SEANCE DU 28 NOVEMBRE 2000


M. le président. Nous allons maintenant examiner les articles 5, 26, 26 bis , 26 ter et 27 du projet de loi de finances ainsi que les amendements tendant à insérer les articles additionnels relatifs aux recettes des collectivités locales.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'observe avec plaisir que nous sommes nombreux à siéger cet après-midi dans cet hémicycle. Voilà qui prouve, si besoin était, que l'avenir de nos collectivités territoriales nous préoccupe beaucoup. Nous devons d'ailleurs nous réjouir que la conférence des présidents ait choisi, cette année, d'introduire dans notre débat budgétaire une discussion plus spécialement consacrée aux collectivités territoriales.
Au-delà des dispositifs fiscaux contenus dans ce projet de budget pour les collectivités locales, je souhaite, en quelques mots, souligner les raisons pour lesquelles ce débat est important et la nécessité de nous situer dans une perspective de consolidation des finances publiques.
L'idée maîtresse est de permettre au Sénat, dont c'est la vocation constitutionnelle, de débattre dans la plus grande clarté de l'évolution des recettes et des concours financiers de l'Etat aux collectivités locales.
Comment, aujourd'hui, appréhender cet ensemble de manière globale ?
Dans les articles de la première partie du projet de loi de finances, dont nous débattons actuellement, nous nous prononçons sur les modifications apportées au régime des impôts locaux et nous décidons des modifications, à la marge, de certaines dotations.
En deuxième partie, nous examinons les crédits du ministère de l'intérieur, qui s'élèvent à environ 50 milliards de francs. Mais, lors de la discussion des charges communes, peut-être n'observons-nous pas avec suffisamment d'attention l'évolution du montant des dégrèvements d'impôts locaux, alors que nous votons pourtant plus de 60 milliards de francs de dépenses en faveur des collectivités locales.
Pour trouver les concours de l'Etat aux collectivités locales, il faut partir à leur recherche dans les documents budgétaires ; ce sont les prélèvements sur les recettes de l'Etat à leur profit : 207 milliards de francs dans ce budget pour 2001, dont 115 milliards de francs pour la seule dotation globale de fonctionnement, la DGF.
Sans toujours nous en rendre suffisamment compte, nous nous prononçons sur ces crédits par l'article d'équilibre. Faisons en sorte désormais que notre vote devienne plus explicite afin que les enjeux apparaissent avec plus de force, et je parle sous le contrôle de M. Fourcade, président du comité des finances locales.
Nous tenons chaque année un débat sur le prélèvement au profit de l'Union européenne. Un débat de même type s'impose désormais pour les concours de l'Etat aux collectivités locales. C'est pourquoi j'ai souhaité, lors de la conférence des présidents, que ce débat se tienne aujourd'hui.
Ne continuons plus à aborder les concours de l'Etat de manière aussi fractionnée. L'heure de la consolidation des comptes a sonné !
Seule une approche globale permet, par exemple, de constater qu'en 2001 l'Etat consacrera plus d'argent au financement de la fiscalité locale qu'aux dotations de fonctionnement et d'équipement allouées auxdites collectivités. En d'autres termes, les dépenses « passives » ont désormais pris le pas sur les dépenses « actives ».
Sans entrer dans le domaine réservé du rapporteur général, je souhaite vous faire part, madame la secrétaire d'Etat, des deux remarques que m'inspire ce constat.
Première remarque : la transformation des impôts locaux en dotations budgétaires s'apparente au fond à une fuite en avant. Supprimer les impôts locaux, c'est comme recruter des fonctionnaires supplémentaires : l'Etat se lie les mains pour des dizaines et des dizaines d'années, en créant des dépenses de fonctionnement incompressibles qui poseront d'insurmontables problèmes lorsque la conjoncture se retournera et qu'il deviendra impératif de réduire les dépenses publiques pour éviter une dégradation du déficit.
Seconde remarque : l'archaïsme des impôts locaux se résoudra non pas en supprimant des morceaux d'impôts, mais en les réformant ! Vos initiatives en matière de fiscalité locale ont déjà coûté cher au budget de l'Etat. Or cet argent aurait été mieux employé au financement de vrais transferts de ressources, dans le cadre d'une vraie réforme en profondeur de la fiscalité locale.
Je voudrais conclure mon propos en insistant sur un point, technique, j'en conviens, mais très important dans la perspective du dialogue que nous aurons, dans les mois à venir, avec l'Assemblée nationale.
Je me réjouis que ce débat « panoramique » sur les concours de l'Etat aux collectivités locales se tienne à l'occasion du volet « recettes » du budget, dans cette première partie de la loi de finances. Je considère en effet que les prélèvements sur recettes doivent être le mode normal de financement par l'Etat des collectivités locales, et ce pour deux raisons.
Tout d'abord, s'agissant de la prise en charge par l'Etat de la fiscalité locale, le prélèvement sur recettes permet de mettre en évidence que les allégements d'impôts locaux décidés par l'Etat constituent en réalité des transferts de charge du contribuable local vers le contribuable national.
Par ailleurs - c'est la seconde raison - les dotations de fonctionnement et d'équipement sont des ressources destinées à financer des compétences qui ne sont pas celles de l'Etat. Il est donc logique qu'elles n'apparaissent pas dans les dépenses de l'Etat, mais qu'elles viennent en minoration de ses recettes.
Mais nous en reparlerons, puisque, comme vous le savez, je serai conduit vraisemblablement à proposer, au nom du Sénat, de consacrer les prélèvements sur recettes dans la loi organique relative aux lois de finances dont le Parlement, je l'espère, débattra bientôt.
Tels sont, en ouverture de ce débat sur les collectivités territoriales, les points sur lesquels je me devais, dans ma fonction, d'insister auprès de vous, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, c'est une excellente chose que ce débat, qui nous permet d'avoir une vision d'ensemble de l'évolution des concours de l'Etat aux collectivités territoriales. Nous voudrions que ce soit aussi l'occasion pour le Gouvernement de donner des réponses claires et précises à nos préoccupations.
Je commencerai ce bref propos par deux remarques.
En premier lieu, nous constatons dans ce budget que les crédits dont nous allons débattre sont en forte augmentation : ils progressent en effet de 44 milliards de francs. Compte tenu de l'attachement que la commission des finances éprouve, bien sûr, pour la maîtrise des dépenses publiques, nous accordons une attention soutenue à cette progression, qui représente une fois et demie le budget de la justice. Pourquoi ces crédits augmentent-ils autant ? Quel est l'intérêt pour l'Etat de consentir à une telle dépense ? Nous nous efforcerons, bien sûr, de répondre à ces questions.
En second lieu, la Haute Assemblée doit exercer sa prérogative constitutionnelle de représentation des collectivités territoriales.
Nous l'avons constaté à de nombreuses reprises, mes chers collègues, du point de vue des collectivités locales, les concours financiers que l'Etat leur verse augmentent moins vite que les charges qu'il leur impose. Nous voyons donc, dès le départ, se manifester une contradiction entre ce que l'on éprouve en tant que gestionnaire local et ce que l'on ressent en observant dans le budget de l'Etat la progression de 44 milliards de francs des crédits.
Pour avancer dans l'analyse, je voudrais à présent vous donner deux exemples.
Premier exemple : entre la loi de finances pour 1998 et la loi de finances pour 2000, la dotation globale de fonctionnement n'a augmenté que de 5,7 milliards de francs. J'ouvre à présent le « jaune » budgétaire sur les rémunérations dans la fonction publique annexé au présent projet de loi de finances et je découvre que l'accord salarial dans la fonction publique du 10 février 1998 a représenté, à lui tout seul, 10 milliards de francs en trois ans à la charge des collectivités locales.
Ainsi, la totalité de l'augmentation de la DGF entre 1998 et 2000 n'a même pas permis de financer le coût de cet accord salarial.
Je prendrai un second exemple, toujours pour planter le décor : celui des services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS.
Un sénateur du RPR. Très bon exemple !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le ministre de l'intérieur nous a annoncé récemment qu'un projet de loi relatif à l'organisation et au financement de ces services serait examiné en 2001.
C'est évidemment indispensable, car nous savons bien que la situation actuelle n'est pas tenable. La multiplication des circulaires administratives fait exploser, en ce domaine, les contributions demandées à nos collectivités.
De plus, les pompiers - et c'est aussi un point important - sont souvent obligés de pallier l'insuffisance des moyens de transport sanitaire. Ces interventions, outre qu'elles détournent les pompiers de leurs missions, sont à la charge des budgets des SDIS, donc des collectivités territoriales qui les financent. Ce financement est réalisé au détriment des dépenses d'équipement.
Il est donc urgent, mes chers collègues, de revoir les modalités de financement des SDIS et, à tout le moins, de prévoir des dispositifs leur permettant de bénéficier d'une compensation financière pour les opérations qu'ils effectuent en dehors des missions qui leur sont confiées par la loi.
En commission des finances, le ministre de l'intérieur, M. Vaillant, a indiqué que l'Etat n'avait pas l'intention de se désengager en matière de financement des SDIS. Madame le secrétaire d'Etat, confirmez-vous cet engagement ? Votre collègue ministre de l'intérieur a également déclaré que l'autorité qui paie devait avoir un rôle accru en matière de prise de décision. En êtes-vous d'accord ?
Par ailleurs, le rapport de notre collègue député M. Fleury évoque des pistes pour la diversification des moyens de financement des SDIS, notamment des contributions des agences régionales de l'hospitalisation. Madame le secrétaire d'Etat, partagez-vous cette orientation ?
Après avoir exposé ces deux exemples, j'en reviens à mon propos initial.
Comment expliquer le décalage qui existe entre la forte progression des dépenses de l'Etat en faveur des collectivités locales, d'un côté, et l'insuffisante progression des dotations reçues par nos collectivités, de l'autre ?
A la vérité, l'explication est simple, mes chers collègues : le Gouvernement utilise la quasi-totalité des crédits dégagés par les collectivités locales au remplacement des impôts locaux par des compensations budgétaires. Entre 2000 et 2001, 85 % de l'augmentation de l'effort de l'Etat - dont je vous ai dit qu'il représentait 44 milliards de francs - sont absorbés par le remplacement des impôts locaux ; la progression des dotations n'est plus que de 6,4 milliards de francs sur ce total de 44 milliards de francs.
Le montant des compensations d'exonérations fiscales a triplé en trois ans, passant de 30 milliards de francs à 92 milliards de francs.
Abordons à présent les choses du point de vue des gestionnaires des budgets locaux.
Vous le savez, madame le secrétaire d'Etat, le Sénat est attaché à trois principes dans ce domaine des finances locales : l'association de nos collectivités au fruit de la croissance, la péréquation pour plus d'équité, la libre administration des collectivités territoriales.
Sur le premier point - et je pense que tous peuvent souscrire à ce principe - que nous propose le présent projet loi de finances ? Rien de nouveau, madame le secrétaire d'Etat ! Ce projet applique les décisions prises antérieurement et, comme le prévoit la loi de finances de 1999, l'enveloppe normée des concours de l'Etat aux collectivités locales évoluera en fonction d'un indice complexe qui prend en compte 33 % du taux de croissance du produit intérieur brut de l'année 2000.
Pour nous, il faudrait que ce soit 50 % et non pas 33 %, car 50 %, cela permettrait de « plafonner » l'augmentation du montant de la dotation de compensation de la taxe professionnelle si les autres composantes de l'enveloppe normée évoluaient de manière vraiment dynamique, tout en ne privant pas les collectivités locales d'une évolution du montant de leurs dotations reflétant leur participation réelle à la croissance globale de l'économie nationale.
Rien de nouveau, ai-je dit ? Pas tout à fait ! Le ministre de l'intérieur a annoncé le report d'un an de l'entrée en vigueur du nouveau contrat - ou prétendu tel - de croissance et de solidarité.
Nous prenons acte avec regret de cette rupture avec la règle des contrats triennaux. Ainsi, madame le secrétaire d'Etat, quid de l'année de transition, l'année 2002 ? Quel sera le taux d'indexation de l'enveloppe normée en 2002 ?
M. René-Pierre Signé. En 2002, vous aurez encore perdu les élections !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je parle des budgets des collectivités territoriales en 2002, mais peut être cela ne vous intéresse-t-il pas, mes chers collègues ! Je pose une question très précise à Mme le secrétaire d'Etat, et je crois que je suis dans le rôle qui m'a été confié par la commission des finances.
M. Jean-Pierre Fourcade. Tout à fait !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Madame le secrétaire d'Etat, pouvez-vous nous dire dès aujourd'hui quel sera ce taux d'indexation en 2002, puisque le principe d'un contrat pluriannuel consiste précisément à annoncer à l'avance ce que l'on va faire ?
Sur le deuxième point - la péréquation - que nous propose le projet de loi de finances pour 2001 ?
Rien, mes chers collègues ! Je constate que le Gouvernement consent en 2001 un effort financier « hors DGF » en faveur de la DSU et de la DSR inférieur à celui de 2000. Au mieux, la dotation de solidarité urbaine devrait augmenter de 0,18 %.
Comme en 2000, le financement de l'intercommunalité nécessitera une ponction sur la DCTP car, malgré l'augmentation de 700 millions de francs du financement hors DGF des communautés d'agglomération, les sommes prévues sont encore nettement insuffisantes.
Tout à l'heure, la commission vous présentera des amendements qui sont pour la plupart destinés à éviter que les mesures en faveur des collectivités défavorisées soient financées par transfert au détriment d'autres collectivités.
M. Jean-Pierre Fourcade. Merci !
M. Philippe Marini, rapporteur général. J'observe également que les contrats de plan Etat-région qui ont été signés récemment ne prennent pas en compte la logique péréquatrice. On n'a pas réservé un sort particulier aux régions les plus en difficulté, à celles qui ont les ressources les plus limitées.
Le Gouvernement invoque généralement les effets péréquateurs des suppressions d'impôts locaux, mais, lorsqu'il s'agit de ses propres deniers, il hésite, il répugne à péréquer, et nous le regrettons vivement.
Le troisième point, mes chers collègues - et peut-être le plus essentiel - concerne la libre administration des collectivités locales. Il n'y a pas, selon nous, de libre administration sans autonomie fiscale !
M. Louis de Broissia. Bravo !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous avons adopté, le 26 octobre dernier, une proposition de loi constitutionnelle, sur l'initiative de M. Christian Poncelet, qui réaffirme ce principe et cette conviction. Nous en tirerons, bien entendu, les conséquences, dans les amendements de la commission des finances que nous allons examiner tout à l'heure, en refusant en particulier que la vignette soit compensée par une dotation budgétaire.
M. Louis de Broissia. Tout à fait !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous préférons transférer aux départements trois impôts aujourd'hui perçus par l'Etat. Ces nouvelles ressources dont bénéficieraient les départements sont la taxe sur les véhicules de société, les droits d'enregistrement sur les cessions de fonds de commerce et les droits de mutation à titre gratuit entre vifs, c'est-à-dire sur les donations.
Ces trois impôts nous paraissent correspondre à l'esprit de la fiscalité transférée, puisque leurs assiettes ne sont pas sans lien avec celle des impôts transférés en 1984.
Je ne vous cache pas, madame le secrétaire d'Etat, que nous aurions préféré transférer aux départements un grand impôt moderne. Malheureusement, les quelques impôts de ce type qui existent sont difficilement « transférables ». C'est dire s'il est urgent de moderniser, de réexaminer de manière globale notre système fiscal et de faire preuve dans ce domaine d'imagination, de cette imagination qui, hélas ! fait vraiment défaut dans le projet de loi de finances pour 2001.
M. René-Pierre Signé. Oh !
M. Philippe Marini, rapporteur général. La pérennité de l'autonomie fiscale des collectivités locales, à laquelle même la commission présidée par notre collègue Pierre Mauroy s'est déclarée attachée, est à ce prix.
Madame le secrétaire d'Etat, la libre administration des collectivités locales, c'est l'autonomie fiscale, mais ce n'est pas que l'autonomie fiscale : c'est également plus de souplesse dans la réglementation et nous savons bien que, de ce point de vue, beaucoup de progrès sont à faire. Par exemple, aujourd'hui, l'utilisation par les élus locaux de la dotation globale d'équipement n'est pas encore soumise aux dispositions du décret du 16 décembre 1999, qui permet de commencer les travaux avant la date à laquelle le dossier est complet. Comment s'explique ce retard ? Quand sera-t-il comblé ?
Enfin, mes chers collègues, la libre administration des collectivités locales, c'est permettre aux élus locaux d'exercer leur mandat dans de bonnes conditions. Faute d'un véritable statut de l'élu, nous savons tous, par nos contacts locaux sur le terrain, que la crise des vocations s'accentuera. A cet égard, le Sénat doit continuer ses efforts pour offrir aux conseils municipaux la faculté de réduire les distorsions de traitement entre les maires, dont les indemnités ont été revalorisées, et leurs adjoints, qui ont été exclus de la revalorisation.
M. Jacques Chaumont. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il est également temps de clarifier la nature juridique des indemnités de fonction perçues par les élus locaux.
La prise en compte de ces indemnités de fonction dans le calcul des revenus déterminant le bénéfice de certaines prestations sociales a pu placer certains de nos collègues élus locaux dans des situations financières ou juridiques délicates. Il ne faudrait plus que le dévouement de certains à la chose publique puisse ainsi les pénaliser financièrement.
Les règles applicables en matière de recevabilité financière des amendements parlementaires, selon l'ordonnance de 1959, nous interdisent de prendre toutes les initiatives que nous souhaiterions en ce domaine, mais n'entament pas notre vigilance et notre détermination sur tous ces points.
Il y a encore beaucoup à faire, mes chers collègues, pour pavernir à la République territoriale que nous appelons de nos voeux et que les élus locaux sont prêts à construire si on leur en donne les moyens. L'Etat y est-il prêt pour ce qui le concerne ?
Au vu des dispositions du présent projet de loi de finances pour 2001, dont nous allons débattre, j'en doute beaucoup ! C'est dommage, car la décentralisation ne peut fonctionner que dans le cadre d'un dialogue confiant entre l'Etat et nos collectivités locales.
M. René-Pierre Signé. Vous avez voté contre !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mais ne doutons pas, mes chers collègues - en tout cas, nous l'espérons - que les rapports annoncés par le Gouvernement pour 2001 iront dans le bon sens.
En tout cas, madame le secrétaire d'Etat, nous serons particulièrement attentifs aux réponses que vous voudrez bien apporter à l'ensemble de ces préoccupations. (Très bien ! et applaudissement sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 25 minutes ;
Groupe socialiste, 22 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 18 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 17 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 13 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
La parole est à M. de Broissia.
M. René-Pierre Signé. Dix minutes pour la Bourgogne !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vive la Bourgogne !
M. Louis de Broissia. Merci pour la Bourgogne !
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, aujourd'hui est un jour inédit dans notre vie parlementaire puisque, pour la première fois dans le cadre de la discussion budgétaire, des recettes des collectivités locales seront abordées globalement. Je tiens à saluer cette heureuse initiative après celle qu'ont rappelée le président de la commission des finances, Alain Lambert, et son rapporteur général, Philippe Marini, avec la proposition de loi défendue ici même par notre président, Christian Poncelet.
Madame le secrétaire d'Etat, nous sommes à l'heure où les transferts de compétences sont appréciés par les collectivités locales parallèlement au désengagement de l'Etat qui les frappe. Les congrès des maires de France, des départements de France, des régions de France ont pu mettre en valeur que le coût des compétences transférées avait augmenté de 111 %, alors que les recettes transférées n'avaient augmenté que de 39,6 % en dix ans, de 1987 à 1996.
Nous sommes donc dans une situation absurde - que ni le Gouvernement ni le Parlement ne doivent encourager - d'un Etat qui encourage les collectivités locales à assumer de plus en plus de compétences sans les accompagner d'un tranfert de ressources équivalent.
J'ajoute que proposer, comme le fait le Gouvernement, des mesures et des réformes législatives s'empilant les unes sur les autres est très difficile à gérer.
Pourtant, nous le savons bien, communes, départements et régions sont les véritables acteurs de la vie quotidienne des Français. Education, action sociale, aide entre les générations, transports urbains, sécurité, environnement, culture, sport sont autant de domaines d'intervention dans lesquels nos collectivités locales effectuent un travail de qualité reconnu et apprécié.
Or nous constatons aujourd'hui que, si les concours de l'Etat progressent, ils se trouvent éclatés entre différentes dotations particulièrement fluctuantes. Nous connaissons tous la DGF, la dotation globale de fonctionnement, la DGD, la dotation générale de décentralisation, et la DGE, la dotation globale d'équipement.
D'un côté, nous avons des compensations de l'Etat qui répondent de moins en moins aux besoins des collectivités locales, de l'autre, des suppressions d'impôts directs locaux qui pénalisent sans conteste l'action des collectivités.
Dois-je rappeler la suppression des parts régionale et départementale de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, la suppression de la taxe additionnelle régionale aux droits de mutation à titre onéreux, la réforme de la taxe professionnelle ou encore la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation ?
Nous assistons donc à une défiscalisation des budgets locaux et, aujourd'hui, la part des recettes fiscales dans les budgets de fonctionnement des départements, par exemple, est passée de 70 % à 54 %. En d'autres termes, les contribuables locaux paient de plus en plus souvent selon non pas une volonté locale, mais une volonté nationale.
Où est l'encouragement à l'initiative locale ? Nous le savons, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les collectivités locales ne disposent que sur les seuls impôts d'une réelle marge de manoeuvre.
Le rapport de notre collègue Pierre Mauroy a constaté une contradiction - et tous les commissaires, quelle que soit leur appartenance politique, l'ont soulignée - entre la pratique gouvernementale et « l'incantation » - le mot est de Pierre Mauroy - à la décentralisation. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : depuis 1997, mes chers collègues, les collectivités locales ont perdu près de 80 milliards de francs de produit fiscal. C'est une somme considérable !
A cet égard, nous devons avouer que, pour le moment, l'affirmation du principe de la compensation concomitante et intégrale des charges de l'Etat et la reconduite d'un pacte de confiance ne nous rassurent pas outre mesure. Je vais vous donner un exemple, madame le secrétaire d'Etat : la dotation d'équipement des collèges représente, pour mon département, 12 millions de francs, alors que nous consacrerons parallèlement aux mêmes collèges 100 millions de francs au titre des investissements. C'est vous dire l'écart qui existe avec les compensations prévues !
Il faut le reconnaître, si les signes alarmants de la recentralisation de la fiscalité locale sont connus, nous avons atteint aujourd'hui, avec la suppression unilatérale et brutale de la vignette, des sommets qui vous permettront incontestablement, madame le secrétaire d'Etat, de figurer au livre des records ubuesques !
La suppression de la vignette - et cela a été souligné par M. le rapporteur général - a été décidée par un gouvernement qui, au plus chaud de l'été, craignait les réactions virulentes et légitimes des Français devant la montée des prix des carburants.
Il fallait lâcher la pression, madame le secrétaire d'Etat, or le Gouvernement a lâché les départements, et de quelle façon !
M. René-Pierre Signé. Il y a compensation !
M. Louis de Broissia. Attendez, nous allons revenir sur la compensation !
M. Claude Estier. Cela avait été envisagé avant !
M. le président. Ne vous laissez pas distraire, monsieur de Broissia.
M. Louis de Broissia. Monsieur le président, j'essaie d'entendre les propositions intelligentes qui seraient émises dans l'hémicycle, d'où qu'elles viennent !
Le Gouvernement a donc lâché les départements, et de quelle façon ! En effet, les départements étaient les seuls bénéficiaires du produit de cette taxe, transféré à leur profit par la loi du 7 janvier 1983. Nous l'avons souligné : la méthode est détestable. J'ai eu l'occasion de le dire vingt fois, nous espérions le répéter devant M. Laurent Fabius lors de nos congrès divers et variés, mais nous ne l'avons pas vu. Certes, il n'aurait pas entendu des choses agréables !
La suppression des recettes départementales est décidée en cours d'exercice budgétaire. Le conseil général que je préside avait hier, madame le secrétaire d'Etat, ...
M. René-Pierre Signé. Les présidents de conseil général ne sont pas contents, mais les habitants sont contents !
M. Louis de Broissia. Si vous m'écoutiez, monsieur Signé, peut-être pourriez-vous entendre la fin de ma phrase !
... un débat d'orientation budgétaire. Pour la première fois de ma vie, je n'ai pu dire à mes collègues - alors que la loi nous l'impose - si nous bénéficierions ou non d'une compensation et quelle vignette sera encaissée.
Le degré d'improvision est tel, mes chers collègues - mais nous le savons bien ! - que les planches de vignettes du millésime 2001 sont déjà imprimées et mises en vente.
Pour couronner le tout, cette disposition aura un effet rétroactif, compte tenu du calendrier spécifique applicable à la taxe différentielle sur les véhicules à moteur, comme l'explique très bien le rapport de M. Marini. En effet, la période d'imposition de la vignette débute le 1er décembre, date à laquelle la loi de finances ne sera pas encore promulguée.
M. Jacques Chaumont. Tout à fait !
M. Louis de Broissia. Que devront donc faire les propriétaires de véhicules à compter de vendredi prochain ? C'est une question précise, madame le secrétaire d'Etat ! Devront-ils s'acquitter d'une taxe qui ne sera, finalement, que virtuellement supprimée ?
La méthode est donc inacceptable, et la suppression de la vignette et les conséquences qu'elle entraîne sont désastreuses sur le plan du principe budgétaire.
M. Claude Estier. Vous voulez rétablir la vignette ?
M. Louis de Broissia. Je crois que M. Estier ne veut pas m'écouter !
En Côte-d'Or, département dont j'ai l'honneur de présider le conseil général, le manque à gagner s'élève aujourd'hui à 126 millions de francs ! J'ai demandé à mes collègues conseillers généraux la tenue d'un débat d'orientations budgétaires, comme le veut la loi, en dépit de ces imprécisions.
Si, en tant que contribuable, je ne peux que me réjouir de la disparition d'un impôt - en l'occurrence, il faut cependant avoir à l'esprit que si le contribuable local ne paiera plus de vignette, le contribuable national la paiera, puisqu'il y a compensation -, je redoute la suppression d'une recette fiscale essentielle pour la vie de mon département.
M. Serge Vinçon. Tout à fait !
M. René-Pierre Signé. Cela ne mécontente que les présidents de conseil général ! C'est n'importe quoi !
M. Louis de Broissia. Bien entendu, le Gouvernement et la majorité qui le soutient - qui forme ici la minorité - nous promettent que cette perte de revenu sera compensée à due concurrence, et même - je l'ai lu - que les départements seront remboursés au franc le franc. Or, madame le secrétaire d'Etat, nous avons déjà entendu un tel discours. Puis-je vous rappeler à nouveau que, aujourd'hui, en Côte-d'Or, la dotation d'équipement des collèges s'élève à 12 millions de francs, alors que le département investit 100 millions de francs ? Est-ce la compensation que vous nous proposez pour les années à venir ? Madame le secrétaire d'Etat, pensez-vous avoir affaire à des dupes ou à de sottes gens ? Nous le savons tous ici, les départements ne s'y retrouveront pas.
D'ailleurs, comment le pourraient-ils ? Comment ces compensations pourraient-elles être intéressantes, alors qu'il faudrait pouvoir disposer de recettes dont l'évolution ne peut être déterminée qu'en fonction des investissements que nous aurons à financer ? Comment anticiper dès aujourd'hui une telle évolution ? Pour la vignette automobile, nous savons que la compensation se fera sur la base des immatriculations de 2000 et des taux votés par les conseils généraux pour 2001.
Cette situation m'inspire plusieurs remarques de bon sens.
Quid du remboursement si le parc de véhicules du département connaît, dans les mois et les années à venir, une forte augmentation ? Je conçois, madame le secrétaire d'Etat, qu'il vous soit difficile de répondre à cette question : comment, en effet, compenser une recette fiscale qui est susceptible d'évoluer ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Eh oui ! Excellente question !
M. Louis de Broissia. Par ailleurs, comment prévoir dorénavant le financement de futurs investissements ? Les collectivités françaises réalisent les trois quarts des investissements publics de notre pays. Cela est dû pour partie à leur capacité d'investissement, donc à leur capacité de lever l'impôt.
Enfin, les élèves vertueux seront pénalisés, puisque les départements qui fixaient le prix de la vignette au niveau le plus bas seront remboursés au tarif le plus bas. Nous le savons, la suppression de la vignette a été décidée pour des raisons politiques, et je suggérerai, par voie d'amendements symboliques et peu coûteux, que Bercy soit prochainement doté de deux postes budgétaires.
Le premier serait consacré au financement d'une ligne téléphonique « verte » branchée en permanence sur l'Association des maires de France, l'Assemblée des départements de France et celle des régions, puisque Bercy semble ignorer nos coordonnées téléphoniques. (M. Signé proteste.) Nous n'avons en effet reçu aucune lettre !
Le second poste budgétaire permettrait de financer les services d'un coursier affecté à la distribution du courrier que vous souhaiteriez, le cas échéant, adresser aux trois associations que j'ai évoquées.
En attendant, mes chers collègues, dois-je appeler officiellement tous les Français à refuser aujourd'hui de payer la vignette ? En Côte-d'Or, madame le secrétaire d'Etat, elle a été commandée pour les seuls dix-sept véhicules de la préfecture. Que dois-je dire aux autres possesseurs de véhicules ?
J'espère - et ce sera ma conclusion - que vous pourrez apporter des réponses convaincantes aux questions que nous vous posons légitimement aujourd'hui. Vous l'aurez compris, les collectivités locales, acteurs économiques essentiels de notre pays, sont préoccupées par la légèreté dont l'Etat fait preuve en matière de compensation financière. (Protestations sur les travées socialistes.)
M. Paul Loridant. Vous avez la mémoire courte !
M. Philippe Marini, rapporteur général. « Légèreté » est un mot faible, d'ailleurs !
M. Louis de Broissia. Les principes mêmes de la décentralisation sont remis en cause par la politique de « lâchage » du Gouvernement laissant les collectivités locales dans un état de dépendance de plus en plus dangeureux.
Je remercie de leur attention tous mes collègues, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent. (Applaudissement sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, quelle occasion perdue ! Or, monsieur le président de la commission des finances, je ne pense pas à l'organisation de ce débat, qui est bienvenu. Cette discussion préfigure en effet, à mon sens, l'un des grands débats que devrait permettre une ordonnance organique rénovée, celui qui est relatif au partage des ressources fiscales entre l'Etat, les collectivités locales et la sécurité sociale.
En effet, au-delà des catégories juridiques, l'ensemble des prélèvements, dotations globales, dégrèvements d'impôts locaux affectés à nos collectivités atteindra, dans le projet de loi de finances que nous examinons, 338 milliards de francs, et absorbera 22 % des recettes de l'Etat. Ce chiffre se rapproche dangereusement du montant des impôts locaux, qui devrait, si j'en crois le rapport économique et financier présenté par le Gouvernement, avoisiner les 400 milliards de francs.
Mais c'est une occasion perdue pour le Gouvernement d'entamer cette année la nécessaire réforme d'un système financier local devenu incompréhensible et qui se trouve même presque, sous certains de ses aspects, en voie de décomposition : des impôts locaux dont les bases n'ont pas été révisées pour certaines d'entre elles depuis trente ans, des dotations qui sont réparties en fonction d'un potentiel fiscal qui n'a plus grand-chose à voir avec la réalité, des dégrèvements qui servent plutôt de « rustines » à un système fiscal à bout de souffle, et des compensations d'exonérations qui s'étiolent, à l'image de la dotation de compensation de la taxe professionnelle.
Or, madame le secrétaire d'Etat, vous disposiez des moyens financiers et du calendrier politique adéquats pour mener à bien cette réforme, ou tout au moins pour l'engager.
S'agissant des moyens financiers - car une réforme ne peut pas être réalisée sans moyens, ne serait-ce que pour compenser les transferts inéluctables de charges -, si la vignette n'avait pas été supprimée au dernier moment, vous auriez pu, grâce à la croissance, disposer de 12 milliards de francs pour procéder à la réforme des bases des impôts locaux, y compris celle des logements HLM. Mais vous avez préféré à cette réforme à long terme une solution de facilité, qui fait évidemment plaisir aux automobilistes...
Vous disposiez également des moyens politiques nécessaires, car la réforme proposée ne pourrait s'appliquer de façon progressive qu'après les municipales, et donc sans risques politiques. Or nous savons tous que cette réforme se fera sur le fondement des propositions de consensus formulées voilà quelques années par le comité des finances locales.
J'ajouterai que vous auriez bénéficié d'un environnement conjoncturel favorable, dont profitent d'ailleurs les collectivités locales, puisque leurs dotations sous enveloppe croîtront de 2,3 % et la DGF de 2,9 %, beaucoup plus en raison, il est vrai, de la hausse des prix - les collectivités locales bénéficient davantage de la hausse du prix du pétrole, pour une fois ! - que d'une intégration insuffisante, comme le disait excellemment M. le rapporteur général, du taux de croissance dans le mécanisme d'indexation.
En l'absence d'une vision globale, vos choix, madame le secrétaire d'Etat, ne résolvent finalement que des problèmes ponctuels, et ce imparfaitement, et s'apparentent parfois, sous certains aspects, à un bricolage fiscal qui ébranle plus qu'il ne consolide l'édifice d'ensemble.
Il en est ainsi, tout d'abord, des mesures concernant la taxe foncière sur les propriétés bâties, qui, jusqu'à présent, à la différence de la taxe d'habitation et de la taxe professionnelle, avait échappé au « grignotage » infernal des abattements et des dégrèvements.
Bien sûr, l'effet d'annonce d'un dégrèvement de 500 francs pour les personnes âgées n'étant pas assujetties à l'impôt sur le revenu ou d'un abattement de 30 % pour les HLM situées en zone urbaine sensible ne laisse personne insensible, et ce pour un coût relativement modeste. Mais je pose la question suivante : n'aurait-il pas mieux valu porter le fer dans la plaie en réformant les bases, en particulier celles des HLM ? Beaucoup d'injustices cachées auraient alors pu être réduites.
De plus, mes chers collègues, on ne peut pas vouloir à la fois l'autonomie fiscale et son contraire, à savoir la substitution de l'Etat au contribuable local. Il faut choisir, c'est une question de cohérence.
Il en est ainsi de tous ces abondements exceptionnels - on les qualifie d'abondements extérieurs à la DGF - qui permettront, il est vrai, de stabiliser la dotation de solidarité urbaine et d'éviter que la dotation de compensation de la taxe professionnelle ne soit une nouvelle fois victime du succès justifié des communautés d'agglomération. Comme l'a dit de façon imagée M. le rapporteur général, il ne faut pas que la péréquation mange la péréquation !
Mais, à mon avis, là n'est pas l'essentiel. Tous les élus le savent bien : le socle des dotations est non pas la DSU ou la DCTP, mais la dotation forfaitaire qui représente 90 % du montant de la DGF. Or elle ne progresse qu'à hauteur de la moitié du taux moyen de la DGF, et sa répartition aujourd'hui est pour beaucoup le fruit de l'histoire. Permettez-moi de citer un exemple à cet égard : les deux villes qui bénéficient de la plus forte DGF par habitant - je n'ai rien contre elles ! - sont Vichy et Lourdes, avec environ 3 500 francs par habitant. Comme chacun sait, cet avantage provient du fait que, avant 1968, ces villes bénéficiaient d'une taxe locale sur certaines prestations de services au taux de 8,50 %. Cela a-t-il encore quelque chose à voir avec les besoins actuels des collectivités locales ? Naturellement, je ne me permettrai pas de trancher !
De façon très générale, la DGF ne reflète plus les besoins actuels des communes. Parler de péréquation, comme on le fait à juste titre, ne veut pas dire que l'on doive se taire sur l'évolution des besoins.
Nous savons tous, madame le secrétaire d'Etat, que les communes qui ont connu la plus forte croissance démographique sont parmi celles qui ont la plus faible DGF par habitant. C'est mécanique ! Pour elles, l'Etat n'a pas fait son devoir.
Ainsi en est-il finalement de la suppression de la vignette. Il faut tendre, nous dit-on, vers une certaine spécialisation des impôts locaux. C'était le cas de la vignette affectée aux conseils généraux, tout le monde connaissait les responsables. Il faut, nous dit-on aussi, que l'autonomie fiscale permette l'envoi de bons signaux aux contribuables électeurs ; que les taux baissent lorsque les dépenses des départements diminuent ; que les taux augmentent si une politique inverse de dépense est choisie. C'était le cas avec la vignette. Cette situation permettait effectivement de mettre en cause la responsabilité politique d'élus clairement désignés. N'oublions pas malgré tout - cela semble l'avoir été complètement - que la vignette finançait d'abord la voirie départementale, un des grands postes du budget des départements.
Avant de la condamner définitivement et aussi rapidement, il aurait fallu au moins savoir par quoi la remplacer. La commission des finances, mise au pied du mur, fidèle à sa logique - et elle a sans doute raison - nous propose de nouveaux impôts locaux.
Mais nous savons très bien que le remplacement d'un impôt local, aussi imparfait soit-il, par un ou deux impôts nationaux est un travail ingrat et difficile. Vous le savez aussi, mes chers collèges socialistes : vous avez rencontré le même problème en 1983-1984 !
La remplacer par la DGD, nous propose le Gouvernement. Mais alors, c'est un pas de plus dans le processus infernal des compensations forfaitaires, qui pénalise les bons gestionnaires et avantage définitivement les dépensiers. A tout prendre, il aurait peut-être mieux valu conserver l'invention de Paul Ramadier, en attendant que d'autres définissent un meilleur impôt pour les départements et les régions. (M. René-Pierre Signé s'exclame.)
Mes chers collègues, ce budget n'est peut-être pas calamiteux, mais c'est un budget de résignation et non un budget de réforme.
Nous devons reconstruire un système financier devenu incohérent et injuste. Je vois, madame le secrétaire d'Etat, que vous n'avez pas pris ce chemin. Je le regrette, car c'est une occasion perdue qui ne se représentera pas. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Très bien !
M. René-Pierre Signé. Négatif !
M. le président. La parole est à M. Bourdin.
M. Joël Bourdin. M. le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pour la première fois cette année, nous discutons de façon groupée les articles de la première partie de la loi de finances relatifs aux recettes des collectivités locales. Nous ne pouvons que nous féliciter, d'autres l'ont dit avant moi, de cette initiative qui permet au Sénat, représentant des collectivités locales, de continuer de traiter avec précision des finances locales.
Il s'agit de cinq articles concernant la suppression de la vignette automobile, le financement des communautés d'agglomération, la compensation de la taxe professionnelle et divers allégements de taxes.
Je ne parlerai pas ici de chacun de ces articles, puisque nous le ferons dans la suite de la discussion. Je me contenterai de développer trois orientations qui me paraissent être un préalable indispensable pour une fiscalité locale juste et stable.
Il s'agit d'abord de redonner une base saine aux relations financières entre l'Etat et les collectivités ; ensuite, il convient d'équilibrer les dotations entre les différentes collectivités locales ; enfin, il faut engager au plus vite la réforme de la DGF.
Après trois ans et demi, la politique financière du Gouvernement à l'égard des collectivités locales est timorée et dangereuse. D'abord, le Premier ministre a tardivement découvert la décentralisation, et il a attendu l'automne 1999 pour mettre en place la commission Mauroy. Quant aux suites que le Gouvernement entend donner aux propositions de cette commission, le discours du Premier ministre au quatre-vingt-troisième congrès des maires de France nous laisse dubitatifs.
M. René-Pierre Signé. Oh !
M. Joël Bourdin. Certes, il déclare vouloir rénover l'ensemble des finances locales, mais il reste flou, alors que c'est là l'un des principaux enjeux pour une nouvelle étape de la décentralisation. Plus grave, le Gouvernement se fixe une échéance peu précise. Laquelle ? On ne sait pas, mais un rapport - encore un rapport ! - devrait être déposé au Parlement avant la fin de l'année prochaine... En somme, nous pourrions résumer ainsi la position du Gouvernement : des réformes, peut-être, mais plus tard, toujours plus tard.
Il va sans dire que nous n'approuvons pas cette façon de faire, ou, plutôt, de ne pas faire.
Nous souhaitons d'abord que les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales s'inscrivent dans un cadre clair. Cela signifie que l'Etat doit laisser les collectivités prendre les initiatives qui leur permettent d'exercer pleinement leurs compétences. Pour ce faire, l'Etat ne doit pas prendre des décisions susceptibles de perturber ou de brider leur action. Concrètement, il doit renoncer aux mesures recentralisatrices et mieux associer les collectivités à la prise de décision, par exemple, en matière fiscale mais aussi en matière de normes.
Plus particulièrement, l'Etat ne doit pas continuer à être le principal financeur des collectivités locales, car c'est au détriment de leurs ressources propres et de leur autonomie financière.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !
M. Joël Bourdin. Telle est pourtant bien la logique du Gouvernement, comme en témoignent plusieurs réformes, déjà rappelées par les orateurs précédents, menées depuis trois ans.
Les conséquences sont évidentes et bien connues : la part des recettes fiscales propres des collectivités dans l'ensemble de leurs recettes réelles de fonctionnement diminue pour les départements, les régions et les communes. Corrélativement, que ce soit au titre des compensations et des dégrèvements législatifs, l'Etat assume une part de plus en plus importante des recettes fiscales directes des collectivités locales. Ainsi, le pourcentage des recettes procurées par les quatre taxes pris en charges par l'Etat est passé brutalement de 21,2 % en 1993 à plus de 24 % en 1999. Pour la seule taxe professionnelle, l'Etat assure désormais 37 % de la ressource perçue à ce titre par les collectivités locales !
Au total, quand les collectivités territoriales enregistrent, en 1998, 640 milliards de francs de recettes de fonctionnement, l'Etat contribue par ses différentes dotations à plus du tiers. C'est un seuil qu'il ne faut surtout pas dépasser, sauf à faire dépendre le sort des collectivités locales des caprices de l'Etat.
Gardons-nous de ne pas écorner le principe sur lequel sont fondées nos collectivités locales et qui repose sur l'autonomie des communes, des départements et des régions, fort justement rappelé par la loi de 1982 sur la décentralisation.
Gardons-nous de faire dépendre l'évolution de nos collectivités locales du bon vouloir des représentants de l'Etat dans nos régions.
Gardons-nous, alors que nous avons supprimé la tutelle juridique des collectivités locales, de les soumettre désormais à une tutelle financière. En ce domaine, nous ne sommes pas loin d'avoir retrouvé la situation qui prévalait dans nos régions avant 1982.
Le Gouvernement doit changer d'attitude et ne plus considérer les maires, les conseillers généraux et les conseillers régionaux comme les artisans de sa politique. Alors qu'il prône la concertation et le dialogue dans tous les domaines, il impose, sans discussion préalable, successivement la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle, ainsi que la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation, avant de supprimer, pour partie, la vignette. Ce ne sont peut-être pas de mauvaises mesures en elles-mêmes, mais c'est une mauvaise manière à l'égard des collectivités locales ; d'autant que, comme à son habitude, le Gouvernement ne se prive pas d'adopter des mesures compensatoires à caractère récessif.
Alors que l'on avait dépassé le débat sur l'autonomie des collectivités locales, le Gouvernement nous rappelle qu'une liberté n'est jamais acquise et que l'Etat est le plus inconstant des partenaires, en nous obligeant à recomposer un système de décentralisation. Il n'aura fallu qu'à peine quinze ans pour que Gaston Defferre soit contré par ceux-là mêmes qui devraient cultiver la fidélité à son oeuvre !
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Joël Bourdin. Si l'esprit de la décentralisation est en péril, parallèlement, nous observons une dérive du système de l'intercommunalité. Là encore, il ne s'agit pas de prendre partie contre l'intercommunalité à fiscalité propre : elle s'imposait et ses orientations en 1992 allaient dans la bonne direction.
Mais comment pourra-t-on supporter durablement les entorses flagrantes au principe d'égalité des citoyens que l'aide à l'intercommunalité nous impose ? Est-il raisonnable et supportable que la DGF par habitant attribuée avoisine les 500 francs par habitant dans une communauté urbaine, 250 francs dans une communauté d'agglomération, 175 francs dans une communauté de communes à taxe professionnelle unique, et quelque 105 francs en moyenne pour la plupart des communautés de communes ?
Qu'il y ait des écarts entre les attributions en fonction des compétences et charges mutualisées, soit ; c'est le bon sens. Mais que les attributions différenciées soient fondées sur une préférence affirmée pour les villes est une monstruosité !
La vérité, c'est que le Gouvernement a fait le choix de liquider le monde rural et de le mettre sous la coupe des grandes villes. En limitant à 15 000 habitants la taille de la commune autour de laquelle peut se constituer une communauté d'agglomération, il a fait un choix contre la ruralité et non un choix rationnel. En effet, dans certains territoires, il va de soi qu'une intégration de type communauté d'agglomération serait tout à fait possible pour une population inférieur à 15 000 habitants du bourg-centre. Alors, pourquoi l'interdire, si ce n'est que le Gouvernement a fait le choix de favoriser uniquement les villes ?
Madame le secrétaire d'Etat, vous ne pouvez pas durablement organiser la pénurie dans une partie des communes pour le seul plaisir d'organiser l'hégémonie des villes !
Vous ne pouvez pas durablement continuer à organiser la nécrose de maints territoires, car le principe de la République est fondé sur l'égalité et non sur la discrimination financière !
Je viens de parler des inégalités au regard de la répartition de la DGF entre les EPCI à fiscalité propre, mais je tiens aussi à souligner le caractère incohérent qui marque le mode de répartition de la DGF entre ses différents bénéficiaires, communes et EPCI.
Comme vous le savez, la répartition de la dotation d'aménagement est devenue un non-sens qui défie les lois les plus élémentaires de la mathématique. En effet, quand on partage un élément fixe, à savoir la dotation d'aménagement, dans un système où le préciput est soumis à une loi de croissance aléatoire, on risque tout bonnement, passé le stade de l'attribution préciputaire, de ne plus avoir rien à répartir. C'est ce qui arrive naturellement avec la dotation d'aménagement. Alors que la dotation de l'intercommunalité est prélevée de manière préciputaire sur la dotation d'aménagement en pleine conjoncture de croissance des formes diverses d'EPCI à fiscalité propre, le risque, depuis des années, est que la DSU et la DSR ne soient plus approvisionnées. Si la loi de décembre 1993 était appliquée strictement, cela ferait ainsi des années que nos communes seraient toutes à la portion congrue de la dotation forfaitaire.
Bien sûr, chaque année, la loi de finances corrige cette anomalie. Mais il n'en reste pas moins que DSU et DSR continuent à être traitées comme des résidus ! Ce n'est ni normal ni sain ! Il est temps de revoir la loi de décembre 1993 sur la DGF, en prévoyant un financement autonome pour l'intercommunalité et en traitant de manière tout aussi autonome la DSU et la DSR. Cela fait des années que, sous l'autorité de son président, Jean-Pierre Fourcade, le comité des finances locales le demande. Il est réellement temps d'écouter la voix de la sagesse et de remettre en chantier la loi sur la DGF.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Bourdin !
M. Joël Bourdin. Madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les finances des collectivités locales sont maintenant devenues un maquis de dispositions diverses, complexes, prévoyant le recours à des fonds dont le mode de fonctionnement a perdu de sa logique initiale, qu'il s'agisse du FNPTP ou du FDPTP. Il est temps que nous revenions à des principes simples et clairs, compréhensibles et que nous corrigions un certain nombre de dérives afin de retrouver la voie d'une véritable égalité entre les communes et que nous redécouvrions les libertés qui nous avaient été attribuées avec la loi Defferre, mais que ses successeurs sont en train de fouler au pied afin d'imposer un modèle de structuration par les villes de notre territoire national. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, permettez-moi d'abord de saluer l'excellente initiative du président de la commission des finances et du rapporteur général avec l'organisation d'un débat sur l'ensemble des problèmes intéressant les collectivités locales. Madame la secrétaire d'Etat, permettez-moi, par ailleurs, de me réjouir de vous retrouver à ce banc, vous avec qui j'ai déjà rompu quelques lances dans d'autres enceintes. Nous allons continuer, toujours avec beaucoup de sérieux et une grande courtoisie.
Mes chers collègues, nous sommes à la croisée des chemins. Eu égard à l'évolution que certains de nos collègues viennent de décrire, et que M. Lambert a bien située, nous sommes devant un choix difficile : soit la fiscalité locale doit être réformée et consolidée pour donner un substratum sérieux à la libre administration des collectivités locales, soit nous entrons, comme certains de nos voisins européens, dans une ère de partage avec l'Etat des produits des grands impôts, ceux qui sont liés à l'activité, au revenu et il nous faut des garanties constitutionnelles et pluriannuelles pour que ce partage ne se traduise pas par une spoliation.
Dans tous les cénacles, lors de tous les colloques, de tous les débats auxquels j'ai pu participer depuis un certain nombre d'années, madame la secrétaire d'Etat, les deux thèses sont défendues. Chacune présente des avantages et des inconvénients, mais aucune ne repose sur l'immobilisme, ne suit le fil de l'eau.
Le Sénat, sur l'initiative du président Poncelet, a tranché en faveur de la première branche de l'alternative, qui consiste à consolider la fiscalité spécifique des collectivités locales en la réformant.
La commission Mauroy, à laquelle j'ai participé presque jusqu'au bout - j'ai été obligé de m'en retirer, parce que le Gouvernement n'avait aucune espèce de considération pour ses membres et se moquait d'eux - a tranché elle aussi pour cette branche de l'alternative : la consolidation d'une fiscalité autonome assortie de garanties, avec la possibilité d'arrêter cette évolution vers des dotations toujours plus importantes que MM. Lambert, Marini et plusieurs de mes collègues viennent de rappeler.
Sachant que aussi bien le Sénat que la commission Mauroy ont tranché en faveur du premier terme de l'alternative, je ne compte pas débattre du second. Je le réserve pour des jours meilleurs... ou pour d'autres discussions ! (M. le président de la commission des finances sourit.)
Peut-être qu'un jour, monsieur le président de la commission, accorderez-vous au président du comité des finances locales un temps « spécial » pour exposer un peu plus longuement les principaux problèmes financiers des collectivités territoriales.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. On arrangera tout cela !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... qu'il peut, bien sûr, exposer dans d'autres enceintes. Quoi qu'il en soit, aujourd'hui, je me bornerai à poser quatre questions au Gouvernement.
Première question : qu'en est-il de la révision des valeurs cadastrales ?
Mes chers collègues, vous savez bien que les valeurs cadastrales servent de base à la fois aux impôts locaux des collectivités territoriales et à la répartition des subventions et des dotations de l'Etat. Le système est complètement faussé. On ne connaît pas les bases réelles et il est des écarts historiques !
M. Philippe Richert. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Fourcade. Tout à l'heure, notre ami Yves Fréville a signalé les cas de Vichy et de Lourdes. Peut-être peut-on ajouter celui de Biarritz. Nous verrons bien.
Il est clair, disais-je, que tous les mécanismes actuels sont faussés. Il faut, par conséquent, rapidement modifier les bases cadastrales.
Devant la commission Mauroy, j'avais moi-même proposé d'octroyer davantage de possibilités aux maires à l'occasion de cette révision. Mais j'avais posé quatre conditions, dont je souhaite faire part, madame la secrétaire d'Etat.
Premièrent, il faut un étalement sur deux, trois, quatre ou cinq ans, cet étalement devant être au gré de la collectivité locale et non au gré de l'Etat.
Deuxièmement, il faut déverrouiller les taux des quatre impôts locaux si l'on veut mettre en oeuvre la réforme des bases dans de bonnes conditions.
Troisièmement, il faut un fonds de lissage financé par l'Etat. On pourrait sans doute, madame la secrétaire d'Etat, se servir à cet égard du prélèvement que vous opérez chaque année depuis dix ans sur les contribuables pour financer la révision des valeurs locatives. Il y a là 1,5 milliard de francs qui seraient tout à fait utiles. (Marques d'approbation sur les travées des Républicains et Indépendants.)
Quatrièmement, il faut augmenter les possibilités de jeu qui sont données aux collectivités locales sur les abattements, pour les abattements à la base ou pour charge de famille.
En respectant ces conditions, nous réformerions la taxe d'habitation et la taxe foncière en donnant plus de liberté aux collectivités locales, en tendant vers l'objectif de décentralisation qui doit être le nôtre.
Deuxième question : acceptez-vous, madame la secrétaire d'Etat, de dissocier la péréquation des recettes fiscales que subissent certaines collectivités et les dotations budgétaires ?
Actuellement, le système est complètement aberrant : d'un côté, on limite les compensations, selon des échelles variables et, de l'autre, on prélève de l'argent sur les recettes ; ensuite, on rectifie les dotations.
Ayant la chance d'administrer une commune dont je n'ai pas à cacher le caractère relativement aisé, je constate que nous percevons trois fois et demie moins de DGF par habitant que Vichy ou Lourdes, parce que l'histoire a fait que cette ville de banlieue percevait très peu de taxe locale quand on a entrepris l'ensemble des réformes.
Ma troisième interrogation est plus prospective. Les collectivités locales, dans un système de décentralisation, ne doivent pas être condamnées à lever les impôts du siècle précédent. La fiscalité locale est fondée sur des valeurs foncières et sur des bases industrielles dépassées. Je souhaiterais donc vous demander si vous acceptez l'idée que les impôts nouveaux à proposer aux collectivités locales doivent s'écarter de ces bases foncières et industrielles périmées. On pourrait ainsi essayer de fonder la fiscalité sur les nouvelles technologies, notamment sur les fameuses licences UMTS, sur la répartition des fréquences VHF, sur le développement de l'Internet.
Voilà des ressources « normales » sur lesquelles on peut appuyer une fiscalité au bénéfice des régions, qui sont chargées de l'aménagement du territoire et qui doivent être les collectivités entraînantes dans l'ensemble d'un système nouveau.
Plutôt que de rapiécer tel ou tel impôt obsolète, il faut clairement s'engager dans la voie d'un partage entre l'Etat et les collectivités territoriales, notamment les plus grandes, pour les nouvelles technologies et les nouvelles bases fiscales. Sinon il y aura, d'un côté, une fiscalité avec la TVA, l'impôt sur les sociétés et l'impôt sur le revenu, très rapidement évolutive, et, de l'autre, la fiscalité locale fondée sur les taxes d'habitation et sur les taxes foncières.
Avec ma quatrième question, je reprends, mais avec inquiétude, la question qu'a posée M. le président Lambert.
L'Etat, compte tenu des réformes qui ont été faites depuis que ce gouvernement est en place, concernant les impôts locaux, notamment la taxe professionnelle et la taxe d'habitation, va avoir aujourd'hui comme première charge budgétaire ce qu'il appelle « les concours aux collectivités territoriales », soit 338 milliards de francs. C'est plus que pour bien d'autres budgets.
Madame la secrétaire d'Etat, nous avons pris des engagements dans le cadre du pacte de stabilité européen et au titre de la défense de l'euro. Nous n'y pensons jamais, à l'euro ! Nous nous plaignons qu'il baisse, mais nous ne faisons rien pour le raffermir, pour lui donner une base financière solide.
Au moindre retournement de conjoncture, nous risquons immédiatement de connaître un rétrécissement des concours de l'Etat aux collectivités territoriales. C'est ce qui nous inquiète.
L'addition des réformes que vous avez faites depuis quelques années est très préoccupante. Elle nous fait courir le risque d'une réduction des moyens de nos collectivités et d'un recours accru à la fiscalité si la conjoncture se retourne. Nous devons financer les trois quarts des investissements collectifs de ce pays et une grande masse d'actions de solidarité et d'aide sociale, notamment dans les départements.
Voilà les quatre questions essentielles que je voulais poser, j'aurais pu en formuler d'autres.
Je terminerai en disant que, dans l'Europe qui se construit, chacune des structures nationales a un mécanisme propre de répartition entre l'Etat et les collectivités territoriales. Je sais bien que notre faiblesse, c'est d'avoir trop de collectivités territoriales et trop de niveaux de responsabilité. J'en suis conscient, comme beaucoup de mes collègues. C'est pour cela que, du fait de mon expérience, j'estime que l'avenir réside en une théorie des couples : il faut instituer un système de fiscalité partagée entre les communes et les communautés d'agglomérations, un système homogène entre les régions et les départements, et un système homogène et moderne entre l'Etat et la Commission européenne.
Mes chers collègues, quand nous aurons traité les problèmes à ces trois niveaux de responsabilité, nous aurons fait accomplir un grand pas à la décentralisation. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et du RPR, ainsi que sur celles des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le débat concernant les collectivités locales n'a, en apparence, pas la même nature que les autres années.
Nous sommes en effet, avec ce projet de loi de finances pour 2001, dans un cas de figure marqué par la poursuite du processus de disparition de la base taxable des salaires en terme de taxe professionnelle, dans le droit-fil de l'exécution du pacte de croissance et de solidarité et de la mise en oeuvre de la loi sur le renforcement et le développement de la coopération intercommunale.
Les caractéristiques des quelques articles portant sur les finances locales que compte le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale, nous ne manquerons pas de les souligner lors de la discussion même des articles. La présente intervention, qui sera complétée par celle que prononcera tout à l'heure mon collègue Paul Loridant, portera donc essentiellement sur un seul grand thème : la réforme de la taxe professionnelle, notamment la défense et l'illustration de la proposition de loi que vient de déposer notre groupe et qui est relative à la prise en compte des actifs financiers dans l'assiette taxable.
Tout d'abord, pourquoi proposons-nous de procéder à une réforme de la taxe professionnelle de cette ampleur ?
Nous avons, en cette matière, d'ores et déjà indiqué que notre souci était double. Il s'agit pour nous, d'une part, d'accompagner la réforme de la taxe professionnelle qui est liée à la suppression de la part taxable des salaires, et, d'autre part, de rétablir entre les entreprises une relative égalité de traitement que le mode actuel de taxation ne permet pas de faciliter.
Beaucoup de choses ont été dites depuis 1976, date de la création de la taxe professionnelle, sur ses qualités comme sur ses défauts.
Trois évolutions essentielles se sont produites depuis cette date.
Il s'agit, d'une part, de l'adoption du principe de plafonnement du montant de la taxe à proportion de la valeur ajoutée.
Cette règle de calcul, qui est sans effet sur les comptes des collectivités locales, pèse néanmoins plus ou moins 40 milliards de francs bruts en terme de fiscalité pour l'Etat.
La seconde évolution résulte de l'allégement transitoire de la taxe et de son corollaire, la dotation de compensation, dont la portée pour les entreprises est de plus de 30 milliards de francs, compensés à concurrence d'un peu plus de 11 milliards de francs aux collectivités locales par l'Etat, ce qui génère, du fait de nos règles fiscales, un produit fiscal équivalent au titre de l'impôt sur les sociétés.
Compte tenu de la baisse tendancielle de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, l'opération n'est véritablement coûteuse que pour les collectivités locales, à hauteur d'environ 20 milliards de francs.
La troisième grande évolution est celle qui est liée à la disparition de la part taxable des salaires qui a allégé sensiblement la contribution des entreprises et donc participé à majorer le produit de l'impôt sur les sociétés par l'effet traditionnel des vases communicants. Elle a aussi transformé une part importante des recettes des collectivités locales, hier fiscales, en dotation.
Mais toutes ces mesures ont un défaut essentiel que notre proposition de loi vise à corriger quant au fond : celui de s'appliquer à une imposition qui ne reflète qu'imparfaitement la réalité de ce que sont aujourd'hui les entreprises, de ce qu'est en particulier leur bilan.
La France de 1976 est aujourd'hui bien loin, et les entreprises en l'an 2000 ont désormais une autre structure, d'autres relations économiques, et ont professé d'autres choix d'investissement.
La considérable modification de la structure des bilans des entreprises non financières comme l'élévation du patrimoine par les entreprises financières ont comme particularité d'être aujourd'hui sans influence fondamentale sur le montant de la taxe professionnelle du fait de l'exemption dont jouissent les actifs financiers à ce titre.
Les chiffres que nous citons dans l'exposé des motifs de notre proposition de loi sont éloquents.
De 1970 à aujourd'hui, nous sommes passés de 270 milliards de francs à 26 000 milliards de francs d'actifs financiers détenus par les entreprises.
Où sont ces actifs ? Ils sont tout simplement au moins dans les bilans publiés au titre tant des immobilisations financières que des valeurs mobilières de placement.
De fait, chaque entreprise concernée serait naturellement redevable de la taxe dans la localité de son siège social. En pratique, compte tenu de l'importance de la matière fiscale, il ne peut évidemment en être ainsi. C'est d'ailleurs le sens de l'amendement que nous avons déposé sur le sujet et que nous examinerons par la suite.
Vouloir taxer les actifs financiers est une mesure de justice fiscale entre assujettis à la taxe professionnelle ; elle pose évidemment des questions de modalités techniques.
La justice du prélèvement, c'est de pénaliser effectivement et concrètement la dérive financière qui affecte nombre de nos entreprises et qui permet notamment à celles qui disposent d'une surface financière non négligeable de jouer de la diversité de leurs placements pour s'autofinancer au détriment de toutes celles qui paient encore aujourd'hui la taxe professionnelle « plein pot », les petites et moyennes entreprises notamment.
C'est aussi pour nous la volonté de faire effectivement de la taxe professionnelle un bon impôt, un impôt sur le capital qui, comme le dit Michel Pebereau, soit « un impôt intelligent dans son principe puisqu'il pousse à l'utilisation efficace des facteurs de production ».
Quand on est gérant d'un commerce de proximité ou d'une PME du bâtiment, nul doute que les problèmes de placement du fonds de roulement n'ont que peu de place dans les décisions de gestion. En revanche, quand on est dirigeant de Carrefour ou de Bouygues, on se trouve évidemment dans un autre cas de figure, parce qu'on a de la marge, une marge qui provient quelquefois des profits que l'on a obtenus au détriment des deux premiers.
Proposer la taxation des actifs financiers est donc un impératif d'égalité de traitement entre entreprises, égalité que l'on ne peut obtenir que par cet élargissement d'assiette.
Quant aux modalités techniques de la mise en oeuvre de la taxation des actifs financiers, nous avons indiqué notre souci de faire de celle-ci un outil indispensable de péréquation des recettes des collectivités locales.
Il convient donc aujourd'hui, avec la taxation des actifs financiers, d'entrer dans une autre phase, une phase dans laquelle l'autonomie financière des collectivités locales serait confortée par l'attribution, via un fonds de péréquation, de sommes autrement plus importantes que celles qui sont actuellement réparties au travers du fonds existant.
Une taxation, même minime, des actifs financiers à 0,3 %, susceptible de rapporter plus de 70 milliards de francs, représente tout de même dix fois plus que l'actuel montant engagé dans les circuits de péréquation de la taxe professionnelle !
Un tel prélèvement sur les actifs financiers des entreprises au titre de la taxe professionnelle alimenterait en ressources l'ensemble des collectivités, qui sont aujourd'hui confrontées à un triple défi.
Le premier est un défi de réparation sociale, avec l'explosion des dépenses d'action sociale et d'insertion, y compris dans le contexte actuel de reprise.
Le deuxième est un défi d'impulsion économique, dans la mesure où les dépenses non seulement de fonctionnement, mais aussi d'investissement des collectivités ont un incontestable effet d'entraînement sur l'activité économique. Chacun sait que l'argent des communes ne dort pas ; il est remis la plupart du temps en circulation - et cela à 100 % -, au moyen de l'investissement direct ou de la distribution de pouvoir d'achat.
Le troisième défi est celui de la stimulation de l'emploi car, à l'évidence, si les collectivités locales n'administrent pas l'économie et encore moins les entreprises, le droit constitutionnel à l'emploi leur confère une responsabilité particulière. Les collectivités locales n'administrent-elles pas, en effet, les dégâts sociaux qui résultent de la gestion des groupes ? Je pense, par exemple, aux dégâts causés par les plans, dits sociaux, de licenciements.
Telles sont les observations que nous nous devions de formuler à l'occasion de cette discussion. Nous aurons l'occasion de revenir sur tous ces points lors de l'examen de nos amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Miquel.
M. Gérard Miquel. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le budget pour 2001, qui marque un progrès constant de l'équilibre des finances publiques, est caractérisé par une augmentation des recettes fiscales des collectivités locales et par une évolution particulièrement favorable des concours financiers de l'Etat, lesquels passeront de 293,5 milliards de francs en 2000 à 337 milliards de francs en 2001, soit une progression de 14,8 %.
Par ailleurs, au titre du contrat de croissance et de solidarité passé entre l'Etat et les collectivités locales, un tiers de la croissance du produit intérieur brut sera pris en compte, en 2001, dans le calcul de l'évolution des dotations de l'Etat. C'est que les collectivités locales, comme les citoyens, profitent, elles aussi, de la croissance.
Jusqu'en 1997, les collectivités locales avaient dû restreindre leur effort d'équipement tout en se trouvant contraintes d'augmenter fortement la fiscalité locale pour faire face à l'accroissement de leurs dépenses de fonctionnement et pour pallier l'insuffisance des dotations de l'Etat. Depuis cette date, c'est avec constance qu'elles s'efforcent de limiter la pression fiscale qui s'exerce sur les contribuables locaux. Ce phénomène de limitation de la croissance des taux d'imposition, voire de stabilisation, touche aussi bien les communes que les groupements, les départements ou les régions.
Par ailleurs, les collectivités locales profitent, dans leur ensemble, d'une croissance très soutenue des bases de la taxe professionnelle du fait de l'amélioration de la situation économique du pays.
L'évolution satisfaisante de la fiscalité directe des collectivités locales devrait donc se poursuivre, une part plus importante que par le passé du produit de cette fiscalité devant toutefois être perçue sous la forme de compensations qui s'élèveront, en 2001, à 128 milliards de francs.
En 2001, la suppression de la vignette perçue par les départements, dont nous allons discuter tout à l'heure, confirmera cette tendance.
Mes chers collègues, en ma qualité de vice-président du conseil général du Lot, où la vignette était la plus chère de France, je me réjouis d'autant plus d'une telle suppression,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous pouvez, parce que la compensation sera plus importante !
M. Gérard Miquel. ... que cet impôt était devenu totalement injuste et que le déséquilibre qui existait entre les départements était parfaitement insupportable. Cette suppression est particulièrement appréciée par nos concitoyens, qui n'auront pas, en cette période de l'année, à effectuer l'achat qu'ils appréhendaient de faire !
M. Bernard Murat. Ils paieront autrement !
M. Gérard Miquel. Heureusement, la compensation de la suppression de la vignette sera intégrale et indexée sur la DGD, soit une progression de 3,4 %. Cela étant, je tiens à souligner que cette suppression est le résultat non pas d'un effet de mode, mais de choix clairs visant à augmenter le pouvoir d'achat des Français, afin que celui-ci induise plus de croissance et plus d'emplois, c'est-à-dire moins d'inégalité et moins d'exclusion.
La proposition adoptée par nos collègues de l'Assemblée nationale et visant à faire bénéficier les organismes d'HLM des zones urbaines sensibles d'un abattement de 30 % sur la taxe sur le foncier bâti va dans le même sens : moins d'inégalités, moins d'exclusions.
En 2001, le total des dotations au titre du contrat de croissance et de solidarité sera donc de 167 milliards de francs. Au sein de l'enveloppe normée, la dotation globale de fonctionnement occupe une place prépondérante : avec près de 114 milliards de francs, elle augmente de 3,42 % par rapport à la loi de finances pour 2000, soit une progression de 3,8 milliards de francs en volume. C'est la plus importante augmentation octroyée ces dernières années, et nous avons tout lieu de nous en féliciter.
La DGF de l'année 2001 est par ailleurs abondée de trois majorations exceptionnelles inscrites au projet de loi de finances pour un montant de 1,850 milliard de francs : 500 millions de francs pour la DSU au titre de la loi de finances pour 1999, 350 millions de francs pour cette même DSU au titre de la loi de finances pour 2001 et 1 milliard de francs pour la dotation d'intercommunalité, soit un doublement par rapport au budget 2000.
Je me félicite que cette majoration destinée à renforcer et à simplifier la coopération intercommunale soit la conséquence du succès croissant des nouvelles communautés d'agglomération et j'en profite pour saluer ce succès. Près d'un an après leur création, les communautés d'agglomération commencent en effet à peser lourd dans le paysage institutionnel local. Au nombre de cinquante, pour celles qui ont été créées avant le 31 décembre 1999, elles regroupent près de six millions d'habitants répartis sur 756 communes. Le volume de dépenses de ces nouveaux groupements à fiscalité propre atteindra cette année plus de 20 milliards de francs dans le cadre de leur premier budget.
Les crédits alloués à la ville, quant à eux, augmentent de 70 %. La dotation de solidarité rurale a été abondée de 150 millions de francs dans sa fraction bourg-centre, après avoir augmenté de 25 % en 2000.
Par ailleurs, plusieurs autres dotations évoluent comme la DGF : c'est le cas de la dotation « instituteurs » et la dotation « élu local ».
S'agissant de la dotation générale de décentralisation, elle s'élève à 37,3 milliards de francs et intègre, outre la progression de 3,42 %, la compensation de la suppression de la vignette aux départements, dont le montant, de 12,5 milliards de francs cette année, progressera comme la DGD dans laquelle il est intégré.
Ainsi donc, en masse, les concours de l'Etat s'élèveront - et je m'en félicite - à 337 milliards de francs, soit une augmentation de 15 %, alors que le budget de l'Etat ne progresse que de 1,5 %. Les concours de l'Etat progresseront donc dix fois plus que son budget, ce qui représente un important accompagnement de la croissance.
J'ajoute cependant que ces sommess seront les bienvenues, tant les charges de toutes sortes qui pèsent sur nos collectivités sont croissantes.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales se sont donc beaucoup améliorées depuis 1997 : plus de concertation et plus de coopération ont ainsi apporté davantage d'équilibre.
Au nom du groupe socialiste, je me permets de souhaiter que de nouveaux progrès soient réalisés dans ce sens, en particulier en ce qui concerne la péréquation, laquelle doit corriger les déséquilibres des ressources qui se sont fortement accrues au cours des années passées.
J'espère que nous parviendrons aussi à réviser nos bases d'imposition, car elles sont devenues un facteur d'inégalité fiscale, notamment au regard de l'impôt régional, de l'impôt départemental et de l'impôt de communautés de communes, en particulier les communautés de communes à fiscalité additionnelle.
Le fait que la fiscalité soit calculée sur des bases établies en 1970 est une entrave à l'intercommunalité dans les zones rurales. Entre une ville centre et les petites communes situées à la périphérie, on constate des écarts de un à trois.
Cette analyse est aussi valable pour la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, dont le montant est en progression depuis quelques années.
Notre collègue Joël Bourdin disait que le Gouvernement avait fait le choix de soutenir les villes contre les campagnes. Je ne partage pas cette analyse ; et je suis pourtant maire d'une commune de 270 habitants et président d'une communauté de communes de dix-sept communes rassemblant 4 800 habitants.
Il est normal que la DGF allouée aux communautés de communes soit aussi fonction des compétences que celles-ci exercent : les communautés de communes qui n'ont que très peu de compétences ne peuvent pas recevoir le même soutien que les communautés de communes qui exercent des compétences beaucoup plus larges. Pour la communauté de communes que j'ai l'honneur de présider, la DGF est de 720 francs par habitant. Je crois que cette explication suffit à démontrer que les propos et l'analyse de M. Bourdin étaient quelque peu caricaturaux.
Je sais que nous pouvons compter sur le Gouvernement pour faire ce qu'il faut afin que les collectivités locales puissent non seulement assumer les tâches qui sont actuellement les leurs, mais aussi assurer les fonctions et les rôles qu'elles ne manqueront pas de remplir, avec un sens croissant de leurs responsabilités. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nul ne conteste la nécessité de réformer notre système fiscal. En effet, il ne remplit plus ses objectifs traditionnels en matière de rendement fiscal, d'efficacité économique, de justice sociale ; il porte en outre un rude coup d'arrêt à la décentralisation.
Pourtant, plutôt que d'engager une véritable réforme de la fiscalité locale, le gouvernement de Lionel Jospin se borne à la démanteler pour la remplacer par des dotations budgétaires.
Hier, il supprimait la part salaire de la taxe professionnelle, la part régionale de la taxe d'habitation et il réformait les droits de mutation, ainsi que les dégrèvements de la taxe d'habitation.
Aujourd'hui, par ce projet de loi de finances, le Gouvernement nous propose de supprimer partiellement le produit de la vignette perçu par les départements.
Pour chacune de ces cinq mesures, le Gouvernement a recours à une compensation par dotation budgétaire.
Ce n'est pas ainsi que notre fiscalité locale deviendra plus juste, plus efficace pour aider les maires à réaliser les investissements nécessaires à l'amélioration de la vie quotidienne des Français, plus particulièrement dans les villes petites et moyennes.
Cette considération me conduit à formuler cinq remarques.
Premièrement, cette politique de démantèlement menée par le Gouvernement conduit à détériorer progressivement le lien fiscal existant entre le contribuable local et les collectivités territoriales.
En effet, les recettes fiscales payées par les contribuables locaux passent de 376 milliards de francs avant les réformes à 291 milliards de francs après les réformes. Au total, la part des recettes fiscales payées effectivement par les contribuables locaux dans les recettes de fonctionnement des collectivités locales passe de 53 % avant les réformes à 41 % après les réformes !
Deuxièmement, cette substitution de dotations forfaitaires aux ressources fiscales a pour conséquence de soumettre l'évolution des ressources anciennement fiscales aux règles de calcul complexes qui gouvernent les dotations de l'Etat.
Nul n'ignore que ces dotations budgétaires ne permettent pas d'assurer la pérennité des ressources locales. L'évolution, en 2000, de la dotation de compensation des pertes liées à la réforme de la taxe professionnelle en est un exemple criant.
La loi de finances de 1999 dispose que cette compensation est indexée sur l'évolution réelle de la dotation globale de fonctionnement. Or la progression de la DGF pour 2000 a fait l'objet d'une régularisation négative.
En effet, l'indice de progression de la DGF en 1998 s'élevait à 1,7 %, alors que le projet de loi de finances pour 1998 l'évaluait à 2,4 %. Ainsi, le Gouvernement, en appliquant le taux réel de progression de la DGF à cette dotation de compensation, lui a fait supporter, en 2000, les effets d'un trop perçu dont elle n'a pas bénéficié.
Troisièmement, ces cinq réformes remettent en cause l'autonomie fiscale des collectivités locales. En effet, à la suite de ces réformes, la part des recettes fiscales dans les recettes totales, hors emprunt des collectivités, passe de 55 % à 48 % pour les communes, de 59 % à 43 % pour les départements et de 58 % à 36 % pour les régions.
Madame le secrétaire d'Etat, n'oubliez pas que l'aube du xxie siècle, les collectivités locales restent un interlocuteur essentiel pour prévenir les risques de fractures civique, sociale ou territoriale.
La décentralisation se mesure à la liberté dont disposent les collectivités territoriales au sein d'un Etat unitaire. Cette liberté exige que les organes locaux bénéficient d'une réelle autonomie dans l'exercice de leurs fonctions. La libre administration doit être à la fois juridique, technique et financière. Et l'autonomie financière ne se résume pas à la liberté de dépenser !
Brider la liberté fiscale des collectivités emporte donc de nombreuses conséquences dommageables. Tout d'abord, se pose le problème de leur effectivité ; ensuite, leurs efforts de gestion se trouvent annihilés. Ainsi, la baisse de 25 % opérée en 2000 par le conseil général de la Corrèze sur la vignette automobile devient lettre morte.
Quatrièmement, j'en viens à la marge de manoeuvre des collectivités sur la fiscalité directe locale.
Avant ces réformes, pour augmenter leurs recettes de 5 %, les communes devaient augmenter les taux de leur fiscalité directe de 10,2 %. Depuis ces réformes, pour augmenter leurs recettes de 5 %, les communes devront augmenter leurs taux de 12 %. En effet, la contraction des assiettes fiscales opérée par ces réformes implique un effort fiscal supplémentaire. En d'autres termes, pour les communes, ces réformes entraînent une augmentation de l'effort fiscal de 18 %.
Enfin, cinquièmement, j'évoquerai la situation des contribuables.
Les contribuables français souhaitent, à juste titre, pouvoir bénéficier du partage des fruits de la croissance. Pour eux, la distinction entre contribuable local et contribuable national n'a aucun intérêt : c'est toujours leur portefeuille qui est concerné. Pour eux, ces réformes de la fiscalité locale sont au mieux une opération blanche. En effet, ce qu'ils ne payeront plus en tant que contribuable local, ils devront l'acquitter en leur qualité de contribuable national. Et croyez-le bien, madame, les médias se chargeront de le dévoiler !
Pour certains d'entre eux, ces réformes vont même augmenter la pression fiscale. En effet, nombre de nos concitoyens sont exclus de ces réformes alors qu'ils participent au financement des dotations de compensation versées par l'Etat aux collectivités. Je prendrai deux exemples pour illustrer mon propos.
Ainsi, au sein des professions libérales, ceux qui emploient moins de cinq salariés ont été injustement exclus de la réforme de la taxe professionnelle.
Par ailleurs, le Gouvernement et sa majorité plurielle veulent maintenir la vignette pour certaines entreprises, certains artisans, certaines exploitations agricoles et pour l'ensemble des professions libérales. Une telle inégalité de traitement est, pour moi, insoutenable !
C'est la raison pour laquelle je souscris pleinement aux propositions formulées par notre collègue et ami Philippe Marini concernant la suppression de la vignette automobile. En effet, à mes yeux, la vignette doit être complètement supprimée et cette suppression doit s'accompagner d'un transfert aux conseils généraux de recettes fiscales actuellement perçues par l'Etat. Une telle proposition renforcera l'autonomie fiscale des conseils généraux tout en faisant bénéficier les contribuables d'une diminution de la pression fiscale.
Au demeurant, madame le secrétaire d'Etat, compte tenu des remarques que je viens de formuler, il me semble que le Gouvernement doit revoir totalement sa copie concernant la rénovation de la fiscalité locale. Je rappellerai qu'en juin dernier le Sénat a énoncé plusieurs pistes de réflexions à ce sujet : rénovation de l'assiette des impôts existants, transfert du produit de certains impôts, vote de taux additionnels aux impôts perçus par l'Etat.
En tout état de cause, madame le secrétaire d'Etat, si vous émettez un avis défavorable sur les propositions de la commission des finances sur la suppression de la vignette automobile, vous nous prouverez trois choses : d'abord, que le Gouvernement a l'intention de transformer la décentralisation française en une forme hybride de déconcentration ; ensuite, que le Gouvernement n'a pas l'intention de réduire la pression fiscale pesant sur nos concitoyens ; enfin, et son objectif est clair - qu'il veut transformer les maires en obligés de l'Etat, au mépris de ses effets d'annonce sur la décentralisation.
Defferre, réveille-toi, ils sont devenus fous ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les parlementaires - pas seulement eux d'ailleurs, nos concitoyens également - ont très souvent le sentiment que l'Assemblée nationale et le Sénat ne jouent plus complètement leur rôle.
Certes, ils discutent et votent les lois, mais cela ressemble plus à une consultation, les décisions étant prises et annoncées ailleurs. L'épisode de la vignette illustre de façon édifiante et irréfutable cette dérive.
La période d'imposition à la vignette courant du 1er décembre au 30 novembre de l'année suivante, le Gouvernement a anticipé le vote du projet de loi de finances en décidant de ne pas demander aux particuliers l'acquittement de cette taxe pourtant exigible dès le 1er décembre.
Les effets d'annonce, l'attrait du journal télévisé sont tels que le Gouvernement n'a pas hésité à empiéter allègrement sur les prérogatives du Parlement puisque, au mieux, celui-ci ne pourra que confirmer a posteriori les décisions du Gouvernement de ne pas percevoir la vignette pour le compte du département. C'est surprenant !
Dans ces conditions, comment croire le Premier ministre lorsqu'il évoque la restauration de la politique ou le renforcement du rôle du Parlement ?
Devant l'accroissement des rentrées fiscales du fait de la croissance, d'une part, la demande sociale de partage de cette richesse, d'autre part, le Gouvernement a souhaité faire plaisir en annonçant toute une série de mesures d'allégements et d'exonérations.
Je ne reviendrai pas sur les difficultés de lisibilité de ces décisions ni sur le problème de leur cohérence globale. Plusieurs semaines de débat, très public puisqu'il s'est tenu dans la rue, les ont suffisamment mises en lumière.
Mais une question subsiste : pourquoi dans le panel de possibilités d'allégements des charges a-t-on privilégié la suppression de la vignette, de préférence, par exemple, à celle de la redevance sur l'audiovisuel ?
J'avoue que, lorsque j'aborde ce sujet, je n'obtiens aucune réponse claire.
Une approche très politicienne consisterait à faire remarquer que c'est une taxe impopulaire et que sa suppression devait profiter à celui qui en aurait fait l'annonce. Ce serait prêter aux auteurs de cette démarche une certaine démagogie !
J'élimine donc d'office cette hypothèse, qui ne pourrait pas convenir.
Etait-ce donc un impôt injuste ? Au contraire, il taxait fortement les voitures puissantes et ne touchait que très peu les voitures de faible cylindrée.
Cette taxe pesait-elle beaucoup sur les foyers fiscaux ? Sa suppression est-elle de nature à procurer un peu de confort matériel aux plus démunis ? Les calculs ont démontré que la vignette ne représente pas 1 % de la dépense annuelle consentie pour la voiture.
Chacun aura fait la comparaison entre ce que représente le prix de la vignette et un plein d'essence par exemple !
Cette vignette nuisait-elle à la lisibilité des impôts ?
Au contraire, c'était l'une des seules taxes à être affectée à une collectivité unique !
En réalité, le dispositif du Gouvernement s'illustre principalement par ses effets négatifs sur le département puisqu'il va priver le conseil général de la liberté de décider d'une partie de ses recettes budgétaires.
Cette mesure s'ajoutant à d'autres, l'autonomie financière des départements, c'est-à-dire la part de leurs recettes fiscales rapportée à leurs recettes réelles de fonctionnement, passe de 70 % en 1998 à 54 % en 2001. Or, il est essentiel que les collectivités aient la possibilité de définir leurs moyens pour faire aboutir leurs projets. Vous savez bien que, si l'on n'a pas les recettes, les moyens financiers adéquats, on ne peut pas mettre en oeuvre une politique.
Amputer les collectivités de leurs compétences en matière de recettes fiscales, nous le savons, c'est les corseter dans leurs projets de dépenses. A ce rythme, madame le secrétaire d'Etat, à quand le remplacement du président du conseil général par le préfet,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Bonne question !
M. Philippe Richert... qui redeviendrait l'exécutif d'une assemblée départementale dont la seule vocation serait d'organiser un débat autour de dépenses, dans le cadre de recettes et de moyens qui seraient fixés par l'Etat ?
Bien entendu, le Gouvernement se défend de nourrir de telles arrières-pensées et prend à témoin la commission Mauroy. Mais alors, madame le secrétaire d'Etat, que répondez-vous si l'on vous demande non pas d'indexer l'évolution de la compensation de la vignette sur la DGF mais simplement de la calculer annuellement en fonction de l'évolution réelle du nombre de voitures en circulation dans chaque département ? A l'évolution virtuelle je préfère, quant à moi, un ancrage concret sur les immatriculations, car il serait injuste que l'Etat profite seul de l'embellie économique et se réserve les marges nouvelles ainsi dégagées.
Pour mieux appréhender l'évolution des rentrées pour 2001, j'ai saisi le préfet de mon département afin qu'il m'indique les chiffres des immatriculations, mois par mois, année par année, en fonction de la puissance des voitures. La réponse à ces questions simples - et l'on peut s'attendre qu'un ordinateur de puissance moyenne soit susceptible de la fournir - est pour moi un préalable à l'établissement de relations claires et sereines entre l'Etat et le département. Malheureusement, il m'a été répondu que ces renseignements n'étaient pas disponibles.
Autrement dit, on va établir de nouvelles bases pour les dotations des départements sans avoir une connaissance préalable des éléments en fonction desquels seront calculées ces dotations.
Madame la secrétaire d'Etat, êtes-vous prête à nous fournir ces éléments de manière que nous puissions mesurer ce que signifie réellement ce transfert, pour que les départements ne soient pas simplement obligés d'accepter ce que l'on veut bien leur donner mais qu'ils aient la possibilité de discuter d'égal à égal avec le Gouvernement.
Je souhaite formuler une dernière remarque, dont l'importance n'est cependant pas moindre.
Les exonérations prévues par le Gouvernement entraînent une nouvelle injustice entre les catégories de bénéficiaires. Il faut être conséquent et aller jusqu'au bout de la logique en exonérant tous les véhicules : cela évitera la confusion qui naîtrait d'une situation où seules quelques voitures porteraient encore le macaron, rendant les contrôles extrêmement difficiles. C'est la demande que formule la commission des finances, et je m'y associe.
Il faut bien avouer que après l'encadrement des droits de mutation, la suppression des parts régionales et départementales de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle, l'Etat reste cohérent en proposant la suppression de la vignette. Cela revient à encadrer encore davantage les collectivités, à les corseter, à les mettre sous tutelle financière.
En outre, tout cela a été décidé sans aucune concertation, sans débat, y compris au Parlement.
Madame le secrétaire d'Etat, je ne connais pas un pays d'Europe où les collectivités sont traitées avec autant de désinvolture de la part du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Je réitère ici la demande formelle de l'Assemblée des départements de France, qui souhaite que les conseils généraux soient associés en amont aux débats et qu'ils puissent disposer de la liberté fiscale indispensable à l'exercice des prérogatives, responsabilités et compétences importantes qui sont les leurs.
Hier, dans mon département, un point d'augmentation de la fiscalité rapportait 17 à 18 millions de francs ; demain, la même augmentation ne dégagera plus qu'un produit d'environ 12 millions de francs.
Ces marges qui nous sont rognées sont autant de contraintes supplémentaires.
Je souhaite du fond du coeur qu'une conférence annuelle rassemblant l'Etat et les représentants des différentes collectivités territoriales puisse se tenir pour définir un vrai partenariat, de manière que nous ne découvrions plus, chaque année, des mauvais coups portés aux collectivités et à la décentralisation.
J'attends du Gouvernement, non pas des apaisements verbaux, mais des réponses claires aux questions légitimes que le Sénat, représentant des collectivités territoriales, lui adresse. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous sentons bien, au ton des interventions qui se succèdent à cette tribune depuis quelques instants, que nous sommes pratiquement arrivés à une heure de vérité, à un tournant. Le révélateur, c'est l'affaire de la vignette ; c'est aussi l'affaire de la taxe d'habitation dans les régions.
Tout cela pose des questions de fond par rapport aux doctrines officielles, aux conclusions proclamées de la commission Mauroy en faveur d'un approfondissement de la liberté des collectivités locales et de la décentralisation, grande oeuvre, paraît-il, de la majorité actuelle, accomplie à partir de 1981.
On sent bien que l'unicité du discours est faible et la lisibilité de l'ensemble rien moins qu'évidente.
Aussi, madame le secrétaire d'Etat, je souhaite vous poser quelques questions.
Quelle est, en réalité, la doctrine ? Vers quoi allons-nous ?
Tout à l'heure, Jean-Pierre Fourcade a exploré les problèmes que posait le retour à une autonomie fiscale des collectivités territoriales, qui est le choix officiel. Moi, je vais vous poser une autre question : quelles sont les perspectives de la suppression de la fiscalité territoriale ?
En effet, on a beau dire que les collectivités vont s'administrer avec une marge de manoeuvre de plus en plus grande, on s'aperçoit que leurs capacités d'arbitrage, d'action, d'innovation, d'initiative se réduisent et que les retombées de l'activité économique qu'elles peuvent recevoir pour les mettre à la disposition de leur population sont de plus en plus rognées.
Il s'agit de savoir, au-delà du discours officiel, vers quoi nous allons si ce mouvement doit se poursuivre.
Il me semble avoir lu encore récemment dans la Constitution que « les collectivités territoriales s'administrent librement par des conseils élus et dans les conditions fixées par la loi », et non « dans le cadre de leur obéissance aux oukases du Gouvernement quant à leurs grandes lignes d'action ».
Que penser, pourtant, de toutes ces dotations de l'Etat qui, depuis quelques années, tendent à se substituer à la libre décision des collectivités locales ? Et je ne parle pas des compensations des suppressions : on a fait justice tout à l'heure du système d'indexation qui les fait évoluer.
Au passage, on peut remarquer que la mise en place de la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle aboutit à ce scandale magnifique qui fait qu'on est en plein dans la conservation des avantages acquis. Je sais bien que c'est une doctrine chère à certains de nos collègues, mais que se passe-t-il pour les collectivités qui font l'effort d'attirer de nouvelles entreprises sur leur territoire, d'en aider à se créer, ou pour les communautés de communes qui ont mis en place des zones industrielles sur lesquelles elles permettent à de nouvelles entreprises de s'implanter, alors qu'elles n'auront pas les références de compensation de la part salaires de la taxe professionnelle puisque, par définition, la première imposition de ces entreprises se fera après la fin du repérage ?
Mais je reviens aux dotations propres de l'Etat et, par là même, à un clou que j'enfonce assez souvent.
La décentralisation est peut-être née de la loi Defferre, mais elle n'a été possible que parce que, avant, il y a eu, certes, la loi Bonnet, mais aussi et surtout l'instauration de la liberté d'emprunt des collectivités locales...
M. Yves Fréville. Absolument !
M. Paul Girod. ... et d'une DGF qui était un espace de liberté parce qu'elle était distribuée selon des critères objectifs, non selon des critères d'obéissance à des politiques nationales. Maintenant, la DGF est fonction de l'obéissance des collectivités territoriales, en particulier des communes, aux oukases édictés par l'Etat en matière d'intercommunalité, de politique de la ville, etc. Autrement dit, elle n'est plus une dotation neutre, elle est devenue un instrument de « guidance » de ces enfants - autrefois on parlait de « guidance infantile » - que sont désormais les responsables des collectivités territoriales, à qui il faut, par le biais de l'argent, dicter leur devoir.
Si c'est vers cela que l'on tend, je vous le dis tout de suite, madame le secrétaire d'Etat, le débat d'aujourd'hui, qui est révélateur d'une évolution dans les conceptions et la réalité de l'action du Gouvernement, va s'amplifier et prendre probablement une gravité que vous ne soupçonnez pas.
Je crains que le Sénat ne soit, une fois de plus, amené à se singulariser, à redevenir une « anomalie », en tout cas à se dresser comme un obstacle sur la route de certains théoriciens, et ce sera son honneur que de défendre les collectivités territoriales. Le Conseil constitutionnel n'a-t-il pas rappelé récemment que notre assemblée avait notamment pour rôle d'être l'interprète de l'expérience de ces mêmes collectivités dans la gestion quotidienne du territoire ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cette seconde intervention du groupe communiste républicain et citoyen portera sur le problème de l'évolution des dotations en faveur des collectivités locales.
L'examen des dispositions du projet de loi de finances pour 2001 laisse clairement apparaître que nous nous trouvons dans une phase intermédiaire, entre un pacte de croissance et de solidarité en fin de vie et des réformes plus fondamentales, souhaitables et à venir.
Que constatons-nous, en effet ? Une fois de plus, comme cela s'est déjà produit l'an dernier, c'est au travers de majorations de caractère exceptionnel que l'on a réussi à répondre aux besoins de financement des collectivités locales.
Cette situation n'est pas satisfaisante et soulève la question récurrente de l'équilibre de l'ensemble des dotations d'Etat aux collectivités locales.
Chers collègues de la majorité sénatoriale, vous avez déposé des amendements sur l'ensemble des articles de ce volet du projet de loi de finances. C'est bien, mais je vous rappelle que, sous un autre gouvernement, dans un passé assez récent, vous avez voté également des dispositions remettant sensiblement en cause cet équilibre.
N'oubliez pas non plus que vous avez voté contre les lois de décentralisation. Je dis cela à ceux qui invoquaient Gaston Defferre voilà quelques minutes.
M. Louis de Broissia. C'est vieux !
M. Hilaire Flandre. Vous n'étiez pas né ! (Sourires.)
M. Paul Loridant. Eh bien si, mon cher collègue, mais je n'étais pas encore sénateur ! (Nouveaux sourires.) Cependant, j'étais déjà élu local.
C'est en effet pendant la période 1993-1997 qu'a été réformée la dotation globale de fonctionnement - dont il est évident qu'elle est aujourd'hui totalement bloquée, ce qui contraint à utiliser l'artifice des majorations exceptionnelles -, que l'on a réduit la compensation de la TVA au titre du FCTVA, que l'on a supprimé la DGE pour les communes de plus de 20 000 habitants, que l'on a formalisé un pacte de stabilité qui s'attaquait encore aux dotations et aux ressources des collectivités locales.
M. Josselin de Rohan. C'est le contraire !
M. Paul Loridant. Aujourd'hui, alors que nous sommes dans une phase de reprise de la croissance économique, vous semblez, chers collègues de la majorité sénatoriale, pris d'un vif désir de majorer les dotations en faveur des collectivités locales.
M. Josselin de Rohan. Vous, vous les minorez !
M. Paul Loridant. N'ayez pas la mémoire courte !
M. Josselin de Rohan. Nous sommes réalistes !
M. Paul Loridant. Certes, le calendrier s'y prête puisque 2001 sera l'année du renouvellement des conseils municipaux, du renouvellement des conseils généraux et même du renouvellement d'une partie du Sénat.
Bref, madame la secrétaire d'Etat, une stratégie de séduction est en oeuvre... (Rires)
M. Philippe Marini, rapporteur général. N'est-ce pas normal que nous cherchions à séduire ?
M. Paul Loridant... en direction des élus locaux.
Certes, c'est le rôle du Sénat de représenter les collectivités territoriales mais, mes chers collègues, les élus locaux n'ont pas la mémoire courte : ils sauront se souvenir de toute l'histoire du financement des collectivités locales.
M. Josselin de Rohan. Absolument !
M. Paul Loridant. Pour notre part, au-delà de cette controverse sur le caractère variable de l'attitude de la commission des finances et de la majorité sénatoriale, nous estimons plus que jamais indispensable une remise à plat des règles et une remise à niveau des dotations budgétaires allouées par l'Etat aux collectivités territoriales.
Ainsi, nous nous interrogeons sur le devenir de la dotation globale de fonctionnement, dont l'économie générale, si elle a pu être satisfaisante un moment, ne l'est plus aujourd'hui.
Nous pensons en particulier que, si l'on doit renforcer le caractère péréquateur de la dotation, et notamment de la dotation d'aménagement, il convient aussi de créer les conditions d'une alimentation plus importante de l'enveloppe globale de la dotation, en la liant plus fermement et plus durablement à la croissance économique.
Nous ne pouvons oublier que, au-delà des recettes fiscales autonomes des collectivités locales, la dotation forfaitaire constitue la principale ressource de la grande majorité des communes de notre pays.
De surcroît, nous ne sommes pas convaincus que la dotation globale de fonctionnement soit nécessairement l'outil de péréquation le plus adapté. D'ailleurs, nous constatons la nécessité de créer une dotation sociale urbaine, une dotation rurale, une dotation aux communes touristiques, et je pourrais continuer l'énumération.
Enfin, nous nous inquiétons de voir régulièrement les ressources de nature fiscale qui sont au libre choix des collectivités territoriales remplacées par des dotations budgétaires de l'Etat. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.) Mais oui, mes chers collègues, c'est une évolution qui porte en germe une atteinte au principe de la libre administration des collectivités territoriales (Bravo ! et nouveaux applaudissements sur les mêmes travées) , principe constitutionnel qui s'impose à tous. Souvenez-vous de vos conflits avec le Gouvernement Juppé au moment du vote du budget du ministère de l'intérieur. (M. Hilaire Flandre s'exclame.)
Vous avez la mémoire courte !
Il est également crucial que la compensation des charges d'investissement des collectivités locales soit plus importante. Cela passe par le fait de revenir sur le taux de compensation du FCTVA et sur le niveau de la dotation globale d'équipement.
Madame la secrétaire d'Etat, ce sont là des dotations utiles pour le financement des investissements des collectivité locales, utiles pour le développement des infrastructures, utiles pour l'activité économique et pour l'emploi.
Une dotation aux collectivités locales, ce n'est jamais de l'argent qui dort, c'est un vecteur d'activité, de croissance et d'emploi. Je rappelle que le volume des investissements des collectivités locales est bien supérieur à celui de l'Etat.
M. Serge Vinçon. Tout à fait !
M. Paul Loridant. C'est dans cette perspective qu'il faut appréhender l'investissement et l'avenir des collectivités locales. Telles sont, madame la secrétaire d'Etat, les quelques pistes que je voulais évoquer devant vous. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, et certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jarlier.
M. Pierre Jarlier. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce débat sur les recettes des collectivités locales est parfaitement d'actualité car, en dehors de toute interprétation, l'affaiblissement de leur autonomie financière est une réalité.
Progressivement, nos collectivités sont confrontées à une double difficulté budgétaire : les transferts de charges et les pertes de ressources fiscales qui réduisent fortement le potentiel des initiatives locales.
Pourtant, aujourd'hui, les collectivités locales rapprochent quotidiennement l'action publique du citoyen, en constituant le socle d'une démocratie de proximité.
Malheureusement - et c'est un paradoxe - la gestion des ressources financières locales échappe de plus en plus aux acteurs locaux. C'est donc le fondement même de la décentralisation qui est en cause.
La suppression de la part régionale de la taxe d'habitation et de la vignette automobile, même si elles constituent de bonnes nouvelles pour les contribuables, en sont les exemples frappants.
Plus généralement, en trois ans, l'autonomie des ressources propres des collectivités territoriales a diminué de 20 %, soit 80 milliards de francs.
Mais ce constat suscite une autre inquiétude.
La part croissante des compensations au sein des concours de l'Etat aux collectivités locales, qui représentait 65 % de l'effort total de l'Etat en leur faveur en 1998, n'est plus que de 52 % actuellement. Et, à l'issue de la réforme de la taxe professionnelle, il est probable que les dotations « actives » de l'Etat, reflet d'une politique concertée, représenteront moins de la moitié de ses concours.
La perte d'autonomie fiscale et financière de nos collectivités est donc bien une réalité aujourd'hui dans un processus de recentralisation insidieuse.
J'en viens au deuxième point de mon propos : les transferts et les augmentations de charges qui s'accumulent au fil des années. Je ne retiendrai qu'un exemple, celui de la mise en place des 35 heures au sein de nos collectivités.
Sans remettre en cause l'opportunité de cette mesure, il faut souligner son effet brutal prévisible sur l'équilibre de nos budgets, en l'absence de toute compensation financière par l'Etat. Ainsi, pour une ville de dix mille habitants, on peut évaluer le coût de cette nouvelle organisation du travail à environ 1,8 million de francs, ce qui peut représenter une amputation de près de 50 % de sa capacité d'autofinancement nette.
L'appui financier de l'Etat est donc indispensable, et il est regrettable qu'aucune disposition incitative ne soit prévue dès cette année pour assurer une mise en oeuvre progressive de cette nouvelle organisation du travail.
A tout cela s'ajoute une évolution importante dans la répartition des ressources affectées à nos collectivités, notamment en raison du développement des structures intercommunales à fiscalité propre. Je citerai à cet égard deux exemples : les moyens affectés au développement rural et la DGF des EPCI.
En ce qui concerne la dotation de développement rural, la DDR, les communes ne peuvent plus y prétendre, ce qui provoque des besoins nouveaux en DGE, laquelle est déjà très insuffisante pour les communes de moins de 2 000 habitants.
Pourtant, la DDR, qui conditionne en grande partie la capacité d'investissement des EPCI en milieu rural, a baissé de près de 3 % en masse globale en 2000, alors que le nombre de collectivités intercommunales a augmenté de 12 % dans le même temps.
La nouvelle dynamique territoriale impulsée par la loi Chevènement de juillet 1999 risque donc d'être fortement freinée si les investissements structurants, de plus en plus nombreux, ne peuvent être soutenus par manque de moyens.
C'est pourquoi je me permets d'attirer sur ce point l'attention de notre assemblée et celle du comité des finances locales, qui aura à décider de l'abondement de la DDR en 2001.
J'en viens, enfin, à la DGF des EPCI.
Le succès de la nouvelle formule des communautés d'agglomération est incontestable. L'objectif fixé pour 2004 - une cinquantaine de créations - a ainsi été atteint dès cette année et, d'après la direction générale des collectivités locales, la DGCL, en 2001, c'est le financement d'environ quatre-vingts communautés d'agglomération qu'il convient d'envisager.
Dans ces conditions, le montant prévu de DGF des groupements ainsi que celui du prélèvement sur recettes destiné à financer les communautés d'agglomération seront insuffisants, malgré l'abondement de 200 millions de francs voté par l'Assemblée nationale.
C'est pourquoi, en accord avec la commission des finances, le groupe de l'Union centriste propose de porter de 1,2 à 1,6 milliard de francs le prélèvement sur recettes de l'Etat. En effet, si la dotation de compensation de la taxe professionnelle, la DCTP, variable d'ajustement du contrat de croissance, est à nouveau amputée, les collectivités locales seront confrontées, il faut le dire, à une diminution de leur autofinancement.
Dans le même esprit, le bénéfice du prélèvement sur recettes pourrait être élargi aux communautés de communes ayant opté pour la taxe professionnelle unique, la TPU, leur nombre augmentant tout aussi rapidement.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au-delà de cette loi de finances, c'est une réforme de notre fiscalité locale qui s'impose dans le nouveau paysage institutionnel.
Alain Lambert, président de la commission des finances, que je voudrais remercier au nom de mes collègues de l'Union centriste d'avoir suscité ce débat, l'a dit tout à l'heure : « Nous devons rompre avec l'archaïsme de nos impôts locaux et consolider fortement les finances de nos collectivités locales ».
C'est en effet la gestion de proximité qui constitue le foyer de notre démocratie locale et le support privilégié d'un nouveau contrat de confiance entre l'élu et la population qu'il représente. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je rappelle que la conférence des présidents a fixé à trente-cinq minutes le temps dont dispose le Gouvernement pour répondre.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. En premier lieu, je tiens à remercier tout particulièrement le président du Sénat, M. Christian Poncelet, le président de la commission des finances, M. Alain Lambert, et le rapporteur général, M. Philippe Marini, d'avoir permis l'organisation de ce débat.
Les collectivités territoriales constituent le cadre de la vie quotidienne de tous les Français et elles méritaient un tel débat. Il est donc tout à la fois naturel et remarquable que votre Haute Assemblée en ait pris l'initiative.
Le Premier ministre Lionel Jospin n'a pas dit en vain, à Lille, que la décentralisation devait progresser vers une démocratie encore plus proche et je crois que le débat que nous avons ensemble cet après-midi y participe directement.
Le Gouvernement veut se prêter à ce débat, débat qui commence mais qui ne finit pas aujourd'hui, et c'est pour moi un honneur que d'y participer, au nom du Gouvernement, dans ce cadre rénové - ce sont peut-être les prémices d'autres modifications dont nous devrions débattre prochainement - et au sein d'une assemblée qui a toujours marqué une sensibilité particulière à l'égard des collectivités locales. Le Gouvernement attache la plus grande importance à ce sujet, comme l'a à nouveau montré le Premier ministre dans le discours qu'il a prononcé au congrès de l'Association des maires de France le 21 novembre dernier.
Les 338 milliards de francs de concours de l'Etat aux collectivités locales et, au-delà, une partie de l'assiette des impôts locaux sont décidés en plusieurs séquences dans le cadre de l'examen tant de la première partie que de la deuxième partie du projet de loi de finances. Cette répartition répond à une certaine logique, celle de la distinction entre les recettes et les dépenses de l'Etat et, au sein de ces dernières, entre les crédits correspondant à tel ou tel budget ministériel.
Toutefois, il me paraît effectvement très utile que la représentation nationale puisse à un moment quelconque - en l'occurrence cet après-midi - évoquer l'ensemble des aspects ayant trait aux concours financiers de l'Etat aux collectivités locales.
J'essaierai de répondre à un maximum d'interrogations qui m'ont été posées à l'occasion de ce débat. Je vous demande par avance de m'excuser si je ne réponds pas à toutes. En tout cas, je remercie l'ensemble des orateurs, en soulignant notamment la qualité d'un certain nombre d'interventions qui se sont distinguées par leur sérieux et leur absence d'esprit de caricature.
Monsieur le rapporteur général, vous avez fait part de votre inquiétude sur un certain nombre de sujets. Vous vous êtes tout d'abord exprimé sur les SDIS. Le Gouvernement a montré tout l'intérêt qu'il attachait à la situation des SDIS puisqu'il a débloqué des crédits d'aide à leur fonctionnement eu égard notamment aux intempéries qui sont intervenues à la fin de l'année 1999. Mais, surtout, il a été dégagé en faveur de l'équipement des SDIS, à partir de la DGE, 600 millions de francs sur une période de trois ans, et ce à compter de l'année 2000.
Un rapport a été confié à M. Fleury. Bien entendu, le Gouvernement l'examinera très attentivement. Ce rapport est centré sur la clarification et l'organisation du financement des SDIS. Il pourrait faire l'objet de propositions dans le courant de l'année 2001.
Vous m'avez par ailleurs interrogée sur le contrat de solidarité et de croissance. Tout d'abord, permettez-moi de dire combien je suis flattée de l'intérêt que vous portez à ce contrat. Celui qui avait été conclu par le précédent gouvernement - du reste, il s'appelait non pas contrat, mais pacte - préconisait une simple indexation sur les prix. Pour notre part, nous avons mis en place un dispositif tenant compte non seulement des prix, mais également de la croissance.
M. Philippe Marini, rapporteur général. A l'époque, il n'y avait pas de croissance !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Justement, à l'époque, la croissance économique n'était pas très forte. Mais le fait d'avoir intégré la croissance économique a permis aux collectivités locales, dans la période où celle-ci s'est révélée très dynamique, d'engranger, par rapport à ce qu'aurait été la reconduction du pacte Juppé, sur trois années, près de 7 milliards de francs supplémentaires tenant compte d'un certain nombre d'abondements exceptionnels, sur lesquels je reviendrai dans quelques instants.
Par conséquent, je vous remercie de l'intérêt que vous marquez pour ce contrat et de me permettre, de ce fait, d'en saluer tous les effets. Dans son discours du 27 octobre dernier à Lille, le Premier ministre a effectivement indiqué que ce contrat serait prorogé en 2002. Je pense que cette indication est suffisamment claire.
S'agissant maintenant de l'importance que vous avez marquée pour la péréquation, là aussi, je ne puis qu'être d'accord avec vous. Simplement, les chiffres que vous avez cités me paraissent inexacts, ou alors nous nous sommes mal compris. Vous avez dit que les dotations en faveur de la péréquation progressaient de 0,8 %. D'où sort ce taux ? La réalité, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est que les dotations en faveur de la péréquation progressent, sur les trois années du contrat de croissance et de solidarité, de 36 %.
M. Michel Sergent. Ce n'est pas tout à fait la même chose !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. C'est ainsi que, depuis 1998, la DSU aura augmenté de 65 % et que la DSR aura, dans le même temps, progressé de 32 %.
Au total, donc, si l'on tient compte de l'ensemble de ces concours ainsi que des moyens affectés au fonds national de péréquation de la taxe professionnelle et au fonds national de péréquation, le niveau de ces dotations atteint 13,2 milliards de francs pour 2001, soit une progression, sur trois ans, de 36 %.
Vous le voyez, le Gouvernement attache une grande importance à la péréquation, les chiffres que je viens de citer en témoignent.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est le passé !
M. Michel Sergent. Ah ! Toujours le même argument !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Il souscrit largement au diagnostic qui a été dressé par la commission Mauroy et il fera des propositions en la matière dans le cadre de la réforme d'ensemble des finances locales, qui fera l'objet d'une large concertation. A cet égard, à l'occasion du débat qui a eu lieu à l'Assemblée nationale sur le projet de loi de finances pour 2001, il a été indiqué que le Gouvernement adresserait un rapport au Parlement avant le mois de mai 2000.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Réjouissons-nous !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. J'en viens à la libre administration des collectivités locales. Il est vrai que c'est un principe tout à fait essentiel. Pour le Gouvernement, il est tout aussi essentiel que les collectivités locales disposent de ressources suffisantes pour financer leurs priorités dans le cadre des compétences qui sont les leurs. C'est, au demeurant, ainsi que le Conseil constitutionnel en a jugé dans la décision qu'il a rendue sur la taxe d'habitation.
M. de Broissia a fortement insisté sur la suppression de la vignette automobile. Je me suis même demandée un moment s'il avait bien compris l'objet des mesures décidées par le Gouvernement...
M. Louis de Broissia. Hélas, oui !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. ... ou si c'était moi qui ne comprenais pas le sens de son intervention.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela ira mieux quand vous aurez pris l'habitude d'entendre les élus locaux !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Elle m'a paru, en effet, tellement caricaturale que j'ai eu peine à croire ce que j'entendais. Mais sans doute était-ce une façon de donner un peu de punch à ce premier débat d'un nouveau type sur les collectivités locales. C'est une manière provocante, mais intéressante, je l'admets, d'aborder ces questions.
M. Paul Masson. C'est une bonne note !
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est une mauvaise note !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Mesdames, messieurs les sénateurs, ces questions sont sérieuses. La suppression de la vignette n'aura, bien entendu, aucun impact sur le budget des départements en 2000,...
M. Henri de Raincourt. Mais bien sûr !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. ... point que vous semblez ignorer. Nous nous y sommes pourtant attardés lors de la présentation que j'ai eu l'honneur de faire devant le comité des finances locales, voilà quelques semaines.
Je vous rappelle donc que, pour 2000, les départements continueront à percevoir les avances en provenance du compte d'avances de la vignette que leur verse l'Etat depuis le début de l'année, sur la base du produit qui a été encaissé l'année dernière.
Le montant de la dernière avance, qui interviendra au début 2001, sera calculé sur la base du produit qu'aurait dû encaisser définitivement l'Etat pour le compte des départements, mais qu'il n'encaissera pas, puisque, comme vous feignez de l'ignorer également, les Français qui n'ont plus à acquitter la vignette ne se précipiteront plus dans les bureaux de tabac. Cela constituera un manque à gagner pour le budget de l'Etat, que vous pourrez examiner de près lorsque vous serez saisis du projet de loi de finances rectificative.
Par conséquent, cette régularisation tiendra compte de l'état du parc automobile, tel qu'il sera constaté définitivement au 31 décembre 2000 sur la base des immatriculations réelles.
Donc, lorsque le Gouvernement déclare que le remboursement aura lieu au franc le franc, c'est exact.
M. Josselin de Rohan. La première année !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. J'en viens à 2001. (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants. - M. Fourcade sourit) .
M. Henri de Raincourt. Les départements seront les dindons de la farce !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Pour 2000, c'est le produit de la vignette en 2000 établi de la manière que je viens d'indiquer à l'instant qui sera indexé sur la dotation globale de fonctionnement.
Je dois dire que j'ai eu un peu de mal à comprendre le sens des critiques de M. de Broissia, parce qu'il me semble qu'il reproche au Gouvernement un petit peu tout et son contraire.
M. Louis de Broissia. C'est normal !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Il nous reproche d'abord d'avoir supprimé la vignette. Je dirai même qu'il semble regretter cette suppression. Qu'à cela ne tienne ! Si vous la regrettez, monsieur le sénateur, proposez de la rétablir !
Vous semblez également nous reprocher d'avoir compensé cette perte de recettes pour les départements. J'ai encore plus de mal à vous comprendre car, après tout, rêvons un peu, en tout cas rêvons comme si nous étions tous des écologistes convaincus.
M. Marcel Deneux. C'est le cas !
M. Louis de Broissia. Oh non !
M. Hilaire Flandre. « Comme si » !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Si tous les automobilistes de Côte-d'Or décidaient, en 2001, de remiser leur automobile dans leur garage et d'utiliser des bicyclettes, M. de Broissia reprocherait-il encore à l'Etat de continuer à verser à ce département de la Côte-d'Or le produit de la compensation correspondant au produit 2000 de la vignette ? (Exclamations sur les mêmes travées.)
M. Louis de Broissia. Allez dire cela aux ménages modestes qui vont à l'usine ! Ce n'est pas sérieux !
M. Paul Loridant. C'est la faute à Voynet !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. A cette question, je crois véritablement que la réponse est non.
M. Louis de Broissia. C'est une Parisienne qui s'exprime !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Ce débat est très sérieux. Les explications ont été données, il convient de s'y tenir.
M. Fréville s'est inquiété de l'évolution de la taxe sur le foncier bâti. La révision des valeurs locatives, vous le savez, ne serait pas systématiquement favorable notamment aux HLM.
Si le Gouvernement a jugé bon de répondre à l'appel des auteurs des amendements qui ont été présentés au sujet de la taxe foncière sur les propriétés bâties, en particulier à l'Assemblée nationale, c'est dans deux buts précis et bien ciblés.
D'abord, il s'agissait d'alléger les charges des organismes d'HLM qui, dans les zones urbaines sensibles, s'engagent à stabiliser les loyers en 2001 et à développer des aménagements et des accompagnements sociaux.
Ensuite, il s'agissait de tenir compte, malgré le caractère réel de la taxe foncière, de la situation très particulière des personnes âgées ayant de faibles revenus, qui sont souvent désemparées face à la crainte de devoir quitter un logement si elles ne peuvent en assumer toutes les charges.
M. Bourdin m'a fait sourire en considérant que ce gouvernement avait « découvert la décentralisation » en demandant soudainement à une commission d'en préparer une nouvelle étape. Dois-je vous rappeler que ce gouvernement est l'héritier de celui de 1982 ? Dois-je vous rappeler ici, après d'autres, l'oeuvre de Gaston Defferre qui, à l'époque, n'avait pas forcément la faveur de vos groupes ?
Vous reprochez au discours du Premier ministre un certain flou. J'escomptais, je l'avoue, que vous souligniez le choix du Gouvernement en faveur d'une large concertation. Le rapport de la commission Mauroy compte cent cinquante-quatre propositions ; un débat sera organisé au Parlement en janvier prochain et le Gouvernement prépare, en liaison avec les associations d'élus locaux, les modalités d'une réforme, notamment des finances locales.
S'agissant du calendrier, le Premier ministre a annoncé un texte sur la démocratie locale et un autre sur les interventions économiques dès 2001. Je pense que cela devrait être de nature à vous rassurer.
M. le président Fourcade a soulevé la question difficile de l'autonomie fiscale. Comme le soulignait le Premier ministre, on ne peut pas s'empêcher de penser que ce débat n'aurait peut-être pas surgi si nous n'avions pas effectivement baissé les impôts. En effet, cette question est posée avec une acuité nouvelle. Durant cette année 2000, elle l'a été à deux reprises, au printemps, lorsqu'il a été décidé de supprimer la part régionale de la taxe d'habitation et, de nouveau, cet automne, lorsque le Gouvernement a décidé de supprimer la vignette.
La suppression de la vignette représente un « manque à gagner » pour les départements de l'ordre de 5 % de leurs recettes totale.
Globalement, si l'on tient compte de l'ensemble des modifications qui ont été apportées depuis 1998 à la fiscalité locale, donc si l'on intègre la réforme de la part salaire de la taxe professionnelle, celle que je viens de citer de la taxe d'habitation et la suppression de la vignette, au terme de la réforme de la taxe professionnelle, c'est-à-dire en 2003, les recettes fiscales des régions représenteront 37 % de leurs ressources totales, hors emprunts, et les recettes fiscales des départements représenteront 43 % de leurs ressources totales, hors emprunts.
Je ne veux pas me livrer à une exégèse constitutionnelle, ce serait bien imprudent de ma part. Je peux simplement constater que, lors de l'examen par le Conseil constitutionnel de la loi de finances rectificative qui mettait en oeuvre cette réforme de la taxe d'habitation, ce seuil de 37 % n'a pas été jugé de nature à compromettre l'autonomie financière des régions.
Je ne sais pas si, dans son raisonnement, le Conseil constitutionnel a intégré les pourcentages que je viens de citer, ou bien s'il s'est référé à ce qui se constate dans d'autres pays européens où la part des recettes fiscales locales dont bénéficient les collectivités est souvent inférieure à celle dont bénéficient encore les nôtres. Toujours est-il que, au-delà de ce débat à caractère constitutionnel, se pose une véritable question politique. Qu'est-ce que l'autonomie fiscale des collectivités locales ? Est-ce- une fiscalité sans limite ? Est-ce une fiscalité sans péréquation ? Est-ce une fiscalité sans compensation ? Je le reconnais, ces questions sont difficiles. Le rapport Mauroy, auquel vous avez bien voulu, malgré tout, contribuer, a bien mesuré les obstacles qui se dressent lorsque l'on veut avancer sur ces questions.
La première de vos questions porte sur la révision des bases cadastrales.
Comme le sait le président du comité des finances locales (sourires), avec lequel nous avons beaucoup travaillé, notamment sur des simulations, on constate des transferts extrêmement significatifs entre les contribuables, transferts qui ne vont pas toujours dans le sens d'une meilleure justice fiscale, malgré tous les mécanismes de lissage que nous avons pu tenter d'imaginer. Peut-être notre imagination n'est-elle pas allée assez loin ? En tout état de cause, c'est la raison pour laquelle, à ce stade de notre réflexion, le Gouvernement n'a pas, à ce jour, pris la décision d'intégrer la révision des bases dans les rôles des impôts locaux.
Monsieur Fourcade, vous vous êtes également interrogé sur la possibilité d'instiller plus de péréquation dans l'attribution des dotations budgétaires. Cette piste est bonne. Elle est recommandée par la commission Mauroy. Il faudra vraisemblablement la prendre en compte dans le cadre de la réforme d'ensemble de la DGF, que vous appelez, vous aussi, de vos voeux.
Vous avez fait référence à la question : les impôts de demain doivent-ils être ceux du siècle précédent ? Vaste sujet ! Pour ma part, je serais prête à explorer l'idée d'une modernisation des bases. D'ailleurs, quand le groupe communiste républicain et citoyen propose d'inclure les actifs financiers dans l'assiette de la taxe professionnelle, il contribue à cette réflexion d'ensemble, même si cela peut poser d'autres questions sur lesquelles nous travaillons en étroite liaison avec ses représentants.
Toutefois, il faut aussi que chacun d'entre nous ait une attitude responsable devant les bouleversements qui résultent de tout cela. En effet, nous sommes tous des contribuables et nous devons, dans les responsabilités qui sont les nôtres, penser à ces questions de redistribution.
M. Foucaud a appelé, à juste titre, l'attention sur la taxe professionnelle. Je crois, pour ma part, que la suppression de la part « salaire » est une bonne réforme. Cette réforme a été bonne pour l'emploi. La proposition, à laquelle je viens de faire allusion et dont nous débattrons à nouveau, tendant à inclure les actifs financiers dans l'assiette de cette taxe doit être examinée sérieusement. Nous savons, l'un et l'autre, que cet examen est en cours. Il ne faut pas en négliger les difficultés ni éluder la question de savoir s'il s'agit d'une imposition de substitution ou d'une imposition supplémentaire. En tout cas, je souhaite poursuivre avec vous cette réflexion délicate mais stimulante.
Je remercie M. Miquel d'avoir souligné l'effort engagé par l'Etat en 2001 en faveur des collectivités locales. Il est des moments où il est bon de rappeler, voire de répéter, certains chiffres. Il a souligné, à juste titre, le lien qui existe entre le contrat qui a été passé par l'Etat avec les collectivités locales et l'effort d'investissement consenti pas celles-ci au cours des deux dernières années. Ce sont des vérités qui doivent être redites dans le débat de cet après-midi. Monsieur Miquel, vous avez tenu, en particulier sur la vignette, des propos exacts. Ils reflètent assez bien l'avis de la majorité des automobilistes qui acquittaient cet impôt.
Vous avez également souligné l'importance des majorations exceptionnelles opérées dans ce budget à savoir 850 millions de francs supplémentaires pour la DSU et 1,2 milliard de francs pour les communautés d'agglomération. Au total, si l'on tient compte des abondements au titre du fonds national de péréquation, ce sont 2 350 millions de francs d'abondements supplémentaires qui ont été opérés. Ce montant est supérieur à celui de la loi de finances pour 2000, alors que, par ailleurs, comme vous l'avez fort bien dit, la dotation globale de fonctionnement progresse cette année de 3,4 %, grâce, certes, à une bonne croissance, et l'enveloppe du contrat de croissance et de solidarité croît de 2,3 %, ce qui est également une évolution très favorable.
M. Murat s'est interrogé, comme d'autres intervenants, sur le démantèlement que le Gouvernement opérerait en matière de fiscalité locale.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Hélas !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Le contribuable national doit-il payer pour le contribuable local ? Le contribuable local doit-il payer entièrement pour lui-même ? De toute façon, mesdames, messieurs les sénateurs, finalement, c'est la collectivité qui paie et qui opère la redistribution, car c'est effectivement une fonction qui relève de la nation.
M. Murat semble oublier que les grandes avancées de la décentralisation depuis vingt ans ont été voulues et mises en oeuvre par les gouvernements de gauche. C'est une critique que je pourrais également adresser à M. Richert, qui oublie que, lorsqu'il s'est agi de modifier les pouvoirs des préfets pour donner aux exécutifs locaux les compétences qui sont les leurs depuis les lois de décentralisation, la majorité sénatoriale s'est bien gardée de soutenir ce projet. Alors, il ne faut pas nous faire le procès de vouloir remettre en cause ce que nous avons fait et ce que nous souhaitons poursuivre, cette fois-ci avec vous.
M. Murat s'est également inquiété de l'évolution des dotations budgétaires qui viennent en compensation des suppressions d'impôts locaux. Comme il le sait, ces dotations sont indexées sur la DGF. Il a fait remarquer qu'en 2000 une régularisation négative était intervenue sur la DGF. C'est vrai, mais, à l'inverse, reconnaissons qu'en 2001, au titre de la DGF de 2000, une régularisation positive interviendra. Par conséquent, ce mécanisme ne joue pas en sens unique, il fonctionne dans les deux sens, positivement ou négativement selon les cas, ce qui est, je crois, l'illustration du fait que c'est un mécanisme d'indexation juste et équitable.
M. le président Paul Girod est revenu, lui aussi, longuement sur la décentralisation. Je ne voudrais pas me répéter, mais c'est cette majorité qui a voté les lois de décentralisation ; c'est cette majorité qui a expérimenté de nouveaux transferts de compétences, par exemple, récemment, le transport ferroviaire régional de voyageurs ; c'est cette majorité, comme je l'indiquais, qui a indexé le contrat sur la croissance, contrairement au pacte précédent ; c'est cette majorité, enfin, qui a donné un nouveau souffle au développement de l'intercommunalité,...
M. René-Pierre Signé. Eh oui !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. ... en apportant, comme je l'ai rappelé voilà quelques instants, 1,2 milliard de francs supplémentaires pour permettre de faire face au succès grandissant de ce qu'il est convenu d'appeler désormais la « loi Chevènement ».
Je remercierai, enfin, M. Paul Loridant de la clarté et de la franchise de son discours. (Exclamations sur les travées du RPR.)
MM. Josselin de Rohan et Jacques Chaumont. Bravo !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. J'avoue, après lui, mon étonnement de voir ceux qui, entre 1993 et 1997, ont prétendu réformer la DGF...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous parlez toujours du passé !
M. Gérard Braun. Parlons de l'avenir !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. ...ont réduit la compensation au titre du FCTVA, ont supprimé la DGE des communes de plus de 20 000 habitants, ont indexé les dotations sur l'inflation,...
M. Josselin de Rohan. Parlons du présent !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. ... monter à cette tribune pour réclamer une augmentation tous azimuts des dotations consacrées aux collectivités locales. Je reconnais, comme l'a rappelé M. Loridant, que le calendrier électoral pourrait sans doute éclairer ma compréhension.
Pour conclure, le Premier ministre a appelé, à Lille, à une nouvelle étape de la décentralisation.
M. Hilaire Flandre. Pour demain !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Il s'est engagé à proposer, avant la fin de la législature,...
M. Louis de Broissia. Eh oui, 2002 !

Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. ... des mesures relatives à l'approfondissement de la démocratie locale. Il a appelé au renforcement de la coopération entre les collectivités, après les progrès récents de l'intercommunalité que j'évoquais à l'instant. Il a appelé à une réforme des modes d'intervention économique des collectivités locales. Il a appelé à certains transferts de compétences. Il a apporté son soutien à la nécessaire réforme des finances des collectivités locales, qui est, je crois, au coeur de notre débat cet après-midi. C'est une tâche qui, comme vous le savez tous, dépasse forcément de très loin le terme de cette législature.
Pour cela, il a appelé à un grand débat national, et vos interventions, cet après-midi, montrent que cet appel a été entendu, que le débat est lancé et que le Sénat est décidé à y jouer tout son rôle,...
M. Hilaire Flandre. Comptez sur nous !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. ... et le Gouvernement s'en félicite.
Je terminerai sur la question de l'autonomie financière.
C'est une réalité nécessairement évolutive ; je crois que nous sommes tous prêts à partager ce point de vue. Le rôle des représentants du peuple que vous êtes, c'est aussi, avec le Gouvernement, de veiller à la solidarité, cette solidarité à laquelle aspirent tous nos concitoyens et, je crois, les collectivités locales elles-mêmes. Et la liberté, ce n'est ni l'égoïsme, ni la dislocation des solidarités territoriales, ni une autonomisation de façade, car s'administrer librement, ce ne peut pas être s'administrer égoïstement.
MM. Paul Loridant et René-Pierre Signé. Très bien !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Ce débat, le Gouvernement souhaite le poursuivre, et il le poursuivra avec vous. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)

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