SEANCE DU 15 NOVEMBRE 2000


M. le président. « Art. 14. - I. - Au chapitre Ier du titre IV du livre VIII du code de la sécurité sociale, l'article L. 841-1 est ainsi modifié :
« 1° Le II est ainsi rédigé :
« II. - L'aide visée au I est assortie d'une majoration d'un montant variant en fonction de l'âge de l'enfant et des ressources du ménage ou de la personne employant une assistante maternelle agréée, selon des modalités fixées par décret. Les montants de la majoration sont fixés en pourcentage de la base mensuelle de calcul mentionnée à l'article L. 551-1. Le montant versé ne peut excéder un pourcentage, fixé par décret, du salaire net servi à l'assistante maternelle agréée. » ;
« 2° Il est ajouté un III ainsi rédigé :
« III. - L'aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée n'est pas cumulable avec l'allocation parentale d'éducation à taux plein, mentionnée à l'article L. 532-1, sauf si cette allocation parentale d'éducation est versée au titre de l'article L. 532-4-1. »
« II. - Les dispositions du I sont applicables à compter du 1er janvier 2001 pour les périodes d'emploi postérieures à cette date. »
Sur l'article, la parole est à Mme Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, une politique familiale ambitieuse est une politique capable de s'adapter le mieux possible au plus près de chacun.
Dans le cadre des mesures dirigées en faveur de la petite enfance, notamment des modes de garde, je tiens à rappeler avant toute chose l'importante dotation supplémentaire accordée pour 2001 au fonds national d'action sociale, d'un montant sans précédent de 1,7 milliard de francs. Destiné à venir en aide aux collectivités territoriales pour le bon fonctionnement des structures, il favorisera de ce fait le développement des modes de garde collectifs.
Toujours dans ce sens, l'article 14 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, premier article consacré à la branche famille, tente de rétablir l'égalité entre les familles dans leur choix en matière de mode de garde.
Il concrétise ainsi ce qui a été décidé lors de la conférence de la famille, en juin dernier.
Je rappelle que l'aide pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée est une mesure adoptée sur l'initiative déjà d'un gouvernement de gauche, en 1991. Cette allocation a été instaurée afin d'apporter un soutien financier forfaitaire aux familles, en leur permettant de recourir à une garde personnalisée de leurs enfants par un personnel qualifié, à savoir les assistantes maternelles agréées.
Aujourd'hui, le Gouvernement nous propose d'aller plus loin et de permettre aux familles les plus modestes de pouvoir choisir également ce mode de garde en introduisant une modulation du complément de l'aide en fonction des revenus.
Il est vrai que cette allocation, jusqu'alors forfaitaire, sera dégressive, mais c'est ainsi que l'on rétablit un minimum de justice sociale et d'équité, d'autant que le montant minimum de l'aide ne sera pas abaissé et demeurera à 826 francs par mois. En revanche, le montant de la majoration perçue par les familles les plus modestes sera porté à 1290 francs pour les ménages avec un enfant dont le revenu mensuel est inférieur à 9 400 francs. Le principe d'une participation minimale des parents est prévue. Cette mesure me paraît donc juste et solidaire.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Très bien !
M. le président. Par amendement n° 13, MM. Lorrain et Descours, au nom de la commission des affaires sociales, proposent de supprimer la dernière phrase du texte proposé par le 1° du I de l'article 14 pour le II de l'article L. 841-1 du code de la sécurité sociale.
La parole est à M. Lorrain, rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour la famille. La commission des affaires sociales propose un amendement ayant pour objet de maintenir à son niveau actuel le plafond de la majoration de l'allocation pour l'emploi d'une aide maternelle.
Cette majoration est la somme que les familles perçoivent directement et qui les aident à régler le salaire net de l'assistante maternelle.
Le présent article prévoit en réalité deux dispositifs.
Dans un premier temps, il faut prendre acte du basculement partiel de cette prestation sur le versant de la politique familiale sous condition de ressources. Certes, les familles disposant d'un revenu mensuel de plus de 13 000 francs par mois environ ne seront pas pénalisées. Seules les familles dont les revenus sont inférieurs à ce seuil verront leur situation s'améliorer.
La fin du paragraphe instaurant cette modulation devrait être, en réalité, un article à lui tout seul. Vous proposez, madame le ministre, que le montant de l'allocation servie puisse excéder un pourcentage - environ 85 % - du salaire net de l'assistante maternelle. Aujourd'hui, ce plafond est de 100 % du salaire.
Cette disposition change considérablement l'économie de votre texte. Après examen, cette mesure, qui ne devait pénaliser personne, procède en réalité à une redistribution entre les familles. La mesure est en quelque sorte gagée pour partie sur les économies engendrées par la baisse de ce plafond. Sous couvert d'un dispositif au mieux avantageux, au pire indolore pour les familles, il est en fait proposé de pénaliser ces dernières en instaurant une sorte de « ticket-modérateur » sur le recours à une assistante familiale.
Cette mesure nous apparaît d'autant plus inacceptable qu'elle pénalisera les personnes ayant recours à une assistante maternelle à temps partiel, c'est-à-dire en grande majorité des personnes travaillant elles-mêmes à temps partiel, qui ne sont pas, vous le savez, les plus aisées.
En conséquence, mes chers collègues, la commission vous invite à revoir la copie sociale du Gouvernement et à supprimer l'abaissement de ce plafond.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Monsieur le rapporteur, je vous ai écouté attentivement, et je me demande s'il n'y a pas un malentendu. Je tiens en effet à vous affirmer qu'aucun ménage ne verra diminuer l'aide qui lui est allouée.
Le Gouvernement a voulu précisément réduire le coût restant à la charge des familles ayant des revenus modestes d'un recours à une assistance maternelle. Par conséquent, dans tous les cas, soit la situation de la famille reste la même, soit la prise en charge du coût résiduel restant à la charge de la famille est améliorée. Aucune famille ne verra donc, à la suite de l'adoption de ce dispositif, sa situation régresser ; 30 000 familles supplémentaires vont pouvoir entrer dans le dispositif, conformément au premier objectif de ce texte - aujourd'hui, en effet, des familles trop modestes ne peuvent avoir accès à une assistante maternelle - et 100 000 familles vont voir l'aide de la solidarité s'améliorer.
Pourquoi avoir pris cette décision ? Dans la mesure où nous mettons en place un fonds d'aide à l'investissement pour les crèches et que nous faisons un effort en faveur des modes de garde collectifs, nous avons voulu consentir le même effort en matière de modes de gardes individuels, pensant à cet égard aux familles les plus modestes - nous souhaitons qu'elles aient également la liberté de choix - et aux familles résidant en zones rurales, là où les structures d'accueil collectives sont moins fréquentes qu'en milieu urbain.
C'est donc en vue d'égaliser le taux d'effort des familles, que ces dernières mettent leurs enfants à la crèche ou qu'elles aient recours à une assistante maternelle, que le dispositif a été mis en place.
Cette diminution du coût restant à la charge des familles modestes constitue donc une étape dans le rapprochement des taux d'effort des ménages, qu'ils aient recours à l'AFEAMA ou aux crèches.
Cette mesure va dans le sens de la neutralité de la politique familiale par rapport au choix des parents, et donc dans le sens de la modernité.
Cette réforme prévoit en effet, le plafonnement du supplément d'aide à 85 % du salaire net, et ce tout simplement pour faire participer les usagers, même faiblement, au financement de la garde d'enfants.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Le ticket modérateur !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Dans ce contexte, seul le supplément d'aide sera plafonné, c'est-à-dire que seront touchés uniquement les ménages dont le revenu est supérieur à 13 000 francs.
A titre d'exemple, s'agissant des familles versant déjà à une assistante maternelle, un salaire net, par enfant, de 826 francs, le complément sera maintenu à 826 frans par mois, et la prise en charge à 100 % du salaire de l'assistante maternelle sera toujours la règle. Les familles les plus modestes ne souffriront d'aucune diminution. Pour les familles versant un salaire net supérieur à cette somme, le reste à charge pourra aller jusqu'à un pourcentage de 15 % du salaire versé, soit, globalement, une contribution pouvant s'élever aux alentours de 200 francs.
Le Gouvernement propose donc une organisation à la fois équitable et universelle, étendant le bénéfice du dispositif à 30 000 familles supplémentaires. C'est d'ailleurs peut-être ce point qui vous a laissé penser que le système de plafonnement touchait toutes les familles, ce qui n'est pas le cas.
Compte tenu de ces différentes explications, j'invite M. Lorrain à retirer l'amendement n° 13. Je suis d'ailleurs prête, monsieur le rapporteur, si vous le souhaitez, à vous apporter par écrit, s'agissant du dispositif proposé, des compléments d'information et des précisions, à partir de cas très concrets faisant correspondre le salaire des familles, le coût de l'assistance maternelle et le montant résiduel restant à leur charge.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 13.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Je voterai bien entendu l'amendement n° 13, proposé par la commission.
Mais je profiterai de l'occasion qui m'est donnée pour soumettre un problème à Mme la ministre et pour aller au devant de son désir de manifester une sollicitude tout à fait particulière envers les personnes disposant de faibles revenus : madame la ministre, vous faites une redistribution, vous aidez ceux qui vivent dans les conditions les plus difficiles, comme c'est normal.
Je voudrais évoquer un point que je ne cesse de soumettre, en vain d'ailleurs, au conseil de surveillance de la caisse nationale d'allocations familiales. Ce point relève, je crois, du pouvoir réglementaire : il s'agit du remboursement des sommes indues.
Régulièrement, des personnes viennent nous voir pour attirer notre attention sur leur situation : ces personnes, au niveau de ressources très faible, se sont vu attribuer par erreur une allocation d'un montant supérieur à celui qui leur était dû. Et, une fois l'erreur relevée, ces personnes, qui avaient utilisé au fur et à mesure l'argent versé par la caisse nationale d'allocations familiales, comme cela va de soi, se voient retenir jusqu'à 30 ou 35 % de leur allocation au titre du remboursement des sommes indues ! Comment peut-on vouloir exiger de telles personnes le moindre remboursement ? Ce n'est pas pensable !
J'aimerais donc bien, madame la ministre, que vous examiniez ce problème et que vous me donniez votre point de vue à cet égard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard et M. Philippe Nogrix. Très bien !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Monsieur le sénateur, je vais répondre à cette question importante, en effet, qui touche à la qualité du service rendu par les caisses d'allocations familiales. Les familles dont l'essentiel du revenu est constitué par des revenus de transfert, notamment par les revenus familiaux, se trouvent confrontées à de graves difficultés lorsqu'elles ont des sommes indues à rembourser.
Je tiens tout d'abord à vous indiquer que, de ce point de vue, il existe toujours une possibilité de négociation avec les caisses d'allocations familiales.
Au-delà, il est prévu que la convention d'objectifs et de gestion que je suis actuellement en train de négocier avec la caisse nationale d'allocations familiales comporte un dispositif pouvant couvrir cette question des sommes indues ; nous y travaillons en tout cas.
Mais je voudrais dénoncer un scandale à mes yeux encore plus grand que la question des sommes indues ; en effet, dans ce dernier cas, si les problèmes du remboursement sont certes très compliqués, rien n'a cependant été retiré aux familles.
Il est donc un scandale beaucoup plus aigu : celui du surendettement des familles, avec les promotions, les publicités des organismes proposant différents prêts à la consommation. Nous y sommes confrontés tous les jours, et je peux donc vous indiquer que je serai amenée prochainement à faire des propositions pour que les familles cessent d'être escroquées comme elles le sont, avec des taux d'intérêt proprement scandaleux et une fuite en avant vers des consommations qui, ensuite, les mettent dans des situations extrêmement difficiles.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Lorrain, rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. L'introduction d'un seuil comporte à mon avis le risque que les personnes situées juste au-dessus soient considérées comme nanties. J'avoue que cela me laisse toujours un sentiment d'amertume. Or, nous avons, comme vous je crois, tout à fait le souci d'aider au maximum ces familles disposant de moyens très limités.
J'aimerais donc bien, madame la ministre, que, comme vous nous l'avez proposé, vous nous donniez, par écrit, des assurances, en particulier en ce qui concerne les personnes travaillant à temps partiel et pouvant donc aussi disposer de revenus modestes, et que vous nous indiquiez ce que vous avez l'intention de faire figurer dans le décret.
Sous ces réserves, je retire l'amendement n° 13.
M. le président. L'amendement n° 13 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 14.

(L'article 14 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 14