SEANCE DU 17 OCTOBRE 2000


M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 189 est présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° 341 est déposé par M. Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Tous deux tendent à insérer, après l'article 18 bis , un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le deuxième alinéa de l'article 21 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les titres visés au dernier alinéa de l'article 19 duodecies de la loi du 10 septembre 1947, détenus directement ou indirectement par un organe central au sens de l'article 20 de la présente loi, ne sont pas pris en compte pour le calcul de la limitation à 50 % du capital des établissements de crédit qui leur sont affiliés, visée à l'article ci-dessus mentionné de la loi de 1947. »
Par amendement n° 329, MM. Deneux et Badré proposent d'insérer, avant l'article 18 bis , un article ainsi rédigé :
« Après le deuxième alinéa de l'article 21 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les titres visés au dernier alinéa de l'article 19 duodecies de la loi du 10 septembre 1947, détenus directement ou indirectement par un organe central au sens de l'article 20 de la présente loi, ne sont pas pris en compte pour le calcul de la limitation à 50 % du capital des établissements de crédit qui leur sont affiliés, visée à l'article ci-dessus mentionné de la loi de 1947. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 189.
M. Philippe Marini, rapporteur. L'objet de l'amendement de la commission est présenté de manière précise dans le rapport écrit. Nous y indiquons les raisons pour lesquelles il nous paraît indispensable d'assouplir le plafond d'émission de certificats coopératifs d'investissement et de certificats coopératifs d'associés dans les établissements de crédit coopératifs.
Nous insistons sur le fait que cet assouplissement permettra, notamment, au groupe du Crédit agricole de créer et d'introduire en bourse une entité cotée pour mieux assurer le financement de son développement. En fait, il s'agit d'une restructuration ne faisant pas perdre à ce groupe sa culture d'origine et son ancrage profond dans la réalité de nos départements : il pourra ainsi être présent sur les marchés et lutter, à armes égales, avec les autres groupes bancaires et financiers.
Il n'est pas simple, madame le secrétaire d'Etat, de concilier les particularités du droit de la coopération, la nature et la culture d'un réseau coopératif ou mutualiste avec ses ambitions en matière de développement international. C'est le souci de permettre au Crédit agricole d'opérer cette conciliation qui motive la présentation de l'amendement n° 189.
Au demeurant, d'autres groupes coopératifs ou mutualistes pourront, dans l'avenir, bénéficier de ces assouplissements. Ajoutons enfin que des réseaux de culture voisine ont adapté leurs structures différemment. Le groupe des banques populaires a ainsi pris le contrôle de l'ancien Crédit national, devenu Natexis, société cotée qui, dès lors, peut devenir le pivot du financement du développement de ce groupe.
Telles sont les raisons fondamentales, madame le secrétaire d'Etat, pour lesquelles nous souhaitons un assouplissement. Je n'entre pas dans l'explication technique des raisons pour lesquelles il faut modifier le plafond d'émission de certificats coopératifs d'investissement et de certificats coopératifs d'associés, car elles sont exposées dans le rapport écrit.
M. le président. La parole est à M. Dussaut, pour défendre l'amendement n° 341.
M. Bernard Dussaut. Les mêmes raisons ont amené le groupe socialiste à présenter un amendement identique.
M. le président. La parole est à M. Deneux, pour défendre l'amendement n° 329.
M. Marcel Deneux. J'ajoute aux propos de M. le rapporteur quant à l'esprit de ces amendements identiques qu'ils appartiennent à une série cohérente d'amendements que nous examinerons par la suite et qui visent à permettre aux groupes coopératifs d'évoluer.
Je décrirai en quelques mots le contexte, à l'intention des membres de notre assemblée qui seraient moins que d'autres au fait de la nécessité de l'évolution des banques coopératives.
Aujourd'hui, l'essor des nouvelles technologies et l'introduction prochaine de l'euro fiduciaire accélèrent la constitution d'un vaste marché européen des services financiers. Les acteurs bancaires s'y préparent en se restructurant à vive allure. Ils se sont renforcés sur leur base domestique et nouent tous des alliances avec d'autres acteurs européens. Cette problématique de restructuration vaut tout particulièrement pour les banques françaises dont la rentabilité est faible, je le rappelle, et qui ne peuvent guère l'améliorer en interne, compte tenu notamment du climat social de notre pays. En France, le rapprochement entre BNP et Paribas, la reprise du CCF par HSBC, l'échange de participations croisées et les partenariats noués entre la Société générale et la première banque espagnole, le BSCH, participent de ce mouvement de restructuration engagé à l'échelle européenne.
Qu'en est-il des banques coopératives ?
Le Crédit agricole, qui est le premier groupe coopératif français, est appelé à jouer un rôle dans ce mouvement, mais il apparaît nécessaire de remplir deux conditions pour lutter à armes égales avec les concurrents.
D'une part, il faut pouvoir lever sur les marchés des capitaux pour financer des opérations de croissance externe. Aujourd'hui, prendre 10 % d'un acteur bancaire européen moyen coûte entre 15 milliards et 20 milliards de francs. Le Crédit agricole dispose certes de fonds propres importants, mais ils atteindront vite leur limite.
D'autre part, il faut pouvoir échanger des titres liquides et représentatifs de son activité avec ses partenaires, car les alliances se nouent actuellement sur des bases de réciprocité.
Les contours de ce véhicule coté sont à peu près arrêtés.
La totalité du capital des filiales serait rattachée à la caisse nationale pour qu'elle porte clairement l'ambition de développement du groupe.
Elle détiendrait une part du capital des caisses régionales, sous forme de CCI sans droit de vote, pour pouvoir consolider dans ses comptes une juste proportion de leur résultat. Elle sera ainsi plus représentative de l'activité d'ensemble du groupe et mieux valorisée.
M. le rapporteur l'a rappelé, ce projet ne remet pas en cause les grands équilibres du Crédit agricole.
Il ne s'agit en aucun cas d'une démutualisation à la britannique, puisque la base coopérative du groupe, caisses locales et caisses régionales, demeure inchangée.
Les caisses régionales demeureront majoritaires dans le capital de la caisse nationale cotée et leurs participations seront portées par une holding leur permettant de s'exprimer d'une seule voix face au marché, et c'est ce qui est important.
Que peuvent en attendre les pouvoirs publics ?
Le Crédit agricole a fait la preuve, au cours des vingt dernières années, de sa capacité à évoluer dans le respect de ses grands équilibres. Il est ainsi sorti progressivement de l'agriculture ; il s'est développé dans l'urbain puis vers les entreprises ; il a conduit et réussi la mutualisation de sa caisse nationale. Or, aujourd'hui, le Crédit agricole est probablement le seul groupe bancaire français, avec BNP-Paribas, à pouvoir jouer un rôle dans l'Europe bancaire de demain.
M. Badré et moi-même estimons indispensable de favoriser cette évolution dans la perspective européenne. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement dont l'adoption permettra, nous en sommes convaincus, de jeter les bases de la construction d'un grand groupe coopératif. C'est nécessaire pour s'adapter à la dimension du marché qui s'ouvre.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. L'amendement n° 329 est, pour ainsi dire, identique à l'amendement n° 189 de la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. La modification proposée recueille l'accord du Gouvernement. Elle permettra d'accompagner les évolutions récemment engagées dans le monde bancaire, notamment les importants mouvements de restructuration qui peuvent conduire les organes centraux des groupes bancaires à disposer d'une participation au capital des banques qui leur sont affiliées.
Cette modification, limitée, ne porte pas atteinte à l'esprit des dispositions en cause, qui visent essentiellement à éviter tout risque de dilution excessif du capital des caisses régionales dans le public hors sociétaires.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est favorable aux amendements n°s 189 et 341.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 189 et 341, acceptés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 18 bis, et l'amendement n° 329 n'a plus d'objet.

Article 18 bis