaires de la MILDT, la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, seront renforcés de 20 millions de francs pour 2001.
J'en viens maintenant à l'offre de soins.
M. Louis Boyer s'interroge sur les conditions de mise en oeuvre du protocole hospitalier signé entre le Gouvernement et les organisations syndicales le 14 mars dernier. Je puis vous répondre que le Gouvernement continuera d'appliquer scrupuleusement les termes de ce protocole. Ainsi, le projet de loi de finances pour 2001 prévoit les montants nécessaires au financement des formations paramédicales et des bourses pour assurer l'augmentation annoncée du nombre de places de formation offertes, c'est-à-dire 24 000 postes supplémentaires sur trois ans.
Des crédits d'investissements au titre du FIMHO, le fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux, viendront amplifier le soutien financier de l'Etat aux opérations d'investissements hospitaliers accompagnant la recomposition de l'offre de soins.
Enfin, le protocole prévoit que des crédits d'Etat soient ouverts dans les hôpitaux pour assurer les remplacements. Deux milliards de francs ont été ouverts dans le collectif de printemps 2000. Un montant identique sera ouvert en gestion 2001, conformément aux engagements pris et sans retard par rapport aux besoins constatés. Les agences régionales de l'hospitalisation répartiront ces montants entre les hôpitaux, qui en bénéficieront donc conformément aux termes du protocole.
M. Oudin s'est inquiété tout à l'heure de l'équilibre entre les autorisations de programme et les crédits de paiement pour le FIMHO. Je voudrais tenter de le rassurer : le projet de loi de finances pour 2001 ouvre en autorisations de programme les montants prévus par le protocole du 14 mars 2000 et en crédits de paiement les mesures nouvelles correspondant à l'exercice 2001. Il n'a pas été nécessaire, par ailleurs, d'ouvrir des crédits correspondants aux services votés compte tenu des crédits de paiement reportés,...
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. C'est là le problème !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... y compris ceux qui ont été ouverts en juillet 2000 dans le cadre de la loi de finances rectificatives...
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Il ne sont pas utilisés !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ils le seront, rassurez-vous !
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. On nous le dit depuis trois ans !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ces crédits représentent, je le rappelle, 440 millions de francs.
Les autorisations de programme ouvertes en 2000 concernent 142 opérations qui seront notifiées prochainement. Les crédits de paiement correspondant à ces opérations seront ouverts au fur et à mesure du déroulement des investissements.
M. Fischer m'a interrogée sur la progression des moyens des agences régionales de l'hospitalisation qu'il juge excessive. L'objectif des 10,5 millions de crédits supplémentaires inscrits au projet de loi de finances pour 2001 est de permettre le renforcement des agences en personnel de catégorie A, notamment pour le pilotage de la réduction du temps de travail, la modernisation de la gestion des ressources humaines à l'hôpital, ainsi que le financement d'études et d'audits sur l'adaptation des établissements.
M. Chérioux a signalé les problèmes rencontrés par le SAMU social et les difficultés d'hébergement des demandeurs d'asile à Paris. Pour que le SAMU social ne soit pas exclusivement absorbé par les missions d'accueil de ces personnes arrivant en plus grand nombre sur notre territoire, certaines mesures ont été prises. Ainsi, depuis le 1er août 2000, un centre d'accueil de jour à été mis en place et assure l'accueil administratif et social des demandeurs d'asile. Le SAMU social 115 n'est donc plus chargé que la nuit et le week-end de l'accueil des demandeurs d'asile à Paris.
Par ailleurs, 1 000 places ont été ouvertes dans des foyers de la SONACOTRA, la société nationale de construction de logements pour les travailleurs, pour accueillir les demandeurs d'asile hébergés en hôtel à Paris. Ces personnes qui acceptent d'être hébergées en foyer SONACOTRA dans l'attente d'une entrée en centre d'accueil pour demandeurs d'asile bénéficient d'un suivi social et administratif destiné à les aider dans les démarches liées à la demande d'asile et à la scolarisation des enfants.
Enfin, je veux souligner que 40 millions de francs de crédits supplémentaires sont ouverts au collectif budgétaire de fin d'année afin de mieux assurer l'accueil des demandeurs d'asile et des personnes devant être hébergées en urgence. Cette préoccupation avait également été exprimée par M. Fischer.
Je souhaite confirmer à M. Fischer que le projet de loi de modernisation du système de santé et des droits des malades sera présenté en conseil des ministres au début de l'année prochaine, et j'espère que l'Assemblée nationale pourra l'examiner en première lecture avant le mois de juin 2001.
J'en viens maintenant à la solidarité, et tout d'abord aux minima sociaux.
M. Oudin relève l'augmentation forte des dépenses de solidarité liées aux différents minima sociaux.
Il est exact que ces dépenses augmentent à un rythme rapide en raison du nombre toujours croissant des bénéficiaires pour l'allocation aux adultes handicapés et l'allocation de parent isolé et de la revalorisation de ces différentes allocations.
En revanche, en 2000 - nous devons, comme je l'ai dit ce matin, nous en réjouir - pour la première fois depuis la création du RMI, le nombre de ses allocataires est en diminution. Cette diminution résulte de l'amélioration de la situation économique et de la baisse du chômage non indemnisé.
M. Cazeau a remarqué, à juste titre, que cette évolution des effectifs du RMI allait à l'encontre de l'idée reçue selon laquelle l'installation dans le RMI serait délibérée et définitive. La diminution concerne essentiellement les allocataires les plus proches du marché du travail, c'est-à-dire les vingt-cinq - trente ans et les allocataires récents. Soulignons que la diminution est de 14 % cette année pour la tranche des vingt-cinq - trente ans. C'est, je crois, une évolution dont il nous faut nous réjouir.
Comme l'a noté M. Oudin dans son rapport, cette évolution est partiellement occultée par le mécanisme de l'intéressement lorsque l'allocataire a retrouvé un emploi, pendant un an - statistiquement occultée, en tout cas, car, si nous découplions, nous constaterions, naturellement, une baisse encore plus nette du nombre des allocataires du RMI.
Ce dispositif, qui concerne 150 000 personnes et qui progresse de 17 %, permet aux allocataires de disposer de moyens supérieurs à leur seul RMI et les place sur une trajectoire qui tend à les sortir de leur situation d'exclusion.
J'en viens à la couverture maladie universelle.
La diminution des crédits qui lui sont consacrés correspond à un ajustement pour prendre en compte sa montée en charge au cours de l'année 2000.
En effet, en 2000, compte tenu des incertitudes, nous avions initialement prévu une enveloppe très large pour garantir la mise en place de la prestation. Cette enveloppe avait vocation à être révisée, comme l'avait indiqué Martine Aubry. Au vu des dépenses réalisées et des reports possibles, cette dotation s'est avérée trop importante et le montant de la dotation 2001 a donc été ramené de 7 milliards à 6,6 milliards de francs.
Je veux souligner que ce montant est suffisant pour financer la poursuite de la montée en charge en 2001, pour financer l'accès des 300 000 personnes supplémentaires à la CMU, après que le projet de loi de financement de la sécurité sociale a relevé à 3 600 francs le seuil mensuel de ressources pour en bénéficier, et, bien entendu, pour financer la prolongation jusqu'au 30 juin 2001 - disposition également votée en projet de loi de financement de la sécurité sociale - des droits à la CMU pour les anciens bénéficiaires de l'aide médicale départementale.
Je précise que le nombre de bénéficiaires de la CMU est actuellement de 4,7 millions. Avec les 300 000 personnes qui entreront dans le dispositif du fait du relèvement du seuil, cela fera 5 millions et, naturellement, ce chiffre a vocation à augmenter, surtout en raison du prolongement, au fur et à mesure que le dispositif sera mis en place.
Pour en terminer sur ce sujet, nous avons prévu, toujours dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, 400 millions de francs en faveur de l'action sanitaire et sociale pour les caisses d'assurance maladie, afin d'atténuer, là encore, les effets de seuil, qui sont importants mais qui existent toujours lorsqu'il y a ce type d'allocation, et pour faire en sorte que personne ne reste en dehors du dispositif, à plus forte raison dans les départements qui avaient prévu un seuil légèrement plus élevé que celui qu'avait fixé la loi.
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. Des départements très généreux !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Certes, monsieur Chérioux, mais je veux souligner à votre attention, vous qui vous êtes ému de cette situation, qu'aujourd'hui l'allocation mensuelle moyenne attribuée par les départements est de 2 500 francs et que, par conséquent, avec 3 600 francs, nous sommes très largement au-dessus,...
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. Le département de Paris a été exemplaire, en la matière !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... même s'il est vrai que certains, dont des départements très riches en effet, ont fait cet effort,...
M. Jean Chériou, rapporteur pour avis. Riches, mais généreux !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... étant noté que tous les départements riches ne l'ont pas fait !
Je vous répondrai tout de suite, madame Campion, sur la politique en matière d'égalité entre les hommes et les femmes, puisque vous avez posé des questions précises et fait des remarques très pertinentes sur ce sujet.
Le centre d'information et de documentation des femmes et des familles a fait l'objet d'une mission de l'inspection générale des affaires sociales, qui a conclu à une nécessaire partition juridique et financière de ses activités nationales, en qualité de tête de réseau des centres d'information sur les droits des femmes, et de ses activités parisiennes.
En outre, le service des droits des femmes et de l'égalité et le CNIDF, le centre national d'information sur les droits de la femme, se sont engagés dans une démarche qui doit déboucher, dans les mois qui viennent, sur un contrat d'objectif qui renforce leur relation de partenariat.
S'agissant des crédits destinés aux réseaux des centres d'information sur les droits des femmes, il est prévu qu'ils progressent de plus de 2 % l'an prochain.
J'en viens maintenant à l'action en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées.
S'agissant des sites pour la vie autonome, vous avez indiqué, monsieur Chérioux, qu'ils seraient étendus à l'ensemble du territoire d'ici à 2003. En effet, cela avait été annoncé par le Premier ministre, et je vous remercie de l'avoir rappelé.
Pour mettre en oeuvre un tel site au niveau départemental, il faut qu'un partenariat s'instaure entre tous les acteurs, que le projet soit formalisé dans un appel d'offres national et que sa cohérence soit évaluée sur le terrain. Tout cela prend évidemment du temps. Malgré cela, l'installation des onze nouveaux sites prévus pour 2000 ne devrait pas subir de retard supérieur à quelques semaines.
Pour 2001 et les années suivantes, l'expérience acquise et le renforcement des moyens humains de la direction générale de l'action sociale nous permettront d'atteindre les objectifs fixés dans les délais impartis.
M. Souvet a évoqué l'importante question des soins palliatifs. Je profite de cette question pour faire le point sur le plan triennal que nous avons mis en oeuvre depuis 1998 et pour rappeler que, en 1997, quarante-sept départements seulement disposaient de services de ce type et qu'aujourd'hui tous les départements - je dis bien « tous » - disposent d'un service et que nous comptons 280 unités ou équipes mobiles. Nous poursuivons cette action en 2001.
Le décret relatif aux conditions d'intervention des associations de bénévoles auprès des personnes en fin de vie dans les établissements publics, privés, sociaux ou médico-sociaux a été publié le 18 octobre. Le décret relatif aux conditions d'intervention des personnels libéraux et des salariés de centres de santé à domicile est à la concertation ; il sera publié dans les tout prochains mois.
MM. Machet et Fischer ont souhaité obtenir des informations sur l'état d'avancement de la réflexion du Gouvernement sur la dépendance.
Nous avons un projet qui fait l'objet des dernières discussions interministérielles. Je compte présenter ce projet en conseil des ministres au mois de janvier et j'espère que l'Assemblée nationale pourra en faire une première lecture à la fin du mois de janvier ou au début du mois de février. C'est, en tout cas, ma volonté et celle du Gouvernement.
Pour ce qui est de la réforme de la prestation spécifique dépendance, nous devons en effet avancer rapidement, et je ne tarderai pas sur ce très important dossier.
Le vieillissement des personnes handicapées, problème sur lequel M. Chérioux, aussi bien en commission qu'en séance publique, a depuis longtemps attiré notre attention, est un phénomène récent. Il faut y apporter des réponses aussi individualisées que possible, dans le cadre, là encore, d'un partenariat entre l'Etat, les collectivités territoriales et les associations.
Les dispositifs diversifiés déjà expérimentés dans plusieurs départements par les associations doivent être développés pour que ces personnes puissent exercer leur droit au libre choix de la solution d'accueil et d'hébergement, et à une prise en charge adaptée et coordonnée.
Le plan triennal annoncé par le Premier ministre, le 25 janvier 2000, a prévu de consacrer 45 millions de francs au développement des prises en charge institutionnelles pour les personnes handicapées vieillissantes, dont 15 millions de francs en 2001.
A l'occasion de la réunion du conseil national consultatif des personnes handicapées, le CNCPH, du 4 juillet dernier, a été décidée la préparation d'un document introductif retraçant l'ensemble des problèmes liés à ce phénomène démographique et indiquant les solutions envisageables.
M. Francis Hammel, président du conseil, doit constituer au sein de ce conseil un groupe de travail qui étudiera les différentes propositions aussi bien en matière de prise en charge que de régimes d'aide sociale et, s'il y a lieu, en élaborera de nouvelles.
Les premiers résultats de cette réflexion seront présentés lors de la prochaine séance du conseil, le 25 janvier prochain. Je suis persuadée que nous pourrons ainsi poursuivre la concertation avec l'ensemble des acteurs et définir les grandes lignes de la réforme globale que vous appelez de vos voeux et que nous engageons.
S'agissant des personnes polyhandicapées, vous savez qu'un plan quinquennal a été mis en oeuvre pour les années 1999-2003. Ce plan représente un engagement de 1,35 milliard de francs pour l'assurance maladie et de 623 millions de francs pour l'Etat. A terme, il aura permis la création de 16 500 places, dont 5 500 places dans les maisons d'accueil spécialisées et les foyers à double tarification, soit 1 100 places par an, ce qui est un effort évidemment considérable.
Comme vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur, le plan triennal pour les années 2001-2003 renforce la création de sections d'établissements spécialisés pour les enfants très lourdement handicapés - nous y consacrerons 120 millions de francs. Il renforce aussi les actions pour la création de places pour les personnes autistes, avec 150 millions de francs, et pour les personnes cérébro-lésées lourdement atteintes, avec également 150 millions de francs.
Je pense, monsieur Chérioux, que, à terme, nous pourrons créer trois fois plus de places que vous ne l'estimiez vous-même.
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. Ce n'est pas moi qui ai estimé, madame la ministre ; j'ai repris les chiffres du ministère.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. C'est très bien, vous les avez repris, et je vous en remercie.
Mais, si l'exécution des plans pluriannuels faisait apparaître la nécessité d'un réajustement, nous prendrions les mesures qui s'imposent.
Les COTOREP, créées voilà plus de vingt ans, ont toujours été le maillon faible de la politique du handicap.
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. Tout à fait !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Une mission d'appui à leur fonctionnement a été mise en place en mai 1999. Cette mission s'est attachée à établir un programme de remise à niveau comportant un recueil de données épidémiologiques et sociales et un accroissement significatif des moyens.
C'est ainsi qu'un effort financier de près de 30 millions de francs a été engagé en 2000, ce qui a permis de renforcer les effectifs administratifs et les équipes médicales d'évaluation, qui, par ailleurs, bénéficient de l'augmentation des tarifs de vacation. Nous avons également créé, vous le savez, des postes de médecins coordonnateurs ; en tout cas, nous avons engagé ces créations de postes.
Pour que les COTOREP deviennent non seulement des instances de production de décisions administratives rapides et fiables, mais aussi des « plates-formes ressources » offrant aux personnes handicapées des plans d'aide cohérents et révisables en fonction de l'évolution de leur état, il nous faut poursuivre la modernisation de leur fonctionnement et rénover leurs missions.
C'est ainsi qu'une fusion des première et deuxième sections des COTOREP sera engagée et que la voie des délégations interservices, ouverte par le décret du 20 octobre 1999, sera expérimentée dans plusieurs départements : la responsabilité de la COTOREP pourra être confiée par le préfet au directeur départemental du travail ou au directeur de la DASS. Des contrats d'objectifs viendront étayer ce dispositif.
S'agissant des accessoires de salaires versés aux travailleurs handicapés dans les ateliers protégés, un article visant à rétablir la situation antérieure à l'arrêt de la Cour de cassation a été inséré dans le projet de loi de modernisation sociale qui sera bientôt examiné par l'Assemblée nationale.
M. Cantegrit a très justement attiré notre attention sur la protection sociale des Français de l'étranger. Il a préparé un projet de texte qui vise à faciliter l'accès à l'assurance maladie volontaire de la caisse des Français de l'étranger à un nombre significatif de nos compatriotes qui ne disposent pas de revenus suffisants pour souscrire une assurance volontaire. Ce projet de texte figure à l'article 8 du projet de loi de modernisation sociale, qui sera examiné par le Parlement au début de l'année prochaine.
Le Gouvernement est prêt à examiner les propositions qui lui seront faites pour encourager les jeunes expatriés à s'affilier à l'assurance maladie volontaire de la CFE dès le début de leur carrière à l'occasion de l'examen du projet de texte, dès lors qu'elles seront cohérentes, bien entendu, avec ce projet. Nous aurons donc l'occasion de retravailler sur cette question.
J'en viens à la politique de l'Etat en matière de centres d'hébergement et de réadaptation sociale, les CHRS. La montée de la grande exclusion et les phénomènes d'errance ont mis en évidence le rôle des CHRS. La loi relative à la lutte contre l'exclusion a pris pleinement en compte ces impératifs, et étend leur vocation. Conçus comme des plates-formes de service, ils assurent, avec ou sans hébergement, tout ou partie des activités susceptibles de favoriser la réinsertion sociale des bénéficiaires.
Nous avons, bien entendu, à insister encore sur les priorités en matière de CHRS, notamment à faire en sorte, comme vous l'avez demandé, que l'accueil familial, prévu par la loi sur la lutte contre l'exclusion, n'y reste pas lettre morte. Nous y travaillons, mais cela exige, là encore, un effort commun de l'Etat et des conseils généraux.
Puisque j'ai commencé à aborder les questions relatives au développement social, je voudrais souligner que les départements ont participé à la réduction des inégalités et à l'augmentation des moyens. Bien entendu, il faut poursuivre en ce sens, mais je rappelle que les deux plans en faveur des personnes handicapées mis en place depuis 1998, ainsi que le plan de médicalisation des maisons de retraite, témoignent de cet effort.
L'avenant concernant les cadres des établissements pour personnes handicapées était nécessaire pour permettre à ces établissements de recruter et de fidéliser des dirigeants qualifiés et compétents, compte tenu des écarts de rémunérations constatés entre les différentes conventions collectives du secteur médico-social. Au reste, la plupart des parlementaires, de tous horizons politiques, sont intervenus auprès de mes services pour demander l'agrément de cet avenant.
M. Chérioux a aussi évoqué les effets de la réduction du temps de travail dans les établissements sociaux et médico-sociaux. Les accords collectifs sur la RTT dans ces établissements doivent être équilibrés, c'est la condition nécessaire à leur agrément. Les allégements de charges sociales prévus par les deux lois relatives à la réduction négociée du temps de travail permettent, à mon sens, d'assurer cet équilibre.
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. Cela se fait au détriment des salaires et du pouvoir d'achat !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Non, je ne le crois pas.
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. Mais si !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je dispose d'éléments sur les accords qui ont été signés et je ne perçois vraiment pas les difficultés dont vous affirmez l'existence. En tout état de cause, je voudrais souligner que c'est l'équivalent de 21 000 emplois à temps plein qui devraient être créés dans l'ensemble du secteur médico-social.
Cela étant, la qualité du service reste bien entendu notre préoccupation première. Il s'agit également d'une condition à remplir pour obtenir l'agrément de l'accord de réduction du temps de travail. Je suis d'ailleurs très attentive aux difficultés éventuelles qui pourraient surgir.
Quant à la décision de certaines cours d'appel de ne pas appliquer le dispositif de validation législative adopté par le Parlement concernant les heures d'équivalence en chambre de veille, je ne peux qu'en prendre acte. Je crois savoir que les employeurs se sont pourvus en cassation. Nous verrons ce que décidera la Cour ! Quoi qu'il en soit, si des associations peuvent rencontrer des difficultés, les incidences budgétaires à l'échelon national restent limitées.
En ce qui concerne les moyens accordés au ministère, j'ai entendu le plaidoyer de M. Oudin pour une régularisation rapide des mises à disposition. Croyez que je partage ce souci, monsieur le rapporteur spécial. La situation décrite est ancienne : le ministère a recours à des personnels des hôpitaux et des caisses de sécurité sociale mis à disposition, en raison de l'inadéquation historique entre les missions de ce ministère et les moyens qui lui ont été consentis.
Vous avez reconnu, monsieur Oudin, qu'une volonté est maintenant à l'oeuvre. Ainsi, les personnels mis à disposition par les organismes extérieurs font l'objet d'un conventionnement systématique depuis avril 1999. En outre, a été mis en place un dispositif pluriannuel de régularisation réglementaire, budgétaire et financier. Il vise à créer en cinq ans les supports budgétaires nécessaires pour les personnels, en commençant par les catégories C et B ; vingt emplois sont prévus à ce titre dans le projet de loi de finances pour 2001. Il tend, en outre, à limiter le recours aux mises à disposition aux seuls apports de compétences particulières et, en ce cas, à rembourser systématiquement les organismes qui prennent en charge les personnels mis à disposition. Un chapitre spécifique porte ainsi sur ces remboursements ; il a été doté de 24,4 millions de francs dans le projet de loi de finances pour 2001.
Vous observerez, monsieur Oudin, que, pour les créations d'emploi liées à la crise de l'ESB, le Gouvernement procède de façon parfaitement régulière en créant les supports budgétaires préalablement aux recrutements et en augmentant l'enveloppe de mises à disposition de 8 millions de francs.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. J'ai vu !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Voilà ce que je souhaitais dire sur l'ensemble du projet de budget que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui, mesdames, messieurs les sénateurs. La solidarité en est la ligne directrice, et sa traduction budgétaire pour 2001 est forte.
Il me reste à remercier les rapporteurs, MM. Louis Boyer, Jean Chérioux et Jacques Oudin, de leurs travaux. J'adresse également mes remerciements aux différents intervenants, spécialement à ceux qui siègent sur les travées de la partie gauche de cet hémicycle et qui ont annoncé qu'ils voteraient ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés. Mme Guigou vient de donner l'essentiel des réponses qui étaient attendues par le Sénat, mais je voudrais répondre précisément à M. Joly.
Je tiens à vous rappeler, monsieur le sénateur, qu'un certain nombre de thèmes que vous avez évoqués ont déjà fait l'objet de réponses lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale. En outre, il m'est impossible de reprendre point par point votre intervention, qui prenait parfois la forme d'une litanie et abordait les problèmes au travers d'un prisme tout à fait particulier, ce qui me laisse à penser que vous n'attendiez pas de réponses très précises mais que vous souhaitiez plutôt dresser un constat à charge de la politique d'organisation des soins.
Je veux cependant au moins opposer un démenti formel à votre assertion selon laquelle le nombre de spécialistes diminuerait : il est complètement faux, c'est même l'évolution inverse qui est observée, en particulier à l'hôpital, monsieur le sénateur, où 10 000 postes de praticien hospitalier supplémentaires ont été créés ces dix dernières années.
Néanmoins, cela ne signifie pas que certaines restructurations ne soient pas indispensables pour garantir la sécurité et la qualité des soins offerts aux usagers et, précisément, pour éviter un certain isolement professionnel qui rend la pratique si difficile que les praticiens concernés préfèrent demander leur mutation.
Vous dénoncez cette dernière situation, monsieur le sénateur ; or elle résulte non pas d'une volonté gouvernementale, mais d'une pratique professionnelle difficile que nous souhaitons améliorer en proposant une réorganisation et des mutualisations d'expérience et de pratique professionnelles qui permettront d'assurer les médecins d'une solidarité et d'un regroupement propices à la sécurisation de leur pratique.
Cette démarche est désormais engagée dans différents secteurs, qu'il s'agisse des urgences, de la périnatalité, du plan « cancer » ou du développement des réseaux. Ces efforts que nous déployons, accompagnés par de nombreux professionnels, méritent mieux, à mon sens, que les interpellations qui ont été les vôtres, monsieur Joly.
Je voudrais maintenant évoquer plus précisément le numerus clausus . Vous avez dit que celui-ci diminuait constamment, or cela est faux : 530 places supplémentaires ont été créées depuis trois ans, dont 250 cette année, afin de porter à 4 100 le nombre de places offertes au concours en juin. Vous savez que ces dispositions ont été prises au cas par cas, de manière à pallier les déficits observés dans certaines disciplines, avant que nous ne proposions une révision du numerus clausus , laquelle est actuellement étudiée par un groupe dont j'ai annoncé la formation lors du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale et qui réunit, autour du directeur général de la santé, un certain nombre de représentants d'organisations professionnelles. Nous allons confier l'organisation de ce travail à un cabinet d'audit, qui nous rendra ses conclusions et proposera différents scénarios au printemps prochain.
Parallèlement à cette attention particulière portée par le Gouvernement ces trois dernières années à l'évolution du numerus clausus , des spécialités « sensibles » sont soutenues depuis deux ans, avec une augmentation des flux d'internes formés : il s'agit de la gynécologie, de la pédiatrie et de l'anesthésie-réanimation, pour lesquelles on peut craindre des déficits en personnels dans les années à venir, même s'ils n'apparaissent pas actuellement, je tiens à le préciser.
Par ailleurs, plusieurs mesures incitatives visent à rendre plus attractifs les postes hospitaliers - la revalorisation salariale, l'indemnité de service public exclusif, la prime multi-établissements permettant de rendre ces postes plus attrayants -, à la suite de la signature, le 13 mars dernier, de protocoles avec les organisations représentatives des praticiens hospitaliers. Ces protocoles sont aujourd'hui mis en oeuvre, en liaison avec des commissions où ces professionnels sont représentés.
S'agissant de l'hôpital de Vesoul, monsieur Joly, où des soins ne pourraient être dispensés, selon vos dires, à des insuffisants rénaux parce qu'un seul néphrologue serait disponible, je suis obligée de vous opposer un démenti formel. En revanche, dans certaines spécialités, il est exact que les malades seront mieux traités si la prise en charge s'effectue en réseau. Nous nous employons à développer cette pratique, la néphrologie étant une discipline qui permet cette organisation en réseau. De très bons exemples existent à cet égard sur l'ensemble du territoire, comme pour beaucoup d'autres pathologies chroniques, qu'il s'agisse du cancer ou de l'insuffisance cardiaque.
En ce qui concerne la prise en charge des grossesses, vous avez fait état de nombreuses difficultés de fonctionnement. Nous y apportons progressivement des remèdes, en accord avec les praticiens. Je citerai simplement à ce propos le plan « périnatalité », qui constitue la réponse à vos préoccupations en matière de sécurisation de la naissance. Toutes les régions ont désormais inséré dans l'organisation de leur offre de soins un plan de périnatalité, et les gynécologues obstétriciens, dont j'ai reçu les représentants le 24 novembre dernier, ont reconnu que c'était la seule voie possible. Ils souhaiteraient même que la réorganisation de la périnatalité aille plus vite et nous sommes confrontés très régulièrement aux interventions d'élus qui souhaitent que tel ou tel service ne soit pas fermé, alors que les praticiens ne peuvent plus y travailler dans de bonnes conditions et reconnaissent qu'ils ne peuvent pas assurer la sécurité des femmes et des enfants.
Comme vous le savez, la proximité, la sécurité et le choix du médecin sont trois exigences qui ne garantissent pas la qualité du service rendu. Il faut donc organiser correctement la périnatalité, comme nous nous sommes engagés à le faire progressivement.
Je profite de cette occasion pour rappeler que le nombre de gynécologues obstétriciens n'est pas en diminution, contrairement à ce qui est régulièrement affirmé. Cette spécialité fait l'objet d'une attention particulière de la part des pouvoirs publics, pour éviter que le nombre de praticiens régresse dans les dix années qui viennent. Nous avons pris les dispositions qui s'imposaient, et je ne reviendrai pas sur toutes les discussions qui se sont tenues, dans cet hémicycle ou à l'Assemblée nationale, à propos de la gynécologie médicale, obstétrique et chirurgicale. Je me contenterai de redire que le nouveau diplôme d'études spécialisées de gynécologie que nous venons de créer a pour objet de restaurer un enseignement spécifique de la gynécologie médicale, qui avait disparu depuis 1984. Par ce diplôme, qui est déjà mis en place et qui sera progressivement préparé par les étudiants, nous allons instaurer l'enseignement de la gynécologie à l'échelon de l'hôpital universitaire, ce qui est une nouveauté. Jusqu'à présent, en effet, les gynécologues médicaux s'installant en ville étaient des spécialistes qui avaient été formés à la gynécologie obstétrique et chirurgicale et qui avaient ensuite accompli un effort de formation personnelle.
Désormais, cette formation sera donc assurée à l'université, ce qui permettra de nommer des chefs de clinique et des professeurs, et donc, par la suite, de développer un enseignement universitaire, ce que nous ne pouvions faire jusqu'à présent faute de personnels qualifiés.
Le comité de suivi mis en place pour élaborer le contenu de cette formation est placé sous la double égide du ministère de l'éducation nationale et du secrétairariat d'Etat à la santé, et comprend des représentants de toutes les catégories professionnelles concernées. Il a estimé essentiel que les futurs gynécologues médicaux aient accès à une formation globale, à la fois obstétricale et médicale, afin de garantir qu'ils sauront répondre à tous les besoins de santé des femmes.
Je voudrais donc que vous soyez tous persuadés, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'il s'agit là d'une avancée considérable pour la santé des femmes et que c'est la meilleure solution qui a été choisie, en concertation très étroite avec l'ensemble des professionnels concernés. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous propose d'interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinq.)