SEANCE DU 17 OCTOBRE 2000


M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 2 est présenté par MM. Franchis, Huchon, Deneux, Souplet, Bécot, Machet, Moinard, Nogrix, Le Breton et Marquès.
L'amendement n° 344 est déposé par MM. Bourdin et Pépin.
Tous deux tendent à insérer, après l'article 27, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le cinquième alinéa de l'article 71 de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d'orientation agricole, après les mots : « au premier acheteur », il est inséré les mots : « et au distributeur ».
« II. - Le cinquième alinéa du même article est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ces contrats peuvent être conclus dans un cadre interprofessionnel. »
« III. - Avant le dernier alinéa du même article, il est inséré un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque ces contrats ont été conclus dans un cadre interprofessionnel, l'administration compétente étend l'accord dans un délai de huit jours. »
La parole est à M. Franchis, pour défendre l'amendement n° 2.
M. Serge Franchis. Nous savons que, pour les cas de crise des denrées périssables, un dispositif dérogatoire aux dispositions de l'ordonnance de 1986 est prévu à l'article 71 de la loi d'orientation agricole de 1999. Or, ce dispositif ne peut que difficilement fonctionner, en raison, d'une part, de l'impossibilité d'étendre un accord interprofessionnel et, d'autre part, des lenteurs administratives qui retardent son déclenchement. Cela s'est vérifié, notamment en 1999.
Il est donc proposé de permettre que les contrats visés dans l'article 71 de la loi d'orientation agricole de 1999 puissent être conclus dans un cadre interprofessionnel et étendus dans un délai maximal de quinze jours, contre deux mois actuellement.
Enfin, il semble que les prix peuvent être fixés, en cas de crise, pour le premier acheteur, mais aussi pour le distributeur.
M. le président. La parole est à M. Bourdin, pour présenter l'amendement n° 344.
M. Joël Bourdin. Je me rallie à l'excellente explication de M. Franchis !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques n°s 2 et 344 ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission souhaiterait entendre l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Nous ne pouvons accepter ces amendements, et cela pour de multiples raisons.
Tout d'abord, sous couvert de compléter le dispositif prévu à l'article 71 de la loi d'orientation agricole en cas de crise conjoncturelle des produits agricoles périssables, ils en changent assez profondément la nature et la portée.
Premièrement, il s'agit assurément d'une mesure de réglementation des prix.
Autant la fixation d'un prix de cession au premier acheteur bénéficiait directement au producteur, et à lui seul, autant la fixation d'un prix de cession au distributeur revient à instituer un contrôle des prix, et donc des marges, tout au long de la filière, du producteur jusqu'au distributeur final, en passant par les expéditeurs et les grossistes.
Deuxièmement, le système proposé étend le dispositif voté par l'Assemblée nationale à tous les produits agricoles périssables et aux produits visés à l'article 71 de la loi d'orientation agricole. Ce n'est pas acceptable. En effet, ce dispositif concernait uniquement les fruits et légumes, qui se distinguent des autres produits agricoles par des conditions de production et de distribution spécifiques du fait de leur sujétion aux aléas climatiques - aléas dont l'influence est importante sur le niveau des récoltes et l'équilibre de l'offre et de la demande - et de leur caractère hautement périssable.
Troisièmement, il n'est pas envisageable de toute façon d'introduire de tels contrats dans des accords interprofessionnels qui relèvent du régime spécifique défini dans le code rural aux articles L. 632-1, L. 632-2, L. 632-3 et L. 632-4.
Les contrats prévus par l'article 71 de la loi du 9 juillet 1999 d'orientation agricole ne sont pas de même nature. Tout accord interprofessionnel qui fait l'objet d'une extension doit avoir été conclu à l'unanimité des membres de l'interprofession. Or, le dispositif proposé ne respecte pas cette condition absolument nécessaire à l'esprit interprofessionnel. En outre, il n'y a pas, dans les accords interprofessionnels, d'obligation pour les pouvoirs publics d'étendre un accord, contrairement à ce que prévoient les amendements.
Quatrièmement enfin, le dispositif envisagé est clairement contraire aux règles de concurrence et aux réglementations sectorielles communautaires en matière d'organisation commune des marchés des produits susceptibles d'être concernés par le dispositif. La communication de la Commission de 1990 sur les interprofessions avait déjà explicitement interdit la fixation de prix dans ce cadre. A cet égard, la Commission européenne a, dès le 1er septembre, fait savoir au Gouvernement que les accords interprofessionnels comportant des fixations de prix et les décisions les étendant - tels que les arrêtés d'extension de l'accord interprofessionnel fixant un prix minimum des pêches et nectarines des 11 et 25 août 2000 - étaient en contradiction avec le droit communautaire et l'OCM fruits et légumes. Elle a mis en garde la France quant à la reconduction ou à l'élargissement à d'autres produits de ce type de mesures et indiqué se réserver la possibilité d'engager une action en manquement assortie d'astreintes, ce qui est lourd de conséquences.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission ne peut que s'en remettre à la sagesse du Sénat, même si elle comprend les intentions de nos collègues.
Madame le secrétaire d'Etat, nous n'avons pas exploré les aspects du droit communautaire que vous avez évoqués. Nous n'avons pas, je le reconnais, examiné de façon approfondie la compatibilité de ces dispositions avec les règles européennes. Sur ces derniers aspects, à titre personnel, je ne peux qu'exprimer beaucoup de perplexité.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 2 et 344, repoussés par le Gouvernement et pour lesquels la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 27.

Article 27 bis