SEANCE DU 15 NOVEMBRE 2000


M. le président. Par amendement n° 79, MM. Fischer, Muzeau, Mme Beaudeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le cinquième alinéa de l'article L. 241-2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le taux de ces cotisations est modulé pour chaque entreprise selon la variation de la masse salariale dans la valeur ajoutée globale. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, par souci de cohérence et de parallélisme des formes et des objets, je souhaite défendre de manière conjointe les trois amendements que nous avons déposés pour insérer des articles additionnels après l'article 3.
M. le président. J'appelle donc également les amendements n°s 80 et 81, présentés par MM. Fischer, Muzeau, Mme Beaudeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 80 tend à insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le quatrième alinéa de l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le taux de ces cotisations est modulé pour chaque entreprise selon la variation de la masse salariale dans la valeur ajoutée globale. »
L'amendement n° 81 vise à insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le troisième alinéa (1°) de l'article L. 241-6 du code de la sécurité sociale, après les mots : "des cotisations proportionnelles à l'ensemble des rémunérations ou gains perçus par les salariés des professions non agricoles", sont insérés les mots : ", modulées pour chaque entreprise selon la variation de sa masse salariale dans la valeur ajoutée globale". »
Veuillez poursuivre, monsieur Fischer.
M. Guy Fischer. Nous nous interrogeons, depuis le début de l'examen de ce projet de loi, sur la question du financement de la protection sociale et sur le problème posé par la correction aux règles universelles de financement dont nous débattons assez régulièrement avec l'ensemble des articles de la présente loi relatifs aux recettes de la protection sociale.
Nous avons déjà souligné que la commission des affaires sociales, si elle demeure idéologiquement défavorable à la mise en oeuvre des moyens du FOREC pour le financement de la réduction négociée du temps de travail, ne souffle mot sur la question, pourtant tout aussi importante, du financement de l'allégement des cotisations sociales assises sur les bas salaires, dont le coût est estimé à plus de 40 milliards de francs.
D'ailleurs, si la commission voulait pousser jusqu'au bout la logique du raisonnement, elle se demanderait s'il ne serait pas bienvenu de s'interroger sur l'opportunité de laisser en l'état une « réforme » des cotisations sociales limitée à un simple allègement de cotisations et s'apparentant beaucoup plus à une prime au développement du travail sous-payé qu'à une véritable réforme.
C'est ce que nous vous proposons en partie de faire avec nos trois amendements visant à modifier quelques-unes des données actuelles de la situation.
Premier aspect : s'agissant des cotisations sociales, on observera que ne sont aujourd'hui concernées par des mesures de correction que les cotisations vieillesse, maladie et famille, celles-ci ayant d'ailleurs été largement fiscalisées en ce qui concerne tant les ressources que les prestations. Ce sont donc ces trois branches de la protection sociale que nous visons directement avec nos amendements, attendu que, s'agissant de la branche accidents du travail, la « modulation » se fait par essence dans l'amélioration de la sécurité au travail dans chaque entreprise. Au demeurant, le MEDEF vient d'anoncer qu'il se proposait de supprimer cette branche de la sécurité sociale. Il y a donc lieu d'être pour le moins perplexe !
Comme nous l'avons déjà fait dans le passé, nous proposons de procéder à une modulation de cotisations sociales fondées sur l'évolution de l'utilisation de la valeur ajoutée créée, rendant par là même aux cotisations sociales leur sens premier, celui d'un prélèvement sur les richesses créées au bénéfice de la satisfaction de besoins collectifs.
L'assiette de calcul des cotisations sociales ne subirait donc aucune modification sensible puisqu'elle resterait fondée sur les salaires et rémunérations, mais elle serait susceptible de correction au travers de l'appréciation des politiques salariales au regard de l'affectation de la valeur ajoutée globale.
Plus une entreprise créerait d'emplois et sortirait des ornières de la modération salariale et de la maîtrise du coût salarial global, plus sa contribution au financement de la protection sociale serait soumise à une réfaction.
A l'inverse, toute stratégie salariale tendant à la réduction de la part des salaires dans la valeur ajoutée serait pénalisée et source d'accroissement de la contribution de l'entreprise.
Tel est le sens de ces amendements.
M. le président. Quel est l'avis de la comission sur les amendements n°s 79, 80 et 81 ?
M. Charles Descours, rapporteur. Je souhaite revenir un instant sur le problème de la CADES !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Moi aussi !
M. Charles Descours, rapporteur. Je rappelle que le Parlement a droit aux mêmes informations que le Gouvernement.
M. Jean Chérioux. Eh oui !
M. Charles Descours, rapporteur. Apparemment, ce n'est pas le cas actuellement ! Avec Jacques Oudin, rapporteur pour avis, nous ne laisserons pas tomber cette affaire. Ce sont les droits du Parlement qui sont en jeu !
M. Jean Chérioux. Eh oui !
M. Charles Descours. Je reviens aux amendements qu'a défendus notre collègue Guy Fischer, disant qu'ils avaient pour objet de parvenir à une réelle réforme des cotisations patronales.
Monsieur Fischer, c'est la deuxième fois depuis le début de la discussion des articles que je suis d'accord avec vous, preuve que, comme nous le disons, l'institution du FOREC n'est pas une réforme des cotisations patronales. Sur cette affaire, nous sommes donc d'accord, ...
M. Guy Fischer. Il y a quand même de profondes différences entre nous!
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Ce sont les petits rapprochements qui font les grandes coalitions !
M. Charles Descours, rapporteur. ... mais, avant de donner l'avis de la commission, je souhaiterais entendre celui du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Cela tombe bien, monsieur Descours, moi aussi, je voulais revenir sur la question de la CADES ! (Ah ! sur les travées du RPR.)
M. Guy Fischer. Il faut leur expliquer plusieurs fois !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Vous semblez, en effet, avoir des difficultés à comprendre.
Je reviens donc sur la question, en espérant que, cette fois, vous comprendrez sur quels chiffres nous nous appuyons.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Il nous faudrait une suspension de séance.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Je vous le confirme, dans l'hypothèse centrale utilisée par la CADES, c'est-à-dire une croissance de la CRDS de 3,5 % par an en valeur, à 6 % de taux d'intérêt, la caisse rembourse sa dette avant 2014. On me précise que cette hypothèse centrale est prudente et vérifiable. Vous vous en doutez bien, d'ailleurs. Ces chiffres sont publics ; ils sont suivis par les agences de notation et les établissemens financiers créanciers de la CADES.
Par ailleurs, toutes ces informations sur les perspectives financières de la CADES ont été fournies aux membres du comité de surveillance. Je vous demande donc de vous reporter aux documents qui vous ont été remis.
Les marges de manoeuvre utilisées assurent une perspective de remboursement de la dette avant 2014.
M. Jean Chérioux. Après prélèvement ?
M. Charles Descours, rapporteur. Madame le secrétaire d'Etat, me permettez-vous de vous interrompre?
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Je vous en prie.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur, avec l'autorisation de Mme le secrétaire d'Etat.
M. Charles Descours, rapporteur. Madame le secrétaire d'Etat, le comité de surveillance de la CADES ne s'est pas réuni depuis que le projet de loi du Gouvernement proposant des exonérations de CRDS a été publié.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. C'est bien là le problème !
M. Charles Descours, rapporteur. Il n'est donc pas question de dire que nous, membres du comité de surveillance, sommes en mesure de savoir que les prévisions que vous nous donnez intègrent les 60 milliards de francs d'exonérations. Ce n'est pas vrai !
Pour ma part, je réaffirme - mais on ne va pas rester sur ce problème jusqu'à minuit ! - que les exonérations ici proposées ne sont pas prises en compte dans les projections qui ont été faites. En tout cas, le comité de surveillance ne peut pas être au courant, puisqu'il ne s'est pas réuni depuis !
M. Christian de La Malène. Ce n'est pas sérieux !
M. Jean Chérioux. Plus la baisse de l'euro !
M. Christian de La Malène. Il faut suspendre la séance ! Qu'est-ce que c'est que ce travail ?
M. Jean Deleveau, président de la commission des affaires sociales. Non, cela n'avancera à rien !
M. le président. Veuillez poursuivre, madame le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Tout cela est un peu confus, monsieur le président.
Mais je me tourne maintenant vers l'auteur de ces trois amendements.
Monsieur Fischer, je sais l'importance qu'a pour vous cette proposition, qui a déjà été formulée en première lecture à l'Assemblée nationale et qui a fait l'objet d'une longue discussion. Cependant, je ne peux toujours pas l'accepter, pour les mêmes raisons que celles qui avaient été alors invoquées.
Cela étant, le Gouvernement s'est déjà engagé dans la voie que vous préconisez, monsieur Fischer. Vous en avez conscience et vous nous en donnez acte. Un élargissement de l'assiette du prélèvement social a été réalisé dans le cadre du financement des 35 heures. Ce financement pèse désormais moins qu'auparavant sur les salaires. L'allégement sur les bas et moyens salaires institué par la deuxième loi sur la réduction du temps de travail profite ainsi aux salaires atteignant jusqu'à 1,8 fois le montant du SMIC, alors que le dispositif précédent de ristourne sur les bas salaires ne concernait que les salaires à concurrence de 1,3 fois le SMIC. La progression est donc nette.
Cette réforme a été notamment financée, vous le savez, par une contribution sociale sur les bénéfices des sociétés et sur la taxe générale sur les activités polluantes, prélèvements qui pèsent sur les entreprises. Elle sera poursuivie cette année via l'extension de l'assiette de la TGAP dans le cadre du collectif budgétaire de fin d'année.
En outre, la modulation des charges sociales en fonction de la part des salaires dans la valeur ajoutée a été écartée l'an dernier, parce qu'elle n'avait pas un effet positif réel sur l'emploi. Plusieurs travaux avaient abordé cette question : le dernier en date étant le rapport établi par M. Malinvaud sur la réforme de l'assiette des cotisations patronales. Tous ont mis en évidence d'importants effets de transferts de charges entre secteurs jouant, en définitive, au détriment de l'emploi général. Or, vous le savez, l'objectif principal de ce gouvernement, sa priorité essentielle est d'agir pour l'emploi. Ces travaux soulignaient également l'effet beaucoup plus élevé sur l'emploi d'un allègement des charges bénéficiant prioritairement aux bas salaires.
J'ajoute enfin que le dispositif que vous proposez serait assez difficile à appliquer, les entreprises devant s'adapter à la fluctuation des taux de cotisations.
Pour l'ensemble de ces raisons, le Gouvernement ne peut être favorable à ces amendements et je vous demande donc, monsieur Fischer, de reconsidérer votre proposition.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. J'ai cru comprendre que Mme le secrétaire d'Etat invitait le groupe communiste républicain et citoyen à retirer ses amendements...
M. Guy Fischer. Ils sont maintenus !
M. Charles Descours, rapporteur. Dans ces conditions, je vais aider le Gouvernement en m'y déclarant également défavorable. (Sourires.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 79, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 80, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 81, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 3 bis