SEANCE DU 9 NOVEMBRE 2000


M. le président. La parole est à M. Courteau.
M. Roland Courteau. Un grand quotidien du soir posait récemment la question : « Faut-il prendre au sérieux la question du changement climatique ? »
Une chose est sûre : nous sommes en train de vivre, s'agissant de concentration dans l'atmosphère des gaz à effet de serre, une expérience climatique jamais rencontrée au cours des siècles. Les émissions de gaz carbonique se sont accrues d'un tiers en 250 ans et l'essentiel de l'accroissement des vingt dernières années est dû à la combustion de produits fossiles.
Deux événements nous interpellent.
Le premier concerne la conférence de La Haye sur le climat de novembre 2000, qui devra décider des modalités d'application du protocole de Kyoto, lequel engage les pays industriels à réduire leurs rejets de gaz à effet de serre.
Le second événement, tout récent, est le rapport des experts du Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat, qui fait état d'un avis plus pessimiste qu'auparavant sur l'ampleur du changement climatique en cours. Pour ces scientifiques, l'élévation prévisible de deux à six degrés de la température de la planète au cours du siècle à venir sera plus importante et les conséquences - élévation moyenne du niveau des mers de près d'un demi-mètre et recul de la couverture neigeuse - pourraient être plus graves que celles qui sont déjà prévues. Certains même n'hésitent pas à évoquer des sécheresses plus intenses et des inondations plus brutales. Bref, les choses ne s'arrangent guère et le message des scientifiques tombe à point, à la veille de la conférence de La Haye, pour ouvrir - enfin ! - les yeux de certains Etats du monde, comme les Etats-Unis, où les émissions de gaz ont augmenté de 11 % en dix ans, ou encore comme certains pays en voie de développement.
C'est un signal particulièrement fort qui est lancé à nos pays pour qu'ils adoptent - enfin ! - des modes de développement plus respectueux de l'environnement.
Reste à savoir si la conférence de La Haye permettra d'avancer plus encore en ce sens. Nous savons que la France, en charge de la présidence de l'Union européenne, a travaillé avec ses partenaires à la mise au point d'une position commune à La Haye. Quelle est-elle, madame la ministre ?
Nous savons aussi que, sur le plan national, de gros efforts ont déjà été entrepris en matière de réduction des rejets et que le Gouvernement s'est engagé à respecter le protocole de Kyoto.
Quel dispositif entendez-vous mettre en oeuvre,...
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Courteau.
M. Roland Courteau. ... démontrant ainsi la volonté de la France de protéger notre environnement et son sens des responsabilités à l'égard des générations à venir ? (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Louis de Broissia. En construisant des éoliennes ! (Rires sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur, la communauté scientifique internationale, dans le nouveau rapport qu'elle prépare pour le Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat, vient effectivement de nous adresser un message assez poignant concernant la réalité et l'ampleur des risques auxquels nous sommes confrontés. Vous en avez rappelé certains : l'épaisseur des glaciers diminue, les phénomènes climatiques tels que El nin~o sont plus violents et plus intenses que par le passé ; nous venons de vivre les dix années les plus chaudes du millénaire et les scientifiques révisent à la hausse leurs prévisions.
Au même moment, nous constatons non seulement en Europe, mais aussi en Asie et au Mozambique, des inondations, des tempêtes, des tornades, avec leur cortège de morts, de désolation, de dégâts aux conséquences humaines et économiques catastrophiques.
Il nous paraît donc essentiel de nous préparer à pallier les conséquences de tous ordres de ces bouleversements, mais aussi de tout faire pour prévenir ces risques en maîtrisant les émissions de gaz à effet de serre.
La conférence de La Haye sera à cet égard une étape décisive. Notre priorité, c'est que le protocole de Kyoto puisse être rapidement ratifié par un nombre suffisant d'Etats de façon qu'il puisse entrer en vigueur avant 2002, sans céder sur l'objectif même du protocole : la réduction effective des émissions.
La position de l'Europe, unanime, est claire : il s'agit d'assurer l'efficacité environnementale et économique du protocole, ce qui dépend d'abord de la clarté du régime de respect des engagements et de l'encadrement, à la fois, des mesures de réduction nationales et des mesures de réduction obtenues par ce que l'on appelle « les mécanismes de Kyoto ».
Nous souhaitons limiter strictement les réductions fictives d'émissions, ce qui renvoie notamment à une question qui n'est guère débattue en France mais qui pourrait l'être largement au cours de la conférence, à savoir celle de la prise en compte des forêts dans les efforts consentis pour réduire le volume des émissions.
L'Union européenne, quant à elle, considère qu'il ne faut pas prendre en compte les forêts.
Il faut souligner également l'importance des politiques internes, qui, à nos yeux, doivent nous permettre de réaliser l'essentiel des efforts de réduction promis au titre du protocole.
Par ailleurs, un encadrement strict des mécanismes eux-mêmes est nécessaire.
Dans cette négociation, l'Union européenne continue à jouer un rôle de trait d'union entre les Etats-Unis - dont la position dépendra grandement, vous vous en doutez, de l'identité de leur prochain président - et les pays en voie de développement, qui ne voient pas, dans la stratégie de réduction des émissions, autre chose qu'une occasion d'accélérer le financement de leur propre développement.
A l'échelon français, je crois que nous n'avons pas à rougir de notre travail. La France est en effet le premier Etat membre de l'Organisation de coopération et de développement économiques à avoir réuni les conditions permettant une ratification du protocole, grâce, il faut le souligner, à un vote unanime des deux chambres du Parlement.
Quant au programme national de maîtrise des émissions de gaz à effet de serre, il devrait nous permettre d'honorer nos engagements, c'est-à-dire de retrouver en l'an 2010 le niveau d'émission qui était le nôtre en 1990.
Nous devons consentir un effort additionnel représentant 16 millions de tonnes d'équivalent-carbone. Le programme national de lutte contre le changement climatique, qui a été adopté le 1er janvier 2000,...
M. le président. Madame le ministre, je suis malheureusement obligé de vous rappeler les contraintes de temps qui s'imposent à nous.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. ... identifie une centaine de mesures pour atteindre cet objectif.
La Commission européenne vient d'alerter les pays de l'Union européenne sur un dérapage général des émissions. Mais, si certains pays sont en voie de dépasser de 20 % à 30 % le niveau de leurs engagements, la France s'en tient à peu près à ce qu'elle a annoncé, puisque les chiffres sont seulement supérieurs de 1,5 % à ce qui était attendu.
M. le président. Madame le ministre, il faut conclure !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Il nous est donc tout à fait possible, aujourd'hui, de rectifier le cap.
M. Philippe Nogrix. L'énergie nucléaire est une énergie propre !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur, si vous étiez un petit peu attentif à ce problème (Protestations sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.),...
M. le président. Madame le ministre, votre temps de parole est écoulé !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. ... vous sauriez que c'est dans le domaine des transports que nous constatons une explosion du volume des émissions, et non pas dans celui de la production d'électricité. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Je rappelle chacun, qu'il soit sénateur ou membre du Gouvernement, au respect des temps de parole.

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