SEANCE DU 8 NOVEMBRE 2000


M. le président. « Art. 6. - I. - Il est inséré, après le deuxième alinéa de l'article L. 443-1 du code du travail, un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les entreprises dont l'effectif habituel comprend au moins un et au plus cent salariés, les chefs de ces entreprises, ou, s'il s'agit de personnes morales, leurs présidents, directeurs généraux, gérants ou membres du directoire, peuvent également participer aux plans d'épargne d'entreprise. »
« II. - Au deuxième alinéa de l'article L. 443-2 du même code, après les mots : "d'un salarié" et les mots : "sa rémunération annuelle", sont respectivement insérés les mots : "ou d'une personne mentionnée au troisième alinéa de l'article L. 443-1" et les mots : "ou de son revenu professionnel imposé à l'impôt sur le revenu au titre de l'année précédente".
« III. - L'article L. 443-7 du même code est ainsi modifié :
« 1° Aux premier et deuxième alinéas, après le mot : "salarié", sont insérés les mots : "ou personne mentionnée au troisième alinéa de l'article 443-1" ;
« 2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La modulation éventuelle des sommes versées par l'entreprise ne saurait résulter que de l'application de règles à caractère général, qui ne peuvent, en outre, en aucun cas avoir pour effet de rendre le rapport entre le versement de l'entreprise et celui du salarié croissant avec la rémunération de ce dernier. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 151 rectifié, MM. Loridant, Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer les I et II de cet article.
Par amendement n° 64, M. Ostermann, au nom de la commission de finances, propose :
A. - Dans le texte présenté par le I de l'article 6 pour compléter l'article L. 443-1 du code du travail, de remplacer les mots : « cent salariés » par les mots : « cinq cents salariés ».
B. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du A ci-dessus, de compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
« IV. - Les pertes éventuelles de recettes pour l'Etat résultant de la possibilité donnée aux chefs d'entreprises dont l'effectif habituel comprend au plus cinq cents salariés de participer aux plans d'épargne d'entreprise sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
« V. - Les pertes éventuelles de recettes pour les régimes obligatoires de base de sécurité sociale résultant de la possibilité donnée aux chefs d'entreprises dont l'effectif habituel comprend au plus cinq cents salariés de participer aux plans d'épargne d'entreprise sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général de impôts. »
La parole est à M. Fischer, pour présenter l'amendement n° 151 rectifié.
M. Guy Fischer. Cet amendement de suppression des paragraphes I et II de l'article 6 peut sans doute surprendre quelque peu, étant entendu que nous avons souhaité, depuis le début de l'examen des articles de ce projet de loi, faire valoir dans la discussion une position à la fois critique et équilibrée, tendant à recentrer les enjeux de l'épargne salariale sur ce que nous estimons indispensable, sous le double éclairage de l'utilisation du produit de cette épargne et du renforcement des droits des salariés par rapport aux choix de gestion de celle-ci.
Avec l'article 6, nous sommes toutefois confrontés à une autre problématique, qui nous fera évidemment rejeter sans la moindre ambiguïté l'amendement n° 64 de la commission des finances, celle de la participation, au même titre que les salariés des entreprises proprement dits, des mandataires sociaux aux plans d'épargne créés par accord collectif dans le cadre des nouvelles dispositions du projet de loi.
Cette évolution est, de notre point de vue d'autant plus discutable que d'autres formes d'intéressement - si l'on peut appeler les choses ainsi en matière de plans d'option d'achat d'actions, par exemple - existent et que cette extension au regard des dispositions actuelles ne fait, d'une certaine manière, qu'offrir l'opportunité de masquer une partie de la procédure jusqu'ici appliquée sous les auspices des nouvelles règles définies par le projet de loi.
Ce que nous craignons également, c'est que cette participation ne finisse en quelque sorte par devenir quelque peu envahissante quand il s'agira de résoudre la question de la gestion des fonds et qu'en fait la gestion des fonds de l'épargne salariale ne se retrouve encore plus instrumentalisée au seul profit des détenteurs majoritaires du capital et en vertu des seuls impératifs portés par les mandataires sociaux.
L'article 14, dans sa rédaction actuelle, prévoit expressément une gestion paritaire des FCPE.
Comment fera-t-on, demain, quand les mandataires sociaux auront le droit de choisir d'être représentés comme participants au plan, comme employeurs et, demain, comme détenteurs du capital ou représentants des actionnaires dans le conseil d'administration ?
Y aura-t-il, de fait, des personnes, dans l'entreprise, qui auront plus de pouvoir que les autres et plus de possibilité d'influer sur les choix d'affectation de l'épargne salariale ?
Toutes ces raisons nous amènent donc à proposer clairement la suppression des deux paragraphes initiaux de l'article 6, et là même à réserver de manière exclusive aux salariés la possiblité de participer aux plans d'épargne constitués.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 64 et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 151 rectifié.
M. Joseph Ostermann, rapporteur. La commission est, bien évidemment, défavorable à l'amendement n° 151 rectifié.
S'agissant de l'amendement n° 64, la possibilité donnée aux mandataires sociaux de souscrire un PEE est un élément qui va dans la bonne direction, celle de la promotion de l'épargne salariale dans les PME. Cependant, le seuil retenu de cent salariés apparaît complètement arbitraire et risque d'en limiter considérablement l'effet. D'ailleurs, M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie l'a reconnu à l'Assemblée nationale.
Il faut rappeler que les mandataires sociaux ne bénéficieront en aucun cas de la participation ou de l'intéressement, qu'ils auront seulement la possibilité d'abonder un plan. Les versements complémentaires de l'entreprise seront, quant à eux, sévèrement encadrés.
On peut donc légitimement aller jusqu'à cinq cents salariés, seuil généralement retenu pour qualifier les PME.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 151 rectifié et 64 ?
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Ces amendements sont complètement antinomiques.
Le Gouvernement souhaite que les plans d'épargne se développent dans les PME et il a ciblé le dispositif sur les petites entreprises, dont les salariés sont aujourd'hui totalement exclus du système.
Mais si l'on veut qu'il y ait un mouvement dans ce sens, il faut que chacun en bénéficie un peu, qu'il y ait une incitation. Aussi, nous considérons qu'un chef d'entreprise ou un mandataire d'une entreprise de moins de cent salariés peut avoir droit à participer à l'épargne.
Il s'agit bien là de petites entreprises. Quant aux autres, elles appartiennent à d'autres organisations, syndicale notamment.
Pour ce qui est de l'effet de seuil, c'est toujours la même chose : il est discriminatoire pour certains et avantageux pour d'autres.
Si l'Assemblée nationale, dans sa sagesse, a retenu le seuil de cent salariés, sans doute discutable, imparfait - pourquoi 100 et pas 150 ou 200 ? - c'est, d'abord, parce que ces plans ont un coût réel pour le budget et, ensuite, parce que ce seuil paraît correspondre à l'intérêt bien compris de toutes les personnes que nous entendons viser aujourd'hui.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur les deux amendements.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 151 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 64, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher, vice-président.)