SEANCE DU 17 OCTOBRE 2000


M. le président. Par amendement n° 455, Mme Terrade, M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 27 A, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le troisième alinéa de l'article L. 410-2 du code de commerce est remplacé par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions des deux premiers alinéas ne font pas obstacle à ce que le Gouvernement prenne, par arrêté interministériel, contre les hausses ou les baisses excessives de prix, des mesures temporaires motivées par une situation de crise, des circonstances exceptionnelles, une calamité publique ou une situation anormale du marché dans un secteur déterminé. Est considérée comme une situation manifestement anormale du marché la situation où les prix de vente ne permettent pas de couvrir le coût moyen de production et d'assurer une marge d'exploitation raisonnable aux producteurs. L'arrêté est pris après consultation du Conseil national de la consommation et de la commission des pratiques commerciales et des relations contractuelles entre fournisseurs et distributeurs. Il précise sa durée de validité qui ne peut excéder six mois. »
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Le projet de loi dont nous débattons fait, à juste titre, une part importante à la question des dérèglements de la concurrence et du droit commercial, dérèglements essentiellement fondés sur une réalité que nous connaissons tous aujourd'hui : l'inégalité du rapport de forces entre producteurs et distributeurs.
Le problème qui nous est posé est assez directement lié au développement même de l'économie de marché, où la libre concurrence est la règle, mais où elle est assez régulièrement faussée par la prédominance de certains sur les autres.
C'est là, à vrai dire, le constat de la contradiction fondamentale du libéralisme, où l'on finit toujours par se retrouver avec peu de gagnants et beaucoup de perdants, la liberté du contrat, qu'il s'agisse du contrat commercial, du contrat de travail ou de tout autre contrat, finissant par s'effacer devant la puissance relative de chacun des deux contractants.
De fait, cela conduit naturellement à s'interroger : de quelle manière peut-on annuler les effets d'un rapport de forces construit et par nature inégalitaire, et, dès lors, quelle place doit-on laisser à l'intérêt général tel que la loi peut l'exprimer pour, sinon résoudre, du moins corriger les effets les plus discutables de cette inégalité du rapport de forces ?
Dans sa rédaction actuelle, le texte du présent projet de loi donne une place particulière aux structures et autorités de contrôle et de régulation de la concurrence et à la négociation interprofessionnelle pour résoudre les conflits d'intérêt qui, dans les faits, pèsent toujours, en fin de compte, sur le plan grand nombre, c'est-à-dire les consommateurs.
Il nous paraît cependant nécessaire de prévoir le cas où, notamment en l'absence d'aboutissement de la démarche de concertation, c'est l'intervention publique qui sera susceptible de répondre aux exigences de la situation.
C'est le sens de cet amendement que de proposer, dans le cadre des pouvoirs réglementaires de l'Etat, la mise en oeuvre éventuelle de dispositions exceptionnelles et adaptées à des situations de crise, permettant de préserver singulièrement la situation des producteurs, notamment des producteurs de denrées alimentaires, qui sont, de manière assez récurrente, les plus touchés par les distorsions de règles sur le marché.
Notre amendement tend donc à compléter en ce sens l'article L. 410-2 du code du commerce, anciennement article 1er de l'ordonnance de 1986, reprenant en cela les termes d'une proposition de loi déposée par notre groupe.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission ne partage pas la démarche de nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen. En effet, si l'on devait les écouter, on en reviendrait, de fait, à une économie administrée. (Mme Marie-Claude Beaudeau s'exclame.)
On rétablirait tout simplement une réglementation des prix, en tournant le dos à tout ce qui a été mis en pratique depuis 1986, car l'on ne pourrait évidemment pas se limiter à un secteur.
Si nos collègues ont raison de souligner les problèmes qui peuvent survenir dans le domaine des fruits et légumes, le texte de leur amendement est nécessairement de portée générale. Il faudrait donc recalculer, comme on le faisait peut-être autrefois, les coûts de production dans chaque branche et édicter une réglementation des prix pour l'ensemble des marchés.
La commission estime que ce n'est ni possible, ni raisonnable, ni souhaitable et elle émet donc, naturellement, un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Si je partage nombre de considérations de ses auteurs, je ne peux accepter l'amendement lui-même.
L'argument selon lequel il s'agit d'une procédure lourde et longue n'est pas opérant. Quand le dispositif a été mis en oeuvre - guerre du Golfe, cyclone Hugo -, il l'a été dans les quarante-huit heures. On n'obtiendrait pas par un arrêté interministériel une meilleure réactivité ou une plus grande efficacité. La dérogation à la règle fondamentale de la liberté des prix, qui doit rester exceptionnelle, ne peut, en tout état de cause, être prise que par décret en Conseil d'Etat.
Il n'est par ailleurs pas souhaitable de définir la situation anormale de marché, afin de ne pas restreindre l'emploi du dernier alinéa de l'article 1er. La circonstance évoquée dans la proposition d'amendement est, sans aucun doute, contenue dans la rédaction actuelle.
L'article L. 410-2 du code de commerce peut d'ores et déjà s'appliquer aux prix à la production. Ainsi, en 1989, le décret du 20 septembre, pris au lendemain du cyclone Hugo en Guadeloupe, avait fixé des limites aux prix de vente à la production de plusieurs produits, notamment alimentaires. Il est donc inutile de revoir sur ce point les termes de cet article.
Pour compléter le dispositif permettant de régler les difficultés conjoncturelles du secteur des fruits et légumes, une modification de l'article 71 de la loi d'orientation agricole a été présentée par le Gouvernement et votée en première lecture à l'Assemblée nationale. On la retrouve dans l'article 27 bis du présent projet.
Enfin, et accessoirement, la consultation de la commission des pratiques commerciales n'est pas adaptée au champ d'application de cet alinéa de l'article 1er, qui vise des situations très diverses. Les compétences de cette commission sont très spécifiques, et sa consultation systématique dans tous les cas de mise en oeuvre de l'article 1er alourdirait inutilement la procédure.
Je vous demande donc, si vous en êtes d'accord, monsieur Le Cam, de retirer l'amendement, puisque vous avez satisfaction, tout en réaffirmant le principe d'un usage mesuré de ces dispositions de l'article L. 410-2 du code de commerce. Sinon, je ne pourrai, bien sûr, qu'émettre un avis défavorable.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Le Cam ?
M. Gérard Le Cam. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 455 est retiré.

Article 27 A