SEANCE DU 8 NOVEMBRE 2000


M. le président. « Art. 13. - Le code de commerce est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa de l'article L. 225-23, le pourcentage : "5 %" est remplacé par le pourcentage : "3 %" et les mots : "un ou deux administrateurs" par les mots : "un ou plusieurs administrateurs". Au dernier alinéa du même article, les mots : "cinq ans" sont remplacés par les mots : "trois ans" ;
« 1° bis Avant le dernier alinéa du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l'assemblée générale extraordinaire est convoquée en application du premier alinéa, elle se prononce également sur un projet de résolution prévoyant l'élection d'un ou plusieurs administrateurs par le personnel de la société et des filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé en France. Le cas échéant, ces représentants sont désignés dans les conditions prévues à l'article L. 225-27. » ;
« 2° Au premier alinéa de l'article L. 225-70, le pourcentage : "5 %" est remplacé par le pourcentage : "3 %" et les mots : "un ou deux membres du conseil de surveillance" par les mots : "un ou plusieurs membres du conseil de surveillance". Au dernier alinéa de ce même article, les mots : "cinq ans" sont remplacés par les mots : "trois ans" ;
« 3° Avant le dernier alinéa du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l'assemblée générale extraordinaire est convoquée en application du premier alinéa, elle se prononce également sur un projet de résolution prévoyant l'élection d'un ou plusieurs membres du conseil de surveillance par le personnel de la société et des filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé en France. Le cas échéant, ces représentants sont désignés dans les conditions prévues à l'article L. 225-79. » ;
« 4° La dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 225-102 est ainsi rédigée :
« Sont également prises en compte les actions détenues directement par les salariés en application des articles L. 225-187 et L. 225-196 du présent code, de l'article 11 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations et des articles L. 442-5 et L. 443-5 du code du travail. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 99 est présenté par M. Ostermann, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° 26 est présenté par M. Chérioux, au nom de la commission des affaires sociales.
Tous deux tendent à supprimer le 1° bis de l'article 13.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 99.
M. Joseph Ostermann, rapporteur. La commission des finances n'est pas favorable à l'obligation faite aux entreprises ayant un conseil d'administration de s'interroger tous les trois ans sur la nécessité de faire élire des administrateurs par les salariés. Elle estime que cette mesure risque de brouiller la réflexion sur l'actionnariat salarié.
En effet, la présence de salariés actionnaires dans les conseils d'administration se justifie parce qu'ils détiennent des titres de la société. L'élection d'administrateurs par les salariés répond à d'autres préoccupations.
La commission propose donc cet amendement, qui vise à supprimer cette disposition.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 26.
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. L'Assemblée nationale a introduit dans l'article 13, qui traite du rendez-vous obligatoire, de nouvelles dispositions relatives à la représentation des salariés dans les organes dirigeants des entreprises.
Il est ainsi prévu que, lorsque l'assemblée générale extraordinaire est convoquée pour se prononcer - lorsque les salariés détiennent plus de 3 % du capital de l'entreprise - sur l'opportunité de faire siéger un ou des représentants des salariés actionnaires dans les organes dirigeants de l'entreprise, elle doit également se prononcer sur un projet de résolution prévoyant l'élection de représentants des salariés, et non des salariés actionnaires, au conseil d'administration ou au conseil de surveillance de la société.
Ces dispositions, qui ouvrent une nouvelle faculté d'élection des administrateurs par le personnel, introduisent un dangereux mélange des genres et ne relèvent pas de l'objet de ce texte, qui vise l'actionnariat salarié et l'épargne salariale.
D'une part, il existe déjà des dispositions législatives qui permettent une participation institutionnelle des salariés à la gestion de l'entreprise. L'ordonnance du 21 octobre 1986 offre en effet aux sociétés la possibilité d'accroître le nombre de leurs administrateurs au-delà du nombre admis par le code de commerce, à la condition de réserver les nouveaux postes créés à des salariés élus par le personnel. Ainsi, les nouvelles dispositions du projet de loi, qui ne prévoient qu'une simple faculté, sont déjà largement satisfaites par la législation en vigueur.
D'autre part, ces nouvelles dispositions introduisent une confusion regrettable. La commission des affaires sociales est favorable à la représentation des salariés actionnaires, justement parce qu'ils sont actionnaires. Mais là, nous ouvrons un autre débat, celui d'une évolution du mode de gouvernance des entreprises vers un système de cogestion institutionnelle à l'allemande.
Il s'agit d'un vrai débat, et je ne suis d'ailleurs pas sûr que tous les syndicats soient favorables à cette évolution. Mais ce débat ne peut être abordé dans le cadre d'un texte sur l'actionnariat salarié et l'épargne salariale.
Par conséquent, cet amendement tend à supprimer les dispositions en cause.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements identiques ?
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement s'oppose à ces amendements pour des raisons très simples et bien claires.
Les représentants des salariés actionnaires représentent les salariés actionnaires, et les représentants des salariés représentent les salariés - l'un ne vaut pas l'autre -, et nous pensons qu'au conseil d'administration l'ensemble des salariés doit être représenté, et pas seulement les salariés actionnaires.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 99 et 26.
M. Philippe Nogrix. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne comprends pas très bien votre position.
Pourquoi vouloir toujours impliquer tout le monde dans toutes les décisions ? Les arguments de M. le rapporteur pour avis me paraissent excellents : il s'agit de sociétés dans lesquelles il y a des actionnaires, et seuls les actionnaires peuvent s'exprimer sur la politique et sur la gouvernance de l'entreprise.
Pourquoi vouloir imposer par voie législative que tout le monde puisse prendre part au débat sur les orientations ? Chacun peut être actionnaire. Dès lors, pourquoi ne pas essayer de responsabiliser un peu plus les salariés en leur demandant tout simplement de devenir actionnaires ?
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. La culture de l'entreprise ne m'est pas inconnue, rassurez-vous, monsieur le sénateur !
Je note d'abord que l'on n'impose pas.
Si j'ai bien compris la logique que vous avez développée, elle consiste à dire : Si vous voulez avoir voix au chapitre, devenez actionnaires !
M. Philippe Nogrix. Voilà !
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Mais, aujourd'hui, il se peut que, pour des raisons personnelles, pour des raisons tenant au niveau du salaire tout simplement, pour des raisons tenant à l'engagement personnel, certains salariés ne veuillent pas ou ne puissent pas devenir actionnaires. Dans ce cas, pourquoi seraient-ils exclus du dialogue au plus haut niveau dans l'entreprise ?
Donc, on n'impose pas qu'il y ait des salariés ; on leur pose la question ; et, s'ils le souhaitent, ils y participent. C'est donc plus un facteur de souplesse qu'une obligation.
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. En réalité, monsieur le secrétaire d'Etat, il y aurait donc deux modes de désignation. En effet, ceux qui désignent ne sont pas les mêmes.
Les administrateurs qui représentent les actionnaires salariés sont élus par l'assemblée générale, soit par l'ensemble des actionnaires. Il faut donc que ce soit organisé afin que les salariés actionnaires puissent effectivement bien choisir leurs propres représentants au sein du conseil d'administration, mais ce dans le cadre du système normal de fonctionnement des entreprises.
Et puis il y aurait un autre système, parallèle, qui consisterait à avoir des représentants du personnel, qui seraient élus directement par le personnel.
Mais alors je constate que cette faculté - vous avez dit vous-même que c'est une faculté et non pas une obligation - existe déjà dans le texte de l'ordonnance de 1986.
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. M. le rapporteur pour avis connaît très bien, en l'occurrence, le droit, sauf que cette disposition n'est pas appliquée aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle on la spécifie ici.
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. Vous avez raison !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 99 et 26, repoussés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Par amendement n° 100, M. Ostermann, au nom de la commission des finances, propose, dans la première phrase du 2° de l'article 13, de remplacer la référence : « L. 225-70 » par la référence : « L. 225-71 ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Joseph Ostermann, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 100, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 101 est présenté par M. Ostermann, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° 27 est déposé par M. Chérioux, au nom de la commission des affaires sociales.
Tous deux tendent à supprimer le 3° de l'article 13.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 101.
M. Joseph Ostermann, rapporteur. La commission n'est pas favorable à l'obligation faite aux entreprises ayant un conseil de surveillance de s'interroger tous les trois ans sur la nécessité de faire élire des membres du conseil de surveillance par les salariés, car elle estime que cette mesure risque de brouiller la réflexion sur l'actionnariat salarié. En effet, la présence de salariés actionnaires dans le conseil de surveillance se justifie parce qu'ils détiennent des titres de la société. L'élection des membres du conseil de surveillance répond à d'autres préoccupations.
Nous proposons donc de supprimer cette disposition.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 27.
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. La commission des affaires sociales propose également de supprimer cette disposition. J'indique d'ailleurs qu'il s'agit d'un simple amendement de coordination : on transpose ce qui a été décidé pour les sociétés à conseil d'administration aux sociétés à conseil de surveillance.
J'insiste seulement sur un point, monsieur le secrétaire d'Etat : les sociétés à conseil de surveillance, les sociétés duales ont été créées à l'époque - je crois que c'est un amendement de M. Capitant qui en est à l'origine - précisément pour mettre en place la participation par élections.
Je ne dis pas, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il s'agit d'une proposition, mais la logique serait de désigner dans les sociétés à conseil d'administration des représentants des actionnaires salariés et l'on pourrait très bien envisager que dans les sociétés à conseil de surveillance, il n'y ait qu'une représentation du personnel élu par ce personnel, et ce dans le cadre de l'ordonnance de 1986. Cette disposition déjà prévue a été retenue en 1986 pour tenir compte précisément de la modification fondamentale apportée à la loi sur les sociétés pour mettre en place la participation.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 101 et 27 ?
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Défavorable, pour les mêmes raisons que j'ai évoquées lors de l'examen de l'amendement n° 99. Pour le Sénat, il s'agit d'amendements de coordination par rapport à la position qu'il a retenue ; pour le Gouvernement, c'est de la coordination par rapport à son avis précédent.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 101 et 27, repoussés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Par amendements n°s 102, M. Ostermann, au nom de la commission des finances, propose de supprimer le 4° de l'article 13.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Joseph Ostermann, rapporteur. La commission des finances n'est pas favorable à l'amendement voté par l'Assemblée nationale, qui supprime la référence à la période d'incessibilité, même si elle comprend la démarche de cette dernière.
D'une part, le remplacement des références du texte initial par de nouvelles références n'est pas justifié dans la mesure où les articles L. 225-187 et L. 225-196 du code de commerce sont abrogés par l'article 14 du présent projet de loi.
D'autre part, la suppression de la condition relative à la période d'incessibilité pose un problème de repérage puisque les actions peuvent alors être au porteur. En conséquence, pour connaître l'identité de l'actionnaire, les sociétés doivent faire une demande auprès de la SICOVAM, qui doit percer les différents écrans - établissements adhérents à la SICOVAM, teneurs de comptes individuels affiliés - pour arriver jusqu'à l'identité du porteur.
Cette procédure s'avère très lourde. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle elle n'avait pas été retenue en 1994. Dans la mesure où la majorité des actions détenues par les salariés sont placées dans les PEE et les FCPE, cette disposition ne modifierait guère les pourcentages relatifs à la part de capital détenue par les salariés. La commission vous propose donc la suppression de cette disposition.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. L'argumentation développée par M. le rapporteur a convaincu le Gouvernement de la nécessité de prendre en compte les faits qu'il évoque dans une période de la négociation : il s'en remet donc à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 102, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. Marc Massion. Le groupe socialiste s'abstient.
M. Guy Fischer. Le groupe communiste républicain et citoyen également.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 13, modifié.

(L'article 13 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 13